@Vic :
Je faisais encore remarquer à une amie aujourd'hui qui était très désireuse d'aider les autres, qu'elle ne serait d'aucune utilité pour autrui si elle ne commençait pas s'aider elle-même. On ne peut espérer alléger la souffrance des autres si l'on est incapable de comprendre et d'alléger la sienne propre.
Je me dis que de mettre en opposition altruisme et égoïsme, marquer d'une étiquette positive (c'est "bien") l'altruisme, et d'une étiquette négative (c'est "mal") l'égoïsme, considérer que ce sont 2 attitudes qui ne peuvent que s'exclure l'une l'autre, vient de la croyance en l'existence d'un "soi" indépendant.
Si l'on pense qu'il y a un "soi" indépendant, alors on se met à qualifier telle ou telle personne d'altruiste ou d'égoïste dans ses rapports à autrui. Tout acte tourné vers soi est perçu comme totalement égoïste et tout acte tourné vers les autres comme totalement altruiste.
Résultat, on encense les altruistes et on fustige les égoïstes dans un certain nombre de discours religieux moralisateurs.
Mais si l'on envisage le fait qu'il n'y a peut être pas de "soi" indépendant, alors si j'agis vraiment efficacement pour faire mon propre bonheur, si je me rend vraiment heureux durablement parce que je fais attention a ce que je pense, dis et fait, parce que j'ai pris la peine de chercher ce qui me rendait vraiment heureux et malheureux, de cultiver ce qui me rend heureux et de m'abstenir de ce qui me rend malheureux, alors mon bonheur ne pourra qu'affecter mon environnement, les gens autour de moi. Ne préfère t-on pas côtoyer quelqu'un de calme, souriant, confiant, joyeux, plutôt que quelqu'un d'anxieux, colérique ou irritable, méfiant et triste ?
Concernant la question de la culpabilité. Le symbole qui finit par être choisit pour les chrétiens et celui de Yeshua en croix, souffrant, image culpabilisante (les premiers symboles chrétiens étaient très différents et bien plus neutres). La liturgie (et je l'ai pratiquée des années durant) rappelle aussi que Yeshua a souffert et est mort pour tous les hommes. Ce qui n'arrange rien. Comme symbole dans l'Eglise catholique plutôt que le Christ victorieux "pantocrator" des byzantins puis orthodoxes on a le Christ en croix, souffrant, parfois le visage angoissé. Alors qu'après il est dit qu'il a passé son épreuve, vaincu la mort. Et que c'est la Bonne Nouvelle. Il y a aussi la pratique de la confession chez les chrétiens catholiques.
Mais il est aussi dit il me semble dans l'Ancien Testament que Yahwé/Dieu se repend (plusieurs fois), donc qu'il éprouve des regrets, une expression de culpabilité ?
J'ai trouvé ces 2 textes et ensuite ajouté un 3ème sur le point de vue bouddhique.
Religion et culpabilité
La journaliste Monique Hébrard aborde de front la difficile question des liens que l'on fait couramment entre culpabilité et religion catholique.
Un lourd héritage
Les liens entre religion catholique et culpabilité ne sont plus à démontrer. Tout le monde pense tout de suite au péché (la fameuse pomme), à certains discours officiels de l'Eglise qui donnent mauvaise conscience... C'est pourtant cet a priori bien tenace que Monique Hébrard conteste. "Impossible, écrit-elle, de faire porter le chapeau de la culpabilité à la Bible ! Car, poursuit-elle, la culpabilité est tout simplement humaine".
"La religion catholique culpabilise." L'accusation est fréquente : elle culpabilise celle qui prend la pilule, les divorcés remariés, les homosexuels... bref tous ceux qui ne vivent pas selon les prescriptions du Vatican. On croyait l'époque de la "névrose chrétienne" révolue ! Détrompons-nous. La culpabilité subsiste, tapie dans le tréfonds des subconscients. Et ceux qui n'ont pas mis les pieds à l'église depuis des lustres sont les premiers à être atteints par ce mal sournois.
Le christianisme en serait-il vraiment le responsable ?
Ou bien la culpabilité est-elle un produit de la psychologie humaine ? Il est vrai que la psychologie humaine est conditionnée depuis 2000 ans par le christianisme. Alors allez savoir qui est premier, de l’œuf ou de la poule ! Si on lit convenablement la Bible, il est cependant impossible de faire porter le chapeau de la culpabilité à l'Ancien Testament, encore moins au Nouveau Testament ! La Loi de l'Ancien Testament n'a pas été instituée pour culpabiliser les Hébreux ; elle s'inscrit dans ce chemin de croissance humaine qu'est la Bible !
Elle a pour fonction d'inviter l'être humain à progresser et à se libérer de ses esclavages antérieurs, à passer progressivement de l'état fusionnel, puis d'adolescent rebelle à celui d'adulte responsable pour qui la loi ne sera plus extérieure mais dans le cœur. Dans le Nouveau Testament, il est clair que Jésus s'adresse à des personnes censées avoir intégré cette intériorité. La culpabilité, Jésus ne connaît pas ! Il ne cesse de dire "lève-toi et marche". Enfin Jésus nous lave à jamais de l'obsession de ce "péché" que l'on ressasse indéfiniment, par son passage dans la mort et la Résurrection.
La culpabilité est tout simplement humaine
La culpabilité peut venir de blessures profondes, remontant à l'enfance, qui ont imprimé dans l'être une difficulté à s'aimer, à s'autoriser d'être heureux et même de vivre. Elle peut être aussi le refuge de personnes non matures qui ont besoin de faire porter le chapeau du jugement de leurs actes à un tiers, au lieu de l'assumer.
Mais au fait, pourquoi culpabilité rime surtout avec catholicité ? Sans doute des siècles d'assimilation de toute loi et de toute vérité à l'Église catholique n'y sont pas pour rien. Et il est encore vrai, hélas, que les paroles officielles de l'Église, rendues encore plus maladroites par les raccourcis médiatiques, continuent de donner du grain à moudre en la matière. Mais elle disparaît pour celui qui entend l'invitation du Christ à le suivre, non à cause d'une loi extérieure mais par choix personnel, dans l'élan du cœur.
Monique Hébrard - Article publié dans La Croix .
https://croire.la-croix.com/Definitions ... ulpabilite
La névrose chrétienne collective de culpabilité
5 juillet 2015
L’historien Jean Delumeau a consacré tout un développement de son célèbre ouvrage Le péché et la peur. La culpabilisation en Occident, à la « Névrose collective de culpabilité » qui a marqué le christianisme occidental. Il s’y réfère abondamment au grand ouvrage d’Antoine Vergote, Dette et désir
Dans ces pages saisissantes, extraites du chapitre IX de Le péché et la peur : La culpabilisation en Occident, 13e-18e siècles, Delumeau se réfère principalement au chef-d’œuvre d’Antoine Vergote qu’est Dette et désir, Deux axes chrétiens et la dérive pathologique, Seuil, 1978, déjà présenté et téléchargeable sur ce site. Voir les pages de ce livre auxquelles Delumeau se réfère.
Delumeau lui-même écrit au début de ce passage (p. 331) : « Cette fois encore se vérifie la convergence entre historiographie et psychiatrie sur laquelle j’avais déjà insisté dans le premier chapitre de La peur en Occident. »
Les premières lignes du texte (p. 331) :
Un Dieu terrible plus juge que père en dépit de la miséricorde dont on le crédite par raccroc ; une justice divine assimilée à une vengeance ; la conviction que, malgré la Rédemption, le nombre des élus restera petit, l’humanité entière ayant mérité l’enfer par le péché originel ; la certitude que chaque péché blesse et injurie Dieu ; le rejet de toute distraction et de toute concession à la nature parce qu’elles éloignent du salut : tous ces éléments d’une « théologie primitive du sang », pour reprendre l’expression de Bultmann, renvoient à une « névrose chrétienne » que les recherches de la psychiatrie contemporaine ne permettent plus de mettre en doute.
Quelques extraits :
Quand on relit les innombrables affirmations de jadis sur le petit nombre des élus et la dureté des « vengeances » divines, on est frappé par la coexistence dans les mêmes esprits de deux images de Dieu qui se contredisent, l’une soulignant sa justice et l’autre sa miséricorde, de sorte que deux sentiments paraissent se partager la conscience : une haine refoulée mais présente du Persécuteur et un amour hautement affirmé (p. 333)
Logiquement le Dieu créancier et jaloux devient sanguinaire lorsque les péchés de la terre dépassent la mesure et que les dettes s’accroissent envers lui. Alors ses « colères » sont terribles et le poussent à la « vengeance ». Que de textes en ce sens dans la littérature chrétienne sur les châtiments dès ici-bas des collectivités pécheresses et sur les supplices promis aux damnés ! Et combien d’affirmations catégoriques sur la mort du Fils, « satisfaction » substitutive pour les péchés ! (p. 335)
Peur panique de la souillure et conscience d’une dette insolvable, image d’un Dieu dévoreur, à la fois haï et aimé, qui ne concède aucun désir propre à ses sujets et se satisfait de leur martyre, autant de facteurs qui poussent à la fois au perfectionnisme et au narcissisme. Car le sentiment de culpabilité associe deux craintes : celle de perdre l’amour de l’autre et celle d’être indigne de soi. Quand un tel sentiment s’exaspère, le prix à payer pour l’amour de l’autre ne paraît jamais assez élevé. L’impossible identification au père idéalisé conduit à des automutilations qui désolidarisent le patient de sa destinée humaine. Il est pris du vertige et de la hantise de dépasser les limites de l’humain. (p. 335)
https://theo-psy.fr/la-nevrose-chretien ... lpabilite/
Culpabilité du point de vue bouddhiste
Du point de vue bouddhiste, la culpabilité est une attitude perturbatrice: elle ne voit pas la situation clairement et elle est une forme d’égocentrisme.
Se démolir soi-même émotionnellement ne change rien au passé et ne développe pas notre potentiel; cela ne peut que nous faire stagner et descendre en vrille dans l’obsession de soi.
Par contre, si nous faisons confiance à notre capacité de nous améliorer parce que nous savons que nous avons le potentiel de devenir pleinement illuminés, nous regretterons nos fautes et agirons positivement pour remédier aux effets nuisibles de nos actes.
https://www.comprendrebouddhisme.com/co ... ilite.html
"La seule chose que j'accepterais de tuer ce serait la colère".