Merci pour tes commentaires, ronronladouceur (çà, c'est génial comme nom, dit le félinophile que je suis)!ronronladouceur a écrit : ↑14 févr.22, 17:04 Salut Tiresias,
Très intéressant cheminement en même temps qu'une très belle présentation...
J'ai aussi lu les auteurs que tu cites (sauf Hitchens) et bien d'autres et je me sens comme un poisson dans l'eau en te lisant...
Comment alors comprendre Dawkins quand il affirme : ''Dieu n'existe probablement pas.'' ?
Oui, j'ai lu tous les ouvrages de ce que certains chrétiens nomment "le trio infernal" des "Neo-Atheists": le polémiste extraordinaire Christopher Hitchens, le biologiste Richard Dawkins et le neuro-philosophe Sam Harris (liste à laquelle je rajouterais Daniel Dennett--lui aussi neurophilosophe--et le vulgarisateur de l'humanisme Michael Shermer). Je suis sûr que ces distingués messieurs ont leurs contreparties dans la francophonie mais, baignant comme je le fais dans une culture anglophone (je m'exprime mieux, d'ailleurs, en anglais), je connais moins bien les penseurs francophones dudit nouvel athéisme (sauf peut-être pour le philosophe français Michel Onfray).
Pour répondre à ta question (et il s'agit là d'une question bel et bien posée par une personne se disant agnostique), Dawkins demeure, tout compte fait, un scientifique. En tant que tel, il lui importe de n'écarter aucune hypothèse sans ne pouvoir justifier ce rejet de façon rationnelle. C'est une plainte souvent logée contre ces "nouveaux athées" qu'ils se complaisent dans le dogme tout comme si l'athéisme lui-même était une religion nouvelle. Mais absence d'adhésion à un dogme religieux n'est pas adhésion à autre chose. (Soit dit en passant, j'adore la façon dont André Chouraqui fait dire à Jésus aux hommes de peu de foi qu'ils sont des "nains de l'adhérence"!)
La difficulté, pour les hommes mentionnés ci-haut, réside dans le fait que l'existence de Dieu (du moins, tel que Dieu soit conçu par, dira-t-on, les géants de l'adhérence) ne soit aucunement, et de par sa nature, une hypothèse réfutable. La réfutabilité d'une hypothèse constitue la pierre angulaire de toute méthode scientifique. Les philosophes sont d'accord là-dessus. Il est impossible de prouver hors de tout doute que quelque chose n'existe pas. Si je fais référence au Grand Monstre en Spaghetti Volant, divinité louangée dans le pastafarisme, nul ne peut prouver que cet Être n'existe pas.
Dawkins et compagnie sont d'avis qu'il nous faut balayer du revers de la main de telles sottises en ce qu'elles ne contribuent aucunement aux développements social et humain et ne peuvent servir de fondaisons dans l'appréhension du réel. Soit. Toujours est-il qu'il y a vérité et vérité. Si le but est la croissance de nos connaissances du monde en vue d'améliorer le sort et de favoriser l'essor de l'espèce humaine, je veux bien. Pour ne rien dire du plaisir tout simple de mieux comprendre quelque chose (disait Albert Einstein: mieux vaut passer un instant à comprendre qu'une vie entière à être béat). Si, par contre, le but est de donner voix à nos poussées vers la transcendance et d'élaborer un stratège mythique pour lier notre existence au Grand Infini (c'est la source du mot "religion" d'ailleurs, du latin religare, signifiant "relier" ou "réattacher"), eh bien, je n'y vois aucun mal, là non plus.
Lesdits nouveaux athées ont tendance à être aggressifs dans leurs polémiques. Et pour cause. Depuis toujours, religion et mort d'homme vont main dans la main. Des croisades du Moyen-Âge aux attentats du 11 septembre 2001 et autres actes de terreur motivés par la religion, la foi se meut dans la violence. En cette ère où tout illuminé peut escamoter un engin nucléaire portatif dans une valise, ras-le-bol chez Dawkins, Hitchens et autres Sam Harris.
Les fidèles, quant à eux, diront qu'il ne s'agit pas là de la "vraie nature" de leur religion. Pourtant c'est faux. Toujours, les communautés religieuses demeurent tièdes dans la condamnation d'actes répréhensibles perpétrés par l'un des leurs. Je ne cite, pour exemple, que l'Église catholique face aux prêtres pédophiles.
Jadis, un copain agnostique, compagnon de travail, rabrouait mon athéisme en clamant que de telles idées sont indignes d'un vrai sceptique, pour qui la science primait. Il me sommait de ne pas sombrer dans un orgueil malheureux qui ne servirait qu'à estomper la différence entre moi et un croyant. "Bon, d'accord" lui avais-je répondu, "mais souviens-toi du 11 septembre... l'heure n'est pas à la couardise morale, mon vieux." Au final, peut-on vraiment discuter de l'existence d'un Être Suprême sans tenir compte des comportements que cet Être inspire chez ses adhérents? Moi je dis que non.
On nous dit, dans la Bible, que l'on connaîtra l'arbre par les fruits qu'il porte. Les fruits de la religion sont trop souvent amers, à mes yeux. J'y préférerai toujours la conscience personnelle bien ancrée dans un Absolu plutôt impersonnel.
Bon, je réalise que cette discussion devrait probablement se dérouler dans un fil sur les athéismes et je ne grognerai pas de l'y voir transférée par une modératrice. Mon enthousiasme a débordé. (Un autre mot intéressant, ça, "enthousiasme", du grec entheos, signifiant "avoir Dieu à l'intérieur".)
Ais-je répondu à ta question, ronronladouceur?
(Miaule une fois pour oui et deux fois pour non! )