Je vous propose ci-dessous une analyse biblique sur le thème de l'assurance du salut, doctrine centrale du protestantisme.
Il s'agit ici de voir quelles sont les bases bibliques de cette doctrine, et d'analyser les textes qui, a priori, semblent la contredire.
La question qui se pose est de savoir si un croyant peut perdre son salut. Deux perspectives existent dans le monde protestant :
- La perspective calviniste qui affirme que lorsque Dieu choisit d'accorder la grâce à quelqu'un, ce chrétien est de facto sauvé et Dieu le fera persévérer jusqu'au bout quoi qu'il arrive. Dans cette perspective un chrétien ne peut donc pas perdre son salut.
- La perspective arminienne qui affirme qu'un élu a le pouvoir, de lui-même, de renier la foi. Dans cette perspective un chrétien peut donc perdre son salut.
L'analyse que je vous propose me semble plutôt équilibrée, même si elle s'oriente finalement vers le calvinisme . Toutefois même des non-calvinistes comme mon frère Logos pourront y trouver des arguments pertinents .
Cette analyse est tirée du livre "La doctrine du péché et de la rédemption", vol.2, pages 339-349, du théologien protestant évangélique français Henri Blocher. Le découpage en sous-partie, les sous-titres en mauve et les emphases sont de moi.
[début de citation]
Premier groupe de textes : les textes d'avertissements, comment les comprendre ?
Nul ne conteste, en premier lieu, la présence de nombreux et solennels avertissements. Même en laissant de côté, comme il convient, la menace d’autres pertes que celle du salut éternel et individuel, on ne peut ignorer dans la Bible l'accent sur les conditions exigées pouf ce salut : l'homme l'obtiendra s'il persévère, et seulement s'il persévère ; s'il abandonne, au contraire, la voie de la foi et de l'obéissance, il est perdu. Déjà le prophète déclare : « Si le juste se détourne de sa justice et commet l'injustice, il en mourra » (Ez 33,18) ; il semble naturel de supposer ici un vrai juste, régénéré. Jésus met en scène le bénéficiaire d'une rémission de dette que le Roi livre aux bourreaux pour son comportement subséquent ; il est vrai qu'il s'agit d'une parabole, mais l'avertissement s'adresse aux disciples : « C'est ainsi que mon Père céleste vous traitera si chacun de vous ne pardonne à son frère de tout son coeur » (Mt 18,23-35). Paul rappelle aux branches pagano-chrétiennes de l'Israël de Dieu (l'Olivier), greffées par la foi, que Dieu les retranchera si elles cèdent à leur tour à l'orgueil de l'incrédulité (Rm 1 1 ,20-22). Il avertit celui qui croit être debout(1 Co 10.12) et stipule la condition (Col 1,23). Aux chrétiens de Corinthe et de Galatie, le même apôtre annonce que le Royaume de Dieu sera fermé à ceux qui pratiquent les « oeuvres de la chair » (1 Co 6,9 s. ; Ga 5, 19 ss ; cf. 6,6 ss et Ep 5,5). Il précise la condition du règne dans la vie avec le Seigneur et ajoute : « Si nous le renions, lui aussi nous reniera » (2 Tm 2,12).
L'Epître aux Hébreux insiste massivement sur la nécessité de retenir l'assurance première, jusqu'à la fin, sans défaillance (Hé 3,6.12.14 ; 6,1 1 s. ; l0,23 .35-39 ; 12 ,3), et l'Apocalypse, explicitant le « demeurer » johannique, commande de tenir ferme ou de se repentir, sinon le Christ viendra en adversaire pour les Eglises (Ap 2,4 s. et 16.25 ; 3,2 ss.10 s. et 16 ss). Ces diverses admonitions tiennent une large place dans l'Ecriture.
Les champions des thèses théologiques rivales pensent tous rendre compte de ces textes. Les arminiens, sans doute, croient davantage triompher. Mais les calvinistes estiment prendre au sérieux les menaces quand ils affirment le danger réel du côté de l’homme, et les avertissements utiles, voire indispensables, pour susciter ce moyen nécessaire de la préservation divine qu'est la persévérance humaine. L'Ecriture ne nous « défend pas toute sécurité, mais une nonchalance charnelle, qui tire avec soi l'orgueil, l'outrecuidance et le mépris des autres »
Herman Bavinck plaide avec force : « On se trompe si on infère des admonitions de l'Ecriture la possibilité d'une perte totale de la grâce. La certitude du résultat ne rend pas les moyens superflus, mais leur est, dans l'ordre de Dieu, indissolublement liée ». L'avertissement du père à son petit garçon : « Si tu t'approches trop du bord, tu vas tomber dans le précipice ! » ne perd pas son sens et son utilité alors que le risque d'accident est pratiquement nul en la présence du père qui veille l Si la vigilance d'un père terrestre se laisse parfois surprendre, celle du Père céleste est infailliblement sûre ! (La question sur la possibilité d'une chute totale enveloppe l'ambiguïté fréquente de l'idée de « possible » : la chose est possible au regard des capacités humaines, mais elle n'arrivera pas en raison de l'interférence de l'autre facteur, divin.)
Comment évaluer la portée du premier groupe de données pour la controverse ? Au plan psychologique, l'impression produite favorise la thèse arminienne (ou catholique romaine) : car il est plus habituel d'avertir de périls quand certains, de fait, succombent. Mais en stricte logique, la thèse calviniste est également compatible avec les textes en cause, elle n'en est pas gênée mais heureuse : si les textes n'existaient pas, les calvinistes devraient les écrire pour être fidèles à leur doctrine. Ils en ont besoin pour bien marquer la nature de la préservation (non pas un automatisme, mais une œuvre de l'Esprit, par la Parole, qui produit la constance de la foi) ! A ce stade, entre les doctrines, les choses restent donc indécises.
Deuxième groupe de textes : ceux qui affirment que Dieu préserve lui-même ses élus
Les versets ne manquent pas non plus qu'on peut classer dans le deuxième groupe : ceux qui rapportent au don de Dieu la persévérance finale. Certains soulignent le pouvoir du Seigneur, gardien de nos âmes : il est capable de garder jusqu'au dernier Jour le dépôt que le croyant lui a fait (2 Tm 1 ,12), de le préserver iusqu'à la purification parfaite (Jude 24 ; cf. v. 1). Il mesure la tentation et en prépare l'issue (1 Co l0,13). Plus nombreux sont les textes qui parlent le langage du fait.
Déjà l'Ancien Testament promet que Dieu ne laisse pas le juste chanceler pour toujours (Ps 55,23), et que l'Éternel, dans l'alliance éternelle, installera lui-même sa crainte sainte dans les coeurs et empêchera ainsi leur apostasie (Jr 32,40). C'est Dieu, assure l'apôtre, qui affermira jusqu'à la fin, achèvera l'oeuvre commencée, rendra les croyants irréprochables (l Co 1,8 ; Ph 1.6 ; 1 Th 5,23 s. ; 2 Th 3,3). Paul s'appuie pour le dire sur la fidélité de Dieu, dont il proclame plus tard qu'elle garde son efficacité quand même nous sommes infidèles (2 Tm 2.13). Selon Pierre nous sommes effectivement gardés pour le salut prêt à être révélé, par la puissance de Dieu et par la foi (1 P 1, 5). D'après l'enseignement de Jésus, c'est une souveraine disposition divine, abrégeant les jours de l'ultime épreuve, qui permettra la persévérance des élus et rendra impossible que les faux Christs les séduisent (Mt 24,22-24). On cite très souvent son témoignage formel : ses brebis ne périront jamais, et personne ne les arrachera de sa main (Jn 10,28 ). Cette parole pèse d'autant plus lourd qu'il y a corrélation, dans le contexte, avec la doctrine de l'élection : en effet, les brebis du Christ représentent les élus comme tels, puisqu'elles sont déjà ses brebis avant d'entendre sa voix et manifestent qu'elles sont ses brebis en se mettant à le suivre lorsqu'elles entendent sa voix (les croyants ont été élus dès avant la fondation du monde et manifestent qu'ils l'ont été en répondant par la foi à la parole du Christ) ; le verset suivant fait référence au don de ces élus par le Père au Fils dans le « pacte de la rédemption », associé à l'élection divine, don que Jésus a déjà évoqué en 6,39 en excluant qu'un seul se perde (cf. encore Jn 17,2.6.9.12, ce dernier verset combinant l'élection à l'apostolat à l'élection pour le salut). Cela ne se fait pas sans l'intercession toujours exaucée de Jésus (Jn 17,15) comme dans le cas de Simon Pierre (Lc 22,32). L'apôtre Paul se réfère à l'intercession céleste avant de proclamer qu'aucune créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus (Rm 8,34-39). Plus loin, à propos de l'élection externe d’Israël, il formule le principe général de l'assurance : Dieu ne se repent pas de ses dons (Rm 1 1,29), moins, sans doute, du don de la vie éternelle que de tout autre !
Les calvinistes aiment citer les passages dont nous venons d'esquisser la synthèse. Comment les arminiens les interprètent-ils? En général, ils lisent les promesses en suppléant mentalement la clause « si l'homme demeure dans la foi », chose qui, pour eux, n'est pas certaine et dépend de l'homme seul. On pourrait croire qu'ils font en l'occurrence comme les calvinistes avec les textes d'avertissements (les calvinistes suppléent eux aussi une clause considérée comme sous-entendue : « Dieu donnera aux vrais croyants de persévérer »). On aurait tort. La symétrie est en trompe-l’œil. En effet, il n'est pas contradictoire de considérer que Dieu pose une condition (« si tu persévères ») et se charge, d'autre part, d'en provoquer la réalisation (« Il te donnera de persévérer »). En revanche, il est contradictoire d'attribuer à la grâce la préservation (comme le font les textes du deuxième groupe) et de considérer le facteur décisif en la matière, c'est-à-dire l'exercice du libre arbitre humain, comme indépendant de Dieu. Comment Dieu a-t-il « pouvoir » de garder si son pouvoir s'arrête, ainsi que le veut la doctrine arminienne, là où commence la liberté ? Pourquoi mettre en cause la fidélité de Dieu si tout dépend de la fidélité humaine (facteur autonome) ? Les « remonstrants » et leurs disciples ne nous semblent pas résoudre cette difficulté. Ajoutons qu'il y aurait maigre consolation pour nous si les textes d'assurance nous apprenaient seulement ceci : nul ne peut nous arracher de la main du Seigneur sans notre consentement ; nous le savons déjà, l'adversaire n'a prise sur nous que par notre volonté, et nous savons aussi la faiblesse de notre volonté ! Dieu soit loué : la force des affirmations bibliques conduit bien plus loin : nous n'avons pas de raison de nous exclure nous-mêmes, et notre folie, des agents séparateurs envisagés en Jean 10.28 ou Romains 8,39 - agents séparateurs dont l'échec est prédit, certain, acquis ! Le lien avec l'élection, la précision « si nous sommes infidèles », nous montrent que notre assurance est ferme non seulement si notre foi résiste, mais, comme pour Pierre, parce que notre foi ne défaillira pas, au point en tout cas de nous séparer du Christ.
Troisième groupe de textes : les textes relatifs à l'apostasie
Les arminiens objectent à ces conclusions quelques passages enseignant, à leur avis, la possibilité réelle d'une chute totale et finale après la régénération, passages sur l'apostasie (comme ils l'entendent) : 2 Pierre2,20 s. Hébreux 6,4 ss (bastion principal) et 10,26 ss, complétés par la mention de personnages bibliques tombés de cette façon. Il y a là une troisième catégorie de textes méritant une étude attentive.
2 Pierre 2
Le premier (2 P 2,20 s.) est le plus facile à expliquer, grâce au commentaire qui suit aussitôt (v. 22) ; l'apostasie des hommes en cause illustre le proverbe dont la version française serait « Chassez le naturel, il revient au galop ». Les apostats prouvent par leur apostasie qu'ils étaient restés des chiens et des cochons au cœur, malgré leur transformation superficielle. La purification et la connaissance qu'ils avaient reçue n'avaient pas impliqué de changement de nature, c'est-à-dire de régénération. Avec ce commentaire, le texte est parfaitement conforme à l'optique calviniste. Le cas envisagé est celui de la semence tombée sur le rocher et peut-être parmi les ronces, de ceux qui « croient pour un temps » mais sans fruit ni racine (Lc 8, 13 s.) : en tout cas il leur manque d'être la « bonne terre » préparée, figure de la nature régénérée.
Hébreux 6
L'accumulation des clauses dans le passage, tant cité, de l'Epître aux Hébreux (6,4 ss) signifie au contraire, pour les arminiens, un engagement chrétien profond et plénier... avant l'apostasie. Certains auteurs non-arminiens le pensent aussi, et, du coup, estiment que l'apostasie en cause est un « cas hypothétique », qui ne se réalise pas, grâce à Dieu : comme dans les avertissements de notre premier groupe de textes ; le v. 9, en soulignant que l'auteur ne considère pas que le cas soit réel pour ses lecteurs, est le meilleur argument en faveur de cette interprétation. Mais face à l'insistance du texte, elle a quelque chose d'un peu artificiel. L'enseignement du passage ne porte pas sur le risque de chute lui-même, mais sur les impossibilités qui la suivent (l'impossibilité de conduire à une nouvelle repentance, v. 6, ce qui ne concorde pas, d'ailleurs, avec l'usage que les arminiens et les luthériens font du passage). Ce léger décalage rend préférable la recherche d'une autre lecture.
Comment déterminer l'intention de l'auteur ? Le contexte le plus proche montre qu'il veut expliquer Melchisédek, sujet difficile (5, 1 1 ), et qu'il justifie sa décision de ne pas revenir sur les vérités élémentaires (6, 1 .2) par son développement des versets4 ss : « car il est impossible ». Il est impossible, pour un prédicateur comme lui, de « renouveler à repentance, une fois de plus », ceux dont il décrit la situation, donc il ne fera pas l'effort inutile de redire le message fondamental bien connu de ces gens là. Cette impossibilité au moins humaine (pour le prédicateur) concernerait aussi l'interprétation de Melchisédek : l'auteur aux Hébreux ne pense nullement convaincre « ceux qui sont tombés » par son chapitre 7. Mais justement, il ne classe pas ses lecteurs parmi eux (6,9). Nous pouvons paraphraser : « Ce n'est pas la peine de répéter les vérités évangéliques premières pour ceux qui sont tombés et qui auraient besoin d'une nouvelle repentance, une telle répétition serait impuissante ; et pour vous, qui n'êtes pas dans ce cas, je peux passer tout de suite aux raffinements théologiques ».
L'articulation avec le contexte mise en lumière, une autre observation peut être utile. L'auteur avait sans doute une raison « derrière la tête » pour parler si longuement à ses lecteurs de « ceux qui sont tombés » : bien que l'auteur sépare les catégories, il devait percevoir entre eux quelques analogies. Comme l'argument sur Melchisédek établit l'abolition du sacerdoce lévitique, il est probable que la tentation des lecteurs était celle d'un retour au judaïsme (orthodoxe ou sectaire), et que les apostats de 6,4 ss sont des hommes retombés (ou qui retomberaient) dans le judaïsme après avoir professé la foi chrétienne. La précision de 6,6b, « crucifiant pour leur compte le Fils de Dieu », s'éclaire sans doute par là : en retournant au judaïsme, ils ratifient personnellement le rejet du Messie par les autorités représentatives d’Israël. Voilà ce que le contexte immédiat permet d'élucider(sur un texte très controversé, un tel éclairage est utile, même s'il ne touche pas directement la controverse sur la persévérance).
L'auteur aux Hébreux considère-t-il ces apostats, que sa prédication ne pourrait pas renouveler, comme des hommes qui furent authentiquement régénérés ? Sur ce point arminiens et calvinistes se heurtent. Une réponse affirmative va de soi pour les arminiens. Les calvinistes observent plutôt que l'auteur évite le mot-clé de régénération. Les termes employés, en partie imagés, sont susceptibles d'une interprétation « faible » comme d'une interprétation « forte ». « Goûter » (Jn 2,9) peut signifier : prendre une très petite quantité, pour essayer ; la « participation » peut être une association assez lâche (Hé 12 ,8). L'illumination peut représenter la « connaissance » de 2 Pierre 2,20. Les expressions n'exigent pas la régénération, et peuvent correspondre aux avantages de savoir et d'expérience d'un homme qui a fréquenté les assemblées chrétiennes, bénéficié de la catéchèse et de la prédication, vu des miracles (ou fait des miracles lui-même). Un premier renouvellement est présupposé (v. 6) ; le terme, vague, peut désigner une transformation assez superficielle.
Pourquoi l'auteur a-t-il empilé toutes ces formules s'il a voulu parler d'une expérience peu profonde ? Le contexte plus large fournit une réponse : depuis 3,7 , en particulier en 3,16 ss (parallèle frappant d'1 Co 10,1 ss), l'épître veut faire comprendre que les plus glorieux privilèges extérieurs ne servent de rien sans la foi. En 6,4 ss, l'auteur va aussi loin que possible dans l'addition des avantages, sans la foi, pour avertir que leur somme, si splendide soit-elle, vient au passif du bilan si la foi (cf. v. 12) reste absente.Une telle lecture « calviniste » n'a rien de forcé ; à prendre uniquement les trois versets 6,4-6, elle est au moins possible, comme est possible la lecture « arminienne ».
L'ensemble du passage permet-il de faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre ? L'observation du v. 9 favorise plutôt la lecture calviniste (les apostats ne faisaient pas partie des vrais chrétiens), mais c'est le commentaire illustratif des v. 7 et 8 qui nous paraît décisif. Dans l'image allégorique, les « pluies fréquentes » représentent les bénédictions énumérées : illumination, participation au don céleste, etc., et les apostats sont la terre infertile, réprouvée, près d'être maudite parce qu'elle ne porte pas le fruit de foi. Il devient donc clair que la nature (la terre, comme dans la parabole du Semeur) n'a pas été régénérée, et que les privilèges (les pluies) sont restés extérieurs à la personnalité profonde. Sur ce texte, on doit donc débouter les arminiens.
Hébreux 10
Il est bien peu vraisemblable que Hébreux 10,26-29 ait en vue d'autres personnes. Le système lévitique ayant été aboli, il ne reste plus dans le judaïsme de sacrifice pour le péché que Dieu agrée : ceux qui y retournent s'illusionnent ! Au contraire, le mépris du sacrifice du Messie, du Fils de Dieu, ajoute une effroyable culpabilité. La seule clause difficile pour le calviniste est celle du v. 29 : « le sang de l'alliance par lequel il a été sanctifié ». Deux solutions s'offrent aux suffrages : soit prendre pour sujet le Christ, qui s'est « consacré », par la mort, à son sacerdoce (Jn 17,19 ; Hé 2,10) ; soit n'envisager ici qu'une sanctification externe, d'appartenance au peuple de l'Alliance, sanctification des Juifs comme tels dont l'alliance externe même reposait à l'avance sur le sacrifice de Jésus Christ. Quoi qu'on choisisse, la difficulté n'est pas insurmontable.
Quatrième groupe : les exemples personnels de défection
Quant aux exemples personnels de défection, on en sait généralement trop peu pour trancher entre les analyses. On ne peut écarter ni l'idée d'une crise grave dans la vie d'un régénéré, comme le reniement de Pierre ou l'adultère criminel de David, ni celle d'une apostasie selon 2 Pierre 2,20. Démas a vraisemblablement fait une chute partielle, sans perdre la grâce (2 Tm 4, 10 ; cf. 1, 15). Le « reniement de la foi »,dans le cas du chrétien qui ne prend pas soin des siens, est une inconséquence pratique tout en condamnant cette négligence l'apôtre ne classe pas l'homme parmi les incroyants (en cette faute, l'homme est plus blâmable que les incroyants, mais ne cesse pas d'être un croyant, l Tm 5,8). On hésite davantage pour ceux qui « se sont égarés loin de la foi » (1 Tm 6,10), ou « quant à la foi, ont manqué le but » (1 Tln 6,21) ; on peut encore imaginer un échec pratique, qui n'empêche pas un salut « comme au travers du feu » (1 Co 3.15). L'expression même de « naufrage quant à la foi », métaphorique, reste ambiguë à cet égard (1 Tm 1,19). Certes, Hyménée, Philète, Alexandra, semblent plutôt se ranger parmi les faux docteurs « antichrists » dont parle Jean, sans espoir de salut et qui ne furent jamais régénérés (l Tm 1 ,20 ; 2 Tm 2,17 ; 4,14) ; et, pourtant, la clause qu'ajoute l'apôtre « afin qu'ils apprennent à ne plus blasphémer » (1 Tm 1,20) fait encore s'interroger sur sa pensée. Dans l'autre cas d'un homme « livré à Satan » (1 Co 5,5), Paul semble persuadé que l'esprit sera sauvé au jour du Seigneur Jésus : cette confiance persiste malgré la gravité de la faute. Sur les cas particuliers, il n'est pas illégitime de multiplier les hypothèses.
Le passage concernant l'incestueux de Corinthe forme charnière entre le troisième groupe de textes, invoqués surtout par les arminiens, et le quatrième, mis en avant par les calvinistes. Plusieurs fois, en effet, le raisonnement biblique suit les voies que préconisent ces derniers. L'exemple le plus frappant est celui des faux docteurs (proto-gnostiques) dénoncés par Jean (1 Jn 2,19) ; ils ont été membres extérieurs de l'Eglise, mais il n'en étaient pas authentiquement, ils n'étaient pas des nôtres, régénérés. Comment Jean le sait-il ? Il l'explique avec toute la netteté voulue « s'ils avaient été des nôtres, ils seraient demeurés avec nous », s'ils avaient été régénérés, ils auraient persévéré ! C'est la thèse exacte du Synode de Dordrecht ! Et Jean d'ajouter encore que l'apostasie manifeste la non-régénération de certains qu'on croit membres de l'Eglise. Ce passage constitue une preuve formidable. C'est en plein accord avec lui que Jean n'envisage d'un « frère » que des péchés ne menant pas à la mort (ainsi différenciés du péché des « antichrists », 1 Jn 5,16 s.), en explicitant encore une fois la raison : le régénéré ne commet pas le péché qui ferait perdre le salut, parce que « Celui qui est engendré de Dieu », le Christ, le garde (v. 18). Paul semble lui aussi exclure l'apostasie totale lorsque la repentance a été véritable, selon Dieu : car il commente qu'on ne la regrette pas (2 Co 7.10). Jésus, en déclarant que tout plant que n'a pas planté le Père céleste sera déraciné (Mat 15,13), suggère lui aussi qu'un déracinement démontre que Dieu n'a pas planté, qu'il n'y a pas eu régénération. Plus fort encore, le Seigneur déclarera aux prophètes, exorcistes, faiseurs de miracles en son nom, lorsqu'il leur fermera la porte du Royaume : « Je ne vous ai jamais connus » (Mt 7,23) ; les hommes qui ne seront pas sauvés au dernier jour, malgré une profession chrétienne, ne comptent donc pas pour Jésus de véritables croyants ayant eu communion réelle avec lui. Tous ces passages reflètent la conviction qu'un régénéré persévère, et qu'un non-persévérant n'a pas été régénéré.
Conclusion
Notre enquête a survolé la plupart des textes qu'on peut verser au dossiers. A sa lumière, nous estimons que la doctrine calviniste de la persévérance des saints a le soutien de l'Ecriture. Elle rend compte de façon plausible des textes du premier et du troisième groupes. Elle rend seule justice à ceux des deuxième et quatrième, à la fois aux énoncés rigoureux (comme l Jn 2,19) et au « climat spirituel » du Nouveau Testament auquel Berkouwer est fidèle quand il écrit « Parce que la vraie foi n'est pas une contribution humaine au salut, mais le fait d'être orienté vers la grâce de Dieu, parce que dans la foi on est saisi plutôt qu'on ne saisit [allusion à Ph 3,12]..., dans la lumière de la grâce de Dieu, la permanence possède un fondement »
Considérations supplémentaires
Un coup d'oeil sur les doctrines connexes et les corrélations dans l'organisme de la vérité révélée permet d'enrichir la démonstration sur la persévérance finale. La solidarité est moins étroite qu'on pourrait croire (puisque le débat oppose arminiens et calvinistes) avec la doctrine de l'élection. En effet, il est logiquement possible d'attribuer à Dieu la régénération (temporaire) d'autres que ses élus, l'élection restant inconditionnée ; c'est la conception augustinienne. Cependant, si on rejette l'universalisme, même hypothétique, comme nous avons cru devoir le faire, la persévérance ne se sépare plus de la régénération. Celle-ci se fonde sur la mort et la résurrection du Christ comme Chef (Chef du corps des futurs croyants ou élus). La régénération nous étant acquise par l'expiation, qui est définie, ne peut donc être opérée que chez les hommes inclus dans cette définition, les élus, auxquels Dieu donne aussi de persévérer. Il y a toujours conjonction, conformément à l’unité du plan de Dieu dans ses diverses dispositions.
Le débat intéresse la doctrine du Saint-Esprit. Non seulement quand l'Esprit est donné, il semble donné pour toujours (Jn 14,16) les péchés du croyant pourront le contrister(Ep 4,30), il n'est pas dit : l'« expulser », mais il constitue le « sceau » du Seigneur sur nous en vue de la délivrance finale (Ep 1 ,13 s, ; 4,30 ; cf 2 Co 1, 22 et Ap 7,1-8). Or le sceau symbolise le définitif, l'irréversible, l'irrévocable. En outre si c'est l'Esprit qui fait le prodige de tirer du cœur de pierre, transformé par lui en cœur de chair, la foi, si c'est lui qui opère le vouloir et le faire, selon Dieu (Ph 2.13), et s'il habite le croyant, faut-il redouter qu'il laisse la volonté de l'homme retomber dans la dure mort de la « pierre » ?
Ici se loge une considération assez générale. Les avertissements bibliques sur les dangers de la défection (le premier groupe de textes étudiés plus haut), tout solennels qu'ils demeurent, n'évoquent pas la grâce avec la force et l'ampleur des textes positifs. Ils parlent de la justice, de la foi, de la connaissance, qu'il ne faut pas abandonner sous peine de perdre l'héritage du Royaume. Mais ils ne disent pas que le cœur de chair redevient cœur de pierre, que le régénéré change à nouveau de nature (dé-régénère !), que la nouvelle création est annulée, que la résurrection avec le Christ est totalement gommée, que la vie « éternelle » est après un temps retirée. Tout cela serait bien impliqué dans une séparation réelle d'avec le Seigneur, mais les auteurs bibliques n'en parlent pas, tellement pareil renversement dans les faits leur serait impensable. Vue du côté de la foi, de la justice pratiquée par l'homme, la grâce peut paraître amissible (d'où les avertissements) ; mais vue de l'autre côté, il est glorieusement clair qu'elle ne l'est pas (c'est pourquoi les avertissements ne se placent pas de cet autre côté). L'écriture en dit juste assez pour que la Parole, appliquée par l'Esprit, suscite chez les élus le moyen de leur préservation, c'est-à-dire la persévérance de la foi.
Et enfin, l’assurance. Sauf étrange présomption, nous ne comprendrions pas qu'un croyant ait l'assurance d'être sauvé, si sa persévérance dépendait, en dernière instance, de lui. Or nous entendons dans le Nouveau Testament le chant triomphal de l'assurance du salut (relire tout Rm 8 !).
[fin de citation]
Sur le même sujet, je vous propose également ce lien qui reproduit le texte d'un très bon livre "Racheté pour l'éternité" : http://www.bibliquest.net/Auteurs_diver ... ernite.htm. Vous y trouverez également une analyse biblique détaillée et très simple d'accès.
Je vais donc l'étudier pour en tirer un certain nombre de leçons.
Analysons ce texte en le simplifiant.thomas a écrit : il n'est pas contradictoire de considérer que Dieu pose une condition (« si tu persévères ») et se charge, d'autre part, d'en provoquer la réalisation (« Il te donnera de persévérer »). En revanche, il est contradictoire d'attribuer à la grâce la préservation (comme le font les textes du deuxième groupe) et de considérer le facteur décisif en la matière, c'est-à-dire l'exercice du libre arbitre humain, comme indépendant de Dieu. Comment Dieu a-t-il « pouvoir » de garder si son pouvoir s'arrête, ainsi que le veut la doctrine arminienne, là où commence la liberté ? Pourquoi mettre en cause la fidélité de Dieu si tout dépend de la fidélité humaine (facteur autonome) ?
Thomas explique:
Il serait logique de penser que Dieu pose une condition pour agréer un humain et lui assurer le salut, et de penser en même temps qu'il crée l'impossibilité pour cet humain de ne pas atteindre cette condition.
Du genre, tu dois avoir la foi et je te la donne moi-même. Ou tu dois persévérer mais je t’empêcherais d'abandonner. Tu dois m'être fidèle mais de toute façon j'agis sur toi pour que tu le restes.
Et la raison première est expliquée ensuite Thomas. Elle est capitale.
Notre libre arbitre serait en fait dirigé par Dieu. Les appelés ne seraient plus capable de prendre une décision librement et en toute indépendance et de cette façon, Dieu les empêcheraient de ne pas remplir les conditions qu'il a posées pour les sauver.
Dieu se créerait lui-même des fidèles qui l'aimeraient et ils les maintiendraient dans la soumission en prenant le contrôle de leur libre arbitre.
Avouez qu'un fois que l'on comprend ça, cela fait peur !
Une doctrine biblique doit pouvoir être analyser et observée de toutes les manières pour comprendre ce qu'elle implique comme conséquences. En effet, vous changez un élément dans le message biblique et immanquablement, vous bouleversez l'ensemble.
Ici Thomas nous enseigne que Dieu agit sur le libre arbitre d'un humain pour le "forcer" ou "l'inciter" à agir d'une façon qui l'empêchera de commettre une action qui le disqualifierait définitivement.
Question : Thomas croit qu'Adam a péché et que ce péché a introduit la mort dans le monde.
Si Dieu est décidé à manipuler le libre arbitre des "nés de nouveau " pour les empêcher d'agir mal, pour quelle raison ne l'a t'il pas fait avec Adam pour rendre impossible le péché et éviter que nous mourrions tous ?
Si Dieu en avait la possibilité, c'est qu'il ne l'a pas voulu..
Mais pire, si Dieu contrôle le libre arbitre d'un humain, alors il voulait qu'Adam pèche et il voulait que l'humanité subisse la mort.
Etes vous vraiment prêts à valider une telle croyance ?