Nichiren était il intolérant ?
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Le bouddhisme est une pratique, une philosophie de vie fondée par un sage de l'inde antique vers -600 avant JC, ce sage appelé "Bouddha" ce qui veut dire Éveillé, atteint l'Éveil vers 40 ans puis il enseigna durant toute sa vie, il mourut vers 80 ans en ayant établi une communauté de sa doctrine.
Le bouddhisme est une pratique, une philosophie de vie fondée par un sage de l'inde antique vers -600 avant JC, ce sage appelé "Bouddha" ce qui veut dire Éveillé, atteint l'Éveil vers 40 ans puis il enseigna durant toute sa vie, il mourut vers 80 ans en ayant établi une communauté de sa doctrine.
Re: Nichiren était il intolérant ?
Ecrit le 04 janv.18, 00:04[HS]
Modifié en dernier par Horapollon le 08 janv.18, 09:32, modifié 1 fois.
Raison : hors sujet
La religion est faite pour l'homme et non l'homme pour la religion.
https://www.facebook.com/brutofficiel/v ... 308655040/
Ne pas oublier que la guerre du Congo qui a fait plus de 8 millions de morts en 20 ans dans le Kivu est intimement liée a la richesse minière de la région et au silence de la communauté internationale
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Re: Nichiren était il intolérant ?
Ecrit le 04 janv.18, 00:46Hors sujet :
Suite :
6 -Shakubuku dans la période moderne : partisans et adversaires
Quelque deux cents ans plus tard, l’effervescence intellectuelle et sociale accompagnant le déclin du bakufu et l’arrivée au Japon d’influences étrangères remirent à l’ordre du jour le conflit entre les positions nichiréniennes consensuelles et antagonistes. Auparavant il y avait déjà eu des tentatives au sein de cette Ecole pour codifier la doctrine basée sur les écrits de Nichiren indépendamment de la forte influence du Tendai qui s’était répandu dans ses séminaires durant la période Tokugawa* . La question du rôle de shakubuku en cette période de bouleversements fut de nouveau capitale. Une figure pivot dans cette polémique fut l’érudit Udana-in Nichiki (1800-1859), un des pionniers exégète de l’Ecole Nichiren de l’époque moderne.
Nichiki avança des arguments pertinents pour abandonner le traditionnel shakubuku au profit du plus souple shoju*. Influencé par les érudits nichiréniens accommodants de la période Tokugawa, Nichiki suit manifestement les recommandations de Nichiren, pour qui la méthode de propagation du Sutra du Lotus devait être en accord avec le temps.
Connaissant les critiques de Tominaga Nakatomo (1715 - 1746) et de Hirata Atsutane (1776 -1843), (réf.) il était bien conscient du sentiment montant antibouddhiste. De plus, il avait été personnellement témoin de la répression du bouddhisme dans le fief de Mito.(réf.) Nichiki se rendait compte que le bouddhisme avait depuis longtemps perdu son hégémonie et que l’Ecole Nichiren avait donc à coexister, non seulement avec d’autres formes de bouddhisme plus influentes, mais aussi avec le confucianisme, le Kokugaku, (note) et diverses traditions intellectuelles européennes. Dans son Gukyo yogi (Principes essentiels de propagation du sutra), Nichiki argua que shakubuku était inapproprié à une époque où un changement d’obédience religieuse était interdit par la loi. Critiquer d’autres Ecoles était aussi susceptible d’engendrer la colère, renforçant les gens dans leurs croyances d’origine et les détournant de la Vraie voie. Moyen efficace au temps de Nichiren, shakubuku était devenu maintenant irréaliste, pouvant seulement provoquer le mépris chez les gens cultivés.(réf.) Par ailleurs, Nichiki écrivit que la méthode shakubuku était utilisée avec empressement et à mauvais escient par ceux qui manquaient d’instruction et de patience et que ceux qui s’attachaient à cette forme manquaient souvent de compassion, ce qui était pourtant son vrai but. De plus, les attaques arrogantes contre les autres Ecoles pouvaient conduire des innocents à commettre la faute d’offense au Sutra du Lotus (Shiku kakugen ben. Discussion des Quatre maximes).
Dans le Shoshaku shintai ron (Le choix de shoju ou de shakubuku), Nichiki lia ses arguments à la réinterprétation de la pensée traditionnelle de mappo*. Shakubuku, selon lui, était approprié durant les premiers cinq cents ans de mappo, une période définie dans le Daji Jing (Grande collection de sutras) comme la cinquième et dernière période de cinq cents ans après le parinirvana du Bouddha, celle du déclin du Dharma. Calculant depuis l’année 1052, que les érudits japonais pré-modernes identifiaient généralement comme le début de mappo, Nichiki conclut que ce cinquième demi-millénaire durant lequel Nichiren avait vécu et enseigné, s’était achevé en 1551. (réf.) De plus, le Japon du temps de Nichiren avait été un pays d’offense au Dharma (hobo), et donc shakubuku était adéquat. Le Japon agissant plutôt par ignorance, shoju était désormais préférable. Au tournant de 1551, Nichiki nota plusieurs occasions lors desquelles, de son point de vue, un attachement aveugle à shakubuku avait inutilement fait tomber sur l’Ecole Nichiren le courroux des autorités.
Il soutint que le Rissho Ankoku ron, longtemps regardé comme l’expression exemplaire de la pratique de shakubuku de Nichiren, ne convenait plus à son époque. Miyakawa Ryotoku émet l’hypothèse qu’en rejetant le shakubuku du Rissho Ankoku ron, il réfutait du même coup le principe selon lequel la paix de la nation repose sur l’établissement du Vrai Dharma. Si tel était le cas, cela représenterait une rupture beaucoup plus nette avec l’enseignement de Nichiren qu’un simple passage à une forme différente de propagation. Il est assez curieux de noter que c’est en cherchant à revivifier le principe nichirénien de la propagation en accord avec le temps, que Nichiki en soit venu à un concept religieux qui s’écartait considérablement de celui de Nichiren.
Les écrits de Nichiki soulevaient des questions herméneutiques difficiles, à savoir quels éléments définissaient la tradition de Nichiren, et à quel point ils pouvaient être modifiés sans compromettre son intégrité. Ces questions troublaient particulièrement ceux qui étaient chargés de la formulation normative des interprétations doctrinales. L’analyse de Nichiki par des érudits nichiréniens actuels met à jour une certaine ambivalence, allant d’une franche admiration pour les tentatives innovantes à affronter les défis de la période Bakumatsu, jusqu’à des réserves appuyées concernant la pertinence d’une relecture de la doctrine.
Peu de communautés nichiréniennes - sinon aucune - pratiquent aujourd’hui le shakubuku dans un style conflictuel, mais il reste une répugnance à l’éradiquer totalement de la rhétorique orthodoxe comme l’avait explicitement proposé Nichiki.
Les disciples éminents de Nichiki qui eurent pour tâche de guider l’Ecole Nichiren à travers les années troublées du début de la période Meiji* (lors de la promulgation des ordonnances sur la séparation du shinto et du bouddhisme, visant à évincer le bouddhisme au profit de l’idéologie d’Etat basée sur le shinto), durent faire face à la brève mais violente vague de persécution antibouddhiste connue sous le nom de‘‘haibutsu kishaku’’, littéralement ‘‘supprimer le bouddhisme et détruire Shakyamuni’’. Au premier plan parmi ces disciples fut Arai Nissatsu (1830 - 1888) qui, en 1874, devint le premier superintendant (kancho) de plusieurs branches alliées à l’intérieur de l’Ecole Nichiren (l’actuelle Nichiren Shu fut officiellement fédérée sous ce nom en 1876).
Comme de nombreux dirigeants bouddhistes durant les années de persécution, Nissatsu vit la coopération entre les Ecoles comme le seul espoir de survie de son mouvement - vue reflétant la position de son maître Nichiki sur le caractère non approprié de la confrontation. Nissatsu consacra une bonne partie de sa carrière à cette coopération, faisant souvent face aux critiques de la part de sa propre Ecole. (réf.) Nissatsu prit une part active dans le Shoshu Dotoku Kaimei (Union de Coopération Interreligieuse), organisé en 1868 pour contrecarrer la politique antibouddhiste du gouvernement Meiji. Ainsi que des milliers d’autres officiants cultivés, shinto et bouddhistes, Nissatsu faisait partie du Daikyoin (Académie de l’Enseignement Supérieur), le centre administratif de Kyobusho (Ministère de la Doctrine), comme Maître chargé de l’enseignement du « Grand Enseignement » inspiré du shinto et qui représentait la nouvelle orthodoxie d’Etat. Il y soutint Shimaji Mokurai (1838 - 1911) dirigeant de l’illustre temple Nishi Hongan-ji pour obtenir la dissolution de l’Académie au nom de la liberté de culte. Nissatsu prit également part au lancement d’un projet d’entraide sociale bouddhiste sur le modèle chrétien, établissant un programme d’aumôneries de prison en 1873 et fondant un orphelinat en 1876. En 1877, il se joignit à de notables dirigeants bouddhistes tels que Shimaji, Shaku Unsho, Fukuda Gyokai et Ouchi Seiran pour former le Wakyokai (Société pour l’Harmonie et le Respect) afin de promouvoir l’entente entre les Ecoles.
Toujours au Daikyoin* , Nissatsu aurait fait une curieuse relecture œcuménique des ‘‘shika kakugen’’ (quatre maximes) de Nichiren, qui sont, rappelons-le : « les enseignements du Nembutsu* mènent à l’enfer, le bouddhisme Zen est l’œuvre du démon, le Shingon* détruit le pays et le Ritsu* est déloyal ». En assignant des lectures alternatives aux idéogrammes (kanji) et en réajustant les marqueurs syntaxiques du texte japonais, Nissatsu obtient :
« Parce que nous contemplons le Bouddha, à tout instant les démons sont apaisés ; parce que nos paroles sont vraies, les traîtres qui cherchaient à détruire la nation sont maîtrisés.»
Inutile de dire que cela désamorçait complètement l’intention agressive de l’interprétation traditionnelle. Le fait que Nissatsu altère ainsi une position considérée depuis longtemps comme fondamentale montre non seulement son engagement pour l’approche de shoju prônée par Nichiki, mais également sa prise en compte des difficultés posées par l’exclusivisme traditionnel du Lotus à une époque où les dirigeants bouddhistes de toutes obédiences comprenaient le besoin d’unité pour leur simple survie. La modération préconisée par Nichiki et ses disciples différait déjà du bouddhisme nichirénien des débuts par une tentative active et créative pour répondre aux changements de l’époque sans pour autant tomber dans la complaisance envers les institutions établies.
Mais la réaction d’autres bouddhistes nichiréniens fut complètement à l’opposé. On peut citer, par exemple, la soudaine flambée de l’activité de shakubuku à l’initiative de bouddhistes laïcs pendant la période Bakumatsu, (note) souvent par contestation de l’autorité du bakufu. Ainsi, un fripier dénommé Surugaya Shichihyoe qui prenait une part très active dans son association laïque, fut banni d’Edo* et se vit confisquer sa boutique pour avoir pratiqué shakubuku à l’encontre d’autres Ecoles. Akahata Jingyo, fils d’un pharmacien de Nihonbashi, fut jeté en prison et empoisonné pour avoir brandi un drapeau avec l’inscription des quatre maximes et pour avoir critiqué la politique du bakufu qui interdisait tout changement d’affiliation religieuse.(réf.)
On pourrait trouver les raisons sous-jacentes à cette vague de shakubuku lors de la période Bakumatsu dans les écrits d’un érudit laïc nichirénien, Ogawa Taido (1814 -1878), qui passait pour avoir été le maître d’Akahata Jingyo. Son Shinbutsu hokoku ron (Foi dans le bouddhisme et paiement de la dette de reconnaissance à l’égard du pays), écrit en 1863, établit une comparaison entre les crises affligeant le Japon des derniers jours des Tokugawa - mauvaises récoltes, épidémies, tremblements de terre, agitation intérieure et interférences étrangères - et les désastres qui ravagèrent l’archipel à l’époque de Nichiren, ce qui incita ce dernier à écrire son Rissho Ankoku ron. Pour Ogawa, aujourd’hui comme alors, « la sécurité de la nation dépend de la prospérité du Dharma du Bouddha ».
Ogawa était très critique à l’égard des défenseurs de shoju comme pratique appropriée de l’époque. D’après lui, puisque seul le Sutra du Lotus a la force d’assurer la paix à la nation, shakubuku est le moyen essentiel pour s’acquitter de sa dette de reconnaissance à l’égard du Japon. Cependant, ajoutait-il, la situation contemporaine différait de celle de Nichiren en ce que désormais existait une Ecole Nichiren bien établie, malheureusement affligée d’une corruption interne. Par conséquent shakubuku devait maintenant s’appliquer non seulement à une confrontation avec les autres courants, mais aussi à une rigoureuse purification interne.
« Le temps est arrivé où la loi du gouvernant et le Dharma du Bouddha doivent être réformés.»
Il est évident qu’Ogawa n’adhérait pas au mouvement interreligieux bouddhiste du début de l’ère Meiji. En 1872, lors d’une pétition à Oe Taku, gouverneur de la Préfecture de Kanagawa, il déclara que le Nembutsu, le Shingon, le Tendai et les autres formes de bouddhisme n’étaient pas en accord avec les principes de “révérer les kamis et chérir la nation” puis allégua qu’ils devaient être abolis par la cour impériale et que seul l’enseignement de Nichiren devait être adopté comme le vrai bouddhisme.
Dans la seconde décade de l’ère Meiji, alors que les organisations bouddhistes étaient en train de se remettre de la politique d’oppression des années de l’immédiate post-Restauration, certains religieux et laïcs nichiréniens recommencèrent à revendiquer la thèse de la vérité exclusive de leur tradition d’une façon plus agressive, entraînant des conflits directs avec la nouvelle rhétorique de l’unité interreligieuse. Des attaques apparurent dans différents journaux bouddhistes japonais après que deux éminents prélats nichiréniens écrivirent à John Barrows, président en 1893 du Parlement des Religions du Monde, prétendant que des formes “illégitimes” du bouddhisme ne devaient pas être représentées au Parlement.
Un autre incident, peut-être connexe, concerna l’édition du Bukkyo kakusho koyo (Grandes Lignes des Ecoles bouddhistes) sous la direction du Bukkyo Kakusho Kyokai (Comité bouddhiste interreligieux) pour laquelle chacune des principales traditions bouddhistes japonaises avait été sollicitée, afin de soumettre un article sur les grandes lignes de sa doctrine. Honda Nissho (1867 - 1931), un religieux éminent de la lignée Nichiren Kempon Hokkeshu, se vit refuser la publication de son texte traitant de la tradition nichirénienne. Deux des sous-sections de son manuscrit - celle sur les “quatre maximes” et celle sur les « admonestations contre le diffamateur du Dharma » - furent rejetées par Shimaji Mokurai, directeur de la publication, comme contraires aux objectifs du Comité interreligieux. Les dissensions qui en découlèrent retardèrent la publication de quelques années et, de plus, donnèrent lieu à une controverse idéologique majeure, conduisant Nissho à entamer une procédure en justice à la Cour de Tokyo. Bien que débouté de sa demande d’une révision de la décision éditoriale, Nissho en tira une grande publicité, profitant de l’occasion pour gagner des soutiens pour shakubuku à l’intérieur de l’Ecole Nichiren.
Parallèlement à la résurgence d’une ligne dure de l’exclusivisme du Lotus, cette période vit de nouvelles formes de rhétorique nichirénienne liant shakubuku à l’impérialisme militaire. Un des premiers représentants influents en fut Tanaka Chigaku (1861-1939). En tant que séminariste de l'Académie nichirénienne (Daikyo-in), créée récemment sous la direction d’Arai Nissatsu, Tanaka aurait été déçu par l’approche trop accommodante de shoju conformément à la nouvelle orthodoxie de Nichiki. Pour lui, elle était en contradiction avec la proclamation de Nichiren sur la vérité unique du Lotus. La nouvelle ère Meiji, où l’affiliation religieuse n’était plus restreinte par la loi, donna à Tanaka le sentiment que c’était le moment idéal pour revitaliser shakubuku. .) Il quitta l’Académie et devint un prêcheur laïc du “Nichirénisme” (Nichirenshugi), un mélange de doctrine nichirénienne popularisée et d’aspirations nationalistes. Dans l’idée de Tanaka, shakubuku devenait non seulement l’instrument de la protection de la nation mais aussi celui de l’expansion impérialiste. Dans son Shumon no ishin (Restauration de l’Ecole [Nichiren]), publié en 1901, il écrit :
« Nichiren est le général de l’armée qui va unifier le monde. Le Japon est son grand quartier général. Les Japonais sont ses troupes ; les enseignants et étudiants du bouddhisme de Nichiren sont ses officiers. La profession de foi de Nichiren est une déclaration de guerre, shakubuku est le plan d’attaque. […] Le Japon a véritablement un mandat du Ciel pour unifier le monde.»
Cette rhétorique qui comparait - ou même assimilait - la propagation du Sutra du Lotus par le shakubuku à l’extension du territoire japonais par la force militaire était un thème récurrent dans les cercles bouddhistes nichiréniens jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Cela était lié au nationalisme japonais ambiant, aux aspirations de conquêtes et à la position des institutions religieuses sous le gouvernement militariste ; les groupes nationalistes nichirénistes n’étaient pas les seuls parmi les institutions bouddhistes à soutenir le militarisme, que ce soit de gré ou de force.
Bien que ces questions soient trop complexes pour être discutées ici, il est important de noter que pendant la période impériale post-Meiji la façon d’envisager shakubuku fut complètement à l’opposé de celle des autres époques puisqu’elle allait dans le même sens que les puissances gouvernementales au lieu d’en être une critique.
Suite :
6 -Shakubuku dans la période moderne : partisans et adversaires
Quelque deux cents ans plus tard, l’effervescence intellectuelle et sociale accompagnant le déclin du bakufu et l’arrivée au Japon d’influences étrangères remirent à l’ordre du jour le conflit entre les positions nichiréniennes consensuelles et antagonistes. Auparavant il y avait déjà eu des tentatives au sein de cette Ecole pour codifier la doctrine basée sur les écrits de Nichiren indépendamment de la forte influence du Tendai qui s’était répandu dans ses séminaires durant la période Tokugawa* . La question du rôle de shakubuku en cette période de bouleversements fut de nouveau capitale. Une figure pivot dans cette polémique fut l’érudit Udana-in Nichiki (1800-1859), un des pionniers exégète de l’Ecole Nichiren de l’époque moderne.
Nichiki avança des arguments pertinents pour abandonner le traditionnel shakubuku au profit du plus souple shoju*. Influencé par les érudits nichiréniens accommodants de la période Tokugawa, Nichiki suit manifestement les recommandations de Nichiren, pour qui la méthode de propagation du Sutra du Lotus devait être en accord avec le temps.
Connaissant les critiques de Tominaga Nakatomo (1715 - 1746) et de Hirata Atsutane (1776 -1843), (réf.) il était bien conscient du sentiment montant antibouddhiste. De plus, il avait été personnellement témoin de la répression du bouddhisme dans le fief de Mito.(réf.) Nichiki se rendait compte que le bouddhisme avait depuis longtemps perdu son hégémonie et que l’Ecole Nichiren avait donc à coexister, non seulement avec d’autres formes de bouddhisme plus influentes, mais aussi avec le confucianisme, le Kokugaku, (note) et diverses traditions intellectuelles européennes. Dans son Gukyo yogi (Principes essentiels de propagation du sutra), Nichiki argua que shakubuku était inapproprié à une époque où un changement d’obédience religieuse était interdit par la loi. Critiquer d’autres Ecoles était aussi susceptible d’engendrer la colère, renforçant les gens dans leurs croyances d’origine et les détournant de la Vraie voie. Moyen efficace au temps de Nichiren, shakubuku était devenu maintenant irréaliste, pouvant seulement provoquer le mépris chez les gens cultivés.(réf.) Par ailleurs, Nichiki écrivit que la méthode shakubuku était utilisée avec empressement et à mauvais escient par ceux qui manquaient d’instruction et de patience et que ceux qui s’attachaient à cette forme manquaient souvent de compassion, ce qui était pourtant son vrai but. De plus, les attaques arrogantes contre les autres Ecoles pouvaient conduire des innocents à commettre la faute d’offense au Sutra du Lotus (Shiku kakugen ben. Discussion des Quatre maximes).
Dans le Shoshaku shintai ron (Le choix de shoju ou de shakubuku), Nichiki lia ses arguments à la réinterprétation de la pensée traditionnelle de mappo*. Shakubuku, selon lui, était approprié durant les premiers cinq cents ans de mappo, une période définie dans le Daji Jing (Grande collection de sutras) comme la cinquième et dernière période de cinq cents ans après le parinirvana du Bouddha, celle du déclin du Dharma. Calculant depuis l’année 1052, que les érudits japonais pré-modernes identifiaient généralement comme le début de mappo, Nichiki conclut que ce cinquième demi-millénaire durant lequel Nichiren avait vécu et enseigné, s’était achevé en 1551. (réf.) De plus, le Japon du temps de Nichiren avait été un pays d’offense au Dharma (hobo), et donc shakubuku était adéquat. Le Japon agissant plutôt par ignorance, shoju était désormais préférable. Au tournant de 1551, Nichiki nota plusieurs occasions lors desquelles, de son point de vue, un attachement aveugle à shakubuku avait inutilement fait tomber sur l’Ecole Nichiren le courroux des autorités.
Il soutint que le Rissho Ankoku ron, longtemps regardé comme l’expression exemplaire de la pratique de shakubuku de Nichiren, ne convenait plus à son époque. Miyakawa Ryotoku émet l’hypothèse qu’en rejetant le shakubuku du Rissho Ankoku ron, il réfutait du même coup le principe selon lequel la paix de la nation repose sur l’établissement du Vrai Dharma. Si tel était le cas, cela représenterait une rupture beaucoup plus nette avec l’enseignement de Nichiren qu’un simple passage à une forme différente de propagation. Il est assez curieux de noter que c’est en cherchant à revivifier le principe nichirénien de la propagation en accord avec le temps, que Nichiki en soit venu à un concept religieux qui s’écartait considérablement de celui de Nichiren.
Les écrits de Nichiki soulevaient des questions herméneutiques difficiles, à savoir quels éléments définissaient la tradition de Nichiren, et à quel point ils pouvaient être modifiés sans compromettre son intégrité. Ces questions troublaient particulièrement ceux qui étaient chargés de la formulation normative des interprétations doctrinales. L’analyse de Nichiki par des érudits nichiréniens actuels met à jour une certaine ambivalence, allant d’une franche admiration pour les tentatives innovantes à affronter les défis de la période Bakumatsu, jusqu’à des réserves appuyées concernant la pertinence d’une relecture de la doctrine.
Peu de communautés nichiréniennes - sinon aucune - pratiquent aujourd’hui le shakubuku dans un style conflictuel, mais il reste une répugnance à l’éradiquer totalement de la rhétorique orthodoxe comme l’avait explicitement proposé Nichiki.
Les disciples éminents de Nichiki qui eurent pour tâche de guider l’Ecole Nichiren à travers les années troublées du début de la période Meiji* (lors de la promulgation des ordonnances sur la séparation du shinto et du bouddhisme, visant à évincer le bouddhisme au profit de l’idéologie d’Etat basée sur le shinto), durent faire face à la brève mais violente vague de persécution antibouddhiste connue sous le nom de‘‘haibutsu kishaku’’, littéralement ‘‘supprimer le bouddhisme et détruire Shakyamuni’’. Au premier plan parmi ces disciples fut Arai Nissatsu (1830 - 1888) qui, en 1874, devint le premier superintendant (kancho) de plusieurs branches alliées à l’intérieur de l’Ecole Nichiren (l’actuelle Nichiren Shu fut officiellement fédérée sous ce nom en 1876).
Comme de nombreux dirigeants bouddhistes durant les années de persécution, Nissatsu vit la coopération entre les Ecoles comme le seul espoir de survie de son mouvement - vue reflétant la position de son maître Nichiki sur le caractère non approprié de la confrontation. Nissatsu consacra une bonne partie de sa carrière à cette coopération, faisant souvent face aux critiques de la part de sa propre Ecole. (réf.) Nissatsu prit une part active dans le Shoshu Dotoku Kaimei (Union de Coopération Interreligieuse), organisé en 1868 pour contrecarrer la politique antibouddhiste du gouvernement Meiji. Ainsi que des milliers d’autres officiants cultivés, shinto et bouddhistes, Nissatsu faisait partie du Daikyoin (Académie de l’Enseignement Supérieur), le centre administratif de Kyobusho (Ministère de la Doctrine), comme Maître chargé de l’enseignement du « Grand Enseignement » inspiré du shinto et qui représentait la nouvelle orthodoxie d’Etat. Il y soutint Shimaji Mokurai (1838 - 1911) dirigeant de l’illustre temple Nishi Hongan-ji pour obtenir la dissolution de l’Académie au nom de la liberté de culte. Nissatsu prit également part au lancement d’un projet d’entraide sociale bouddhiste sur le modèle chrétien, établissant un programme d’aumôneries de prison en 1873 et fondant un orphelinat en 1876. En 1877, il se joignit à de notables dirigeants bouddhistes tels que Shimaji, Shaku Unsho, Fukuda Gyokai et Ouchi Seiran pour former le Wakyokai (Société pour l’Harmonie et le Respect) afin de promouvoir l’entente entre les Ecoles.
Toujours au Daikyoin* , Nissatsu aurait fait une curieuse relecture œcuménique des ‘‘shika kakugen’’ (quatre maximes) de Nichiren, qui sont, rappelons-le : « les enseignements du Nembutsu* mènent à l’enfer, le bouddhisme Zen est l’œuvre du démon, le Shingon* détruit le pays et le Ritsu* est déloyal ». En assignant des lectures alternatives aux idéogrammes (kanji) et en réajustant les marqueurs syntaxiques du texte japonais, Nissatsu obtient :
« Parce que nous contemplons le Bouddha, à tout instant les démons sont apaisés ; parce que nos paroles sont vraies, les traîtres qui cherchaient à détruire la nation sont maîtrisés.»
Inutile de dire que cela désamorçait complètement l’intention agressive de l’interprétation traditionnelle. Le fait que Nissatsu altère ainsi une position considérée depuis longtemps comme fondamentale montre non seulement son engagement pour l’approche de shoju prônée par Nichiki, mais également sa prise en compte des difficultés posées par l’exclusivisme traditionnel du Lotus à une époque où les dirigeants bouddhistes de toutes obédiences comprenaient le besoin d’unité pour leur simple survie. La modération préconisée par Nichiki et ses disciples différait déjà du bouddhisme nichirénien des débuts par une tentative active et créative pour répondre aux changements de l’époque sans pour autant tomber dans la complaisance envers les institutions établies.
Mais la réaction d’autres bouddhistes nichiréniens fut complètement à l’opposé. On peut citer, par exemple, la soudaine flambée de l’activité de shakubuku à l’initiative de bouddhistes laïcs pendant la période Bakumatsu, (note) souvent par contestation de l’autorité du bakufu. Ainsi, un fripier dénommé Surugaya Shichihyoe qui prenait une part très active dans son association laïque, fut banni d’Edo* et se vit confisquer sa boutique pour avoir pratiqué shakubuku à l’encontre d’autres Ecoles. Akahata Jingyo, fils d’un pharmacien de Nihonbashi, fut jeté en prison et empoisonné pour avoir brandi un drapeau avec l’inscription des quatre maximes et pour avoir critiqué la politique du bakufu qui interdisait tout changement d’affiliation religieuse.(réf.)
On pourrait trouver les raisons sous-jacentes à cette vague de shakubuku lors de la période Bakumatsu dans les écrits d’un érudit laïc nichirénien, Ogawa Taido (1814 -1878), qui passait pour avoir été le maître d’Akahata Jingyo. Son Shinbutsu hokoku ron (Foi dans le bouddhisme et paiement de la dette de reconnaissance à l’égard du pays), écrit en 1863, établit une comparaison entre les crises affligeant le Japon des derniers jours des Tokugawa - mauvaises récoltes, épidémies, tremblements de terre, agitation intérieure et interférences étrangères - et les désastres qui ravagèrent l’archipel à l’époque de Nichiren, ce qui incita ce dernier à écrire son Rissho Ankoku ron. Pour Ogawa, aujourd’hui comme alors, « la sécurité de la nation dépend de la prospérité du Dharma du Bouddha ».
Ogawa était très critique à l’égard des défenseurs de shoju comme pratique appropriée de l’époque. D’après lui, puisque seul le Sutra du Lotus a la force d’assurer la paix à la nation, shakubuku est le moyen essentiel pour s’acquitter de sa dette de reconnaissance à l’égard du Japon. Cependant, ajoutait-il, la situation contemporaine différait de celle de Nichiren en ce que désormais existait une Ecole Nichiren bien établie, malheureusement affligée d’une corruption interne. Par conséquent shakubuku devait maintenant s’appliquer non seulement à une confrontation avec les autres courants, mais aussi à une rigoureuse purification interne.
« Le temps est arrivé où la loi du gouvernant et le Dharma du Bouddha doivent être réformés.»
Il est évident qu’Ogawa n’adhérait pas au mouvement interreligieux bouddhiste du début de l’ère Meiji. En 1872, lors d’une pétition à Oe Taku, gouverneur de la Préfecture de Kanagawa, il déclara que le Nembutsu, le Shingon, le Tendai et les autres formes de bouddhisme n’étaient pas en accord avec les principes de “révérer les kamis et chérir la nation” puis allégua qu’ils devaient être abolis par la cour impériale et que seul l’enseignement de Nichiren devait être adopté comme le vrai bouddhisme.
Dans la seconde décade de l’ère Meiji, alors que les organisations bouddhistes étaient en train de se remettre de la politique d’oppression des années de l’immédiate post-Restauration, certains religieux et laïcs nichiréniens recommencèrent à revendiquer la thèse de la vérité exclusive de leur tradition d’une façon plus agressive, entraînant des conflits directs avec la nouvelle rhétorique de l’unité interreligieuse. Des attaques apparurent dans différents journaux bouddhistes japonais après que deux éminents prélats nichiréniens écrivirent à John Barrows, président en 1893 du Parlement des Religions du Monde, prétendant que des formes “illégitimes” du bouddhisme ne devaient pas être représentées au Parlement.
Un autre incident, peut-être connexe, concerna l’édition du Bukkyo kakusho koyo (Grandes Lignes des Ecoles bouddhistes) sous la direction du Bukkyo Kakusho Kyokai (Comité bouddhiste interreligieux) pour laquelle chacune des principales traditions bouddhistes japonaises avait été sollicitée, afin de soumettre un article sur les grandes lignes de sa doctrine. Honda Nissho (1867 - 1931), un religieux éminent de la lignée Nichiren Kempon Hokkeshu, se vit refuser la publication de son texte traitant de la tradition nichirénienne. Deux des sous-sections de son manuscrit - celle sur les “quatre maximes” et celle sur les « admonestations contre le diffamateur du Dharma » - furent rejetées par Shimaji Mokurai, directeur de la publication, comme contraires aux objectifs du Comité interreligieux. Les dissensions qui en découlèrent retardèrent la publication de quelques années et, de plus, donnèrent lieu à une controverse idéologique majeure, conduisant Nissho à entamer une procédure en justice à la Cour de Tokyo. Bien que débouté de sa demande d’une révision de la décision éditoriale, Nissho en tira une grande publicité, profitant de l’occasion pour gagner des soutiens pour shakubuku à l’intérieur de l’Ecole Nichiren.
Parallèlement à la résurgence d’une ligne dure de l’exclusivisme du Lotus, cette période vit de nouvelles formes de rhétorique nichirénienne liant shakubuku à l’impérialisme militaire. Un des premiers représentants influents en fut Tanaka Chigaku (1861-1939). En tant que séminariste de l'Académie nichirénienne (Daikyo-in), créée récemment sous la direction d’Arai Nissatsu, Tanaka aurait été déçu par l’approche trop accommodante de shoju conformément à la nouvelle orthodoxie de Nichiki. Pour lui, elle était en contradiction avec la proclamation de Nichiren sur la vérité unique du Lotus. La nouvelle ère Meiji, où l’affiliation religieuse n’était plus restreinte par la loi, donna à Tanaka le sentiment que c’était le moment idéal pour revitaliser shakubuku. .) Il quitta l’Académie et devint un prêcheur laïc du “Nichirénisme” (Nichirenshugi), un mélange de doctrine nichirénienne popularisée et d’aspirations nationalistes. Dans l’idée de Tanaka, shakubuku devenait non seulement l’instrument de la protection de la nation mais aussi celui de l’expansion impérialiste. Dans son Shumon no ishin (Restauration de l’Ecole [Nichiren]), publié en 1901, il écrit :
« Nichiren est le général de l’armée qui va unifier le monde. Le Japon est son grand quartier général. Les Japonais sont ses troupes ; les enseignants et étudiants du bouddhisme de Nichiren sont ses officiers. La profession de foi de Nichiren est une déclaration de guerre, shakubuku est le plan d’attaque. […] Le Japon a véritablement un mandat du Ciel pour unifier le monde.»
Cette rhétorique qui comparait - ou même assimilait - la propagation du Sutra du Lotus par le shakubuku à l’extension du territoire japonais par la force militaire était un thème récurrent dans les cercles bouddhistes nichiréniens jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Cela était lié au nationalisme japonais ambiant, aux aspirations de conquêtes et à la position des institutions religieuses sous le gouvernement militariste ; les groupes nationalistes nichirénistes n’étaient pas les seuls parmi les institutions bouddhistes à soutenir le militarisme, que ce soit de gré ou de force.
Bien que ces questions soient trop complexes pour être discutées ici, il est important de noter que pendant la période impériale post-Meiji la façon d’envisager shakubuku fut complètement à l’opposé de celle des autres époques puisqu’elle allait dans le même sens que les puissances gouvernementales au lieu d’en être une critique.
"Le sage n’est pas celui qui pratique le bouddhisme en dehors des règles de la société mais plutôt celui qui, grâce à une compréhension profonde du monde, connaît la meilleure manière de s’y comporter."
Re: Nichiren était il intolérant ?
Ecrit le 05 janv.18, 04:26[HS]
Modifié en dernier par Horapollon le 08 janv.18, 09:33, modifié 1 fois.
Raison : hors sujet
La religion est faite pour l'homme et non l'homme pour la religion.
https://www.facebook.com/brutofficiel/v ... 308655040/
Ne pas oublier que la guerre du Congo qui a fait plus de 8 millions de morts en 20 ans dans le Kivu est intimement liée a la richesse minière de la région et au silence de la communauté internationale
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Ne pas oublier que la guerre du Congo qui a fait plus de 8 millions de morts en 20 ans dans le Kivu est intimement liée a la richesse minière de la région et au silence de la communauté internationale
Re: Nichiren était il intolérant ?
Ecrit le 05 janv.18, 07:27Hors sujet
Suite : 7-Shakubuku après la Guerre et la Soka Gakkaï
Dans la période d’après-guerre, parmi les nombreux courants bouddhistes nichiréniens, le shakubuku< de confrontation fut presque exclusivement le fait de la Soka Gakkaï (Société pour la Création de Valeurs), qui fut au début une branche laïque de la Nichiren Shoshu. Héritière de l’Ecole Fuji, longtemps isolée des principaux pôles du pouvoir politique, la Nichiren Shoshu conserva une identité puriste, la plus rigoureuse parmi les autres lignées nichiréniennes. Cette orientation fut entièrement reprise par la jeune Soka Gakkaï. Par ailleurs, la Soka Gakkaï fut un des très rares groupes à se prévaloir d’une certaine résistance au gouvernement militariste : son premier président, Makiguchi Tsunesaburo (1871-1944) et vingt autres dirigeants furent arrêtés en 1943 pour lèse-majesté et violation du chian ijiho (Loi pour la Préservation de la Paix), charges liées à leurs activités de shakubuku et à leur refus de révérer les divinités shinto. Makiguchi mourut en prison.
La réputation de prosélytisme agressif de la Soka Gakkaï s’établit dans les années 50, lors de la grande campagne de shakubuku (shakubuku no daikoshin) lancée par son deuxième président, Toda Josei (1900 - 1958), lors de sa cérémonie inaugurale du 3 mai 1951.C’est à cette occasion que Toda fit sa fameuse déclaration :
« Si je ne parviens pas à convertir par shakubuku 750.000 familles, ne faites pas de funérailles pour moi, jetez juste mes cendres dans la mer de Shinagawa. »
Les membres furent armés du Shakubuku kyoten (Manuel de shakubuku) qui mêle d’abondantes citations de Nichiren aux principes essentiels du Sutra du Lotus et aux enseignements nichiréniens, et fournit des arguments type pour répondre aux objections des futurs convertis. Le principal lieu de combat pour shakubuku était - et demeure encore - la petite réunion de discussion de voisinage (zadankai). En outre, les membres du Département de la Jeunesse faisaient pression sur les moines bouddhistes et les dirigeants des Nouvelles religions pour débattre avec eux. Lorsque Toda mourut en 1958, son objectif avait été dépassé. Cette période posa les fondations de l’actuel statut de la Soka Gakkaï et en fit la plus grande des Nouvelles religions.
Les raisons de l’étonnant succès de la Soka Gakkaï après la guerre peuvent s’expliquer par la crise, les déplacements urbains, la promesse de bienfaits matériels, les possibilités d’avancement de carrière que la structure organisationnelle offrait aux membres d’un faible statut social, etc. Cependant, un facteur tout aussi important fut la façon imparable avec laquelle la Soka Gakkaï réaffirma la vérité exclusive du Sutra du Lotus, reprenant une des revendications centrales du bouddhisme nichirénien. Selon Nichiren, la « diffamation du Dharma » - le rejet du Sutra du Lotus - était la raison qui mena le Japon à la destruction, évitée de justesse, par les Mongols ; les récentes horreurs de la Seconde Guerre mondiale et ses conséquences pouvaient être attribuées à la même cause. Comme le stipule le Shakubuku kyoten :
«…bien que ce Dharma, merveilleux et suprême, ait été établi au Japon depuis plus de 700 ans, les gens ne l’ont ni vu ni entendu, ne se sentirent pas concernés et ne cherchèrent point à le comprendre. En conséquence, ils souffrirent de châtiments collectifs et la nation fut détruite… Exactement comme les Japonais tremblèrent de peur face à l’invasion mongole, sont-ils terrifiés aujourd’hui par les armes atomiques.»
Les moindres aspects de la situation politique étaient passés au crible à la lumière de telles explications. Nichiren, par exemple, s’appuyant sur les sources canoniques, proclamait que Brahma, la déité régulant le monde, punirait un pays qui diffamerait le Vrai Dharma ; Toda croyait apparemment que le Général Douglas Mac Arthur accomplissait la tâche de Brahma, punissant le Japon pour ses calomnies et ouvrant la route pour la diffusion du Vrai Dharma en instaurant la liberté de culte. Dans ce sens, les souffrances des temps de guerre et d’après-guerre, individuelles ou collectives, devenaient compréhensibles, ramenées dans le cadre des explications de Nichiren. Les interprétations des événements par la Soka Gakkaï faisaient à la fois autorité et donnaient une explication. Si la guerre et l’occupation proviennent de la « diffamation du Dharma », alors c’était les hommes et les femmes ordinaires de la Soka Gakkai qui, par shakubuku, devaient éradiquer ce démon fondamental une fois pour toutes. Citons encore le Shakubuku kyoten :
« Vous devez comprendre que vous êtes nés durant mappo* avec cette mission (sauver les gens par shakubuku). [...]. Si nous désirons réellement reconstruire un Japon paisible et établir la paix à travers le monde, alors, sans ménager notre vie, nous devons faire shakubuku afin de transmettre le Dharma à tous aussi rapidement que possible, sans perdre un seul jour ou une seule heure. »
Ainsi, la Soka Gakkaï de l’après-guerre envisagea shakubuku non seulement comme un moyen d’éradiquer la faute de « diffamer le Dharma » qui avait conduit le pays à la guerre, mais encore comme une noble mission qui, en propageant la foi dans le Vrai Dharma, ferait que de telles tragédies ne puissent plus se reproduire. Les souffrances de la guerre et le prosélytisme de l’après-guerre furent fondus en un drame mondial, celui du salut du genre humain, dans lequel les membres de la Soka Gakkaï jouaient le rôle principal. La force découlant de la conviction que l’effort personnel de chacun avait un impact direct sur la transformation du monde fut sans aucun doute un atout décisif dans l’attrait exercé par la Soka Gakkaï.
Bien que l’image d’une Soka Gakkaï agressive, militante, voire fanatique perdure encore, cela n’est plus totalement exact. Depuis les années 1970, aux dénonciations des autres religions ont succédé des activités culturelles et le mouvement pour la paix de la Soka Gakkaï. Ainsi le terme ‘‘shakubuku’’ a-t-il subi une transformation sémantique et n’est désormais qu’un simple synonyme de prosélytisme, sans nécessairement signifier une réprimande des «enseignements erronés».
Ces changements apparurent pour diverses raisons. Les reproches croissants de l’extérieur en sont une. La Soka Gakkaï subit le feu de la critique pour ses implications politiques (notamment la création, en 1964, du Komeito, le Parti pour un Gouvernement Propre) et à cause du zèle excessif des adhérents, par exemple lorsque de nouveaux convertis détruisaient les tablettes ancestrales (ihai) sans le consentement des autres membres de la famille, en vertu du principe d’« éradiquer l’offense au Dharma » (hobo barai). D’autres facteurs qui contribuèrent à adopter une position plus modérée furent l'affaiblissement du sentiment de l'urgence à mesure que diminuaient les privations de l’après-guerre et, de façon plus fondamentale, un effort généralisé pour « l’intégration de l’organisation dans la société ».
L’abandon d’un exclusivisme nichirénien conflictuel joua également un rôle - bien que non déterminant - dans le schisme de 1991 entre la Soka Gakkaï et sa maison-mère, la Nichiren Shoshu. Alors même que les racines du conflit remontent à de nombreuses années, l’événement déclencheur fut le discours d' Ikeda Daisaku (1928), Président d’Honneur et dirigeant de fait, lors d’une réunion des responsables de l’organisation, le 16 novembre 1990. L’un des nombreux points contestés par le Bureau des Affaires Administratives de la Nichiren Shoshu (Shomuin) fut le souhait d’Ikeda de modifier la nature de confrontation du shakubuku traditionnel. Ainsi, Ikeda est censé avoir dit que les déclarations telles que « les enseignements du Nembutsu mènent à l’enfer, le bouddhisme Zen est l’œuvre du démon, le Shingon détruit le pays » dégradaient le Dharma alors que dans la société d’aujourd’hui le mouvement pour la paix et les activités culturelles de la Soka Gakkaï représentaient le moyen le mieux approprié pour sa propagation. Par ailleurs, Ikeda aurait fait remarquer que l’image publique d’un Nichiren dur et sévère était peu favorable en comparaison avec celle d’un Shinran plus aimable, et il aurait appelé à ce qu’« à partir de maintenant shakubuku soit basé sur la compassion ». Les dirigeants de la Nichiren Shoshu répliquèrent que les pratiquants devaient suivre les enseignements de Nichiren et non l’opinion de la société - la base de la propagation du bouddhisme dans les Derniers jours du Dharma consistant à « rejeter ce qui est faux et établir ce qui est juste », comme indiqué dans le Rissho Ankoku ron. Ils insistèrent sur le fait que s’attacher aux seuls aspects sympathiques de l’enseignement de Nichiren revenait à le déformer.
Cet aspect de la présente fracture - un parmi d’autres - peut apparaître comme une nouvelle péripétie dans la lutte entre confrontation et conciliation qui a caractérisé toute l’histoire du bouddhisme de Nichiren. L’ironie du sort est que c’est la Soka Gakkaï, jadis tellement agressive, qui a endossé la position modérée, tandis que la religion traditionnelle de la Nichiren Shoshu s’est radicalisée - pour le moins à un niveau rhétorique.
Suite : 7-Shakubuku après la Guerre et la Soka Gakkaï
Dans la période d’après-guerre, parmi les nombreux courants bouddhistes nichiréniens, le shakubuku< de confrontation fut presque exclusivement le fait de la Soka Gakkaï (Société pour la Création de Valeurs), qui fut au début une branche laïque de la Nichiren Shoshu. Héritière de l’Ecole Fuji, longtemps isolée des principaux pôles du pouvoir politique, la Nichiren Shoshu conserva une identité puriste, la plus rigoureuse parmi les autres lignées nichiréniennes. Cette orientation fut entièrement reprise par la jeune Soka Gakkaï. Par ailleurs, la Soka Gakkaï fut un des très rares groupes à se prévaloir d’une certaine résistance au gouvernement militariste : son premier président, Makiguchi Tsunesaburo (1871-1944) et vingt autres dirigeants furent arrêtés en 1943 pour lèse-majesté et violation du chian ijiho (Loi pour la Préservation de la Paix), charges liées à leurs activités de shakubuku et à leur refus de révérer les divinités shinto. Makiguchi mourut en prison.
La réputation de prosélytisme agressif de la Soka Gakkaï s’établit dans les années 50, lors de la grande campagne de shakubuku (shakubuku no daikoshin) lancée par son deuxième président, Toda Josei (1900 - 1958), lors de sa cérémonie inaugurale du 3 mai 1951.C’est à cette occasion que Toda fit sa fameuse déclaration :
« Si je ne parviens pas à convertir par shakubuku 750.000 familles, ne faites pas de funérailles pour moi, jetez juste mes cendres dans la mer de Shinagawa. »
Les membres furent armés du Shakubuku kyoten (Manuel de shakubuku) qui mêle d’abondantes citations de Nichiren aux principes essentiels du Sutra du Lotus et aux enseignements nichiréniens, et fournit des arguments type pour répondre aux objections des futurs convertis. Le principal lieu de combat pour shakubuku était - et demeure encore - la petite réunion de discussion de voisinage (zadankai). En outre, les membres du Département de la Jeunesse faisaient pression sur les moines bouddhistes et les dirigeants des Nouvelles religions pour débattre avec eux. Lorsque Toda mourut en 1958, son objectif avait été dépassé. Cette période posa les fondations de l’actuel statut de la Soka Gakkaï et en fit la plus grande des Nouvelles religions.
Les raisons de l’étonnant succès de la Soka Gakkaï après la guerre peuvent s’expliquer par la crise, les déplacements urbains, la promesse de bienfaits matériels, les possibilités d’avancement de carrière que la structure organisationnelle offrait aux membres d’un faible statut social, etc. Cependant, un facteur tout aussi important fut la façon imparable avec laquelle la Soka Gakkaï réaffirma la vérité exclusive du Sutra du Lotus, reprenant une des revendications centrales du bouddhisme nichirénien. Selon Nichiren, la « diffamation du Dharma » - le rejet du Sutra du Lotus - était la raison qui mena le Japon à la destruction, évitée de justesse, par les Mongols ; les récentes horreurs de la Seconde Guerre mondiale et ses conséquences pouvaient être attribuées à la même cause. Comme le stipule le Shakubuku kyoten :
«…bien que ce Dharma, merveilleux et suprême, ait été établi au Japon depuis plus de 700 ans, les gens ne l’ont ni vu ni entendu, ne se sentirent pas concernés et ne cherchèrent point à le comprendre. En conséquence, ils souffrirent de châtiments collectifs et la nation fut détruite… Exactement comme les Japonais tremblèrent de peur face à l’invasion mongole, sont-ils terrifiés aujourd’hui par les armes atomiques.»
Les moindres aspects de la situation politique étaient passés au crible à la lumière de telles explications. Nichiren, par exemple, s’appuyant sur les sources canoniques, proclamait que Brahma, la déité régulant le monde, punirait un pays qui diffamerait le Vrai Dharma ; Toda croyait apparemment que le Général Douglas Mac Arthur accomplissait la tâche de Brahma, punissant le Japon pour ses calomnies et ouvrant la route pour la diffusion du Vrai Dharma en instaurant la liberté de culte. Dans ce sens, les souffrances des temps de guerre et d’après-guerre, individuelles ou collectives, devenaient compréhensibles, ramenées dans le cadre des explications de Nichiren. Les interprétations des événements par la Soka Gakkaï faisaient à la fois autorité et donnaient une explication. Si la guerre et l’occupation proviennent de la « diffamation du Dharma », alors c’était les hommes et les femmes ordinaires de la Soka Gakkai qui, par shakubuku, devaient éradiquer ce démon fondamental une fois pour toutes. Citons encore le Shakubuku kyoten :
« Vous devez comprendre que vous êtes nés durant mappo* avec cette mission (sauver les gens par shakubuku). [...]. Si nous désirons réellement reconstruire un Japon paisible et établir la paix à travers le monde, alors, sans ménager notre vie, nous devons faire shakubuku afin de transmettre le Dharma à tous aussi rapidement que possible, sans perdre un seul jour ou une seule heure. »
Ainsi, la Soka Gakkaï de l’après-guerre envisagea shakubuku non seulement comme un moyen d’éradiquer la faute de « diffamer le Dharma » qui avait conduit le pays à la guerre, mais encore comme une noble mission qui, en propageant la foi dans le Vrai Dharma, ferait que de telles tragédies ne puissent plus se reproduire. Les souffrances de la guerre et le prosélytisme de l’après-guerre furent fondus en un drame mondial, celui du salut du genre humain, dans lequel les membres de la Soka Gakkaï jouaient le rôle principal. La force découlant de la conviction que l’effort personnel de chacun avait un impact direct sur la transformation du monde fut sans aucun doute un atout décisif dans l’attrait exercé par la Soka Gakkaï.
Bien que l’image d’une Soka Gakkaï agressive, militante, voire fanatique perdure encore, cela n’est plus totalement exact. Depuis les années 1970, aux dénonciations des autres religions ont succédé des activités culturelles et le mouvement pour la paix de la Soka Gakkaï. Ainsi le terme ‘‘shakubuku’’ a-t-il subi une transformation sémantique et n’est désormais qu’un simple synonyme de prosélytisme, sans nécessairement signifier une réprimande des «enseignements erronés».
Ces changements apparurent pour diverses raisons. Les reproches croissants de l’extérieur en sont une. La Soka Gakkaï subit le feu de la critique pour ses implications politiques (notamment la création, en 1964, du Komeito, le Parti pour un Gouvernement Propre) et à cause du zèle excessif des adhérents, par exemple lorsque de nouveaux convertis détruisaient les tablettes ancestrales (ihai) sans le consentement des autres membres de la famille, en vertu du principe d’« éradiquer l’offense au Dharma » (hobo barai). D’autres facteurs qui contribuèrent à adopter une position plus modérée furent l'affaiblissement du sentiment de l'urgence à mesure que diminuaient les privations de l’après-guerre et, de façon plus fondamentale, un effort généralisé pour « l’intégration de l’organisation dans la société ».
L’abandon d’un exclusivisme nichirénien conflictuel joua également un rôle - bien que non déterminant - dans le schisme de 1991 entre la Soka Gakkaï et sa maison-mère, la Nichiren Shoshu. Alors même que les racines du conflit remontent à de nombreuses années, l’événement déclencheur fut le discours d' Ikeda Daisaku (1928), Président d’Honneur et dirigeant de fait, lors d’une réunion des responsables de l’organisation, le 16 novembre 1990. L’un des nombreux points contestés par le Bureau des Affaires Administratives de la Nichiren Shoshu (Shomuin) fut le souhait d’Ikeda de modifier la nature de confrontation du shakubuku traditionnel. Ainsi, Ikeda est censé avoir dit que les déclarations telles que « les enseignements du Nembutsu mènent à l’enfer, le bouddhisme Zen est l’œuvre du démon, le Shingon détruit le pays » dégradaient le Dharma alors que dans la société d’aujourd’hui le mouvement pour la paix et les activités culturelles de la Soka Gakkaï représentaient le moyen le mieux approprié pour sa propagation. Par ailleurs, Ikeda aurait fait remarquer que l’image publique d’un Nichiren dur et sévère était peu favorable en comparaison avec celle d’un Shinran plus aimable, et il aurait appelé à ce qu’« à partir de maintenant shakubuku soit basé sur la compassion ». Les dirigeants de la Nichiren Shoshu répliquèrent que les pratiquants devaient suivre les enseignements de Nichiren et non l’opinion de la société - la base de la propagation du bouddhisme dans les Derniers jours du Dharma consistant à « rejeter ce qui est faux et établir ce qui est juste », comme indiqué dans le Rissho Ankoku ron. Ils insistèrent sur le fait que s’attacher aux seuls aspects sympathiques de l’enseignement de Nichiren revenait à le déformer.
Cet aspect de la présente fracture - un parmi d’autres - peut apparaître comme une nouvelle péripétie dans la lutte entre confrontation et conciliation qui a caractérisé toute l’histoire du bouddhisme de Nichiren. L’ironie du sort est que c’est la Soka Gakkaï, jadis tellement agressive, qui a endossé la position modérée, tandis que la religion traditionnelle de la Nichiren Shoshu s’est radicalisée - pour le moins à un niveau rhétorique.
"Le sage n’est pas celui qui pratique le bouddhisme en dehors des règles de la société mais plutôt celui qui, grâce à une compréhension profonde du monde, connaît la meilleure manière de s’y comporter."
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Re: Nichiren était il intolérant ?
Ecrit le 09 janv.18, 21:01Une bonne nouvelle année, vu par Nichiren !
Extrait Nichiren:l’Ecrit du Nouvel an:
Dernier chapitre:
« La bonté de celui qui fait des offrandes au Sūtra du Lotus au début de la nouvelle année est comparable aux fleurs de cerisiers qui s’épanouissent sur les arbres, au lotus qui s’ouvre sur l’étang, aux feuilles de santal qui se déploient sur les Montagnes-Neigeuses, ou à la lune qui se lève. En devenant l’ennemi du Sūtra du Lotus, le Japon s’attire aujourd’hui des malheurs de plus de mille ri à la ronde. À la lumière de ce principe, ceux qui croient maintenant dans le Sūtra du Lotus attireront le bonheur depuis plus de dix mille ri alentour. L’ombre est produite par le corps et, de même que l’ombre suit le corps, le malheur s’abattra sur le pays de ceux qui sont hostiles au Sūtra du Lotus. En revanche, ceux qui croient au Sūtra du Lotus sont semblables au santal et à son parfum. Je vous écrirai encore. »
Ca a le mérite de pas être compliqué !
Extrait Nichiren:l’Ecrit du Nouvel an:
Dernier chapitre:
« La bonté de celui qui fait des offrandes au Sūtra du Lotus au début de la nouvelle année est comparable aux fleurs de cerisiers qui s’épanouissent sur les arbres, au lotus qui s’ouvre sur l’étang, aux feuilles de santal qui se déploient sur les Montagnes-Neigeuses, ou à la lune qui se lève. En devenant l’ennemi du Sūtra du Lotus, le Japon s’attire aujourd’hui des malheurs de plus de mille ri à la ronde. À la lumière de ce principe, ceux qui croient maintenant dans le Sūtra du Lotus attireront le bonheur depuis plus de dix mille ri alentour. L’ombre est produite par le corps et, de même que l’ombre suit le corps, le malheur s’abattra sur le pays de ceux qui sont hostiles au Sūtra du Lotus. En revanche, ceux qui croient au Sūtra du Lotus sont semblables au santal et à son parfum. Je vous écrirai encore. »
Ca a le mérite de pas être compliqué !
Re: Nichiren était il intolérant ?
Ecrit le 09 janv.18, 22:278 - Conclusion
Ce bref aperçu permet de voir que l’exclusivisme nichirénien est bien plus complexe qu’une simple “intolérance”. Il fut rarement une pure doctrine religieuse (bien que cela aussi jouât un certain rôle). A chaque époque, il fut lié à des intérêts spécifiques sociaux, politiques et institutionnels. Au cours de la période médiévale, il servit à concrétiser une résistance envers diverses formes d’autorité politique, était supprimé sous le règne des Tokugawa, resurgit avec une orientation fortement nationaliste à l’ère Meiji et fut repris comme base d’un mouvement pour la paix dans les années d’après-guerre.
Bien que la revendication d’être l’unique possesseur du Dharma conduisant à la délivrance dans les Derniers jours du Dharma traverse toute la doctrine de Nichiren, l’école nichirénienne, en tant qu’institution, a rarement été engagée de façon globale dans une pratique de shakubuku de confrontation. Au contraire, une certaine tension a toujours existé entre les factions prônant la confrontation et celles plus accommodantes, les frontières entre les deux se modifiant fréquemment au gré des développements institutionnels et des changements sociaux.
Parfois les deux tendances se sont tenues en équilibre, chacune tempérant l’extrémisme de l’autre ; à d’autres moments les tensions entre elles ont produit des conflits néfastes à l’intérieur de l’école. L’exclusivisme rigoureux et le shakubuku de confrontation semblent refaire surface avec force à des moments de troubles sociaux, ou lors d’un danger national, ou quand une branche de l’école ressent le besoin d’affirmer la supériorité de son orthodoxie vis-à-vis des autres. Car si shakubuku est une pratique dirigée vers ceux qui n’ont pas foi dans le Lotus, c’est aussi un acte d’auto-affirmation proclamant la fidélité à Nichiren face aux autres courants de la même tradition.
Il est donc extrêmement difficile d’évaluer l’exclusivisme nichirénien de façon univoque. Historiquement, il provoqua des conflits et même des persécutions ; aujourd’hui il irrite ceux qui sont ouverts au pluralisme. Par ailleurs, il a mobilisé plus d’énergie, de dévotion et d’abnégation que les formes plus modérées du courant nichirénien. En faisant de la foi dans le Sutra du Lotus une source d’autorité transcendante, il a ouvert la voie à la critique et à la contestation du statu quo.
En dépit de quelques voix isolées appelant à une résurgence du shakubuku de confrontation, la prépondérance est actuellement du côté des modérés qui estiment que cela s’accorde mieux avec la rhétorique contemporaine de tolérance et de pluralisme. On peut aussi penser que le débat en faveur du shakubuku de style traditionnel a subi l’épreuve des études critiques bouddhistes modernes qui démontrèrent que ni le Sutra du Lotus ni aucun autre sutra bouddhiste ne peuvent être considérés comme les mots du Bouddha au sens strict et que toute discussion concernant leurs mérites relatifs doit être basée sur des considérations autres que celles accordées par la tradition aux prédications de Shakyamuni.
En tout état de cause, le bouddhisme nichirénien actuel doit faire face à un défi majeur, qu’il a en commun avec d’autres religions revendiquant une vérité exclusive : comment coopérer et respecter les autres traditions, tout en préservant sa propre intégrité. Il ne faudrait pas non plus négliger la possibilité d’une réémergence de l’exclusivisme nichirénien sous une forme inattendue. Depuis le XIIIe siècle, cet exclusivisme s’est avéré assez charismatique pour s’adapter encore et encore aux nouvelles circonstances historiques.
Ce bref aperçu permet de voir que l’exclusivisme nichirénien est bien plus complexe qu’une simple “intolérance”. Il fut rarement une pure doctrine religieuse (bien que cela aussi jouât un certain rôle). A chaque époque, il fut lié à des intérêts spécifiques sociaux, politiques et institutionnels. Au cours de la période médiévale, il servit à concrétiser une résistance envers diverses formes d’autorité politique, était supprimé sous le règne des Tokugawa, resurgit avec une orientation fortement nationaliste à l’ère Meiji et fut repris comme base d’un mouvement pour la paix dans les années d’après-guerre.
Bien que la revendication d’être l’unique possesseur du Dharma conduisant à la délivrance dans les Derniers jours du Dharma traverse toute la doctrine de Nichiren, l’école nichirénienne, en tant qu’institution, a rarement été engagée de façon globale dans une pratique de shakubuku de confrontation. Au contraire, une certaine tension a toujours existé entre les factions prônant la confrontation et celles plus accommodantes, les frontières entre les deux se modifiant fréquemment au gré des développements institutionnels et des changements sociaux.
Parfois les deux tendances se sont tenues en équilibre, chacune tempérant l’extrémisme de l’autre ; à d’autres moments les tensions entre elles ont produit des conflits néfastes à l’intérieur de l’école. L’exclusivisme rigoureux et le shakubuku de confrontation semblent refaire surface avec force à des moments de troubles sociaux, ou lors d’un danger national, ou quand une branche de l’école ressent le besoin d’affirmer la supériorité de son orthodoxie vis-à-vis des autres. Car si shakubuku est une pratique dirigée vers ceux qui n’ont pas foi dans le Lotus, c’est aussi un acte d’auto-affirmation proclamant la fidélité à Nichiren face aux autres courants de la même tradition.
Il est donc extrêmement difficile d’évaluer l’exclusivisme nichirénien de façon univoque. Historiquement, il provoqua des conflits et même des persécutions ; aujourd’hui il irrite ceux qui sont ouverts au pluralisme. Par ailleurs, il a mobilisé plus d’énergie, de dévotion et d’abnégation que les formes plus modérées du courant nichirénien. En faisant de la foi dans le Sutra du Lotus une source d’autorité transcendante, il a ouvert la voie à la critique et à la contestation du statu quo.
En dépit de quelques voix isolées appelant à une résurgence du shakubuku de confrontation, la prépondérance est actuellement du côté des modérés qui estiment que cela s’accorde mieux avec la rhétorique contemporaine de tolérance et de pluralisme. On peut aussi penser que le débat en faveur du shakubuku de style traditionnel a subi l’épreuve des études critiques bouddhistes modernes qui démontrèrent que ni le Sutra du Lotus ni aucun autre sutra bouddhiste ne peuvent être considérés comme les mots du Bouddha au sens strict et que toute discussion concernant leurs mérites relatifs doit être basée sur des considérations autres que celles accordées par la tradition aux prédications de Shakyamuni.
En tout état de cause, le bouddhisme nichirénien actuel doit faire face à un défi majeur, qu’il a en commun avec d’autres religions revendiquant une vérité exclusive : comment coopérer et respecter les autres traditions, tout en préservant sa propre intégrité. Il ne faudrait pas non plus négliger la possibilité d’une réémergence de l’exclusivisme nichirénien sous une forme inattendue. Depuis le XIIIe siècle, cet exclusivisme s’est avéré assez charismatique pour s’adapter encore et encore aux nouvelles circonstances historiques.
"Le sage n’est pas celui qui pratique le bouddhisme en dehors des règles de la société mais plutôt celui qui, grâce à une compréhension profonde du monde, connaît la meilleure manière de s’y comporter."
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