Roger Pouivet, Epistémologie des croyances religieuses, 2013.
Un écrit récent d’un prof de philo des sciences et épistémologie.
Ce livre stimulant et à jour, surtout coté anglo, d’ailleurs plus avancé en philo de la religion, avance des idées originales, ou au moins peu traditionnelles, bien que l’A. se situe dans la ligne de St Thomas. Je reconnais le bien fondé de ses arguments mais m’interroge un peu sur leur degré d’utilité. Il utilise entre autre Alvin Plantiga.
Il y a 3 chap.
Le 3e est un peu disjoint des autres et traite du fictionalisme théologique (dont le catho heideggerien Jean-Luc Marion serait proche et peut être Wittgenstein), une théorie hérétique pour le catholicisme, qui dit que le théisme ou l’athéisme (positions métaphysiques) n’ont aucune importance pour la religion, car celle-ci ne se concentre pas sur ce qui existe ou non, mais sur la fourniture de sens. Et une croyance fausse ou incertaine, à certaines conditions , peuvent fournir autant de sens qu’une croyance vraie. Par exemple, il suffit de faire comme si Dieu existait et on a tout ce qu’il faut. Ainsi, l’athéisme ne compte plus comme objection et devient non pertinent.
L’A. pousse une comparaison entre fictionalisme et instrumentalisme, ou positivisme radical, en philo des sciences :
«
164 (fictionalisme théologique : on peut faire comme si Dieu existait , même si ce n’est pas le cas ou qu’on ne le sache pas;
167 (si on compare avec philo des sciences :
-réalisme : les objets scientifiques existent tels quels, neutrons etc
-positivisme : ils n’existent pas, on parle seulement d’observations, de nos représentations de connaissances, pas au-delà. Mais il y a vérité ou fausseté quand même dans ce cadre.
-instrumentalisme : il n’y a pas de vérité ou fausseté, seulement des prédictions pragmatiquement efficaces. Les théories sont des fictions, elles n’ont pas besoin d’être représentatives, elles sont utiles sans ca. »
Bref ca donne une conception utilitaire des croyances, disant à peu près : si c’est utile à des gens, pourquoi pas, comme on a vu sur ce forum.
Bien sur autre chose que la religion peut fournir du sens, comme la politique, mais dans la compétition les religions ont un avantage sur le communisme et le nazisme car un jour la race aryenne et le prolétariat disparaitront avec l’humanité et donc le sens qu’ils donnent au cosmos est moins total et efficace. Ensuite, certaines religions seront plus efficaces que d’autres.
Cependan t cette théorie ne concerne que la religion, pas la métaphysique, qui garde son Importance philosophique indépendante : les théistes et les athées vont continuer leur études même si la religion fictionaliste n’est pas concernée par eux.
Les chap.1 et 2 , plus intéressants développent entre autres les concepts de permission et légitimité de croire, en tout domaine., sans référence à la justification. Sont permises toutes les croyances contre lesquelles il n’y a pas de bonnes raison, même si elles sont autrement gratuites : le champ est libre pour ainsi dire. Ainsi entre 2 hypothèses scientifiques de valeur égale on peut croire ce qu’on veut, par exemple en suivant l’esthétique ou l’intuition ou même la sympathie pour un maitre. Ca peut être faux mais c’est permis du point de vue épistémologique et non blamable. On est dans une épistémologie permissive (y compris en science) plutôt que justificative (qui est indiquée, mais seulement en 2e temps)
« 152 (
Nous sommes autorisés à croire P s’il n’y a pas de raison imparable contre, et c’est pareil pour la révélation.
Ce ne sont pas les raisons de croire qui donnent le droit de croire »
Cette position se différencie de 2 AUTRES :
-L’apologétique=il y a des données suffisantes , des justifications pour croire (position plus forte)
-L’ATTITUDE existentielle=pas besoin de données ou de raison, la subjectivité est un mode de connaitre supérieur à la raison car celle-ci est abstraite et ce qui existe réellement est toujours concret.
44 (fidéisme existentiel, la foi échappe à la justification=tradition de Kierkegaard;
197 (. La foi est existentielle, subjective.
Au lien de justification, on parle donc de légitimité permissive , fondée sur la notion de garantie, plus faible que celle de justifiation :
9 (Les croyances religieuses n’ont pas à être justifiées pour être légitimes. Légitimité épistémique.
10 (les croyances religieuses sont garanties
13 (question de droit : le droit de croire, épistémique;
Toutefois, il y a des conditions supplémentaires pour avoir le droit de croire : la vertu épistémique (volonté sincère de vérité, désintéressement, considération honnète des objections quand c’est subjectivement possible (pour les personnes cultivées p.ex.)
.
22 (droit de croire vient d’une attitude intellectuelle vertueuse, pas de la croyance justifiée;
Épistémologie accueillante;
26 (pouvons nous croire sans justification suffisantes? Avons-nous le droit?
31 (la légitimation, comprise comme leur garantie, n’exige pas la justification des croyances;
Épistémologie modeste.;
32 (on n’est jamais obliger de renoncer à une croyance garantie, même fausse, tant qu’elle n’est pas révélée fausse;
On substitue la garantie à la justification,
35 (n’exige pas la justification mais n’autorise pas l’erreur;
Puis l’auteur, à la manière anglo (je ne suis pas d’accord avec ce vocabulaire mais c’est surtout une question de mots), l’A. inclut toutes les disciplines empirique (sciences incluses) dans le champ de la croyance (scientific beliefs) non contraignante . Seules les disciplines formelles obligent la croyance (seraient des savoirs stricts) : maths et logique
56 (On n’est jamais obligé de croire hors les maths et la logique. M ais on est rationnel même avec des raisons non contraignantes
57 (les arguments théologiques sont du même ordre que ceux des sciences empiriques, des sciences humaines, de la politique. Ce sont des arguments « philosophiques ». On peut toujours résister à être convaincu mais ca n’empêche pas l’existence de bonnes raisons.
61 (l’épistémologie fiabiliste dit qu’une croyance est garantie si elle résulte d’un processus fiable (Alvin Plantinga)
62 (tant qu’on n’a ^pas une bonne raison de renoncer à une croyance on peut la garder; c’est le sens de garantie; eg. Croire la parole de quelqu’un pcq on a aucune raison de la refuser
(les hommes disent la vérité la plupart du temps à cause de l’appareil psychique, comme la plupart des yeux sont capables de vision, mais il est vrai que ca correspond à l’idée de garantie de PLantinga. La plupart des fonctions naturelles fonctionnent, l’esprit connait, l’œil voit.)
Épistémologie fiabiliste : la croyance est légitime si elle résiste aux objections;
Éthique évidentialiste : fondée sur justification;
… sur croyance garantie, eg. Voir un arbre, évidence sensible n’a pas besoin de justification;
La confiance en nous-mêmes et en les autres a une signification métaphysique (PLantinga), elle est liée à la nature humaine
C'est-à-dire La plupart des yeux voient.
76 (une personne intellectuellement vertueuse aura des croyances garanties et probablement vraies
Puis , dans ce contexte il abord l’argument d’autorité, incontestablement lié à la vertu intellectuelle des auctoritas (réputation, honnêteté dans le passé, tout ce qui rend un homme fiable)
81 (la plupart de nos croyances sont irréductiblement testimoniales; elles sont une source fondamentale de nos connaissances (C’est partout dans les conventions langagières)
82 (il y a un double standard d’exigences, quand on parle de croyance religieuse, on est plus strict
Oui, et je crois que c’est en raison de la matière des arguments : en religion la matière est souvent extraordinaire.
84 (témoin biblique peut se comparer à César a franchi le Rubicon le 11 janvier 49, ou Armstrong était sur la lune le 21 juillet 69.
--POUR Armstrong je ne crois pas, il y a plus que l’argument d’autorité. Des roches lunaires, des enregistrements, des vestiges etc.
87 (CROYANCE testimoniale justifiée : celle qu’une personne vertueuse et comprenant la situation cognitive, aurait dans de telles circonstances
88 (il faut que le témoin ne se trompe pas et ne soit pas menteur;
LA VALEUR EPISTEMIQUE DU TEMOIGNAGE DEPEND DES VERTUS EPISTEMIQUES (ET MORALES) BIEN PLUS QUE DE CRITERES EPISTEMIQUES
Ie. le témoin plus important que la chose crue, le XT plus que ce qu’il dit
90 (une vertu épistémique essentielle est notre capacité à trouver les bonnes autorités;
Il est raisonnable de croire des choses dites par celui qui les sait;
Il est absurde d’éliminer toute connaissance testimoniale, qui a un role constitutif dans notre vie cognitive
Il est responsable de prétendre savoir en étant simplement certain de ne pas se tromper facilement en cela
--Au lieu de savoir (qui réfère à science), c’est mieux de dire connaitre, et ca reste une croyance (mais du coté anglo , ce que je trouve confus, il est vrai que la science est considérée une croyance – belief)
149 (une solution rapportée par Pouivet : ce qui n’est pas faux peut être cru, c’est un droit, donc pas d’obligation de suspension; droit d’être certain sans raison. Il y a autorisation.
152 (Nous sommes autorisés à croire P s’il n’y a pas de raison imparable contre, et c’est pareil pour la révélation.
153 (pas le cas pour les extraterrestres, il y a des raisons contre. Mais pas de raison contre existence de Dieu; si on a tout fait pour croire non P sans succès, on est autorisé à croire P;
Ce ne sont pas les raisons de croire qui donnent le droit de croire
--Ici je vais mettre quelques commentaires plus longs.
Il s’agit d’une approche originale substituant la notion de droit, légitimité épistémique, permission, à la notion de justification et elle semble logiquement correcte, pour l’athéisme aussi d’ailleurs.
Mais il me semble qu’il y a des difficultés. Si 2 théories sont injustifiées au sens de non prouvées mais que l’une est plus probable que l’autre, a-t-on vraiment le droit de croire la moins probable au motif qu’elle n’est pas prouvée fausse? J’imagine qu’il y a des cas ou on peut prouver une probabilité supérieure, bien que pas toujours. Je ne suis pas sur à 100% que Pouivet réponde à ca. Ou peut-être qu’il ajouterait cette considération à son schéma : croire le moins probable serait aussi interdit, et alors son idée ne s’appliquerait qu’à des cas sans probabilités ou à probabilités égales.
Surtout, l’idée de légitimité épistémique fondée sur des vertus intellectuelles équivaut à avoir le droit de croire P ou non P sans justification intrinsèque (les vertus pouvant être considérées comme des justifications extrinsèques ou indirectes) implique qu’on peut briser un agnosticisme sans justification directe, au sens que c’est (seulement ) permis il est vrai, et là on dirait qu’on enfonce une porte ouverte : Bien sur que L’agnosticisme faible (on sait pas ou croit pas pour l’instant, personnellement) sur tout sujet permet en un sens car il garde les réponses ouvertes et possibles, mais permet-il de dépasser l’agnosticisme par une croyance sans justification directe? Je crois que non, et le problème vient de ce que que Pouivet prend le terme de justification comme équivalent de preuve démonstrative. Il a raison en ce cas, mais il me semble absurde de dire qu’il est permis de dépasser un agnosticisme sans justification aucune. On doit alors distinguer justification-preuve de justification-fondement non démonstraitif et alors ca va, mais on peut plus dire qu’il y ait permission sans justification d’aucune sorte (ce que Pouivet admet d’ailleurs puisqu’il reconnait l’argument d’autorité. )
Mais Peut-être mes réticences ne portent –elles que sur les mots… (De même, pour suivre les anglos il parle de croyances scientifiques et croyances religieuses et autres. Je trouve moins confondant de parler de savoir scientifique, en tout cas de réserver le terme preuve pour le savoir.
ET puis en dehors de la question de droit, en fait, quand on croit quelque chose, la croit on sans raison aucune? Supposons que Prévert croie à l’athéisme et que sa raison soit qu’il veuille séduire des mineures comme il l’a fait et qu’il voie le théisme comme un obstacle, n’est ce pas psychologiquement une raison, quoique que Fautive (par hypothèse)? Si on croit uniquement par sentiment, doit on dire que c’est sans motif, ou plutôt que le sentiment lui-même devient un motif quand on en est conscient et qu’on l’invoque expliciement?
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IL voit bien la faiblesse des approches généalogiques qui tentent de réduire les raisons de croire à des causes (inconscient, lutte des classes, volonté de puissance, Freud, Marx, Nietszche) :
219 (les sc humaines évolutionnistes (Boyer) ont un présupposé : nos raisons sont en réalité des causes de croyances
220 (or comment n’est pas pourquoi;
Il y a des croyances légitimes par autorité, y compris Dieu existe
221 (d’ailleurs si on remplace croyance religieuse par connaissance mathématiques, on va reculer; les maths ne seront plus réductibles aux causes de leur apparition, elles auront des raisons séparées des causes.
222 (Passer des causes aux raisons est un paralogisme
--Oui, et aussi bien en ce qui concerne les causes du théisme (peur de la vie etc) qu’en ce qui concerne les causes de l’athéisme (passions anarchisantes, conflits avec les parents, amoralisme etc.)
Roger Pouivet, Epistémologie des croyances religieuses
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L’athéisme peut être considéré comme une attitude ou une doctrine qui ne conçoit pas l’existence ou affirme l’inexistence de quelque dieu, divinité ou entité surnaturelle que ce soit. C'est une position philosophique qui peut être formulée ainsi : il n'existe rien dans l'Univers qui ressemble de près ou de loin à ce que les croyants appellent un « dieu », ou « Dieu ».
L’athéisme peut être considéré comme une attitude ou une doctrine qui ne conçoit pas l’existence ou affirme l’inexistence de quelque dieu, divinité ou entité surnaturelle que ce soit. C'est une position philosophique qui peut être formulée ainsi : il n'existe rien dans l'Univers qui ressemble de près ou de loin à ce que les croyants appellent un « dieu », ou « Dieu ».
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Roger Pouivet, Epistémologie des croyances religieuses
Ecrit le 10 mars22, 13:51《10,000 difficultés ne font pas un seul doute》(Newman)
《J’ai toujours regardé l’athéisme comme le plus grand égarement de la raison》 (Voltaire , 1766)
《J’ai toujours regardé l’athéisme comme le plus grand égarement de la raison》 (Voltaire , 1766)
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