Lettre d'Anouar El Sadate à Hitler
Au début des années 50, le bruit court que le Führer est encore en vie. Cette lettre est publiée le 18 septembre 1953 dans El-Moussaouar, hebdo gouvernemental cairote. Sadate est déjà l’une des personnalités les plus en vue de l’équipe de Nasser.
« Mon cher Hitler,
Je vous félicite du fond du cœur. Même s'il vous semble que vous avez été battu, en réalité vous êtes le vainqueur. Vous avez réussi en créant des dissensions entre le vieux Churchill et ses alliés, les fils de Satan. L'Allemagne vaincra car son existence est nécessaire à l'équilibre mondial. Elle renaîtra en dépit des puissances de l'Ouest et de l'Est. Il n'y aura pas de paix sans que l'Allemagne redevienne ce qu'elle a été. L'Ouest aussi bien que l'Est paieront pour cette réhabilitation, qu'ils le veuillent ou non. Les deux camps y consacreront beaucoup d'argent et d'efforts, dans le but d'avoir l'Allemagne de leur côté, ce qui bénéficiera grandement à celle-ci, aussi bien aujourd'hui qu'à l'avenir.
Pour le passé, je pense que vous avez commis quelques fautes, comme d'ouvrir trop de fronts et [de ne pas avoir su parer à] l'imprévoyance de Ribbentrop face à l'experte diplomatie britannique. Mais ayez confiance en votre pays, et votre peuple réparera ces faux pas. Vous pouvez être fier d'être devenu immortel en Allemagne. Nous ne serions pas surpris si vous y apparaissiez de nouveau ou si un nouvel Hitler se levait dans votre sillage. »
Lettre reproduite par Jean-Pierre Péroncel-Hugoz dans
«Le radeau de Mahomet», Lieu Commun, 1983, réédité chez Flammarion en 1984. L'auteur décrit l’expansion de l’intégrisme diffusé par les Frères musulmans, qui «au train où il va risque fort d’être bientôt à l’islam ce que Staline fut au socialisme et le nazisme au nationalisme.»
Il y a plus de 30 ans, ce journaliste du Monde observe avec une exceptionnelle lucidité, depuis son observatoire du Caire, ce qui se trame dans le monde musulman avec la dramatique complaisance des Occidentaux. Un préambule dont nous récoltons aujourd’hui les fruits. Voici en bonus quelques citations de Péroncel-Hugoz (p. 73-80) centrées sur Sadate et l’antisémitisme.
Le raïs a soigneusement choisi sa cravate pour son arrivée historique en Israël le 19 novembre 1977.
«De même qu’il (Sadate) ignore totalement, dans ce texte, les millions de martyrs juifs européens du «cher Hitler» (ces martyrs dont il devait cependant honorer le souvenir par une visite à leur mémorial, en 1977), on ne connaît pas la moindre intervention de Sadate en faveur de ses compatriotes israélites lorsque ceux-ci, sous Nasser, furent en toute impunité dépouillés, abaissés, incarcérés, chassés(…) Quelque temps avant la guerre d’octobre 1973, le raïs insista encore publiquement sur la «perfidie congénitale des juifs, reconnue par le Coran».
« (…) L'éducation musulmane traditionnelle que reçut le jeune Anouar mettant l'accent sur les sourates anti juives du Coran - et Dieu sait si elles sont nombreuses et définitives! - son admiration sans bornes d'officier nationaliste pour l'Allemagne, y compris dans ses errements nazis, le rude choc de la défaite arabe de 1948 devant cette nation israélite que l'Islam n'autorisait plus à porter les armes depuis quatorze siècles, la confusion entretenue par la propagande nassérienne entre sionisme, judaïsme et Israël sont des éléments plus que suffisants pour avoir prédisposé Sadate à être tout autant judéophobe qu'israélophobe. »
« Le raïs avait senti de longue date que les Frères musulmans et consorts étaient les seuls qui pourraient sérieusement tenter un jour de remettre en cause son entreprise de paix. Aussi, dès l'origine, a-t-il veillé à nourrir son dossier de justifications coraniques. Des théologiens d'El-Azhar, il obtenait en novembre 1978 une fatoua (avis) en faveur de la paix. Cela ne fut pas facile, non pas tant parce que quelques cheikhs se faisaient tirer l'oreille pour produire une sentence exactement contraire à celle que Nasser, jadis, leur avait fait prononcer pour «interdire aux musulmans de conclure la paix avec ceux des juifs qui ont spolié la terre de Palestine et agressé ses habitants », mais pour la simple raison que le Coran, si prodigue en justifications de la guerre, si riche en imprécations contre les juifs, n'aborde que fort peu la question de la paix. »
« Il faut quand même savoir que les Gens du Livre –israélites et chrétiens– malgré leur statut de «protégés» (dhimmi); malgré leur tribu spécial à payer au pouvoir islamique (la jizya) jusqu’au XIXe siècle -en 1855 pour l’Égypte- mais dont les Frères musulmans exigent aujourd’hui la restauration; malgré leurs droits politiques limités; malgré l’obligation qui leur fut souvent faite de porter un signe les distinguant des musulmans (…) étaient privilégiés dans la société musulmane hier, par rapport aux «idolâtres» (les tenants de toutes les autres croyances) qui n’avaient le choix qu’entre la conversion ou la mort.»
«Dans maintes mosquées d’Égypte, d’Algérie, de Tunisie, de Syrie (pour l’Iran, c’est déjà fait), on réclame maintenant chaque vendredi le rétablissement officiel de cette pyramide à trois étages–les païens, les Gens du Livre, l’Islam –qui pour être d’origine religieuse, n’en rappelle pas moins, qu'on le veuille ou non, d’autres hiérarchies, plus sinistres encore.»
« Et cela en dépit du vieux fond d'antijudaïsme de routine, exprimé par un vocabulaire péjoratif du Maroc à la Mésopotamie, en passant par le Soudan et le Yémen. Kadhafi ne choque que peu de ses coreligionnaires en lançant, alors que Sadate vient de tomber: «Il a vécu en juif, il est mort en juif!» En juin 1965, dans Les Temps modernes, un Marocain inconnu, Saïd Ghallab, avait eu le courage, inédit en la matière pour un musulman, de raconter: «La pire insulte qu'un Marocain puisse faire à un autre, c'est de le traiter de juif. Mes amis d'enfance sont demeurés antijuifs. Ils voilent leur antisémitisme virulent en soutenant que l'Etat d'Israël a été la création de l'impérialisme occidental. Mes camarades communistes eux-mêmes sont tombés dans ce piège. Pas un numéro de la presse communiste ne dénonce l'antisémitisme des Marocains. Et tout un mythe hitlérien est cultivé parmi les couches populaires. On exalte (et on s'en extasie) le massacre des juifs fait par Hitler. On croit même que Hitler n'est pas mort. Et on attend son arrivée pour délivrer les Arabes d'Israël.»
« En novembre 1978, EI-Doua, mensuel des Frères musulmans égyptiens, estimait que «tout mahométan qui veut vivre en accord avec sa foi doit refuser de pactiser avec les juifs et d'établir des relations diplomatiques, économiques et culturelles avec eux, car les juifs sont des usurpateurs et des agresseurs. On ne peut rien attendre d'eux. Il ne peut y avoir de paix avec eux, mais seulement la guerre sainte. Ils doivent vivre en tant que minorité au sein du monde arabe.»
«En avril 1980, la même publication dressait tout simplement la liste des «douze vices juifs» : opportunisme, schizophrénie, racisme aveugle, désir de détruire le monde, égoïsme, pillage, sadisme, amour de l'argent, extorsion, non-respect des engagements, fourberie, art de semer la discorde.
« La même année encore, dans son supplément d'octobre pour les jeunes, intitulé «Les Lionceaux de la prédication», El-Daoua s'employait, dossier à l'appui, à enseigner aux enfants musulmans comment reconnaître un juif. Rien n'y manquait, pas même le nez crochu, les ongles dégoulinant de sang, l'étoile de David sur la houppelande... «O lionceau musulman, anéantis leur existence, car les juifs ne t'aiment pas, toi qui révères Dieu.»