estra2 a écrit : ↑08 juil.22, 05:31
La question posée par ce fil semble logique, de bon sens mais, il faut faire attention, un raisonnement peut paraître logique et être totalement erroné.
Par exemple, quelqu'un pourra vous paraître logique, de bon sens en vous affirmant qu'on ressentirait forcément une vitesse de 1 100 km/h et pourtant, c'est ce que nous vivons en permanence puisque nous ne ressentons pas la vitesse à laquelle nous tournons avec la Terre.
C'est là où se situe la différence entre une opinion et une vérité scientifique.
Donc, revenons à notre sujet.
Pour avoir une démarche scientifique et affirmer que le cerveau humain qui a permis autant d'inventions en 6000 ans n'ait pas pu en inventer si peu en plusieurs centaines de milliers d'années il faudrait :
1) prouver que les conditions ont été les mêmes durant ces deux périodes
2) prouver que les inventions ne dépendent que de l'activité cérébrale et pas d'autres facteurs
3) prouver que dans la même période le cerveau humain manifeste la même inventivité
Or,
1) les conditions n'ont absolument pas été les mêmes durant les 10 000 dernières années,
a) la période précédente était une période glaciaire, beaucoup plus rude pour les humains
b) les apports de nourriture irréguliers (chasse, cueillette)
c) les groupes sociaux plus restreints en raison des conditions climatiques
2) l'activité cérébrale ne suffit pas aux inventions en effet :
a)la plupart des inventions découlent d'inventions précédentes, par exemple la maîtrise de la fonde des métaux a révolutionné le mode de vie et les inventions qui ont suivi
b) de nombreuses inventions sont de la sérendipité, ce sont les évènements qui ont fait découvrir un phénomène. Par exemple, du lait qui caille spontanément et donne l'idée du fromage à l'humain
c)les conditions, par exemple lorsque les français développent l'industrie du sucre de betterave parce qu'ils ne peuvent plus importer du sucre de canne.
3)dans les 10 000 dernières années, toutes les sociétés humaines n'ont pas fait preuve de la même inventivité et cette inventivité débordante a été principalement en Eurasie.
Si on prend une invention comme la roue qui a été fondamental dans notre culture occidentale et en Chine, elle n'a pas été utilisée sur le continent américain, ni sur la majeure partie de l'Afrique, ni en Océanie.
A moins d'estimer ces humains comme inférieurs à nous, on peut donc dire qu'avoir le même cerveau ne mène absolument pas à la même inventivité et que, donc, on ne peut déterminer de la capacité cognitive d'humains en fonction de l'avancée technologique de leur civilisation.
J'ai essayé d'être le plus clair et le plus synthétique possible.
Enfin quelque chose à se mettre sous la dent.
1) prouver que les conditions ont été les mêmes durant ces deux périodes.
C'est oublier que nous parlons d'un côté de 500 000 années et de l'autre de 6000 années. Vouloir comparer ces deux périodes impose donc de tenir compte de l'avantage énorme que détient la période de 500 000 années sur celle de 6000 années.
Or, voir l'humanité stagner 500 000 années en se contentant de reproduire la première invention nous apprend deux choses.
- 1) l'homme était capable d'inventer et de reproduire ce qu'il avait inventé. Il y a donc aussi la capacité de transmettre son savoir, ce qui implique un aspect social.
2) l'homme pouvait inventer dès le début et surtout des outils, ce qui en dit long sur ses capacités d'analyse de ses besoins liés à sa constitution physique inadaptée à son environnement.
S'il y parvient au début des 500 000 années, il aurait du poursuivre son cheminement créatif et nous ne devrions pas voir ces outils de pierre attendre 500 000 années pour être remplacés par des outils en silex. Le silex aurait du être atteint infiniment plus vite
2) prouver que les inventions ne dépendent que de l'activité cérébrale et pas d'autres facteurs.
C'est assez facile de répondre à cette question. Les inventions ne dépendent pas que de l'activité cérébrale. Cependant, s'il faut d'autres facteurs pour inventer, on ne le fera pas sans une activité cérébrale. Plusieurs éléments contribuent à l'inventivité : la curiosité, les sentiments, la nécessité, la dimension artistique, le danger, etc...
Dans le monde qu'auraient connu ces humains pendant 500 000 années, beaucoup de facteurs poussaient à l'inventivité.
Les dangers liés à la compétition entre les humains, la guerre.
Les dangers liés aux prédateurs.
Les intempéries.
Les sentiments entre les humains.
La curiosité qui pousse à observer certains phénomènes et à les copier pour différentes applications.
La peur de certains événements.
La lutte pour la domination du clan.
Autant de motifs impérieux pour pousser à trouver des solutions. Or, rien de tout cela n'a produit les effets que les mêmes raisons qui feront bondir l'inventivité humaine durant les 6000 dernières années.
Quand il pleut et qu'il fait froid, n'importe quel humain actuel cherchera le moyen de se protéger du froid, l'observation d'une tortue, d'un escargot, des nids d'hirondelles, des maisons de castors, tout cela fait qu'un humain trouve très rapidement une solution qui va très rapidement le conduire vers l'habitat. On nous dit qu'ils utilisaient des grottes, mais qui pense sérieusement qu'il y avait des grottes pour tout le monde ?
Seulement, grotte ou pas grotte, le fait que certains s'y réfugiaient prouve qu'ils étaient capable de comprendre qu'une hutte serait bien. Or rien de ce coté là.
Le plus dure dans une invention n'est pas forcément sa réalisation, mais la découverte de l'idée. L''homme avait compris qu'une extension de ses mains, par des outils de pierre, lui serait bénéfique. Et bien voilà, l'idée était là, la découverte était née et ce n'était pas ces outils de pierre, mais l'idée que ces outils seraient utiles, que DES outils seraient utiles.
Or, ils n'ont pas exploité cette idée. C'est anormal, le plus dur était fait.
3) prouver que dans la même période le cerveau manifeste la même inventivité
Ce 3ème élément soulevé par Estra me semble peu convainquant. Il sous entendrait que le cerveau , durant ces 500 000 années aurait fluctué.
En fait cela signifierait qu'il aurait régressé.
Pourquoi ? Parce que l'homme invente, selon la théorie, dès le début des 500 000 années ce qui prouve que son cerveau en était capable.
Si l'homme n'invente plus ensuite, pendant 500 000 années, ce serait, selon Estra, une régression et non plus une évolution.
Je remarque pourtant un élément qui va à l'encontre de cette hypothèse: si l'homme invente seulement au début de cette longue période, il entretient cette invention en la transmettant aux nouvelles générations qui, pour les adopter, devaient produire un effort de réflexion pour en comprendre l'utilité puis le maniement.
Car, n'oubliez pas, si un homme invente un jour un procédé, chaque humain qui va adopter ce qui a été découvert, en le comprenant, produit la même réflexion que l'inventeur.
Et c'est presque toujours ce cheminement inventif qui fait qu'un individu qui découvre ou apprend une invention passée, va aller un peu plus loin que l'idée de l'inventeur pour améliorer le système. C'est ça, le progrès.
Or, avec ces humains vivant ces 500 000 années, une invention découverte au tout début va se transmettre de générations en générations, avec à chaque fois, pour ceux qui la découvriront, le phénomène de la découverte des bénéfices de cette invention, sans jamais qu'un seul d'entre eux, forcément des millions, ne propose une amélioration.
C'est impossible car nous parlons de milliards d'humains.
Je n'adhère donc pas à l'hypothèse de Estra, malgré son effort explicatif.