Pour "appâter le client" voici un des dernier message posté. Ca donnera peut être envie d'y réagir ou de venir nous rendre visite pour en lire d'autres. Mon co-modérateur est un monsieur qui vit en Algérie, juste pour situer un peu le contexte de son point de vue.
"Tatonga, pourquoi certains peuples sont libres et pas d’autres ?
-Y a pas à dire, tu adores les questions simples, c’est ton dada.
-Mais bien sûr qu’elle est simple, ma question, même la réponse est facile : les libertés, la démocratie, la justice, les droits, ne se donnent pas, ça se conquiert.
-Oui, elle est facile… dans tes livres. Ça se conquiert comment, Tictoc ?
-Les peuples se soulèvent, se battent pour démettre le tyran, arracher leurs libertés, leurs droits. Les peuples ont une élite politique. Les idées avant-gardistes, progressistes, modernistes, sont portées par leurs élites, des penseurs, des philosophes, des intellectuels, qui éveillent leur conscience et les guident dans leur combat pour la conquête de leurs libertés.
-Comme c’est joli, Tictoc ! Décidément, tu es très fort. Et pendant ce temps-là, il fait quoi le tyran, Tictoc, une haie d’honneur pour t’accueillir ?
-Ce qu’il fait, je ne sais pas moi, il va résister bien sûr, mais que peut-il faire face au peuple ?
-Tictoc, tu es un rêveur et tu mets la charrue devant les bœufs. Tu vois un peuple tout prêt à te suivre, or avec un peuple tout prêt, tout est facile, je peux même te dire qu’il n’y a pas de tyran du tout. Le problème n’est pas le tyran, Tictoc, bien qu’il soit défendu par des milliers d’hommes en armes. Le tyran, ça ne sert à rien de le faire partir, si les mentalités n’ont pas changé, et ça, ça ne se fait pas d’un claquement de doigts. A défaut, c’est le peuple lui-même qui réclamerait un autre tyran.
-Le peuple, il faut le préparer ?
-Hé oui, Tictoc, le retourner, et le tyran n’est pas con pour te laisser faire. Le peuple, c’est lui qui le prépare, le moule dans son moule. Il déploie toute la puissance de ses journaux, de son école, de son édition, de ses prêtres, de ses télés, de ses idéologues, de ses thuriféraires, pour faire de ce peuple son adorateur, l’endormir, l’abrutir. Il se forge pour lui-même une image de héros, devient une idole adorée par des foules fanatisées. Toi, il te diabolise et te persécute, et en supposant qu’il ne te mette pas sous terre ou au cachot, tu peux toujours crier le mot liberté. Sans porte-voix, ta voix n’irait pas plus loin que ton oreille, et si jamais elle dépassait ta salle de bains, c’est le peuple lui-même, endoctriné à mort, qui te vouerait aux gémonies, t’excommunierait, te tiendrait pour traitre.
-Moi, je ne peux donc pas parler ?
-Si, Tictoc, je crois que tu peux, mais le mieux est que je t’envoie en Corée du nord essayer.
-Je savais que tu étais fataliste et défaitiste, Tatonga. Avec des gens comme toi…
-Tictoc, ici ce n’est pas un camp d’entrainement pour révolutionnaires et je n’y suis pas instructeur, je te dis ce que l’histoire des nations et la vie des peuples enseignent, du moins ce que j’en sais. Fais toi-même un tour d’horizon, Tictoc, rien que depuis le 20° siècle à ce jour, en Asie, aux Amériques, en Europe, en Afrique… Ces chapes de plomb ne sont pas faciles à soulever, et un peuple est rarement homogène. Il est toujours traversé par des clivages sur lesquels joue le tyran, sans compter les antagonismes endémiques qui n’attendent qu’un petit frémissement pour s’affronter. Et c’est alors le b... qui risque de s’installer, si le peuple n’a pas appris à les dépasser.
-D’après toi, y a pas de solution.
-Si, Tictoc, le temps, l’histoire apporte toujours une solution, qui sert de point de départ pour une nouvelle ère, et il faut te préparer à la saisir. Tu ne peux pas savoir ce que ça peut être, une guerre, une crise, une famine, des rapports de force qui rompent, la cour du tyran qui implose, une innovation technologique… Et le résultat n’est jamais garanti, un retour en arrière est toujours possible.
-Ou un vote.
-Fiche le camp d’ici, Tictoc, je ne savais pas que je parlais à un con. Un vote ! Où as-tu vu un tyran destitué par un vote ou s’en aller à la suite d’un scrutin ?
-Le temps, j’ai compris, Tatonga, il faut attendre le temps, donner le temps au temps, tu me fais rire, Tatonga. En attendant, tu as parlé de tout sauf répondre à ma question, qui était pourquoi certains peuples étaient libres et d’autres pas.
-Parce qu’ils n’ont pas vécu de la même manière, n'ont pas connu les mêmes évènements, n’ont pas été confrontés aux mêmes difficultés, n’ont pas subi les mêmes influences… n’ont pas la même histoire. Oui, tu peux forcer le temps par un coup de force, si tu disposes d’une telle force. Pas avec ton coupe-ongles. Et là, c’est tout à fait autre chose et il y a d’autres choses à dire."