Jean Daniel écrivait : " Le défaitisme, et j’ai pu en faire l’expérience toute ma vie, a quelque chose de hideux, comme un affaissement avant la chute. Mais le raisonnement le plus réaliste, le plus modeste, est de toute façon qu’il faut tenir pour sacrée la devise selon laquelle la division c’est la mort. Autrement dit, voulez-vous éviter la mort de la gauche ? Évitez la division, toujours et partout, quoi qu’il en coûte. Simplement parce qu’il n’y a aucun salut sans le rassemblement, sans l’union, sans l’unité. C’est ce qu’écrivait déjà Ibn Khaldoun, philosophe arabe du XIVe siècle ".
Jean Daniel, Albert Camus, comme bien d'autres, ont milité pour une concorde entre les "arabes" et les français d'Algérie. Ils ont cru possible de réconcilier deux peuples qui vivaient côte à côte et se méprisaient mutuellement. Mais De Gaulle en a décidé autrement : et ce fut la fin de leur rêve, comme celui de l'Algérie française, d'autant que l'OAS et le FLN ont rendu tout processus de paix impossible.
L'histoire va leur donner raison, du moins le croient-ils, qu'il est possible de réconcilier les a priori irréconciliables, en la personne de Desmond Tutu en Afrique du Sud. Ce qu'ils semblent ignorer, c'est qu'en Afrique du Sud le problème est racial et non religieux puisque noirs et blancs sont chrétiens, d'une part ; et d'autre part que la réconciliation s'est faite sous condition d'aveux et de repentance publique, de la part de ceux qui ont commis des crimes envers les noirs. Mais savent-ils que l'apartheid s'est transmué en racisme ordinaire et que la situation des noirs n'a guère beaucoup changée ?
Or depuis l'échec des accords d'Evian et le rapatriement des français d'Algérie et son traumatisme, ils ont multiplié de nouveaux concepts du vivre ensemble donnant la priorité au multiculturalisme au risque de remettre en cause la laïcité et ses règles du vivre ensemble ! Ils ont tenté depuis de reproduire l'expérience d'Afrique du Sud ailleurs où des guerres civiles menacent d'éclater pour cause d'affrontement de partis politiques à l'idéologie diamétralement opposée.
Jean Daniel aura tenté auprès de Bourguiba pour lequel il avait beaucoup d'admiration, de lui faire admettre l'opposition et de laisser s'exprimer les partis communistes, les pan-islamiste et autres pan-arabistes ; estimant la jeunesse qu'il a scolarisée et formée, assez mure et apte à assurer sa relève le moment venu. Bourguiba refusait de l'écouter persuadé que c'était prématuré. Il s'en est suivi une fâcherie entre les deux hommes jusqu'à sa mort.
L'argument majeure de Bourguiba que refusait d'entendre Jean Daniel, est que la jeune République qu'il construisait, est encore fragile ; et qu'il craignait que les islamistes tout comme les arabistes, ne la détruisent ; leurs lubies étant la "oumma islamique" pour les uns et le "oumma arabe" pour les autres ; et qu'il en sera fini de la jeune nation tunisienne qu'il était en train d'unifier. Le pire des deux ennemis du nationalisme, étant les Frères musulmans qui affichaient clairement un programme rétrograde et obscurantiste et rêvaient de restaurer le Califat ! L'Histoire lui donne raison : depuis que Ghannouchi et ses Frères sont au pouvoir, ils n'ont eu de cesse de détricoter ce qu'avait fait Bourguiba et de bloquer de l'intérieur les rouages de l'Etat en y plaçant massivement les leurs pour les dédommager d'un prétendu militantisme et non pour leur compétence, compétence qui pour la plus part ne l'ont pas.
Jean Daniel était pour le "dialogue" entre le FIS et le FLN au pouvoir. Dans sa "Lettre au président Zeroual", il était plus hostile à l'armée qu'aux égorgeurs ! Ce qui l'a déterminé à adhérer à la Plate-forme de Rome, c'est son désir de voir l'Algérie retrouver la paix, parceque des gens de sa génération ne peuvent se résoudre à ce que la guerre d'Algérie ait été faite pour rien, dira-t-il à El Wtan, en précisant : " C'est pour cela que dés qu'il y a un signe d'espoir, on y adhère ".
Jean Daniel naïvement comme tant d'autres, croient que le parti des Frères musulmans est un parti politique comme les autres, avec lequel il est possible de composer et de négocier.
S'il savait que son fondateur Hassan el Banna, grand père maternel de Tariq Ramadan, était admirateur de Hitler auquel il a piqué quelques idées pour peaufiner son parti ... il changerait de regard sur cette organisation internationale islamiste aux ramifications touchant tous les pays dits "arabo-musulmans", jusqu'en Occident ; et ce, depuis la chute du mur de Berlin !
Seulement voila, le multiculturalisme va virer au communautarisme dans lequel vont s'engouffrer des islamistes multipliant les revendications spécifiques et par la même, les coups de butoir dans la laïcité : les mieux organisés étant les Frères musulmans qui veulent vendre leur model sociétal aux français !
Or depuis le fumeux "Printemps Arabe", ces gens de gauche ont repris leur vieux dada, et pensent pouvoir réconcilier le parti au pouvoir au moment de sa chute, avec ses pires opposants, que sont les Frères musulmans !
Ce qui explique que les partis de gauche en France soutiennent les Frères musulmans et souhaitent les voir partager le pouvoir avec leurs anciens ennemis.
En somme ces intellectuels naïfs, veulent expérimenter une nouvelle forme de démocratie pour "Arabes", où les extrêmes partagent le pouvoir ... ce qu'ils refuseraient chez eux, se voyant mal pactiser avec le FN !
D'où leurs discours qui irritent les progressistes tunisiens, quand les responsables politiques le reprennent en chœur pour vendre les Frères musulmans à des peuples qui n'en veulent pas, leur assurant cyniquement que leur islamisme est light/modéré et compatible avec la démocratie, pour les convaincre de les accepter.
Ce que ces intellectuels refusent de voir c'est que la doctrine qui fonde les Frères musulmans n'est autre que le wahhabisme, qui n'a rien à envier au fascisme totalitaire d'autres doctrines que l'Occident a connues lors de la seconde guerre mondiale : le nazisme et le fascisme. Sauf que le wahhabisme a vocation à l'expansionnisme, et veut convertir par la violence au besoin, tout le monde à cette doctrine !
Et pire encore, c'est que L'internationale socialiste et sa branche française en particulier qui a toujours défendu le "Contrat de Rome", sont tout à fait sur la même longueur d'onde que ces intellectuels. D'ailleurs lors de l'affaire du foulard, Lionel Jospin aurait répondu à Elisabeth Schemla, journaliste du Nouvel Obs : " Et que voulez-vous que ça me fasse que la France s'islamise ?" ! Ce qui en dit long sur l'ignorance du danger face au wahhabisme que ces hommes politiques considèrent comme faisant partie d'un islam ordinaire. Ce qui démontre par ailleurs leur inculture, oubliant que l'islam de France étant celui de ses anciennes colonies, n'a jamais été wahhabite !!
Wahhabisme que subissent les pays du monde "arabo-musulmans" depuis que les Ibn Saoud et leur frère ennemi l'émir du Qatar, riches de leurs pétrodollars, ont mis tout en oeuvre pour diffuser cette doctrine : par voie satellitaire en multipliant les chaines de TV et les émissions "religieuses" ; lors du pèlerinage à la Mecque où tout est organisé sur place pour convertir au wahhabisme les pratiquants qui se chargeront de le diffuser autour d'eux une fois rentrés dans leurs pays ; par le financement des écoles coraniques, des mosquées et des centres "culturels" en fournissant au besoin les imams et autres prédicateurs pour les animer ...
Ces intellectuels n'ont-ils pas vu les dégâts que les Frères musulmans ont produits en Egypte, transformant ce pays phare de la culture "arabe" en pays où la bigoterie le dispute à la misère intellectuelle ? N'ont-ils pas tiré les leçons des années noires de l'Algérie quand le FIS, branche algérienne des Frères musulmans, décimait les intellectuels, ni de la concorde civile, qui n'a abouti qu'à un partage du pouvoir entre les militaires et les islamistes : les premiers conservant la main mise sur l'économie du pays et les seconds sur la société qu'ils islamisent en profondeur remplaçant le malékisme ancestral des algériens par le wahhabisme, avec une chariaa de plus en plus prégnante dans un parlement dominé par les islamistes, réduisant la femme au statut de mineure ? !
Plus prés encore, n'ont-ils pas compris la stratégie du Frère musulman Erdogan pour en finir avec le régime laïc de la Turquie où il veut remplacer la constitution par la chariaa ; tout comme son frère Ghannouchi d'Ennahdha, l'autre branche des Frères musulmans en Tunisie, qui a transformé ce pays pacifique en premier exportateur de terroristes dans le monde et plus particulièrement en France ?
Leur obstination et leur aveuglement, rappellent d'autres : ceux de certains intellectuels qui auront soutenu malgré les évidences, l'empire soviétique ; dont le plus célèbre fut Jean Paul Sartre !
Or depuis la multiplication des attentats terroristes en France, les français découvrent le wahhabisme et l'ampleur de son emprise sur une bonne partie de leur société ... et pourtant ces intellectuels continuent à soutenir les Frères musulmans ! Combien de morts, victimes du terrorisme islamiste, leur faudra-t-il encore, pour cesser leur aveuglement ; puisque les millions de victimes du wahhabisme dans les pays "arabo-musulmans", ne semblent pas les toucher plus que ça ?
Est-ce de l'aveuglement ? De la naïveté ? Si les uns sont sincères, d'autres auraient-ils une raison non avouée de soutenir les Frères musulmans, quand on sait que les pétromonarques sont les alliés des EU et d’Israël et quand on sait le rôle joué par le wahhabisme dans la dislocation de l'Empire Ottoman, ce que les américains réactivent pour redessiner la carte du monde "arabe", dessinée par d'autres puissances que la leur : La France et l'Angleterre ?
Alors à quoi jouent les intellectuels de gauche ?
La France ne peut être en guerre contre le terrorisme si elle ne lutte pas efficacement contre le fléau qui le fonde qu'est le wahhabisme. Ce que les intellectuels doivent intégrer pour faire barrage aux Frères musulmans et au wahhabisme et ne pas se laisser duper par les Ibn Saoud ni par l'émir du Qatar protecteur des Frères musulmans, qui condamnent le terrorisme et prétendent le combattre alors qu'ils l'instrumentalisent en sous-main.