Verdun serait-il possible aujourd’hui ?
JEAN-CLAUDE GUILLEBAUD, JOURNALISTE, ÉCRIVAIN ET ESSAYISTE
CRÉÉ LE 24/05/2016 / MODIFIÉ LE 25/05/2016
Le centenaire de la bataille de Verdun qui fit 300.000 morts sera officiellement célébré dimanche (le 29 mai) par François Hollande et Angela Merkel. Cet anniversaire survient au terme d’une longue série de violences. Il sonne comme un rappel au moment où notre vieux continent paraît déchiré à nouveau par la guerre, après 70 années de paix relative. Dans ce climat de peur et de désarroi, peut-on trouver encore de vraies raisons d’espérer ?
Je crois que oui. L’espérance à laquelle je pense va bien au-delà des traditionnels vœux de « réconciliation européenne » que prononceront Merkel et Hollande, comme l’avaient fait en leur temps De Gaulle et Adenauer, puis Mitterrand et Kohl. Au-delà de cette réconciliation historique, et au moment où l’Europe doute tragiquement d’elle-même et se recroqueville face aux migrants, je voudrais suggérer une autre approche.
Je le ferai avec toute la prudence requise. La violence reste imprévisible comme toutes les passions mauvaises. Hantés par cette sauvagerie qui paraît faire retour, nous oublions un détail. Il est tellement recouvert par le déluge d’images et le vacarme médiatique que nous ne le voyons pas. Il tient en ceci : notre refus de la violence n’a cessé de se fortifier. Les termes que nous utilisons pour évoquer les boucheries de Verdun, ce suicide franco-allemand en qui le philosophe Gershom Scholem voyait « le tombeau de l’Europe », témoignent d’une profonde métamorphose de notre sensibilité.
À ceux qui en doutent, je propose quelques pistes de réflexion, tirées de mon expérience de correspondant de guerre. Au sujet de l’Irak, le bilan de l’intervention décidée en 2003 par George W. Bush, parti follement en « croisade » contre « l’axe du mal », fut très lourd. En onze années d’une guerre absurde, l’Amérique a perdu 4888 GI’s, auxquels s’ajoutent 3000 contractors (sous-traitants militaires américains). Les pertes civiles, quant à elles, ont dépassé 200.000 morts.
L’Amérique entière, comme l’Europe, a été bouleversée par le coût humain de cette guerre, non seulement inutile mais aux conséquences lointaines effrayantes. Or, 38 ans plus tôt, une autre guerre inutile, celle du Vietnam (1965-1975), a coûté à l’Amérique 58 000 soldats avec des pertes civiles dépassant deux millions de morts. Les pertes de l’Irak furent donc douze fois moins lourdes, mais provoquèrent la même émotion que celle du Vietnam.
Autre exemple. En novembre dernier, nous avons été révulsés – à juste titre – par les 130 victimes des tueurs djihadistes du Bataclan et des environs. Un commentateur (Gilles Kepel) a même titré un de ses livres, de façon racoleuse, Terreur dans l’Hexagone. Or, en 1941, les bombardements de la Luftwaffe sur Londres faisaient plusieurs centaines de morts par nuit, sans que jamais les Londoniens ne soient « terrifiés ».
Face à la violence, notre sensibilité n’est plus la même. Pourquoi ? Le philosophe René Girard y voyait un effet progressif de ce qu’il appelait le « ferment évangélique ». Gardons-nous du prosélytisme et parlons d’un progrès humain. J’ose y voir une magnifique raison d’espérer.
http://www.lavie.fr/debats/bloc-notes/v ... 39_442.php
OUI 1914 ,on n'a pas fini d'en parler.