La fin du mythe de l’héritage gréco-romain 1/3
Mes péchés, ô mon dieu, qui sont sept fois sept, absous-les.
Mes fautes pardonne-les, celui qui se soumet à toi, guide-le.
Voici quelques morceaux choisis du livre extraordinaire La cité d'Isis - Histoire vraie des Arabes du défunt Pierre Rossi qui vont littéralement changer votre vision du monde. En un mot, il démontre que l’Histoire a été racontée par les vainqueurs de la rivalité qui a opposé Rome et Constantinople. Cette mission a été dévoyée à l’Église d’Occident, qui représentait l’autorité intellectuelle de cette partie de l’Empire en déliquescence. Celle-ci s’est évertuée à effacer de façon systématique, toute trace de l’apport civilisationnel des vieux empires du Moyen-Orient, le berceau de la civilisation moderne, dont l’oligarchie romaine n’était qu’un satellite culturel. Il faut rendre à César ce qui appartient à César. À vouloir absolument attribuer les mérites de son essor à la Grèce antique est aussi ridicule que d’affilier l’apport civilisationnel de l’Amérique, non à la vieille Europe, mais aux Incas. Et pourtant, bien qu’elle s’est émancipé du joug de la chrétienté, encore aujourd’hui, la norme historique revient paradoxalement aux auteurs chrétiens de la fin de l’Antiquité ayant réinventé l’Histoire. L’une des plus grandes aberrations historique est d’affilier aux Romains la paternité du droit ; et pourtant, cette allégation saugrenue est soutenue sans ambages, par le très sérieux dissident Maître Damien Viguier, avocat d'Alain Soral. Il est donc paradoxal d’être antisystème et de reprendre ses credo à son compte !
L’auteur démontre également que les conquêtes musulmanes doivent leur fulgurance à la réalité anthropologique que les conquérants étaient en territoires acquis, et qu’ils ne faisaient que recouvrir leur espace naturel qui s’étendait du Nil à l’Euphrate. Je vous laisse avec l’ineffable Pierre Rossi :
Le dieu suprême reste El ou Al (on l’adore en tous lieux et particulièrement dans les pierres dressées ou bétyles : beït/el, maisons de El).
L’arbre généalogique de la Grèce est donc nourri d’un réseau incalculable de racines arabes.
Mais suivons-le de près sur l’itinéraire légendaire dont la mémoire des peuples a gardé religieusement le souvenir. Le navire Argo est fait de bois sacré, il navigue sous une protection sacrée, celle d’Athéna, qui veillera aussi sur Ulysse ; il part pour une mission sacrée ; il parle car Athéna lui a donné le don de prophétie. Avant son périple il se rend à Samothrace, lieu béni où se trouve le sanctuaire des très mystérieux Cabires. Qui sont ces Cabires ? Leur nom « Kabir » est purement arabe et signifie grand. Ce qui est une double preuve, la première que le vocabulaire arabe était parfaitement présent dans le grec, la seconde que de l’araméen de l’époque d’Homère à l’arabe d’aujourd’hui la différence est souvent peu sensible. Signalons en passant que « Kabir » se retrouve dans l’hébreu liturgique Kippur (même mot pour deux prononciations distinctes), l’expression yom kippur voulant dire le grand jour. Les littératures grecque et latine sont fort prudentes dans l’évocation de ces dieux. Ce sont des dieux babylo-palestiniens de la plus grande importance ; ils ont pour père Sadek, le palestinien dont le nom désigne en arabe « celui qui dit la vérité » ; commandant du haut du ciel les destinées, puissances planétaires et astrologiques, ils sont en outre les maîtres de la navigation.
Enée et les Etrusques ont introduit à Rome ces dieux tutélaires dont les emblèmes sont l’équerre et le cyprès. La vénération et la frayeur qu’ils répandent sont tels qu’on ne se réfère à eux qu’à demi mot, un doigt sur la bouche, sans oser les nommer ; on dit simplement « les grands dieux ». « Grand » n’étant que la traduction de l’arabe kabir. Tels sont les fils de Sadek, nom dans lequel on reconnaîtra sans peine un mot typiquement arabe qui se retrouve de nos jours sous les formes diverses de Sadok, Sadaka, etc. de l’Atlantique à l’Indus. Thucydide, de son côté, mentionne un roi de Thrace appelé Sadokos.
C’est dans la mer Egée, sous le signe de la Palestine, que s’est constitué en majeure partie le panthéon gréco-romain avec des dieux ou des héros venus de Libye, de Sicile, d’Egypte, d’Anatolie, de la péninsule arabique et de la Babylonie. Héritage dont la Grèce n’a cessé de se glorifier. Héritage qui est en fait celui de toutes les religions et de toutes les philosophies et esthétiques du monde dit occidental. Au chapitre xxvii du livre biblique dit d’Ezéchiel on peut apprécier l’hommage rendu à la Palestine dont le prestige enchante littéralement l’auteur ; nulle part ailleurs parmi les textes bibliques ne se manifeste un tel enthousiasme profane : « O Tyr, tu as dit : « je suis parfaite en beauté. Tes confins sont au cœur de la mer, ceux qui t’ont bâtie t’ont rendue parfaite en beauté. » Et de célébrer la richesse et le bonheur d’un pays qui entretient des relations fructueuses avec les îles de la mer Egée, la Grèce, la Thrace, la Syrie, le pays d’Israël, l’Arabie, l’Inde, la Chaldée, l'Assyrie (Haran, Heden et Assour), l’Ethiopie, etc. « Par les marchandises que tu distribues dans tes foires d’outre-mer, tu as rassasié plusieurs peuples, tu as enrichi les rois de la terre de ton commerce et de tes richesses amoncelées. » C’est dire assez ce que représentait la Palestine aux yeux de la Grèce, car l’auteur du livre d’Ezéchiel (en arabe Hizquil) est bien entendu un Grec, comme sont grecs tous les textes bibliques.
Un commentaire sérieux des textes, des fresques et de la statuaire des catacombes chrétiennes de Rome révélerait assurément une influence arabe considérable. On y trouve en effet la vigne de Dionysos le Yéménite, la colombe d’Ishtar, le poisson d’Oanès, la barque d’Isis, le soleil d’El ou d’Horus ; Marie est figurée sous les traits de Déméter dans son affliction ; Pan, la divinité gréco-palestinienne avec sa brebis sur l’épaule est le bon pasteur. Orphée est assimilé à Jésus. Tout aussi impressionnante est la liste des grands maîtres du christianisme qui sont de famille arabe : Tertullien le Carthaginois, de même que saint Cyprien et saint Augustin le Numide ; Origène, saint Athanase sont Egyptiens ; palestino-syriens saint Basile de Césarée, saint Ephrem, saint Jean Chrysostome ; libyen le célèbre Synésius de Cyrène. Et ce n’est là que quelques noms recueillis hâtivement en passant.
Dans son histoire des Goths, Cassiodore nous montre un Attila imbu des traditions arabo- grecques. Nous savons que le chant grégorien est né d’une rencontre du chant dorique de la tragédie grecque (déjà façonnée elle-même au goût anatolien) et des hymnes palestiniens dont le pape Grégoire le Grand avait ordonné la composition au vie siècle de notre ère dans le recueil de l’Antiphonaire, recueil destiné à inspirer la liturgie romaine. Il est exact que la forme définitive et récente du grégorien est le résultat d’une longue mise au point étudiée par les églises de France et notamment celles de Compiègne, Metz, Senlis ou de la vallée de la Loire. Mais les éléments qui ont été ainsi coordonnés et transposés viennent des antiques chorales arabes dont la Grèce s’était fait l’écho.
L’invention de la Mecque
Une question vient à l’esprit : les Grecs connaissaient- ils le sanctuaire de la Mekke ? La fondation de ce sanctuaire se perd dans la nuit des temps puisque, selon les traditions, la Kaaba c’est-à-dire la Maison Carrée aurait été apportée du ciel par les anges, avant même la naissance d’Adam ; après le déluge, elle aurait été reconstruite par Abraham aidé de son fils Ismaïl et de l’ange Gabriel qui leur offrit de la part de Dieu la fameuse pierre noire pour y être enchâssée. Il devait s’agir d’une de ces pierres d’adoration ou bétyles (beit — El, demeure de Dieu) telle la pierre noire de Pessinonte consacrée à Cybèle ou la pierre d’Emèse que nous retrouverons dans la Rome impériale. On y accrocha aussi les cornes du bélier immolé par Abraham à la place d’Isaac. Endommagé maintes fois par les inondations le temple fut finalement restauré par un capitaine de bateau grec qui, se trouvant être à la fois maçon et menuisier, utilisa le bois de son navire comme matériau de construction. C’est du moins ce qu’on retient des traditions abondantes se rattachant à cet édifice et au site sacré qu’il occupe dans le voisinage du mont Abou Quoubays où Adam serait enseveli. Les Grecs pouvaient d’autant moins ignorer le sanctuaire de la Mekke qu’il était la demeure des grands dieux babyloniens et égyptiens avant de devenir, à l’image des nombreux temples de l’époque, une sorte de panthéon où se trouvèrent des statues de Marie et de Jésus. Le mot Makai existe bien dans la langue grecque classique et paraît désigner selon Strabon une ville de la péninsule arabique. Nous n’en savons pas plus. Mais, répétons-le, l’étude archéologique de la péninsule ne fait que commencer et l’analyse des documents, orientée jusqu’à ce jour dans un sens strictement européen, est heureusement en voie de prendre une tournure moins partiale.
Que la pensée grecque n’ait été qu’une leçon tirée de l’Orient, qu’un microcosme et un reflet de l’Asie, la preuve en est administrée par le fait que l’Asie n’a rien emprunté à l’hellénisme, qu’elle lui a au contraire tout donné. Athènes a fécondé Rome mais ni Alexandre ni Babylone, ni la Mekke. Platon n’a rien apporté au monde arabe pas plus qu’Aristote. Les Grecs n’ont rien apporté au judaïsme, à l’Islam, au christianisme sinon un mode d’expression et de diffusion. L’Orient œuvrait à une tout autre échelle que la petite Hellade. Platon, Périclès, Alexandre en étaient parfaitement conscients et c’est nous, pas eux, qui avons fait de la Grèce l’exportatrice du savoir universel. Platon plus humblement se présentait comme un élève docile. Dans le Timée il met dans la bouche d’un prêtre égyptien s’adressant à Solon cette parole paternelle : « Vous autres, Grecs, vous n’êtes que des enfants. » Prenons donc la vraie mesure des choses et ne soyons pas plus royalistes que le roi. La vérité est peut-être simplement celle-ci : par les Grecs, qui furent les vulgarisateurs des secrets de l’Orient, nous sommes informés de l’enseignement qui en Egypte et en Asie était dispensé aux prêtres, aux étudiants et à la foule en général, tel qu’il se pratiquait encore à l’époque de Djalal Eddin Roumi ou dans nos universités du Moyen-âge. Avant tout Platon et ses semblables, arrangeurs et compilateurs, n’ont jamais composé que des « à la manière de ». Ils furent des commentateurs de génie tels saint Thomas d’Aquin ou Ghazali. Nous nous sommes malheureusement servis de leur gloire pour boucher les horizons de l’Orient dont ils n’étaient que les porte-parole respectueux.
L’œuvre poétique de Virgile est le meilleur résumé qu’on puisse donner de l’organisation divine et mythique des sociétés méditerranéennes et la preuve la plus convaincante du transfert en Occident des cultes de l’Orient. Son Enéide est le récit précis et circonstancié de ce transfert ; ses Géorgiques sont la célébration de la Terre mère inspirée de l’encyclopédie agricole du Carthaginois Magon dont l’œuvre écrite en araméen avait été successivement traduite en grec et en latin ; dans ses Bucoliques souille la tradition gréco-arabe d’Alexandrie et de Sicile. Ce caractère ésotérique et oriental de Virgile n’avait pas échappé aux lecteurs de notre Moyen Age, pas plus qu’à Victor Hugo dont l’évocation est claire : ...
Dans Virgile parfois Dieu tout près d’être un ange,
Le vers porte à sa cime une lueur étrange...
C’est qu’à son insu même, il est une de ces âmes
Que l’Orient lointain teignait de vagues flammes.
C’est qu’il est un des cœurs que déjà, sous les cieux,
Dorait le jour naissant du Christ mystérieux.
Le poète romantique pensait sans doute à la célèbre IV' Bucolique effectivement imprégnée d’une religiosité toute palestinienne, de même que le IVe Chant des Géorgiques.
Dans l’œuvre d’Eschyle, Victor Hugo a vu « une bible grecque », dans son Prométhée « des lueurs chrétiennes » ; écoutez plutôt Eschyle : « Que votre dieu ruine et secoue l’univers ; qu’il envoie ses oiseaux de neige et ses fracassants tonnerres souterrains, rien n’empêchera sa chute. Rien, non rien ne me forcera à révéler le nom de celui qui viendra un jour abattre sa domination. » Eschyle était originaire d’Eleusis et sans doute initié aux Mystères de Dionysos-Déméter. Il est vrai que la puissance religieuse qui se dégage du théâtre grec est, à bien des égards, plus chrétienne, plus convaincante que la plupart de nos textes profanes inspirés du christianisme européen ; il faut y voir la preuve que la foi ne s’acquiert point par un dogme et qu’il y avait certainement dans les mentalités palestinienne et grecque des hautes époques une disposition propre à accueillir le vrai christianisme puisqu’il émanait d’elles.
À suivre…
Par : Karim Zentici
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La fin du mythe de l’héritage gréco-romain
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Le dialogue interreligieux est une forme organisée de dialogue entre des religions ou spiritualités différentes. Ultérieurement, la religion a considéré l'autre comme n'étant pas la vérité révélée. C'est ainsi que les premiers contacts entre l'islam et le christianisme furent souvent difficiles, et donnèrent lieu à des guerres impitoyables comme les croisades.
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La fin du mythe de l’héritage gréco-romain
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Re: La fin du mythe de l’héritage gréco-romain
Ecrit le 20 août19, 04:22La fin du mythe de l’héritage gréco-romain 2/3
« Ne montre pas le ciel à celui qui ne le voit pas », dit le vieil adage.
Maintes fois revient dans le dialogue platonicien l’idée de la sphère chère à la fois à Pythagore et à Parménide ; une sphère qui contient la trinité : « Autour du Roi de l’univers gravitent tous les êtres ; il est, Lui, la fin de toute chose et la cause de toute beauté. Autour du « Second » se trouvent les secondes choses et autour du « Troisième » les troisièmes choses ». (Lettre II, paragraphe 312.) Nous voilà en pleine tradition égypto-babylonienne que nous suivons à la trace tout au long de l’histoire des religions orientales : trilogie, triade, trinité, triangle. Platon y revient souvent. Il partage l’âme en trois « étages » : le désir viscéral, le courage moral, l’intelligence idéale. De même il voit la réalité universelle répartie en trois : « Le premier des biens c’est Dieu ; le second c’est l’intelligence engendrée par lui ; le troisième c’est l’âme du monde, lien entre le Père et le Fils. » Retenons ces derniers mots ; ils pèseront lourd dans l’enseignement scolastique du christianisme. Plus de cinq cents ans après la mort de Platon, il sera fait référence à cette fameuse trinité reprise dans le Parménide sous la forme de « l’Un suprême, l’Un - multiple et l’Un et Multiple » ; Plotin en effet en tirera la conclusion (Ennéades V, i, 8. 490 a) que Platon croyait déjà, lui aussi, à la théorie chrétienne des trois natures : « La première relevant de l’ineffable, la seconde de l’Intelligence, la troisième de l’Âme. » La foi en une sainte Trinité n’était pas nouvelle à l’époque de Platon et il n’a point eu de mal à s’en expliquer la signification ésotérique, ne serait-ce que par les Mystères d’Eleusis. Il n’est pas non plus surprenant que le christianisme en ait hérité la clé. Et comme la Trinité est ignorée tant du Judaïsme que de l’Islam, on peut en penser que chacune de ces trois religions, tout en remontant à une source commune, est demeurée attachée à une tradition propre et distincte des courants voisins. Au lieu de suivre la voie naturelle de la pensée et d’expliquer Platon à partir des cosmogonies et des religions égypto-palestiniennes, on a généralement pris les choses à rebours et tenté de justifier par Platon le christianisme et ses origines. Il n’est pourtant que de se rappeler que tout temple égyptien est dédié à une triade de trois dieux : le premier est le principe mâle, le second est femelle, le troisième est le produit des deux premiers. Mais ces trois dieux n’en font qu’un. Le Père s’engendre en effet lui-même dans le sein de la Mère et devient à la fois le Père et le Fils. Aussi s’exprime la non-création et l’éternité de l’Etre.
Même le mal n’est en définitive qu’un élément du bien ; à nos yeux imparfaits il est certes détestable, mais pour Dieu qui voit tous les aspects à la fois de la réalité, le mal n’est que le nécessaire revers du bien, comme la nuit n’est rien d’autre qu’un jour qui ne se connaît pas encore. Aussi devons-nous apprendre à aimer la fatalité dans ce qu’elle peut avoir de plus sévère pour notre personne, parce que cette cruauté a sa place dans l’ordre naturel des choses. S’élever au-dessus de ses intérêts et de son confort personnels pour rendre grâce à la Providence en toutes ses décisions, tel est le devoir du stoïcien.
Les pères de l’astronomie
Nous n’avons aucune indication sûre permettant de dire que les Grecs et les Romains avaient des jours de repos réguliers, en dehors des fêtes. Les Assyro-babyloniens paraissent bien, quand à eux, avoir connu la semaine de sept jours dont un jour consacré au repos absolu. S’ils ont transmis à leurs voisins occidentaux le cadran solaire, la clepsydre et le gnomon, ils ont conservé le monopole de l’astrolabe et peut-être de la boussole. Il est certain que les Européens du Moyen Âge, héritiers directs de la science gréco-romaine, ont été fort surpris de découvrir chez les Arabes des instruments astronomiques et des appareils de navigation qui leur étaient totalement inconnus. Ils ont imaginé qu’ils avaient été inventés depuis peu par les Arabes sans songer que ces derniers en détenaient le secret depuis des temps fort reculés. Les Grecs en effet n’ont pu acquérir qu’une partie seulement de la science mathématique et céleste établie en Orient depuis des millénaires ; ils ne disposaient ni d’écoles ni de savants ni d’une puissance économique suffisante pour intégrer à leur société un ensemble scientifique disproportionné à leurs dimensions et à leur savoir. L’énormité du monde oriental les fascinait ; ils demeuraient en face de lui comme des écoliers devant le maître, et furent incapables de transmettre la totalité du legs oriental. Cela c’est les Arabes qui le firent. Les mathématiques dont les Grecs furent tellement férus, mais non experts, dérivent à la fois de l’astronomie, de l’arpentage, de la nécessité d’un système de poids et de mesure. Nous ne possédons de l’antiquité égypto-babylonienne aucun traité de géométrie ou d’arithmétique à l’exception de quelques papyrus exposant des notions scolaires. Mais les réalisations gigantesques que sont les Pyramides, les temples de Karnak ou de Ninive témoignent d’une maîtrise incomparable du calcul et de l’espace à trois dimensions ; en outre la volonté d’établir un rapport entre la ligne droite et la courbe, la figure fermée et le ciel ouvert, le temps astronomique et le tracé du temple, la durée et le provisoire, a introduit dans les mathématiques nilotiques la notion de fonction périodique voire de fonction transcendante impliquant une dynamique à plusieurs dimensions et non plus seulement une mécanique des solides. Dans son chapitre sur le sens des nombres Spengler, malgré sa vision non conformiste de l’Orient, s’en tient encore malheureusement à une analyse par trop esthétique et faisant aux Grecs la place trop belle. Il distingue arbitrairement entre l’algèbre arabe (née selon lui au ive siècle de notre ère), la trigonométrie hindoue et la mécanique antique, alors que, bien évidemment, les nombres complexes et logarithmiques qui entrent dans la conception non seulement des monuments mais encore des mythes chiffrés de l’arabisme égypto-mésopotamien, fort antérieurs au iv ' siècle de notre ère, nous conduisent à un jugement moins simpliste.
…nous commencerons à discerner, à travers les ténèbres de l’histoire et des poncifs d’un enseignement universitaire dévoyé, combien étendue était la lumière qui baignait le monde arabe avant même qu’Athènes ne fût née. On ne peut s’empêcher de trouver plaisant l’éloge adressé aux Arabes par nos orientalistes et les félicitant de nous avoir transmis la science et la technique des Grecs, après nous en avoir « traduit » les textes religieux ou philosophiques. Gageons qu’il faudra plus d’une génération pour venir à bout de ce doctoral contresens.
L’invention du droit
La politique aussi est une science et il est certain que par leurs codes de lois, celui d’Hammourabi et de Bocchoris, Egyptiens et Assyriens furent les instituteurs de la cité gréco-romaine et par conséquent de la nôtre. Les jurisconsultes romains ne firent que traduire et adapter les innombrables documents, actes et textes juridiques que leur avaient transmis l’Egypte et la Chaldée. L’Arabe est un juriste né et il pousse fort loin le sens de l’argumentation et du souci institutionnel. Que ce soit en droit constitutionnel ou pénal, privé ou international, l’influence du code égyptien, révélant une civilisation parvenue à son apogée et supposant une expérience préhistorique d’une stupéfiante continuité, a été prépondérante en Méditerranée. La notion même d’Etat structuré dans sa permanence, défini par une présence omnipotente, établi dans une souveraineté toute divine, maintenu par une loi dynastique ou successorale, bref dressé telle une entité absolue, par-dessus la tête des individus, cette notion d’Etat maître et tuteur est née au bord du Nil ; nous savons combien l’empire romain doit à l’Egypte, et au voyage qu’y fit Jules César ; il ne lui doit rien de moins que ses assises et sa stabilité ; la monarchie dite « de droit divin » lui a emprunté la rigueur de son paternalisme ; Alexandre s’inspira des modèles perse et égyptien pour transformer la démocratie grecque en une puissance impériale de type pharaonique. Car Alexandre ne fut rien d’autre qu’un pharaon grec, parce qu’il était imbu du juridisme étatique égyptien, autant que son maître Aristote.
Tel Justinien qui au vi' siècle de notre ère rassembla le corpus des coutumes et des textes juridiques de l’empire, le pharaon Bocchoris de la XXIVe dynastie remit à jour toutes les lois civiles, et c’est à partir de cette époque que la Grèce eut à sa disposition un ensemble cohérent où elle puisa ses institutions civiques et urbaines. Il est étonnant que nos manuels scolaires, s’obstinant à considérer la cité grecque comme une création ex nihilo jaillie miraculeusement du « génie hellène », ne fassent nulle part mention de ses origines juridiques pourtant évidentes.
Qu’une Hellade sans un sou vaillant, à peu près vide d’hommes, continue à être considérée, par la seule grâce de sa prétendue démocratie, comme la maîtresse de la civilisation et du destin méditerranéen, amène à se poser plus d’une question sur notre cartésianisme ou plus exactement sur la paralysie de notre bon sens.
Aristarque de Samos qui, bien avant Galilée démontrait que la terre tournait autour du soleil, ainsi que l’avaient déjà enseigné les astronomes chaldéens.
La littérature était extraordinairement riche, variée, touffue : Théocrite, Bion, Lycophron qui mêlait des mots arabes à son grec, Callimaque, pour ne citer que les plus connus, furent les maîtres de Virgile, d’Horace, de Catulle, de Properce, d’Ovide. Mais arrêtons là l’énumération. Callimaque, arrivé à Alexandrie à l’âge de vingt ans pour finir directeur de la Bibliothèque, était un Arabe de Libye, de Cyrène exactement ; par son père il descendait de l’ancienne famille des Batta et le nom de sa mère, Megatima ou plutôt Fatima, ne laisse aucun doute sur ses origines. Il est sans doute le représentant le plus qualifié de ce qu’on a appelé l’alexandrinisme dont l’influence sur Pétrarque ou Ronsard n’est plus à démontrer.
L’œuvre législative que constitue le Code Justinien, compilation immense divisée en douze livres, à l’imitation de la Loi des Douze Tables, ne faisait que sanctionner les coutumes établies en Orient depuis les temps les plus reculés. Le Corpus juris civilis servira de guide à tous les systèmes juridiques établis depuis ; inspirés des codes égyptien, babylonien, palestinien et de leur dérivé romain, il sera le support de la société des Califes et des grandes monarchies de l’Occident.
La résurrection des Lettres arabes sous le règne de Justinien est un chapitre important de l’histoire générale des civilisations. L’emploi de la langue grecque y est parallèle à celle de l’araméen qui a évolué en « syriaque » au niveau des lettrés, mais qui n’est autre que l’arabe dans sa force quotidienne et populaire. Tous les grands noms de la littérature justinienne sont palestiniens ou syriens.
À suivre…
Par : Karim Zentici
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« Ne montre pas le ciel à celui qui ne le voit pas », dit le vieil adage.
Maintes fois revient dans le dialogue platonicien l’idée de la sphère chère à la fois à Pythagore et à Parménide ; une sphère qui contient la trinité : « Autour du Roi de l’univers gravitent tous les êtres ; il est, Lui, la fin de toute chose et la cause de toute beauté. Autour du « Second » se trouvent les secondes choses et autour du « Troisième » les troisièmes choses ». (Lettre II, paragraphe 312.) Nous voilà en pleine tradition égypto-babylonienne que nous suivons à la trace tout au long de l’histoire des religions orientales : trilogie, triade, trinité, triangle. Platon y revient souvent. Il partage l’âme en trois « étages » : le désir viscéral, le courage moral, l’intelligence idéale. De même il voit la réalité universelle répartie en trois : « Le premier des biens c’est Dieu ; le second c’est l’intelligence engendrée par lui ; le troisième c’est l’âme du monde, lien entre le Père et le Fils. » Retenons ces derniers mots ; ils pèseront lourd dans l’enseignement scolastique du christianisme. Plus de cinq cents ans après la mort de Platon, il sera fait référence à cette fameuse trinité reprise dans le Parménide sous la forme de « l’Un suprême, l’Un - multiple et l’Un et Multiple » ; Plotin en effet en tirera la conclusion (Ennéades V, i, 8. 490 a) que Platon croyait déjà, lui aussi, à la théorie chrétienne des trois natures : « La première relevant de l’ineffable, la seconde de l’Intelligence, la troisième de l’Âme. » La foi en une sainte Trinité n’était pas nouvelle à l’époque de Platon et il n’a point eu de mal à s’en expliquer la signification ésotérique, ne serait-ce que par les Mystères d’Eleusis. Il n’est pas non plus surprenant que le christianisme en ait hérité la clé. Et comme la Trinité est ignorée tant du Judaïsme que de l’Islam, on peut en penser que chacune de ces trois religions, tout en remontant à une source commune, est demeurée attachée à une tradition propre et distincte des courants voisins. Au lieu de suivre la voie naturelle de la pensée et d’expliquer Platon à partir des cosmogonies et des religions égypto-palestiniennes, on a généralement pris les choses à rebours et tenté de justifier par Platon le christianisme et ses origines. Il n’est pourtant que de se rappeler que tout temple égyptien est dédié à une triade de trois dieux : le premier est le principe mâle, le second est femelle, le troisième est le produit des deux premiers. Mais ces trois dieux n’en font qu’un. Le Père s’engendre en effet lui-même dans le sein de la Mère et devient à la fois le Père et le Fils. Aussi s’exprime la non-création et l’éternité de l’Etre.
Même le mal n’est en définitive qu’un élément du bien ; à nos yeux imparfaits il est certes détestable, mais pour Dieu qui voit tous les aspects à la fois de la réalité, le mal n’est que le nécessaire revers du bien, comme la nuit n’est rien d’autre qu’un jour qui ne se connaît pas encore. Aussi devons-nous apprendre à aimer la fatalité dans ce qu’elle peut avoir de plus sévère pour notre personne, parce que cette cruauté a sa place dans l’ordre naturel des choses. S’élever au-dessus de ses intérêts et de son confort personnels pour rendre grâce à la Providence en toutes ses décisions, tel est le devoir du stoïcien.
Les pères de l’astronomie
Nous n’avons aucune indication sûre permettant de dire que les Grecs et les Romains avaient des jours de repos réguliers, en dehors des fêtes. Les Assyro-babyloniens paraissent bien, quand à eux, avoir connu la semaine de sept jours dont un jour consacré au repos absolu. S’ils ont transmis à leurs voisins occidentaux le cadran solaire, la clepsydre et le gnomon, ils ont conservé le monopole de l’astrolabe et peut-être de la boussole. Il est certain que les Européens du Moyen Âge, héritiers directs de la science gréco-romaine, ont été fort surpris de découvrir chez les Arabes des instruments astronomiques et des appareils de navigation qui leur étaient totalement inconnus. Ils ont imaginé qu’ils avaient été inventés depuis peu par les Arabes sans songer que ces derniers en détenaient le secret depuis des temps fort reculés. Les Grecs en effet n’ont pu acquérir qu’une partie seulement de la science mathématique et céleste établie en Orient depuis des millénaires ; ils ne disposaient ni d’écoles ni de savants ni d’une puissance économique suffisante pour intégrer à leur société un ensemble scientifique disproportionné à leurs dimensions et à leur savoir. L’énormité du monde oriental les fascinait ; ils demeuraient en face de lui comme des écoliers devant le maître, et furent incapables de transmettre la totalité du legs oriental. Cela c’est les Arabes qui le firent. Les mathématiques dont les Grecs furent tellement férus, mais non experts, dérivent à la fois de l’astronomie, de l’arpentage, de la nécessité d’un système de poids et de mesure. Nous ne possédons de l’antiquité égypto-babylonienne aucun traité de géométrie ou d’arithmétique à l’exception de quelques papyrus exposant des notions scolaires. Mais les réalisations gigantesques que sont les Pyramides, les temples de Karnak ou de Ninive témoignent d’une maîtrise incomparable du calcul et de l’espace à trois dimensions ; en outre la volonté d’établir un rapport entre la ligne droite et la courbe, la figure fermée et le ciel ouvert, le temps astronomique et le tracé du temple, la durée et le provisoire, a introduit dans les mathématiques nilotiques la notion de fonction périodique voire de fonction transcendante impliquant une dynamique à plusieurs dimensions et non plus seulement une mécanique des solides. Dans son chapitre sur le sens des nombres Spengler, malgré sa vision non conformiste de l’Orient, s’en tient encore malheureusement à une analyse par trop esthétique et faisant aux Grecs la place trop belle. Il distingue arbitrairement entre l’algèbre arabe (née selon lui au ive siècle de notre ère), la trigonométrie hindoue et la mécanique antique, alors que, bien évidemment, les nombres complexes et logarithmiques qui entrent dans la conception non seulement des monuments mais encore des mythes chiffrés de l’arabisme égypto-mésopotamien, fort antérieurs au iv ' siècle de notre ère, nous conduisent à un jugement moins simpliste.
…nous commencerons à discerner, à travers les ténèbres de l’histoire et des poncifs d’un enseignement universitaire dévoyé, combien étendue était la lumière qui baignait le monde arabe avant même qu’Athènes ne fût née. On ne peut s’empêcher de trouver plaisant l’éloge adressé aux Arabes par nos orientalistes et les félicitant de nous avoir transmis la science et la technique des Grecs, après nous en avoir « traduit » les textes religieux ou philosophiques. Gageons qu’il faudra plus d’une génération pour venir à bout de ce doctoral contresens.
L’invention du droit
La politique aussi est une science et il est certain que par leurs codes de lois, celui d’Hammourabi et de Bocchoris, Egyptiens et Assyriens furent les instituteurs de la cité gréco-romaine et par conséquent de la nôtre. Les jurisconsultes romains ne firent que traduire et adapter les innombrables documents, actes et textes juridiques que leur avaient transmis l’Egypte et la Chaldée. L’Arabe est un juriste né et il pousse fort loin le sens de l’argumentation et du souci institutionnel. Que ce soit en droit constitutionnel ou pénal, privé ou international, l’influence du code égyptien, révélant une civilisation parvenue à son apogée et supposant une expérience préhistorique d’une stupéfiante continuité, a été prépondérante en Méditerranée. La notion même d’Etat structuré dans sa permanence, défini par une présence omnipotente, établi dans une souveraineté toute divine, maintenu par une loi dynastique ou successorale, bref dressé telle une entité absolue, par-dessus la tête des individus, cette notion d’Etat maître et tuteur est née au bord du Nil ; nous savons combien l’empire romain doit à l’Egypte, et au voyage qu’y fit Jules César ; il ne lui doit rien de moins que ses assises et sa stabilité ; la monarchie dite « de droit divin » lui a emprunté la rigueur de son paternalisme ; Alexandre s’inspira des modèles perse et égyptien pour transformer la démocratie grecque en une puissance impériale de type pharaonique. Car Alexandre ne fut rien d’autre qu’un pharaon grec, parce qu’il était imbu du juridisme étatique égyptien, autant que son maître Aristote.
Tel Justinien qui au vi' siècle de notre ère rassembla le corpus des coutumes et des textes juridiques de l’empire, le pharaon Bocchoris de la XXIVe dynastie remit à jour toutes les lois civiles, et c’est à partir de cette époque que la Grèce eut à sa disposition un ensemble cohérent où elle puisa ses institutions civiques et urbaines. Il est étonnant que nos manuels scolaires, s’obstinant à considérer la cité grecque comme une création ex nihilo jaillie miraculeusement du « génie hellène », ne fassent nulle part mention de ses origines juridiques pourtant évidentes.
Qu’une Hellade sans un sou vaillant, à peu près vide d’hommes, continue à être considérée, par la seule grâce de sa prétendue démocratie, comme la maîtresse de la civilisation et du destin méditerranéen, amène à se poser plus d’une question sur notre cartésianisme ou plus exactement sur la paralysie de notre bon sens.
Aristarque de Samos qui, bien avant Galilée démontrait que la terre tournait autour du soleil, ainsi que l’avaient déjà enseigné les astronomes chaldéens.
La littérature était extraordinairement riche, variée, touffue : Théocrite, Bion, Lycophron qui mêlait des mots arabes à son grec, Callimaque, pour ne citer que les plus connus, furent les maîtres de Virgile, d’Horace, de Catulle, de Properce, d’Ovide. Mais arrêtons là l’énumération. Callimaque, arrivé à Alexandrie à l’âge de vingt ans pour finir directeur de la Bibliothèque, était un Arabe de Libye, de Cyrène exactement ; par son père il descendait de l’ancienne famille des Batta et le nom de sa mère, Megatima ou plutôt Fatima, ne laisse aucun doute sur ses origines. Il est sans doute le représentant le plus qualifié de ce qu’on a appelé l’alexandrinisme dont l’influence sur Pétrarque ou Ronsard n’est plus à démontrer.
L’œuvre législative que constitue le Code Justinien, compilation immense divisée en douze livres, à l’imitation de la Loi des Douze Tables, ne faisait que sanctionner les coutumes établies en Orient depuis les temps les plus reculés. Le Corpus juris civilis servira de guide à tous les systèmes juridiques établis depuis ; inspirés des codes égyptien, babylonien, palestinien et de leur dérivé romain, il sera le support de la société des Califes et des grandes monarchies de l’Occident.
La résurrection des Lettres arabes sous le règne de Justinien est un chapitre important de l’histoire générale des civilisations. L’emploi de la langue grecque y est parallèle à celle de l’araméen qui a évolué en « syriaque » au niveau des lettrés, mais qui n’est autre que l’arabe dans sa force quotidienne et populaire. Tous les grands noms de la littérature justinienne sont palestiniens ou syriens.
À suivre…
Par : Karim Zentici
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Re: La fin du mythe de l’héritage gréco-romain
Ecrit le 21 août19, 04:30La fin du mythe de l’héritage gréco-romain 3/3
Le Prophète illettré
On a voulu faire de Mohammed le disciple des Juifs ou des Nestoriens. C’est ignorer combien Juifs et Nestoriens eux-mêmes, enveloppés dans les courants infiniment complexes de la religiosité orientale, n’étaient que des éléments parmi d’autres.
Dans l’attitude du Prophète il y avait certainement la volonté de mettre un terme aux débats byzantins où s’étaient épuisés Arius et Athanase, Nestorius et Cyrille, Théodora et saint Sabas. Homme de son temps, homme de sa société, Mohammed traita des problèmes de sa société et de son temps. Homme d’action et de décision, il voulut apporter à la crise religieuse une solution radicale par un enseignement qui s’adressait à tous les habitants de l’Empire troublés par les incertitudes théologiques. S’adressant à tout le monde, Mohammed fut écouté de tout le monde et surtout des évêques et ecclésiastiques qui avaient pris part aux différents conciles. Beaucoup virent en lui une sorte de Chrétien. S’inspirant d’une conception exotique de l’univers arabe doublée d’une impardonnable ignorance de l’histoire, les commentateurs traditionnels se sont malheureusement employés à faire de Mohammed un songeur et de sa prédication une théosophie pour campagnards. Interprétation fantaisiste que dénoncent les faits.
C’est dans les salons, dans les églises, dans les milieux intellectuels et avertis, dans les ministères et les services impériaux tout autant que dans les campagnes que la voix de Mohammed eut d’emblée un vaste retentissement. La fine fleur des grands esprits s’y rallia avec enthousiasme, car elle portait un appel d’une haute valeur métaphysique. La preuve en est qu’en un clin d’œil toutes les cités de l’Orient s’y convertirent comme à une doctrine familière qui embrassait en une synthèse simple les dogmes fondamentaux de la culture orientale. Comment admettre que l’Islam ait pu militairement conquérir avec une poignée de cavaliers un espace s’étendant de l’Indus à la Garonne ? Est-il sérieux, est-il sensé d’admettre que des capitales puissantes qui avaient fait trembler les Goths et les Huns, les Perses et les Scythes, se soient agenouillées aux premiers hennissements d’un cheval du Hedjaz ? On ne fera croire cela à personne. La vérité demande réparation.
Forçant leur imagination jusqu’au comble du fantastique, nos professeurs d'histoire nous montrent d’énormes escadrons de cavaliers d’Allah sillonnant les terres, de l’Indus à la Garonne, passant des chaînes de montagnes, des déserts ou des amoncellements de forteresses en un prodigieux tour de passe-passe. Or, si Carthage se rend en 698, si en l’espace de 7 ans toute l’Espagne puissante et riche des Wisigoths, tombe dans l’allégeance califale, si en 720 la Gaule narbonnaise devient « arabe », si en 711 le Sind et le Pendjab sollicitent la protection omeyyade c’est bien parce que tous ces gens accourent vers la nouvelle source de manne et de confort qu’est redevenu l’empire nilo-mésopotamien reconstitué sous la bannière du Dieu unique, c’est-à- dire de l’Islam et du Christianisme « hérétique ».
Si au VIIe et au VIIIe siècles l’Empire des Califes s’étend des Pyrénées aux Indes, absorbant plus ou moins l’Aquitaine, l’Espagne, la Sicile, l’Italie méridionale et les Balkans, ce n’est point parce que les « Arabes », ont à ce qu’on dit conquis ces régions manu militari. C’est parce que ces terres étaient traditionnellement dans la zone économique et culturelle des anciens empires araméens. Les Araméens, que nous avons par la suite appelés Arabes, s’y sentaient chez eux, que ces territoires fussent gouvernés par les Pharaons, les Ptolémées, Darius, Byzance ou les Califes. Les populations qui y vivaient n’ont vu au cours des siècles se modifier ni leur langue ni leur civilisation. Arabes elles étaient, arabes elles sont restées. Sans faille ni divorce.
Les diverses occupations étrangères n’ont guère mordu sur l’essentiel. Par saint Augustin nous savons que la langue araméenne était à son époque de pratique courante en Afrique du nord ; elle l’était aussi en Espagne et si la langue de la péninsule ibérique est encore si riche de termes arabes, elle ne le doit pas à quelques cavaliers fantômes de Tariq ben Ziyad ; ces cavaliers, quand ils mirent pied à terre, trouvèrent de l’autre côté des colonnes d’Hercule des gens qui parlaient à peu près comme eux, tout comme les Maures, les Numides, les Carthaginois, les Libyens. Saint Augustin, qui s’exprimait lui-même en araméen, sa langue natale, nous apprend qu’interrogés sur eux-mêmes les paysans de son diocèse d’Hippone (aujourd’hui Bône ou Annaba) se déclaraient originaires de Palestine, de race cananéenne : « interrogati rustici nostri quid sint punice respondent chanani ». Il n’y a donc jamais eu ni conquête ni domination arabe ; la vérité est que sous le nom d’Arabes, les peuples de la Méditerranée orientale et méridionale ont recouvré au grand jour une souveraineté politique exercée à partir d’Alexandre et jusqu’au v ii° siècle par des dynasties étrangères à leur sol. Les manuscrits du haut Moyen-âge ne désignent-ils pas sous le nom d’Arabes ou de Sarrazins les populations méditerranéennes non germaniques et de religion autre que celle de Rome ? La chanson de Roland nous décrit à Roncevaux un combat contre les Sarrazins. Or ces Sarrazins étaient des Basques... Très curieusement les Chrétiens d’Afrique et d’Espagne, pour se différencier des Catholiques romains s’appelaient entre eux « Punici christiani », c’est-à-dire « Chrétiens de Palestine ». Il y avait donc à l’époque de Charlemagne, et même après lui, des « Chrétiens arabes » et des « Chrétiens romains ». Voilà qui éclaire vivement des obscurités de l’histoire et remet en cause jusqu’aux fondements de notre enseignement scolaire.
La civilisation par les Langues
Le prophète Mohammed et les Califes ont donc rendu l'Orient à lui-même, rendu l’Orient à la Divinité Unique d’une façon si probante que toutes les religions et les métaphysiques orientales s’y reconnaissent et s’y confondent. Ils ont également restauré la langue araméenne puisque le Coran a porté à la perfection sonore, sémantique et syntaxique l’antique parler du peuple nilo-mésopotamien. La langue arabe est en effet la première langue organisée de l’humanité méditerranéenne, précédant celle d’Homère et lui donnant ses lois. Depuis l’appel du Prophète qui l’a réveillée à une vie moderne, elle est remontée du fond des âges dont elle a ramené les résonances monumentales pour s’imposer à des centaines de millions d’hommes. C’est par elle que nous autres Européens nous pourrons procéder à une nouvelle lecture de nos Ecritures et de notre histoire. Nous y verrons singulièrement plus clair. La connaissance de la langue arabe nous aidera non seulement à dépasser le petit horizon d’Athènes et de Rome pour retrouver les grands espaces de l’Orient toujours vivant, mais encore à participer pleinement à l’avenir de la nouvelle société qui se dégage de nos nébuleuses. Nous en avons la certitude. De même qu’il parait nécessaire que le monde arabe, pour retrouver le fil d’Ariane qui le relie à l’Occident, s’adresse à la culture grecque, car elle est l’intermédiaire unique entre le Levant et le Couchant. Le jour où les universités arabes remettront en honneur l’étude du Grec et où l’Europe découvrira le trésor de la culture arabe, les deux arcs de la voûte se rejoindront en une réconciliation méditerranéenne qui ne sera pas seulement d’ordre architectural.
Cette réconciliation rétablirait la continuité de la civilisation rompue au milieu du VIIIe siècle par le divorce survenu entre Rome et l’Orient. S’estimant les seuls héritiers des Césars mais sans égards pour le vrai caractère de ces derniers qui s’étaient montrés plus orientaux qu’européens, les évêques de Rome, au nom de l’apôtre Pierre, avaient voulu soumettre l’Orient à leur obédience. Ils venaient d’essuyer un grave échec puisqu’ils étaient parvenus, par leur intransigeance, à rassembler en une seule force nationale le Christianisme oriental, l’Islam et le Judaïsme, trois religions arabes par la langue et par la tradition. Ils ne se tinrent pas pour battus et entreprirent un long combat de reconquête par toutes les voies de la doctrine, de la politique, de la guerre. Ayant besoin pour cela de s’appuyer sur une puissance temporelle, ils choisirent la famille germanique des Carolingiens. Date capitale dans l’histoire de l’Europe et signe de mauvais augure, en 754 Pépin le Bref et le pape Etienne II s’entendent pour fonder un Etat pontifical sous la protection de la dynastie carolingienne ; les cités byzantines d’Italie passent sous une souveraineté romano-germanique ; celles qui demeurent dans la mouvance de Constantinople sont désormais considérées comme ennemies. Par cet acte de séparation l’église latine, bien qu’il lui fût impossible de renier ses origines araméennes, n’en remettait pas moins son sort entre les mains des peuples germaniques.
Désormais les langues arabe et grecque furent écartées au profit du latin. Les clercs catholiques se donnèrent pour mission de magnifier le rôle de l’empire romain, reléguant en marge de l’histoire la Palestine, Babylone, l’Egypte, l’Asie entière, rétrécissant notre vision au seul territoire européen. C’est ainsi que s’esquisse le Saint Empire romain germanique, bizarre assemblage de termes contradictoires qui à eux seuls constituaient déjà une provocation. L’alliance doctrinale entre les princes d’Europe et le pontificat de Rome devait s’assortir rapidement d’une alliance économique, politique et militaire dont les conséquences sont présentes à notre esprit : mise à l’index de tout ce qui est arabe (Juifs, hérétiques divers, Cathares, Espagnols, Provençaux, Siciliens appelés Sarrazins pour les besoins de la cause), Croisades, sac de Byzance, expéditions coloniales, envoi de missionnaires catéchistes, tentatives d’opposer les Chrétiens d’Orient entre eux ou de les unir contre l’Islam, efforts pour amener certaines communautés juives à pactiser avec une Rome germanisée contre l’Orient araméen, sans voir ce qu’il y a de paradoxal dans une telle manœuvre. Cette énumération suffirait à expliquer le genre de relations qui depuis 1 200 ans dresse le monde oriental contre une Europe qui a voulu délibérément se détacher de lui en l’an 754. Vue sous cet angle, la nature exacte de l’expédition sioniste en Orient se décèle aisément ; elle n’est rien d’autre qu’une Croisade de plus ; elle répond aux mêmes impératifs stratégiques et dominateurs que les desseins de Godefroy de Bouillon ou des inspirateurs de la IV' Croisade qui vit le pillage de l’Etat chrétien de Byzance par d’autres chrétiens...
La réforme constantine
Le iv' siècle sous le principat de Constantin, puis de Constance, Julien et Théodose le Grand fut employé à tenter de maintenir un semblant d’unité à l’empire partagé géographiquement en quatre préfectures, à garantir les frontières et surtout peut-être à fonder enfin une religion d’Etat à opposer à l’église sassanide. Il était fort malaisé en des pays où les dogmes et les églises étaient infiniment nombreux, variés, mariés les uns aux autres, nuancés à l’infini, d’imposer un culte unique. Constantin s’y employa ; sa mère l’impératrice Hélène était chrétienne et avait entrepris une enquête à travers la Palestine, pour retrouver les traces matérielles de la vie du Christ. Constantin n’était point un disciple ardent du Christ ; catéchumène toute sa vie il reçut le baptême in articulo mortis ; tout compte fait la « suprema divinitas » du paganisme philosophique ne lui paraissait guère éloignée de la doctrine chrétienne. Mais estimant que le christianisme pouvait être la religion de synthèse propice à ses desseins, il commença par proclamer, dans l’Edit de Milan en 313, la liberté du culte chrétien, sans pour autant mettre les autres à l’index ; il n’en fit pas moins discrètement fermer des temples « païens ». Restait à savoir quel christianisme serait pratiqué. Le prêtre alexandrin Arius insistait sur le caractère humain du Christ, affirmant qu'il était non pas dieu, mais une créature de Dieu et que par conséquent appeler Marie « theotokos » (mère de Dieu) relevait de l’imposture. Un autre alexandrin, Athanase, enseignait au contraire l’absolue divinité du Christ, point de vue tout mystique et hors des catégories rationnelles. Or, il se trouvait que, par bien des arguments, la doctrine d’Arius rejoignait les théories de Manès et de l’église sassanide, église ennemie. Il importait donc qu’Arius fût condamné. A cet effet Constantin présida en personne, en 325, le Concile de Nicée en Bithynie et y prononça le discours inaugural. Arius fut sommé de se rétracter, tandis que les pères conciliaires adoptaient l’acte de foi rédigé par Athanase, sanctifié depuis, et qui est celui-ci : « Nous croyons en un seul seigneur, Jésus-Christ, fils de Dieu, fils unique du Père. Dieu né de Dieu, Lumière issue de Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré et non créé, consubstantiel au Père. »
Outre l’acte de foi, le Concile édicte vingt canons ou règles de discipline : le 6e canon reconnaît à l’évêque d’Alexandrie, en territoire égyptien, les mêmes pouvoirs et privilèges qu’à l’évêque de Rome sur l’Italie ; fait notable, le 7e canon refuse d’accorder à l’évêque d’Aelia (nom officiel de Jérusalem ) une préséance autre qu’honorifique, alors les évêques d’Antioche et de quelques autres provinces jouissent « d’anciens droits » dont la nature n’est pas précisée. Enorme événement que ce Concile. Pour la première fois à l’ouest de l’Euphrate l’Etat tentait d’imposer au peuple une religion, contrevenant ainsi gravement à la tradition méditerranéenne dont l'œcuménisme et le cosmopolitisme avaient été les caractéristiques plusieurs fois millénaires.
Il est vrai que Constantin ne faisait que riposter à l’attitude des autorités sassanides, premières coupables en cette affaire. Mais la notion même de concile était révolutionnaire et insolite ; l’idée que des prêtres, des hommes de Dieu, puissent se rassembler pour condamner d’autres prêtres ou un autre dieu, parut intolérable à la plupart des habitants de l’Orient arabe qui n’y virent qu’un artifice des gouvernements. Nous qui sommes habitués aux conflits idéologiques et religieux, nous avons du mal à imaginer la consternation dont fut frappé l’Orient à l’annonce des décisions de Nicée interprétées comme une double déclaration de guerre, aux Sassanides d’abord, à la tradition arabe ensuite.
De cette année 325 date une histoire nouvelle faite de troubles religieux profonds qui ne sont que les réactions nationales et populaires aux initiatives d’un pouvoir impérial tenu désormais pour étranger. Pendant que de nombreux disciples d’Arius prennent le chemin de Ctésiphon, où on leur fait le meilleur accueil, la cité d ’Antioche ne se plie qu’avec réticence aux injonctions du Concile de Nicée. Le danger est grand que l’Asie mineure devienne un satellite des Sassanides. Pour obvier au mouvement sécessionniste, l’empereur Théodose le Grand réunit, en 381, le Concile de Constantinople et tint à rendre à l’Egypte un hommage remarqué ; non seulement il fit condamner une seconde fois l’arianisme mais encore, se rendant à l’argumentation des théologiens alexandrins, le concile proclama que l’Esprit procédait du Père et du Fils. La doctrine trinitaire était née. Le prestige d’Alexandrie s’accrut au point que son patriarche fut regardé comme l’héritier des pharaons et digne d’un siège pontifical qui eût bénéficié en Orient d’une autorité égale à celle du pape, évêque de Rome.
https://drive.google.com/file/d/0ByKzK- ... RaSEE/view
Par : Karim Zentici
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Le Prophète illettré
On a voulu faire de Mohammed le disciple des Juifs ou des Nestoriens. C’est ignorer combien Juifs et Nestoriens eux-mêmes, enveloppés dans les courants infiniment complexes de la religiosité orientale, n’étaient que des éléments parmi d’autres.
Dans l’attitude du Prophète il y avait certainement la volonté de mettre un terme aux débats byzantins où s’étaient épuisés Arius et Athanase, Nestorius et Cyrille, Théodora et saint Sabas. Homme de son temps, homme de sa société, Mohammed traita des problèmes de sa société et de son temps. Homme d’action et de décision, il voulut apporter à la crise religieuse une solution radicale par un enseignement qui s’adressait à tous les habitants de l’Empire troublés par les incertitudes théologiques. S’adressant à tout le monde, Mohammed fut écouté de tout le monde et surtout des évêques et ecclésiastiques qui avaient pris part aux différents conciles. Beaucoup virent en lui une sorte de Chrétien. S’inspirant d’une conception exotique de l’univers arabe doublée d’une impardonnable ignorance de l’histoire, les commentateurs traditionnels se sont malheureusement employés à faire de Mohammed un songeur et de sa prédication une théosophie pour campagnards. Interprétation fantaisiste que dénoncent les faits.
C’est dans les salons, dans les églises, dans les milieux intellectuels et avertis, dans les ministères et les services impériaux tout autant que dans les campagnes que la voix de Mohammed eut d’emblée un vaste retentissement. La fine fleur des grands esprits s’y rallia avec enthousiasme, car elle portait un appel d’une haute valeur métaphysique. La preuve en est qu’en un clin d’œil toutes les cités de l’Orient s’y convertirent comme à une doctrine familière qui embrassait en une synthèse simple les dogmes fondamentaux de la culture orientale. Comment admettre que l’Islam ait pu militairement conquérir avec une poignée de cavaliers un espace s’étendant de l’Indus à la Garonne ? Est-il sérieux, est-il sensé d’admettre que des capitales puissantes qui avaient fait trembler les Goths et les Huns, les Perses et les Scythes, se soient agenouillées aux premiers hennissements d’un cheval du Hedjaz ? On ne fera croire cela à personne. La vérité demande réparation.
Forçant leur imagination jusqu’au comble du fantastique, nos professeurs d'histoire nous montrent d’énormes escadrons de cavaliers d’Allah sillonnant les terres, de l’Indus à la Garonne, passant des chaînes de montagnes, des déserts ou des amoncellements de forteresses en un prodigieux tour de passe-passe. Or, si Carthage se rend en 698, si en l’espace de 7 ans toute l’Espagne puissante et riche des Wisigoths, tombe dans l’allégeance califale, si en 720 la Gaule narbonnaise devient « arabe », si en 711 le Sind et le Pendjab sollicitent la protection omeyyade c’est bien parce que tous ces gens accourent vers la nouvelle source de manne et de confort qu’est redevenu l’empire nilo-mésopotamien reconstitué sous la bannière du Dieu unique, c’est-à- dire de l’Islam et du Christianisme « hérétique ».
Si au VIIe et au VIIIe siècles l’Empire des Califes s’étend des Pyrénées aux Indes, absorbant plus ou moins l’Aquitaine, l’Espagne, la Sicile, l’Italie méridionale et les Balkans, ce n’est point parce que les « Arabes », ont à ce qu’on dit conquis ces régions manu militari. C’est parce que ces terres étaient traditionnellement dans la zone économique et culturelle des anciens empires araméens. Les Araméens, que nous avons par la suite appelés Arabes, s’y sentaient chez eux, que ces territoires fussent gouvernés par les Pharaons, les Ptolémées, Darius, Byzance ou les Califes. Les populations qui y vivaient n’ont vu au cours des siècles se modifier ni leur langue ni leur civilisation. Arabes elles étaient, arabes elles sont restées. Sans faille ni divorce.
Les diverses occupations étrangères n’ont guère mordu sur l’essentiel. Par saint Augustin nous savons que la langue araméenne était à son époque de pratique courante en Afrique du nord ; elle l’était aussi en Espagne et si la langue de la péninsule ibérique est encore si riche de termes arabes, elle ne le doit pas à quelques cavaliers fantômes de Tariq ben Ziyad ; ces cavaliers, quand ils mirent pied à terre, trouvèrent de l’autre côté des colonnes d’Hercule des gens qui parlaient à peu près comme eux, tout comme les Maures, les Numides, les Carthaginois, les Libyens. Saint Augustin, qui s’exprimait lui-même en araméen, sa langue natale, nous apprend qu’interrogés sur eux-mêmes les paysans de son diocèse d’Hippone (aujourd’hui Bône ou Annaba) se déclaraient originaires de Palestine, de race cananéenne : « interrogati rustici nostri quid sint punice respondent chanani ». Il n’y a donc jamais eu ni conquête ni domination arabe ; la vérité est que sous le nom d’Arabes, les peuples de la Méditerranée orientale et méridionale ont recouvré au grand jour une souveraineté politique exercée à partir d’Alexandre et jusqu’au v ii° siècle par des dynasties étrangères à leur sol. Les manuscrits du haut Moyen-âge ne désignent-ils pas sous le nom d’Arabes ou de Sarrazins les populations méditerranéennes non germaniques et de religion autre que celle de Rome ? La chanson de Roland nous décrit à Roncevaux un combat contre les Sarrazins. Or ces Sarrazins étaient des Basques... Très curieusement les Chrétiens d’Afrique et d’Espagne, pour se différencier des Catholiques romains s’appelaient entre eux « Punici christiani », c’est-à-dire « Chrétiens de Palestine ». Il y avait donc à l’époque de Charlemagne, et même après lui, des « Chrétiens arabes » et des « Chrétiens romains ». Voilà qui éclaire vivement des obscurités de l’histoire et remet en cause jusqu’aux fondements de notre enseignement scolaire.
La civilisation par les Langues
Le prophète Mohammed et les Califes ont donc rendu l'Orient à lui-même, rendu l’Orient à la Divinité Unique d’une façon si probante que toutes les religions et les métaphysiques orientales s’y reconnaissent et s’y confondent. Ils ont également restauré la langue araméenne puisque le Coran a porté à la perfection sonore, sémantique et syntaxique l’antique parler du peuple nilo-mésopotamien. La langue arabe est en effet la première langue organisée de l’humanité méditerranéenne, précédant celle d’Homère et lui donnant ses lois. Depuis l’appel du Prophète qui l’a réveillée à une vie moderne, elle est remontée du fond des âges dont elle a ramené les résonances monumentales pour s’imposer à des centaines de millions d’hommes. C’est par elle que nous autres Européens nous pourrons procéder à une nouvelle lecture de nos Ecritures et de notre histoire. Nous y verrons singulièrement plus clair. La connaissance de la langue arabe nous aidera non seulement à dépasser le petit horizon d’Athènes et de Rome pour retrouver les grands espaces de l’Orient toujours vivant, mais encore à participer pleinement à l’avenir de la nouvelle société qui se dégage de nos nébuleuses. Nous en avons la certitude. De même qu’il parait nécessaire que le monde arabe, pour retrouver le fil d’Ariane qui le relie à l’Occident, s’adresse à la culture grecque, car elle est l’intermédiaire unique entre le Levant et le Couchant. Le jour où les universités arabes remettront en honneur l’étude du Grec et où l’Europe découvrira le trésor de la culture arabe, les deux arcs de la voûte se rejoindront en une réconciliation méditerranéenne qui ne sera pas seulement d’ordre architectural.
Cette réconciliation rétablirait la continuité de la civilisation rompue au milieu du VIIIe siècle par le divorce survenu entre Rome et l’Orient. S’estimant les seuls héritiers des Césars mais sans égards pour le vrai caractère de ces derniers qui s’étaient montrés plus orientaux qu’européens, les évêques de Rome, au nom de l’apôtre Pierre, avaient voulu soumettre l’Orient à leur obédience. Ils venaient d’essuyer un grave échec puisqu’ils étaient parvenus, par leur intransigeance, à rassembler en une seule force nationale le Christianisme oriental, l’Islam et le Judaïsme, trois religions arabes par la langue et par la tradition. Ils ne se tinrent pas pour battus et entreprirent un long combat de reconquête par toutes les voies de la doctrine, de la politique, de la guerre. Ayant besoin pour cela de s’appuyer sur une puissance temporelle, ils choisirent la famille germanique des Carolingiens. Date capitale dans l’histoire de l’Europe et signe de mauvais augure, en 754 Pépin le Bref et le pape Etienne II s’entendent pour fonder un Etat pontifical sous la protection de la dynastie carolingienne ; les cités byzantines d’Italie passent sous une souveraineté romano-germanique ; celles qui demeurent dans la mouvance de Constantinople sont désormais considérées comme ennemies. Par cet acte de séparation l’église latine, bien qu’il lui fût impossible de renier ses origines araméennes, n’en remettait pas moins son sort entre les mains des peuples germaniques.
Désormais les langues arabe et grecque furent écartées au profit du latin. Les clercs catholiques se donnèrent pour mission de magnifier le rôle de l’empire romain, reléguant en marge de l’histoire la Palestine, Babylone, l’Egypte, l’Asie entière, rétrécissant notre vision au seul territoire européen. C’est ainsi que s’esquisse le Saint Empire romain germanique, bizarre assemblage de termes contradictoires qui à eux seuls constituaient déjà une provocation. L’alliance doctrinale entre les princes d’Europe et le pontificat de Rome devait s’assortir rapidement d’une alliance économique, politique et militaire dont les conséquences sont présentes à notre esprit : mise à l’index de tout ce qui est arabe (Juifs, hérétiques divers, Cathares, Espagnols, Provençaux, Siciliens appelés Sarrazins pour les besoins de la cause), Croisades, sac de Byzance, expéditions coloniales, envoi de missionnaires catéchistes, tentatives d’opposer les Chrétiens d’Orient entre eux ou de les unir contre l’Islam, efforts pour amener certaines communautés juives à pactiser avec une Rome germanisée contre l’Orient araméen, sans voir ce qu’il y a de paradoxal dans une telle manœuvre. Cette énumération suffirait à expliquer le genre de relations qui depuis 1 200 ans dresse le monde oriental contre une Europe qui a voulu délibérément se détacher de lui en l’an 754. Vue sous cet angle, la nature exacte de l’expédition sioniste en Orient se décèle aisément ; elle n’est rien d’autre qu’une Croisade de plus ; elle répond aux mêmes impératifs stratégiques et dominateurs que les desseins de Godefroy de Bouillon ou des inspirateurs de la IV' Croisade qui vit le pillage de l’Etat chrétien de Byzance par d’autres chrétiens...
La réforme constantine
Le iv' siècle sous le principat de Constantin, puis de Constance, Julien et Théodose le Grand fut employé à tenter de maintenir un semblant d’unité à l’empire partagé géographiquement en quatre préfectures, à garantir les frontières et surtout peut-être à fonder enfin une religion d’Etat à opposer à l’église sassanide. Il était fort malaisé en des pays où les dogmes et les églises étaient infiniment nombreux, variés, mariés les uns aux autres, nuancés à l’infini, d’imposer un culte unique. Constantin s’y employa ; sa mère l’impératrice Hélène était chrétienne et avait entrepris une enquête à travers la Palestine, pour retrouver les traces matérielles de la vie du Christ. Constantin n’était point un disciple ardent du Christ ; catéchumène toute sa vie il reçut le baptême in articulo mortis ; tout compte fait la « suprema divinitas » du paganisme philosophique ne lui paraissait guère éloignée de la doctrine chrétienne. Mais estimant que le christianisme pouvait être la religion de synthèse propice à ses desseins, il commença par proclamer, dans l’Edit de Milan en 313, la liberté du culte chrétien, sans pour autant mettre les autres à l’index ; il n’en fit pas moins discrètement fermer des temples « païens ». Restait à savoir quel christianisme serait pratiqué. Le prêtre alexandrin Arius insistait sur le caractère humain du Christ, affirmant qu'il était non pas dieu, mais une créature de Dieu et que par conséquent appeler Marie « theotokos » (mère de Dieu) relevait de l’imposture. Un autre alexandrin, Athanase, enseignait au contraire l’absolue divinité du Christ, point de vue tout mystique et hors des catégories rationnelles. Or, il se trouvait que, par bien des arguments, la doctrine d’Arius rejoignait les théories de Manès et de l’église sassanide, église ennemie. Il importait donc qu’Arius fût condamné. A cet effet Constantin présida en personne, en 325, le Concile de Nicée en Bithynie et y prononça le discours inaugural. Arius fut sommé de se rétracter, tandis que les pères conciliaires adoptaient l’acte de foi rédigé par Athanase, sanctifié depuis, et qui est celui-ci : « Nous croyons en un seul seigneur, Jésus-Christ, fils de Dieu, fils unique du Père. Dieu né de Dieu, Lumière issue de Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré et non créé, consubstantiel au Père. »
Outre l’acte de foi, le Concile édicte vingt canons ou règles de discipline : le 6e canon reconnaît à l’évêque d’Alexandrie, en territoire égyptien, les mêmes pouvoirs et privilèges qu’à l’évêque de Rome sur l’Italie ; fait notable, le 7e canon refuse d’accorder à l’évêque d’Aelia (nom officiel de Jérusalem ) une préséance autre qu’honorifique, alors les évêques d’Antioche et de quelques autres provinces jouissent « d’anciens droits » dont la nature n’est pas précisée. Enorme événement que ce Concile. Pour la première fois à l’ouest de l’Euphrate l’Etat tentait d’imposer au peuple une religion, contrevenant ainsi gravement à la tradition méditerranéenne dont l'œcuménisme et le cosmopolitisme avaient été les caractéristiques plusieurs fois millénaires.
Il est vrai que Constantin ne faisait que riposter à l’attitude des autorités sassanides, premières coupables en cette affaire. Mais la notion même de concile était révolutionnaire et insolite ; l’idée que des prêtres, des hommes de Dieu, puissent se rassembler pour condamner d’autres prêtres ou un autre dieu, parut intolérable à la plupart des habitants de l’Orient arabe qui n’y virent qu’un artifice des gouvernements. Nous qui sommes habitués aux conflits idéologiques et religieux, nous avons du mal à imaginer la consternation dont fut frappé l’Orient à l’annonce des décisions de Nicée interprétées comme une double déclaration de guerre, aux Sassanides d’abord, à la tradition arabe ensuite.
De cette année 325 date une histoire nouvelle faite de troubles religieux profonds qui ne sont que les réactions nationales et populaires aux initiatives d’un pouvoir impérial tenu désormais pour étranger. Pendant que de nombreux disciples d’Arius prennent le chemin de Ctésiphon, où on leur fait le meilleur accueil, la cité d ’Antioche ne se plie qu’avec réticence aux injonctions du Concile de Nicée. Le danger est grand que l’Asie mineure devienne un satellite des Sassanides. Pour obvier au mouvement sécessionniste, l’empereur Théodose le Grand réunit, en 381, le Concile de Constantinople et tint à rendre à l’Egypte un hommage remarqué ; non seulement il fit condamner une seconde fois l’arianisme mais encore, se rendant à l’argumentation des théologiens alexandrins, le concile proclama que l’Esprit procédait du Père et du Fils. La doctrine trinitaire était née. Le prestige d’Alexandrie s’accrut au point que son patriarche fut regardé comme l’héritier des pharaons et digne d’un siège pontifical qui eût bénéficié en Orient d’une autorité égale à celle du pape, évêque de Rome.
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Par : Karim Zentici
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Re: La fin du mythe de l’héritage gréco-romain
Ecrit le 21 août19, 04:52Et penser par toi même et débattre tu sais faire ?
Pour la fin des pavés copié collé que personne ne li.
Pour la fin des pavés copié collé que personne ne li.
Je vous propose mes compositions musicales sur Jamendo Music https://www.jamendo.com/artist/551714/l ... ign/albums (libre écoute, sans insrciption).
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Re: La fin du mythe de l’héritage gréco-romain
Ecrit le 21 août19, 06:24Ils ne sont pas écrit pour personne, mais pour celui qui les lit !
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