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(Note) § ler
I. Quoique la synagogue défende sévèrement de prononcer le tétragrammaton tel qu'il est écrit, les Juifs savent par une tradition constante que sa véritable prononciation est Yehova. De tout temps, s'ils s'abstenaient de le prendre sur les lèvres habituellement,
Leusden raconte qu'un jour il offrit de l'argent à un Juif très pauvre, à Amsterdam, s'il voulait seulement une fois prononcer avec attention le nom Jéhova. Le Juif refusa, assurant qu'il se rendrait coupable d'un péché. « Aliquando Amstelodami Judæo pauperrimo aliquot nummos obtuli, ut tanturn semel cum attentione pronuntiaret nomen Jehova ; sed non ausus fuit, dixitque sibi hoc non licere. » De Nom. Dei hebr., Dissert. XXVIII , n° 17.
ils le prononçaient cependant, et le prononcent encore quelquefois, par manière d'enseigner. C'est ainsi que les missionnaires jésuites ont su que les Juifs chinois le lisent, selon leur prononciation corrompue, Hotoï, quoiqu'ils s'abstiennent de le proférer autant que leurs coreligionnaires des autres pays. Rosenmueller réfute donc trèsbien la lecture iéhvé en disant : « Quod tamen non verisimile est, quum vestigia extent, multis jam sæculis ante puneta massoretica hwhy Iehova appellatum fuisse (Scholia in Exod., III, 15). »
Il est certain que les points-voyelles qui accompagnent le tétragrammaton sont les propres voyelles du nom ineffable ; et qu'ils ne sont point empruntés du nom Adonaï, comme le prétendent les Adonistes.
Nous apporterons à l'appui de cette proposition quelques preuves qui, nous l'espérons, convaincront pleinement le lecteur judicieux.
1re PREUVE. La tradition constante et ancienne des Juifs qui ont de tout temps déclaré que la véritable lecture de ce nom divin est Yehova ; et pour mieux indiquer cette lecture véritable, ils l'appellent wtbytkk, tel qu'il est écrit. Or, sa ponctuation écrite est précisément Yehova.
2e PREUVE. Toute l'antiquité, non-seulement hébraïque et chrétienne, mais aussi païenne, reconnaissait que le nom propre de Dieu, le tétragrammaton, renferme les trois temps du verbe par excellence, du verbe être : il fut, il est, il sera. Or, le nom ineffable ne renferme ces trois temps qu'autant que nous le lisons avec les voyelles qu'il a maintenant, voyelles qui seules servent à former ces temps. Rosenmüller, dans ses scolies sur l'Exode, III, dit également que le seul verset de l'Apocalypse, où saint Jean rend le tétragrammaton par l'étant, l'était, le futur, ce seul verset, dit-il, suffirait pour prouver que le nom divin doit se lire Yehova. Mais il tire aussi la même preuve des antiquités grecques et égyptiennes.
3e PREUVE. Cette preuve ressort d'un grand nombre de noms propres imposés à des individus hébreux dans les temps les plus anciens. Ces noms commencent ou finissent par une partie notable du tétragrammaton, partie remplacée quelquefois par un autre nom divin, surtout par celui El, l). Ces noms propres sont naturellement les guides les plus sûrs dans la recherche de la véritable ponctuation du tétragrammaton. « In eorum argumentis, » dit Gésénius, « qui hºfwh:y genuinas sibique proprias vocales habere censent, nullum est quod aliquam, ne dicam vim. ad persuadendum, sed veri atis lamen speciem habeat, proeter hoc, quod prior tetragrammati pars, quæ sæpe in nominibus propriis comparet, owh:y (yeho) effertur, ut }tnwhy, }nxwhy. »
Thesaurus linguæ hebr. et chald., art. p. 576, col. 2. Cet aveu, que l'évidence arrache à Gésénius comme malgré lui, est précieux ; car l'hébraïsant allemand et rationaliste, avait une répugnance prononcée pour toute tradition quelconque. C'est à ce titre qu'Adonaï lui souriait plus que Yehova, sans qu'il osât se prononcer.
Rosenmüller, dans ses scolies sur l'Exode, dit également : « Nequaquam leve est hoc argumentum. » Si ces deux grands hébraïsants, tout en appuyant de leur autorité notre troisième preuve, conservent encore le ton dubitatif, c'est qu'ils n'ont pas été élevés comme nous au milieu de la synagogue, qui ne veut pas même croire qu'on puisse douter que Yehova soit la véritable lecture du nom ineffable.
Certaines vérités universellement admises, lorsque pour la première fois on les entend mettre en doute, on reste bouche béante, et comme frappé de stupeur. C'est ce qui est arrivé un jour à deux rabbins fort versés dans les sciences hébraïques, mais ignorants sur tout le reste des connaissances humaines. Quand nous leur dîmes que des hommes très savants prétendent que la lecture du tétragrammaton est toute autre que Yehova, ils ouvrirent de grands yeux, en répétant à plusieurs reprises : Cela est-il possible ? Imaginez-vous un jeune pédant allemand qui a passé plusieurs années nocturnes à pâlir sur le poème du cygne de Mantoue, entendant tout à coup de la bouche d'un P. Hardouin que le poème auquel il a consacré tant de veilles est l'oeuvre d'un obscur bénédictin du XIIIe siècle, qui a voulu décrire allégoriquentent le voyage de saint Pierre à Rome. Notre jeune savant, plus cette proposition lui paraîtra paradoxale, plus il restera muet. Longtemps la stupéfaction, l'étonnement, la surprise, nous ne savons trop quoi, que lui causera une étrangeté aussi nouvelle, l’empêcheront de revenir à lui.
En effet, on sait qu'un grand nombre des noms imposés à leurs enfants par les Hébreux de l'Ancien Testament se composaient d'une partie de quelqu'un des noms de Dieu, ou du nom entier. On espérait que ces noms divins porteraient bonheur aux nouveau-nés. Or, très souvent ces noms, qui sont en usage encore parmi les Juifs d'aujourd'hui, commencent par why, qui comprend non-seulement les trois quarts du nom Jéhova, mais toutes les lettres dont se forme le tétragrammaton. Ce why a été constamment considéré comme représentant le nom Yehova entier, non seulement par les Juifs, mais aussi par les hommes des autres nations, les plus savants, les plus judicieux des premiers siècles du christianisme, qui possédaient la connaissance de l'hébreu, et ils l'expliquaient en ce sens, ainsi qu'on le voit fréquemment dans le livre De nominibus hebraïcis de saint Jérôme, dans le glossaire d'Hésychius, et dans d'autres livres anciens où l'on trouve l'explication de ces sortes de noms hébreux. C'est pour cette raison que l'on appelle ces noms, d'un terme grec, tétragrammatophores (portant, renfermant, le tétragrammaton). Puis donc que dans ces noms propres on a de tout temps prononcé le yeho de why, il est évident que les points dont nous voyons marqué le nom de quatre lettres, sont ses voyelles propres et naturelles.
Nous allons maintenant donner quelques exemples de ces noms, avec la traduction de la Vulgate et l'explication de saint Jérôme.
1. rz(why (Yehoézer). Vulg., Joezer ; saint Jér., DOMINI auxilium.
2. dbzwhy (Yehozabad). Vulg., Jozabad ; saint Jer., DOMINI dos.
3. }nxwhy (Yehohhanan). Vulg., Joannes ; saint Jér., DOMINI gratia.
4. }tnwhy (Yehonatan). Vulg., Jonathan ; saint Jér., DOMINI donum.
5. qdcwhy (Yehotzadak). Vulg., Josedec ; saint Jér., DOMINI justus.
Les lettres serviles ), w, k, l, etc., qui précèdent en préfixes ces noms propres, sont ponctuées de la voyelle i (hhirik), conformément à la règle grammaticale : Bihoseph, vSwhyb (Ps. LXXXI, 6). Vihoschua, (#whyw (Exod., XXIV, 13 ; Num., XIV, 30, 38). Vihonatan, }tnwhyw (Jud., XVIII, 30). Lîhoschua, (#whyl (Jos., I, 17).
Souvent why (yeho) se contractait en wy (yo):
1. rz(wy, Yoézer ; 2. dbzwy, Yozabad ; 3. }nxwy, Yohhanan ; 4. }tnwy, Yonatan ; 5. qdcwy, Yotzadak
Quelquefois le nom divin s'ajoutait à la fin du nom propre des hommes.
1. whyrz( (Azariahu). Vulg., Azarias ; saint Jér., Adjutor DOMINUS.
2. whydbz (Zebadiahu). Vulg., Zabadias ; saint Jér., Dos DOMINI.
3. whynnx (Hhananiahu). Vulg., Ananias ; saint Jér., Gratia DOMINI.
4. whyntn (Netaniabu). Vulg., Nathania ; saint Jér., Dante DOMINO.
5. whyQdc (Tzidkiahu). Vulg., Sedecias ; saint Jér., Justus DOMINI.
Cette terminaison why peut se contracter en hy ; comme,
1. hyrz( 2. hydbz 3. hynnx 4. hyntn 5. hyQdc