Gustave Le Bon (1884)
La civilisation des Arabes
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L'organisation qu'Amrou donna au pays qu'il venait de conquérir indiquait chez lui un esprit très sage. La population agricole fut traitée avec une équité qu'elle ne connaissait pas depuis longtemps. Il établit des tribunaux réguliers et permanents et des cours d'appel, mais ces tribunaux ne pouvaient juger que les musulmans. Si une des parties était un Égyptien, les autorités coptes avaient le droit d'intervenir. Il respecta les lois, les usages, les croyances des indigènes et n'interdit que la coutume qui voulait que, chaque année, une jeune et belle vierge fut enlevée de force à ses parents, et précipitée dans le Nil pour obtenir du dieu du fleuve une élévation suffisante des eaux au moment de l'inondation. La jeune fille fut remplacée par un mannequin de terre, appelé la fiancée, qu'on précipite encore aujourd'hui dans le fleuve au jour fixé pour la cérémonie. Cet usage, vieux peut-être de plus de soixante siècles, est un indice certain de l'existence de sacrifices humains dans la primitive religion égyptienne.
De même qu'Omar à Jérusalem, Amrou accorda à la religion chrétienne la plus bienveillante protection. La population copte réclamant un patriarche qu'elle avait déjà eu autrefois, il s'empressa de le lui accorder. Il poussa la tolérance jusqu'à permettre aux chrétiens de bâtir des églises dans la ville musulmane qu'il venait de fonder.
Les disciples de Mohamud n'ayant pas encore de temples, et le nombre de chrétiens qui embrassaient l'islamisme s'accroissant chaque jour, Amrou résolut de construire une magnifique mosquée à l'image de celle de la Mecque. Le célèbre monument qu'il éleva est encore debout, malgré l'incurie de l'administration égyptienne qui le laisse tomber en ruines.
La lettre d'Omar au nil
Après la venue de l'Islam, les Coptes demandèrent à `Amr, gouverneur en Egypte, la permission d'effectuer le sacrifice comme ils en avaient l'habitude. Mais celui-ci leur interdit cet acte barbare. Malheureusement, cette année-là la crue du Nil fut très faible et cela pendant les trois mois qui suivent le solstice de l'été , les récoltes étaient mauvaises.Les égyptiens alarmée vinrent solliciter de nouveau, au point que de nombreux paysans envisagèrent de quitter le pays. Alors`Amr écrivit au calife Omar pour prendre conseil auprès de lui.
Le calife approuva l'attitude de `Amr lorsqu'il refusa d'autoriser aux Coptes le sacrifice humain et écrivit donc une lettre adressée au Nil ainsi rédigée :
« "Du Serviteur d'Allah et Chef des Musulmans Au fleuve du Nil "
"Au Nil! Si vous coulez de votre propre volonté, alors ne coulez pas. Mais si votre cours est contrôlé par Allah, le Tout-Puissant, nous prions Allah de garder votre puissant débit".
Sous les yeux des égyptien...cette lettre fut jetée dans le fleuve, tel que le calife l'avait ordonné. C'est alors que le fleuve eut tôt fait de déborder de son lit dans la même année et l'on n'avait pas vu une telle crue depuis des années. De nouveau la contrée se mis à verdoyer, et les récoltes furent riches et les paysans heureux. C'est ainsi que fut mis un terme définitif à cette pratique sauvage et inhumaine.
http://www.ayaatdujour.com/commentaires/00123.html
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L'habileté politique que déployèrent les premiers successeurs de Mohamud fut à la hauteur des talents guerriers qu'ils surent bien vite acquérir. Dès leurs premiers combats, ils se trouvèrent en présence de populations que des maîtres divers tyrannisaient sans pitié depuis des siècles, et qui ne pouvaient qu'accueillir avec joie des conquérants qui leur rendraient la vie moins dure. La conduite à tenir était clairement indiquée, et les khalifes surent sacrifier aux intérêts de leur politique toute idée de conversion violente. Loin de chercher à imposer par la force leur croyance aux peuples soumis, comme on le répète toujours, ils déclarèrent partout vouloir respecter leur foi, leurs usages et leurs coutumes. En échange de la paix qu'ils leur assuraient, ils ne leur imposaient qu'un tribut très faible, et toujours inférieur aux impôts que levaient sur eux leurs anciens maîtres.
La conduite du khalife Omar à Jérusalem nous montre avec quelle douceur les conquérants arabes traitent les vaincus, et contraste singulièrement avec les procédés des croisés, dans la même ville, quelques siècles plus tard. Omar ne voulut entrer dans la cité sainte qu'avec un petit nombre de ses compagnons. Il demanda au patriarche Sophronius de l'accompagner dans la visite qu'il voulut faire dans tous les lieux consacrés par la tradition religieuse, et déclara ensuite aux habitants qu'ils étaient en sûreté, que leurs biens et leurs églises seraient respectés, et que les mahométans ne pourraient faire leurs prières dans les églises chrétiennes.
http://fr.scribd.com/doc/6994132/Arabes-Livre-3
National Georaphic N°17, paru le 26 mars 2015
Sciences et Avenir N 737 - Juillet 2008