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Foi bab'ie et Bayans
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Foi bab'ie et Bayans
Ecrit le 28 sept.15, 11:37Unir l'humanité. Un seul Dieu. Les grandes religions de Dieu. Femmes, hommes sont égaux. Tous les préjugés sont destructeurs et doivent être abandonnés. Chercher la vérité par nous-mêmes. La science et la religion en harmonie. Nos problèmes économiques sont liés à des problèmes spirituels. La famille et son unité sont très importantes.
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Re: Foi bab'ie et Bayans
Ecrit le 30 sept.15, 10:22Le Bayan est le livre saint de la religion babie. Décrit par Baha'u'llah comme étant « un livre lumineux », le Bayan est un ouvrage qui donne aux croyants les clés de la compréhension du Saint Coran, et qui dispense des lois pour préparer la société à un événement prochain : la venue d'une figure messianique, Celui que Dieu doit Manifester. Écrit entre 1847 et 1848 alors que le Bab était emprisonné à Makou, ville située à l'actuelle frontière entre l'Iran et l'Azerbaïdjan, il existe sous deux versions, toutes deux laissées volontairement incomplètes : le Bayan Persan, qui décrit en détail les enseignements et les lois du babisme, et le Bayan Arabe, plus court, qui résume et complète le Persan.
D'un point de vue strictement personnel, je trouve le Bayan remarquable. Il apporte des explications subtiles, claires, inédites et puissantes sur la nature des religions, de la prophétie et des Saintes Écritures, et il ne fait aucun doute que ce texte a transformé en profondeur ma vision du monde religieux et ma lecture du Coran.
Cependant, ce livre me choque. Je le trouve rempli de lois odieuses sous lesquelles n'accepterait de vivre aucun humain sain d'esprit. La société que le Bab a vu dans son esprit est une grande communauté, unie par l'amour du prochain et une révérence inédite pour Dieu. Mais les sacrifices à consentir pour parvenir à cet état social sont immenses, et d'emblée, chacun affirmera que le prix à payer est trop élevé.
Pendant les douze siècles d'islam qui ont précédé le ministère du Bab, de nombreux peuples ont été régis par la charia dispensée dans le Coran. Il s'agissait alors de lois sûres, permettant la stabilité des individus, des familles et des nations, y compris dans des sociétés violentes. Les principes légaux étaient simples, et leur application nuancée et complexe, mais il est indéniable que la grandeur des lois islamiques n'avait d'autre but que de faire progresser les anciennes sociétés tribales de l'Arabie vers un état social où la faim, l'hérésie, la malhonnêteté et les privilèges étaient menacés par la lumière de la justice et de la solidarité.
Peut-on dire que la charia du Bayan avait pour but de rétablir l'ordre dans la société persane, marquée par le désordre ? Peut-être. Mais les principes sur lesquels se fondent la société bayanie sont tout autres.
Il s'agit d'abord pour le Bab de purifier la terre de Perse. Dans le monde du Bayan, l'esprit de la Manifestation provoque une collision entre le monde spirituel et le monde de la matière, et un équilibre invisible a été brisé par la mécréance des hommes. Le Bayan ordonne alors une série de directions pour contraindre le monde de la matière et des hommes dans une forme propice à l'adoration de Dieu et à la compréhension de son Unité.
Dans un second temps, il fige la société dans un état social tel que toutes les conditions, même les plus infimes, soient réunies pour accueillir la venue sur Terre d'un nouveau Messie.
Enfin, le Bayan permet aux croyants de vivre au quotidien la Science de l'Unité de Dieu – le tawhîd – qui s'articule autour d'obscurs principes ésotériques faisant intervenir la numérologie, la talismanique, et les prières rituelles.
Beaucoup d'affirmations fusent sur internet. La propagande baha'ie décrit le Bayan comme étant un livre empli de réformes modernes et conformes à la société contemporaine, soulignant par exemple le statut protecteur dont jouissent les animaux dans le Livre, ou l'abolition qui y est faite des mauvais traitements contre les enfants.
A l'inverse, les activistes chiites qui veulent diaboliser le mouvement Baha'i présentent le Bayan comme un texte conquérant, ordonnant le sac des lieux saints non-babis et l'autodafé des livres des infidèles, et ceux-ci y glissent en outre une part de mensonges, affirmant notamment que le texte admet la réincarnation, ou ordonne aux femmes d'écrire des versets sur leur poitrine avec la semence de leurs époux. D'autres musulmans opposés au bahaïsme voient le Bayan comme un texte conçu pour miner la religion islamique, et rendre les convertis favorables à une invasion de l'Occident, reproche également adressé au Kitab-i-Aqdas.
A la vérité, aucune de ces propositions ne rend compte correctement de la réalité du Bayan. Il m'a donc paru bon de relire celui-ci afin de compiler un condensé de ses lois et principes sous une forme facilement accessible, afin que le lecteur peu instruit en matière de bahaïsme se fasse sa propre opinion, bien que – et j'insiste sur ce point – ce résumé imparfait ne saurait remplacer la lecture du Livre lui-même, d'autant plus que ce résumé n'évoque rien de l'aspect le plus fondamental du Bayan : sa théologie, et ses arguments justifiant d'une religion nouvelle.
J'invite donc le lecteur à en lire la traduction en français de ALM Nicolas, la seule traduction complète à ce jour du Bayan dans une langue occidentale.
I. La conquête
La mission donnée au Peuple du Bayan est d'étendre leur religion à la Terre entière. Dans l'idéal, tous les hommes devraient embrasser la nouvelle foi. Ainsi, chaque croyant au Bayan possède un devoir de prosélytisme.
Le Bayan enjoint tous les croyants à être instruits dans leur religion, à connaître ses textes, et à mémoriser l'ensemble des écrits du Bab. Car partout où ils vivent, il leur est obligatoire de prêcher les infidèles, et de les convaincre de la vérité de la Manifestation du Bab et de la suivante. Cependant, les babis ne peuvent argumenter qu'à partir de deux éléments : les versets du Bayan, et l'impossibilité pour les hommes d'en produire de semblables (ce qui suppose leur origine divine). Et il est tellement important de suivre cette dernière instruction que le Bayan demande aux fidèles de relire la « porte » (le chapitre) contenant cet ordre tous les 19 jours, et « d'y réfléchir jour et nuit ».
Mais dans le Bayan, les principaux artisans de l'expansion de la foi, ce sont les sultans. Ceux-ci doivent convertir les infidèles par tous les moyens. La seule limite qui leur est imposée est celle de la violence : on ne convertit pas par la peur ou par l'épée.
Les incroyants à qui l'on a présenté tous les arguments en faveur de la nouvelle religion ont le devoir de l'accepter. S'ils échouent à reconnaître le Promis de l'islam, ils sont considérés comme impurs, et jouissent d'un traitement sévère, car aux dires du Bayan ils ne devraient même pas avoir « le droit de respirer » hors de la religion babie.
Ainsi, cinq provinces de Perse leur sont interdites : l'Azerbaïdjan, le Khorasan, la terre de Fars, les deux Iraq et le Mazandéran. Il ne doit plus subsister un seul infidèle dans ces terres d'élection divine, car leur présence pourrait incommoder Celui que Dieu doit Manifester.
En outre, à chaque fois que les Babis deviennent majoritaires dans une ville (et donc, chaque fois que, dans une ville, la vérité de la foie bayanie devient évidente), les infidèles doivent être expulsés, et leurs biens saisis, mais sous certaines conditions très clairement définies. En premier lieu, seul le sultan peut procéder à des expulsions et des saisies de biens, ce qui prévient donc les pogroms populaires. Secondement, ces expulsions ne doivent pas s'opposer à l'intérêt des croyants (par exemple si cela blesse l'économie locale). Enfin, les Babis doivent représenter plus de la moitié de la population de la ville pour que commencent les expulsions. Le Bayan précise également que les biens saisis aux infidèles qui se convertissent par la suite doivent leur être restitués.
Une fois la ville vidée de ses habitants non-Babis, les lieux de cultes antérieurs au babisme doivent être démolis, et les richesses qui s'y trouvent, l'or en particulier, doivent venir orner les lieux saints du babisme.
Les biens saisis aux infidèles hors des lieux de culte reviennent, pour les plus précieux et les plus exceptionnels d'entre eux, au Bab, à moins que celui-ci ne soit mort, auquel cas ces biens seront revendus et le produit de la vente donné aux négociants, qui doivent faire prospérer l'argent pour que fructifie l'économie de la nation babie. Une partie de ces biens revient également aux conquérants du pays, qui se chargent de les redistribuer aux pauvres, et en gardent une partie pour eux-mêmes. Tout le reste ira rejoindre les lieux saints du babisme pour enrichir leurs sanctuaires.
Dans les villes et villages où le babisme est encore minoritaire, les infidèles sont aussi frappés par des sanctions. Les babis ont reçu l'interdiction formelle de leur adresser la parole, de s'asseoir en leur compagnie, de se lier d'amitié avec eux, ou même de se marier avec eux. Les consignes du Bayan sont claires : il faut ignorer les infidèles. De plus, si dans un couple d'infidèles un des époux embrasse le babisme, et pas l'autre, les conjoints doivent divorcer sur le champs.
Cependant, parmi les infidèles, un traitement de faveur existe pour les négociants, et en particulier les marchands occidentaux, qui enrichissent la Perse par le commerce. Il faut les laisser en paix. Les bayanis ne doivent pas spécialement chercher à les convertir, et ceux-ci peuvent plus ou moins librement circuler et s'affairer dans les cinq provinces frappées d'interdit. D'ailleurs, les babis ont tout à fait le droit de faire affaire avec eux. Business is business.
II. Le culte
A.Pratiques spirituelles
La journée ordinaire du babi est sans cesse entrecoupée de dévotions nombreuses et répétitives. Comme les musulmans, ils doivent d'abord prier plusieurs fois par jour à heure fixe, mais le Bayan ne nous précise pas quelles sont ces prières, ajoutant toutefois que la plus importante est celle du midi (la salat adh-dhouhr). Les prières sont orientées vers le corps du Bab.
Ces prières sont strictement individuelles, car la prière collective a été abolie. En effet, que se passerait-il si, au moment où Celui que Dieu doit Manifester apparaît, des fidèles prêts à recevoir la nouvelle révélation priaient derrière des imams ou des pirs s'opposant à Lui ? Le Bab voit en effet dans la jama'at (la prière de groupe) un danger pour la religion à venir, dans la mesure où l'autorité des imams peut faire faillir le cœur des croyants, alors que l'individualité brise le lien de dépendance à une autorité spirituelle, facilitant d'éventuelles conversions.
Parallèlement à ces prières, la journée est divisée en cinq parties. Dans chacune de ces parties, il faut que les fidèles fassent le azan, une déclamation de versets et de prières, dans un endroit élevé de sorte à ce que tout le monde le puisse entendre. Les fidèles qui sont muets doivent donner 95 unités de sucre « de qualité extra » à quelqu'un faisant le azan pour compenser leur handicap.
Mais les dévotions quotidiennes ne s'arrêtent pas là. En effet, pour chaque jour de chaque mois, il y a une série de 95 mentions de Dieu à effectuer avec des chapelets, rituel qui a été repris de manière simplifiée dans le bahaïsme. De plus, il y a dix-neuf versets à réciter quotidiennement. Mais les bayanis ne se contentent pas de prière. Il leur est aussi enjoint de lire 700 versets du Bayan chaque jour.
Pour être constamment équipés en appareils de sainteté, il doivent également porter en permanence sur eux trois objets : un tableau de 2001 cases contenant toutes les noms de Dieu, un bréviaire personnel contenant mille versets du Bayan sélectionnés au choix par le croyant et qu'il doit lire en partie chaque jour, et une bague de cornaline rouge portant l'inscription « Dieu est la Vérité, et en vérité, autre que Dieu est sa créature, et tous, nous sommes des adorateurs de Dieu ». Quant aux enfants, ils doivent porter, sous forme de collier, une amulette contenant 2001 mentions de Dieu.
Pour terminer, il faut tous les jours remplir une rangée de cases d'un tableau en comportant dix-neuf sur dix-neuf avec les noms de Dieu.
Le Bayan est donc très clair à ce sujet : il faut mentionner Dieu en permanence. Ainsi, il ordonne aux babis, en plus de toutes ces dévotions, de faire la zikr (la répétition des noms de Dieu) en permanence, que ce soit à voix haute, ou en silence, dans son cœur.
On voit donc par là que le Bayan impose une vie religieuse très contraignante à ses fidèles, mais c'est sans compter sur les jours spéciaux qui rajoutent encore plus de contraintes.
Le vendredi tout d'abord. C'est à la fois, dans la semaine d'un babi, un jour de repos et un jour sacré. De fait, aux activités quotidiennes s'ajoutent une série de 202 mentions de Celui que Dieu doit Manifester et des Lettres du Vivant (les disciples des prophètes), en plus de versets à réciter spécifiquement pour le vendredi.
Il existe trois grandes fêtes dans une année bayanie.
La fête du Tahavil correspond à l'entrée dans le signe du Bélier. Ce jour-là, dans chaque maison ou palais, il faut préparer à manger entre 19 et 2001 plats différents. C'est un moment de réjouissances partagé par tous, où l'on arrête le travail pour profiter de ses proches.
Pour le peuple du Bayan, il convient également de célébrer les jours anniversaires de la naissance et de la mort du Bab. Pour l'occasion, les fidèles doivent répéter 95 fois, à un moment de la journée : « Dieu est le plus haut. »
L'année comporte également quatre mois (de dix-neufs jours) consacrés à Dieu ou à son prophète.
Le mois de Ala, le dernier de l'année, est marqué par un jeûne semblable au Ramadan. Tous les croyants, entre l'âge de 11 et 42 ans, doivent s'abstenir de manger ou de boire, entre autres choses, entre le lever et le coucher du soleil. Avant 11 ans, les enfants doivent jeûner du lever du soleil jusqu'à midi. Après 42 ans, le jeûne n'est plus obligatoire. On remarquera au passage qu'il est excessivement difficile de jeûner lorsque l'on a que 11 ans !
Un autre mois de l'année, qui n'a pas semblé précisé, comporte un vœu de silence. Ce mois-là, le croyant ne peut ouvrir la bouche que pour mentionner Dieu.
Le dernier mois ne concerne que les hommes de vingt-neuf ans ou plus vivant près de l'endroit où le Bab a été battu par les fanatiques musulmans. Ils ont pour devoir de passer le mois à cet endroit pour y faire la « purification de Dieu ». Ceux qui ne peuvent pas se déplacer doivent le faire chez eux.
Le Bayan nous parle enfin d'un pèlerinage annuel de dix-neuf jours sur la « terre des martyrs », que l'on peut lui aussi passer en prières depuis chez soi si l'on ne peut pas se déplacer.
Les croyants sont, pour terminer, enjoint de rédiger, tous les 19 ans, un traité argumentant de religion à l'adresse de Celui que Dieu doit Manifester.
B. Pèlerinage et lieux saints
Parmi les obligations qui incombent aux croyants, il y a celui du pèlerinage, au moins une fois dans sa vie, à la maison du Bab. (Les femmes en sont dispensées.)
La maison natale du Bab, à Chiraz, dans le sud de l'Iran est le premier lieu saint du babisme. Elle a été détruite par les autorités révolutionnaires dans les années 1970 et transformée en quelque chose comme une place sans intérêt, afin d'effacer de l'histoire de la Perse « l'hérésie babie ». Mais aux yeux des fidèles, c'est l'un des endroits les plus sacrés du monde qui a été détruit, car pour eux cette maison était aussi précieuse, sinon plus, que la Grande Mosquée de la Mecque et sa Kaaba. En effet, c'est à cet endroit que, pour la première fois depuis l'Hégire, Dieu s'est manifesté parmi les hommes. La maison, toutes les structures attenantes, et la terre qui les supporte sont sacrées, et se trouver en leur présence rapproche les fidèles du divin et des phénomènes mystérieux découlant de la prophétie.
La Maison du Bab - extérieur.
Tous les bâtiments autour de la Maison appartiennent à Dieu, et ne peuvent être ni achetés ni vendus. Les personnes qui y habitaient et travaillaient sont priés de partir, car le lieu n'est pas ordinaire, et doit faire l'objet de travaux. Le lieu est ensuite gardé par les serviteurs des quatre colonnes, qui assurent l'entretien du lieu et supervisent le pèlerinage.
Avant d'entrer dans Chiraz, le pèlerin se prosterne devant la porte de la ville, en signe de respect. Il se présent ensuite devant chacune des quatre colonnes, la blanche, la jaune, la verte et la rouge, pour verser leur dû aux gardiens du lieu : 4 miscals d'or. Cependant, les gardiens n'ont pas le droit de réclamer cet argent. En outre sont exemptés les enfants, les esclaves, les serviteurs, les pauvres et ceux qui ont été détroussés en chemin. L'argent sert à entretenir la Maison et à accueillir les pèlerins.
Le Bayan commande aux pèlerins de ne pas se disputer entre eux, car la discorde et la violence, même verbale, sont vues comme de grands méfaits. Aussi, il n'est pas possible aux fidèles d'effectuer un pèlerinage au nom d'un défunt.
Maison du Bab - intérieur.
Mais effectuer un pèlerinage est dangereux, car les routes sont peu sûres, et le Bab le sait. L'histoire du pèlerinage à la Mecque est marquée par les plus terribles incidents : brigandage, naufrages, déshydratation...
Or, nul croyant de doit être contristé en remplissant ses obligations. Ainsi, le Bayan ordonne aux croyants de ne pas accomplir le pèlerinage si les conditions les plus optimales de confort et de sécurité ne sont pas réunies pour le voyage, ou si ceux-ci ne disposent pas des moyens financiers nécessaires. De plus, les croyants qui doivent venir par bateau, à cause du fait qu'ils habitent sur une île ou un autre continent, sont exempts du pèlerinage.
A vrai dire, le Bayan interdit même le voyage tout court, à trois exceptions près : on peut voyager pour les pèlerinages, pour venir en aide à quelqu'un, ou pour faire du commerce. Le voyage n'est obligatoire que si se manifeste le Promis du babisme, et alors tous les croyants doivent venir à lui, dussent-ils se mettre en danger pour ce faire.
Le Bayan prend d'autres dispositions pour assurer la sécurité et le confort des voyageurs. A bord des bateaux, les passagers s'installent dans les cabines avant le capitaine, et celles-ci ne sont pas placées sur les bords du navire pour éviter que le tangage n'indispose les passagers. Mais dans la mesure du possible, il faut tout faire pour ne pas avoir à embarquer sur un bateau.
Quant aux familles des voyageurs, restés à la maison, le Bayan les prend en considération. Le voyageur ne peut pas prolonger un voyage. S'il le prolonge, sa famille doit venir avec lui. Au total, un voyage ne peut pas durer plus de deux ans entre le moment du départ et du retour, et pas plus de cinq ans si c'est un voyager par mer. En cas d'infraction à cette loi, le voyageur devra, à son retour, verser une amende de 202 miscals d'or ou d'argent – selon ses moyens – à sa famille, pour compenser son absence.
D'autres lieux saints comprennent les 19 grands Mausolées dans lesquels sont enterrés respectivement le Bab et les 18 Lettres du Vivant, parmi lesquelless Mulla Husayn, Baha'u'llah, la poétesse Tahirih et Subh-i-Azal. Ces tombeaux vénérés sont des lieux de refuge et de pardon pour les gens du Bayan. Tout l'argent fait sur ces lieux ne peut être dépensé que pour leur ornement ou leur entretien.
Il y a enfin la demeure dans lesquels résident chacun des ces illustres personnages. La Maison du Bab est entourée de tours « les plus hautes possibles », finement ouvragées, et la demeure en elle-même comprend 95 portes, alors que la demeure des Lettres ne doivent pas avoir plus de cinq portes.
III. Us et coutumes
A.Famille
Le Bayan souligne l'importance de l'amour dans les relations familiales. Le devoir des parents est de procurer le plus d'amour possible à leurs enfants. Aussi doivent-ils les prendre en charge jusqu'à 19 ans, et s'en occuper encore après si ces enfants sont démunis et pas les parents. En retour, les enfants doivent prendre soin de leurs parents jusqu'à leur mort, et en particulier si ces derniers sont sans moyens.
Quelqu'un élevé dans une famille peut regarder les membres de sa famille du sexe opposé et leur parler.
B. Civilité
Les hommes saluent en disant « Allahu Akbar », et répondent aux salutations en disant « Allahu Ezeem ». Les femmes saluent en disant « Allahu Abha » et répondent aux salutations en disant « Allahu Edjmel ». Les hommes et les femmes ont le droit de se parler s'ils ont une affaire en commun, mais il est préférable que leur conversation ne dépasse pas 28 paroles.
Quand un croyant reçoit, il doit faire preuve de beaucoup de déférence à l'égard de son invité, et les gens de la maison doivent se pousser pour lui laisser une place. En outre, il faut construire des maisons avec des plafonds suffisamment hauts pour que les grandes personnes puissent y circuler sans se courber.
Les croyants doivent rembourser leurs dettes le plus rapidement possible. Quand on leur écrit une lettre, ou qu'on leur adresse une question, ils sont dans l'obligation de répondre, sans se faire attendre. De même, ils n'ont pas le droit de déchirer les lettres écrites par autrui.
Il est strictement interdit de railler un autre croyant. Est également illicite le fait de lire les écrits d'une autre personne et les livres en sa possession sans sa permission.
C. Sociabilité
L'amitié est conditionnelle de la pureté de la religion. Les croyants n'ont donc pas le droit de fréquenter de infidèles. En revanche, chacun d'entre eux doit posséder 18 amis dans la religion du Bayan, afin que le jour où se manifeste le Successeur du Bab, la nouvelle révélation se répande par capillarité à travers le tissu social, petit groupe d'amis par petit groupe d'amis. En outre, les bayanis n'ont le droit de fréquenter que des gens du même rang sociaux qu'eux-mêmes : les aristocrates avec les aristocrates, les bourgeois avec les bourgeois, et les pauvres avec les pauvres, rendant ainsi compte d'une société stratifiée de manière on ne peut plus rigide.
Tous les 19 jours, les bayanis doivent inviter chez eux 19 personnes. S'ils ne le peuvent, qu'ils offrent alors au moins un verre d'eau à 19 personnes.
Dans les grandes réunions, il faut toujours laisser 19 places vacantes, dans l'éventualité où Celui que Dieu doit Manifester se présente, accompagné de ses 18 apôtres. Si cela n'est pas possible, alors une place vacante suffira.
Le Bayan ordonne également aux croyants de s'asseoir sur des chaises et des canapés (le temps passé assis sur une chaise n'est pas comptabilisé par Dieu dans la vie du croyant), et de ne jamais monter sur des estrades ou des minbars, ce qui met tout le monde au même niveau dans les réunions, hommes comme femmes. Chacun doit se lever chaque fois qu'il est fait mention de Celui que Dieu doit Manifester.
D. Taxes
Chaque fois qu'un croyant réunit une unité de 100 miscals d'or, 19 reviennent aux Lettres du Vivant. S'il n'y a plus de Lettres en vie, l'argent revient à leurs enfants, et s'il n'y a pas de descendants, il faut en faire dépense dans un mariage. Chaque fois qu'un croyant réunit une unité de 6005 miscals, 95 reviennent au Bab.
E. Traitement des animaux
Le Bayan met en évidence que chaque vie, si infime soit-elle, est précieuse, et se doit d'être respectée. Ainsi, il faut traiter les bêtes de somme avec délicatesse, et il n'est pas permis de les monter sans étriers ni bride. De plus, il ne faut pas trop les charger. Il n'est pas permis de monter ou de charger les bœufs.
Chaque fois qu'un croyant met à mort un animal, il doit prononcer une mention rituelle.
F. Autres
Sont considérés comme haram :
_l'asa fétide, une plante à l'odeur de souffre susceptible d'indisposer les croyants.
_le tombac, un alliage de cuivre et de zinc.
_l'opium, drogue très répandue dans la société persane et qui engendre beaucoup de dégâts.
_les boissons fermentées, qui provoquent l'ébriété.
_les médicaments. Oui, les médicaments.
Le port d'armes est également interdit, sauf pour les marchands d'armes. Le jihad permet une exception à cette règle.
Les croyants doivent renouveler leurs ustensiles tous les 19 ans. Tous doivent posséder, sous peine d'amendes, des beaux cristaux, en plus grand nombre possible.
Le Bayan enjoint également les croyants hommes à calligraphier des versets du Bayan sous forme de haykal (ce qui peut se traduire par « temple »), des étoiles à cinq branches étirées vers le bas et qui représentent la forme humaine, tandis que les croyantes doivent composer des daira (traduction des « cercles »), une figure composée de cinq cercles concentriques, avec les mots de leurs choix, afin de faire rayonner leurs paroles et leurs espérances. Le Livre recommande également aux fidèles de se faire tatouer des versets sur la poitrine.
Haykal de la main du Bab.
Daira de la main du Bab.
Dernière loi civile, et pas des moindres, le calendrier : l'année est divisée en 19 mois de 19 jours.
IV. Le mariage
Les croyants au Bayan ont l'obligation de se marier, et l'objectif du mariage est la procréation. Chaque couple devrait engendrer des fruits, c'est-à-dire des futurs adorateurs de Dieu. D'ailleurs, si les époux n'arrivent pas à concevoir un enfant, le Bayan les invite fortement à divorcer pour qu'ils puissent avoir une progéniture avec un autre partenaire.
L'ordre du mariage est tellement important que, dans la religion bayanie, il est ordonné que les enfants soient mariés dès l'âge de 11 ans, et que les hommes veufs ont 90 jours pour se remarier, tandis que les veuves en ont 95, sous peine d'amende. Bien entendu, le mariage inter-religieux est parfaitement prohibé.
La dot est fixée au minimum à 19 miscals d'or ou d'argent (selon que l'on habite en ville ou à la campagne) et au maximum à 95 miscals d'or ou d'argent. Dès le versement de la dot, les époux peuvent se rejoindre. Mais si la dot est inférieure ou supérieure au montant prescrit par le Bayan, le mariage est considéré comme nul. Après que la dot ait été versée, les fiancés doivent réciter des versets au cours d'une cérémonie de mariage, puis signer un contrat en bonne et due forme.
Le divorce est permis à l'issue d'une période de réflexion d'un an, et requiert le consentement des deux partenaires. Si le couple parvient à se réconcilier, ils doivent patienter pendant un mois d'abstinence avant de reprendre leurs relations sexuelles.
Les relations sexuelles ne sont permises, dans le babisme, qu'entre un homme et sa femme. La semence des hommes n'est plus considérée comme impure, car elle porte les germes de la vie d'un futur croyant. Ainsi, après chaque éjaculation volontaires, les hommes doivent ou bien réciter 19 versets spécifiques, ou bien se plonger dans de l'eau en glorifiant Dieu pendant leur toilette. La masturbation et les pollutions nocturnes sont pardonnées.
V. La mort
Le premier aspect essentiel de la mort que couvre le Bayan consiste dans l'héritage. Chaque croyant doit rédiger un testament avant sa mort, et ses seuls légataires possibles sont : ses parents, ses frères et sœurs, ses enfants, son conjoint et son professeur. La part d'argent qui est réservée à chacune de ses personnes est précisément définie dans le Livre, et ressemble beaucoup aux ordonnances du Kitab-i-Aqdas, à ceci près que les parts varient entre les deux Textes. Le testamentaire doit également léguer à ses héritiers 19 feuilles de papier de grande qualité, et 9 bagues de cornaline rouge gravées d'un nom de Dieu.
Le croyant rédige également un deuxième testament, attestant de l'unicité divine, et racontant l'histoire de sa vie, que les héritiers doivent faire parvenir à Celui que Dieu doit Manifester le jour où il apparaît. Les héritiers ont en effet une responsabilité importante, puisque le jour où se manifestera le Promis du babisme ils doivent lui apporter les comptes de la vie de leurs ancêtres, car chaque Manifestation de Dieu est la balance du Jugement Dernier, qui mesure les actions des hommes. A cet effet, ils doivent également lui transmettre un ouvrage rapportant les bonnes et mauvaises actions accomplies par leur ancêtre, et un livre de compte des mois vécus dans sa vie. Si ce dernier document n'a pas été rédigé par le testamentaire pour une raison quelconque, les héritiers doivent s'en charger pour lui. Ainsi, Celui que Dieu rendra Manifeste aura entre les mains les comptes de tous les hommes ayant grandi dans la foi du Bayan, et pourra recueillir les fruits de la Manifestation précédente – celle du Bab.
Lorsque le croyant meurt, sa dépouille doit être lavée. Le lavement du corps, effectué par une personne connue pour sa grande piété, est méthodique : chacune de ses parties est lavée dans un ordre précis, et sur chacune d'elle est récitée une mention rituelle. On lui glisse ensuite une bague au doigt portant une inscription attestant de la foi du défunt, et qui varie selon qu'il s'agit d'un homme ou d'une femme. Le corps est ensuite mis dans un linceul blanc et porté en terre, dans un cercueil de cristal. S'il ne peut être de cristal, qu'il soit de marbre, ou de bois, ou de pierre. On jette alors sur le cercueil une poignée de poussière du tombeau du Bab, et on le recouvre de terre. Les rituels funéraires sont importants, car il faut veiller à ce que le mort ne se sente pas effrayé et jouisse d'un grand confort dans sa dernière demeure.
L'enterrement est accompagné par une prière pour le défunt : la communauté se rassemble et prie ensemble. Pendant le deuil, il est interdit de se déchirer les vêtements ou de se frapper la poitrine ou le visage. Après l'enterrement, il faut venir se recueillir une fois par mois sur le tombeau du mort pour y réciter des prières et y allumer une bougie.
Si un enfant meurt en couche, on doit le soustraire immédiatement à ses parents pour que ceux-ci ne se lamentent sur la vue de son corps.
VI. Le travail
Dans le Bayan, la mendicité est rendue illicite. Les bayanis ne doivent donc pas faire l'aumône aux mendiants. Chacun doit s'employer à avoir une vie active, utile pour la société.
Dans chaque chose que le croyant réalise, il doit l'amener à sa perfection. Par exemple, des travailleurs construisant une maison doivent la rendre sans défauts, et même l'enjoliver. En outre, tous les produits issus de l'industrie doivent porter la mention du Bayan. Le Bayan ordonne également la séparation des industries ; à chaque bâtiment son corps de métier.
Le Bayan rend obligatoire aux croyants d'honorer leurs contrats. Les contrats sont considérés comme valides dès leur application effective, plutôt qu'à leur ratification. Quand un bayani fait un prêt à un autre bayani, celui-ci doit prendre en compte la variation des taux d'intérêt, afin de ne pas rendre le prêt injuste.
VII. Crimes et châtiments
Le système pénal du Bayan repose principalement sur l'idée de compassion et de non-violence. « Aucune dévotion n'est plus plaisante aux yeux de Dieu que le bien qu'une âme en fait à une autre », nous dit le Texte. Par ailleurs il affirme : « Ne faites pas à autrui ce que vous ne voulez pas qu'on vous fasse à vous-même. » Ainsi, tout ce qui est cause de tourment pour un être humain ou un animal est honni, et réprimandé par le Bayan plus que par aucun autre texte de la littérature Abrahamique. Attrister quelqu'un, lui manquer de respect, le battre ou le voler, est digne d'un châtiment sévère ! Plus loin, le Bayan nous dit, par rapport à ce devoir d'amour, que les récompenses et les châtiments qui y sont attachés, sont doubles pour les femmes, dont la force d'amour est naturellement supérieure à celle des hommes de par leur instinct maternel.
Cette considération que les bayanis doivent porter à leur prochain se double de la possibilité omniprésente que le Promis annoncé par le Bab se trouve déjà parmi eux ! Celui-ci possède un statut si immense aux yeux de Dieu qu'il est préférable que, partout où il tourne son regard, il ne voit que des choses qui lui plaisent. Or, si cette figure prestigieuse venait à être, de son vivant, offensée, voire emprisonnée, molestée, raillée et combattue de toute part, alors toutes les bonnes œuvres de la communauté s'anéantiraient aux yeux du Très-Haut. Le Peuple du Bayan est comme un vaste palais dans laquelle se cache son souverain parmi les gens de la maison. Donc, tant que perdure l'ignorance de sa personne, le comportement des croyants doit être exemplaire !
Pour imprimer dans l'esprit de ses disciples de bonnes attitudes en matière de prévention de crime et de civilité, le Bab a prévu deux ressorts punitifs en cas d'infraction : le paiement d'une lourde amende, et une période d'abstinence (on sait que les babis sont tous mariés dès 11 ans et qu'ils ne restent pas veufs plus de trois mois).
Les crimes traités par la jurisprudence babie sont donc les suivants :
_Le reniement d'un croyant par un autre, puni d'une amende de 5 miscals d'or pour Celui que Dieu doit Manifester.
_Le « tourment » qu'inflige un croyant à qui que ce soit. Il est puni d'une amende de 19 miscals d'or ou d'argent selon ses moyens à verser à la victime. Si le coupable est très pauvre, il doit implorer 19 fois la clémence divine, et on lui donnera tout le temps dont il a besoin pour réunir cette somme. Si la victime pardonne à la personne qui l'a offensée, l'amende lui est remise.
_Dérober quelqu'un, lui déchirer ses vêtements, lui arracher ne serait-ce qu'un seul de ses cheveux ou le frapper, sont punis d'un mois d'abstinence.
_S'introduire chez quelqu'un sans sa permission, l'exproprier ou le forcer à voyager sont punis de 95 miscals d'or à remettre à la victime et d'une année d'abstinence.
_Ne pas empêcher un acte de violence que quelqu'un s'apprête à commettre, alors qu'on connaît ses intentions, est puni d'une sanction financière de 19 miscals d'or ou d'argent selon ses moyens. Les plus pauvres doivent implorer 19 fois la clémence divine, et on leur laisse le temps de réunir 19 miscals d'argent. L'argent revient aux propagateurs de la Loi et aux démunis.
_Le meurtre est très sévèrement réprimandé : 11 mille miscals d'or à verser aux héritiers de la victime, et 19 années d'abstinence. L'homicide involontaire n'est pas puni par le Bayan.
On remarquera cependant qu'aucune peine de prison n'est prévue. Cela s'explique par le fait qu'il n'y a pas de prison dans une société qui applique la charia bayanie, car l'acte d'emprisonnement, de même que l'acte d'enchaîner, qu'il s'agisse de retenir captif un croyant ou un infidèle, un homme ou une femme, ou même un animal, est puni plus sévèrement qu'aucun autre crime : l'offenseur sort de la religion et tout lui devient illicite ; en somme, il est banni de la communauté.
Un dernier cas de figure est celui du châtiment corporel infligé aux enfants par des adultes, qui est très strictement encadré par le Bayan. Il est interdit de frapper les enfants avant l'âge de 5 ans. Après 5 ans, il n'est pas permis de leur infliger plus de cinq coups légers, appliqués sur les vêtements. Si un adulte contrevient à cette prescription du Bayan, il doit verser 19 miscals d'or à l'enfant, et est puni d'un mois d'abstinence.
La punition par la privation de relations sexuelles paraît relativement dérisoire, tant elle est difficile à mettre en place. Cependant, c'est une erreur de croire qu'il faille la prendre à la légère. Car si jamais un enfant est conçu pendant une période d'abstinence, il a été conçu dans la négation des lois divines, et les conséquences retombent sur lui. Cet enfant doit être renié par la communauté, et ne sera jamais considéré comme un témoin du Bayan !
VIII. Hygiène
« Dans le Bayan, aucun ordre n'est descendu avec autant de précision que l'ordre de propreté. »
Si l'on peut moquer l'absurdité de nombre de lois issues du Bayan, les mesures recommandées en termes d'hygiène se rapprochent quant à elles beaucoup des habitudes de vie occidentales.
Tout d'abord, chaque commune doit être équipée d'un bain public, et chaque maison d'un bassin d'eau propre, à défaut d'une salle de bain. Les croyants doivent se laver une fois par jour, et aller aux bains tous les 14 jours. Ils doivent également s'épiler le corps tous les 14 jours, et l'enduire de henné. Il faut laver son linge le plus souvent possible, se laver les dents après chaque repas, et tout obstacle à la propreté doit être interdit.
Les hommes ont le droit de se raser, de manière à ce que le poil de la barbe repousse plus fort. Il faut se couper les moustaches quans elles deviennent trop longues.
Le rapport au corps dans le babisme est aussi qui celui unit le croyant à son créateur. Le Bayan demande donc aux hommes et aux femmes de se contempler jour et nuit dans des miroirs.
Le Bayan abolit l'impureté spirituelle que la tradition islamique attachait à des éléments divers, dont les excréments « de souris, de chauve-souris et d'hirondelles », et est moins exigeant en matière de pureté de l'eau, qui est pure dès lors qu'elle est inodore, incolore et sans goût particulier.
En matière d'alimentation, le Bayan prodigue quelques conseils. Il ne faut pas, quand on veut en manger, casser des œufs avant de les avoir fait cuire, car cela risque de les abîmer. Dites adieu à vos omelettes et vos gâteaux aux chocolats, ô croyants au Bayan. Il ne faut pas non plus boire du lait d'ânesse ou manger du poisson qu'on a écaillé.
IX. Gouvernement
On l'a vu, le sultan est un personnage important dans une société bayanie. En raison de son influence sur la société, il sera, au moment de l'apparition de Celui que Dieu doit Manifester, soit un allié vital de celui-ci, soit un ennemi mortel. Son premier devoir est de consacrer ses forces et celles de son royaume au porteur de la nouvelle révélation, pour qu'il prodigue son message à l'humanité en toute sécurité et que le gouvernement l'aide à appliquer les commandements divins pour son époque. Le sultan doit aussi aider à la propagation de son message.
Afin de faire savoir au monde entier, le moment venu, que la nouvelle Manifestation Divine est apparue en tel ou tel endroit du monde, le sultan et son gouvernement doivent mettre en place un système postal efficace, comme en Occident. Ce réseau de communication doit couvrir le monde entier.
Pour accroître les chances de fidélité du sultan envers celui qui sera la Source de la prochaine dispensation divine, le Bayan l'exhorte à se construire des maisons et une chambre remplies de miroirs ornés de versets qui maudissent le sultan qui tyrannise l'envoyé de Dieu, et qui couvre d'éloge celui qui se fait l'auxiliaire du prophète. Le Bayan fait promettre aux souverains l'allégeance à Celui que Dieu doit Manifester. Parmi les deux maisons que le sultan doit bâtir pour lui-même, l'une comporte 95 portes, et l'autre 19.
En matière d'impôts, le sultan perçoit sur ses sujets une taxe prélevée sur des unités de 540 miscals, dont je n'ai pas bien saisi le système. De plus, si un croyant fait une prière dans la demeure d'un sultan, il doit lui verser une aumône d'un miscal d'argent.
La couronne des sultans est ornée de 95 pierres précieuses.
Pour terminer, il semblerait que le Bayan fasse mention du sultan comme étant élu, mais l'allusion est brève.
X. Instruction
Le Bayan est au centre de la vie du croyant. Il annule tous les anciens livres révélés, et en matière de religion, il devient la seule référence.
Chaque croyant en possède un. Tous les exemplaires du Bayan doivent être écrits dans une belle graphie, ornés, et conservés en hauteur dans un endroit propre. Dans l'idéal, le Bayan doit être composé de 19 volumes parfaitement symétriques, comportant chacun le même nombre de phrases. Il est même dit que, dans l'idéal, chaque volume devrait comporter le même nombre de mots, ou de lettres, mais que cela n'était pas possible « dans le rang des créatures ».
Les croyants ne peuvent être instruits que dans le Bayan. (Je ne crois pas que cela signifie que les domaines extra-religieux ou extra-philosophiques soient interdits comme objets d'étude ou de connaissance. Cette supposition s'étend à ce qui va suivre.) Un certain nombre de sciences sont interdites, qui complètent l'étude des textes sacrés (grammaire, syntaxe, philosophie, etc.), car les plus grands érudits en matière religieuse (alchimistes, linguistes, astrologues, théologiens) n'ont pas été capables de reconnaître le Bab, et aux autres époques, ce n'est pas ce type de savoir qui a guidé les hommes vers la bonne religion. Aussi, les livres écrits par les fidèles sont écrits à l'ombre de la croyance ou de la négation. Par exemple, un traité écrit par un musulman pendant l'ère islamique est un fruit de la révélation muhammadienne. A l'inverse, un traité islamique écrit au temps du Bab est écrit dans la négation, et devient invalide, et ne doit pas être étudié. Du moins est-ce ainsi que j'ai compris l'ordre donné dans le Bayan selon lesquels les livres antérieurs au babisme étaient abrogés. Il me semble aussi avoir lu, mais je ne l'ai pas relevé, que les livres non-Babis devaient être détruits, ce qui doit être replacé dans le contexte de cette section.
On ne peut donc écrire de livres qu'à l'ombre de Bayan, et il s'agit exclusivement de livres relatifs à la religion du Bab. D'ailleurs, les bayanis ne peuvent pas posséder plus de 19 livres : le premier et le Bayan, et les 18 autres sont des livres écrits dans la science du Bayan. Pour posséder ces 19 livres, il faut s'acquitter de 19 miscals d'or. Tous les livres doivent être ornementés et écrits dans une belle écriture. Il est permis d'imprimer les livres, y compris le Bayan, afin de faciliter sa diffusion. Cependant, personne n'est autorisé à commenter le Bayan.
Les livres vieux de plus de 200 ans, et remplacés par de nouveaux exemplaires, à moins que pour certaines raisons (historiques ? culturelles?) les nouveaux exemplaires ne peuvent pas être meilleurs que les originaux.
Je vais ici me permettre une régression. Le professeur Nicolas, qui a traduit le Bayan, réfute l'idée selon laquelle le Bab était « anti-science ». Et je rejoins son avis, puisque le Bab parle des sciences suscitant le byzantinisme des érudits en matière de sacré, et la vanité de certaines études autour du Coran. Je ne crois pas que le Bab ait commandé de détruire les livres de recettes, les romans, les manuels de biologie ou les guides d'installation de Windows 8. Mais je peux me tromper.
XI. Les cadeaux pour Celui que Dieu doit Manifester
Au cours de leur vie, les babis doivent rassembler un certain nombre de présents qu'ils devront offrir à Celui que Dieu doit Manifester le jour de son apparition. Il s'agit de :
_19 pierres précieuses (3 diamants, 4 topazes, 6 émeraudes et 6 rubis, dont une seule doit avoir la valeur des 18 autres).
_19 cornalines
_Une bouteille de cristal remplie de parfum.
_Les babis qui possèdent les plus belles écritures doivent aussi lui offrir mille versets calligraphiés sur du beau papier.
En outre, les objets les plus exceptionnels (on parle de biens non-périssables) qui existent dans les nations babies doivent lui être remises en 19 exemplaires, et il est illicite pour tout autre que Lui de posséder un de ces objets. Les croyants et les sultans versent également une taxe venant alimentant un fabuleux Trésor qui sera donné, le jour venu, à cette grande figure messianique.
XII. Une dernière Loi
Le Bayan et ses lois seront automatiquement abrogés dès l'apparition d'un nouveau prophète. Ce dernier pourra les renouveler ou en donner de nouvelles.
Conclusion :
Je vais faire plusieurs remarques sur les lois du Bayan. Tout d'abord, il est évident qu'elles sont choquantes, et ce pour plusieurs raisons. En premier lieu, elles décrivent une religion totalitaire (au sens étymologique) qui pèse très lourdement sur la vie des croyants... et de leurs voisins non-croyants. Et malgré le principe de non-violence très fort qui anime la foi babie, il n'empêche que l'application de ses lois donnerait lieu à des situations cruelles. Comment les malades se soigneraient-ils si les médicaments sont interdits ? N'est-il pas injuste que certains enfants soient bannis de leur communauté avant même leur naissance ? Interdire les voyages et la mixité sociale n'amèneraient-ils pas des frustrations chez le peuple du Bayan ?
Un autre aspect dérangeant du Bayan est que certaines de ses lois apparaissent comme étant complètement absurdes. Certains chapitres traitent de la pureté des excréments de souris, de l'emplacement des cabines sur un bateau ou de la manière de faire cuire un œuf. Ces éléments portent à croire que le Bayan a été rédigé par un esprit malade.
Seulement, chacune de ces loi fait l'objet d'une justification, et s'inscrit dans un ensemble complexe qui est – de bout en bout – parfaitement cohérent. Je n'ai pas trouvé de faille dans le Bayan. Tout trouve une explication, et chaque explication dérive d'une science sacrée dont les tenants et les aboutissants apparaissent obscurs au commun des mortels, mais qui n'est autre que la science de l'unité de Dieu, dont découle des principes ésotériques appliqués dans la vie quotidienne. A ce niveau-là, le Bayan est bien moins opaque que la Bible et le Coran, et mérite fort bien son titre (Bayan signifie « explication »). De plus, la complexité des arguments avancés pour justifier l'élévation d'une nouvelle religion après l'islam est tout simplement grandiose. Ce qui donne au Bayan un caractère profondément mystérieux qui ne manquera pas d'étonner les passionnés de religion et les islamophiles. Face à cet OVNI de la littérature religieuse, on reste coi devant l'improbabilité de son existence.
Le Bayan me fait également penser qu'il est le parfait aboutissement des religions abrahamiques telles que nous les connaissons aujourd'hui. Il possède la sévérité juridique du judaïsme, la ferveur monothéiste de l'islam et la non-violence du christianisme, mais il pousse le modèle judéo-islamo-chrétien à son paroxysme. Si on prenait les trois religions du Livre, qu'on les fusionnait, et qu'on réglait le paramètre « exigence » au maximum, on obtiendrait le Bayan. A côté du babisme, on dirait que l'islam n'est qu'un moteur tournant à 40% de sa capacité potentielle. En cela, il y a vraiment une pureté dans la religion babie, qui donne raison à son fondateur.
A présent je vais réfuter certains points de vue. Non, le Bayan n'ordonne pas la guerre et le massacre, bien au contraire, il honnit la violence. Non, le Bayan n'est pas inspiré par le soufisme, car le Bab méprise cette pratique. En revanche, le Bayan cherche bien à détruire l'islam, mais pas de la manière dont on l'avance habituellement. L'abolition de la jama'at n'a pas pour but de briser les liens de solidarité dans la communauté par exemple, et je crois que le texte montre de lui-même que le sens de la communauté est très fort dans cette religion.
Shoghi Effendi tente également tant bien que mal d'expliquer ces lois bizarres en parlant de réformes sociales profondes à opposer à un état tyrannique, dans le contexte de la Perse du XIXe siècle, autrement dit, elles permettraient une révolution sociale minant les soubassements de la religion chiite. Nader Saiedi, un érudit Baha'i, justifie quant à lui ces lois en affirmant que leur application dépendait de l'apparition de Celui que Dieu doit Manifester. Je n'aime pas contredire des gens très savants et qui ont beaucoup plus étudié ces sujets que moi, mais ça me paraît faux, car les lois sont à mettre en place précisément pour préparer la venue et l'avènement de ce personnage, qui se trouve être Baha'u'llah pour les Baha'is.
Il me semble que les Baha'is ont du mal à justifier le Bayan, et je pense que c'est la raison pour laquelle ce texte n'a pas encore le droit à une traduction officielle après plus de 150 d'histoire baha'ie, et qu'il est si peu diffusé dans le monde baha'i malgré la pré-éminence de la figure du Bab. Le fait que peu de Baha'is le lisent, et que l'ensemble des textes du Bab disponibles dans les librairies baha'ies se résument à un petit corpus soigneusement intitulé « Sélection des écrits du Bab » me porte à croire qu'il ne s'agit ni plus ni moins que d'une forme de censure, trahissant l'embarras des Baha'is face à ce texte surprenant.
Pourtant, le Bayan constitue le fondement même de la théologie baha'ie, et toute la légitimité de la religion de Baha'u'llah repose sur cet écrit. Je pense que les Baha'is ont trop de scrupules à soigner leur image, et qu'ils devraient au contraire sortir le Bayan du placard pour se confronter à lui. En effet, de quel droit ferait-on un procès à la religion baha'ie à cause du Bayan ? Il s'agit d'un livre incomplet, dont les lois les plus dures n'ont jamais été mises en pratiques, y compris par la communauté babie contemporaine. De plus, c'est un livre, je le redis, remarquable en de nombreux points, qui recèlent de mystères, et même de sagesses oubliées.
Dans tous les cas, l'histoire du bahaïsme manque de transparence, et le Bayan n'est qu'une zone d'ombre parmi d'autres à hanter cette religion pourtant fascinante.
Pour terminer sur cet exposé, il faut savoir que j'essaye présentement de contacter les derniers représentants de la communauté babie pour obtenir d'eux le plus de renseignement sur leur religion, leurs livres et leur histoire. J'essaierai de faire paraître ces renseignements si je parviens à mener mon enquête.
D'un point de vue strictement personnel, je trouve le Bayan remarquable. Il apporte des explications subtiles, claires, inédites et puissantes sur la nature des religions, de la prophétie et des Saintes Écritures, et il ne fait aucun doute que ce texte a transformé en profondeur ma vision du monde religieux et ma lecture du Coran.
Cependant, ce livre me choque. Je le trouve rempli de lois odieuses sous lesquelles n'accepterait de vivre aucun humain sain d'esprit. La société que le Bab a vu dans son esprit est une grande communauté, unie par l'amour du prochain et une révérence inédite pour Dieu. Mais les sacrifices à consentir pour parvenir à cet état social sont immenses, et d'emblée, chacun affirmera que le prix à payer est trop élevé.
Pendant les douze siècles d'islam qui ont précédé le ministère du Bab, de nombreux peuples ont été régis par la charia dispensée dans le Coran. Il s'agissait alors de lois sûres, permettant la stabilité des individus, des familles et des nations, y compris dans des sociétés violentes. Les principes légaux étaient simples, et leur application nuancée et complexe, mais il est indéniable que la grandeur des lois islamiques n'avait d'autre but que de faire progresser les anciennes sociétés tribales de l'Arabie vers un état social où la faim, l'hérésie, la malhonnêteté et les privilèges étaient menacés par la lumière de la justice et de la solidarité.
Peut-on dire que la charia du Bayan avait pour but de rétablir l'ordre dans la société persane, marquée par le désordre ? Peut-être. Mais les principes sur lesquels se fondent la société bayanie sont tout autres.
Il s'agit d'abord pour le Bab de purifier la terre de Perse. Dans le monde du Bayan, l'esprit de la Manifestation provoque une collision entre le monde spirituel et le monde de la matière, et un équilibre invisible a été brisé par la mécréance des hommes. Le Bayan ordonne alors une série de directions pour contraindre le monde de la matière et des hommes dans une forme propice à l'adoration de Dieu et à la compréhension de son Unité.
Dans un second temps, il fige la société dans un état social tel que toutes les conditions, même les plus infimes, soient réunies pour accueillir la venue sur Terre d'un nouveau Messie.
Enfin, le Bayan permet aux croyants de vivre au quotidien la Science de l'Unité de Dieu – le tawhîd – qui s'articule autour d'obscurs principes ésotériques faisant intervenir la numérologie, la talismanique, et les prières rituelles.
Beaucoup d'affirmations fusent sur internet. La propagande baha'ie décrit le Bayan comme étant un livre empli de réformes modernes et conformes à la société contemporaine, soulignant par exemple le statut protecteur dont jouissent les animaux dans le Livre, ou l'abolition qui y est faite des mauvais traitements contre les enfants.
A l'inverse, les activistes chiites qui veulent diaboliser le mouvement Baha'i présentent le Bayan comme un texte conquérant, ordonnant le sac des lieux saints non-babis et l'autodafé des livres des infidèles, et ceux-ci y glissent en outre une part de mensonges, affirmant notamment que le texte admet la réincarnation, ou ordonne aux femmes d'écrire des versets sur leur poitrine avec la semence de leurs époux. D'autres musulmans opposés au bahaïsme voient le Bayan comme un texte conçu pour miner la religion islamique, et rendre les convertis favorables à une invasion de l'Occident, reproche également adressé au Kitab-i-Aqdas.
A la vérité, aucune de ces propositions ne rend compte correctement de la réalité du Bayan. Il m'a donc paru bon de relire celui-ci afin de compiler un condensé de ses lois et principes sous une forme facilement accessible, afin que le lecteur peu instruit en matière de bahaïsme se fasse sa propre opinion, bien que – et j'insiste sur ce point – ce résumé imparfait ne saurait remplacer la lecture du Livre lui-même, d'autant plus que ce résumé n'évoque rien de l'aspect le plus fondamental du Bayan : sa théologie, et ses arguments justifiant d'une religion nouvelle.
J'invite donc le lecteur à en lire la traduction en français de ALM Nicolas, la seule traduction complète à ce jour du Bayan dans une langue occidentale.
I. La conquête
La mission donnée au Peuple du Bayan est d'étendre leur religion à la Terre entière. Dans l'idéal, tous les hommes devraient embrasser la nouvelle foi. Ainsi, chaque croyant au Bayan possède un devoir de prosélytisme.
Le Bayan enjoint tous les croyants à être instruits dans leur religion, à connaître ses textes, et à mémoriser l'ensemble des écrits du Bab. Car partout où ils vivent, il leur est obligatoire de prêcher les infidèles, et de les convaincre de la vérité de la Manifestation du Bab et de la suivante. Cependant, les babis ne peuvent argumenter qu'à partir de deux éléments : les versets du Bayan, et l'impossibilité pour les hommes d'en produire de semblables (ce qui suppose leur origine divine). Et il est tellement important de suivre cette dernière instruction que le Bayan demande aux fidèles de relire la « porte » (le chapitre) contenant cet ordre tous les 19 jours, et « d'y réfléchir jour et nuit ».
Mais dans le Bayan, les principaux artisans de l'expansion de la foi, ce sont les sultans. Ceux-ci doivent convertir les infidèles par tous les moyens. La seule limite qui leur est imposée est celle de la violence : on ne convertit pas par la peur ou par l'épée.
Les incroyants à qui l'on a présenté tous les arguments en faveur de la nouvelle religion ont le devoir de l'accepter. S'ils échouent à reconnaître le Promis de l'islam, ils sont considérés comme impurs, et jouissent d'un traitement sévère, car aux dires du Bayan ils ne devraient même pas avoir « le droit de respirer » hors de la religion babie.
Ainsi, cinq provinces de Perse leur sont interdites : l'Azerbaïdjan, le Khorasan, la terre de Fars, les deux Iraq et le Mazandéran. Il ne doit plus subsister un seul infidèle dans ces terres d'élection divine, car leur présence pourrait incommoder Celui que Dieu doit Manifester.
En outre, à chaque fois que les Babis deviennent majoritaires dans une ville (et donc, chaque fois que, dans une ville, la vérité de la foie bayanie devient évidente), les infidèles doivent être expulsés, et leurs biens saisis, mais sous certaines conditions très clairement définies. En premier lieu, seul le sultan peut procéder à des expulsions et des saisies de biens, ce qui prévient donc les pogroms populaires. Secondement, ces expulsions ne doivent pas s'opposer à l'intérêt des croyants (par exemple si cela blesse l'économie locale). Enfin, les Babis doivent représenter plus de la moitié de la population de la ville pour que commencent les expulsions. Le Bayan précise également que les biens saisis aux infidèles qui se convertissent par la suite doivent leur être restitués.
Une fois la ville vidée de ses habitants non-Babis, les lieux de cultes antérieurs au babisme doivent être démolis, et les richesses qui s'y trouvent, l'or en particulier, doivent venir orner les lieux saints du babisme.
Les biens saisis aux infidèles hors des lieux de culte reviennent, pour les plus précieux et les plus exceptionnels d'entre eux, au Bab, à moins que celui-ci ne soit mort, auquel cas ces biens seront revendus et le produit de la vente donné aux négociants, qui doivent faire prospérer l'argent pour que fructifie l'économie de la nation babie. Une partie de ces biens revient également aux conquérants du pays, qui se chargent de les redistribuer aux pauvres, et en gardent une partie pour eux-mêmes. Tout le reste ira rejoindre les lieux saints du babisme pour enrichir leurs sanctuaires.
Dans les villes et villages où le babisme est encore minoritaire, les infidèles sont aussi frappés par des sanctions. Les babis ont reçu l'interdiction formelle de leur adresser la parole, de s'asseoir en leur compagnie, de se lier d'amitié avec eux, ou même de se marier avec eux. Les consignes du Bayan sont claires : il faut ignorer les infidèles. De plus, si dans un couple d'infidèles un des époux embrasse le babisme, et pas l'autre, les conjoints doivent divorcer sur le champs.
Cependant, parmi les infidèles, un traitement de faveur existe pour les négociants, et en particulier les marchands occidentaux, qui enrichissent la Perse par le commerce. Il faut les laisser en paix. Les bayanis ne doivent pas spécialement chercher à les convertir, et ceux-ci peuvent plus ou moins librement circuler et s'affairer dans les cinq provinces frappées d'interdit. D'ailleurs, les babis ont tout à fait le droit de faire affaire avec eux. Business is business.
II. Le culte
A.Pratiques spirituelles
La journée ordinaire du babi est sans cesse entrecoupée de dévotions nombreuses et répétitives. Comme les musulmans, ils doivent d'abord prier plusieurs fois par jour à heure fixe, mais le Bayan ne nous précise pas quelles sont ces prières, ajoutant toutefois que la plus importante est celle du midi (la salat adh-dhouhr). Les prières sont orientées vers le corps du Bab.
Ces prières sont strictement individuelles, car la prière collective a été abolie. En effet, que se passerait-il si, au moment où Celui que Dieu doit Manifester apparaît, des fidèles prêts à recevoir la nouvelle révélation priaient derrière des imams ou des pirs s'opposant à Lui ? Le Bab voit en effet dans la jama'at (la prière de groupe) un danger pour la religion à venir, dans la mesure où l'autorité des imams peut faire faillir le cœur des croyants, alors que l'individualité brise le lien de dépendance à une autorité spirituelle, facilitant d'éventuelles conversions.
Parallèlement à ces prières, la journée est divisée en cinq parties. Dans chacune de ces parties, il faut que les fidèles fassent le azan, une déclamation de versets et de prières, dans un endroit élevé de sorte à ce que tout le monde le puisse entendre. Les fidèles qui sont muets doivent donner 95 unités de sucre « de qualité extra » à quelqu'un faisant le azan pour compenser leur handicap.
Mais les dévotions quotidiennes ne s'arrêtent pas là. En effet, pour chaque jour de chaque mois, il y a une série de 95 mentions de Dieu à effectuer avec des chapelets, rituel qui a été repris de manière simplifiée dans le bahaïsme. De plus, il y a dix-neuf versets à réciter quotidiennement. Mais les bayanis ne se contentent pas de prière. Il leur est aussi enjoint de lire 700 versets du Bayan chaque jour.
Pour être constamment équipés en appareils de sainteté, il doivent également porter en permanence sur eux trois objets : un tableau de 2001 cases contenant toutes les noms de Dieu, un bréviaire personnel contenant mille versets du Bayan sélectionnés au choix par le croyant et qu'il doit lire en partie chaque jour, et une bague de cornaline rouge portant l'inscription « Dieu est la Vérité, et en vérité, autre que Dieu est sa créature, et tous, nous sommes des adorateurs de Dieu ». Quant aux enfants, ils doivent porter, sous forme de collier, une amulette contenant 2001 mentions de Dieu.
Pour terminer, il faut tous les jours remplir une rangée de cases d'un tableau en comportant dix-neuf sur dix-neuf avec les noms de Dieu.
Le Bayan est donc très clair à ce sujet : il faut mentionner Dieu en permanence. Ainsi, il ordonne aux babis, en plus de toutes ces dévotions, de faire la zikr (la répétition des noms de Dieu) en permanence, que ce soit à voix haute, ou en silence, dans son cœur.
On voit donc par là que le Bayan impose une vie religieuse très contraignante à ses fidèles, mais c'est sans compter sur les jours spéciaux qui rajoutent encore plus de contraintes.
Le vendredi tout d'abord. C'est à la fois, dans la semaine d'un babi, un jour de repos et un jour sacré. De fait, aux activités quotidiennes s'ajoutent une série de 202 mentions de Celui que Dieu doit Manifester et des Lettres du Vivant (les disciples des prophètes), en plus de versets à réciter spécifiquement pour le vendredi.
Il existe trois grandes fêtes dans une année bayanie.
La fête du Tahavil correspond à l'entrée dans le signe du Bélier. Ce jour-là, dans chaque maison ou palais, il faut préparer à manger entre 19 et 2001 plats différents. C'est un moment de réjouissances partagé par tous, où l'on arrête le travail pour profiter de ses proches.
Pour le peuple du Bayan, il convient également de célébrer les jours anniversaires de la naissance et de la mort du Bab. Pour l'occasion, les fidèles doivent répéter 95 fois, à un moment de la journée : « Dieu est le plus haut. »
L'année comporte également quatre mois (de dix-neufs jours) consacrés à Dieu ou à son prophète.
Le mois de Ala, le dernier de l'année, est marqué par un jeûne semblable au Ramadan. Tous les croyants, entre l'âge de 11 et 42 ans, doivent s'abstenir de manger ou de boire, entre autres choses, entre le lever et le coucher du soleil. Avant 11 ans, les enfants doivent jeûner du lever du soleil jusqu'à midi. Après 42 ans, le jeûne n'est plus obligatoire. On remarquera au passage qu'il est excessivement difficile de jeûner lorsque l'on a que 11 ans !
Un autre mois de l'année, qui n'a pas semblé précisé, comporte un vœu de silence. Ce mois-là, le croyant ne peut ouvrir la bouche que pour mentionner Dieu.
Le dernier mois ne concerne que les hommes de vingt-neuf ans ou plus vivant près de l'endroit où le Bab a été battu par les fanatiques musulmans. Ils ont pour devoir de passer le mois à cet endroit pour y faire la « purification de Dieu ». Ceux qui ne peuvent pas se déplacer doivent le faire chez eux.
Le Bayan nous parle enfin d'un pèlerinage annuel de dix-neuf jours sur la « terre des martyrs », que l'on peut lui aussi passer en prières depuis chez soi si l'on ne peut pas se déplacer.
Les croyants sont, pour terminer, enjoint de rédiger, tous les 19 ans, un traité argumentant de religion à l'adresse de Celui que Dieu doit Manifester.
B. Pèlerinage et lieux saints
Parmi les obligations qui incombent aux croyants, il y a celui du pèlerinage, au moins une fois dans sa vie, à la maison du Bab. (Les femmes en sont dispensées.)
La maison natale du Bab, à Chiraz, dans le sud de l'Iran est le premier lieu saint du babisme. Elle a été détruite par les autorités révolutionnaires dans les années 1970 et transformée en quelque chose comme une place sans intérêt, afin d'effacer de l'histoire de la Perse « l'hérésie babie ». Mais aux yeux des fidèles, c'est l'un des endroits les plus sacrés du monde qui a été détruit, car pour eux cette maison était aussi précieuse, sinon plus, que la Grande Mosquée de la Mecque et sa Kaaba. En effet, c'est à cet endroit que, pour la première fois depuis l'Hégire, Dieu s'est manifesté parmi les hommes. La maison, toutes les structures attenantes, et la terre qui les supporte sont sacrées, et se trouver en leur présence rapproche les fidèles du divin et des phénomènes mystérieux découlant de la prophétie.
La Maison du Bab - extérieur.
Tous les bâtiments autour de la Maison appartiennent à Dieu, et ne peuvent être ni achetés ni vendus. Les personnes qui y habitaient et travaillaient sont priés de partir, car le lieu n'est pas ordinaire, et doit faire l'objet de travaux. Le lieu est ensuite gardé par les serviteurs des quatre colonnes, qui assurent l'entretien du lieu et supervisent le pèlerinage.
Avant d'entrer dans Chiraz, le pèlerin se prosterne devant la porte de la ville, en signe de respect. Il se présent ensuite devant chacune des quatre colonnes, la blanche, la jaune, la verte et la rouge, pour verser leur dû aux gardiens du lieu : 4 miscals d'or. Cependant, les gardiens n'ont pas le droit de réclamer cet argent. En outre sont exemptés les enfants, les esclaves, les serviteurs, les pauvres et ceux qui ont été détroussés en chemin. L'argent sert à entretenir la Maison et à accueillir les pèlerins.
Le Bayan commande aux pèlerins de ne pas se disputer entre eux, car la discorde et la violence, même verbale, sont vues comme de grands méfaits. Aussi, il n'est pas possible aux fidèles d'effectuer un pèlerinage au nom d'un défunt.
Maison du Bab - intérieur.
Mais effectuer un pèlerinage est dangereux, car les routes sont peu sûres, et le Bab le sait. L'histoire du pèlerinage à la Mecque est marquée par les plus terribles incidents : brigandage, naufrages, déshydratation...
Or, nul croyant de doit être contristé en remplissant ses obligations. Ainsi, le Bayan ordonne aux croyants de ne pas accomplir le pèlerinage si les conditions les plus optimales de confort et de sécurité ne sont pas réunies pour le voyage, ou si ceux-ci ne disposent pas des moyens financiers nécessaires. De plus, les croyants qui doivent venir par bateau, à cause du fait qu'ils habitent sur une île ou un autre continent, sont exempts du pèlerinage.
A vrai dire, le Bayan interdit même le voyage tout court, à trois exceptions près : on peut voyager pour les pèlerinages, pour venir en aide à quelqu'un, ou pour faire du commerce. Le voyage n'est obligatoire que si se manifeste le Promis du babisme, et alors tous les croyants doivent venir à lui, dussent-ils se mettre en danger pour ce faire.
Le Bayan prend d'autres dispositions pour assurer la sécurité et le confort des voyageurs. A bord des bateaux, les passagers s'installent dans les cabines avant le capitaine, et celles-ci ne sont pas placées sur les bords du navire pour éviter que le tangage n'indispose les passagers. Mais dans la mesure du possible, il faut tout faire pour ne pas avoir à embarquer sur un bateau.
Quant aux familles des voyageurs, restés à la maison, le Bayan les prend en considération. Le voyageur ne peut pas prolonger un voyage. S'il le prolonge, sa famille doit venir avec lui. Au total, un voyage ne peut pas durer plus de deux ans entre le moment du départ et du retour, et pas plus de cinq ans si c'est un voyager par mer. En cas d'infraction à cette loi, le voyageur devra, à son retour, verser une amende de 202 miscals d'or ou d'argent – selon ses moyens – à sa famille, pour compenser son absence.
D'autres lieux saints comprennent les 19 grands Mausolées dans lesquels sont enterrés respectivement le Bab et les 18 Lettres du Vivant, parmi lesquelless Mulla Husayn, Baha'u'llah, la poétesse Tahirih et Subh-i-Azal. Ces tombeaux vénérés sont des lieux de refuge et de pardon pour les gens du Bayan. Tout l'argent fait sur ces lieux ne peut être dépensé que pour leur ornement ou leur entretien.
Il y a enfin la demeure dans lesquels résident chacun des ces illustres personnages. La Maison du Bab est entourée de tours « les plus hautes possibles », finement ouvragées, et la demeure en elle-même comprend 95 portes, alors que la demeure des Lettres ne doivent pas avoir plus de cinq portes.
III. Us et coutumes
A.Famille
Le Bayan souligne l'importance de l'amour dans les relations familiales. Le devoir des parents est de procurer le plus d'amour possible à leurs enfants. Aussi doivent-ils les prendre en charge jusqu'à 19 ans, et s'en occuper encore après si ces enfants sont démunis et pas les parents. En retour, les enfants doivent prendre soin de leurs parents jusqu'à leur mort, et en particulier si ces derniers sont sans moyens.
Quelqu'un élevé dans une famille peut regarder les membres de sa famille du sexe opposé et leur parler.
B. Civilité
Les hommes saluent en disant « Allahu Akbar », et répondent aux salutations en disant « Allahu Ezeem ». Les femmes saluent en disant « Allahu Abha » et répondent aux salutations en disant « Allahu Edjmel ». Les hommes et les femmes ont le droit de se parler s'ils ont une affaire en commun, mais il est préférable que leur conversation ne dépasse pas 28 paroles.
Quand un croyant reçoit, il doit faire preuve de beaucoup de déférence à l'égard de son invité, et les gens de la maison doivent se pousser pour lui laisser une place. En outre, il faut construire des maisons avec des plafonds suffisamment hauts pour que les grandes personnes puissent y circuler sans se courber.
Les croyants doivent rembourser leurs dettes le plus rapidement possible. Quand on leur écrit une lettre, ou qu'on leur adresse une question, ils sont dans l'obligation de répondre, sans se faire attendre. De même, ils n'ont pas le droit de déchirer les lettres écrites par autrui.
Il est strictement interdit de railler un autre croyant. Est également illicite le fait de lire les écrits d'une autre personne et les livres en sa possession sans sa permission.
C. Sociabilité
L'amitié est conditionnelle de la pureté de la religion. Les croyants n'ont donc pas le droit de fréquenter de infidèles. En revanche, chacun d'entre eux doit posséder 18 amis dans la religion du Bayan, afin que le jour où se manifeste le Successeur du Bab, la nouvelle révélation se répande par capillarité à travers le tissu social, petit groupe d'amis par petit groupe d'amis. En outre, les bayanis n'ont le droit de fréquenter que des gens du même rang sociaux qu'eux-mêmes : les aristocrates avec les aristocrates, les bourgeois avec les bourgeois, et les pauvres avec les pauvres, rendant ainsi compte d'une société stratifiée de manière on ne peut plus rigide.
Tous les 19 jours, les bayanis doivent inviter chez eux 19 personnes. S'ils ne le peuvent, qu'ils offrent alors au moins un verre d'eau à 19 personnes.
Dans les grandes réunions, il faut toujours laisser 19 places vacantes, dans l'éventualité où Celui que Dieu doit Manifester se présente, accompagné de ses 18 apôtres. Si cela n'est pas possible, alors une place vacante suffira.
Le Bayan ordonne également aux croyants de s'asseoir sur des chaises et des canapés (le temps passé assis sur une chaise n'est pas comptabilisé par Dieu dans la vie du croyant), et de ne jamais monter sur des estrades ou des minbars, ce qui met tout le monde au même niveau dans les réunions, hommes comme femmes. Chacun doit se lever chaque fois qu'il est fait mention de Celui que Dieu doit Manifester.
D. Taxes
Chaque fois qu'un croyant réunit une unité de 100 miscals d'or, 19 reviennent aux Lettres du Vivant. S'il n'y a plus de Lettres en vie, l'argent revient à leurs enfants, et s'il n'y a pas de descendants, il faut en faire dépense dans un mariage. Chaque fois qu'un croyant réunit une unité de 6005 miscals, 95 reviennent au Bab.
E. Traitement des animaux
Le Bayan met en évidence que chaque vie, si infime soit-elle, est précieuse, et se doit d'être respectée. Ainsi, il faut traiter les bêtes de somme avec délicatesse, et il n'est pas permis de les monter sans étriers ni bride. De plus, il ne faut pas trop les charger. Il n'est pas permis de monter ou de charger les bœufs.
Chaque fois qu'un croyant met à mort un animal, il doit prononcer une mention rituelle.
F. Autres
Sont considérés comme haram :
_l'asa fétide, une plante à l'odeur de souffre susceptible d'indisposer les croyants.
_le tombac, un alliage de cuivre et de zinc.
_l'opium, drogue très répandue dans la société persane et qui engendre beaucoup de dégâts.
_les boissons fermentées, qui provoquent l'ébriété.
_les médicaments. Oui, les médicaments.
Le port d'armes est également interdit, sauf pour les marchands d'armes. Le jihad permet une exception à cette règle.
Les croyants doivent renouveler leurs ustensiles tous les 19 ans. Tous doivent posséder, sous peine d'amendes, des beaux cristaux, en plus grand nombre possible.
Le Bayan enjoint également les croyants hommes à calligraphier des versets du Bayan sous forme de haykal (ce qui peut se traduire par « temple »), des étoiles à cinq branches étirées vers le bas et qui représentent la forme humaine, tandis que les croyantes doivent composer des daira (traduction des « cercles »), une figure composée de cinq cercles concentriques, avec les mots de leurs choix, afin de faire rayonner leurs paroles et leurs espérances. Le Livre recommande également aux fidèles de se faire tatouer des versets sur la poitrine.
Haykal de la main du Bab.
Daira de la main du Bab.
Dernière loi civile, et pas des moindres, le calendrier : l'année est divisée en 19 mois de 19 jours.
IV. Le mariage
Les croyants au Bayan ont l'obligation de se marier, et l'objectif du mariage est la procréation. Chaque couple devrait engendrer des fruits, c'est-à-dire des futurs adorateurs de Dieu. D'ailleurs, si les époux n'arrivent pas à concevoir un enfant, le Bayan les invite fortement à divorcer pour qu'ils puissent avoir une progéniture avec un autre partenaire.
L'ordre du mariage est tellement important que, dans la religion bayanie, il est ordonné que les enfants soient mariés dès l'âge de 11 ans, et que les hommes veufs ont 90 jours pour se remarier, tandis que les veuves en ont 95, sous peine d'amende. Bien entendu, le mariage inter-religieux est parfaitement prohibé.
La dot est fixée au minimum à 19 miscals d'or ou d'argent (selon que l'on habite en ville ou à la campagne) et au maximum à 95 miscals d'or ou d'argent. Dès le versement de la dot, les époux peuvent se rejoindre. Mais si la dot est inférieure ou supérieure au montant prescrit par le Bayan, le mariage est considéré comme nul. Après que la dot ait été versée, les fiancés doivent réciter des versets au cours d'une cérémonie de mariage, puis signer un contrat en bonne et due forme.
Le divorce est permis à l'issue d'une période de réflexion d'un an, et requiert le consentement des deux partenaires. Si le couple parvient à se réconcilier, ils doivent patienter pendant un mois d'abstinence avant de reprendre leurs relations sexuelles.
Les relations sexuelles ne sont permises, dans le babisme, qu'entre un homme et sa femme. La semence des hommes n'est plus considérée comme impure, car elle porte les germes de la vie d'un futur croyant. Ainsi, après chaque éjaculation volontaires, les hommes doivent ou bien réciter 19 versets spécifiques, ou bien se plonger dans de l'eau en glorifiant Dieu pendant leur toilette. La masturbation et les pollutions nocturnes sont pardonnées.
V. La mort
Le premier aspect essentiel de la mort que couvre le Bayan consiste dans l'héritage. Chaque croyant doit rédiger un testament avant sa mort, et ses seuls légataires possibles sont : ses parents, ses frères et sœurs, ses enfants, son conjoint et son professeur. La part d'argent qui est réservée à chacune de ses personnes est précisément définie dans le Livre, et ressemble beaucoup aux ordonnances du Kitab-i-Aqdas, à ceci près que les parts varient entre les deux Textes. Le testamentaire doit également léguer à ses héritiers 19 feuilles de papier de grande qualité, et 9 bagues de cornaline rouge gravées d'un nom de Dieu.
Le croyant rédige également un deuxième testament, attestant de l'unicité divine, et racontant l'histoire de sa vie, que les héritiers doivent faire parvenir à Celui que Dieu doit Manifester le jour où il apparaît. Les héritiers ont en effet une responsabilité importante, puisque le jour où se manifestera le Promis du babisme ils doivent lui apporter les comptes de la vie de leurs ancêtres, car chaque Manifestation de Dieu est la balance du Jugement Dernier, qui mesure les actions des hommes. A cet effet, ils doivent également lui transmettre un ouvrage rapportant les bonnes et mauvaises actions accomplies par leur ancêtre, et un livre de compte des mois vécus dans sa vie. Si ce dernier document n'a pas été rédigé par le testamentaire pour une raison quelconque, les héritiers doivent s'en charger pour lui. Ainsi, Celui que Dieu rendra Manifeste aura entre les mains les comptes de tous les hommes ayant grandi dans la foi du Bayan, et pourra recueillir les fruits de la Manifestation précédente – celle du Bab.
Lorsque le croyant meurt, sa dépouille doit être lavée. Le lavement du corps, effectué par une personne connue pour sa grande piété, est méthodique : chacune de ses parties est lavée dans un ordre précis, et sur chacune d'elle est récitée une mention rituelle. On lui glisse ensuite une bague au doigt portant une inscription attestant de la foi du défunt, et qui varie selon qu'il s'agit d'un homme ou d'une femme. Le corps est ensuite mis dans un linceul blanc et porté en terre, dans un cercueil de cristal. S'il ne peut être de cristal, qu'il soit de marbre, ou de bois, ou de pierre. On jette alors sur le cercueil une poignée de poussière du tombeau du Bab, et on le recouvre de terre. Les rituels funéraires sont importants, car il faut veiller à ce que le mort ne se sente pas effrayé et jouisse d'un grand confort dans sa dernière demeure.
L'enterrement est accompagné par une prière pour le défunt : la communauté se rassemble et prie ensemble. Pendant le deuil, il est interdit de se déchirer les vêtements ou de se frapper la poitrine ou le visage. Après l'enterrement, il faut venir se recueillir une fois par mois sur le tombeau du mort pour y réciter des prières et y allumer une bougie.
Si un enfant meurt en couche, on doit le soustraire immédiatement à ses parents pour que ceux-ci ne se lamentent sur la vue de son corps.
VI. Le travail
Dans le Bayan, la mendicité est rendue illicite. Les bayanis ne doivent donc pas faire l'aumône aux mendiants. Chacun doit s'employer à avoir une vie active, utile pour la société.
Dans chaque chose que le croyant réalise, il doit l'amener à sa perfection. Par exemple, des travailleurs construisant une maison doivent la rendre sans défauts, et même l'enjoliver. En outre, tous les produits issus de l'industrie doivent porter la mention du Bayan. Le Bayan ordonne également la séparation des industries ; à chaque bâtiment son corps de métier.
Le Bayan rend obligatoire aux croyants d'honorer leurs contrats. Les contrats sont considérés comme valides dès leur application effective, plutôt qu'à leur ratification. Quand un bayani fait un prêt à un autre bayani, celui-ci doit prendre en compte la variation des taux d'intérêt, afin de ne pas rendre le prêt injuste.
VII. Crimes et châtiments
Le système pénal du Bayan repose principalement sur l'idée de compassion et de non-violence. « Aucune dévotion n'est plus plaisante aux yeux de Dieu que le bien qu'une âme en fait à une autre », nous dit le Texte. Par ailleurs il affirme : « Ne faites pas à autrui ce que vous ne voulez pas qu'on vous fasse à vous-même. » Ainsi, tout ce qui est cause de tourment pour un être humain ou un animal est honni, et réprimandé par le Bayan plus que par aucun autre texte de la littérature Abrahamique. Attrister quelqu'un, lui manquer de respect, le battre ou le voler, est digne d'un châtiment sévère ! Plus loin, le Bayan nous dit, par rapport à ce devoir d'amour, que les récompenses et les châtiments qui y sont attachés, sont doubles pour les femmes, dont la force d'amour est naturellement supérieure à celle des hommes de par leur instinct maternel.
Cette considération que les bayanis doivent porter à leur prochain se double de la possibilité omniprésente que le Promis annoncé par le Bab se trouve déjà parmi eux ! Celui-ci possède un statut si immense aux yeux de Dieu qu'il est préférable que, partout où il tourne son regard, il ne voit que des choses qui lui plaisent. Or, si cette figure prestigieuse venait à être, de son vivant, offensée, voire emprisonnée, molestée, raillée et combattue de toute part, alors toutes les bonnes œuvres de la communauté s'anéantiraient aux yeux du Très-Haut. Le Peuple du Bayan est comme un vaste palais dans laquelle se cache son souverain parmi les gens de la maison. Donc, tant que perdure l'ignorance de sa personne, le comportement des croyants doit être exemplaire !
Pour imprimer dans l'esprit de ses disciples de bonnes attitudes en matière de prévention de crime et de civilité, le Bab a prévu deux ressorts punitifs en cas d'infraction : le paiement d'une lourde amende, et une période d'abstinence (on sait que les babis sont tous mariés dès 11 ans et qu'ils ne restent pas veufs plus de trois mois).
Les crimes traités par la jurisprudence babie sont donc les suivants :
_Le reniement d'un croyant par un autre, puni d'une amende de 5 miscals d'or pour Celui que Dieu doit Manifester.
_Le « tourment » qu'inflige un croyant à qui que ce soit. Il est puni d'une amende de 19 miscals d'or ou d'argent selon ses moyens à verser à la victime. Si le coupable est très pauvre, il doit implorer 19 fois la clémence divine, et on lui donnera tout le temps dont il a besoin pour réunir cette somme. Si la victime pardonne à la personne qui l'a offensée, l'amende lui est remise.
_Dérober quelqu'un, lui déchirer ses vêtements, lui arracher ne serait-ce qu'un seul de ses cheveux ou le frapper, sont punis d'un mois d'abstinence.
_S'introduire chez quelqu'un sans sa permission, l'exproprier ou le forcer à voyager sont punis de 95 miscals d'or à remettre à la victime et d'une année d'abstinence.
_Ne pas empêcher un acte de violence que quelqu'un s'apprête à commettre, alors qu'on connaît ses intentions, est puni d'une sanction financière de 19 miscals d'or ou d'argent selon ses moyens. Les plus pauvres doivent implorer 19 fois la clémence divine, et on leur laisse le temps de réunir 19 miscals d'argent. L'argent revient aux propagateurs de la Loi et aux démunis.
_Le meurtre est très sévèrement réprimandé : 11 mille miscals d'or à verser aux héritiers de la victime, et 19 années d'abstinence. L'homicide involontaire n'est pas puni par le Bayan.
On remarquera cependant qu'aucune peine de prison n'est prévue. Cela s'explique par le fait qu'il n'y a pas de prison dans une société qui applique la charia bayanie, car l'acte d'emprisonnement, de même que l'acte d'enchaîner, qu'il s'agisse de retenir captif un croyant ou un infidèle, un homme ou une femme, ou même un animal, est puni plus sévèrement qu'aucun autre crime : l'offenseur sort de la religion et tout lui devient illicite ; en somme, il est banni de la communauté.
Un dernier cas de figure est celui du châtiment corporel infligé aux enfants par des adultes, qui est très strictement encadré par le Bayan. Il est interdit de frapper les enfants avant l'âge de 5 ans. Après 5 ans, il n'est pas permis de leur infliger plus de cinq coups légers, appliqués sur les vêtements. Si un adulte contrevient à cette prescription du Bayan, il doit verser 19 miscals d'or à l'enfant, et est puni d'un mois d'abstinence.
La punition par la privation de relations sexuelles paraît relativement dérisoire, tant elle est difficile à mettre en place. Cependant, c'est une erreur de croire qu'il faille la prendre à la légère. Car si jamais un enfant est conçu pendant une période d'abstinence, il a été conçu dans la négation des lois divines, et les conséquences retombent sur lui. Cet enfant doit être renié par la communauté, et ne sera jamais considéré comme un témoin du Bayan !
VIII. Hygiène
« Dans le Bayan, aucun ordre n'est descendu avec autant de précision que l'ordre de propreté. »
Si l'on peut moquer l'absurdité de nombre de lois issues du Bayan, les mesures recommandées en termes d'hygiène se rapprochent quant à elles beaucoup des habitudes de vie occidentales.
Tout d'abord, chaque commune doit être équipée d'un bain public, et chaque maison d'un bassin d'eau propre, à défaut d'une salle de bain. Les croyants doivent se laver une fois par jour, et aller aux bains tous les 14 jours. Ils doivent également s'épiler le corps tous les 14 jours, et l'enduire de henné. Il faut laver son linge le plus souvent possible, se laver les dents après chaque repas, et tout obstacle à la propreté doit être interdit.
Les hommes ont le droit de se raser, de manière à ce que le poil de la barbe repousse plus fort. Il faut se couper les moustaches quans elles deviennent trop longues.
Le rapport au corps dans le babisme est aussi qui celui unit le croyant à son créateur. Le Bayan demande donc aux hommes et aux femmes de se contempler jour et nuit dans des miroirs.
Le Bayan abolit l'impureté spirituelle que la tradition islamique attachait à des éléments divers, dont les excréments « de souris, de chauve-souris et d'hirondelles », et est moins exigeant en matière de pureté de l'eau, qui est pure dès lors qu'elle est inodore, incolore et sans goût particulier.
En matière d'alimentation, le Bayan prodigue quelques conseils. Il ne faut pas, quand on veut en manger, casser des œufs avant de les avoir fait cuire, car cela risque de les abîmer. Dites adieu à vos omelettes et vos gâteaux aux chocolats, ô croyants au Bayan. Il ne faut pas non plus boire du lait d'ânesse ou manger du poisson qu'on a écaillé.
IX. Gouvernement
On l'a vu, le sultan est un personnage important dans une société bayanie. En raison de son influence sur la société, il sera, au moment de l'apparition de Celui que Dieu doit Manifester, soit un allié vital de celui-ci, soit un ennemi mortel. Son premier devoir est de consacrer ses forces et celles de son royaume au porteur de la nouvelle révélation, pour qu'il prodigue son message à l'humanité en toute sécurité et que le gouvernement l'aide à appliquer les commandements divins pour son époque. Le sultan doit aussi aider à la propagation de son message.
Afin de faire savoir au monde entier, le moment venu, que la nouvelle Manifestation Divine est apparue en tel ou tel endroit du monde, le sultan et son gouvernement doivent mettre en place un système postal efficace, comme en Occident. Ce réseau de communication doit couvrir le monde entier.
Pour accroître les chances de fidélité du sultan envers celui qui sera la Source de la prochaine dispensation divine, le Bayan l'exhorte à se construire des maisons et une chambre remplies de miroirs ornés de versets qui maudissent le sultan qui tyrannise l'envoyé de Dieu, et qui couvre d'éloge celui qui se fait l'auxiliaire du prophète. Le Bayan fait promettre aux souverains l'allégeance à Celui que Dieu doit Manifester. Parmi les deux maisons que le sultan doit bâtir pour lui-même, l'une comporte 95 portes, et l'autre 19.
En matière d'impôts, le sultan perçoit sur ses sujets une taxe prélevée sur des unités de 540 miscals, dont je n'ai pas bien saisi le système. De plus, si un croyant fait une prière dans la demeure d'un sultan, il doit lui verser une aumône d'un miscal d'argent.
La couronne des sultans est ornée de 95 pierres précieuses.
Pour terminer, il semblerait que le Bayan fasse mention du sultan comme étant élu, mais l'allusion est brève.
X. Instruction
Le Bayan est au centre de la vie du croyant. Il annule tous les anciens livres révélés, et en matière de religion, il devient la seule référence.
Chaque croyant en possède un. Tous les exemplaires du Bayan doivent être écrits dans une belle graphie, ornés, et conservés en hauteur dans un endroit propre. Dans l'idéal, le Bayan doit être composé de 19 volumes parfaitement symétriques, comportant chacun le même nombre de phrases. Il est même dit que, dans l'idéal, chaque volume devrait comporter le même nombre de mots, ou de lettres, mais que cela n'était pas possible « dans le rang des créatures ».
Les croyants ne peuvent être instruits que dans le Bayan. (Je ne crois pas que cela signifie que les domaines extra-religieux ou extra-philosophiques soient interdits comme objets d'étude ou de connaissance. Cette supposition s'étend à ce qui va suivre.) Un certain nombre de sciences sont interdites, qui complètent l'étude des textes sacrés (grammaire, syntaxe, philosophie, etc.), car les plus grands érudits en matière religieuse (alchimistes, linguistes, astrologues, théologiens) n'ont pas été capables de reconnaître le Bab, et aux autres époques, ce n'est pas ce type de savoir qui a guidé les hommes vers la bonne religion. Aussi, les livres écrits par les fidèles sont écrits à l'ombre de la croyance ou de la négation. Par exemple, un traité écrit par un musulman pendant l'ère islamique est un fruit de la révélation muhammadienne. A l'inverse, un traité islamique écrit au temps du Bab est écrit dans la négation, et devient invalide, et ne doit pas être étudié. Du moins est-ce ainsi que j'ai compris l'ordre donné dans le Bayan selon lesquels les livres antérieurs au babisme étaient abrogés. Il me semble aussi avoir lu, mais je ne l'ai pas relevé, que les livres non-Babis devaient être détruits, ce qui doit être replacé dans le contexte de cette section.
On ne peut donc écrire de livres qu'à l'ombre de Bayan, et il s'agit exclusivement de livres relatifs à la religion du Bab. D'ailleurs, les bayanis ne peuvent pas posséder plus de 19 livres : le premier et le Bayan, et les 18 autres sont des livres écrits dans la science du Bayan. Pour posséder ces 19 livres, il faut s'acquitter de 19 miscals d'or. Tous les livres doivent être ornementés et écrits dans une belle écriture. Il est permis d'imprimer les livres, y compris le Bayan, afin de faciliter sa diffusion. Cependant, personne n'est autorisé à commenter le Bayan.
Les livres vieux de plus de 200 ans, et remplacés par de nouveaux exemplaires, à moins que pour certaines raisons (historiques ? culturelles?) les nouveaux exemplaires ne peuvent pas être meilleurs que les originaux.
Je vais ici me permettre une régression. Le professeur Nicolas, qui a traduit le Bayan, réfute l'idée selon laquelle le Bab était « anti-science ». Et je rejoins son avis, puisque le Bab parle des sciences suscitant le byzantinisme des érudits en matière de sacré, et la vanité de certaines études autour du Coran. Je ne crois pas que le Bab ait commandé de détruire les livres de recettes, les romans, les manuels de biologie ou les guides d'installation de Windows 8. Mais je peux me tromper.
XI. Les cadeaux pour Celui que Dieu doit Manifester
Au cours de leur vie, les babis doivent rassembler un certain nombre de présents qu'ils devront offrir à Celui que Dieu doit Manifester le jour de son apparition. Il s'agit de :
_19 pierres précieuses (3 diamants, 4 topazes, 6 émeraudes et 6 rubis, dont une seule doit avoir la valeur des 18 autres).
_19 cornalines
_Une bouteille de cristal remplie de parfum.
_Les babis qui possèdent les plus belles écritures doivent aussi lui offrir mille versets calligraphiés sur du beau papier.
En outre, les objets les plus exceptionnels (on parle de biens non-périssables) qui existent dans les nations babies doivent lui être remises en 19 exemplaires, et il est illicite pour tout autre que Lui de posséder un de ces objets. Les croyants et les sultans versent également une taxe venant alimentant un fabuleux Trésor qui sera donné, le jour venu, à cette grande figure messianique.
XII. Une dernière Loi
Le Bayan et ses lois seront automatiquement abrogés dès l'apparition d'un nouveau prophète. Ce dernier pourra les renouveler ou en donner de nouvelles.
Conclusion :
Je vais faire plusieurs remarques sur les lois du Bayan. Tout d'abord, il est évident qu'elles sont choquantes, et ce pour plusieurs raisons. En premier lieu, elles décrivent une religion totalitaire (au sens étymologique) qui pèse très lourdement sur la vie des croyants... et de leurs voisins non-croyants. Et malgré le principe de non-violence très fort qui anime la foi babie, il n'empêche que l'application de ses lois donnerait lieu à des situations cruelles. Comment les malades se soigneraient-ils si les médicaments sont interdits ? N'est-il pas injuste que certains enfants soient bannis de leur communauté avant même leur naissance ? Interdire les voyages et la mixité sociale n'amèneraient-ils pas des frustrations chez le peuple du Bayan ?
Un autre aspect dérangeant du Bayan est que certaines de ses lois apparaissent comme étant complètement absurdes. Certains chapitres traitent de la pureté des excréments de souris, de l'emplacement des cabines sur un bateau ou de la manière de faire cuire un œuf. Ces éléments portent à croire que le Bayan a été rédigé par un esprit malade.
Seulement, chacune de ces loi fait l'objet d'une justification, et s'inscrit dans un ensemble complexe qui est – de bout en bout – parfaitement cohérent. Je n'ai pas trouvé de faille dans le Bayan. Tout trouve une explication, et chaque explication dérive d'une science sacrée dont les tenants et les aboutissants apparaissent obscurs au commun des mortels, mais qui n'est autre que la science de l'unité de Dieu, dont découle des principes ésotériques appliqués dans la vie quotidienne. A ce niveau-là, le Bayan est bien moins opaque que la Bible et le Coran, et mérite fort bien son titre (Bayan signifie « explication »). De plus, la complexité des arguments avancés pour justifier l'élévation d'une nouvelle religion après l'islam est tout simplement grandiose. Ce qui donne au Bayan un caractère profondément mystérieux qui ne manquera pas d'étonner les passionnés de religion et les islamophiles. Face à cet OVNI de la littérature religieuse, on reste coi devant l'improbabilité de son existence.
Le Bayan me fait également penser qu'il est le parfait aboutissement des religions abrahamiques telles que nous les connaissons aujourd'hui. Il possède la sévérité juridique du judaïsme, la ferveur monothéiste de l'islam et la non-violence du christianisme, mais il pousse le modèle judéo-islamo-chrétien à son paroxysme. Si on prenait les trois religions du Livre, qu'on les fusionnait, et qu'on réglait le paramètre « exigence » au maximum, on obtiendrait le Bayan. A côté du babisme, on dirait que l'islam n'est qu'un moteur tournant à 40% de sa capacité potentielle. En cela, il y a vraiment une pureté dans la religion babie, qui donne raison à son fondateur.
A présent je vais réfuter certains points de vue. Non, le Bayan n'ordonne pas la guerre et le massacre, bien au contraire, il honnit la violence. Non, le Bayan n'est pas inspiré par le soufisme, car le Bab méprise cette pratique. En revanche, le Bayan cherche bien à détruire l'islam, mais pas de la manière dont on l'avance habituellement. L'abolition de la jama'at n'a pas pour but de briser les liens de solidarité dans la communauté par exemple, et je crois que le texte montre de lui-même que le sens de la communauté est très fort dans cette religion.
Shoghi Effendi tente également tant bien que mal d'expliquer ces lois bizarres en parlant de réformes sociales profondes à opposer à un état tyrannique, dans le contexte de la Perse du XIXe siècle, autrement dit, elles permettraient une révolution sociale minant les soubassements de la religion chiite. Nader Saiedi, un érudit Baha'i, justifie quant à lui ces lois en affirmant que leur application dépendait de l'apparition de Celui que Dieu doit Manifester. Je n'aime pas contredire des gens très savants et qui ont beaucoup plus étudié ces sujets que moi, mais ça me paraît faux, car les lois sont à mettre en place précisément pour préparer la venue et l'avènement de ce personnage, qui se trouve être Baha'u'llah pour les Baha'is.
Il me semble que les Baha'is ont du mal à justifier le Bayan, et je pense que c'est la raison pour laquelle ce texte n'a pas encore le droit à une traduction officielle après plus de 150 d'histoire baha'ie, et qu'il est si peu diffusé dans le monde baha'i malgré la pré-éminence de la figure du Bab. Le fait que peu de Baha'is le lisent, et que l'ensemble des textes du Bab disponibles dans les librairies baha'ies se résument à un petit corpus soigneusement intitulé « Sélection des écrits du Bab » me porte à croire qu'il ne s'agit ni plus ni moins que d'une forme de censure, trahissant l'embarras des Baha'is face à ce texte surprenant.
Pourtant, le Bayan constitue le fondement même de la théologie baha'ie, et toute la légitimité de la religion de Baha'u'llah repose sur cet écrit. Je pense que les Baha'is ont trop de scrupules à soigner leur image, et qu'ils devraient au contraire sortir le Bayan du placard pour se confronter à lui. En effet, de quel droit ferait-on un procès à la religion baha'ie à cause du Bayan ? Il s'agit d'un livre incomplet, dont les lois les plus dures n'ont jamais été mises en pratiques, y compris par la communauté babie contemporaine. De plus, c'est un livre, je le redis, remarquable en de nombreux points, qui recèlent de mystères, et même de sagesses oubliées.
Dans tous les cas, l'histoire du bahaïsme manque de transparence, et le Bayan n'est qu'une zone d'ombre parmi d'autres à hanter cette religion pourtant fascinante.
Pour terminer sur cet exposé, il faut savoir que j'essaye présentement de contacter les derniers représentants de la communauté babie pour obtenir d'eux le plus de renseignement sur leur religion, leurs livres et leur histoire. J'essaierai de faire paraître ces renseignements si je parviens à mener mon enquête.
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Re: Foi bab'ie et Bayans
Ecrit le 30 sept.15, 14:47Tres honnetement.
Chapeau
Tres bon travail de vulgarisation. Précis et concis.
Je pense que ca pose une lumière assez juste et des questions fort pertinentes
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Tres bon travail de vulgarisation. Précis et concis.
Je pense que ca pose une lumière assez juste et des questions fort pertinentes
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Re: Foi bab'ie et Bayans
Ecrit le 01 oct.15, 01:51Merci Indian ! J'étaits impatient d'avoir ton avis.
Maintenant, y'a plus qu'à trouver des réponses à ces questions. Et des vraies réponses, pas des sophismes.
Maintenant, y'a plus qu'à trouver des réponses à ces questions. Et des vraies réponses, pas des sophismes.
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Re: Foi bab'ie et Bayans
Ecrit le 02 oct.15, 05:08Bon matin Akenoi,Akenoï a écrit :Merci Indian ! J'étaits impatient d'avoir ton avis.
Maintenant, y'a plus qu'à trouver des réponses à ces questions. Et des vraies réponses, pas des sophismes.
Je me demande pourquoi les Baha'is devraient prendre d'assaut les Bayans du Bâb, compte tenu qu'ils considèrent Baha'u'llah comme étant '''Celui qui sera rendu Manifeste'' et dont le Bâb en est considéré le héraut.
Qui plus est, le Bâb qui a ajouter que celui qui sera rendu manifeste aura tout le loisir d'émettre toutes les lois ou prescription qu'il souhaitera...
Les chrétiens malgré qu'il reconnaissent jean-Baptiste ou même Moise, répondent des lois des Évangiels.
Les Musulmans de même avec le Qur'an...
Ne devrait-ils pas en être de même pour les Bab'is vs le Qur'an... que les Baha'is vs les Bayans du Bâb?
L'acceptation et la reconnaissance des révélations du Bâb par les musulmans perses étaient-elles des '''conditions'' pour eux de pouvoir également reconnaitre Baha'u'llah? ou ''Celui qui sera rendu Manifeste''?
Désolé, plus de question que de réponse.
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Re: Foi bab'ie et Bayans
Ecrit le 02 oct.15, 07:18Indian, j'entends ce que tu dis, mais en fait ce que je reproche surtout aux Bahai's, c'est de planquer leurs textes plutôt que de dire :
"Oui ils existent. Oui ils disent ça. Voilà comment nous l'expliquons."
Il ne s'agit pas pour eux de "prendre d'assaut" le Bayan, de le contredire, mais de l'assimiler. Car là, ils ne l'assimilent pas, ils le rejettent, et ça montre un problème.
Il y a eu au moins quinze personnes après la mort du Bab qui ont prétendu au titre de Celui que Dieu doit Manifester, et ils ont été rejetés un à un, sauf Baha'u'llah, qui a quasiment converti tous les babis, à l'exception de Mirza Yahya Subh-i-Azal et ses potes. la famille du Bab s'est même mélangée à celle de Baha'u'llah. Donc qui sait ?
"Oui ils existent. Oui ils disent ça. Voilà comment nous l'expliquons."
Il ne s'agit pas pour eux de "prendre d'assaut" le Bayan, de le contredire, mais de l'assimiler. Car là, ils ne l'assimilent pas, ils le rejettent, et ça montre un problème.
L'acceptation et la reconnaissance des révélations du Bâb par les musulmans perses étaient-elles des '''conditions'' pour eux de pouvoir également reconnaitre Baha'u'llah? ou ''Celui qui sera rendu Manifeste''?
Il y a eu au moins quinze personnes après la mort du Bab qui ont prétendu au titre de Celui que Dieu doit Manifester, et ils ont été rejetés un à un, sauf Baha'u'llah, qui a quasiment converti tous les babis, à l'exception de Mirza Yahya Subh-i-Azal et ses potes. la famille du Bab s'est même mélangée à celle de Baha'u'llah. Donc qui sait ?
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Re: Foi bab'ie et Bayans
Ecrit le 08 oct.15, 08:30Akenoï a écrit :Indian, j'entends ce que tu dis, mais en fait ce que je reproche surtout aux Bahai's, c'est de planquer leurs textes plutôt que de dire :
"Oui ils existent. Oui ils disent ça. Voilà comment nous l'expliquons."
Il ne s'agit pas pour eux de "prendre d'assaut" le Bayan, de le contredire, mais de l'assimiler. Car là, ils ne l'assimilent pas, ils le rejettent, et ça montre un problème.
Il y a eu au moins quinze personnes après la mort du Bab qui ont prétendu au titre de Celui que Dieu doit Manifester, et ils ont été rejetés un à un, sauf Baha'u'llah, qui a quasiment converti tous les babis, à l'exception de Mirza Yahya Subh-i-Azal et ses potes. la famille du Bab s'est même mélangée à celle de Baha'u'llah. Donc qui sait ?
Pour ma part, de mon côté, lors des quelques rencontres de discussion que j'ai la chance d'assister, le Bab a toujours été présenté et discuté avec la même ''stature'' que Baha'u'llah ou Jésus Christ... même que parfois, je me demandais pour quoi tant d'emphase était mis sur lui.
Même que dans certains écrits de Baha'u'llah, Jésus Christ prend un place tellement importante, que c'est à ce demander si Baha'u'llah n'était pas chrétien avant tout.
Tu connais la ''lettre aux Chrétiens?
http://www.bahai-biblio.org/centre-doc/ ... tiens1.htm
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Re: Foi bab'ie et Bayans
Ecrit le 13 mars16, 22:07Il est vrai que si l'on veut expliquer la synthèse Babie-baha'ie de façon historique neutre on pourrait dire que Baha'ullah a réformé l'Islam pour peu à peu se christianiser sous l'impulsion de son fils. Lui qui a vécu le christianisme en voyageant en Europe.
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Re: Foi bab'ie et Bayans
Ecrit le 07 juil.16, 23:42Puisque les messages de ces derniers jours ont été effacés du forum suite à ce qui semble être un problème de sauvegarde sur le serveur, je redonne l'explication que j'ai trouvée pour expliquer les problèmes soulevés par le Bayan.
Voici ce qui m'est apparu à la lumière de mes réflexions.
Le Bayan, et les écrits du Bab, constituent la première partie de la révélation Bahaïe. Il s'agit de matériaux spirituels bruts et non-transformés. Ces éléments sont mis à disposition de Baha'u'llah de la même manière que des matériaux chimiques simples (mercure, plomb, souffre...) sont mis à disposition de l'alchimiste. Ils sont révélés pour être transformés.
Baha'u'llah opère sur le Bayan une transmutation alchimique similaire à celle du plomb en or. Mais au lieu de plomb à transmuter en or, Baha'u'llah veut transmuter le Bayan en pure sainteté. Et c'est pourquoi le Kitab-i-Aqdas (le Plus Saint Livre) se nomme ainsi. Il est l'objet de la transmutation du Bayan, et est dit "Plus Saint" car il est issu d'une opération destinée à produire de la sainteté à partir des écritures du Bab. Ce qui explique les nombreux parallèles entre les deux Livres. Le Bayan tout entier se retrouve ainsi dans l'Aqdas.
Le Bab nous avait dit par ailleurs que Celui que Dieu manifesterait achèverait son livre. Tous ont pensé qu'il s'agissait de compléter les chapitres manquant. Nous voyons ici qu'il ne s'agissait pas de cela (il fallait élever la compréhension de cette prophétie à un degré supérieur).
L'histoire de la révélation Bahaïe est ainsi celle d'une opération alchimique profonde, ce qui se retrouve dans le Symbole de l'Anneau :
Les deux étoiles représentent respectivement le Bab et Baha'u'llah. Et il me semble que le symbole au milieu représente les 13 années qui séparent leurs dispensations, avec la barre verticale qui forme le 1 du 13, et les trois barres horizontales qui forment le 3 du 13.
Les ordres contenus dans le Bayan doivent donc être compris comme sujets à mutation. Ils ne doivent pas être lus comme tels qu'ils sont écrits, mais tels qu'ils sont amenés à évoluer dans le Verbe de Baha'u'llah. Ce qui explique notamment leur inapplicabilité.
Voici ce qui m'est apparu à la lumière de mes réflexions.
Le Bayan, et les écrits du Bab, constituent la première partie de la révélation Bahaïe. Il s'agit de matériaux spirituels bruts et non-transformés. Ces éléments sont mis à disposition de Baha'u'llah de la même manière que des matériaux chimiques simples (mercure, plomb, souffre...) sont mis à disposition de l'alchimiste. Ils sont révélés pour être transformés.
Baha'u'llah opère sur le Bayan une transmutation alchimique similaire à celle du plomb en or. Mais au lieu de plomb à transmuter en or, Baha'u'llah veut transmuter le Bayan en pure sainteté. Et c'est pourquoi le Kitab-i-Aqdas (le Plus Saint Livre) se nomme ainsi. Il est l'objet de la transmutation du Bayan, et est dit "Plus Saint" car il est issu d'une opération destinée à produire de la sainteté à partir des écritures du Bab. Ce qui explique les nombreux parallèles entre les deux Livres. Le Bayan tout entier se retrouve ainsi dans l'Aqdas.
Le Bab nous avait dit par ailleurs que Celui que Dieu manifesterait achèverait son livre. Tous ont pensé qu'il s'agissait de compléter les chapitres manquant. Nous voyons ici qu'il ne s'agissait pas de cela (il fallait élever la compréhension de cette prophétie à un degré supérieur).
L'histoire de la révélation Bahaïe est ainsi celle d'une opération alchimique profonde, ce qui se retrouve dans le Symbole de l'Anneau :
Les deux étoiles représentent respectivement le Bab et Baha'u'llah. Et il me semble que le symbole au milieu représente les 13 années qui séparent leurs dispensations, avec la barre verticale qui forme le 1 du 13, et les trois barres horizontales qui forment le 3 du 13.
Les ordres contenus dans le Bayan doivent donc être compris comme sujets à mutation. Ils ne doivent pas être lus comme tels qu'ils sont écrits, mais tels qu'ils sont amenés à évoluer dans le Verbe de Baha'u'llah. Ce qui explique notamment leur inapplicabilité.
"Supplie Dieu d’accorder aux hommes une oreille attentive, une vue perçante, un coeur réceptif et empli d’amour afin que ses serviteurs parviennent à celui que leur coeur désire et tournent leur visage vers leur Bien-Aimé."
Re: Foi bab'ie et Bayans
Ecrit le 08 juil.16, 10:08Akenoï merci beaucoup et bravo pour tout cet exposé très enrichissant.
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