Je reviens sur la parabole de l'homme riche et de Lazare.
Tout le monde est d'accord pour affirmer qu'il s'agit d'une métaphore mais, par contre, certains y voient une validation des croyances des juifs de cette époque là et plus précisément des pharisiens.
Voyons le texte et son contexte :
- Les pharisiens, qui aimaient l’argent, écoutaient toutes ces choses et se moquaient de Jésus.
Alors il leur dit : « Vous vous faites passer pour justes aux yeux des hommes, mais Dieu connaît vos cœurs. Et ce que les hommes considèrent comme de grande valeur est répugnant aux yeux de Dieu.
« La Loi et les Prophètes ont été jusqu’à Jean. Depuis, le royaume de Dieu est annoncé comme une bonne nouvelle, et toutes sortes de gens se pressent vers lui. Oui, il est plus facile au ciel et à la terre de disparaître qu’à un seul bout de lettre de la Loi de rester inaccompli.
« Celui qui divorce de sa femme et se marie avec une autre se rend coupable d’adultère, et celui qui se marie avec une femme divorcée de son mari se rend coupable d’adultère.
« Il y avait un homme riche qui s’habillait de pourpre et de lin, et qui menait une vie de luxe et de plaisirs. On déposait régulièrement devant sa porte un mendiant appelé Lazare, qui était tout couvert d’ulcères. Il aurait bien voulu manger ce qui tombait de la table du riche. Oui, les chiens mêmes venaient lécher ses ulcères. Par la suite, le mendiant est mort et a été emporté par les anges aux côtés d’Abraham.
« Le riche aussi est mort et a été enterré. Et dans la Tombe, alors qu’il était dans les tourments, il a levé les yeux et a vu Abraham de loin et Lazare à côté de lui. Alors il a appelé et a dit : “Père Abraham, aie pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue, car je souffre dans ce feu ardent.” Mais Abraham a répondu : “Mon enfant, souviens-toi que tu as été rassasié de bonnes choses pendant ta vie. Lazare, lui, n’a eu que des malheurs. Maintenant, ici il est consolé, mais toi, tu souffres. De plus, comme un grand gouffre a été mis entre nous et vous, ceux qui voudraient aller d’ici vers vous ne le peuvent pas, et d’où vous êtes on ne peut pas non plus traverser vers nous.” Alors l’homme a dit : “Dans ce cas, père, je te demande de l’envoyer chez mon père pour qu’il avertisse mes cinq frères et qu’ainsi ils ne viennent pas, eux aussi, dans ce lieu de tourments.” Mais Abraham a répondu : “Ils ont Moïse et les Prophètes : qu’ils les écoutent.” Alors l’homme a dit : “Non, père Abraham ! Mais si quelqu’un de chez les morts va les voir, ils se repentiront.” Il lui a répondu : “S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, ils ne se laisseront pas non plus convaincre si quelqu’un ressuscite d’entre les morts.” »
Le début du texte, en rouge, nous apprend la raison de cette parabole. Jésus va donc répondre aux pharisiens présents qui se sont moqués de lui.
La phrase suivante commence par les mots :
Alors il leur dit, ce qui confirme notre analyse. C'est bien aux pharisiens que Jésus va répondre.
Jésus poursuit en disant :
« Vous vous faites passer pour justes aux yeux des hommes, mais Dieu connaît vos cœurs. Et ce que les hommes considèrent comme de grande valeur est répugnant aux yeux de Dieu.
Ainsi, les reproches vont concerner les pharisiens présents. C'est sur une question de valeur que Jésus les reprend.
« La Loi et les Prophètes ont été jusqu’à Jean. Depuis, le royaume de Dieu est annoncé comme une bonne nouvelle, et toutes sortes de gens se pressent vers lui. Oui, il est plus facile au ciel et à la terre de disparaître qu’à un seul bout de lettre de la Loi de rester inaccompli.
Voici la trame de sa réponse. Jésus vient de dire que quelque chose a changé depuis Jean le baptiseur. Depuis, dit-il, toutes sortes de gens accèdent au royaume de Dieu.
Par l'expression "toutes sortes de gens", Jésus prépare l'introduction de Lazare, un pauvre, dans la parabole qu'il va expliquer ensuite.
Et c'est là que je suis absolument admiratif de l'art d'enseigner de Jésus qui va se servir d'une croyance des pharisiens pour leur expliquer leur rejet par Dieu.
Mais pour autant, Jésus valide t'il cette croyance ?. Il n'en a pas besoin, il veut simplement être compris des pharisiens.
C'est comme au judo, vous vous servez d'un argument ou d'un croyance de quelqu'un, sans que vous ayez besoin d'y croire, pour le mettre en difficulté et le corriger.
Jésus utilisera cette méthode quand par exemple il demandera une pièce de monnaie pour expliquer qu'il fallait donner à César ce qui lui appartenait. Seulement, les chrétiens comprendront que Jésus utilisait la logique et les valeurs de ses auditeurs pour les prendre à leur propre jeu. Jésus ne pensait pas du tout que les obligations envers César étaient au même niveau que celles que nous devons à Dieu.
Paul fera la même chose quand il fera référence, sans les critiquer, sans indiquer que ce sont des faux dieux, aux dieux des grecs pour s'intéresser à un dieu dit "inconnu" que les grecs n'assimilaient certainement pas à Jéhovah, et pour leur expliquer qu'il venait leur parler de ce Dieu là. Extérieurement, il semblait adorer le dieu inconnu des grecs.
Il s'est donc servi d'un élément de croyance des grecs, le culte d'un dieu sans nom, pour leur donner le témoignage.
Seulement aucun chrétien n'ira, à la suite de ce discours, adorer la statue de ce dieu inconnu en pensant que Paul l'avait, en quelque sorte validé comme objet de culte chrétien.
Si donc Jésus a voulu, ce qui est encore une hypothèse pour moi, se servir de la croyance erronée des pharisiens pour leur donner, à eux, une leçon, alors je dis "bravo". Quel talent !!
La question est donc maintenant de confirmer que Jésus ne croyait pas au support de sa métaphore.
Il faudrait qu'il ait expliqué ailleurs dans les évangiles que quelque chose survit à la mort, qu'une activité intellectuelle est possible quand on est mort, qu'il est possible de communiquer entre les morts, que le lac de feu existe déjà dans la première mort alors qu'il est toujours décrit comme existant dans la seconde mort après le jugement dernier.
Ce dernier point est important. Le lac de feu, ou seconde mort, n'attend les humains qu'après leur résurrection et après le jugement, pas avant. Il y a donc un sérieux problème de chronologie à résoudre pour ceux qui pensent que Jésus validait la croyance des pharisiens.
En fait, il s'en servait habilement, contre les pharisiens et les prenait à leur propre jeu. Magnifique.