L'Apocalypse vue par les Protestants.
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Le christianisme est une religion monothéiste et abrahamique, issue d'apôtres célébrant la vie et les enseignements de Jésus. Les chrétiens croient que Jésus de Nazareth est le Messie que prophétisait l'Ancien Testament, et, hormis quelques minorités, Fils de Dieu, ou Dieu incarner, néanmoins Prophete.
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Re: L'Apocalypse vue par les Protestants.
Ecrit le 08 avr.18, 02:46Aucune, mais peu importe. Je poste ici uniquement pour implémenter les moteurs de recherches et faciliter l'accès au véritable évangile pour les lecteurs "visiteurs".
Cordialement.
Cordialement.
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Re: L'Apocalypse vue par les Protestants.
Ecrit le 08 avr.18, 02:57Suis pas sûr que le visiteur lambda tombe dans ce piège. Ou alors il est inculte et prêt à croire n'importe quoi pour se rassurer.Logos a écrit :Aucune, mais peu importe. Je poste ici uniquement pour implémenter les moteurs de recherches et faciliter l'accès au véritable évangile pour les lecteurs "visiteurs".
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Ainsi, recréer un corps de chair à la résurrection, ce n'est pas ressusciter le bon corps, c'est créer un clone. Ca ne sert à rien. - Agecanonix
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Re: L'Apocalypse vue par les Protestants.
Ecrit le 08 avr.18, 03:06Avec une inefficacité jusque là inégalée puisque vous n’apparaissez même pas dans les dix premières pages du plus célèbre d'entre eux, Google.Logos a écrit :Aucune, mais peu importe. Je poste ici uniquement pour implémenter les moteurs de recherches et faciliter l'accès au véritable évangile pour les lecteurs "visiteurs".
Cordialement.
Même les Témoins de Jéhovah font mieux que vous, selon les mots-clés ils figurent soit en tête de la troisième page ou en cinquième position de la première. Vous, j'ai arrêté de chercher rendu à la dixième page sans jamais trouver un seul renvoi vers un de vos topics ou messages. Apparemment votre idéologie n'est pas parvenu à convertir Googlebot
La première chose que fera un esclave après avoir quitté son maître, c'est s'en trouver un autre encore pire que le précédent. Et il n'y a pas pire maître que soi-même. - "Principe d’élévation - Réalité ou Illusionnisme pervers ?" G. C. Endrifel
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Re: L'Apocalypse vue par les Protestants.
Ecrit le 08 avr.18, 03:34Ne prends pas ton cas pour une généralité. Tu ne comprends pas que ce n'est pas par notre propre volonté, que nous, les chrétiens Sauvés, avons reçu la Foi.MonstreLePuissant a écrit :Suis pas sûr que le visiteur lambda tombe dans ce piège. Ou alors il est inculte et prêt à croire n'importe quoi pour se rassurer.
Re: L'Apocalypse vue par les Protestants.
Ecrit le 08 avr.18, 04:16Merci Logos pour l'attraction, l'attraction pas celle que tu exercerais mais l'autre l'attraction, tu sais, la réjouissance, on ne s'ennuie pas.
Que des discussions de comptoir, et un pastis siouplé barman....
Ah voui je te disais MLP grrrrr grrrr et grrrr
Heureusement qu'il y a des femmes qui savent se distinguer, elles. Elles analysent, elles réfléchissent elles.
Tu m'as vu me crêper le chignon avec Vanessa moi ? Non ? Jamais je ne te l'ai fait Logos jamais.
Ah ces hommes !
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Re: L'Apocalypse vue par les Protestants.
Ecrit le 08 avr.18, 04:23Pour pouvoir lancer une recherche, quelqu'un est-il capable de citer un texte qui parle de "recevoir la foi" comme si elle pouvait être donnée.Logos a écrit : Ne prends pas ton cas pour une généralité. Tu ne comprends pas que ce n'est pas par notre propre volonté, que nous, les chrétiens Sauvés, avons reçu la Foi.
Pour l'instant, de mon coté, je n'ai aucun texte qui avance cette idée..
J'ai trouvé "exercer la foi", "perdre la foi", "avoir la foi", "ajouter foi", "trouver la foi", "mettre sa foi en lui", "observer la foi", mais jamais "recevoir la foi" ou "donner la foi".
On reçoit l'esprit saint, on reçoit la bénédiction de Dieu, mais tous les textes que j'ai contrôlés ne séparent jamais la foi de la volonté de celui qui finit par la trouver.
Je n'ai jamais lu qu'un chrétien avait reçu la foi contre sa volonté.
Voilà donc apparemment une hérésie.
merci de répondre.
Re: L'Apocalypse vue par les Protestants.
Ecrit le 08 avr.18, 04:44Les origines de la Réforme
protestantisme, eschatologie et anabaptisme
Un extrait
Cette mise au point historique et idéologique ne mentionne pas tous les aspects auxquels l'histoire nouvelle peut légitimement s'intéresser : origine sociale des anabaptistes et de leurs meneurs, caractéristiques psychologiques de ceux-ci (âge, formation, mentalité de rupture, vocabulaire), méthodes d'action du mouvement (originalité de sa prédication, utilisation de l'imprimé, conditions exactes du développement des communautés). Mais elle en dit assez pour nous rappeler que la Réforme, ce n'est pas avant tout ni seulement l'affichage des thèses de Wittenberg et leur préparation théologique. Cette rupture décisive ne doit pas, comme tant d'autres, s'interpréter par le simple court terme, celui des discontinuités, délicieuses, révolutionnaires et trompeuses. Le nouvel éclairage mis récemment sur les décisifs événements tchèques de 1420 nous rappelle suffisamment que le protestantisme est incompréhensible, en dehors de toute notion de précurseur, si l'on oublie la contestation séculaire de l'ordre romain qui a ébranlé le Moyen Age finissant et préparé la modernité. Or cette contestation eut bel et bien un mot d'ordre théologique, longtemps méprisé ou considéré comme aberrant par l'historiographie bourgeoise ou socialiste, redécouvert aujourd'hui avec passion tant il s'accorde avec les espoirs et les peurs de notre monde. C'est celui du millénarisme. Utilisant d'abondants et remarquables travaux d'origine surtout anglo-saxonne, les présentant de façon à la fois synthétique et analytique sous la forme d'une introduction interprétative et d'un catalogue de faits, Henri Desroche a publié en 1969, sous le titre admirable Dieux d'hommes, un capital Dictionnaire des Messianismes et Millénarismes de l'ère chrétienne. Lui-même et ses collaborateurs présentent ce moment de leur recherche sous la forme modeste d'une contribution à une sociologie de l'attente. Mais au-delà de cet hommage rendu à l'École française qui, avec Mauss et Durkheim, a su si bien parler de la religion, cette « administration du sacré », et des représentations collectives qu'elle utilise ou qu'elle détermine, l'historien trouvera dans ces pages le principe et l'amorce de plus d'une recherche
Elle a le mérite de rattacher le christianisme, en ses origines et son développement, à ce qui demeure son essence propre : la croyance messianique en la rédemption d'un ordre par l'instauration d'un nouveau « fait de justice et de bonheur », elle-même point de départ d'un mouvement millénariste attaché à la répandre. Ce faisant, le christianisme, loin d'être seul, se rattache au contraire à un ensemble de cycles d'espérance qui ont pu, tour à tour, le traverser ou le déchirer. Leur inventaire systématique commence à peine, mais il est sûr que toute l'histoire religieuse de l'avenir sera dominée par ces deux préoccupations : il n'y a pas de christianisme authentique sans perspectives eschatologiques ; il n'y a pas d'histoire religieuse authentique sans typologie des personnages, des règnes et des supputations qui ont mis en branle, à travers l'Histoire et les sociétés les plus diverses, messianismes et millénarismes. A l'intérieur du christianisme, chiffres, figures et paraboles bibliques particulières ont constitué, à leur service, un puissant apport de matériel imaginaire. Desroche en dresse enfin l'inventaire qui est à la fois celui d'une fin du monde et de la fin d'un monde ; grâce à lui, les prestigieuses et fulgurantes images de Daniel et de saint Jean, qui ont fasciné pendant des siècles l'imagination occidentale, retrouvent enfin, avant tant de passages plus célèbres et plus plats du Nouveau Testament, la première place religieuse qui leur revient de droit. Car la méditation de l'Apocalypse a appris aux hommes de foi le nécessaire découpage de l'Histoire en trois temps successifs : celui de l'oppression maléfique, celui de la résistance des saints, celui de la libération millénaire. Ce fut là, pendant des siècles, l'espérance même des désespérés. Est-il sûr qu'il n'en reste rien, au temps des socialismes ?
http://www.persee.fr/docAsPDF/ahess_039 ... 293411.pdf
protestantisme, eschatologie et anabaptisme
Un extrait
Cette mise au point historique et idéologique ne mentionne pas tous les aspects auxquels l'histoire nouvelle peut légitimement s'intéresser : origine sociale des anabaptistes et de leurs meneurs, caractéristiques psychologiques de ceux-ci (âge, formation, mentalité de rupture, vocabulaire), méthodes d'action du mouvement (originalité de sa prédication, utilisation de l'imprimé, conditions exactes du développement des communautés). Mais elle en dit assez pour nous rappeler que la Réforme, ce n'est pas avant tout ni seulement l'affichage des thèses de Wittenberg et leur préparation théologique. Cette rupture décisive ne doit pas, comme tant d'autres, s'interpréter par le simple court terme, celui des discontinuités, délicieuses, révolutionnaires et trompeuses. Le nouvel éclairage mis récemment sur les décisifs événements tchèques de 1420 nous rappelle suffisamment que le protestantisme est incompréhensible, en dehors de toute notion de précurseur, si l'on oublie la contestation séculaire de l'ordre romain qui a ébranlé le Moyen Age finissant et préparé la modernité. Or cette contestation eut bel et bien un mot d'ordre théologique, longtemps méprisé ou considéré comme aberrant par l'historiographie bourgeoise ou socialiste, redécouvert aujourd'hui avec passion tant il s'accorde avec les espoirs et les peurs de notre monde. C'est celui du millénarisme. Utilisant d'abondants et remarquables travaux d'origine surtout anglo-saxonne, les présentant de façon à la fois synthétique et analytique sous la forme d'une introduction interprétative et d'un catalogue de faits, Henri Desroche a publié en 1969, sous le titre admirable Dieux d'hommes, un capital Dictionnaire des Messianismes et Millénarismes de l'ère chrétienne. Lui-même et ses collaborateurs présentent ce moment de leur recherche sous la forme modeste d'une contribution à une sociologie de l'attente. Mais au-delà de cet hommage rendu à l'École française qui, avec Mauss et Durkheim, a su si bien parler de la religion, cette « administration du sacré », et des représentations collectives qu'elle utilise ou qu'elle détermine, l'historien trouvera dans ces pages le principe et l'amorce de plus d'une recherche
Elle a le mérite de rattacher le christianisme, en ses origines et son développement, à ce qui demeure son essence propre : la croyance messianique en la rédemption d'un ordre par l'instauration d'un nouveau « fait de justice et de bonheur », elle-même point de départ d'un mouvement millénariste attaché à la répandre. Ce faisant, le christianisme, loin d'être seul, se rattache au contraire à un ensemble de cycles d'espérance qui ont pu, tour à tour, le traverser ou le déchirer. Leur inventaire systématique commence à peine, mais il est sûr que toute l'histoire religieuse de l'avenir sera dominée par ces deux préoccupations : il n'y a pas de christianisme authentique sans perspectives eschatologiques ; il n'y a pas d'histoire religieuse authentique sans typologie des personnages, des règnes et des supputations qui ont mis en branle, à travers l'Histoire et les sociétés les plus diverses, messianismes et millénarismes. A l'intérieur du christianisme, chiffres, figures et paraboles bibliques particulières ont constitué, à leur service, un puissant apport de matériel imaginaire. Desroche en dresse enfin l'inventaire qui est à la fois celui d'une fin du monde et de la fin d'un monde ; grâce à lui, les prestigieuses et fulgurantes images de Daniel et de saint Jean, qui ont fasciné pendant des siècles l'imagination occidentale, retrouvent enfin, avant tant de passages plus célèbres et plus plats du Nouveau Testament, la première place religieuse qui leur revient de droit. Car la méditation de l'Apocalypse a appris aux hommes de foi le nécessaire découpage de l'Histoire en trois temps successifs : celui de l'oppression maléfique, celui de la résistance des saints, celui de la libération millénaire. Ce fut là, pendant des siècles, l'espérance même des désespérés. Est-il sûr qu'il n'en reste rien, au temps des socialismes ?
http://www.persee.fr/docAsPDF/ahess_039 ... 293411.pdf
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Re: L'Apocalypse vue par les Protestants.
Ecrit le 08 avr.18, 04:50MonstreLePuissant a écrit :Suis pas sûr que le visiteur lambda tombe dans ce piège. Ou alors il est inculte et prêt à croire n'importe quoi pour se rassurer.
Si tu avais reçu la foi, tu pourrais guérir un malade et ressusciter un mort. On en a déjà parlé ! Tu te compares souvent à Paul, mais Paul n'est pas venu les mains vides pour convaincre les païens.Logos a écrit :Ne prends pas ton cas pour une généralité. Tu ne comprends pas que ce n'est pas par notre propre volonté, que nous, les chrétiens Sauvés, avons reçu la Foi.
(1 Corinthiens 2:3-5) 3 Et je suis venu chez vous dans la faiblesse et dans la crainte, et en tremblant beaucoup ; 4 et mon langage et ce que j’ai prêché n’ont pas consisté dans des paroles persuasives de sagesse, mais dans une démonstration d’esprit et de puissance, 5 pour que votre foi soit, non pas dans la sagesse des hommes, mais dans la puissance de Dieu.
Pour le moment, je vois beaucoup de paroles, et zéro démonstration.
« La Bible se laisse pas faire, dès lors où vous introduisez un enseignement non conforme, la bible vous rattrape toujours quelque part. » - Agecanonix
Ainsi, recréer un corps de chair à la résurrection, ce n'est pas ressusciter le bon corps, c'est créer un clone. Ca ne sert à rien. - Agecanonix
Ainsi, recréer un corps de chair à la résurrection, ce n'est pas ressusciter le bon corps, c'est créer un clone. Ca ne sert à rien. - Agecanonix
Re: L'Apocalypse vue par les Protestants.
Ecrit le 08 avr.18, 05:24Logos MLP
Dois je demander à la modération que vous arrêtiez les hors sujets, c'est lassant de vous voir discuter d'un point si ridicule depuis des mois, et toujours le même, moi même j'ai pris part à cette discussion, mais il arrive un moment où il faut en finir, et parler comme des adultes.
Cela n'existe pas la Grâce soudaine et imprévisible de Dieu chez une personne qui ne montre aucun signe de reconnaissance de Jésus en laissant derrière lui l'homme ancien et devenant l'homme nouveau. Un homme est doté de la Grâce de la Foi à partir du moment où il montre les signes de vouloir se réconcilier avec Dieu. A croire que personne ici n'a le sens du raisonnement que de tenir la chandelle à Logos pendant des mois et des mois alors que ce pauvre homme est complètement déboussolé. Il n'est pas le seul apparemment mais Dieu a voilé le cœur de ces personnes qui, partisans du moindre effort, voudraient que tout leur tombe cuit dans la bouche.
Je souhaiterais donc parler constructivement s'il vous plait.
NOTE CRITIQUE
Les origines de la Réforme :
protestantisme, eschatologie et anabaptisme
II est sans doute possible de résumer le changement de perspective historiogra- phique qui s'est produit, disons entre l'époque de Ranke et d'Imbart de La Tour, d'une part, celle de Febvre et Léonard, de l'autre, en indiquant que l'on est passé d'une interprétation extérieure des origines de la Réforme à une analyse de ses causes internes et proprement spirituelles. La première de ces visions insistait sur les aspects institutionnels, économiques, sociaux et culturels de la crise de l'Église, et tendait à interpréter celle-ci en termes surtout négatifs ; la position vigoureuse défendue au contraire par Febvre, en un article retentissant, et maintenue en gros, depuis, par les meilleurs historiens, a salué, dans le protestantisme, le résultat de l'approfondissement de la piété médiévale 1. On peut se demander, pourtant, si ce type d'interprétation de l'histoire religieuse n'a pas insisté à l'excès, d'une part sur la personnalité des Réformateurs (et d'abord, bien sûr, celle de Luther) et l'originalité de leurs dogmes, de l'autre sur la réorganisation ecclésiastique à laquelle ils présidèrent. Au schéma ancien et dépassé d'une réforme née de la protestation contre les abus (pour ne pas parler de l'interprétation dite marxiste qui la fait coïncider avec le premier moment de la révolution bourgeoise), s'est ainsi substituée une espèce de nouvelle légende sainte qui s'attache avant tout aux plus menus détaHs de l'existence des fondateurs (de préférence, d'ailleurs, à l'époque la plus obscure de leur vie) et ne veut connaître du grand schisme du xvie siècle que ses Églises officielles. Il naquit pourtant, on s'en rend compte de plus en plus, dans le cadre, aussi, de la longue durée des hérésies médiévales et û ne se limita pas aux réussites ecclésiologiques saxonne, helvétique ou britannique. Au contraire, dès ses origines ou presque, il correspondit également à une poussière de sectes et d'affirmations individualistes qui méritent de retenir l'attention dans la mesure où leurs aspirations, pour aberrantes qu'elles paraissent, correspondent au succès d'ensemble de la révolution religieuse, dans celle, enfin, où elles témoignent d'une structure mentale fondamentale aux yeux du sociologue 2.
1. Cf. E. G. Léonard, Histoire générale du Protestantisme, t. I, La Réformation, Paris, 1961 ; J. Delumeau, Naissance et affirmation de la Réforme, 2e éd., Paris, 1968. 2. Il est navrant mais significatif de constater que le livre capital d'E. Troeltsch, Die Soziallehren der christlichen Kirchenund Gruppen (1911), n'a pas été encore traduit en français. On peut consulter sa traduction anglaise, The social teachings of the Christian churches, dans l'édition Harper Torchbooks, New York, i960 (voir en particulier le t. II).
1123
RELIGION ET SOCIÉTÉ
Les historiens de la Réforme, surtout en terre anglo-saxonne, font ainsi place, de plus en plus, dans sa galerie de famille, à côté des portraits honorables et quand même archi-connus de l'homme de la Wartburg ou de l'adversaire de Servet, ainsi que de leurs lieutenants, aux courants les plus « radicaux » qu'elle contint en son sein. Le livre capital de Williams, en 1962, en a ainsi dressé, pour les trois premiers quarts du xvie siècle, un Bottin quasi exhaustif 3. Il y a là, pensons-nous, plus que de la piété sectaire, sinon hagiographique. L'extraordinaire pullulement de ces militants de la Réforme, traqués également par l'Église officielle et par les nouvelles, révèle autre chose sans doute qu'un catalogue biographique de personnages toujours errants et souvent illuminés. Millénaristes, anabaptistes ou anti-trinitaires, ils ont porté, d'Allemagne en Espagne et d'Italie en Pologne, de vieilles idées qui avaient précédé Luther et qui étaient destinées sans peine à lui survivre : mise en cause de la notion traditionnelle d'Église remplacée par l'exaltation de la communauté des vrais croyants, affirmation de la valeur absolue de la liberté religieuse, attente prophétique de la fin des temps et du renouvellement de tout, critique des dogmes insuffisamment fondés sur l'Écriture. C'était là évidemment, pour les sociétés orthodoxes du xvie siècle, plus qu'il n'en fallait pour mériter leur condamnation conjointe par le bûcher et par l'historiographie officielle. Mais l'historien d'aujourd'hui, fasciné par les efforts novateurs qui s'affirment un peu partout dans les Églises de tout genre, ne peut être qu'attiré par cette espèce de révolution copernicienne de l'histoire de la Réforme qui s'annonce à partir du moment où, ô crime de lèse-majesté, on attache autant d'importance à la théologie de la révolution chez Miintzer qu'au salut par la foi chez Luther, à la diffusion et à la répression de l'anabaptisme qu'à celles du calvinisme, à la pensée de Socin qu'au divorce d'Henri VIII 4. Un livre tout récent d'Ugo Gastaldi, reprenant et synthétisant un siècle de labeur sur le sujet, élargissant et approfondissant la vue fort éclairante mais partielle qu'en avait donnée Williams, vient ainsi, à son tour, de faire entrer les dix premières années du mouvement anabaptiste, de la fondation zurichoise à la chute de Munster (1525- 1535), dans la grande histoire 5. Il rappelle, au nom, on s'en doute, d'un protestantisme italien particulièrement sensible à cet aspect des choses, la lente résurrection, grâce à l'érudition du xixe siècle, des hérésies de la Réforme étouffées aux siècles des Lumières par la réprobation des bonnes âmes. Il montre qu'il y eut ainsi une autre Réforme qui ne connut jamais, ou presque, les joies et les dangers du pouvoir, mais qui présenta pourtant, en ses différents aspects, quelques points communs fondamentaux : insistance sur le retour absolu et permanent aux origines chrétiennes, critique de toutes les Églises installées, optimisme anthropologique relatif. Ces courants radicaux, cependant, diffèrent souvent beaucoup, dans la mesure où ils se rattachaient à deux sources principales d'inspiration, l'une tout imprégnée de spiritualisme évangé- lique, l'autre farouchement fidèle à la lettre comme à l'esprit de la Bible. Parmi eux, la communauté anabaptiste emprunta presque également à ces deux sources. Elle y ajouta pourtant une expérience de l'engagement total de l'être, vraiment unique, même en ce siècle de la foi 6. Gastaldi n'a pas de peine, évidemment, à rappeler que ce mouvement n'a rien
3. George H. Williams, The radical reformation, Philadelphie, 1962. Cet ouvrage de près de mille pages est sans doute le plus important paru ces dix dernières années sur le protestantisme . 4. On a publié en 1964, à Paris, la traduction du livre d'E. Bloch, Thomas Munzer théologien de la Révolution. 5. Storia dell'anabattismo dalle origini a Munster (1525-1535), Claudiana, Turin, 1972. Dans leur Age de l'Humanisme (Paris, 1963), A. Chastel et le regretté R. Klein, si attentifs à l'irrationnel renaissant, ont bien noté que « le mouvement anabaptiste » avait été « une des plus mémorables tentatives messianiques qu'ait connues l'Europe » (p. 230). Il a inspiré dernièrement, avec V Œuvre au noir de Marguerite Yourcenar (Paris, 1968), un de ces romans qui valent bien des livres d'histoire. 6. Storia dell'anabattismo, pp. 7-35.
1124
J. SOLE ORIGINES DE LA RÉFORME
à voir avec les radicaux saxons qui, de Carlstadt à Thomas Muntzer en passant par les prophètes de Zwickau, troublèrent fort les premières années de l'apostolat de Luther. Tout au plus anticipèrent-ils quelques-unes des futures affirmations anabaptistes et développèrent-ils,no tamment chez Muntzer, une vision toute apocalyptique du futur règne millénaire, fort adaptée, on le sait, à la révolte contemporaine des paysans allemands et qui sombra lamentablement, comme elle, devant la répression officielle. L'anabaptisme est donc ce mouvement religieux qui se répand en dix ans depuis Zurich jusque vers l'Allemagne du Nord et les Pays-Bas d'une part, la Moravie et la Styrie de l'autre. Loin de constituer le programme théologique d'une révolution sociale, il a sans doute séduit une partie des masses rurales et urbaines germaniques précisément parce qu'il venait après un double échec, ou au moins une double déception offerte par les Réformes officielles et le soulèvement populaire. Il naît ainsi, presque obscurément, dans la Zurich de Zwingli, qui, on l'oublie trop, a représenté pour le protestantisme européen un laboratoire qui vaut bien ceux de Wittenberg ou de Genève. Réformateur de l'Église et de l'État entre 1522 et 1525, Zwingli s'y heurta vite à l'un de ses jeunes collaborateurs, ancien étudiant à Paris et véritable fondateur de l'anabaptisme, Conrad Grebel (1498-1526). Groupant autour de lui quelques amis et entretenant des relations épistolaires avec Muntzer, il insistait sur un développement plus radical de la Réforme zurichoise. Ils trouvèrent bientôt leur point d'application dans la question du baptême. Elle avait en effet une grave signification sociale et religieuse. Insister, comme le faisaient les dissidents rassemblés par Grebel, sur la vanité chrétienne de ce sacrement enfantin, prôner, comme eux, le vrai baptême des croyants adultes et régénérés, portait un coup droit aux préjugés et aux présupposés de l'élite du temps, qu'elle fût catholique ou réformée. La réponse des autorités ne se fit d'ailleurs pas attendre : elles imposèrent, au début de 1525, le baptême immédiat des enfants. Cette mesure de défense ne fit qu'exacerber le conflit anabaptiste dans le canton de Zurich ; le zèle missionnaire de ces Frères Suisses allait bientôt répandre le mouvement sur son territoire malgré toutes les mesures de répression. Emprisonnés ou chassés, un bon nombre d'entre eux, dont Grebel, allaient bien vite disparaître. Mais ils avaient su susciter des disciples qui assurèrent la survie du mouvement. Ce fut d'abord le cas en Suisse. Jusqu'en 1535, prédicateurs et chefs sectaires, parlant souvent devant d'importants auditoires, y accompagnèrent le protestantisme réformé dans ses progrès avant d'être étouffés par lui. Entre-temps, l'anabaptisme était entré en Allemagne. Il le dut d'abord, dans le Sud, à Reublin, prêtre vite passé à la Réforme radicale et rallié aux amis de Grebel. Cependant, dans le Brisgau, Balthasar Hubmaier, fils de paysans de la région d'Augs- bourg, ancien étudiant d'Ingolstadt et prédicateur catholique à Ratisbonne, avait fondé, dans sa paroisse de Waldshut, sous l'influence de Grebel, la première communauté anabaptiste. Michael Sattler, enfin, qui était de la région du Brisgau et devait collaborer avec Reublin dans le Wurtemberg, put exposer, dès 1526, aux Réformateurs de Strasbourg, les points officiels de l'anabaptisme. Il eut une part décisive au cours d'une réunion commune tenue dans la vallée du Neckar, au début de l'année suivante, à la mise au point du credo officiel du mouvement connu sous la forme des articles de Schleitheim. Arrêté peu après, il fut jugé, condamné à mort et exécuté en mai 1527 7. A cette date, Augsbourg et Strasbourg sont à coup sûr les points forts de l'anabaptisme. Du printemps 1526, en effet, à l'été 1527, la première de ces villes voit se consolider une communauté sectaire qui rayonne bientôt dans toute l'Allemagne méridionale. Le jeune Bavarois Hans Denck, formé à Bâle mais influencé par Tauler et ami de Muntzer, lui apportera même, depuis Nuremberg, une contribution mystique
7. Admirable gravure d'un propagandiste révolutionnaire et de son public, ibid., planche 32. D'une façon générale, l'illustration du livre de Gastaldi (plans de villes, gravures d'époque, titres d'ouvrages) est d'une vie saisissante et d'un intérêt capital.
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RELIGION ET SOCIÉTÉ
et spiritualiste d'importance. Il en va tout autrement de Hans Hut, originaire de Thuringe mais en rupture, dès 1524, avec le luthéranisme sur le problème du baptême. Il demeura impressionné par l'effort militaire et apocalyptique de Thomas Muntzer. Après la répression du mouvement paysan Д se rendit à Augsbourg où, sous l'influence de Denck, il adhéra, au printemps 1526, au mouvement anabaptiste dont Д allait être, en à peine un an, un impressionnant missionnaire, de la Bavière à l'Autriche et de la Souabe à la Franconie. Il avait présidé, dans la ville, au développement d'une communauté prospère, vrai centre d'expansion anabaptiste. Elle organisa tout naturellement le fameux synode d'août 1527 qui expédia en direction de l'Allemagne du Sud, de la Suisse et de l'Autriche des groupes missionnaires dans une perspective d'activisme eschato- logique. Mais ce rassemblement, sans doute imprudent, fut à l'origine d'une répression sévère de la part des autorités. Ses membres, cependant, purent un moment se réfugier à Strasbourg. La grande cité rhénane organisait alors, en effet, parmi bien d'autres questions religieuses plus ou moins librement débattues, la discussion sur le problème du baptême. Au début de 1526, des immigrants suisses y introduisirent l'anabaptisme qui devait prospérer jusqu'en 1533 et y demeurer vivace, malgré la répression, six ans encore. Ils avaient d'ailleurs su, à Strasbourg, entrer en relation avec les représentants les plus éminents du spiritualisme évangélique qui visitèrent justement la ville à ce moment-là, tels un Schwenckfeld, qui y fut l'hôte de Capiton entre 1529 et 1531, ou un Sébastien Franck qui y publia cette année sa vaste Chronique, premier témoignage objectif et sympathique sur l'anabaptisme. EUe inquiéta cependant moins les autorités que la prédication millénariste de l'étonnant Melchior Hofmann qui avait annoncé, pour 1533, la venue de Jésus et l'instauration de son règne à Strasbourg. Membre depuis trois ans de la communauté anabaptiste de la ville, dont il avait été chassé et où il était revenu clandestinement, ce visionnaire messianique, qui avait fait preuve d'une intense activité missionnaire dans l'Europe du Nord, voulait faire de la cité de Bucer sa Nouvelle Jérusalem. On l'arrêta en mai 1533, peu avant que ses idées trouvent à Munster un écho stupéfiant par sa violence. Il demeura fidèle, en prison, à ses idées et jusqu'à sa mort, survenue après dix ans de détention. Il avait contribué de façon importante à faire dévier l'anabaptisme vers le prophétisme millénariste. Une dure répression du mouvement s'ensuivit, à Strasbourg comme ailleurs ; elle le contraignit incontestablement à la clandestinité puis au déclin. Le même phénomène s'observa dans la région la plus orientale atteinte par le mouvement. Il s'agissait des territoires autrichiens et de la Moravie. Ferdinand de Habsbourg y combattit en effet âprement, autour de 1530, la diffusion de l'anabaptisme. Celui-ci avait pénétré dans cette zone dès 1526, à partir d'Augsbourg et de la Bavière et en direction d'une part de la Moravie, d'autre part de la Haute- Autriche et du Tyrol. Ce fut avant tout, d'ailleurs, un courant non violent influencé par la pensée de Hans Hut qui avait pu visiter Vienne, Linz, Salzbourg. Ce fut pourtant le Tyrol qui, vers 1530, représenta une véritable forteresse anabaptiste, en particulier dans les vallées du haut Adige. Leur prédicateur le plus eminent fut Jacob Hutter, ancien chapelier entré en rapport avec le mouvement dans la capitale de la Carinthie. Pendant ce temps, en Moravie, l'anabaptisme connaissait un développement tout particulier, dû à Hubmaier qui y arriva en juillet 1526 et rencontra très vite, à Nikols- burg, un succès considérable. Il fut exécuté à Vienne, devant une grande foule, le 10 mars 1528, tandis que l'on noyait dans le Danube sa femme peu de jours après. Avec lui disparaissait le plus notable penseur de la première génération anabaptiste. Après sa mort, la communauté morave se réorganisa, en trois points au nord de Nikolsburg, sur la base inédite du communisme de production. Ce système n'alla pas sans difficultés pratiques, mais il fut renforcé en 1533 par la venue de Hutter et de ses réfugiés du Tyrol. Il ne résista pourtant pas, deux ans plus tard, à la persécution systémastique menée par Ferdinand qui réussit même à faire brûler Hutter, à Innsbriîck, au début de 1536.
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L'anabaptisme était alors présent dans toute l'Allemagne du Sud : Bavière, Souabe, Wurtemberg, Pays de Bade, Palatinat, Franconie. Il s'y heurtait à une dure persécution, sans doute plus nette, alors, de la part des catholiques que de celle des luthériens. On le rencontrait également en Allemagne centrale. La Basse-Rhénanie, enfin, de Cologne à Clèves, fut aussi à ce moment une zone de mission pour l'anabaptisme. C'est tout près de là pourtant, dans les Pays-Bas et à Munster, que ce dernier devait trouver le champ de ses plus célèbres exploits. Il le dut à sa prédication faite en Frise orientale par Melchior Hofmann. L'importante communauté qu'il créa à Emden devait demeurer longtemps un centre de diffusion du mouvement. De là, celui-ci se répandit dans tous les Pays-Bas. Entre 1530 et 1550, en effet, ce sont les anabaptistes qui y représentent le plus important parti réformé. Il offrit surtout l'intérêt capital de transformer le millénarisme pacifique en un militantisme révolutionnaire d'une singulière violence. L'artisan de ce changement fut Jan Matthys, boulanger de Harlem, baptisé par Hofmann, et qui survint à Amsterdam à la fin de 1533, pour y annoncer aux fidèles l'imminence d'une rénovation radicale du monde. Le hasard voulut qu'à ce moment, tout près de là, la ville de Munster lui fournisse une base d'action incomparable : la Réforme venait d'y entraîner en effet des bouleversements considérables et imprévus. Elle y avait surtout été prêchée, à partir de juillet 1530, par le remarquable Bernhard Rothmann qui sut s'associer étroitement au chef de la bourgeoisie artisanale et marchande Bert Knipperdolling. Dès le printemps 1533, les évangéliques avaient la majorité au Conseil municipal ; mais ils se divisèrent aussitôt et Rothmann prit la tête de leur aile gauche, hostiïe, notamment, au baptême des enfants. Or, depuis l'été, les anabaptistes affluaient dans la ville et y recevaient bon accueil, naturellement, de la part des activistes. Matthys et ses amis purent donc profiter pleinement des événements qui, au début de 1534, amenèrent Munster en leur pouvoir. Leurs missionnaires, en effet, gagnèrent Rothmann et son groupe dès janvier. Jan Bockelson, notre Jean de Leyde, bâtard errant et théâtral, vint bientôt faire fructifier cette moisson. Il avait vingt-cinq ans et ce bel homme, blond et barbu, était doué d'une éloquence irrésistible. Il ne transforma pas immédiatement la mentalité des disciples de Rothmann mais fascina vite, pourtant, un Knipperdolling. Une psychose de peur, d'autre part, gagnait la cité qui proclamait à la fin du mois l'entière liberté religieuse. Au début de février, les anabaptistes s'affirmèrent, autour de barricades dressées sur la place du marché, comme un groupe armé d'autodéfense. Luthériens et catholiques commencèrent alors à quitter la ville où ils furent remplacés par des réfugiés anabaptistes. Ces événements contraignirent du coup, à la fin du mois, le mouvement sectaire à prendre le pouvoir qu'on lui abandonnait et à tenter de mettre en application son programme millénariste. Jan Matthys, enfin survenu, présida naturellement à cette eschatologie en acte. Prophète décidé à faire de Munster la Nouvelle Jérusalem, il y organisa bien vite l'expulsion des non-croyants. De son côté, Rothmann rédigea de sa plume agile le texte de ces milliers de feuilles volantes qui allaient annoncer à toute l'Europe l'incroyable nouvelle du prochain retour du Christ en gloire en Westphalie. Toute possession privée de l'argent fut bientôt interdite dans une cité fondée désormais sur la propriété collective et l'usage en commun des biens de consommation. Cet idéal communautaire servit d'ailleurs de base, à destination de l'extérieur, à une propagande égalitariste. La révolution religieuse débouchait ainsi sur la révolution sociale dans une ambiance de terreur et d'intransigeance fort bien symbolisée, dès mars 1534, par la destruction de tous les livres à l'exception de la Bible. La guerre sainte, de son côté, était exaltée. Matthys, qui en fut victime, fut remplacé, sur la base des révélations de l'Esprit-Saint, par Bockelson. Celui-ci, en proie à un véritable délire mystique, fonda un gouvernement théocratique qui imposa, en juillet, l'obligation de la polygamie à fin de procréation eschatologique. Ce souverain messianique concentra tous les pouvoirs, mais, le 24 juin 1535, la ville était prise et lui-même fait prisonnier avec la plupart de ses lieutenants. Ils furent exécutés en janvier 1536.
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Roťhmann avait été à Munster le théologien d'un millénarisme militant. Comme Га bien vu Cohn, le chiliasme révolutionnaire médiéval connut vraiment, alors, dans cette ville, son apothéose : personnalisation des chefs charismatiques et des ennemis eschatologiques, formation d'une armée apocalyptique des saints définie par une appartenance communautaire et la participation à une œuvre de salut collectif équivalant à la destruction des impies, communisme, polygamie, royauté, fêtes et cérémonies de la Nouvelle Sion, rien n'y manqua. Rothmann avait enseigné que la vraie Réforme était une restitution du christianisme reposant sur une interprétation globale de son Histoire, débouchant, au xvie siècle, sur la disparition définitive de Babylone et la réincarnation de la Parole. Le docteur de Munster s'attacha particulièrement, dans cet ensemble, à défendre l'idée de communauté des biens. Aux côtés de la nécessaire polygamie et du légitime gouvernement des saints, elle figure bien comme un des trois principes fondamentaux de l'ordre nouveau. Mais l'instauration de celui-ci ne peut aller, chez Rothmann, sans l'action violente dont Д présente une vigoureuse apologie. Au moment, d'ailleurs, où il disparaissait peut-être sur les dernières barricades de la Nouvelle Jérusalem, ses compagnons avaient fomenté une ultime tentative de millénarisme révolutionnaire pour la soutenir en Allemagne du Nord et aux Pays- Bas. A Amsterdam, un groupe d'anabaptistes, en proie depuis plusieurs mois à un état de fanatisme dont témoignaient diverses manifestations séditieuses ou nudistes, essaya même en vain de s'emparer de l'hôtel de ville 8.
Cette mise au point historique et idéologique ne mentionne pas tous les aspects auxquels l'histoire nouvelle peut légitimement s'intéresser : origine sociale des anabaptistes et de leurs meneurs, caractéristiques psychologiques de ceux-ci (âge, formation, mentalité de rupture, vocabulaire), méthodes d'action du mouvement (originalité de sa prédication, utilisation de l'imprimé, conditions exactes du développement des communautés). Mais elle en dit assez pour nous rappeler que la Réforme, ce n'est pas avant tout ni seulement l'affichage des thèses de Wittenberg et leur préparation théologique. Cette rupture décisive ne doit pas, comme tant d'autres, s'interpréter par le simple court terme, celui des discontinuités, délicieuses, révolutionnaires et trompeuses. Le nouvel éclairage mis récemment sur les décisifs événements tchèques de 1420 nous rappelle suffisamment que le protestantisme est incompréhensible, en dehors de toute notion de précurseur, si l'on oublie la contestation séculaire de l'ordre romain qui a ébranlé le Moyen Age finissant et préparé la modernité. Or cette contestation eut bel et bien un mot d'ordre théologique, longtemps méprisé ou considéré comme aberrant par l'historiographie bourgeoise ou socialiste, redécouvert aujourd'hui avec passion tant il s'accorde avec les espoirs et les peurs de notre monde. C'est celui du millénarisme9. Utilisant d'abondants et remarquables travaux d'origine surtout anglo-saxonne, les présentant de façon à la fois synthétique et analytique sous la forme d'une introduction interprétative et d'un catalogue de faits, Henri Desroche a publié en 1969, sous le titre admirable Dieux d'hommes, un capital Dictionnaire des Messianismes et Millénarismes de l'ère chrétienne 10. Lui-même et ses collaborateurs présentent ce moment de leur recherche sous la forme modeste d'une contribution à une sociologie de l'attente. Mais au-delà de cet hommage rendu à l'École française qui, avec Mauss et Durkheim, a su si bien parler de la religion, cette « administration
8. On connaît la traduction du livre de N. Cohn, Les fanatiques de l'Apocalypse, Paris, 1962. 9. Le livre de H. Kaminsky, A History of the Hussite Revolution, Berkeley, 1967, a, selon nous, entièrement renouvelé sur le plan de la longue durée le problème des origines de la Réforme. ro. Mouton, Paris-La Haye, 1969.
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du sacré », et des représentations collectives qu'elle utilise ou qu'elle détermine, l'historien trouvera dans ces pages le principe et l'amorce de plus d'une recherche. Elle a le mérite de rattacher le christianisme, en ses origines et son développement, à ce qui demeure son essence propre : la croyance messianique en la rédemption d'un ordre par l'instauration d'un nouveau « fait de justice et de bonheur », elle-même point de départ d'un mouvement millénariste attaché à la répandre. Ce faisant, le christianisme, loin d'être seul, se rattache au contraire à un ensemble de cycles d'espérance qui ont pu, tour à tour, le traverser ou le déchirer. Leur inventaire systématique commence à peine, mais il est sûr que toute l'histoire religieuse de l'avenir sera dominée par ces deux préoccupations : il n'y a pas de christianisme authentique sans perspectives eschatologiques ; il n'y a pas d'histoire religieuse authentique sans typologie des personnages, des règnes et des supputations qui ont mis en branle, à travers l'Histoire et les sociétés les plus diverses, messianismes et millénarismes. A l'intérieur du christianisme, chiffres, figures et paraboles bibliques particulières ont constitué, à leur service, un puissant apport de matériel imaginaire. Desroche en dresse enfin l'inventaire qui est à la fois celui d'une fin du monde et de la fin d'un monde ; grâce à lui, les prestigieuses et fulgurantes images de Daniel et de saint Jean, qui ont fasciné pendant des siècles l'imagination occidentale, retrouvent enfin, avant tant de passages plus célèbres et plus plats du Nouveau Testament, la première place religieuse qui leur revient de droit. Car la méditation de l'Apocalypse a appris aux hommes de foi le nécessaire découpage de l'Histoire en trois temps successifs : celui de l'oppression maléfique, celui de la résistance des saints, celui de la libération millénaire. Ce fut là, pendant des siècles, l'espérance même des désespérés. Est-il sûr qu'il n'en reste rien, au temps des socialismes ? La question se pose d'autant plus qu'inévitablement le messianisme s'est toujours heurté, dans sa dialectique, à la catégorie de l'échec. Il a fait, en effet, pendant des millénaires, l'expérience décisive que connaissent de nos jours les révolutions triomphantes, celle du contraste entre l'exaltation idéale des grands moments historiques et leur retombée prosaïque en simples souvenirs, périodiquement revivifiés par les cérémonies officielles. L'opposition déjà signalée par Loisy entre l'annonce enivrante du Royaume et la venue décevante de l'Église, bref, celle qui existe, de toute nécessité, entre l'espérance eschatologique et les réalités progressives de l'acculturation, semble bien être une loi de l'Histoire. Mais l'erreur consiste, évidemment, à ne pas voir dans cet échec la source même d'étonnantes réussites prosélytiques. Toujours Christophe Colomb partira pour retrouver le Paradis perdu et toujours il découvrira un nouveau continent. Pour vaine qu'elle paraisse, cette structure psychologique de l'attente se révèle ainsi d'une étonnante richesse historique et humaine. Quelle erreur, en effet, que d'oublier, dans les entreprises révolutionnaires quelles qu'elles soient, ces causes déterminantes : la révolte et l'espoir, l'impatience et la frustration, le goût du rêve et celui du refus, la nostalgie des grands désirs vagues. Le Christ et son millenium ont offert à ces sentiments puissants un singulier aliment pendant des millénaires. Théologiens et politiques n'eurent qu'à le présenter, au bon moment, pour entraîner les foules. Celles de 1789 et de 1917, d'ailleurs, ne s'engagèrent-elles pas d'abord, dans leur combat, au nom de semblables motivations n ? Au reste, c'est en avril 1968 que Desroche a signé son introduction. Le catalogue alphabétique des personnages messianiques et auteurs millénaristes qui la suit est
11. On connaît la belle allusion de Georges Lefebvre, d'après un texte d'Arthur Young, à l'atmosphère de bonne nouvelle qui régnait dans la France de l'été 8g. Par ailleurs, on peut lire dans une History of the October Revolution, parue à Moscou en 1966, l'anecdote saisissante (p. 11) de cette jeune femme qui, le icr mai 1920, demande à Lénine, avec un mélange sans cloute de crainte et d'immense espérance : « Camarade, maintenant que la guerre est finie, est-ce que nous allons vraiment vivre pour connaître le communisme ? » Avant les travaux de M. Ferro, les romans de Victor Serge nous ont bien fait connaître les ressorts psychologiques de cette mentalité révolutionnaire.
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d'une grande richesse. Même incomplet ou parfois fautif 12, il ne fournit pas seulement une considérable recension bibliographique. Son tableau récapitulatif, par siècle et par aire géographique, indique en effet une espèce de rythme historique, daté et localisé, des pulsions eschatologiques. Au-delà de l'enracinement judéo-chrétien, de l'aventure arabe et des sources médiévales, l'historien de l'époque moderne et contemporaine y fera, croyons-nous, d'étonnantes découvertes. Il comprendra d'abord, évidemment, que le siècle de la Réforme, cette grande heure de l'Allemagne, n'eût jamais été possible si le pays de Luther n'avait pas été profondément et passionnément convaincu de l'imminence de la fin des temps et du retour du Christ. Il admirera aussi, à l'époque de Cromwell, l'abondante floraison apocalyptique anglaise dont Christopher НШ. vient de démontrer de façon si minutieuse les divers mécanismes. Il retrouvera, avec Eliade, son grand et bel héritage américain. Il se demandera aussi, peut-être, pourquoi le prophétisme janséniste de notre xvine siècle, si chrétien, et digne assurément de ses pareils piétiste et méthodiste, a si peu tenté nos historiens, toujours prisonniers des schémas de Sainte-Beuve et de sa dévotion pour le seul Port-Royal. Il le fera d'autant plus que la Révolution française est sans doute incompréhensible en dehors de l'atmosphère (amour et haine mêlés) de ferveur religieuse qui l'enfanta et l'accompagna. Le xixe siècle, du coup, apparaît, chez Desroche, admirable de mysticisme et de prophétisme, conquérant certes mais si peu bourgeois. Ne serait-ce pas là, au temps de Marx et de Saint-Simon, le vrai âge d'or de la pensée de l'Occident ? Aujourd'hui, le relais est pris par les messianismes et millénarismes du tiers monde, fort bien recensés par les ethnologues qui ont contribué à la composition de ce Dictionnaire 13. Les Annales se devaient sans doute de relever son importance comme témoignage de nos curiosités et piste pour nos enquêtes. Celles-ci ne peuvent se limiter aux comptages socio-économiques. Et, dans la vie frémissante des civilisations, il leur appartient de droit de retenir ces phénomènes psychiques qui, plus que d'autres, ont marqué l'Histoire. Il va sans dire qu'à cet égard les mythes chrétiens, qu'ils soient hétérodoxes ou orthodoxes peu importe, méritent de conserver une place singulière et éminente. Car ils furent, par-delà les institutions et les groupes, et dans l'existence des individus, la religion même. Ce sont eux, probablement, qui donnèrent tout leur sens aux dogmes14. Jacques Sole. Grenoble.
Dois je demander à la modération que vous arrêtiez les hors sujets, c'est lassant de vous voir discuter d'un point si ridicule depuis des mois, et toujours le même, moi même j'ai pris part à cette discussion, mais il arrive un moment où il faut en finir, et parler comme des adultes.
Cela n'existe pas la Grâce soudaine et imprévisible de Dieu chez une personne qui ne montre aucun signe de reconnaissance de Jésus en laissant derrière lui l'homme ancien et devenant l'homme nouveau. Un homme est doté de la Grâce de la Foi à partir du moment où il montre les signes de vouloir se réconcilier avec Dieu. A croire que personne ici n'a le sens du raisonnement que de tenir la chandelle à Logos pendant des mois et des mois alors que ce pauvre homme est complètement déboussolé. Il n'est pas le seul apparemment mais Dieu a voilé le cœur de ces personnes qui, partisans du moindre effort, voudraient que tout leur tombe cuit dans la bouche.
Je souhaiterais donc parler constructivement s'il vous plait.
NOTE CRITIQUE
Les origines de la Réforme :
protestantisme, eschatologie et anabaptisme
II est sans doute possible de résumer le changement de perspective historiogra- phique qui s'est produit, disons entre l'époque de Ranke et d'Imbart de La Tour, d'une part, celle de Febvre et Léonard, de l'autre, en indiquant que l'on est passé d'une interprétation extérieure des origines de la Réforme à une analyse de ses causes internes et proprement spirituelles. La première de ces visions insistait sur les aspects institutionnels, économiques, sociaux et culturels de la crise de l'Église, et tendait à interpréter celle-ci en termes surtout négatifs ; la position vigoureuse défendue au contraire par Febvre, en un article retentissant, et maintenue en gros, depuis, par les meilleurs historiens, a salué, dans le protestantisme, le résultat de l'approfondissement de la piété médiévale 1. On peut se demander, pourtant, si ce type d'interprétation de l'histoire religieuse n'a pas insisté à l'excès, d'une part sur la personnalité des Réformateurs (et d'abord, bien sûr, celle de Luther) et l'originalité de leurs dogmes, de l'autre sur la réorganisation ecclésiastique à laquelle ils présidèrent. Au schéma ancien et dépassé d'une réforme née de la protestation contre les abus (pour ne pas parler de l'interprétation dite marxiste qui la fait coïncider avec le premier moment de la révolution bourgeoise), s'est ainsi substituée une espèce de nouvelle légende sainte qui s'attache avant tout aux plus menus détaHs de l'existence des fondateurs (de préférence, d'ailleurs, à l'époque la plus obscure de leur vie) et ne veut connaître du grand schisme du xvie siècle que ses Églises officielles. Il naquit pourtant, on s'en rend compte de plus en plus, dans le cadre, aussi, de la longue durée des hérésies médiévales et û ne se limita pas aux réussites ecclésiologiques saxonne, helvétique ou britannique. Au contraire, dès ses origines ou presque, il correspondit également à une poussière de sectes et d'affirmations individualistes qui méritent de retenir l'attention dans la mesure où leurs aspirations, pour aberrantes qu'elles paraissent, correspondent au succès d'ensemble de la révolution religieuse, dans celle, enfin, où elles témoignent d'une structure mentale fondamentale aux yeux du sociologue 2.
1. Cf. E. G. Léonard, Histoire générale du Protestantisme, t. I, La Réformation, Paris, 1961 ; J. Delumeau, Naissance et affirmation de la Réforme, 2e éd., Paris, 1968. 2. Il est navrant mais significatif de constater que le livre capital d'E. Troeltsch, Die Soziallehren der christlichen Kirchenund Gruppen (1911), n'a pas été encore traduit en français. On peut consulter sa traduction anglaise, The social teachings of the Christian churches, dans l'édition Harper Torchbooks, New York, i960 (voir en particulier le t. II).
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Les historiens de la Réforme, surtout en terre anglo-saxonne, font ainsi place, de plus en plus, dans sa galerie de famille, à côté des portraits honorables et quand même archi-connus de l'homme de la Wartburg ou de l'adversaire de Servet, ainsi que de leurs lieutenants, aux courants les plus « radicaux » qu'elle contint en son sein. Le livre capital de Williams, en 1962, en a ainsi dressé, pour les trois premiers quarts du xvie siècle, un Bottin quasi exhaustif 3. Il y a là, pensons-nous, plus que de la piété sectaire, sinon hagiographique. L'extraordinaire pullulement de ces militants de la Réforme, traqués également par l'Église officielle et par les nouvelles, révèle autre chose sans doute qu'un catalogue biographique de personnages toujours errants et souvent illuminés. Millénaristes, anabaptistes ou anti-trinitaires, ils ont porté, d'Allemagne en Espagne et d'Italie en Pologne, de vieilles idées qui avaient précédé Luther et qui étaient destinées sans peine à lui survivre : mise en cause de la notion traditionnelle d'Église remplacée par l'exaltation de la communauté des vrais croyants, affirmation de la valeur absolue de la liberté religieuse, attente prophétique de la fin des temps et du renouvellement de tout, critique des dogmes insuffisamment fondés sur l'Écriture. C'était là évidemment, pour les sociétés orthodoxes du xvie siècle, plus qu'il n'en fallait pour mériter leur condamnation conjointe par le bûcher et par l'historiographie officielle. Mais l'historien d'aujourd'hui, fasciné par les efforts novateurs qui s'affirment un peu partout dans les Églises de tout genre, ne peut être qu'attiré par cette espèce de révolution copernicienne de l'histoire de la Réforme qui s'annonce à partir du moment où, ô crime de lèse-majesté, on attache autant d'importance à la théologie de la révolution chez Miintzer qu'au salut par la foi chez Luther, à la diffusion et à la répression de l'anabaptisme qu'à celles du calvinisme, à la pensée de Socin qu'au divorce d'Henri VIII 4. Un livre tout récent d'Ugo Gastaldi, reprenant et synthétisant un siècle de labeur sur le sujet, élargissant et approfondissant la vue fort éclairante mais partielle qu'en avait donnée Williams, vient ainsi, à son tour, de faire entrer les dix premières années du mouvement anabaptiste, de la fondation zurichoise à la chute de Munster (1525- 1535), dans la grande histoire 5. Il rappelle, au nom, on s'en doute, d'un protestantisme italien particulièrement sensible à cet aspect des choses, la lente résurrection, grâce à l'érudition du xixe siècle, des hérésies de la Réforme étouffées aux siècles des Lumières par la réprobation des bonnes âmes. Il montre qu'il y eut ainsi une autre Réforme qui ne connut jamais, ou presque, les joies et les dangers du pouvoir, mais qui présenta pourtant, en ses différents aspects, quelques points communs fondamentaux : insistance sur le retour absolu et permanent aux origines chrétiennes, critique de toutes les Églises installées, optimisme anthropologique relatif. Ces courants radicaux, cependant, diffèrent souvent beaucoup, dans la mesure où ils se rattachaient à deux sources principales d'inspiration, l'une tout imprégnée de spiritualisme évangé- lique, l'autre farouchement fidèle à la lettre comme à l'esprit de la Bible. Parmi eux, la communauté anabaptiste emprunta presque également à ces deux sources. Elle y ajouta pourtant une expérience de l'engagement total de l'être, vraiment unique, même en ce siècle de la foi 6. Gastaldi n'a pas de peine, évidemment, à rappeler que ce mouvement n'a rien
3. George H. Williams, The radical reformation, Philadelphie, 1962. Cet ouvrage de près de mille pages est sans doute le plus important paru ces dix dernières années sur le protestantisme . 4. On a publié en 1964, à Paris, la traduction du livre d'E. Bloch, Thomas Munzer théologien de la Révolution. 5. Storia dell'anabattismo dalle origini a Munster (1525-1535), Claudiana, Turin, 1972. Dans leur Age de l'Humanisme (Paris, 1963), A. Chastel et le regretté R. Klein, si attentifs à l'irrationnel renaissant, ont bien noté que « le mouvement anabaptiste » avait été « une des plus mémorables tentatives messianiques qu'ait connues l'Europe » (p. 230). Il a inspiré dernièrement, avec V Œuvre au noir de Marguerite Yourcenar (Paris, 1968), un de ces romans qui valent bien des livres d'histoire. 6. Storia dell'anabattismo, pp. 7-35.
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à voir avec les radicaux saxons qui, de Carlstadt à Thomas Muntzer en passant par les prophètes de Zwickau, troublèrent fort les premières années de l'apostolat de Luther. Tout au plus anticipèrent-ils quelques-unes des futures affirmations anabaptistes et développèrent-ils,no tamment chez Muntzer, une vision toute apocalyptique du futur règne millénaire, fort adaptée, on le sait, à la révolte contemporaine des paysans allemands et qui sombra lamentablement, comme elle, devant la répression officielle. L'anabaptisme est donc ce mouvement religieux qui se répand en dix ans depuis Zurich jusque vers l'Allemagne du Nord et les Pays-Bas d'une part, la Moravie et la Styrie de l'autre. Loin de constituer le programme théologique d'une révolution sociale, il a sans doute séduit une partie des masses rurales et urbaines germaniques précisément parce qu'il venait après un double échec, ou au moins une double déception offerte par les Réformes officielles et le soulèvement populaire. Il naît ainsi, presque obscurément, dans la Zurich de Zwingli, qui, on l'oublie trop, a représenté pour le protestantisme européen un laboratoire qui vaut bien ceux de Wittenberg ou de Genève. Réformateur de l'Église et de l'État entre 1522 et 1525, Zwingli s'y heurta vite à l'un de ses jeunes collaborateurs, ancien étudiant à Paris et véritable fondateur de l'anabaptisme, Conrad Grebel (1498-1526). Groupant autour de lui quelques amis et entretenant des relations épistolaires avec Muntzer, il insistait sur un développement plus radical de la Réforme zurichoise. Ils trouvèrent bientôt leur point d'application dans la question du baptême. Elle avait en effet une grave signification sociale et religieuse. Insister, comme le faisaient les dissidents rassemblés par Grebel, sur la vanité chrétienne de ce sacrement enfantin, prôner, comme eux, le vrai baptême des croyants adultes et régénérés, portait un coup droit aux préjugés et aux présupposés de l'élite du temps, qu'elle fût catholique ou réformée. La réponse des autorités ne se fit d'ailleurs pas attendre : elles imposèrent, au début de 1525, le baptême immédiat des enfants. Cette mesure de défense ne fit qu'exacerber le conflit anabaptiste dans le canton de Zurich ; le zèle missionnaire de ces Frères Suisses allait bientôt répandre le mouvement sur son territoire malgré toutes les mesures de répression. Emprisonnés ou chassés, un bon nombre d'entre eux, dont Grebel, allaient bien vite disparaître. Mais ils avaient su susciter des disciples qui assurèrent la survie du mouvement. Ce fut d'abord le cas en Suisse. Jusqu'en 1535, prédicateurs et chefs sectaires, parlant souvent devant d'importants auditoires, y accompagnèrent le protestantisme réformé dans ses progrès avant d'être étouffés par lui. Entre-temps, l'anabaptisme était entré en Allemagne. Il le dut d'abord, dans le Sud, à Reublin, prêtre vite passé à la Réforme radicale et rallié aux amis de Grebel. Cependant, dans le Brisgau, Balthasar Hubmaier, fils de paysans de la région d'Augs- bourg, ancien étudiant d'Ingolstadt et prédicateur catholique à Ratisbonne, avait fondé, dans sa paroisse de Waldshut, sous l'influence de Grebel, la première communauté anabaptiste. Michael Sattler, enfin, qui était de la région du Brisgau et devait collaborer avec Reublin dans le Wurtemberg, put exposer, dès 1526, aux Réformateurs de Strasbourg, les points officiels de l'anabaptisme. Il eut une part décisive au cours d'une réunion commune tenue dans la vallée du Neckar, au début de l'année suivante, à la mise au point du credo officiel du mouvement connu sous la forme des articles de Schleitheim. Arrêté peu après, il fut jugé, condamné à mort et exécuté en mai 1527 7. A cette date, Augsbourg et Strasbourg sont à coup sûr les points forts de l'anabaptisme. Du printemps 1526, en effet, à l'été 1527, la première de ces villes voit se consolider une communauté sectaire qui rayonne bientôt dans toute l'Allemagne méridionale. Le jeune Bavarois Hans Denck, formé à Bâle mais influencé par Tauler et ami de Muntzer, lui apportera même, depuis Nuremberg, une contribution mystique
7. Admirable gravure d'un propagandiste révolutionnaire et de son public, ibid., planche 32. D'une façon générale, l'illustration du livre de Gastaldi (plans de villes, gravures d'époque, titres d'ouvrages) est d'une vie saisissante et d'un intérêt capital.
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et spiritualiste d'importance. Il en va tout autrement de Hans Hut, originaire de Thuringe mais en rupture, dès 1524, avec le luthéranisme sur le problème du baptême. Il demeura impressionné par l'effort militaire et apocalyptique de Thomas Muntzer. Après la répression du mouvement paysan Д se rendit à Augsbourg où, sous l'influence de Denck, il adhéra, au printemps 1526, au mouvement anabaptiste dont Д allait être, en à peine un an, un impressionnant missionnaire, de la Bavière à l'Autriche et de la Souabe à la Franconie. Il avait présidé, dans la ville, au développement d'une communauté prospère, vrai centre d'expansion anabaptiste. Elle organisa tout naturellement le fameux synode d'août 1527 qui expédia en direction de l'Allemagne du Sud, de la Suisse et de l'Autriche des groupes missionnaires dans une perspective d'activisme eschato- logique. Mais ce rassemblement, sans doute imprudent, fut à l'origine d'une répression sévère de la part des autorités. Ses membres, cependant, purent un moment se réfugier à Strasbourg. La grande cité rhénane organisait alors, en effet, parmi bien d'autres questions religieuses plus ou moins librement débattues, la discussion sur le problème du baptême. Au début de 1526, des immigrants suisses y introduisirent l'anabaptisme qui devait prospérer jusqu'en 1533 et y demeurer vivace, malgré la répression, six ans encore. Ils avaient d'ailleurs su, à Strasbourg, entrer en relation avec les représentants les plus éminents du spiritualisme évangélique qui visitèrent justement la ville à ce moment-là, tels un Schwenckfeld, qui y fut l'hôte de Capiton entre 1529 et 1531, ou un Sébastien Franck qui y publia cette année sa vaste Chronique, premier témoignage objectif et sympathique sur l'anabaptisme. EUe inquiéta cependant moins les autorités que la prédication millénariste de l'étonnant Melchior Hofmann qui avait annoncé, pour 1533, la venue de Jésus et l'instauration de son règne à Strasbourg. Membre depuis trois ans de la communauté anabaptiste de la ville, dont il avait été chassé et où il était revenu clandestinement, ce visionnaire messianique, qui avait fait preuve d'une intense activité missionnaire dans l'Europe du Nord, voulait faire de la cité de Bucer sa Nouvelle Jérusalem. On l'arrêta en mai 1533, peu avant que ses idées trouvent à Munster un écho stupéfiant par sa violence. Il demeura fidèle, en prison, à ses idées et jusqu'à sa mort, survenue après dix ans de détention. Il avait contribué de façon importante à faire dévier l'anabaptisme vers le prophétisme millénariste. Une dure répression du mouvement s'ensuivit, à Strasbourg comme ailleurs ; elle le contraignit incontestablement à la clandestinité puis au déclin. Le même phénomène s'observa dans la région la plus orientale atteinte par le mouvement. Il s'agissait des territoires autrichiens et de la Moravie. Ferdinand de Habsbourg y combattit en effet âprement, autour de 1530, la diffusion de l'anabaptisme. Celui-ci avait pénétré dans cette zone dès 1526, à partir d'Augsbourg et de la Bavière et en direction d'une part de la Moravie, d'autre part de la Haute- Autriche et du Tyrol. Ce fut avant tout, d'ailleurs, un courant non violent influencé par la pensée de Hans Hut qui avait pu visiter Vienne, Linz, Salzbourg. Ce fut pourtant le Tyrol qui, vers 1530, représenta une véritable forteresse anabaptiste, en particulier dans les vallées du haut Adige. Leur prédicateur le plus eminent fut Jacob Hutter, ancien chapelier entré en rapport avec le mouvement dans la capitale de la Carinthie. Pendant ce temps, en Moravie, l'anabaptisme connaissait un développement tout particulier, dû à Hubmaier qui y arriva en juillet 1526 et rencontra très vite, à Nikols- burg, un succès considérable. Il fut exécuté à Vienne, devant une grande foule, le 10 mars 1528, tandis que l'on noyait dans le Danube sa femme peu de jours après. Avec lui disparaissait le plus notable penseur de la première génération anabaptiste. Après sa mort, la communauté morave se réorganisa, en trois points au nord de Nikolsburg, sur la base inédite du communisme de production. Ce système n'alla pas sans difficultés pratiques, mais il fut renforcé en 1533 par la venue de Hutter et de ses réfugiés du Tyrol. Il ne résista pourtant pas, deux ans plus tard, à la persécution systémastique menée par Ferdinand qui réussit même à faire brûler Hutter, à Innsbriîck, au début de 1536.
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L'anabaptisme était alors présent dans toute l'Allemagne du Sud : Bavière, Souabe, Wurtemberg, Pays de Bade, Palatinat, Franconie. Il s'y heurtait à une dure persécution, sans doute plus nette, alors, de la part des catholiques que de celle des luthériens. On le rencontrait également en Allemagne centrale. La Basse-Rhénanie, enfin, de Cologne à Clèves, fut aussi à ce moment une zone de mission pour l'anabaptisme. C'est tout près de là pourtant, dans les Pays-Bas et à Munster, que ce dernier devait trouver le champ de ses plus célèbres exploits. Il le dut à sa prédication faite en Frise orientale par Melchior Hofmann. L'importante communauté qu'il créa à Emden devait demeurer longtemps un centre de diffusion du mouvement. De là, celui-ci se répandit dans tous les Pays-Bas. Entre 1530 et 1550, en effet, ce sont les anabaptistes qui y représentent le plus important parti réformé. Il offrit surtout l'intérêt capital de transformer le millénarisme pacifique en un militantisme révolutionnaire d'une singulière violence. L'artisan de ce changement fut Jan Matthys, boulanger de Harlem, baptisé par Hofmann, et qui survint à Amsterdam à la fin de 1533, pour y annoncer aux fidèles l'imminence d'une rénovation radicale du monde. Le hasard voulut qu'à ce moment, tout près de là, la ville de Munster lui fournisse une base d'action incomparable : la Réforme venait d'y entraîner en effet des bouleversements considérables et imprévus. Elle y avait surtout été prêchée, à partir de juillet 1530, par le remarquable Bernhard Rothmann qui sut s'associer étroitement au chef de la bourgeoisie artisanale et marchande Bert Knipperdolling. Dès le printemps 1533, les évangéliques avaient la majorité au Conseil municipal ; mais ils se divisèrent aussitôt et Rothmann prit la tête de leur aile gauche, hostiïe, notamment, au baptême des enfants. Or, depuis l'été, les anabaptistes affluaient dans la ville et y recevaient bon accueil, naturellement, de la part des activistes. Matthys et ses amis purent donc profiter pleinement des événements qui, au début de 1534, amenèrent Munster en leur pouvoir. Leurs missionnaires, en effet, gagnèrent Rothmann et son groupe dès janvier. Jan Bockelson, notre Jean de Leyde, bâtard errant et théâtral, vint bientôt faire fructifier cette moisson. Il avait vingt-cinq ans et ce bel homme, blond et barbu, était doué d'une éloquence irrésistible. Il ne transforma pas immédiatement la mentalité des disciples de Rothmann mais fascina vite, pourtant, un Knipperdolling. Une psychose de peur, d'autre part, gagnait la cité qui proclamait à la fin du mois l'entière liberté religieuse. Au début de février, les anabaptistes s'affirmèrent, autour de barricades dressées sur la place du marché, comme un groupe armé d'autodéfense. Luthériens et catholiques commencèrent alors à quitter la ville où ils furent remplacés par des réfugiés anabaptistes. Ces événements contraignirent du coup, à la fin du mois, le mouvement sectaire à prendre le pouvoir qu'on lui abandonnait et à tenter de mettre en application son programme millénariste. Jan Matthys, enfin survenu, présida naturellement à cette eschatologie en acte. Prophète décidé à faire de Munster la Nouvelle Jérusalem, il y organisa bien vite l'expulsion des non-croyants. De son côté, Rothmann rédigea de sa plume agile le texte de ces milliers de feuilles volantes qui allaient annoncer à toute l'Europe l'incroyable nouvelle du prochain retour du Christ en gloire en Westphalie. Toute possession privée de l'argent fut bientôt interdite dans une cité fondée désormais sur la propriété collective et l'usage en commun des biens de consommation. Cet idéal communautaire servit d'ailleurs de base, à destination de l'extérieur, à une propagande égalitariste. La révolution religieuse débouchait ainsi sur la révolution sociale dans une ambiance de terreur et d'intransigeance fort bien symbolisée, dès mars 1534, par la destruction de tous les livres à l'exception de la Bible. La guerre sainte, de son côté, était exaltée. Matthys, qui en fut victime, fut remplacé, sur la base des révélations de l'Esprit-Saint, par Bockelson. Celui-ci, en proie à un véritable délire mystique, fonda un gouvernement théocratique qui imposa, en juillet, l'obligation de la polygamie à fin de procréation eschatologique. Ce souverain messianique concentra tous les pouvoirs, mais, le 24 juin 1535, la ville était prise et lui-même fait prisonnier avec la plupart de ses lieutenants. Ils furent exécutés en janvier 1536.
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Roťhmann avait été à Munster le théologien d'un millénarisme militant. Comme Га bien vu Cohn, le chiliasme révolutionnaire médiéval connut vraiment, alors, dans cette ville, son apothéose : personnalisation des chefs charismatiques et des ennemis eschatologiques, formation d'une armée apocalyptique des saints définie par une appartenance communautaire et la participation à une œuvre de salut collectif équivalant à la destruction des impies, communisme, polygamie, royauté, fêtes et cérémonies de la Nouvelle Sion, rien n'y manqua. Rothmann avait enseigné que la vraie Réforme était une restitution du christianisme reposant sur une interprétation globale de son Histoire, débouchant, au xvie siècle, sur la disparition définitive de Babylone et la réincarnation de la Parole. Le docteur de Munster s'attacha particulièrement, dans cet ensemble, à défendre l'idée de communauté des biens. Aux côtés de la nécessaire polygamie et du légitime gouvernement des saints, elle figure bien comme un des trois principes fondamentaux de l'ordre nouveau. Mais l'instauration de celui-ci ne peut aller, chez Rothmann, sans l'action violente dont Д présente une vigoureuse apologie. Au moment, d'ailleurs, où il disparaissait peut-être sur les dernières barricades de la Nouvelle Jérusalem, ses compagnons avaient fomenté une ultime tentative de millénarisme révolutionnaire pour la soutenir en Allemagne du Nord et aux Pays- Bas. A Amsterdam, un groupe d'anabaptistes, en proie depuis plusieurs mois à un état de fanatisme dont témoignaient diverses manifestations séditieuses ou nudistes, essaya même en vain de s'emparer de l'hôtel de ville 8.
Cette mise au point historique et idéologique ne mentionne pas tous les aspects auxquels l'histoire nouvelle peut légitimement s'intéresser : origine sociale des anabaptistes et de leurs meneurs, caractéristiques psychologiques de ceux-ci (âge, formation, mentalité de rupture, vocabulaire), méthodes d'action du mouvement (originalité de sa prédication, utilisation de l'imprimé, conditions exactes du développement des communautés). Mais elle en dit assez pour nous rappeler que la Réforme, ce n'est pas avant tout ni seulement l'affichage des thèses de Wittenberg et leur préparation théologique. Cette rupture décisive ne doit pas, comme tant d'autres, s'interpréter par le simple court terme, celui des discontinuités, délicieuses, révolutionnaires et trompeuses. Le nouvel éclairage mis récemment sur les décisifs événements tchèques de 1420 nous rappelle suffisamment que le protestantisme est incompréhensible, en dehors de toute notion de précurseur, si l'on oublie la contestation séculaire de l'ordre romain qui a ébranlé le Moyen Age finissant et préparé la modernité. Or cette contestation eut bel et bien un mot d'ordre théologique, longtemps méprisé ou considéré comme aberrant par l'historiographie bourgeoise ou socialiste, redécouvert aujourd'hui avec passion tant il s'accorde avec les espoirs et les peurs de notre monde. C'est celui du millénarisme9. Utilisant d'abondants et remarquables travaux d'origine surtout anglo-saxonne, les présentant de façon à la fois synthétique et analytique sous la forme d'une introduction interprétative et d'un catalogue de faits, Henri Desroche a publié en 1969, sous le titre admirable Dieux d'hommes, un capital Dictionnaire des Messianismes et Millénarismes de l'ère chrétienne 10. Lui-même et ses collaborateurs présentent ce moment de leur recherche sous la forme modeste d'une contribution à une sociologie de l'attente. Mais au-delà de cet hommage rendu à l'École française qui, avec Mauss et Durkheim, a su si bien parler de la religion, cette « administration
8. On connaît la traduction du livre de N. Cohn, Les fanatiques de l'Apocalypse, Paris, 1962. 9. Le livre de H. Kaminsky, A History of the Hussite Revolution, Berkeley, 1967, a, selon nous, entièrement renouvelé sur le plan de la longue durée le problème des origines de la Réforme. ro. Mouton, Paris-La Haye, 1969.
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du sacré », et des représentations collectives qu'elle utilise ou qu'elle détermine, l'historien trouvera dans ces pages le principe et l'amorce de plus d'une recherche. Elle a le mérite de rattacher le christianisme, en ses origines et son développement, à ce qui demeure son essence propre : la croyance messianique en la rédemption d'un ordre par l'instauration d'un nouveau « fait de justice et de bonheur », elle-même point de départ d'un mouvement millénariste attaché à la répandre. Ce faisant, le christianisme, loin d'être seul, se rattache au contraire à un ensemble de cycles d'espérance qui ont pu, tour à tour, le traverser ou le déchirer. Leur inventaire systématique commence à peine, mais il est sûr que toute l'histoire religieuse de l'avenir sera dominée par ces deux préoccupations : il n'y a pas de christianisme authentique sans perspectives eschatologiques ; il n'y a pas d'histoire religieuse authentique sans typologie des personnages, des règnes et des supputations qui ont mis en branle, à travers l'Histoire et les sociétés les plus diverses, messianismes et millénarismes. A l'intérieur du christianisme, chiffres, figures et paraboles bibliques particulières ont constitué, à leur service, un puissant apport de matériel imaginaire. Desroche en dresse enfin l'inventaire qui est à la fois celui d'une fin du monde et de la fin d'un monde ; grâce à lui, les prestigieuses et fulgurantes images de Daniel et de saint Jean, qui ont fasciné pendant des siècles l'imagination occidentale, retrouvent enfin, avant tant de passages plus célèbres et plus plats du Nouveau Testament, la première place religieuse qui leur revient de droit. Car la méditation de l'Apocalypse a appris aux hommes de foi le nécessaire découpage de l'Histoire en trois temps successifs : celui de l'oppression maléfique, celui de la résistance des saints, celui de la libération millénaire. Ce fut là, pendant des siècles, l'espérance même des désespérés. Est-il sûr qu'il n'en reste rien, au temps des socialismes ? La question se pose d'autant plus qu'inévitablement le messianisme s'est toujours heurté, dans sa dialectique, à la catégorie de l'échec. Il a fait, en effet, pendant des millénaires, l'expérience décisive que connaissent de nos jours les révolutions triomphantes, celle du contraste entre l'exaltation idéale des grands moments historiques et leur retombée prosaïque en simples souvenirs, périodiquement revivifiés par les cérémonies officielles. L'opposition déjà signalée par Loisy entre l'annonce enivrante du Royaume et la venue décevante de l'Église, bref, celle qui existe, de toute nécessité, entre l'espérance eschatologique et les réalités progressives de l'acculturation, semble bien être une loi de l'Histoire. Mais l'erreur consiste, évidemment, à ne pas voir dans cet échec la source même d'étonnantes réussites prosélytiques. Toujours Christophe Colomb partira pour retrouver le Paradis perdu et toujours il découvrira un nouveau continent. Pour vaine qu'elle paraisse, cette structure psychologique de l'attente se révèle ainsi d'une étonnante richesse historique et humaine. Quelle erreur, en effet, que d'oublier, dans les entreprises révolutionnaires quelles qu'elles soient, ces causes déterminantes : la révolte et l'espoir, l'impatience et la frustration, le goût du rêve et celui du refus, la nostalgie des grands désirs vagues. Le Christ et son millenium ont offert à ces sentiments puissants un singulier aliment pendant des millénaires. Théologiens et politiques n'eurent qu'à le présenter, au bon moment, pour entraîner les foules. Celles de 1789 et de 1917, d'ailleurs, ne s'engagèrent-elles pas d'abord, dans leur combat, au nom de semblables motivations n ? Au reste, c'est en avril 1968 que Desroche a signé son introduction. Le catalogue alphabétique des personnages messianiques et auteurs millénaristes qui la suit est
11. On connaît la belle allusion de Georges Lefebvre, d'après un texte d'Arthur Young, à l'atmosphère de bonne nouvelle qui régnait dans la France de l'été 8g. Par ailleurs, on peut lire dans une History of the October Revolution, parue à Moscou en 1966, l'anecdote saisissante (p. 11) de cette jeune femme qui, le icr mai 1920, demande à Lénine, avec un mélange sans cloute de crainte et d'immense espérance : « Camarade, maintenant que la guerre est finie, est-ce que nous allons vraiment vivre pour connaître le communisme ? » Avant les travaux de M. Ferro, les romans de Victor Serge nous ont bien fait connaître les ressorts psychologiques de cette mentalité révolutionnaire.
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d'une grande richesse. Même incomplet ou parfois fautif 12, il ne fournit pas seulement une considérable recension bibliographique. Son tableau récapitulatif, par siècle et par aire géographique, indique en effet une espèce de rythme historique, daté et localisé, des pulsions eschatologiques. Au-delà de l'enracinement judéo-chrétien, de l'aventure arabe et des sources médiévales, l'historien de l'époque moderne et contemporaine y fera, croyons-nous, d'étonnantes découvertes. Il comprendra d'abord, évidemment, que le siècle de la Réforme, cette grande heure de l'Allemagne, n'eût jamais été possible si le pays de Luther n'avait pas été profondément et passionnément convaincu de l'imminence de la fin des temps et du retour du Christ. Il admirera aussi, à l'époque de Cromwell, l'abondante floraison apocalyptique anglaise dont Christopher НШ. vient de démontrer de façon si minutieuse les divers mécanismes. Il retrouvera, avec Eliade, son grand et bel héritage américain. Il se demandera aussi, peut-être, pourquoi le prophétisme janséniste de notre xvine siècle, si chrétien, et digne assurément de ses pareils piétiste et méthodiste, a si peu tenté nos historiens, toujours prisonniers des schémas de Sainte-Beuve et de sa dévotion pour le seul Port-Royal. Il le fera d'autant plus que la Révolution française est sans doute incompréhensible en dehors de l'atmosphère (amour et haine mêlés) de ferveur religieuse qui l'enfanta et l'accompagna. Le xixe siècle, du coup, apparaît, chez Desroche, admirable de mysticisme et de prophétisme, conquérant certes mais si peu bourgeois. Ne serait-ce pas là, au temps de Marx et de Saint-Simon, le vrai âge d'or de la pensée de l'Occident ? Aujourd'hui, le relais est pris par les messianismes et millénarismes du tiers monde, fort bien recensés par les ethnologues qui ont contribué à la composition de ce Dictionnaire 13. Les Annales se devaient sans doute de relever son importance comme témoignage de nos curiosités et piste pour nos enquêtes. Celles-ci ne peuvent se limiter aux comptages socio-économiques. Et, dans la vie frémissante des civilisations, il leur appartient de droit de retenir ces phénomènes psychiques qui, plus que d'autres, ont marqué l'Histoire. Il va sans dire qu'à cet égard les mythes chrétiens, qu'ils soient hétérodoxes ou orthodoxes peu importe, méritent de conserver une place singulière et éminente. Car ils furent, par-delà les institutions et les groupes, et dans l'existence des individus, la religion même. Ce sont eux, probablement, qui donnèrent tout leur sens aux dogmes14. Jacques Sole. Grenoble.
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Re: L'Apocalypse vue par les Protestants.
Ecrit le 08 avr.18, 06:29Pour pouvoir lancer une recherche, quelqu'un est-il capable de citer un texte qui parle de "recevoir la foi" comme si elle pouvait être donnée.Logos a écrit : Ne prends pas ton cas pour une généralité. Tu ne comprends pas que ce n'est pas par notre propre volonté, que nous, les chrétiens Sauvés, avons reçu la Foi.
Pour l'instant, de mon coté, je n'ai aucun texte qui avance cette idée..
J'ai trouvé "exercer la foi", "perdre la foi", "avoir la foi", "ajouter foi", "trouver la foi", "mettre sa foi en lui", "observer la foi", mais jamais "recevoir la foi" ou "donner la foi".
On reçoit l'esprit saint, on reçoit la bénédiction de Dieu, mais tous les textes que j'ai contrôlés ne séparent jamais la foi de la volonté de celui qui finit par la trouver.
Je n'ai jamais lu qu'un chrétien avait reçu la foi contre sa volonté.
Voilà donc apparemment une hérésie.
Par contre, j'ai ce texte : Hébreux 11:6. " d'ailleurs, sans la foi il est impossible de lui plaire, car celui qui s'avance vers Dieu doit croire qu'il est et qu'il devient celui qui récompense ceux qui le cherchent réellement. "
Donc impossible de plaire à Dieu sans la foi et si la foi est donnée par Dieu alors impossible à ceux à qui Dieu ne la donnerait pas de lui plaire.
Seulement ce texte indique que ceux qui recherchent Dieu réellement seront récompensés.
Ce sont donc eux qui recherchent Dieu et pas Dieu qui donne la foi.
Dieu ne fait, et c'est déjà énorme, que créer les conditions qui feront que l'on a la foi. Mais la foi ne se reçoit jamais.
Elle est l'affaire de chaque individu.
merci de répondre.
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Re: L'Apocalypse vue par les Protestants.
Ecrit le 08 avr.18, 06:39Est-ce à moi que tu demandes de répondre ?agecanonix a écrit :merci de répondre.
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Re: L'Apocalypse vue par les Protestants.
Ecrit le 08 avr.18, 06:42je veux connaitre tes sources pour affirmer que la foi est donnée et donc décidée par Dieu.Logos a écrit : Est-ce à moi que tu demandes de répondre ?
Tu as écrit : Tu ne comprends pas que ce n'est pas par notre propre volonté, que nous, les chrétiens Sauvés, avons reçu la Foi.
je veux tes références bibliques.
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Re: L'Apocalypse vue par les Protestants.
Ecrit le 08 avr.18, 06:53Ses références, c'est l'esprit Saint qu'il a reçu et qui lui permet de mieux comprendre la Bible que nous.
« La Bible se laisse pas faire, dès lors où vous introduisez un enseignement non conforme, la bible vous rattrape toujours quelque part. » - Agecanonix
Ainsi, recréer un corps de chair à la résurrection, ce n'est pas ressusciter le bon corps, c'est créer un clone. Ca ne sert à rien. - Agecanonix
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Re: L'Apocalypse vue par les Protestants.
Ecrit le 08 avr.18, 06:55J'ai des versets
"14 Je me dois aux Grecs et aux barbares, aux savants et aux ignorants.
15 Ainsi j'ai un vif désir de vous annoncer aussi l'Évangile, à vous qui êtes à Rome.
16 Car je n'ai point honte de l'Évangile: c'est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, puis du Grec,
17 parce qu'en lui est révélée la justice de Dieu par la foi et pour la foi, selon qu'il est écrit: Le juste vivra par la foi."
Donc l'Evangile est pour SUSCITER LA FOI et pour DONNER LA FOI.
SUSCITER LA FOI : croire en Jésus et écouter son enseignement sachant que "écouter Son enseignement par l'Evangile" c'est obéir au doigt et à l'œil à tout ce que Jésus dit, car écouter d'une oreille pour juste écouter, cela ne sert à rien du tout.
DONNER LA FOI : une fois que l'homme s'accomplit il reçoit GRATIFICATION PAR DIEU qui se manifeste par l'amour inscrit dans le cœur et le discernement ce que nous appelons la FOI.
DONC regardez bien, il est marqué 2 FOIS LE MOT "FOI" afin que vous distinguiez, LE MOYEN pour l'avoir et L'OBTENTION grâce au moyen.
Après, si vous le voulez bien, on pourra parler du sujet ?
"14 Je me dois aux Grecs et aux barbares, aux savants et aux ignorants.
15 Ainsi j'ai un vif désir de vous annoncer aussi l'Évangile, à vous qui êtes à Rome.
16 Car je n'ai point honte de l'Évangile: c'est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, puis du Grec,
17 parce qu'en lui est révélée la justice de Dieu par la foi et pour la foi, selon qu'il est écrit: Le juste vivra par la foi."
Donc l'Evangile est pour SUSCITER LA FOI et pour DONNER LA FOI.
SUSCITER LA FOI : croire en Jésus et écouter son enseignement sachant que "écouter Son enseignement par l'Evangile" c'est obéir au doigt et à l'œil à tout ce que Jésus dit, car écouter d'une oreille pour juste écouter, cela ne sert à rien du tout.
DONNER LA FOI : une fois que l'homme s'accomplit il reçoit GRATIFICATION PAR DIEU qui se manifeste par l'amour inscrit dans le cœur et le discernement ce que nous appelons la FOI.
DONC regardez bien, il est marqué 2 FOIS LE MOT "FOI" afin que vous distinguiez, LE MOYEN pour l'avoir et L'OBTENTION grâce au moyen.
Après, si vous le voulez bien, on pourra parler du sujet ?
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Re: L'Apocalypse vue par les Protestants.
Ecrit le 08 avr.18, 07:03Dois-je comprendre que tu es enfin disposé à dialoguer avec moi comme un homme ? Avec douceur et profond respect, comme nous y engage la Sainte Parole de Dieu ?agecanonix a écrit :je veux connaitre tes sources pour affirmer que la foi est donnée et donc décidée par Dieu.
Tu as écrit : Tu ne comprends pas que ce n'est pas par notre propre volonté, que nous, les chrétiens Sauvés, avons reçu la Foi.
je veux tes références bibliques.
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