Yacine a écrit : ↑07 avr.22, 10:19
Non, la révélation islamique suffit à elle même
Le Coran est loin d'être un texte clair. La clarté consiste à s'exprimer de manière à être facilement compris. Or, une lecture même superficielle du Coran montre qu'il ne correspond pas à cette description. Il s'agit d'un texte peu compréhensible, dépourvu de tout contexte. Il y a des discussions sans fin sur la chronologie (supposée) du texte, sur les circonstances (supposées) de production de nombreux passages, sur le sens de ses mots et de ses lettres. Ce n'est pas pour rien que la littérature exégétique est colossale : le Coran est par nature un texte qui demande à être interprété, c'est-à-dire : à être expliqué, rendu compréhensible.
Si la "révélation islamique" se suffisait à elle-même, l'exégèse n'aurait pas lieu d'être.
Yacine a écrit : ↑07 avr.22, 10:19si le Coran ne s’explique pas par le Coran, il y a le Hadith authentique
Par principe, j'émets de sérieuses réserves quant la méthodologie utilisée dans l'étude de ces traditions (et ce, d'autant plus que les résultats auxquels elle mène peuvent
être contradictoires).
Quant à mon avis sur la tradition exégétique islamique, le voici.
Le Coran est apparu dans un milieu encore indéterminé et il y a eu une rupture dans la transmission du texte : nous établissons cette rupture par raisonnement, puisqu'il y a maints éléments du texte, des expressions, des mots, voire des lettres, qui furent intelligibles dans le milieu de production du texte et qui ne le furent plus dans son milieu d'interprétation, des décennies et siècles plus tard. Si l'auteur ou les auteurs du texte coranique ont jugé bon d'utiliser des signes en particulier, des expressions, des mots, des lettres, nous pouvons gager qu’ils avaient un sens pour ceux-ci et, attendu que le texte semble également être à destination d'une communauté, qu'ils avaient aussi un sens pour l'auditoire auquel le texte était destiné. Car nous ne parlons que pour faire connaître aux autres ce que nous pensons : l'objet même du langage est la communication. Il faut donc tenir que le Coran était intelligible pour la communauté l'ayant produit, ou compilé, et ne l'était plus pour celle qui eut la charge de l'interpréter. Il y a donc une rupture, une distance entre le Coran et l'exégèse traditionnelle, et l'exégèse islamique a tâché de produire du sens à partir de cette rupture. C'est là que se situe le travail des mufassirūn. Par mufassirūn, j'entends la communauté au sens large, non pas les seuls exégètes recensés, mais tous ceux qui ont contribué à donner du sens au Coran parmi les premières générations de musulmans, et notamment la multitude anonyme se cachant derrière l’apparition de traditions. Cette multitude anonyme s'est retrouvée confrontée à un texte qu'elle ne comprenait pas, et de là, une pléthore d'interprétations contradictoires a vu le jour. Voilà ce qu'est l'exégèse islamique : une tentative d'appropriation d'un texte abscons, obscur, difficilement compréhensible.
Yacine a écrit : ↑07 avr.22, 10:19Les
Israéliat (الإسرائيليات) c'est juste en option et en supplément (للاستئناس), on ne s'est jamais fondé sur elles.
Le Coran reprend à plusieurs reprises les histoires des prophètes bibliques, mais il le fait d'une manière singulière. Dans la quasi-totalité des cas, il les cite sans que l'auditoire n'y soit préparé, c'est-à-dire sans que le lieu et le temps de la scène ne soient indiqués, sans que les personnages et les antécédents de l'action ne soient présentés, en un mot, sans que leur contexte le plus basique ne soit exposé. D'un point de vue littéraire, les "histoires bibliques" du Coran commencent par le nœud, c'est-à-dire le milieu du récit. Si l'auditeur ne connaît pas préalablement l'histoire, il ne peut strictement rien comprendre. Et la chose est aggravée par l'usage récurrent que le Coran fait de l'allusion. Ce n'est pas un texte qui se contente de priver les intrigues de leurs contextes ; il se plaît également à éveiller, à propos d'une chose, le souvenir d'une autre, sans l'exprimer clairement. Donc, les "histoires" coraniques sont des compositions littéraires extrêmement compliquées à aborder, et impossibles à comprendre sans une solide connaissance de la Bible. Là où la chose se complique, c'est que la connaissance de la Bible ne suffit pas : il faut aussi connaître l'exégèse juive et chrétienne en laquelle le Coran entend se situer. Pourquoi Dieu parle-t-il aux anges avant de créer Adam ? Pourquoi Abraham est-il jeté au feu ? Pourquoi Salomon a-t-il autorité sur les démons ? Je n'ai pas étudié la manière dont l'exégèse islamique a abordé ces versets, mais je suis prêt à parier qu'ils furent incapables de répondre à ces questions - et sans doute aussi, de les poser. Pourquoi ? Parce que, contrairement aux auteurs du Coran, les commentateurs musulmans ignorent tout de l'exégèse juive et chrétienne. Encore une preuve de rupture dans la transmission du texte.