[Parmi les gens du Livre, il y en a qui croient en Dieu, et à la révélation que vous a été dictée, ainsi qu’à la-leur ; et pleinement soumis à Dieu, ils ne tronquent jamais Ses enseignements contre un vil prix ; ceux-là trouveront leur récompense auprès de Leur Seigneur toujours prompt dans Ses comptes].
![trophy [1]](./images/smilies/trophy.gif)
Voir : https://www.youtube.com/watch?v=Llqf_NA16n8&t=321s
https://www.youtube.com/watch?v=iWbUkyDCSdA&t=1s
Nous avons vu dans le prologue les limites de la méthode historico-critique grâce à une analyse de Jonathan Brown, professeur associé à la chaire en histoire de la civilisation islamique à l’Université de Georgetown, qui démontre peut-être encore une fois que les anglo-saxons sont en avance sur nous, même dans ce domaine. Il explique notamment que : « … la critique occidentale de la tradition des hadiths peut être considérée comme un acte de domination dans lequel une vision du monde affirme son pouvoir sur une autre en dictant les termes selon lesquels la « connaissance » et la « vérité » sont établies.
Dans cette perspective, on pourrait se demander pourquoi la « lumière » que les érudits occidentaux ont mise sur les hadiths est nécessairement plus utile pour « faire progresser la compréhension humaine » que ce que la tradition du hadith a déjà offert. Comme l’ont montré des intellectuels comme Edward Saïd, la connaissance, c’est le pouvoir, et étudier un objet, c’est en établir le contrôle.
Ce n’est donc pas un hasard si quatre des cinq principaux axes de progression de l’étude occidentale du monde islamique se sont développés à partir d’intérêts coloniaux ou diplomatiques européens (l’étude française du droit et de la culture islamique en Afrique du Nord coloniale, des études néerlandaises similaires en Asie du Sud-Est, études britanniques sur l’islam en Inde et intérêt diplomatique européen pour l’Empire ottoman).
Vers la fin du XIXe siècle, les diplomates européens avaient défendu l’idée de promouvoir un islam « progressiste » parmi les populations colonisées. Les discussions occidentales sur la fiabilité de la tradition des hadiths s’inscrivent donc dans un contexte historique et ne sont pas neutres.
Cette question se développe par ailleurs dans le cadre d’un débat plus large sur la dynamique du pouvoir entre « religion » et « modernité » et entre « islam » et « occident ».
Au lieu d’aborder la question de l’authenticité d’un point de vue téléologique, en supposant que la vision « musulmane » de la tradition du hadith serait erronée et que les érudits occidentaux l’auraient réveillée de son sommeil millénaire en la guidant progressivement vers une approche plus précise, nous dirons que la tradition des hadiths est si vaste et nos tentatives pour évaluer son authenticité si inévitablement limitée à de petits échantillons, que toute attitude à son égard repose nécessairement davantage sur notre vision critique du monde que sur des faits empiriques.
La tradition musulmane des hadiths et l’étude académique occidentale des origines islamiques représentent des approches diamétralement opposées pour évaluer l’authenticité historique du hadith. Les deux approches sont critiques, en ce sens qu’elles se préoccupent de la fiabilité des sources historiques, mais les deux reposent sur deux séries d’hypothèses qui sont à l’origine des problèmes rencontrés. La tradition sunnite de la critique des hadiths est fondée sur un engagement, celui de filtrer l’authenticité des hadiths non fiables à partir de hadiths fiables sur la base de critères qui examinent à la fois les sources d’un rapport et son contenu.
En l’absence de preuves contradictoires ou d’objections fortes, les érudits et les juristes du hadith ont traité un propos attribué prima facie au Prophète comme quelque chose qu’il aurait vraiment déclaré. Le scepticisme envers les hadiths n’était pas le paramètre par défaut des critiques musulmans du hadith.
Selon Ibn Hanbal, même un hadith dont l’authenticité n’était pas établie constituait une meilleure source de droit que le fait de statuer par sa seule raison. Un examen critique d’un hadith n’était requis que lorsqu’un érudit avait une raison impérieuse de douter de son authenticité. L’approche des universitaires occidentaux a été strictement inverse. Selon le célèbre Lord Acton (mort en 1902), un historien moderne ne peut pas croire en la présomption d’innocence. Sa première réaction à une source historique doit être marquée par la suspicion. »[2]
Bien que biaisée, cette méthode d’investigation a été reprise par des musulmans progressistes qui l’ont adapté à la foi islamique dans l’objectif de rejeter toutes les narrations prophétiques qui ne les arrangent pas, fussent-elles rendues fiables par les deux plus grands spécialistes en la matière que sont les incontestables Bukhârî et Muslim. C’est un peu ce que nous fait Karim Hanifi, qui, de ses propres aveux, est rigoriste en matière de critique de hadîth. Sous couvert de débarrasser le corpus du hadîth des légendes et des superstitions, il élimine, dans la règle de l’art, des pans entiers du patrimoine. Bien que son idée de départ soit éventuellement louable, il procède à une véritable amnésie collective dont il veut nous faire les complices, et qui aura des conséquences irréversibles sur sa vision des annonces de la Bible de la venue de Mohammed. D’ailleurs, ces deux postulats sont si étroitement liés dans la thématique de Karim qu’il construit, peut-être même par un phénomène inconscient, l’un sur l’autre, de sorte qu’ils sont chez lui indissociables. Il l’avouera, nous le verrons bientôt.
Son château de carte tient sur la théorie que la Bible n’est pas falsifiée. Elle a certes, à ses yeux, eu des problèmes de conservation dus à des erreurs de scribe qui, malgré tout, restent mineures et, sauf cas rares, sont sans incidences dogmatiques. Il suffit donc de démonter cette théorie pour ébranler son château de carte, et par la-même, sa vision extrêmement exigüe, voire biblo-compatible, des annonces bibliques. C’est ce à quoi nous nous attelons dans le prochain paragraphe.
La falsification de la Bible entérinée par le Coran
Nous ne nous arrêterons pas ici sur les preuves historico-critiques de la falsification de la Bible. Néanmoins, sachons que Karim s’inscrit aux antipodes de chercheurs tels que Thomas Römer, voire dans une moindre mesure, du Professeur Bart Erhman[3] qui ont leur pendant au sein des musulmans (ce qui, soit dit en passant, démontre que ces musulmans ne sont pas moins objectifs que les chercheurs modernes). Et, comme souvent, la vérité se trouve au milieu, nous apprend en substance ibn Taïmiya qui va occuper une part grandissante de notre présente démonstration. Ce dernier rejoint l’avis minoritaire que la Bible est dans l’ensemble conservée, mais qu’elle n’échappe pas à la manipulation volontaire des copistes.[4] Cet avis marginal a servit de prétexte aux détracteurs du doyen damascène pour jeter le discrédit sur son érudition. C’est dire en quoi il est révolutionnaire ; et pourtant, malgré cela, il n’a pas contenté les faveurs de Karim. C’est d’ailleurs ce qui m’a mis la puce à l’oreille, mais ne précipitons pas les évènements, nous aurons largement le temps de revenir sur ce point, si Dieu nous prête vie !
Arrêtons-nous ici aux textes coraniques qui dévoilent les agissements des compilateurs du Nouveau et de l’Ancien Testament. Commençons dans l’ordre avec ce Verset ô combien éloquent : [Ô fils d’Israël ! Souvenez-vous des faveurs dont Je vous ai comblé, et tenez la promesse que vous M’avez nouées afin que vous jouissiez de la Mienne, et c’est bien Moi que vous devez craindre plus que tout ! Ajoutez foi à la Parole que J’ai révélée, et qui ne fait que corroborer les Écritures qui sont entre vous mains ; ne soyez pas les premiers à la renier, en la troquant contre un vil prix, car c’est bien Moi que vous devez redoutez plus que tout ! Ne mêlez pas le vrai et le faux, et ne dissimuler pas la vérité, alors que vous savez ce qu’il en est réellement ?][5] ;
Enchainons : [Gardez-vous encore l’espoir de les rallier à votre cause, malgré les crimes qu’ils ont perpétrés contre la Parole de Dieu que plusieurs d’entre eux ont altérée en toute âme et conscience, après l’avoir assimilée][6] ;
[Certains d’entre eux sont de piètres illettrés pour lesquels la connaissance du Livre se borne à sa lecture ou à de vulgaires conjectures • Malheur à ceux qui imputent à Dieu les Écritures qu’ils manipulent de leurs mains afin de les troquer contre un vil prix ! Que le malheur s’abatte sur eux, ceux-là même qui ont fabriqué des écrits de leurs mains coupables au prix d’un vilain salaire][7] ;
[Ceux à qui Nous avons accordé le Livre connaissent le Prophète aussi bien que leurs propres fils, sauf que plusieurs d’entre eux ont dissimilé la vérité en toute âme et conscience][8] ;
(Vous les adeptes des Écritures, qu’avez-vous à mêler le vrai et le faux, et à dissimuler la vérité, alors que vous savez ce qu’il en est réellement ?)[9] ;
(Parmi les adeptes des Écritures, il y en a à qui tu peux confier aisément un quintal d’or, car ils se feraient un devoir de te le rendre ; il en est d’autre, en revanche, qui ne te restitueraient pas même un dernier, à moins de les harceler sans relâche, car ils ne se sentent tenu par aucun devoir à l’égard des illettrés, en prêtant ainsi sciemment à Dieu leurs propres mensonges)[10] ;
(Il y en a parmi eux qui tordent les Écritures avec leur langue pour vous induire en erreur en faisant passer leurs affabulations pour la Parole de Dieu, alors qu’il n’en est rien. En toute âme et conscience, ils profèrent le mensonge sur le compte de Dieu)[11] ;
(Et souviens-toi de l’engagement que les adeptes des Écritures nouèrent avec Dieu, d’exposer aux hommes le Livre en toute clarté, sans rien dissimuler ; et au lieu de cela, l’ayant trahi et jeté derrière leur dos, ils troquèrent le Livre contre un vil prix pour recevoir le plus ignoble des salaires)[12] ;
[Parmi les hébreux, il y en a qui altèrent le sens des Écritures, et qui déforment les mots en s’adressant au Prophète à qui ils promettent : « Nous écoutons et nous refusons d’obéir ! Écoute, puisse-tu ne rien entendre ! » Ils lui laissent entendre de leur langue fourchue : « aie des égards pour nous », alors qu’ils lui profèrent une offense en se rendant ainsi coupables d’un blasphème ! Il aurait été plus juste, et même plus profitable pour eux qu’ils disent : « Nous écoutons et nous obéissons ! Écoute, et aie de l’attention pour nous ! » Sauf qu’ils furent frappés par la malédiction d’Allah à cause de leur impiété, et de leur foi tiède][13] ;
[Mais, dès lors qu’ils trahirent leur engagements, nous les maudîmes, et rendîmes leur cœur dur comme de la pierre, eux qui s’employaient à altérer le sens des Écritures, et qui oublièrent en partie la Loi qui leur fut dictée ; chaque jour te dévoile davantage leurs perfidies auxquelles ils n’ont toujours pas renoncé à l’exception d’une partie infime parmi eux ; mais, fais montre d’indulgence envers eux et ne leur tiens pas rigueur de leurs exactions, car Allah aime les bienfaiteurs • Nous prîmes également l’engagement de ceux qui se revendiquent chrétiens, mais dès lors qu’ils oublièrent en partie la Loi qui leur fut dictée, Nous attisâmes entre eux la haine et l’animosité qui se perpétueront jusqu’à la fin du monde][14] ;
[Toi, Prophète, ne sois pas affligé à cause de ces gens qui se précipitent dans la mécréance tant dans les rangs de ceux qui affichent du bout des lèvres leur adhésion à la foi, à l’inverse de leur cœur qui reste incrédule, que dans les rangs des hébreux qui, friands de mensonges, prêtent une oreille complaisante au discours de leurs coreligionnaires qui ne viennent jamais écouter le tiens ; ceux-là même qui s’emploient à altérer partiellement le sens des Écritures et qui prônent de piocher dans tes enseignements les arrangeant, et de se méfier du reste. Il ne t’appartient pas de sauver ces cœurs dans lesquels Allah a jeté le désarroi et qu’Il refuse de purifier. Ces gens-là sont voués à l’opprobre ici-bas, et un châtiment terrible les attend dans l’autre monde][15] ;
[Nous révélâmes la Thora de laquelle émanent droiture et lumière, et à partir de laquelle les prophètes dévoués à Dieu font régner la justice sur les juifs, au même titre que les rabbins et les docteurs de la Loi, ces dignes témoins et gardiens de leur héritage ; et c’est Moi, et non les hommes que vous devez craindre ; alors, ne troquez pas mes commandements contre un vil prix, car qui n’applique pas la Loi révélée par Dieu est un infidèle][16] ;
(Répond-leur : Qui donc a révélé le Livre à Moïse, duquel émane droiture et lumière pour les hommes, et que vous consignez sur des feuillets à destination du public tandis que vous en dissimulez une grande partie ? Et qui donc vous a enseigné ce que ni vous ni vos ancêtres n’aviez connaissance ? Réponds-leur : qui d’autre que Dieu ! Puis, laisse-les divaguer dans leurs vaines disputes)[17] ; [Quoi de plus injuste que de prêter de tels mensonges à Dieu dans le but d’égarer les hommes sans la moindre clairvoyance ? Allah n’allait pas guider les prévaricateurs].[18]
À suivre…
Par : Karim Zentici
http://mizab.over-blog.com/
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![bronze [3]](./images/smilies/bronze.gif)
http://mizab.over-blog.com/2017/03/dial ... e-5/1.html
[4] Voir : http://mizab.over-blog.com/2019/03/ibn- ... c-est-bien
[5] La vache ; 40-42
[6] La vache ; 75
[7] La vache ; 78-79. Nous avons traduit amânî par « lecture », en nous appuyant notamment sur un autre Verset qui reprend cette acception dans un autre domaine : [Il n’y a pas eu de prophète avant toi ni de messager envoyé par Nos soins sans que Satan n’insuffle, dans sa lecture, son venin] [Le pèlerinage ; 52]
« sa lecture » : c’est-à-dire en arabe tamannî comme ici : [Une partie d’entre eux sont de vulgaires illettrés qui ne connaissent du livre que la lecture, et qui se livrent à de viles conjectures] [La vache ; 78] ; [amânî (la lecture ou des conjectures ndt.)] : Ils sont plus portés par la lettre que par l’esprit des saintes Écritures. Le poète utilise tamannî dans ce sens-là pour faire les éloges de ‘Uthmân (t) à travers les vers :
Il a lu (tamannâ) le Coran au début de la nuit
Et juste avant l’aube, il rencontra le destin
Il s’agit de la nuit de son assassinat (t) qu’il consacra à la prière et à la lecture du Coran. Juste avant l’aube, les kharijites firent irruption chez lui (t) pour le tuer.
Le passage qui nous intéresse de ces vers, c’est l’expression tamannâ qui signifie dans ce contexte précis lire le Coran. Tammanî a donc le sens de « lecture ». Le Prophète lisait donc le Coran. [sans que Satan n’insuffle, dans sa lecture (umniya), son venin] : umniya, autrement dit dans sa lecture du Coran.
[8] La vache ; 146
[9] La famille d’Imrân ; 71
[10] La famille d‘Imrân ; 75
[11] La famille d’Imrân ; 78
[12] La famille d’Imrân ; 187
[13] Les femmes ; 46
[14] Le repas céleste ; 13-14
[15] Le Repas céleste ; 41
[16] Le Repas céleste ; 44
[17] Le bétail ; 91
[18] Le bétail ; 144 De nombreux Versets condamnent ceux qui forgent impunément un mensonge sur le Créateur Tout-Puissant, tels que : v. 32 s. 39, v. 60 s. 39, v. 21 s. 6, v. 37 s. 7, v. 17 s. 10, v. 68 s. 29.