A la recherche de Paul
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Le christianisme est une religion monothéiste et abrahamique, issue d'apôtres célébrant la vie et les enseignements de Jésus. Les chrétiens croient que Jésus de Nazareth est le Messie que prophétisait l'Ancien Testament, et, hormis quelques minorités, Fils de Dieu, ou Dieu incarner, néanmoins Prophete.
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- Estrabosor
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Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 08 août23, 23:40Bonjour à tous,
Avez-vous remarqué que certains enfants gribouillent sur les livres alors que d'autres en ont grand soin ?
Leur différence est avant tout due à leur éducation et au respect du livre qu'on leur a ou non inculqué.
Mais chez les adultes, il en va de même, il y a des gens qui respectent une oeuvre, quelle qu'elle soit et ceux qui se permettent d'imaginer une autre version, qui réécrivent le texte, changent le caractère des personnages etc.
Eh bien ici c'est pareil !
Pourquoi inventer des choses qui ne sont pas dans le texte ?
Pourquoi, tout simplement ajouter au texte ?
La réponse est simple : par orgueil, par pure prétention !
C'est d'autant plus évident lorsqu'on voit quelqu'un comme JLG ne faire aucune distinction entre le texte cité et sa prose !
Au fond, c'est du pur mépris pour le texte et son auteur puisque cela sous entend que ce qui est écrit n'est pas complet, ne se suffit pas à lui même, qu'il faut en rajouter !
Ce forum est de moins en moins un lieu de dialogue et de plus en plus une arène où des gens bouffis d'orgueil étalent leur prose sans souffrir le moindre commentaire.
Avez-vous remarqué que certains enfants gribouillent sur les livres alors que d'autres en ont grand soin ?
Leur différence est avant tout due à leur éducation et au respect du livre qu'on leur a ou non inculqué.
Mais chez les adultes, il en va de même, il y a des gens qui respectent une oeuvre, quelle qu'elle soit et ceux qui se permettent d'imaginer une autre version, qui réécrivent le texte, changent le caractère des personnages etc.
Eh bien ici c'est pareil !
Pourquoi inventer des choses qui ne sont pas dans le texte ?
Pourquoi, tout simplement ajouter au texte ?
La réponse est simple : par orgueil, par pure prétention !
C'est d'autant plus évident lorsqu'on voit quelqu'un comme JLG ne faire aucune distinction entre le texte cité et sa prose !
Au fond, c'est du pur mépris pour le texte et son auteur puisque cela sous entend que ce qui est écrit n'est pas complet, ne se suffit pas à lui même, qu'il faut en rajouter !
Ce forum est de moins en moins un lieu de dialogue et de plus en plus une arène où des gens bouffis d'orgueil étalent leur prose sans souffrir le moindre commentaire.
PARTI SANS LAISSER D'ADRESSE
Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 09 août23, 02:25- Il est toujours intéressant de se regarder dans le miroir!
- C'est toujours plus facile de regarder les autres dans le miroir!
- Seulement c'est son propre miroir!
- Donc tout est faussé!
- Il faut d'abord apprendre à faire la paix avec soi-même!
- C'est pas facile!
- Il faut tout remettre à plat!
- Et là, il y a un sacré boulot!
- c'est pas gagné!
- C'est toujours plus facile de regarder les autres dans le miroir!
- Seulement c'est son propre miroir!
- Donc tout est faussé!
- Il faut d'abord apprendre à faire la paix avec soi-même!
- C'est pas facile!
- Il faut tout remettre à plat!
- Et là, il y a un sacré boulot!
- c'est pas gagné!
Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 09 août23, 02:34En effet on est dans le monologue n'admettant aucune remise en question et étant fermé aux remarques dûment étayées par les Saints Livres.
La plupart des forums religieux ont fermé à cause de cela et celui-ci va suivre le même chemin faute de vrais dialogues.
Pour ma part, ce sera, je pense ma dernière année parmi les "monologueurs" incorrigibles et falsificateurs à souhait.
Tant pis, puisque on laisse les menteurs prospérer, il va de soi que les véridiques finissent par quitter le navire.
La plupart des forums religieux ont fermé à cause de cela et celui-ci va suivre le même chemin faute de vrais dialogues.
Pour ma part, ce sera, je pense ma dernière année parmi les "monologueurs" incorrigibles et falsificateurs à souhait.
Tant pis, puisque on laisse les menteurs prospérer, il va de soi que les véridiques finissent par quitter le navire.
Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 09 août23, 02:37- Il faut arrêter de fumer la moquette!
- Il s'agit d'un texte d'un historien!
- Il faut peut être revenir sur terre!
- définition d"un historien:
Spécialiste de l'histoire ; auteur de travaux historiques.
Le nouveau testament et les droits de l’Antiquité
Jean Dauvillier
Marie-Bernadette Bruguière (ed.)
Études d’histoire du droit et des idées politiques
Presses de l’Université Toulouse Capitole, Presses de l’Université des Sciences sociales de Toulouse
« Cet ouvrage offert grâce au labeur de Marie-Bernadette Bruguière, et à l’aide de l’Université dans laquelle Jean Dauvillier avait accompli une carrière de plus de quarante ans, s’ajoutant aux Temps apostoliques, et aux innombrables études d’histoire du droit et d’histoire des Églises orientales, invite à méditer sur l’étendue des connaissances et la perspicacité d’un maître qui figure au premier rang d’une génération d’historiens du droit d’une exceptionnelle valeur… À ces exemples qui valent pour tous ceux qui aiment et respectent la culture, “qu’ils croient au Ciel ou qu’ils n’y croient pas”, s’ajoutent, pour les premiers, des leçons d’une autorité singulière.
Jean Dauvillier a œuvré, par ses travaux, pour faire connaître les richesses de ces Églises d’Orient, dont les pontificats récents ont proclamé la valeur et déploré les épreuves. En étudiant, avec son impeccable science de juriste, les textes du Nouveau Testament, Jean Dauvillier a montré, mieux que tout autre, que les enseignements de Jésus s’inscrivaient dans le cadre d’une culture juridique héritée des anciens droits des contrées orientales. Ses démonstrations concourent à consolider la foi des chrétiens dans la réalité des enseignements de Jésus, et dans l’organisation de l’Église à partir de ses préceptes… »
(Extrait de la préface de Germain Sicard)
- Il s'agit d'un texte d'un historien!
- Il faut peut être revenir sur terre!
- définition d"un historien:
Spécialiste de l'histoire ; auteur de travaux historiques.
Le nouveau testament et les droits de l’Antiquité
Jean Dauvillier
Marie-Bernadette Bruguière (ed.)
Études d’histoire du droit et des idées politiques
Presses de l’Université Toulouse Capitole, Presses de l’Université des Sciences sociales de Toulouse
« Cet ouvrage offert grâce au labeur de Marie-Bernadette Bruguière, et à l’aide de l’Université dans laquelle Jean Dauvillier avait accompli une carrière de plus de quarante ans, s’ajoutant aux Temps apostoliques, et aux innombrables études d’histoire du droit et d’histoire des Églises orientales, invite à méditer sur l’étendue des connaissances et la perspicacité d’un maître qui figure au premier rang d’une génération d’historiens du droit d’une exceptionnelle valeur… À ces exemples qui valent pour tous ceux qui aiment et respectent la culture, “qu’ils croient au Ciel ou qu’ils n’y croient pas”, s’ajoutent, pour les premiers, des leçons d’une autorité singulière.
Jean Dauvillier a œuvré, par ses travaux, pour faire connaître les richesses de ces Églises d’Orient, dont les pontificats récents ont proclamé la valeur et déploré les épreuves. En étudiant, avec son impeccable science de juriste, les textes du Nouveau Testament, Jean Dauvillier a montré, mieux que tout autre, que les enseignements de Jésus s’inscrivaient dans le cadre d’une culture juridique héritée des anciens droits des contrées orientales. Ses démonstrations concourent à consolider la foi des chrétiens dans la réalité des enseignements de Jésus, et dans l’organisation de l’Église à partir de ses préceptes… »
(Extrait de la préface de Germain Sicard)
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Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 09 août23, 02:42Justement, je m'applique moi même cette rêgle de respecter le texte et de citer clairement les textes sur lesquels je m'appuie.
Je le faisais lorsque j'étais croyant, je continue à le faire.
D'autre part, je n'ai aucune prétention de détenir une quelconque vérité, je me réfère simplement à la réalité des textes.
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Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 09 août23, 02:51- Il faut peut-être retourner à l'école pour apprendre à lire!
- Le lien est au début du copier coller!
https://books.openedition.org/putc/13122?lang=es
- Pourquoi copier des passages écrits par d'autres?
- Pour amener à la réflexion!
- Dans ce cas, il s'agit d'un spécialiste!
- Dans tous les cas, tout ce qui est écrit par les humains peut avoir des inexactitudes!
- Ce n'est pas le problème!
- Ce qui importe c'est pouvoir amener à réfléchir!
- Tout le monde peut se tromper!
- Le dialogue amène à réfléchir à des aspects que l'on n'aurait pas aborder!
- Il faut mieux se tromper que de ne rien dire ou croire qu'on sait tout!
- Le lien est au début du copier coller!
https://books.openedition.org/putc/13122?lang=es
- Pourquoi copier des passages écrits par d'autres?
- Pour amener à la réflexion!
- Dans ce cas, il s'agit d'un spécialiste!
- Dans tous les cas, tout ce qui est écrit par les humains peut avoir des inexactitudes!
- Ce n'est pas le problème!
- Ce qui importe c'est pouvoir amener à réfléchir!
- Tout le monde peut se tromper!
- Le dialogue amène à réfléchir à des aspects que l'on n'aurait pas aborder!
- Il faut mieux se tromper que de ne rien dire ou croire qu'on sait tout!
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Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 09 août23, 03:48Le problème est simple, si la Bible, ne donne pas de précisions sur la nature de la citoyenneté romaine de Paul, sur sa mort, sur son âge etc. c'est bien que ces renseignements sont considérés par l'auteur (qui se trouve être Dieu qui inspire les rédacteurs pour les chrétiens) a jugé ces détails sans aucun intérêt.
D'autre part, je sais justement lire et je vois dans la citation qu'il s'agit essentiellement de suppositions, de possibilités et en aucun cas d'affirmations.
D'autre part, je sais justement lire et je vois dans la citation qu'il s'agit essentiellement de suppositions, de possibilités et en aucun cas d'affirmations.
Cerise sur le gâteau, dans tous les cas, il s'agit d'une supposition, aucun âge n'est donné nulle part à ce sujet..... Quel intérêt d'ailleurs ? Aucun de mon point de vue, ce qui n'est pas important mais, surtout, aucun du point de vue de l'auteur de la Bible !
PARTI SANS LAISSER D'ADRESSE
Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 09 août23, 12:52https://www.cursillos.ca/action/st-paul ... cation.htm
8- L'éducation de Paul
Paul a bénéficié d'une formation intellectuelle longue et sérieuse qui lui a permis de lutter contre l’étroitesse d’esprit et la bigoterie mesquine.
Tout d’abord, il a reçu une éducation biblique non seulement au sein de sa famille, mais aussi à l’école de la synagogue. En milieu grec - c'est le cas à Tarse - l'éducation s'accompagnait de l'apprentissage des langues. Paul avait les catégories mentales pour se faire comprendre dans ce monde très diversifié. En sa première épitre aux Corinthiens (14,11) il écrira : « Si j’ignorais la valeur du langage, je ferais l’effet d’un Barbare à celui qui me parlerait ».
Les épitres de Paul manifestent une bonne connaissance des catégories de la rhétorique grecque, spécialement dans l'utilisation de l’antithèse et de la diatribe. (Romains 2, 1-6 et 10, 6-8). Elles témoignent également de sa grande capacité d'appliquer les Écritures à de nouvelles situations de la vie courante.
Le premier cycle de son éducation terminé, son père l’envoie à Jérusalem afin d'y poursuivre des études religieuses sous la direction du plus grand maître juif de son temps, Gamaliel l'Ancien. C'est celui-là même qui fait une brève apparition dans le récit de saint Luc, prêchant la modération au grand conseil du Sanhédrin, qui se disposait à anéantir le mouvement chrétien : «Israélites, prenez bien garde à ce que vous allez faire dans le cas de ces gens... Je vous le dis, ne vous occupez plus d’eux et laissez-les aller ! Si c'est des hommes que vient leur résolution ou leur entreprise, elle disparaîtra d'elle-même ; si c'est de Dieu, vous ne pourrez pas la faire disparaître. N'allez pas risquer de vous trouver en guerre avec Dieu!» (Actes 5, 35-39) Le fanatisme de Paul envers les premiers chrétiens ne venait donc pas de son maître vénéré!
Paul évoquera plus tard ses années d'apprentissage à Jérusalem : « C'est ici, dans cette ville, que j'ai été élevé et que j'ai reçu aux pieds de Gamaliel une formation strictement conforme à la Loi de nos pères. » (Actes 22, 3)
À Jérusalem, Paul habitait probablement chez sa soeur. Nous savons qu'elle avait un fils qui, le moment venu, viendra au secours de son oncle en danger. (Actes 23, 12-22)
Chaque samedi, jour du sabbat, Paul fréquentait la synagogue. Au premier siècle, il y avait, semble-t-il, 480 synagogues à Jérusalem. Chaque région du monde avait la sienne, un peu comme à Rome aujourd’hui, où chaque pays a son église nationale. Les synagogues étaient des lieux de prière, de prédication et d'enseignement. Certaines offraient des locaux avec salles de bain pour les étrangers de passage. Dans quelques-unes d’entre elles, on trouvait des prisons souterraines où l'on faisait subir les peines synagogales, spécialement celle du fouet. Au cours de ses voyages missionnaires, à cinq reprises Paul sera condamné aux « 39 coups de fouet » des prisons juives. Dans toutes les synagogues, en particulier dans celle de Cilicie où Paul se rendait chaque sabbat, on discutait régulièrement de Jésus de Nazareth et de ses adeptes.
Grâce à ses études à Tarse et à Jérusalem, Paul était devenu un grand connaisseur de la Bible. Il la cite plus de deux cents fois dans ses lettres. Après sa rencontre avec le Christ sur le chemin de Damas, la connaissance des Écritures lui permettra de réinterpréter l’histoire du salut et d’accepter Jésus-Christ comme Messie et Sauveur.
Pour les Juifs, les Écritures étaient ce qu’il y a de plus précieux. Lors de la destruction du Temple de Jérusalem par les soldats de Titus, en l’an 70, les Juifs abandonnèrent les ustensiles en or et en argent utilisés pour les sacrifices, les lampes et les candélabres, et plein d’autres objets précieux, pour sauver les rouleaux des Écritures. La Bible était pour eux le véritable trésor du Temple et ce fut le seul qui échappa aux flammes et à la destruction.
tisserand
Une formation au métier de fabricant de tentes (métier de son père) lui permettra
de gagner sa vie
En plus de ses études académiques, Paul a reçu de sa famille et selon la tradition juive, une formation manuelle qui lui permettra de gagner sa vie. Chez les Juifs, contrairement aux Romains et aux Grecs, le travail manuel était apprécié et respecté. La tradition pharisienne prescrivait à un père d'enseigner à son fils une activité manuelle. Le père de Paul insista pour qu’il apprenne le métier de fabricant de tentes. C’était un métier très en vogue à Tarse et son père voulait probablement préparer son fils à prendre la relève de la petite entreprise familiale. La prospérité de Tarse provenait des métiers du textile. Outre les étoffes brodées, les rudes tissus en poils de chèvre étaient l'une des spécialités de la Cilicie.
La société antique avait un grand besoin de toiles et de tentes. Il en fallait dans toutes les circonstances de la vie : abri pour une seule personne ou pour une famille, bâches pour chariots et bateaux, et immenses tentes d'apparat, semblables à nos chapiteaux, qui pouvaient abriter jusqu'à quatre cents personnes.
Dans sa jeunesse, Paul ne pouvait prévoir qu'il serait un jour obligé d’exercer son métier de fabricant de tentes pour survivre. Ce genre de travail lui permettra de rencontrer plusieurs de ses futurs collaborateurs de l'évangile. Pendant ses voyages missionnaires, il entrera en relation avec bon nombre d’artisans et de commerçants du textile : Lydie, marchande de pourpre à Philippes, Aquilas et Prisca à Corinthe, et à Éphèse des teinturiers ou des négociants de laine.
Heureusement que ce fils de pharisien s'était appliqué dès sa jeunesse à apprendre le métier de tisserand. Il a pu l’exercer en Arabie, comme il le fera plus tard tout au long de ses voyages missionnaires. Cela le rendra indépendant de toute aide étrangère.
Dans sa jeunesse, Paul a donc bénéficié d’une solide éducation. Citoyen de Tarse, connaisseur de la Bible, parlant plusieurs langues, tisserand d’expérience, disciple de Gamaliel, leader de naissance, membre actif de sa communauté, formé pour succéder à son père, tout ceci le situe parmi l'élite de la société au plan de l'éducation, du pouvoir et de l'autorité. Dans un monde où la très grande majorité des gens ne savait ni lire ni écrire, il appartenait à une classe à part. Paul avait devant lui un avenir prometteur et la perspective d'une brillante carrière. L'irruption de Jésus dans sa vie viendra bouleverser cette situation privilégiée. Lui-même dira plus tard : «A cause de lui j'ai accepté de tout perdre, je considère tout comme déchets, afin de gagner le Christ et d'être trouvé en lui.» (Philémon 3,8).
Ajouté 4 minutes 39 secondes après :
9- Meurtre au nom de la religion
Après avoir terminé ses études chez Gamaliel, son maître vénéré, Paul était retourné à Tarse pour revenir à Jérusalem quelques années plus tard. (Actes 7, 58)
Si nous acceptons l'année 30 comme l'année de la mort de Jésus, et si nous laissons quelques temps d'intervalle pour permettre à la jeune Église chrétienne de se développer et de s'organiser, nous pouvons alors fixer vers l'an 33 le retour de Paul à Jérusalem.
Dans la petite communauté des disciples du Christ, Étienne avait été choisi pour être l'un des sept diacres chargés d’aider ceux et celles dans le besoin. Accusé d'avoir prononcé des «paroles blasphématoires contre Moïse et contre Dieu », il est traduit devant le Sanhédrin.
Ce fut Etienne qui le premier reconnut la signification universelle de l'Église et qui la proclama haut et fort. Selon lui, la Loi et le Temple étaient des étapes nécessaires mais passagères dans l'ordre du salut.
La Loi de Moïse, telle qu’interprétée au temps de Jésus étouffait la vie, alors qu’à l'origine, elle avait été offerte comme un don, comme un cadeau pour « servir la vie » (Romains 7, 12). Elle était devenue une camisole de force. Au Concile de Jérusalem, Pierre dira dans son discours aux participants : «Pourquoi voulez-vous provoquer Dieu en imposant aux disciples non-Juifs un joug que ni nos pères, ni nous-mêmes n'avons pu porter?» (Actes 15, 10)
'indépendance d'Étienne n’a pas tardé à inquiéter la hiérarchie du Temple. Les chrétiens qui se réclamaient du charpentier galiléen n'avait jusqu'ici provoqué que peu de remous. Il avait suffi de faire donner quelques coups de fouet à deux des agitateurs et l'on n'avait plus entendu parler d’eux. Mais cet Etienne était un véritable provocateur! Il semait le discrédit sur l’interprétation de la Loi! Il fut vite condamné à être lapidé.
La mort par lapidation, découlant d'une prescription légale et religieuse, ne requiert aucun bourreau attitré, seulement des hommes ordinaires qui laissent leur haine atteindre son paroxysme jusqu'au déchaînement de leurs instincts les plus sauvages. Chacun s'arme de pierres pour les lancer à toute force sur la cible vivante.
C’est une mise à mort qui une foule prête à lapiders'accompagne d'un jeu d'adresse. Ce genre d’exécution existe encore aujourd’hui. Il y a peu de temps, les Talibans ont lapidé à mort un homme et une femme accusés d’adultère. En Iran, une femme est condamnée au fouet et à la lapidation pour des questions politiques et religieuses. On massacre au nom de la religion! On se souvient du lynchage des noirs aux États-Unis. Les membres du Ku-Klux-Klan, refondé en 1915 par un pasteur méthodiste, faisait de ces meurtres une question de fidélité religieuse!
Les meurtriers sont des gens ordinaires, comme vous et moi, des bonnes personnes remplies de piété, qui assassinent l’un des leurs parce qu’il ose s’éloigner des dogmes établis. Étienne interprète les Écritures d’une façon non orthodoxe et rend témoignage à Jésus Christ. On le met à mort pour ce seul motif. Les responsables de la lapidation avaient déposé leurs vêtements aux pieds d'un jeune homme nommé Saul de Tarse. Et Luc ajoute que « Saul était de ceux qui approuvaient ce meurtre ». (Actes 7, 58 - 8,1)
L’histoire de Paul commence donc par une complicité avec les meurtriers d’Étienne.
Une persécution en règle suivit cette mise à mort : «En ce jour-là, une violente persécution se déchaîna contre l’Église de Jérusalem». (Actes 8, 1) La persécution était dirigée surtout contre les chrétiens de la diaspora.
Peu de temps après la mort d’Étienne, Paul déclarera la guerre à la secte des Nazaréens. Lui-même décrit sa position radicale lorsqu'il affirme devant le tribun de la cohorte romaine, sur les marches de la forteresse Antonia : « J'ai persécuté à mort cette Voie » (Actes 22, 4).
En Actes 26, 1, il dira : «Parcourant toutes les synagogues je voulais, par mes sévices, les forcer à blasphémer et, dans l'excès de ma fureur contre eux, je les poursuivais jusque dans les villes étrangères.»
«Quant à Saul, nous dit saint Luc, il ravageait l’Église; allant de maison en maison, il en arrachait hommes et femmes et les jetait en prison». (Actes 8, 3). «Saul ne respirait toujours que menaces et carnages à l'égard des disciples du Seigneur» (Actes 9, 1).
Pendant cette période, Paul s'estime tellement plus juste et meilleur que les autres qui sont différents de lui. Il veut anéantir la secte des Nazaréens afin de protéger la religion de ses ancêtres.
Paul ne savait pas à ce moment-là qu’il serait bientôt appelé par le Christ à continuer l’oeuvre d’Étienne. Plus tard, lui aussi affirmera que la Loi et le Temple ne sont que des étapes passagères conduisant au salut universel.
La mort violente d’Étienne fut le prix à payer pour que l'Église primitive puisse se libérer du cadre judaïque et national et puisse s’orienter vers un universalisme qui ferait d'elle une Église ouverte à tous. Saint Augustin dira de cette condamnation à mort : « Sans la prière d'Étienne, l'Église n'aurait pas eu de Paul. » (Sermon 382). Étienne n'occupe dans les Actes des Apôtres que deux petits chapitres. Paul, lui, en remplit treize. S'il est difficile de les mettre en parallèle, il est impossible de les séparer. Entre la prière du martyr et la vocation de l'apôtre, le lien est clair.
Ajouté 5 minutes 20 secondes après :
10- Sur le chemin de Damas
Selon Paul de Tarse, la nouvelle secte des chrétiens menaçait la foi d’Israël. En pourchassant ces renégats dangereux, il a voulu protéger ses compatriotes. Il lui paraissait clair que la crucifixion de Jésus prouvait que le Nazaréen était un faux messie et que la fraternité entre les Juifs et les membres d'autres races, tel que prêché par Étienne, ferait disparaître «l’élection unique» du peuple d’Israël. Il nous faut nous rappeler ces considérations pour apprécier à sa juste valeur l'irruption du Christ dans la vie de saint Paul.
Dans l’iconographie chrétienne, particulièrement au Moyen Âge, on voit Paul qui, sur la route de Damas, tombe de son cheval. Au premier siècle, les chevaux étaient rares et ils étaient utilisés surtout par les militaires et par les haut-fonctionnaires romains. Paul voyageait probablement à pied, au milieu d’une «caravane». Soudainement, ce pharisien convaincu se trouve en face de celui qu’il veut éliminer. Par deux fois, il entend prononcer son nom : «Saul ! Saul ! Pourquoi me persécutes-tu ?» Le Christ s’identifie aux chrétiens de son Église. Paul devient aveugle et ce sera l’un des disciples du Seigneur, Ananie, qui lui redonnera la vue. (Actes 9, 10-19)
L’Apôtre n'aura jamais le moindre doute au sujet de ce qu'il a vécu, pendant ces quelques instants, sur le chemin de Damas. Sa conviction demeurera inébranlable: il a réellement rencontré Jésus, le Ressuscité, qui l’a interpelé et a bouleversé sa vie. Lorsqu’il revient à lui, en véritable homme d'action, il demande : «Seigneur, que veux-tu que je fasse?» (Actes 22, 10)
Sans cette apparition du Christ ressuscité, Paul n'aurait jamais pu surmonter le «scandale de la croix». Seule la résurrection pouvait écarter cet obstacle, comme elle l'a fait d’ailleurs pour les autres apôtres.
Tout au long de sa vie, Paul se rappellera cette rencontre. Le Seigneur lui est apparu, non pas sous les traits de celui qui châtie et qui venge, mais avec un visage empreint de miséricorde et de bonté :
«Le jour où apparurent la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes, il ne s’est pas occupé des oeuvres que nous avions pu accomplir, mais, poussé par sa seule miséricorde, il nous a sauvés par le bain de la régénération et de la rénovation en l’Esprit Saint.» (Tite 3, 4-5)
La colère de Dieu contre les hommes s'était transformée en amour plein de tendresse. Les épîtres de Paul, documents uniques dans la littérature mondiale, proclameront cette vérité fondamentale:
«Mais il m'a été fait miséricorde!» (1 Timothée 1, 13)
Paul est saisi en profondeur, dans son coeur et dans son intelligence, par ce Jésus venu révéler l'amour infini de Dieu pour nous. Il découvre alors le mystère du Dieu-incarné, qui se met du côté des faibles, qui s’identifie à chacun d’eux : «Je suis celui que tu persécutes ». Il est renversé par l’amour miséricordieux et gratuit de Dieu, à un moment où rien ne le préparait à cette révélation. C'est au caractère subit de cette rencontre que fait allusion l'étrange parole : «Après tous les disciples, il m'est apparu à moi aussi, comme à l’avorton. » (1 Corinthiens 15, 8).
Au début de 5e siècle, Saint Augustin, qui vivra lui aussi une grande expérience de conversion, dira en parlant du combat de la grâce chez saint Paul : « Elle le jeta par terre pour le relever aussitôt » (Sermon 14).
C'est donc avant tout l'événement du chemin de Damas qui éclaire la vie de S. Paul avec une intensité qui ne faiblira jamais. Sa grande connaissance des Écritures lui fournira ensuite les lumières nécessaires pour trouver un sens à cette rencontre capitale. Les Écritures lui permettront de comprendre et d'harmoniser la révélation de Jésus, Fils de Dieu, avec le Messie souffrant des prophètes.
«L'évangile de Paul» ne lui est donc pas tombé du ciel parfaitement achevé. Il sera le fruit de l'illumination divine, suivie de la prière méditative et de l'étude constante de la Bible. Ses lettres reflètent ce triple caractère. Si nous les lisons dans la suite chronologique de leur rédaction, il est possible de reconnaître assez nettement le développement de la pensée de l’apôtre des nations.
Pour Paul, cette rencontre avec le Christ se résume en un mot : la gratuité! Voilà la clé de lecture de son expérience sur la route de Damas. Cette gratuité a renouvelé de l'intérieur sa relation à Dieu. Dorénavant, elle orientera toute sa vie et le soutiendra dans les crises qui viendront. Elle est la nouvelle source de la spiritualité qui fait jaillir en lui une «énergie puissante» (Colossiens 1, 29), bien plus exigeante que ne l'avait été sa volonté de pratiquer la Loi et d'acquérir sa propre justification.
Il est important de souligner que la conversion de Paul ne s’est pas terminée sur le chemin de Damas. C’est là qu’elle commence. Ça lui prendra toute une vie, jusqu’à sa condamnation à mort dans la capitale de l’Empire, pour terminer cette conversion.
Quand Paul jette un regard sur sa vie, il la voit divisée en deux parties, «la vie sans le Christ» et «la vie dans le Christ». Ce qui s’est passé sur la route de Damas est le grand événement qui les sépare. Après cette rencontre, la vie tumultueuse de Paul connaît un revirement qui l’invite non pas à détruire ceux et celles qui sont différents de lui mais à leur prêcher l’espérance, la réconciliation et la liberté en Dieu-Sauveur.
Paul est comme le marchand dont parle Matthieu au chapitre 13 de son Évangile : ayant trouvé une perle précieuse, il s'aperçoit que tout le reste ne vaut rien. Il est semblable à l'homme qui découvre un trésor caché dans un champ et abandonne tout pour l’acquérir.
«À cause de lui, j’ai accepté de tout perdre, je considère tout comme déchets, afin de gagner le Christ.» (Philippiens 3, 7-8).
La rencontre sur le chemin de Damas produira chez Paul une véritable transfiguration, et lui apportera une grande joie intérieure :
«Je suis rempli de consolation; je déborde de joie au milieu de toutes nos épreuves « (2 Colossiens 7, 4).
Elle l’invitera à la reconnaissance. (cf. Colossiens 1, 12). La joie et l'action de grâce seront les caractéristiques de sa spiritualité. Et l’expérience de Damas l’invitera à la louange de son Seigneur :
«Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, qui, du haut des cieux, nous a comblés de toutes sortes de bénédictions spirituelles dans le Christ» (Éphésiens 1, 3). (Voir 2 Colossiens 1, 3-4).
La rencontre du Christ sur le chemin de Damas est le moment le plus précieux de la vie de Paul. À trois reprises, Luc nous la raconte (Actes 9, 1-19; 22, 4-16; 26, 9-18), car cet événement est un exemple et un modèle de toutes rencontres véritables avec le Christ.
Ajouté 1 minute 53 secondes après :
11- Rupture dans la vie de Paul
Paul découvre le mystère du Christ et l'amour infini et gratuit qu'il lui portePaul est très discret sur ce qui s’est passé sur le chemin de Damas et donne peu d'informations sur sa rencontre avec le Christ. Il affirme cependant que Dieu lui a révélé son Fils, et c'est ce qui est important pour lui. Il parle de cet événement en termes de «révélation» (Galates 2, 2) ou d'«apparition du Seigneur ressuscité» (1 Corinthiens 9, 1 ; 15, 8). Il indique ainsi tout l’aspect intérieur de ce contact avec Dieu.
Le livre des Actes des Apôtres nous donne beaucoup plus de détails sur le sujet. Le chapitre 9, 1-19 relate la conversion de Paul et la même histoire revient au chapitre 22, 6-16 et au chapitre 26, 12-18. Dans chacun de ces textes, les détails sont légèrement différents, mais la trame essentielle de l'histoire reste la même.
Au moment de sa rencontre avec le Christ, Paul n'est pas un incroyant qui découvre Dieu, ni un pécheur qui veut se libérer de ses fautes, de ses négligences ou de son indifférence. Avant cet incident, il avait une conduite exemplaire. Il n'hésite pas à dire lui-même qu'il était «irréprochable à l'égard de la justice de la loi» (Philippiens 3, 5). La conversion et l’appel de Paul n’ont pas provoqué un changement radical dans sa religion juive. Paul est né et a vécu toute sa vie en «fils d’Israël», mais avec la rencontre du Christ, il découvre en Jésus le Messie attendu. Ce qu'on appelle sa conversion n'était pas le passage d’une religion à une autre, mais une nouvelle compréhension des Écritures, grâce à la révélation de Damas.
La conversion de Paul
prend sa source
dans la découverte
de l'amour gratuit
que Dieu lui porte.
Pour Paul, il s’agit d’une rupture dans sa vie et il en assume toutes les conséquences. Il accepte de passer pour un fou aux yeux de la culture grecque et d'être un scandale pour la religion juive, la religion de ses pères! «Alors que les Juifs demandent des signes et les Grecs sont en quête de sagesse, nous proclamons un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens» (1 Corinthiens 1, 22-23),
Rompant avec le monde qu’il connaît, Paul entreprend de le reconstruire sur des bases nouvelles où seront dépassés les rapports de domination fondés sur la race, la religion, la classe sociale ou le sexe. La communauté de foi doit être le germe de cette société nouvelle. En elle naît le «nouvel Adam» et la «nouvelle Ève», l'homme nouveau et la femme nouvelle : «Ce qui importe, c'est la nouvelle création.» (Galates 6, 15). «Si quelqu'un est dans le Christ, il est une créature nouvelle.» (2 Corinthiens 5, 17).
rencontre du Christ ressuscitéAvant cette rencontre de Damas, Paul se considérait maître de sa vie. Maintenant, quelqu’un d’autre la dirige et l’invite à l’action. Le citoyen romain, l'homme libre, le pharisien convaincu se fait «l’esclave du Christ» (Romains 1, 1; Galates 1, 10). Paul ne s'appartient plus. «Dans la vie comme dans la mort, nous appartenons au Seigneur.» (Romains 14,8). Cependant, ce changement d’orientation ne lui enlève pas sa liberté. Au contraire! «C'est pour que nous restions libres, dit-il, que le Christ nous a libérés!» (Galates 5, 1; 2, 4). Paradoxe incroyable!
Paul a trouvé ici le sens de sa vie et, selon lui, rien ne peut le séparer de cet amour infini : «La tribulation, l'angoisse, la persécution, la faim, la nudité, les périls, le glaive?... la mort, la vie, les anges, les principautés, le présent, l'avenir, les puissances, la hauteur ou la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur»
La conversion de Paul prend sa source dans la découverte de l'amour gratuit que Dieu lui porte. Le visage de miséricorde de Jésus éclipse l'image qu'il s'était faite d'un Dieu exigeant à qui on doit avant tout obéissance et soumission.
À partir de ce jour, Paul ne comptera plus sur ses propres forces, ni sur ses «bonnes oeuvres».
Il apprendra à perdre sa suffisance de pharisien irréprochable et à tout
attendre du Christ.
Après cette révélation sur le chemin de Damas, à la lecture des textes d’Isaïe et d’autres textes de l’Ancien Testament, Paul découvre la véritable nature de Dieu. Ce Dieu nous aime jusqu’à offrir sa vie pour nous. La croix qui était objet de scandale devient la preuve de son grand amour. Dieu n’a pas choisi la croix, c’est la méchanceté des hommes qui l’ont condamné à cette mort atroce, mais il a accepté ce supplice infâme par amour pour nous. Il est mort à cause de l’injustice humaine et, comme des millions d’autres, Il est allé jusqu’au bout de notre humanité.
À partir de ce jour, Paul ne comptera plus sur ses propres forces, ni sur ses «bonnes oeuvres». Son assurance et sa confiance, il les mettra désormais en Dieu, et en Dieu seul. Il comprendra que le salut n’est pas le résultat de ses efforts, mais qu’il lui est offert gratuitement en Jésus Christ :«Car ma vie présente..., je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi.» (Galates 2, 20).
Il apprendra à perdre sa suffisance de pharisien irréprochable et à tout attendre du Christ : «Le Seigneur m'a jugé digne de confiance en me prenant à son service, moi qui étais auparavant blasphémateur, persécuteur et violent.» (1 Timothée, 12-13)
romains 3,38Paul se découvre pécheur, mais Jésus ne s'arrête pas à son passé. Il regarde vers le futur et ne pense qu'à ce qu’il peut devenir. Il déclare à Ananie toute la confiance qu’il met en ce pharisien persécuteur : «Cet homme est pour moi un instrument de choix pour porter mon nom devant les nations païennes, les rois et les Israélites». (Actes 9, 15)
Paul consacrera toute sa vie à répondre d’une façon extraordinaire à cette invitation du Christ. Poussé par l’amour inconditionnel de Dieu, il ira jusqu'au bout du monde et jusqu'au bout de la vie. Le Christ avait dit «C'est un feu que je suis venu apporter sur la terre». Paul partage maintenant ce même désir et il pourra désormais dire: «...et comme je voudrais qu'il soit déjà allumé» (Luc 12, 49)
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12- Le désert d’Arabie et la fuite de Damas
Désert d'Arabie - Wadi RumDésert d'Arabie - Wadi Rum. Au sud-est de la Jordanie, près de Petra.
Nous possédons peu d’informations sur les trois années que Paul passa en Arabie, après sa rencontre avec le Christ sur le chemin de Damas. Heureusement, il fut contraint plus tard, à cause des attaques de ses adversaires, de lever un peu le voile sur cette période de sa vie.
Il nous dit qu’après cette rencontre, il ne consulta ni sa famille, ni les dirigeants de l’Église de Jérusalem : «Sur-le-champ, je ne consultai ni la chair ni le sang. Je ne montai pas non plus à Jérusalem» (Galates 1, 16-17).
Pour l’instant, cet événement capital lui suffit. D’ailleurs, s’il était allé à Jérusalem, sa situation vis-à-vis les chrétiens aurait été fort délicate, à cause de ses nombreuses attaques contre les disciples du Christ. Ensuite, il aurait mis sa vie en danger auprès du Sanhédrin pour s’être joint aux disciples du Christ.
Pendant trois ans, Paul approfondit la nouvelle orientation de sa vie.
Paul dit simplement : « Je partis pour l’Arabie. » Le théologien orthodoxe Nicolas Koulomzine considère «cette retraite comme très significative : Paul suit la voie royale de tous les mystiques, il se retire au désert afin de s’isoler, de se retrouver pour un temps, seul avec Dieu. Grâce à ce temps de réflexion, il ressentira l’emprise sur lui de l’Esprit du Seigneur.»
Le trésor du pharaon, un des monuments de Petra, sculté à même le rocherSituée dans le désert de l'actuelle Jordanie, Petra était une ville extraordinaire, surtout à cause de ses nombreux monuments magnifiques sculptés à même le rocher.
«En Arabie», est-il descendu jusqu’à Pétra, la capitale des Nabatéens, ou s’est-il dirigé vers Palmire? On ne peut que spéculer sur les déplacements de Paul pendant ces trois années de réflexion. Le terme «Arabie» s’appliquait alors à toute la péninsule arabique, mais le noyau en était le royaume des Nabathéens, avec sa capitale Petra, véritable nid d’aigle dans le désert, qui contrôlait la route des caravanes. Les ruines gréco-romaines de cette capitale-forteresse sont impressionnantes. L’Arabie comprenait aussi Basra, Homs (Émèse), Amman, et un très grand territoire allant jusqu’aux fleuves de la Mésopotamie, le Tigre et l’Euphrate. Le cheik des Nabatéens, Arétas, roi de Damas et d’une grande partie du territoire d’Arabie, était en guerre avec le roi Hérode Antipas, parce que celui-ci avait répudié sa fille pour épouser Hérodiade, la femme de son frère, celle qui avait demandé la tête de Jean le baptiste. En Arabie, Paul se sentait protégé contre les émissaires juifs, et c’est peut-être la raison pour laquelle il s’est rendu dans cette région désertique.
Pendant trois ans, Paul approfondit la nouvelle orientation de sa vie. Pour clarifier le changement en lui, il utilise des expressions comme «revêtir le Christ Jésus», ou encore «s’approprier les sentiments du Christ Jésus» (Philémon 2, 5).
Il découvre le mystère
de l’amour infini de Dieu
pour nous à travers
la réjection de son peuple
et le scandale de la croix.
Pendant cette période, se poursuit en lui une transformation spirituelle et intellectuelle qui laisse apparaître de plus en plus la théologie paulinienne. Paul parlera alors de «son évangile» : «L’évangile que j’ai annoncé n’est pas à mesure humaine : ce n’est pas non plus d’un homme que je l’ai reçu ou appris, mais par une révélation de Jésus Christ.» (Galates 1, 11-12).
Pendant son séjour en Arabie, à partir des Écritures qu’il connaît par coeur, Paul développe une nouvelle conception du Christ et de la foi. Il comprend alors que le plan universel de Dieu est adressé non seulement aux Juifs mais à toutes les nations. Il découvre aussi le mystère de l’amour infini de Dieu pour nous à travers la réjection de son peuple et le scandale de la croix.
Son évangile est le même que celui des autres apôtres, mais Paul saura le rendre accessible non seulement aux Juifs de la Diaspora mais au monde gréco-romain.
L’idée fondamentale qui lui est révélée à Damas, est celle d’une intervention puissante de Dieu dans l’histoire, en la personne de Jésus venu sauver les hommes et non les condamner. Jésus est l’envoyé du Père, le messager de la bonne nouvelle, le Messie-Sauveur. L’amour que le Seigneur a pour Paul, le persécuteur, est offert à tous. Le Christ est intervenu avec miséricorde dans sa vie et a rendu efficace le salut offert à l’humanité tout entière.
Paul prenait ainsi conscience de la volonté du Christ de faire disparaître la barrière et le mur qui séparaient le judaïsme des autres nations.
Ce qui rejoint Paul
au plus profond de son être,
pendant cette période
de réflexion, c’est
la Croix de Jésus.
Ce qui rejoint Paul au plus profond de son être, pendant cette période de réflexion, c’est la Croix de Jésus, «ce chef-d’oeuvre de l’amour de Dieu». Il la dépeindra aux Galates, il la prêchera aux Corinthiens : «Car je n’ai rien voulu connaître chez vous que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié» (1Corinthiens 2, 2).
Paul est aussi profondément touché par le dépouillement du Christ, et la façon avec laquelle il remplit sa mission : «Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même, prenant la condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme, il s’humilia encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix.» (Philippiens. 2, 6-10).
Pour Paul, être chrétien c’est être conquis par le Christ et être dégagé des cadres étroits d’une seule culture, d’une seule religion, d’une seule nation. Le Christ est le Nouvel Adam, le nouveau prototype de l’humanité. La conception que Paul a du Christ n’est pas le produit d’une spéculation religieuse, mais d’une révélation de 1’Esprit. En Arabie, sa nouvelle théologie a trouvé ses bases.
Après trois ans, Paul retourna à Damas et se présenta à la synagogue. Au grand étonnement des Juifs, il demanda la parole pour démontrer, en s’appuyant sur les textes des Prophètes, que Jésus était le Messie tant attendu et qu'il était vivant. Chez les Juifs orthodoxes, la colère se mit à gronder et Paul fut menacé de mort.
"de nuit, ils le descendirent le long de la muraille"Il se trouva des conjurés qui firent la promesse de tuer «l'apostat», dès qu'il circulerait dans le dédale des rues de la ville. Il fut facile d'acheter les dirigeants de Damas. On fit mettre des gardes à toutes les portes pour se saisir de Paul s’il tentait de s’enfuir : «Au bout d'un certain temps, les Juifs se concertèrent pour le faire périr. Mais Saul eut vent de leur complot. On gardait même les portes de la ville jour et nuit, afin de le faire périr. Alors .les disciples le prirent de nuit et le descendirent dans une corbeille le long de la muraille» (Actes 9, 23-24).
Ceci est la version de Luc qui accuse les Juifs du complot. Paul, de son côté, croit que ce sont les autorités civiles qui en veulent à sa vie : «A Damas, l'ethnarque du roi Arétas faisait garder la ville pour m'arrêter et c'est par une fenêtre, dans un panier, qu'on me laissa glisser le long de la muraille, et ainsi j’échappai à ses mains.» (2 Corinthiens 11, 32)
Cette conspiration contre Paul est probablement orchestrée par les deux groupes, c’est à dire par les Juifs avec l’appui des autorités de la ville.
À partir d’une maison qui appartenait à un chrétien, Paul se blottit dans un grand panier et on le laisse descendre le long du mur au moyen de cordes solides. Arrivé en bas, il se dégage et, après avoir traversé les jardins, les canaux d'irrigation et les cours de fermes, il atteint la route qui conduit vers le Sud, vers la « via maris », la route de la mer. Il se rendra alors à Jérusalem.
Pour Paul, ce fut la première d’une série de nombreuses escapades qui l’obligeront à fuir de ville en ville pour sauver sa vie.
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13- Paul rencontre Pierre et Jacques à Jérusalem
S.Pierre et S.PaulSaints Pierre et Paul (1)
Paul avait tout à apprendre des
faits et gestes du Christ.
Le chef des apôtres était qualifié
pour les lui donner.
Après son séjour de trois ans en Arabie, Paul éprouvait le besoin de rencontrer les disciples du Christ. Il devait apprendre à connaître tout ce que Jésus avait dit sur les routes de la Palestine, pendant la rencontre de la dernière Cène, lors des apparitions après la résurrection, au matin de la Pentecôte. Il avait tout à apprendre des faits et gestes du Christ.
Dans l'intérêt de l'unité chrétienne, il devait aussi s’informer sur la liturgie telle qu'on la pratiquait dans la communauté de Jérusalem et se familiariser avec la tradition concernant le catéchuménat, le baptême, la célébration de la dernière Cène.
Arrivé à Jérusalem, Paul se retrouve cependant dans une situation difficile, aussi bien avec les Juifs orthodoxes qu’avec les Chrétiens. Tous se méfient de lui et l’évitent le plus possible. Une seule personne a alors essayé de comprendre cet homme converti par le Christ : Barnabé. Un helléniste né à Chypre, il a été capable d’apprécier les qualités du bouillant Paul de Tarse. «Arrivé à Jérusalem, Paul essayait de se joindre aux disciples, mais tous avaient peur de lui, ne croyant pas qu'il fût vraiment disciple. Alors Barnabé le prit avec lui, l'amena aux apôtres et leur raconta comment, sur le chemin, Saul avait vu le Seigneur, qui lui avait parlé, et avec quelle assurance il avait prêché à Damas au nom de Jésus.» (Actes 9, 26-27)
saint BarnabéSaint Barnabé(2)
Entre Paul et Barnabé se développa
une des amitiés les plus fécondes
de l'histoire de l'Église.
Barnabé est l'un des personnages les plus sympathiques de l'Église primitive. Il découvre en Paul une grande âme d'apôtre. Sa main amicale intervient pour arracher Paul à son isolement et le présenter aux deux apôtres les plus considérés : Pierre et Jacques. Barnabé jouera un très grand rôle dans la vie de Paul. C'est grâce à lui que l’apôtre des nations entra dans le cercle des disciples et qu’il devint un pilier du christianisme. A la suite de cette rencontre, se développa entre Barnabé et Paul l’une des amitiés les plus fécondes de l'histoire de l'Église.
Paul lui-même ne fait qu'une brève allusion à ces événements : «Après trois ans, je suis monté à Jérusalem pour rendre visite à Céphas et demeurai auprès de lui quinze jours; je n’ai pas vu d’autre apôtre, mais seulement Jacques, le frère du Seigneur.» (Galates 1, 18-19)
Pierre toujours affable et accueillant, homme d'une grande simplicité, l'invita probablement à partager son logis dans la maison hospitalière de Marie, la mère de l'évangéliste Marc, dont Barnabé était l'oncle.
De Pierre, Paul apprit à connaître les paroles de l'institution de l’eucharistie, telles qu'il les rappelle aux Corinthiens. Le chef des apôtres était qualifié pour les lui donner. Nous sommes en présence d'un enseignement authentique et solide de la tradition primitive. Avec Pierre, Paul visita probablement le jardin de Gethsémani. L'épître aux Hébreux, qui est écrite dans l'esprit de l'Apôtre, et qui contient son trésor spirituel, fait allusion à la prière du Seigneur pendant son agonie : «C'est ce Christ qui, aux jours de sa vie mortelle, fit monter des prières et des supplications, accompagnées d'un grand cri et de larmes, vers Celui qui pouvait le sauver de la mort». (Hébreux 5, 7)
Jacques le majeurSaint Jacques, le Majeur (3)
Jacques prit la tête des disciples
de Jésus, à Jérusalem.
Toujours désireux de rester
fidèle aux rituels juifs, il rendra
la mission de Paul difficile
Lors de ces 15 jours à Jérusalem, Paul rencontra aussi Jacques, le frère du Seigneur. Son appartenance à la famille de Jésus ne fait pas de doute et l’influence qu’il a exercée sur l’Église du premier siècle sera considérable. Quand Pierre s’éloignera de Jérusalem, il prendra la tête des disciples de Jésus. Ce chrétien, toujours désireux de rester fidèle aux rituels de son peuple, rendra la mission de Paul difficile. Le jour viendra où il trouvera Jacques et ses disciples sur sa route, acharnés à anéantir les effets de sa prédication. À partir de ses débuts, le christianisme va se diviser et se combattre lui-même.
Après ces quinze jours à Jérusalem, Paul restera en rapports continus avec les disciples de l’Église-mère et il visitera la ville sainte après chacun de ses voyages missionnaires. L'expression «Je vous ai transmis en premier lieu ce que j’avais moi-même reçu» (1 Corinthiens 15, 3) confirme qu'il se fonde sur une tradition solide, celle des apôtres du Seigneur. Paul nous a rapporté avec fidélité certaines paroles de Jésus, comme celles de l'institution de l’eucharistie, de la mission des disciples et de la doctrine du mariage. La parole de Jésus : «Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir», qui n’est pas mentionnée dans les Évangiles, c'est Paul qui l'a conservée (Actes 20, 35).
Il est bien évident que, pendant ces quinze jours à Jérusalem, Paul n'a pas passé tout son temps avec Pierre et Jacques. Il était de caractère expansif et combatif. Il se sentait pressé de rendre témoignage à la vérité reconnue et acquise par lui. La synagogue où Paul se rassemblait avec d’autres Juifs de la diaspora, devint alors le théâtre de débats extrêmement violents. Il s'en fallut de peu qu'il ne soit mis à mort, comme Étienne. Le groupe des disciples du Christ tremblait pour sa vie, mais également pour la leur. Ils avaient évité jusque-là tout conflit avec les pharisiens, dont un nombre assez important était venu les rejoindre.
Paul était un danger pour
cette communauté fragile
et craintive.
Son caractère inégal
et provocateur
risquait de déclencher
une persécution générale
Et voici qu’arrive cet imprudent qui n'admet aucun compromis. Les temps étaient troublés et la petite église de Jérusalem était menacée. Tout différend, tout désaccord se réglait avec le couteau et le poignard. Paul était un danger pour cette communauté fragile et craintive. Son caractère inégal et provocateur risquait de déclencher une persécution générale : «Dès lors il allait et venait avec eux dans Jérusalem, prêchant avec assurance au nom du Seigneur. Il s’adressait aussi aux Hellénistes et discutait avec eux; mais ceux-ci machinaient sa perte. L’ayant su, les frères le ramenèrent à Césarée, d’où ils le firent partir pour Tarse.» (Actes 9, 28-30)
Son action se termina donc par un échec plus cuisant encore que celui de Damas. On l’obligea à quitter la ville et le texte ajoute qu’après le départ de Paul, la communauté chrétienne a joui d’une période de tranquillité : «Cependant les Églises jouissaient de la paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie; elles s’édifiaient et vivaient dans la crainte du Seigneur, et elles étaient comblées de la consolation du Saint Esprit.» (Actes 9, 31)
On défendit à Paul de s'arrêter en route pour visiter les communautés de la côte. «C'est ainsi que je restais inconnu de visage aux communautés de Judée.» De Césarée, Paul traversa à Tyr et Sidon pour se rendre en Séleucie près d'Antioche de Syrie. (Galates 1, 22). Il arriva ensuite à Tarse, sa ville natale.
Échec à Damas, échec à Jérusalem, échec à Césarée, ce n’est pas très reluisant, et ce n’est que le début.
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14- Antioche de Syrie
Antioche de SyrieLa ville d'Antioche au pied de la montagne
Pour comprendre le travail pastoral de Paul, il faut connaître un peu la ville d’Antioche de Syrie, qui a été la base de ses opérations missionnaires. C’est de là que lui et Barnabé ont été envoyés par la petite communauté chrétienne.
Antioche a été fondée trois siècles avant la naissance de Paul par Séleucos Nicator, l’un des généraux d’Alexandre le Grand. Placée au carrefour des routes des caravanes de l’Orient, en relation avec Babylone, la Perse et l’Inde, elle était en contact continu avec le bassin ouest de la Méditerranée. Les commerçants, les banquiers, les armateurs ont été très vite attirés vers ce centre cosmopolite, ruisselant de richesses et de passions. Après la conquête romaine par Pompée, en 64 av. J.C., elle devint la capitale de la province de Syrie.
Troisième ville de l’empire
(après Rome et Alexandrie),
Antioche de Syrie a exercé une influence profonde sur Paul
La ville était complètement entourée d'un mur fortifié, comprenant entre 300 et 400 tours, chef-d'oeuvre de l'architecture gréco-romaine. Antioche était fière de ses installations hydrauliques. Grâce à un réseau de canaux et de conduites qui s'approvisionnaient des montagnes environnantes, l'eau était accessible aussi bien dans les palais des riches que dans les huttes des pauvres, dans les bains publics que dans les bains privés. Seules les villes de Tarse et de Damas pouvaient se vanter d'une telle profusion d'eau courante.
Localisation d'Antioche de Syrie
Antioche est située:
- Au nord-est de la Méditerranée,
- Au nord de la Palestine (Jérusalem) du Liban et de la Jordanie (Damas),
- À l'est de l'île de Chypre et de la Cilicie (Tarse)
C'est à Antioche qu'on frappait les monnaies romaines à l'effigie de l'Empereur. Losque Jésus demanda aux pharisiens: «De qui est cette effigie et son inscription?», il tenait probablement en main une pièce de monnaie frappée à Antioche.
Renan a brossé, dans son style pittoresque, ce tableau d'Antioche :
«C'était un amas inouï de bateleurs, de charlatans, de mimes, de magiciens, de thaumaturges, de sorciers, de prêtres imposteurs; une ville de courses, de jeux, de danses, de processions, de fêtes, de bacchanales, un luxe effréné, toutes les folies de l'Orient, les superstitions les plus malsaines, le fanatisme de l'orgie.»
La population d'Antioche se composait de races et de peuples variés. Au temps de Paul, elle comptait environ 500.000 habitants et était la troisième ville de l’empire après Rome et Alexandrie.
Lorsque Titus rasa le Temple de Jérusalem et détruisit la ville en l’an 70 ap. J.C., Antioche devint le centre de la chrétienté. De 252 à 380 dix conciles s’y sont réunis.
Les trois étapes de la jeune communauté chrétienne en marche vers l'Église universelle, sont caractérisées par les noms : Jérusalem - Antioche - Rome. Antioche qui se trouvait en contact avec toutes les villes importantes de l'Empire était un endroit idéal pour une Église qui voulait se répandre parmi les nations.
En plus d’être une ville commerciale importante, Antioche était un centre intellectuel beaucoup plus dynamique que la ville Jérusalem continuellement agitée et en révolte contre Rome. Mise en tutelle et sous surveillance par les Romains, Jérusalem connaissait une situation économique déplorable.
Après la destruction du Temple
de Jérusalem, Antioche devint
le centre de la chrétienté.
De 252 à 380 dix conciles
s’y sont réunis.
À Antioche, les Juifs formaient une colonie importante. Tous ceux qui aspiraient à une religion sérieuse, spécialement les femmes, se rendaient à la synagogue le jour du sabbat. Le nombre des prosélytes recrutés parmi les non-Juifs, était considérable. Citadelle de la civilisation, la séparation entre les Juifs et les non-Juifs était moins prononcée qu'ailleurs. Ceci a permis la fondation de la première église mixte. Les antiochiens permettaient aux non-Juifs de participer à leur vie de foi!
Cette situation était une cause de préoccupation pour l’Église de Jérusalem. Il fut décidé d’envoyer des observateurs et le choix tomba sur Barnabé comme chef de délégation. On n'aurait guère pu choisir un homme plus qualifié pour cette mission délicate. Barnabé à la stature imposante, au visage et au regard reflétant la bonté, aux gestes tranquilles, disposait d'un jugement solide, qui ne confond pas l'accidentel avec l'essentiel.
Après sa visite officielle, Barnabé décida de demeurer à Antioche. C’est lui qui, un peu plus tard, ira chercher Paul à Tarse, pour l’inviter à travailler avec lui dans cette ville cosmopolite de l’Empire.
L’église d’Antioche se considérait de plus en plus comme un poste avancé de la mission chrétienne. Quinze ans à peine s’étaient écoulés depuis la mort du Seigneur, et déjà une série de communautés nouvellement fondées longeaient la vallée de l'Oronte et le littoral syro-phénicien, tel «un brillant collier de perles». Jérusalem aux vieilles traditions sera détruite et Antioche, ville ouverte à tous les courants, prendra la relève et ouvrira le christianisme aux nations.
Antioche de Syrie a exercé une influence profonde sur Paul : elle devint, pendant plus de 20 ans, sa patrie d'élection et le point de départ de ses trois grands voyages missionnaires.
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15- Barnabé et Paul à Antioche
Paul et Barnabé à AntiocheD'après les Actes des Apôtres, Paul visita Jérusalem pendant 15 jours où il rencontra Pierre et Jacques, et s'installa ensuite à Tarse, sa ville natale. Il y demeura pendant trois ou quatre ans. C'est là que Barnabé vient le chercher pour travailler avec lui: «Barnabé partit alors chercher Saul à Tarse. L’ayant trouvé, il l’amena à Antioche. Toute une année durant ils vécurent ensemble dans l’Église et y instruisirent une foule considérable. C’est à Antioche que, pour la première fois, les disciples reçurent le nom de chrétiens.» (Actes 11, 25-26)
Le nom de «chrétiens», ne vint donc pas des Juifs qui les appelaient les «nazaréens», ainsi que le font encore de nos jours les peuples de langue sémitique. Les chrétiens eux-mêmes se désignaient par les noms suivants : frères, saints, croyants, disciples, membres de la Voie. Ils ont bien accueilli ce nouveau nom et se sont empressés de l'adopter. Il exprimait ce que leur nouvelle foi avait de plus profond : ils étaient les «disciples du Christ».
À Antioche, il se créa une amitié profonde entre Barnabé et Paul. Elle aura des conséquences durables dans la vie de l’apôtre. Ils travaillèrent au sein de la jeune communauté, encore tout imprégnée de la fraîcheur de la foi en Jésus-Christ.
Chaque semaine, le jour du Seigneur, on se réunissait pour la célébration de la Cène. Selon l'exemple donné par le Christ et suivant la coutume des Juifs chrétiens, les agapes (repas fraternel) précédaient la Cène. Rien n'unissait davantage ces gens qu’un repas pris en commun. Lorsque les apôtres se glorifiaient «d'avoir mangé et bu avec le Seigneur» (Actes 10, 41), ils y voyaient un signe d'intimité. Le don le plus précieux de Jésus, l'Eucharistie, il le donna à la fin d'un repas fraternel. Les chrétiens conservèrent pendant longtemps cette double rencontre des agapes et de la Cène du Seigneur.
Sous l'influence de la culture grecque, Paul et Barnabé, ont su ouvrir l'Église d'Antioche au monde de leur temps. Cette Église fut la première à se détacher du judaïsme stricte et à intégrer les non-Juifs dans leur communauté.
Encore aujourd’hui, nous sommes redevables à cette première Église missionnaire d'Antioche, même si elle a maintenant complètement disparu. Aux abords de la ville turque d'Antakya, il n'y a plus qu'une chapelle catholique en ruines dans un jardin envahi par les mauvaises herbes. Elle est fermée depuis qu'il n'y a plus de prêtre résident pour les quelque soixante familles qui assistaient aux offices religieux.
La collaboration entre Paul et Barnabé durera pendant de nombreuses années. Elle s'est nouée à Antioche et, comme nous le verrons plus tard, elle s'est achevée dramatiquement à Antioche. Mais la rupture a été précédée de douze ans de collaboration étroite et fructueuse. Les frères et soeurs de cette Église ont eu raison de les envoyer ensemble en mission.
Etoile de David et CroixIl faut cependant nous rappeler que Barnabé et Paul ne furent pas les premiers à favoriser l’expansion du christianisme. Ce sont surtout les chrétiens dispersés par la persécution de Jérusalem, les artisans et les commerçants judéo-chrétiens qui ont été les premiers instruments de propagande. Au début, cette activité missionnaire ne s'adressait qu'aux Juifs. L’exclusivisme ne provenait pas d’une mauvaise volonté, mais d'une fausse conception du message du Christ. Il manquait aux judéo-chrétiens une vue d'ensemble, large et généreuse de la mission. On se souvient qu’au chapitre 11 des Actes des Apôtres les premiers chrétiens avaient reproché à Pierre d’avoir admis dans l'Église, et sans formalité spéciale, le centurion Corneille ainsi que toute sa famille. Pierre défendit sa décision en rappelant la vision qu'il avait eue, et démontra comment l'Esprit-Saint, en descendant sur ces non-Juifs, avait justifié son action : «Cependant les apôtres et les frères de Judée apprirent que les païens, eux aussi, avaient accueilli la parole de Dieu. Quand donc Pierre monta à Jérusalem, les circoncis le prirent à partie : «Pourquoi, lui demandèrent-ils, es-tu entré chez des incirconcis et as-tu mangé avec eux?» (Actes 11, 1-18)
Les chrétiens conservateurs n’acceptaient pas que les missionnaires permettent aux païens de se joindre à eux s’ils ne devenaient pas d’abord «juifs», en observant les rituels de leurs ancêtres. Ce sera le problème auquel devront faire face Paul et Barnabé tout au long de leurs voyages missionnaires.
Barnabé était né à Chypre et était le cousin de Marc l'Évangéliste. Il ne faisait pas partie du collège des Douze, mais l'Église lui attribua le titre d'apôtre en raison de la participation importante qu'il prit dans la diffusion de la Parole du Christ. Issu d'une famille riche, tout comme Paul, il gagnera sa vie à travailler de ses mains, pour ne pas être à la charge de la communauté. Il mourut martyrisé, vers l’an 60, près de Salamine, sur son île natale.
À Antioche, Paul et Barnabé vivaient en communauté charismatique, jeûnant et priant en compagnie des fidèles de l'Église locale. Paul prêchait dans les synagogues mais aussi - voilà qui est nouveau - ailleurs dans la ville. Une tradition longtemps évoquée, l'a montré parlant près du Panthéon et à des auditoires romanisés. Il enseignait plus volontiers qu'il ne baptisait.
Dépatt de Paul et BarnabéUn jour que plusieurs d’entre eux étaient réunis pour célébrer le jour du Seigneur, ils perçoivent ensemble une invitation qu'ils sentent venu d'ailleurs : «Il y avait dans l'Église établie à Antioche des prophètes et des docteurs : Barnabé, Syméon appelé Niger, Lucius de Cyrène, Manaën, ami d'enfance d'Hérode le tétrarque, et Saul. Or un jour, tandis qu'ils célébraient le culte du Seigneur et jeûnaient, l'Esprit Saint dit : «Mettez-moi donc à part Barnabé et Saul en vue de l'œuvre à laquelle je les ai appelés.» Alors, après avoir jeûné et prié, ils leur imposèrent les mains et les laissèrent à leur mission.» (Actes 13, 1-3)
Pour la troisième fois, Barnabé va jouer un rôle essentiel dans la vie de Paul. Après l'avoir présenté à Pierre et à Jacques à Jérusalem, l’avoir tiré de sa retraite dans la ville de Tarse pour le conduire à Antioche, il va maintenant l’amener en mission dans le pays qu'il connaît le mieux parce qu'il y est né : Chypre. Ils prendront avec eux le jeune Marc, cousin de Barnabé.
Les chrétiens d’Antioche, se sont cotisés pour financer le voyage. Ils leur remirent des lettres de recommandations, afin qu'ils soient bien accueillis dans les synagogues comme délégués officiels de la communauté d'Antioche.
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16- Salamine sur l'île de Chypre
Barnabé, Paul et Marc s'acheminent vers le port d'Antioche. Marc fera parler de lui plus tard, comme rédacteur du premier évangile. Nous sommes au printemps de l’an 45.
Paul et Barnabé près d'un bateauNos trois voyageurs et tous les autres passagers, devaient se munir de nourriture pour l'ensemble du voyage ; le capitaine ne fournissait que l'eau potable. Pour ce voyage d’Antioche à Salamis, on devait prévoir une trentaine d'heures accroupis sur le pont parmi la marchandise et les nombreux animaux qui mugissaient continuellement.
Durant toute l'Antiquité, les voyageurs ont privilégié le transport par mer, infiniment plus rapide et moins épuisant que le voyage terrestre, mais ils en connaissaient bien les dangers. C’est pourquoi on suivait certaines règles élémentaires pour éviter les naufrages. La première de ces règles voulait que l’on ne navigue que pendant la belle saison - de mai à septembre -, afin d’éviter les vents qui conduisaient à la catastrophe. Les textes du temps condamnent l'avidité des armateurs qui surchargent les navires en marchandises et passagers, et naviguent pendant les périodes dangereuses de «mer close» (fin d’automne et hiver). En 64, l’historien Flavius Josèphe a fait naufrage dans la mer Adriatique, parce que son bateau avait embarqué six cents passagers, dépassant de beaucoup la capacité du navire, et avait navigué pendant la période de «mare clausum».
Premier voyage - SalamineLe point d’arrivée était Salamis, le port de Salamine, ville natale de Barnabé. Là se trouvait une communauté juive importante.
Au loin, nos trois voyageurs aperçoivent les falaises de Chypre et les maisons blanches qui se découpent sur le ciel bleu. Bien que territoire romain depuis l’année 58 av. J.-C., l'île a retenu son caractère presque totalement grecque, par sa langue, sa culture, son écriture et son cadre de vie. Paul se retrouve donc en territoire familier et Barnabé met les pieds sur «son île.» Il est permis de penser que Barnabé et Marc avaient de la parenté et des amis dans l’île.
Pour Paul et Barnabé, ce premier voyage missionnaire durera environ quatre ans. Pendant cette période, ils donneront peu de nouvelles à leur communauté de base d’Antioche, les moyens de communications étant restreints et assez primitifs.
Les Actes des apôtres racontent cette «première mission» des deux voyageurs aux chapitres 13 et 14. Le récit, très postérieur aux événements, simplifie la mission et l’amplifie en même temps. Il donne tout de même une image éclairante. Pendant le voyage, Paul nous dévoile ses méthodes, son message et son caractère, mais il demeure le missionnaire envoyé par la communauté d'Antioche, à laquelle il rendra compte à son retour.
Sur l’île de Chypre, bon nombre de Juifs travaillaient dans les mines de cuivre auxquelles l’île devait son nom. Les membres de la diaspora chypriote avaient déjà rompu avec la règle des synagogues de ne s'adresser qu'aux Juifs : «Ceux-là donc qui avaient été dispersés lors de la tribulation survenue à l'occasion de la mort d’Étienne poussèrent jusqu'en Phénicie, à Chypre et à Antioche, mais sans prêcher la parole à d'autres qu'aux Juifs. Il y avait toutefois parmi eux quelques Chypriotes et Cyrénéens qui, venus à Antioche, s'adressaient aussi aux Grecs, leur annonçant la Bonne Nouvelle du Seigneur Jésus. La main du Seigneur les secondait, et grand fut le nombre de ceux qui devinrent croyants et se convertirent au Seigneur.» (Actes 11, 19-21).
Paul prêche dans les synagoguesPaul prêchant dans la synagogue. Une mosaïque du 12e siècle.
Les trois missionnaires mirent pied à terre à Salamis, à 50 km au Nord de Salamine. C'était le plus grand port marchand de l’île. Il n'en reste aujourd’hui qu'un champ de ruines très étendu, près de Famagouste.
«Arrivés à Salamine, ils annonçaient la parole de Dieu dans les synagogues des juifs.»(Actes 8,5)
Paul suivit ici le plan habituel qu’il adoptera tout au long de ses voyages missionnaires : commencer par la synagogue dans laquelle, en qualité de rabbi distingué et d'élève de Gamaliel, on l’invitait volontiers à prendre la parole. Les Juifs de la Diaspora vont ainsi se révéler un appui important comme agents principaux de l'expansion du christianisme.
Cependant très souvent, comme nous le verrons au cours de ces voyages, l'affaire tourne mal. Un auditeur se fâche, crie à l'imposture, au sacrilège. Cela se traduit par des violences, allant parfois jusqu'aux châtiments que l'on réserve aux hérétiques, les coups de fouet réglementés par les rabbins ou la flagellation spécifiquement romaine administrée par des licteurs : «Des juifs, dit Paul, j'ai reçu cinq fois les trente-neuf coups, trois fois j'ai été flagellé (par les Romains).» (2 Corinthiens 11, 24)
Salamine est la première Église fondée par Barnabé et Paul. Plus tard, Barnabé y reviendra avec son cousin Marc. C’est d’ailleurs non loin de cette ville que Barnabé sera martyrisé aux alentours de l’an 60.
8- L'éducation de Paul
Paul a bénéficié d'une formation intellectuelle longue et sérieuse qui lui a permis de lutter contre l’étroitesse d’esprit et la bigoterie mesquine.
Tout d’abord, il a reçu une éducation biblique non seulement au sein de sa famille, mais aussi à l’école de la synagogue. En milieu grec - c'est le cas à Tarse - l'éducation s'accompagnait de l'apprentissage des langues. Paul avait les catégories mentales pour se faire comprendre dans ce monde très diversifié. En sa première épitre aux Corinthiens (14,11) il écrira : « Si j’ignorais la valeur du langage, je ferais l’effet d’un Barbare à celui qui me parlerait ».
Les épitres de Paul manifestent une bonne connaissance des catégories de la rhétorique grecque, spécialement dans l'utilisation de l’antithèse et de la diatribe. (Romains 2, 1-6 et 10, 6-8). Elles témoignent également de sa grande capacité d'appliquer les Écritures à de nouvelles situations de la vie courante.
Le premier cycle de son éducation terminé, son père l’envoie à Jérusalem afin d'y poursuivre des études religieuses sous la direction du plus grand maître juif de son temps, Gamaliel l'Ancien. C'est celui-là même qui fait une brève apparition dans le récit de saint Luc, prêchant la modération au grand conseil du Sanhédrin, qui se disposait à anéantir le mouvement chrétien : «Israélites, prenez bien garde à ce que vous allez faire dans le cas de ces gens... Je vous le dis, ne vous occupez plus d’eux et laissez-les aller ! Si c'est des hommes que vient leur résolution ou leur entreprise, elle disparaîtra d'elle-même ; si c'est de Dieu, vous ne pourrez pas la faire disparaître. N'allez pas risquer de vous trouver en guerre avec Dieu!» (Actes 5, 35-39) Le fanatisme de Paul envers les premiers chrétiens ne venait donc pas de son maître vénéré!
Paul évoquera plus tard ses années d'apprentissage à Jérusalem : « C'est ici, dans cette ville, que j'ai été élevé et que j'ai reçu aux pieds de Gamaliel une formation strictement conforme à la Loi de nos pères. » (Actes 22, 3)
À Jérusalem, Paul habitait probablement chez sa soeur. Nous savons qu'elle avait un fils qui, le moment venu, viendra au secours de son oncle en danger. (Actes 23, 12-22)
Chaque samedi, jour du sabbat, Paul fréquentait la synagogue. Au premier siècle, il y avait, semble-t-il, 480 synagogues à Jérusalem. Chaque région du monde avait la sienne, un peu comme à Rome aujourd’hui, où chaque pays a son église nationale. Les synagogues étaient des lieux de prière, de prédication et d'enseignement. Certaines offraient des locaux avec salles de bain pour les étrangers de passage. Dans quelques-unes d’entre elles, on trouvait des prisons souterraines où l'on faisait subir les peines synagogales, spécialement celle du fouet. Au cours de ses voyages missionnaires, à cinq reprises Paul sera condamné aux « 39 coups de fouet » des prisons juives. Dans toutes les synagogues, en particulier dans celle de Cilicie où Paul se rendait chaque sabbat, on discutait régulièrement de Jésus de Nazareth et de ses adeptes.
Grâce à ses études à Tarse et à Jérusalem, Paul était devenu un grand connaisseur de la Bible. Il la cite plus de deux cents fois dans ses lettres. Après sa rencontre avec le Christ sur le chemin de Damas, la connaissance des Écritures lui permettra de réinterpréter l’histoire du salut et d’accepter Jésus-Christ comme Messie et Sauveur.
Pour les Juifs, les Écritures étaient ce qu’il y a de plus précieux. Lors de la destruction du Temple de Jérusalem par les soldats de Titus, en l’an 70, les Juifs abandonnèrent les ustensiles en or et en argent utilisés pour les sacrifices, les lampes et les candélabres, et plein d’autres objets précieux, pour sauver les rouleaux des Écritures. La Bible était pour eux le véritable trésor du Temple et ce fut le seul qui échappa aux flammes et à la destruction.
tisserand
Une formation au métier de fabricant de tentes (métier de son père) lui permettra
de gagner sa vie
En plus de ses études académiques, Paul a reçu de sa famille et selon la tradition juive, une formation manuelle qui lui permettra de gagner sa vie. Chez les Juifs, contrairement aux Romains et aux Grecs, le travail manuel était apprécié et respecté. La tradition pharisienne prescrivait à un père d'enseigner à son fils une activité manuelle. Le père de Paul insista pour qu’il apprenne le métier de fabricant de tentes. C’était un métier très en vogue à Tarse et son père voulait probablement préparer son fils à prendre la relève de la petite entreprise familiale. La prospérité de Tarse provenait des métiers du textile. Outre les étoffes brodées, les rudes tissus en poils de chèvre étaient l'une des spécialités de la Cilicie.
La société antique avait un grand besoin de toiles et de tentes. Il en fallait dans toutes les circonstances de la vie : abri pour une seule personne ou pour une famille, bâches pour chariots et bateaux, et immenses tentes d'apparat, semblables à nos chapiteaux, qui pouvaient abriter jusqu'à quatre cents personnes.
Dans sa jeunesse, Paul ne pouvait prévoir qu'il serait un jour obligé d’exercer son métier de fabricant de tentes pour survivre. Ce genre de travail lui permettra de rencontrer plusieurs de ses futurs collaborateurs de l'évangile. Pendant ses voyages missionnaires, il entrera en relation avec bon nombre d’artisans et de commerçants du textile : Lydie, marchande de pourpre à Philippes, Aquilas et Prisca à Corinthe, et à Éphèse des teinturiers ou des négociants de laine.
Heureusement que ce fils de pharisien s'était appliqué dès sa jeunesse à apprendre le métier de tisserand. Il a pu l’exercer en Arabie, comme il le fera plus tard tout au long de ses voyages missionnaires. Cela le rendra indépendant de toute aide étrangère.
Dans sa jeunesse, Paul a donc bénéficié d’une solide éducation. Citoyen de Tarse, connaisseur de la Bible, parlant plusieurs langues, tisserand d’expérience, disciple de Gamaliel, leader de naissance, membre actif de sa communauté, formé pour succéder à son père, tout ceci le situe parmi l'élite de la société au plan de l'éducation, du pouvoir et de l'autorité. Dans un monde où la très grande majorité des gens ne savait ni lire ni écrire, il appartenait à une classe à part. Paul avait devant lui un avenir prometteur et la perspective d'une brillante carrière. L'irruption de Jésus dans sa vie viendra bouleverser cette situation privilégiée. Lui-même dira plus tard : «A cause de lui j'ai accepté de tout perdre, je considère tout comme déchets, afin de gagner le Christ et d'être trouvé en lui.» (Philémon 3,8).
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9- Meurtre au nom de la religion
Après avoir terminé ses études chez Gamaliel, son maître vénéré, Paul était retourné à Tarse pour revenir à Jérusalem quelques années plus tard. (Actes 7, 58)
Si nous acceptons l'année 30 comme l'année de la mort de Jésus, et si nous laissons quelques temps d'intervalle pour permettre à la jeune Église chrétienne de se développer et de s'organiser, nous pouvons alors fixer vers l'an 33 le retour de Paul à Jérusalem.
Dans la petite communauté des disciples du Christ, Étienne avait été choisi pour être l'un des sept diacres chargés d’aider ceux et celles dans le besoin. Accusé d'avoir prononcé des «paroles blasphématoires contre Moïse et contre Dieu », il est traduit devant le Sanhédrin.
Ce fut Etienne qui le premier reconnut la signification universelle de l'Église et qui la proclama haut et fort. Selon lui, la Loi et le Temple étaient des étapes nécessaires mais passagères dans l'ordre du salut.
La Loi de Moïse, telle qu’interprétée au temps de Jésus étouffait la vie, alors qu’à l'origine, elle avait été offerte comme un don, comme un cadeau pour « servir la vie » (Romains 7, 12). Elle était devenue une camisole de force. Au Concile de Jérusalem, Pierre dira dans son discours aux participants : «Pourquoi voulez-vous provoquer Dieu en imposant aux disciples non-Juifs un joug que ni nos pères, ni nous-mêmes n'avons pu porter?» (Actes 15, 10)
'indépendance d'Étienne n’a pas tardé à inquiéter la hiérarchie du Temple. Les chrétiens qui se réclamaient du charpentier galiléen n'avait jusqu'ici provoqué que peu de remous. Il avait suffi de faire donner quelques coups de fouet à deux des agitateurs et l'on n'avait plus entendu parler d’eux. Mais cet Etienne était un véritable provocateur! Il semait le discrédit sur l’interprétation de la Loi! Il fut vite condamné à être lapidé.
La mort par lapidation, découlant d'une prescription légale et religieuse, ne requiert aucun bourreau attitré, seulement des hommes ordinaires qui laissent leur haine atteindre son paroxysme jusqu'au déchaînement de leurs instincts les plus sauvages. Chacun s'arme de pierres pour les lancer à toute force sur la cible vivante.
C’est une mise à mort qui une foule prête à lapiders'accompagne d'un jeu d'adresse. Ce genre d’exécution existe encore aujourd’hui. Il y a peu de temps, les Talibans ont lapidé à mort un homme et une femme accusés d’adultère. En Iran, une femme est condamnée au fouet et à la lapidation pour des questions politiques et religieuses. On massacre au nom de la religion! On se souvient du lynchage des noirs aux États-Unis. Les membres du Ku-Klux-Klan, refondé en 1915 par un pasteur méthodiste, faisait de ces meurtres une question de fidélité religieuse!
Les meurtriers sont des gens ordinaires, comme vous et moi, des bonnes personnes remplies de piété, qui assassinent l’un des leurs parce qu’il ose s’éloigner des dogmes établis. Étienne interprète les Écritures d’une façon non orthodoxe et rend témoignage à Jésus Christ. On le met à mort pour ce seul motif. Les responsables de la lapidation avaient déposé leurs vêtements aux pieds d'un jeune homme nommé Saul de Tarse. Et Luc ajoute que « Saul était de ceux qui approuvaient ce meurtre ». (Actes 7, 58 - 8,1)
L’histoire de Paul commence donc par une complicité avec les meurtriers d’Étienne.
Une persécution en règle suivit cette mise à mort : «En ce jour-là, une violente persécution se déchaîna contre l’Église de Jérusalem». (Actes 8, 1) La persécution était dirigée surtout contre les chrétiens de la diaspora.
Peu de temps après la mort d’Étienne, Paul déclarera la guerre à la secte des Nazaréens. Lui-même décrit sa position radicale lorsqu'il affirme devant le tribun de la cohorte romaine, sur les marches de la forteresse Antonia : « J'ai persécuté à mort cette Voie » (Actes 22, 4).
En Actes 26, 1, il dira : «Parcourant toutes les synagogues je voulais, par mes sévices, les forcer à blasphémer et, dans l'excès de ma fureur contre eux, je les poursuivais jusque dans les villes étrangères.»
«Quant à Saul, nous dit saint Luc, il ravageait l’Église; allant de maison en maison, il en arrachait hommes et femmes et les jetait en prison». (Actes 8, 3). «Saul ne respirait toujours que menaces et carnages à l'égard des disciples du Seigneur» (Actes 9, 1).
Pendant cette période, Paul s'estime tellement plus juste et meilleur que les autres qui sont différents de lui. Il veut anéantir la secte des Nazaréens afin de protéger la religion de ses ancêtres.
Paul ne savait pas à ce moment-là qu’il serait bientôt appelé par le Christ à continuer l’oeuvre d’Étienne. Plus tard, lui aussi affirmera que la Loi et le Temple ne sont que des étapes passagères conduisant au salut universel.
La mort violente d’Étienne fut le prix à payer pour que l'Église primitive puisse se libérer du cadre judaïque et national et puisse s’orienter vers un universalisme qui ferait d'elle une Église ouverte à tous. Saint Augustin dira de cette condamnation à mort : « Sans la prière d'Étienne, l'Église n'aurait pas eu de Paul. » (Sermon 382). Étienne n'occupe dans les Actes des Apôtres que deux petits chapitres. Paul, lui, en remplit treize. S'il est difficile de les mettre en parallèle, il est impossible de les séparer. Entre la prière du martyr et la vocation de l'apôtre, le lien est clair.
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10- Sur le chemin de Damas
Selon Paul de Tarse, la nouvelle secte des chrétiens menaçait la foi d’Israël. En pourchassant ces renégats dangereux, il a voulu protéger ses compatriotes. Il lui paraissait clair que la crucifixion de Jésus prouvait que le Nazaréen était un faux messie et que la fraternité entre les Juifs et les membres d'autres races, tel que prêché par Étienne, ferait disparaître «l’élection unique» du peuple d’Israël. Il nous faut nous rappeler ces considérations pour apprécier à sa juste valeur l'irruption du Christ dans la vie de saint Paul.
Dans l’iconographie chrétienne, particulièrement au Moyen Âge, on voit Paul qui, sur la route de Damas, tombe de son cheval. Au premier siècle, les chevaux étaient rares et ils étaient utilisés surtout par les militaires et par les haut-fonctionnaires romains. Paul voyageait probablement à pied, au milieu d’une «caravane». Soudainement, ce pharisien convaincu se trouve en face de celui qu’il veut éliminer. Par deux fois, il entend prononcer son nom : «Saul ! Saul ! Pourquoi me persécutes-tu ?» Le Christ s’identifie aux chrétiens de son Église. Paul devient aveugle et ce sera l’un des disciples du Seigneur, Ananie, qui lui redonnera la vue. (Actes 9, 10-19)
L’Apôtre n'aura jamais le moindre doute au sujet de ce qu'il a vécu, pendant ces quelques instants, sur le chemin de Damas. Sa conviction demeurera inébranlable: il a réellement rencontré Jésus, le Ressuscité, qui l’a interpelé et a bouleversé sa vie. Lorsqu’il revient à lui, en véritable homme d'action, il demande : «Seigneur, que veux-tu que je fasse?» (Actes 22, 10)
Sans cette apparition du Christ ressuscité, Paul n'aurait jamais pu surmonter le «scandale de la croix». Seule la résurrection pouvait écarter cet obstacle, comme elle l'a fait d’ailleurs pour les autres apôtres.
Tout au long de sa vie, Paul se rappellera cette rencontre. Le Seigneur lui est apparu, non pas sous les traits de celui qui châtie et qui venge, mais avec un visage empreint de miséricorde et de bonté :
«Le jour où apparurent la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes, il ne s’est pas occupé des oeuvres que nous avions pu accomplir, mais, poussé par sa seule miséricorde, il nous a sauvés par le bain de la régénération et de la rénovation en l’Esprit Saint.» (Tite 3, 4-5)
La colère de Dieu contre les hommes s'était transformée en amour plein de tendresse. Les épîtres de Paul, documents uniques dans la littérature mondiale, proclameront cette vérité fondamentale:
«Mais il m'a été fait miséricorde!» (1 Timothée 1, 13)
Paul est saisi en profondeur, dans son coeur et dans son intelligence, par ce Jésus venu révéler l'amour infini de Dieu pour nous. Il découvre alors le mystère du Dieu-incarné, qui se met du côté des faibles, qui s’identifie à chacun d’eux : «Je suis celui que tu persécutes ». Il est renversé par l’amour miséricordieux et gratuit de Dieu, à un moment où rien ne le préparait à cette révélation. C'est au caractère subit de cette rencontre que fait allusion l'étrange parole : «Après tous les disciples, il m'est apparu à moi aussi, comme à l’avorton. » (1 Corinthiens 15, 8).
Au début de 5e siècle, Saint Augustin, qui vivra lui aussi une grande expérience de conversion, dira en parlant du combat de la grâce chez saint Paul : « Elle le jeta par terre pour le relever aussitôt » (Sermon 14).
C'est donc avant tout l'événement du chemin de Damas qui éclaire la vie de S. Paul avec une intensité qui ne faiblira jamais. Sa grande connaissance des Écritures lui fournira ensuite les lumières nécessaires pour trouver un sens à cette rencontre capitale. Les Écritures lui permettront de comprendre et d'harmoniser la révélation de Jésus, Fils de Dieu, avec le Messie souffrant des prophètes.
«L'évangile de Paul» ne lui est donc pas tombé du ciel parfaitement achevé. Il sera le fruit de l'illumination divine, suivie de la prière méditative et de l'étude constante de la Bible. Ses lettres reflètent ce triple caractère. Si nous les lisons dans la suite chronologique de leur rédaction, il est possible de reconnaître assez nettement le développement de la pensée de l’apôtre des nations.
Pour Paul, cette rencontre avec le Christ se résume en un mot : la gratuité! Voilà la clé de lecture de son expérience sur la route de Damas. Cette gratuité a renouvelé de l'intérieur sa relation à Dieu. Dorénavant, elle orientera toute sa vie et le soutiendra dans les crises qui viendront. Elle est la nouvelle source de la spiritualité qui fait jaillir en lui une «énergie puissante» (Colossiens 1, 29), bien plus exigeante que ne l'avait été sa volonté de pratiquer la Loi et d'acquérir sa propre justification.
Il est important de souligner que la conversion de Paul ne s’est pas terminée sur le chemin de Damas. C’est là qu’elle commence. Ça lui prendra toute une vie, jusqu’à sa condamnation à mort dans la capitale de l’Empire, pour terminer cette conversion.
Quand Paul jette un regard sur sa vie, il la voit divisée en deux parties, «la vie sans le Christ» et «la vie dans le Christ». Ce qui s’est passé sur la route de Damas est le grand événement qui les sépare. Après cette rencontre, la vie tumultueuse de Paul connaît un revirement qui l’invite non pas à détruire ceux et celles qui sont différents de lui mais à leur prêcher l’espérance, la réconciliation et la liberté en Dieu-Sauveur.
Paul est comme le marchand dont parle Matthieu au chapitre 13 de son Évangile : ayant trouvé une perle précieuse, il s'aperçoit que tout le reste ne vaut rien. Il est semblable à l'homme qui découvre un trésor caché dans un champ et abandonne tout pour l’acquérir.
«À cause de lui, j’ai accepté de tout perdre, je considère tout comme déchets, afin de gagner le Christ.» (Philippiens 3, 7-8).
La rencontre sur le chemin de Damas produira chez Paul une véritable transfiguration, et lui apportera une grande joie intérieure :
«Je suis rempli de consolation; je déborde de joie au milieu de toutes nos épreuves « (2 Colossiens 7, 4).
Elle l’invitera à la reconnaissance. (cf. Colossiens 1, 12). La joie et l'action de grâce seront les caractéristiques de sa spiritualité. Et l’expérience de Damas l’invitera à la louange de son Seigneur :
«Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, qui, du haut des cieux, nous a comblés de toutes sortes de bénédictions spirituelles dans le Christ» (Éphésiens 1, 3). (Voir 2 Colossiens 1, 3-4).
La rencontre du Christ sur le chemin de Damas est le moment le plus précieux de la vie de Paul. À trois reprises, Luc nous la raconte (Actes 9, 1-19; 22, 4-16; 26, 9-18), car cet événement est un exemple et un modèle de toutes rencontres véritables avec le Christ.
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11- Rupture dans la vie de Paul
Paul découvre le mystère du Christ et l'amour infini et gratuit qu'il lui portePaul est très discret sur ce qui s’est passé sur le chemin de Damas et donne peu d'informations sur sa rencontre avec le Christ. Il affirme cependant que Dieu lui a révélé son Fils, et c'est ce qui est important pour lui. Il parle de cet événement en termes de «révélation» (Galates 2, 2) ou d'«apparition du Seigneur ressuscité» (1 Corinthiens 9, 1 ; 15, 8). Il indique ainsi tout l’aspect intérieur de ce contact avec Dieu.
Le livre des Actes des Apôtres nous donne beaucoup plus de détails sur le sujet. Le chapitre 9, 1-19 relate la conversion de Paul et la même histoire revient au chapitre 22, 6-16 et au chapitre 26, 12-18. Dans chacun de ces textes, les détails sont légèrement différents, mais la trame essentielle de l'histoire reste la même.
Au moment de sa rencontre avec le Christ, Paul n'est pas un incroyant qui découvre Dieu, ni un pécheur qui veut se libérer de ses fautes, de ses négligences ou de son indifférence. Avant cet incident, il avait une conduite exemplaire. Il n'hésite pas à dire lui-même qu'il était «irréprochable à l'égard de la justice de la loi» (Philippiens 3, 5). La conversion et l’appel de Paul n’ont pas provoqué un changement radical dans sa religion juive. Paul est né et a vécu toute sa vie en «fils d’Israël», mais avec la rencontre du Christ, il découvre en Jésus le Messie attendu. Ce qu'on appelle sa conversion n'était pas le passage d’une religion à une autre, mais une nouvelle compréhension des Écritures, grâce à la révélation de Damas.
La conversion de Paul
prend sa source
dans la découverte
de l'amour gratuit
que Dieu lui porte.
Pour Paul, il s’agit d’une rupture dans sa vie et il en assume toutes les conséquences. Il accepte de passer pour un fou aux yeux de la culture grecque et d'être un scandale pour la religion juive, la religion de ses pères! «Alors que les Juifs demandent des signes et les Grecs sont en quête de sagesse, nous proclamons un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens» (1 Corinthiens 1, 22-23),
Rompant avec le monde qu’il connaît, Paul entreprend de le reconstruire sur des bases nouvelles où seront dépassés les rapports de domination fondés sur la race, la religion, la classe sociale ou le sexe. La communauté de foi doit être le germe de cette société nouvelle. En elle naît le «nouvel Adam» et la «nouvelle Ève», l'homme nouveau et la femme nouvelle : «Ce qui importe, c'est la nouvelle création.» (Galates 6, 15). «Si quelqu'un est dans le Christ, il est une créature nouvelle.» (2 Corinthiens 5, 17).
rencontre du Christ ressuscitéAvant cette rencontre de Damas, Paul se considérait maître de sa vie. Maintenant, quelqu’un d’autre la dirige et l’invite à l’action. Le citoyen romain, l'homme libre, le pharisien convaincu se fait «l’esclave du Christ» (Romains 1, 1; Galates 1, 10). Paul ne s'appartient plus. «Dans la vie comme dans la mort, nous appartenons au Seigneur.» (Romains 14,8). Cependant, ce changement d’orientation ne lui enlève pas sa liberté. Au contraire! «C'est pour que nous restions libres, dit-il, que le Christ nous a libérés!» (Galates 5, 1; 2, 4). Paradoxe incroyable!
Paul a trouvé ici le sens de sa vie et, selon lui, rien ne peut le séparer de cet amour infini : «La tribulation, l'angoisse, la persécution, la faim, la nudité, les périls, le glaive?... la mort, la vie, les anges, les principautés, le présent, l'avenir, les puissances, la hauteur ou la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur»
La conversion de Paul prend sa source dans la découverte de l'amour gratuit que Dieu lui porte. Le visage de miséricorde de Jésus éclipse l'image qu'il s'était faite d'un Dieu exigeant à qui on doit avant tout obéissance et soumission.
À partir de ce jour, Paul ne comptera plus sur ses propres forces, ni sur ses «bonnes oeuvres».
Il apprendra à perdre sa suffisance de pharisien irréprochable et à tout
attendre du Christ.
Après cette révélation sur le chemin de Damas, à la lecture des textes d’Isaïe et d’autres textes de l’Ancien Testament, Paul découvre la véritable nature de Dieu. Ce Dieu nous aime jusqu’à offrir sa vie pour nous. La croix qui était objet de scandale devient la preuve de son grand amour. Dieu n’a pas choisi la croix, c’est la méchanceté des hommes qui l’ont condamné à cette mort atroce, mais il a accepté ce supplice infâme par amour pour nous. Il est mort à cause de l’injustice humaine et, comme des millions d’autres, Il est allé jusqu’au bout de notre humanité.
À partir de ce jour, Paul ne comptera plus sur ses propres forces, ni sur ses «bonnes oeuvres». Son assurance et sa confiance, il les mettra désormais en Dieu, et en Dieu seul. Il comprendra que le salut n’est pas le résultat de ses efforts, mais qu’il lui est offert gratuitement en Jésus Christ :«Car ma vie présente..., je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi.» (Galates 2, 20).
Il apprendra à perdre sa suffisance de pharisien irréprochable et à tout attendre du Christ : «Le Seigneur m'a jugé digne de confiance en me prenant à son service, moi qui étais auparavant blasphémateur, persécuteur et violent.» (1 Timothée, 12-13)
romains 3,38Paul se découvre pécheur, mais Jésus ne s'arrête pas à son passé. Il regarde vers le futur et ne pense qu'à ce qu’il peut devenir. Il déclare à Ananie toute la confiance qu’il met en ce pharisien persécuteur : «Cet homme est pour moi un instrument de choix pour porter mon nom devant les nations païennes, les rois et les Israélites». (Actes 9, 15)
Paul consacrera toute sa vie à répondre d’une façon extraordinaire à cette invitation du Christ. Poussé par l’amour inconditionnel de Dieu, il ira jusqu'au bout du monde et jusqu'au bout de la vie. Le Christ avait dit «C'est un feu que je suis venu apporter sur la terre». Paul partage maintenant ce même désir et il pourra désormais dire: «...et comme je voudrais qu'il soit déjà allumé» (Luc 12, 49)
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12- Le désert d’Arabie et la fuite de Damas
Désert d'Arabie - Wadi RumDésert d'Arabie - Wadi Rum. Au sud-est de la Jordanie, près de Petra.
Nous possédons peu d’informations sur les trois années que Paul passa en Arabie, après sa rencontre avec le Christ sur le chemin de Damas. Heureusement, il fut contraint plus tard, à cause des attaques de ses adversaires, de lever un peu le voile sur cette période de sa vie.
Il nous dit qu’après cette rencontre, il ne consulta ni sa famille, ni les dirigeants de l’Église de Jérusalem : «Sur-le-champ, je ne consultai ni la chair ni le sang. Je ne montai pas non plus à Jérusalem» (Galates 1, 16-17).
Pour l’instant, cet événement capital lui suffit. D’ailleurs, s’il était allé à Jérusalem, sa situation vis-à-vis les chrétiens aurait été fort délicate, à cause de ses nombreuses attaques contre les disciples du Christ. Ensuite, il aurait mis sa vie en danger auprès du Sanhédrin pour s’être joint aux disciples du Christ.
Pendant trois ans, Paul approfondit la nouvelle orientation de sa vie.
Paul dit simplement : « Je partis pour l’Arabie. » Le théologien orthodoxe Nicolas Koulomzine considère «cette retraite comme très significative : Paul suit la voie royale de tous les mystiques, il se retire au désert afin de s’isoler, de se retrouver pour un temps, seul avec Dieu. Grâce à ce temps de réflexion, il ressentira l’emprise sur lui de l’Esprit du Seigneur.»
Le trésor du pharaon, un des monuments de Petra, sculté à même le rocherSituée dans le désert de l'actuelle Jordanie, Petra était une ville extraordinaire, surtout à cause de ses nombreux monuments magnifiques sculptés à même le rocher.
«En Arabie», est-il descendu jusqu’à Pétra, la capitale des Nabatéens, ou s’est-il dirigé vers Palmire? On ne peut que spéculer sur les déplacements de Paul pendant ces trois années de réflexion. Le terme «Arabie» s’appliquait alors à toute la péninsule arabique, mais le noyau en était le royaume des Nabathéens, avec sa capitale Petra, véritable nid d’aigle dans le désert, qui contrôlait la route des caravanes. Les ruines gréco-romaines de cette capitale-forteresse sont impressionnantes. L’Arabie comprenait aussi Basra, Homs (Émèse), Amman, et un très grand territoire allant jusqu’aux fleuves de la Mésopotamie, le Tigre et l’Euphrate. Le cheik des Nabatéens, Arétas, roi de Damas et d’une grande partie du territoire d’Arabie, était en guerre avec le roi Hérode Antipas, parce que celui-ci avait répudié sa fille pour épouser Hérodiade, la femme de son frère, celle qui avait demandé la tête de Jean le baptiste. En Arabie, Paul se sentait protégé contre les émissaires juifs, et c’est peut-être la raison pour laquelle il s’est rendu dans cette région désertique.
Pendant trois ans, Paul approfondit la nouvelle orientation de sa vie. Pour clarifier le changement en lui, il utilise des expressions comme «revêtir le Christ Jésus», ou encore «s’approprier les sentiments du Christ Jésus» (Philémon 2, 5).
Il découvre le mystère
de l’amour infini de Dieu
pour nous à travers
la réjection de son peuple
et le scandale de la croix.
Pendant cette période, se poursuit en lui une transformation spirituelle et intellectuelle qui laisse apparaître de plus en plus la théologie paulinienne. Paul parlera alors de «son évangile» : «L’évangile que j’ai annoncé n’est pas à mesure humaine : ce n’est pas non plus d’un homme que je l’ai reçu ou appris, mais par une révélation de Jésus Christ.» (Galates 1, 11-12).
Pendant son séjour en Arabie, à partir des Écritures qu’il connaît par coeur, Paul développe une nouvelle conception du Christ et de la foi. Il comprend alors que le plan universel de Dieu est adressé non seulement aux Juifs mais à toutes les nations. Il découvre aussi le mystère de l’amour infini de Dieu pour nous à travers la réjection de son peuple et le scandale de la croix.
Son évangile est le même que celui des autres apôtres, mais Paul saura le rendre accessible non seulement aux Juifs de la Diaspora mais au monde gréco-romain.
L’idée fondamentale qui lui est révélée à Damas, est celle d’une intervention puissante de Dieu dans l’histoire, en la personne de Jésus venu sauver les hommes et non les condamner. Jésus est l’envoyé du Père, le messager de la bonne nouvelle, le Messie-Sauveur. L’amour que le Seigneur a pour Paul, le persécuteur, est offert à tous. Le Christ est intervenu avec miséricorde dans sa vie et a rendu efficace le salut offert à l’humanité tout entière.
Paul prenait ainsi conscience de la volonté du Christ de faire disparaître la barrière et le mur qui séparaient le judaïsme des autres nations.
Ce qui rejoint Paul
au plus profond de son être,
pendant cette période
de réflexion, c’est
la Croix de Jésus.
Ce qui rejoint Paul au plus profond de son être, pendant cette période de réflexion, c’est la Croix de Jésus, «ce chef-d’oeuvre de l’amour de Dieu». Il la dépeindra aux Galates, il la prêchera aux Corinthiens : «Car je n’ai rien voulu connaître chez vous que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié» (1Corinthiens 2, 2).
Paul est aussi profondément touché par le dépouillement du Christ, et la façon avec laquelle il remplit sa mission : «Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même, prenant la condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme, il s’humilia encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix.» (Philippiens. 2, 6-10).
Pour Paul, être chrétien c’est être conquis par le Christ et être dégagé des cadres étroits d’une seule culture, d’une seule religion, d’une seule nation. Le Christ est le Nouvel Adam, le nouveau prototype de l’humanité. La conception que Paul a du Christ n’est pas le produit d’une spéculation religieuse, mais d’une révélation de 1’Esprit. En Arabie, sa nouvelle théologie a trouvé ses bases.
Après trois ans, Paul retourna à Damas et se présenta à la synagogue. Au grand étonnement des Juifs, il demanda la parole pour démontrer, en s’appuyant sur les textes des Prophètes, que Jésus était le Messie tant attendu et qu'il était vivant. Chez les Juifs orthodoxes, la colère se mit à gronder et Paul fut menacé de mort.
"de nuit, ils le descendirent le long de la muraille"Il se trouva des conjurés qui firent la promesse de tuer «l'apostat», dès qu'il circulerait dans le dédale des rues de la ville. Il fut facile d'acheter les dirigeants de Damas. On fit mettre des gardes à toutes les portes pour se saisir de Paul s’il tentait de s’enfuir : «Au bout d'un certain temps, les Juifs se concertèrent pour le faire périr. Mais Saul eut vent de leur complot. On gardait même les portes de la ville jour et nuit, afin de le faire périr. Alors .les disciples le prirent de nuit et le descendirent dans une corbeille le long de la muraille» (Actes 9, 23-24).
Ceci est la version de Luc qui accuse les Juifs du complot. Paul, de son côté, croit que ce sont les autorités civiles qui en veulent à sa vie : «A Damas, l'ethnarque du roi Arétas faisait garder la ville pour m'arrêter et c'est par une fenêtre, dans un panier, qu'on me laissa glisser le long de la muraille, et ainsi j’échappai à ses mains.» (2 Corinthiens 11, 32)
Cette conspiration contre Paul est probablement orchestrée par les deux groupes, c’est à dire par les Juifs avec l’appui des autorités de la ville.
À partir d’une maison qui appartenait à un chrétien, Paul se blottit dans un grand panier et on le laisse descendre le long du mur au moyen de cordes solides. Arrivé en bas, il se dégage et, après avoir traversé les jardins, les canaux d'irrigation et les cours de fermes, il atteint la route qui conduit vers le Sud, vers la « via maris », la route de la mer. Il se rendra alors à Jérusalem.
Pour Paul, ce fut la première d’une série de nombreuses escapades qui l’obligeront à fuir de ville en ville pour sauver sa vie.
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13- Paul rencontre Pierre et Jacques à Jérusalem
S.Pierre et S.PaulSaints Pierre et Paul (1)
Paul avait tout à apprendre des
faits et gestes du Christ.
Le chef des apôtres était qualifié
pour les lui donner.
Après son séjour de trois ans en Arabie, Paul éprouvait le besoin de rencontrer les disciples du Christ. Il devait apprendre à connaître tout ce que Jésus avait dit sur les routes de la Palestine, pendant la rencontre de la dernière Cène, lors des apparitions après la résurrection, au matin de la Pentecôte. Il avait tout à apprendre des faits et gestes du Christ.
Dans l'intérêt de l'unité chrétienne, il devait aussi s’informer sur la liturgie telle qu'on la pratiquait dans la communauté de Jérusalem et se familiariser avec la tradition concernant le catéchuménat, le baptême, la célébration de la dernière Cène.
Arrivé à Jérusalem, Paul se retrouve cependant dans une situation difficile, aussi bien avec les Juifs orthodoxes qu’avec les Chrétiens. Tous se méfient de lui et l’évitent le plus possible. Une seule personne a alors essayé de comprendre cet homme converti par le Christ : Barnabé. Un helléniste né à Chypre, il a été capable d’apprécier les qualités du bouillant Paul de Tarse. «Arrivé à Jérusalem, Paul essayait de se joindre aux disciples, mais tous avaient peur de lui, ne croyant pas qu'il fût vraiment disciple. Alors Barnabé le prit avec lui, l'amena aux apôtres et leur raconta comment, sur le chemin, Saul avait vu le Seigneur, qui lui avait parlé, et avec quelle assurance il avait prêché à Damas au nom de Jésus.» (Actes 9, 26-27)
saint BarnabéSaint Barnabé(2)
Entre Paul et Barnabé se développa
une des amitiés les plus fécondes
de l'histoire de l'Église.
Barnabé est l'un des personnages les plus sympathiques de l'Église primitive. Il découvre en Paul une grande âme d'apôtre. Sa main amicale intervient pour arracher Paul à son isolement et le présenter aux deux apôtres les plus considérés : Pierre et Jacques. Barnabé jouera un très grand rôle dans la vie de Paul. C'est grâce à lui que l’apôtre des nations entra dans le cercle des disciples et qu’il devint un pilier du christianisme. A la suite de cette rencontre, se développa entre Barnabé et Paul l’une des amitiés les plus fécondes de l'histoire de l'Église.
Paul lui-même ne fait qu'une brève allusion à ces événements : «Après trois ans, je suis monté à Jérusalem pour rendre visite à Céphas et demeurai auprès de lui quinze jours; je n’ai pas vu d’autre apôtre, mais seulement Jacques, le frère du Seigneur.» (Galates 1, 18-19)
Pierre toujours affable et accueillant, homme d'une grande simplicité, l'invita probablement à partager son logis dans la maison hospitalière de Marie, la mère de l'évangéliste Marc, dont Barnabé était l'oncle.
De Pierre, Paul apprit à connaître les paroles de l'institution de l’eucharistie, telles qu'il les rappelle aux Corinthiens. Le chef des apôtres était qualifié pour les lui donner. Nous sommes en présence d'un enseignement authentique et solide de la tradition primitive. Avec Pierre, Paul visita probablement le jardin de Gethsémani. L'épître aux Hébreux, qui est écrite dans l'esprit de l'Apôtre, et qui contient son trésor spirituel, fait allusion à la prière du Seigneur pendant son agonie : «C'est ce Christ qui, aux jours de sa vie mortelle, fit monter des prières et des supplications, accompagnées d'un grand cri et de larmes, vers Celui qui pouvait le sauver de la mort». (Hébreux 5, 7)
Jacques le majeurSaint Jacques, le Majeur (3)
Jacques prit la tête des disciples
de Jésus, à Jérusalem.
Toujours désireux de rester
fidèle aux rituels juifs, il rendra
la mission de Paul difficile
Lors de ces 15 jours à Jérusalem, Paul rencontra aussi Jacques, le frère du Seigneur. Son appartenance à la famille de Jésus ne fait pas de doute et l’influence qu’il a exercée sur l’Église du premier siècle sera considérable. Quand Pierre s’éloignera de Jérusalem, il prendra la tête des disciples de Jésus. Ce chrétien, toujours désireux de rester fidèle aux rituels de son peuple, rendra la mission de Paul difficile. Le jour viendra où il trouvera Jacques et ses disciples sur sa route, acharnés à anéantir les effets de sa prédication. À partir de ses débuts, le christianisme va se diviser et se combattre lui-même.
Après ces quinze jours à Jérusalem, Paul restera en rapports continus avec les disciples de l’Église-mère et il visitera la ville sainte après chacun de ses voyages missionnaires. L'expression «Je vous ai transmis en premier lieu ce que j’avais moi-même reçu» (1 Corinthiens 15, 3) confirme qu'il se fonde sur une tradition solide, celle des apôtres du Seigneur. Paul nous a rapporté avec fidélité certaines paroles de Jésus, comme celles de l'institution de l’eucharistie, de la mission des disciples et de la doctrine du mariage. La parole de Jésus : «Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir», qui n’est pas mentionnée dans les Évangiles, c'est Paul qui l'a conservée (Actes 20, 35).
Il est bien évident que, pendant ces quinze jours à Jérusalem, Paul n'a pas passé tout son temps avec Pierre et Jacques. Il était de caractère expansif et combatif. Il se sentait pressé de rendre témoignage à la vérité reconnue et acquise par lui. La synagogue où Paul se rassemblait avec d’autres Juifs de la diaspora, devint alors le théâtre de débats extrêmement violents. Il s'en fallut de peu qu'il ne soit mis à mort, comme Étienne. Le groupe des disciples du Christ tremblait pour sa vie, mais également pour la leur. Ils avaient évité jusque-là tout conflit avec les pharisiens, dont un nombre assez important était venu les rejoindre.
Paul était un danger pour
cette communauté fragile
et craintive.
Son caractère inégal
et provocateur
risquait de déclencher
une persécution générale
Et voici qu’arrive cet imprudent qui n'admet aucun compromis. Les temps étaient troublés et la petite église de Jérusalem était menacée. Tout différend, tout désaccord se réglait avec le couteau et le poignard. Paul était un danger pour cette communauté fragile et craintive. Son caractère inégal et provocateur risquait de déclencher une persécution générale : «Dès lors il allait et venait avec eux dans Jérusalem, prêchant avec assurance au nom du Seigneur. Il s’adressait aussi aux Hellénistes et discutait avec eux; mais ceux-ci machinaient sa perte. L’ayant su, les frères le ramenèrent à Césarée, d’où ils le firent partir pour Tarse.» (Actes 9, 28-30)
Son action se termina donc par un échec plus cuisant encore que celui de Damas. On l’obligea à quitter la ville et le texte ajoute qu’après le départ de Paul, la communauté chrétienne a joui d’une période de tranquillité : «Cependant les Églises jouissaient de la paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie; elles s’édifiaient et vivaient dans la crainte du Seigneur, et elles étaient comblées de la consolation du Saint Esprit.» (Actes 9, 31)
On défendit à Paul de s'arrêter en route pour visiter les communautés de la côte. «C'est ainsi que je restais inconnu de visage aux communautés de Judée.» De Césarée, Paul traversa à Tyr et Sidon pour se rendre en Séleucie près d'Antioche de Syrie. (Galates 1, 22). Il arriva ensuite à Tarse, sa ville natale.
Échec à Damas, échec à Jérusalem, échec à Césarée, ce n’est pas très reluisant, et ce n’est que le début.
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14- Antioche de Syrie
Antioche de SyrieLa ville d'Antioche au pied de la montagne
Pour comprendre le travail pastoral de Paul, il faut connaître un peu la ville d’Antioche de Syrie, qui a été la base de ses opérations missionnaires. C’est de là que lui et Barnabé ont été envoyés par la petite communauté chrétienne.
Antioche a été fondée trois siècles avant la naissance de Paul par Séleucos Nicator, l’un des généraux d’Alexandre le Grand. Placée au carrefour des routes des caravanes de l’Orient, en relation avec Babylone, la Perse et l’Inde, elle était en contact continu avec le bassin ouest de la Méditerranée. Les commerçants, les banquiers, les armateurs ont été très vite attirés vers ce centre cosmopolite, ruisselant de richesses et de passions. Après la conquête romaine par Pompée, en 64 av. J.C., elle devint la capitale de la province de Syrie.
Troisième ville de l’empire
(après Rome et Alexandrie),
Antioche de Syrie a exercé une influence profonde sur Paul
La ville était complètement entourée d'un mur fortifié, comprenant entre 300 et 400 tours, chef-d'oeuvre de l'architecture gréco-romaine. Antioche était fière de ses installations hydrauliques. Grâce à un réseau de canaux et de conduites qui s'approvisionnaient des montagnes environnantes, l'eau était accessible aussi bien dans les palais des riches que dans les huttes des pauvres, dans les bains publics que dans les bains privés. Seules les villes de Tarse et de Damas pouvaient se vanter d'une telle profusion d'eau courante.
Localisation d'Antioche de Syrie
Antioche est située:
- Au nord-est de la Méditerranée,
- Au nord de la Palestine (Jérusalem) du Liban et de la Jordanie (Damas),
- À l'est de l'île de Chypre et de la Cilicie (Tarse)
C'est à Antioche qu'on frappait les monnaies romaines à l'effigie de l'Empereur. Losque Jésus demanda aux pharisiens: «De qui est cette effigie et son inscription?», il tenait probablement en main une pièce de monnaie frappée à Antioche.
Renan a brossé, dans son style pittoresque, ce tableau d'Antioche :
«C'était un amas inouï de bateleurs, de charlatans, de mimes, de magiciens, de thaumaturges, de sorciers, de prêtres imposteurs; une ville de courses, de jeux, de danses, de processions, de fêtes, de bacchanales, un luxe effréné, toutes les folies de l'Orient, les superstitions les plus malsaines, le fanatisme de l'orgie.»
La population d'Antioche se composait de races et de peuples variés. Au temps de Paul, elle comptait environ 500.000 habitants et était la troisième ville de l’empire après Rome et Alexandrie.
Lorsque Titus rasa le Temple de Jérusalem et détruisit la ville en l’an 70 ap. J.C., Antioche devint le centre de la chrétienté. De 252 à 380 dix conciles s’y sont réunis.
Les trois étapes de la jeune communauté chrétienne en marche vers l'Église universelle, sont caractérisées par les noms : Jérusalem - Antioche - Rome. Antioche qui se trouvait en contact avec toutes les villes importantes de l'Empire était un endroit idéal pour une Église qui voulait se répandre parmi les nations.
En plus d’être une ville commerciale importante, Antioche était un centre intellectuel beaucoup plus dynamique que la ville Jérusalem continuellement agitée et en révolte contre Rome. Mise en tutelle et sous surveillance par les Romains, Jérusalem connaissait une situation économique déplorable.
Après la destruction du Temple
de Jérusalem, Antioche devint
le centre de la chrétienté.
De 252 à 380 dix conciles
s’y sont réunis.
À Antioche, les Juifs formaient une colonie importante. Tous ceux qui aspiraient à une religion sérieuse, spécialement les femmes, se rendaient à la synagogue le jour du sabbat. Le nombre des prosélytes recrutés parmi les non-Juifs, était considérable. Citadelle de la civilisation, la séparation entre les Juifs et les non-Juifs était moins prononcée qu'ailleurs. Ceci a permis la fondation de la première église mixte. Les antiochiens permettaient aux non-Juifs de participer à leur vie de foi!
Cette situation était une cause de préoccupation pour l’Église de Jérusalem. Il fut décidé d’envoyer des observateurs et le choix tomba sur Barnabé comme chef de délégation. On n'aurait guère pu choisir un homme plus qualifié pour cette mission délicate. Barnabé à la stature imposante, au visage et au regard reflétant la bonté, aux gestes tranquilles, disposait d'un jugement solide, qui ne confond pas l'accidentel avec l'essentiel.
Après sa visite officielle, Barnabé décida de demeurer à Antioche. C’est lui qui, un peu plus tard, ira chercher Paul à Tarse, pour l’inviter à travailler avec lui dans cette ville cosmopolite de l’Empire.
L’église d’Antioche se considérait de plus en plus comme un poste avancé de la mission chrétienne. Quinze ans à peine s’étaient écoulés depuis la mort du Seigneur, et déjà une série de communautés nouvellement fondées longeaient la vallée de l'Oronte et le littoral syro-phénicien, tel «un brillant collier de perles». Jérusalem aux vieilles traditions sera détruite et Antioche, ville ouverte à tous les courants, prendra la relève et ouvrira le christianisme aux nations.
Antioche de Syrie a exercé une influence profonde sur Paul : elle devint, pendant plus de 20 ans, sa patrie d'élection et le point de départ de ses trois grands voyages missionnaires.
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15- Barnabé et Paul à Antioche
Paul et Barnabé à AntiocheD'après les Actes des Apôtres, Paul visita Jérusalem pendant 15 jours où il rencontra Pierre et Jacques, et s'installa ensuite à Tarse, sa ville natale. Il y demeura pendant trois ou quatre ans. C'est là que Barnabé vient le chercher pour travailler avec lui: «Barnabé partit alors chercher Saul à Tarse. L’ayant trouvé, il l’amena à Antioche. Toute une année durant ils vécurent ensemble dans l’Église et y instruisirent une foule considérable. C’est à Antioche que, pour la première fois, les disciples reçurent le nom de chrétiens.» (Actes 11, 25-26)
Le nom de «chrétiens», ne vint donc pas des Juifs qui les appelaient les «nazaréens», ainsi que le font encore de nos jours les peuples de langue sémitique. Les chrétiens eux-mêmes se désignaient par les noms suivants : frères, saints, croyants, disciples, membres de la Voie. Ils ont bien accueilli ce nouveau nom et se sont empressés de l'adopter. Il exprimait ce que leur nouvelle foi avait de plus profond : ils étaient les «disciples du Christ».
À Antioche, il se créa une amitié profonde entre Barnabé et Paul. Elle aura des conséquences durables dans la vie de l’apôtre. Ils travaillèrent au sein de la jeune communauté, encore tout imprégnée de la fraîcheur de la foi en Jésus-Christ.
Chaque semaine, le jour du Seigneur, on se réunissait pour la célébration de la Cène. Selon l'exemple donné par le Christ et suivant la coutume des Juifs chrétiens, les agapes (repas fraternel) précédaient la Cène. Rien n'unissait davantage ces gens qu’un repas pris en commun. Lorsque les apôtres se glorifiaient «d'avoir mangé et bu avec le Seigneur» (Actes 10, 41), ils y voyaient un signe d'intimité. Le don le plus précieux de Jésus, l'Eucharistie, il le donna à la fin d'un repas fraternel. Les chrétiens conservèrent pendant longtemps cette double rencontre des agapes et de la Cène du Seigneur.
Sous l'influence de la culture grecque, Paul et Barnabé, ont su ouvrir l'Église d'Antioche au monde de leur temps. Cette Église fut la première à se détacher du judaïsme stricte et à intégrer les non-Juifs dans leur communauté.
Encore aujourd’hui, nous sommes redevables à cette première Église missionnaire d'Antioche, même si elle a maintenant complètement disparu. Aux abords de la ville turque d'Antakya, il n'y a plus qu'une chapelle catholique en ruines dans un jardin envahi par les mauvaises herbes. Elle est fermée depuis qu'il n'y a plus de prêtre résident pour les quelque soixante familles qui assistaient aux offices religieux.
La collaboration entre Paul et Barnabé durera pendant de nombreuses années. Elle s'est nouée à Antioche et, comme nous le verrons plus tard, elle s'est achevée dramatiquement à Antioche. Mais la rupture a été précédée de douze ans de collaboration étroite et fructueuse. Les frères et soeurs de cette Église ont eu raison de les envoyer ensemble en mission.
Etoile de David et CroixIl faut cependant nous rappeler que Barnabé et Paul ne furent pas les premiers à favoriser l’expansion du christianisme. Ce sont surtout les chrétiens dispersés par la persécution de Jérusalem, les artisans et les commerçants judéo-chrétiens qui ont été les premiers instruments de propagande. Au début, cette activité missionnaire ne s'adressait qu'aux Juifs. L’exclusivisme ne provenait pas d’une mauvaise volonté, mais d'une fausse conception du message du Christ. Il manquait aux judéo-chrétiens une vue d'ensemble, large et généreuse de la mission. On se souvient qu’au chapitre 11 des Actes des Apôtres les premiers chrétiens avaient reproché à Pierre d’avoir admis dans l'Église, et sans formalité spéciale, le centurion Corneille ainsi que toute sa famille. Pierre défendit sa décision en rappelant la vision qu'il avait eue, et démontra comment l'Esprit-Saint, en descendant sur ces non-Juifs, avait justifié son action : «Cependant les apôtres et les frères de Judée apprirent que les païens, eux aussi, avaient accueilli la parole de Dieu. Quand donc Pierre monta à Jérusalem, les circoncis le prirent à partie : «Pourquoi, lui demandèrent-ils, es-tu entré chez des incirconcis et as-tu mangé avec eux?» (Actes 11, 1-18)
Les chrétiens conservateurs n’acceptaient pas que les missionnaires permettent aux païens de se joindre à eux s’ils ne devenaient pas d’abord «juifs», en observant les rituels de leurs ancêtres. Ce sera le problème auquel devront faire face Paul et Barnabé tout au long de leurs voyages missionnaires.
Barnabé était né à Chypre et était le cousin de Marc l'Évangéliste. Il ne faisait pas partie du collège des Douze, mais l'Église lui attribua le titre d'apôtre en raison de la participation importante qu'il prit dans la diffusion de la Parole du Christ. Issu d'une famille riche, tout comme Paul, il gagnera sa vie à travailler de ses mains, pour ne pas être à la charge de la communauté. Il mourut martyrisé, vers l’an 60, près de Salamine, sur son île natale.
À Antioche, Paul et Barnabé vivaient en communauté charismatique, jeûnant et priant en compagnie des fidèles de l'Église locale. Paul prêchait dans les synagogues mais aussi - voilà qui est nouveau - ailleurs dans la ville. Une tradition longtemps évoquée, l'a montré parlant près du Panthéon et à des auditoires romanisés. Il enseignait plus volontiers qu'il ne baptisait.
Dépatt de Paul et BarnabéUn jour que plusieurs d’entre eux étaient réunis pour célébrer le jour du Seigneur, ils perçoivent ensemble une invitation qu'ils sentent venu d'ailleurs : «Il y avait dans l'Église établie à Antioche des prophètes et des docteurs : Barnabé, Syméon appelé Niger, Lucius de Cyrène, Manaën, ami d'enfance d'Hérode le tétrarque, et Saul. Or un jour, tandis qu'ils célébraient le culte du Seigneur et jeûnaient, l'Esprit Saint dit : «Mettez-moi donc à part Barnabé et Saul en vue de l'œuvre à laquelle je les ai appelés.» Alors, après avoir jeûné et prié, ils leur imposèrent les mains et les laissèrent à leur mission.» (Actes 13, 1-3)
Pour la troisième fois, Barnabé va jouer un rôle essentiel dans la vie de Paul. Après l'avoir présenté à Pierre et à Jacques à Jérusalem, l’avoir tiré de sa retraite dans la ville de Tarse pour le conduire à Antioche, il va maintenant l’amener en mission dans le pays qu'il connaît le mieux parce qu'il y est né : Chypre. Ils prendront avec eux le jeune Marc, cousin de Barnabé.
Les chrétiens d’Antioche, se sont cotisés pour financer le voyage. Ils leur remirent des lettres de recommandations, afin qu'ils soient bien accueillis dans les synagogues comme délégués officiels de la communauté d'Antioche.
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16- Salamine sur l'île de Chypre
Barnabé, Paul et Marc s'acheminent vers le port d'Antioche. Marc fera parler de lui plus tard, comme rédacteur du premier évangile. Nous sommes au printemps de l’an 45.
Paul et Barnabé près d'un bateauNos trois voyageurs et tous les autres passagers, devaient se munir de nourriture pour l'ensemble du voyage ; le capitaine ne fournissait que l'eau potable. Pour ce voyage d’Antioche à Salamis, on devait prévoir une trentaine d'heures accroupis sur le pont parmi la marchandise et les nombreux animaux qui mugissaient continuellement.
Durant toute l'Antiquité, les voyageurs ont privilégié le transport par mer, infiniment plus rapide et moins épuisant que le voyage terrestre, mais ils en connaissaient bien les dangers. C’est pourquoi on suivait certaines règles élémentaires pour éviter les naufrages. La première de ces règles voulait que l’on ne navigue que pendant la belle saison - de mai à septembre -, afin d’éviter les vents qui conduisaient à la catastrophe. Les textes du temps condamnent l'avidité des armateurs qui surchargent les navires en marchandises et passagers, et naviguent pendant les périodes dangereuses de «mer close» (fin d’automne et hiver). En 64, l’historien Flavius Josèphe a fait naufrage dans la mer Adriatique, parce que son bateau avait embarqué six cents passagers, dépassant de beaucoup la capacité du navire, et avait navigué pendant la période de «mare clausum».
Premier voyage - SalamineLe point d’arrivée était Salamis, le port de Salamine, ville natale de Barnabé. Là se trouvait une communauté juive importante.
Au loin, nos trois voyageurs aperçoivent les falaises de Chypre et les maisons blanches qui se découpent sur le ciel bleu. Bien que territoire romain depuis l’année 58 av. J.-C., l'île a retenu son caractère presque totalement grecque, par sa langue, sa culture, son écriture et son cadre de vie. Paul se retrouve donc en territoire familier et Barnabé met les pieds sur «son île.» Il est permis de penser que Barnabé et Marc avaient de la parenté et des amis dans l’île.
Pour Paul et Barnabé, ce premier voyage missionnaire durera environ quatre ans. Pendant cette période, ils donneront peu de nouvelles à leur communauté de base d’Antioche, les moyens de communications étant restreints et assez primitifs.
Les Actes des apôtres racontent cette «première mission» des deux voyageurs aux chapitres 13 et 14. Le récit, très postérieur aux événements, simplifie la mission et l’amplifie en même temps. Il donne tout de même une image éclairante. Pendant le voyage, Paul nous dévoile ses méthodes, son message et son caractère, mais il demeure le missionnaire envoyé par la communauté d'Antioche, à laquelle il rendra compte à son retour.
Sur l’île de Chypre, bon nombre de Juifs travaillaient dans les mines de cuivre auxquelles l’île devait son nom. Les membres de la diaspora chypriote avaient déjà rompu avec la règle des synagogues de ne s'adresser qu'aux Juifs : «Ceux-là donc qui avaient été dispersés lors de la tribulation survenue à l'occasion de la mort d’Étienne poussèrent jusqu'en Phénicie, à Chypre et à Antioche, mais sans prêcher la parole à d'autres qu'aux Juifs. Il y avait toutefois parmi eux quelques Chypriotes et Cyrénéens qui, venus à Antioche, s'adressaient aussi aux Grecs, leur annonçant la Bonne Nouvelle du Seigneur Jésus. La main du Seigneur les secondait, et grand fut le nombre de ceux qui devinrent croyants et se convertirent au Seigneur.» (Actes 11, 19-21).
Paul prêche dans les synagoguesPaul prêchant dans la synagogue. Une mosaïque du 12e siècle.
Les trois missionnaires mirent pied à terre à Salamis, à 50 km au Nord de Salamine. C'était le plus grand port marchand de l’île. Il n'en reste aujourd’hui qu'un champ de ruines très étendu, près de Famagouste.
«Arrivés à Salamine, ils annonçaient la parole de Dieu dans les synagogues des juifs.»(Actes 8,5)
Paul suivit ici le plan habituel qu’il adoptera tout au long de ses voyages missionnaires : commencer par la synagogue dans laquelle, en qualité de rabbi distingué et d'élève de Gamaliel, on l’invitait volontiers à prendre la parole. Les Juifs de la Diaspora vont ainsi se révéler un appui important comme agents principaux de l'expansion du christianisme.
Cependant très souvent, comme nous le verrons au cours de ces voyages, l'affaire tourne mal. Un auditeur se fâche, crie à l'imposture, au sacrilège. Cela se traduit par des violences, allant parfois jusqu'aux châtiments que l'on réserve aux hérétiques, les coups de fouet réglementés par les rabbins ou la flagellation spécifiquement romaine administrée par des licteurs : «Des juifs, dit Paul, j'ai reçu cinq fois les trente-neuf coups, trois fois j'ai été flagellé (par les Romains).» (2 Corinthiens 11, 24)
Salamine est la première Église fondée par Barnabé et Paul. Plus tard, Barnabé y reviendra avec son cousin Marc. C’est d’ailleurs non loin de cette ville que Barnabé sera martyrisé aux alentours de l’an 60.
Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 09 août23, 18:0917- Paphos
carte - de Salamine à Paphos, sur l'île de ChypreDe Salamine, Barnabé, Paul et Marc se rendirent à Paphos, de l’autre côté de l’île. Dans ce port de mer, la magie a droit de cité. C'est tout juste si on ne lui accorde pas le rang de religion. Ses partisans s’inspirent de doctrines qui prennent leurs racines en Égypte ou en Mésopotamie. Sergius Paulus, le proconsul romain, accueille volontiers dans son palais les magiciens et les philosophes de toutes tendances. Il est toujours heureux d’engager avec eux un débat dont raffolaient les intellectuels de l'Antiquité.
Paul confond le magicienDevant le proconsul Sergius Paulus. Paul rend aveugle le magicien Elymas.
Ayant appris la présence à Paphos de trois nouveaux prédicateurs, le proconsul a voulu les rencontrer. «Il invita Barnabé, Paul et Marc et manifesta le désir d'entendre la parole de Dieu». On croira plutôt que, s'ennuyant dans son île, le représentant de l’empereur a probablement cherché à se distraire en rencontrant ces visiteurs insolites.
C'était la première fois que l'Évangile pénétrait dans l’aristocratie de la société romaine. On comprend aisément que pour cette occasion c’est Paul, le citoyen romain, qui joua le rôle principal. Le privilège de la citoyenneté romaine lui donnait un prestige certain au regard du gouverneur de cette province sénatoriale.
Sergius Paulus devint le premier Romain de marque à se convertir (Cornelius, baptisé par Pierre, n'était qu'un centurion). Il se peut que le proconsul ait été l'un de ces «craignant Dieu» qui, dans chaque ville, fréquentaient la synagogue, attirés par la richesse morale de la foi juive.
Sergius Paulus, de famille noble, nous est présenté par Pline comme un homme cultivé, un personnage important, une autorité en sciences naturelles, un membre de la commission impériale pour la régularisation du Tibre, le fleuve qui traverse Rome, un connaisseur des questions philosophiques et religieuses. Recherchant la vérité, il n'avait rien du scepticisme blasé de Ponce Pilate. Luc le qualifie «d'homme avisé», parce qu'il cherchait visiblement un accès au monde du surnaturel.
Ses occupations administratives dans la petite île lui laissaient beaucoup de temps de loisir qu'il consacrait au travail intellectuel. En qualité de proconsul, il était entouré d'une cour composée de jeunes patriciens romains, se préparant à leur future carrière d'administrateurs.
«Saul» disparaîtra, laissant
la place à «PAUL».
Paulos, en grec, signifie petit.
De ces rencontres avec Sergius Paulus va résulter un événement important dans la vie de Paul. L’apôtre qui jusqu’ici se nommait Saul, va ajouter à son nom celui de Paul. On le connaîtra par ce nouveau nom «pour toute l’éternité». Pendant un certain temps, le Tarsiote utilisa les deux noms : Saul dit Paul. Mais rapidement, «Saul» disparaîtra, laissant la place à «Paul». Paulos, en grec, signifie petit. Outre la réalité de sa petite taille, Paul a sans doute voulu souligner à ses propres yeux sa condition de serviteur comparé à la puissance infinie de Dieu.
A partir de ce moment, l’évangéliste Luc ne nomme plus l'Apôtre qu'avec son nom de Paul. Dans ce nom grec et romain (Paulos - Paulus) on retrouvait une ouverture nouvelle pour «l’apôtre des Nations».
Il est intéressant de signaler que le nom de Saul n'apparaît jamais dans les lettres de Paul. Il ne le mentionne pas même lorsqu'il évoque sa vie précédant sa conversion et cette rencontre à Paphos. Il parle de lui-même comme « Paul ». C'est uniquement dans les Actes des Apôtres que nous rencontrons les deux noms de Saul et Paul. Avant sa conversion, Luc le nomme «Saul». Le seul passage où les deux noms sont utilisés côte à côte est en Actes 13, 9 qui dit simplement : «Saul, appelé aussi Paul». C'est la dernière fois que Luc utilise ce nom de «Saul».
À Chypre, on voit Paul passer insensiblement du second rôle
à celui de chef de mission.
Autre changement significatif : à Chypre, on voit Paul passer insensiblement du second rôle à celui de chef de mission. Jusqu'ici les textes parlaient de «Barnabé et Paul». Il ne sera plus question, à partir de maintenant, que de «Paul et Barnabé».
Après quelques mois passés à Chypre, Paul décida de se rendre sur le continent et Barnabé se laissa entraîner par l'ardeur de son ami.
Marc cependant exprima son désaccord et protesta vivement. Qu'allaient-ils faire là-haut dans ces montagnes sauvages ? On n'y trouvera pas de communautés juives, pas de synagogues, rien que des sentiers impraticables, côtoyant des abîmes, des ponts et des passerelles arrachées et des brigands sans merci. Ce n'est pas ainsi qu'il s'était représenté le voyage. Le courage du jeune homme de Jérusalem, qui ne connaissait rien de la nature sauvage, fléchissait. Il ne voulait plus continuer. La fougue audacieuse de Paul le dépassait. Il ne se sentait pas capable de faire face aux difficultés et aux dangers de ces lieux inhospitaliers. Il en parla à son cousin, Barnabé, et lui communiqua sa décision de prendre le premier bateau à destination de Césarée maritime, pour entrer ensuite à Jérusalem. Cette désertion du jeune Marc blessa profondément Paul et elle deviendra plus tard l’une des causes de conflit entre Paul et Barnabé.
Marc, auteur d'un évangile Marc, auteur d'un évangile, cousin de Barnabé, disciple et collaborateur de Pierre, redevenu compagnon de Paul.
Marc avait grandi à Jérusalem au milieu des premiers apôtres, il avait été élevé dans la tradition judaïque qui reliait encore fortement la jeune Église à la Synagogue. Paul, ce fougueux apôtre, était décidé à arracher l'Église à la Synagogue. De retour à Jérusalem, Marc deviendra l'élève et le collaborateur de Pierre et son interprète pour la langue grecque. Il reprendra la route avec lui. Le chef des apôtres parle de «mon fils Marc» dans l’une de ses lettres (1 Pierre 5, 13). Marc accompagnera Pierre dans ses voyages missionnaires et apprendra tout sur Jésus de Nazareth. Cela le qualifiera pleinement pour écrire le premier des quatre évangiles qu’on nomme aussi parfois «l’évangile de Pierre»..
Marc sera en mesure plus tard de surmonter cette défection juvénile de Paphos, et il redeviendra un collaborateur précieux de l'apôtre Paul. Prisonnier à Rome, Paul écrit : «Aristarque, mon compagnon de captivité, vous salue, ainsi que Marc, le cousin de Barnabé, au sujet duquel vous avez reçu des instructions : s'il vient chez vous, faites-lui bon accueil.» (Colossiens 4, 10)
Après ce départ de port de Paphos, Paul n'a plus jamais remis les pieds sur l’île de Chypre. Il considérait cette île comme le fief et la fondation de Barnabé, et il ne voulait pas bâtir «sur le terrain d'autrui».
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18- Sur les routes de l'empire
De Paphos sur l’île de Chypre, Paul et Barnabé décident d’aller en Asie Mineure. Dans ce port très achalandé, les bateaux font voile dans toutes les directions. Il suffit de choisir. Il faut agir vite car l'époque dangereuse de l'automne, qui interdit les voyages en mer, approche rapidement. Parmi les destinations qui pourraient intéresser Paul, il y a Éphèse, ville côtière et grand centre de transit. Mais il préfère Attaleia. La personne qui a influencé cette décision est sans doute Sergius Paulus qui possède probablement des relations et des contacts susceptibles d’être utiles aux deux missionnaires.
Paul n'avait jamais de plan de voyage déterminé. Il répondait aux occasions qui se présentaient. Sergius Paulus lui offrait de se rendre à Attaleia et de là à Antioche de Pisidie et cette destination lui semblait intéressante. Comme nous l’avons mentionné plus tôt, Marc prit le bateau pour Césarée et de là il gagnera Jérusalem.
Selon les Actes des Apôtres, la vie de Paul est marquée par trois grands voyages missionnaires. Le premier commence en l'an 46, quand Paul a 41 ans (Actes 13.1-3). Il entreprend le deuxième en 50 et le troisième se termine en l'an 58, avec son arrestation au Temple de Jérusalem (Actes 21, 27-34). En tout, douze ou treize années d'aventures sur les routes et sur les mers! Ces voyages n’ont rien à voir avec le confort des voyages d’aujourd’hui. Seules les voies principales de l'Empire possédaient des auberges aux trente kilomètres, où les voyageurs pouvaient trouver refuge à la fin de la journée. Sur les routes secondaires, il fallait passer la nuit dans des abris de fortune.
Carte des voies romaines autour de la MéditerranéeLes voies romaines dans l'Empire
Voie romaine - Via ApiaVia Appia près de Rome
technique de construction d'une voie romaineEn construction - croquis d'une coupe
ancienne voie romaine près de PélussinAncienne voie romaine, près de Pélussin
Les Romains avaient édifié, dans leurs provinces autour de la Méditerranée, un réseau routier tout à fait remarquable dont la destination première était militaire : en effet, les légions devaient pouvoir se déplacer rapidement pour se trouver là où leur intervention était nécessaire. Pour cette raison, les voies romaines étaient tracées de façon rectiligne et reliaient toujours deux points stratégiques.
La plus ancienne de ces routes, la Via Appia, reliait Rome à Capoue. Elle avait été construite en 312 av. J.-C. Au début de l'ère chrétienne, tous les pays autour de la Méditerranée étaient sillonnés de voies de circulation. Le réseau routier comptera plus de 350 voies, couvrant près de 80 000 km.
Les ingénieurs romains avaient développé des techniques de construction très efficaces qui étaient utilisées sur toutes les routes de l’empire. Larges de 5 à 7,50 mètres, elles étaient construites de cinq couches de matériaux superposées, avec une surface de revêtement de dalles de pierre. Des «milliaires» ou bornes indiquaient les distances entre deux villes. Les militaires, aidés de travailleurs locaux, étaient chargés de la construction de ces routes et des nombreux ponts, murs de soutènement et tunnels qui permettaient de franchir les obstacles naturels. L’armée était aussi responsable de l’entretien du réseau routier.
Les voies romaines étaient au service de tous les habitants de l’empire. Les dirigeants, les dignitaires et les citoyens les plus riches se déplaçaient en voitures confortables, escortés de cavaliers. Les simples particuliers, selon leurs moyens, voyageaient en groupes dans de lourds chariots bâchés, à dos de cheval ou de mulet, ou à pied.
Paul et Barnabé, qui voyageaient probablement à pied, se joignaient à l’une des nombreuses caravanes qui se déplaçaient d’une ville à l’autre. Ils parcouraient entre trente et trente-cinq kilomètres par jour, vitesse légèrement inférieure à la vitesse moyenne d'une personne à pied aujourd’hui. Les conditions routières étaient beaucoup plus mauvaises qu’elles ne le sont de nos jours.
Pendant ses douze ou treize années de mission, Paul s'est rendu dans plusieurs grandes villes de l'Empire: Antioche, Thessalonique, Athènes, Corinthe, Éphèse, Rome. Ces villes accueillaient un mélange de nationalités et les gens du monde entier s’y côtoyaient, comme dans nos villes aujourd'hui!
L'Évangile venait du monde rural, de l'intérieur de la Palestine, et il fallait que Paul puisse l'incarner dans cette nouvelle réalité du monde urbain. Tâche difficile! Il avait en tête la prophétie de la Pentecôte qui voulait que la Bonne Nouvelle atteigne toutes les nations. Luc énumère les peuples présents à Jérusalem lors de la fête : «Comment se fait-il alors que chacun de nous les entende dans sa propre langue? Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de Mésopotamie, de Judée et de Cappadoce, du Pont et d'Asie, de Phrygie et de Pamphylie, d'Égypte et de cette partie de la Libye qui est proche de Cyrène, Romains en résidence, tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons publier dans notre langue les merveilles de Dieu!» (Actes 2, 8-11) Au fil de ses voyages Paul montre comment l'Évangile a rejoint tous ces peuples et bien d'autres encore. Ainsi se réalise la prophétie de la Pentecôte.
En arrivant dans les villes et dans les villages, Paul et Barnabé procédaient toujours de la même manière. Ils allaient à la synagogue le jour du sabbat. Cette rencontre avait pour but de convaincre leurs coreligionnaires que le Christ était le Messie. Généralement, ils en ralliaient quelques-uns, les autres étaient hostiles. Cela, ils le savaient d'avance, mais ils considéraient que leur prédication devait d'abord s'adresser aux Israélites.
De toutes ces églises fondées pendant le premier voyage de Paul, dans la sueur et dans la peine - Salamine, Paphos, Pergé, Antioche de Pisidie, Iconium, Lystres et Derbé - il ne reste pratiquement rien aujourd’hui. L'appel à la prière que lance le muezzin du haut du minaret, raconte une autre histoire.
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19. Pergé et Antioche de Pisidie
Pergé - Pamphilie Pergé, en Pamphylie, près d'Attaleia
Carte du premier voyage - Pergé et Antioche de Pisidie
Paul et Barnabé quittent le port de Néo-Paphos, pour se rendre à Attaleia, en Asie Mineure. Il fallait trente-six heures de navigation pour y arriver. La baie d’Attaleia était protégée contre les corsaires par une couronne de forts et de bastions.
D'Attaleia, ils gagnent, à moins d'une demi-journée de marche, la ville de Pergé. «Ils annoncèrent la parole à Pergé», dit Luc. (Actes 13,13) Ils demeurent quelque temps dans cette ville et ensuite, ils traversent les montagnes du Taurus ainsi qu’une zone semi-désertique pour atteindre Antioche de Pisidie. «De Paphos, où ils s'embarquèrent, Paul et ses compagnons gagnèrent Pergé, en Pamphylie. Mais Jean Marc les quitta pour retourner à Jérusalem. Quant à eux, poussant au-delà de Pergé, ils arrivèrent à Antioche de Pisidie. Le jour du sabbat, ils entrèrent à la synagogue et s'assirent. Après la lecture de la Loi et des Prophètes, les chefs de la synagogue leur envoyèrent dire : «Frères, si vous avez quelque parole d'encouragement à dire au peuple, parlez.» (Actes 13, 13-15)
Antioche de PisidieAntioche de Pisidie, en région montagneuse
Alors que Tarse et Antioche de Syrie sont à peine à 80 mètres au-dessus du niveau de la mer, Antioche de Pisidie est à 1.200 mètres, Iconium à 1.027 mètres et Lystres à 1.230 mètres. Ces territoires avaient été des régions dangereuses, remplies de bandes de voleurs et de tueurs. Pour mettre un terme à ce brigandage, les empereurs César-Auguste et Claude eurent recours à un moyen très efficace : ils fondèrent des colonies de vétérans. Antioche était ainsi devenue une colonie romaine de droit italique. Les colons venaient en majorité de la légion celte, recrutée dans les Gaules.
La décision prise par Auguste d'y établir une colonie d’anciens combattants avait donné une nouvelle vie à la ville. Les vétérans démobilisés après la bataille d’Actium (31 av. J.-C.) contre Marc-Antoine, Cléopâtre et Brutus, y ont obtenu des terres qu'ils ont cultivées, mais à une condition : faire régner l'ordre parmi la population, ce à quoi ils étaient parfaitement préparés. Antioche était une réplique de Rome : administration, traditions religieuses, division en quartiers, théâtre, thermes, aqueducs, etc. On la surnommait : «la petite Rome». Dans son testament, l'empereur Auguste a mentionné les colonies de Pisidie comme l'une des réalisations importantes ayant marqué son règne.
Certes, Paul a connu de grandes villes : Damas, Antioche de Syrie, Tarse, Jérusalem, Éphèse. Il n’aurait jamais pensé qu’une métropole romaine puisse se trouver au milieu d'une région que Luc qualifiera de barbare et de sauvage ? Antioche de Pisidie avait toute l’infrastructure d’une grande ville et était protégée de remparts romains. C’était aussi une «ville sainte», consacrée au culte du dieu masculin de la lune, nommé Men ou Lunus. Pendant les nuits illuminées, se déroulaient de sauvages liturgies orgiaques, au cours desquelles les habitants de la ville offraient leurs sacrifices à la lune et se livraient, en compagnie de nombreuses hiérodules (prostituées) du temple, aux débauches débridées et aux célébrations dionysiaques. Paul y fait allusion dans sa lettre aux Galates, lorsqu'il écrit: «Autrefois, il est vrai, quand vous ne connaissiez pas Dieu, vous étiez les esclaves des dieux qui ne possèdent pas la divinité» (Galates 4, 8).
Dans cette région de pâturages et d'élevage, au centre sud de l'Asie mineure, Paul et Barnabé mettront les fondations de nombreuses églises. Pendant toute cette période, les deux missionnaires furent en danger constant de la part des communautés juives dans ces villes de régions éloignées.
Les Juifs, attirés par le commerce du cuir, jouissaient, ici comme partout ailleurs, de nombreux privilèges depuis le temps de César, leur grand bienfaiteur et leur débiteur.
Confrontations avec certains
Juifs de la synagogue.
Paul doit déjà avoir
envisagé une rupture
avec la synagogue.
Vers la fin de son séjour à Antioche de Pisidie Paul doit déjà avoir envisagé une rupture avec la synagogue : «Le sabbat suivant, presque toute la ville s'assembla pour entendre la parole de Dieu. À la vue de cette foule, les Juifs furent remplis de jalousie, et ils répliquaient par des blasphèmes aux paroles de Paul. S'enhardissant alors, Paul et Barnabé déclarèrent : «C'était à vous d'abord qu'il fallait annoncer la parole de Dieu. Puisque vous la repoussez et ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien! nous nous tournons vers les païens. Car ainsi nous l'a ordonné le Seigneur : Je t'ai établi lumière des nations, pour faire de toi le salut jusqu'aux extrémités de la terre.» (Actes 13, 44-47)
À cause de ces confrontations avec certains Juifs de la synagogue, désormais, il n'était plus permis aux deux missionnaires de prendre la parole. C’est pourquoi ils enseignaient dans les maisons privées, sur les terrasses et en plein air. La rupture définitive n'advint cependant que lors du séjour de Paul à Corinthe, quand il quitta la synagogue et s'installa, tout près, dans la maison de Justus qui était un prosélyte (Actes 18,6).
À Antioche, pour combattre Paul et les chrétiens, les Juifs commencèrent à utiliser une tactique qui reviendra souvent à l’avenir et qui leur sera favorable. Grâce à leur sens des affaires et à leur argent, ils entretenaient de très bonnes relations avec les milieux influents. Plusieurs Juives se mariaient avec des fonctionnaires grecs ou romains et elles avaient leurs amies parmi les épouses des dirigeants de la ville. C'est ainsi que la Synagogue gagnait facilement à sa cause la police municipale, grâce aux dames pieuses. On expliquait aux gardiens de l'ordre public que les deux apôtres introduisaient un culte nouveau, ce qui était interdit par la loi, et qu'ils proclamaient un certain Christ comme roi, ce qui en faisait un adversaire de César. Ce Jésus avait été condamné à mort du temps de Ponce Pilate, pour avoir fomenté une insurrection contre l'autorité romaine. Aux yeux des dirigeants, les chrétiens se rendaient donc coupables de haute trahison.
En soudoyant quelques individus douteux, on provoquait une émeute populaire. Les responsables de la ville constataient qu'ils ne pouvaient plus garantir l'ordre public, si les étrangers ne quittaient pas aussitôt la ville.
Là où les Juifs ne réussissaient pas à gagner l'autorité civile, ils appliquaient eux-mêmes la peine du fouet, dans les souterrains de leurs synagogues. Cette peine barbare reviendra désormais avec une obsédante régularité durant toute la vie de S. Paul.
Après plusieurs mois, Paul et Barnabé furent chassés d’Antioche de Pisidie : «Les Juifs montèrent la tête aux dames de condition qui adoraient Dieu ainsi qu'aux notables de la ville; ils suscitèrent de la sorte une persécution contre Paul et Barnabé et les chassèrent de leur territoire. Ceux-ci, secouant contre eux la poussière de leurs pieds, se rendirent à Iconium. Quant aux disciples, ils étaient remplis de joie et de l'Esprit Saint.» (Actes 13, 50-52)
Cette chasse aux sorcières et ces traitements injustes n'étaient possible que dans les petites villes provinciales dépourvues de proconsul, telles qu’Antioche de Pisidie, Iconium et Philippes. Dans les grandes villes de l’empire, la citoyenneté romaine de Paul le protégeait de ces abus.
Malgré l’opposition des Juifs, la Parole du Seigneur, par l'intermédiaire de Paul et de Barnabé, prit racine dans toute la région. Le bon grain avait été semé.
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20. Méthode de travail de Paul
Nous pouvons nous demander si Paul avait une méthode de travail qu’il utilisait de façon systématique dans ses voyages missionnaires. Bien qu'il n'eût pas toujours un plan déterminé, il savait bien ce qu’il voulait et où il allait. Nous retrouvons deux constantes dans ses déplacements.
Juifs priant `la synagogue
Paul aime rencontrer les Juifs
de la diaspora et prier avec
eux à la synagogue. Il y
retrouve une ambiance
familière.
En premier lieu, il suivait le chemin des émigrants juifs, ceux qu’on appelait les Juifs de la diaspora. Des colonies étaient établies dans différentes villes de l’empire romain et avaient développé tout un réseau de synagogues. Cela permettait à Paul de retrouver rapidement une ambiance familière.
Ensuite, il choisissait les endroits où il pouvait exercer son métier. Cela lui permettait de vivre au milieu d’artisans laborieux, de les mieux connaître et de rester indépendant au point de vue financier. Barnabé agissait de la même manière.
En arrivant dans une ville, Paul et Barnabé se rendaient dans le quartier juif et y cherchaient du travail. Selon la coutume orientale, on les recevait dans la communauté, et Paul commençait tout de suite à exercer son métier de tissage. Les jours de sabbat, les deux missionnaires se rendaient à la synagogue.
La loi impériale interdisait de prêcher ouvertement une nouvelle religion (religio illicita). Seule la Synagogue avait la permission expresse de faire des prosélytes. Ceci favorisait les chrétiens car pendant des dizaines d'années, les non-Juifs ne distinguaient pas entre le christianisme et le judaïsme. Ça leur semblait être la même religion.
Dans le quartier juif d'Antioche, le jour du Sabbat, tous les bazars étaient fermés. De nombreux Juifs et de nombreux «craignant-Dieu» (sympathisants non-Juifs) se rendaient à la synagogue. Au-dessus de la porte d'entrée, on voyait deux branches d'olivier encadrant l'inscription : «Temple des Hébreux.» Dans le sous-sol étaient aménagées des salles de bain. Quiconque avait touché à de la viande interdite ou à un cadavre, devait d'abord faire les ablutions de purification rituelle. À l’étage, il y avait la salle de prières, où se dressait le candélabre à sept branches. Au milieu de la salle se trouvait le pupitre de lecture et, derrière un rideau, on conservait les rouleaux de la Bible. Pendant les prières et les réflexions, les femmes étaient assises sur le côté, derrière une grille de bois.
Paul prêchant à la synagogue
Prenant la parole devant l'assemblée, Paul commence
par donner une interprétation
traditionnelle de l'Écriture;
puis il annonce le message
de Jésus
La nouvelle de l'arrivée de deux scribes se répandit rapidement. Paul et Barnabé portaient le manteau blanc et brun (le talith) qui les distinguait des prosélytes. Paul se présenta comme docteur de la Loi et Barnabé comme lévite. Après la lecture du texte des Écritures, on invita Paul à adresser la parole à l’assemblée.
Ben-Chorin, un écrivain Juif, estime qu’il était conforme à la tradition d’inviter Paul, un disciple de Gamaliel, à prononcer la réflexion du jour. Il commence alors par présenter une interprétation traditionnelle de l'Écriture; puis il annonce le message de Jésus, ce qui est régulièrement ressenti comme un scandale par ses auditeurs juifs.
Paul disposait d'un double schéma de prédication missionnaire : le premier à l'usage des Juifs, l'autre à l’usage des non-Juifs. Dans les Actes des Apôtres (13, 15) Luc nous a conservé les grands traits d'une réflexion missionnaire adressée à un public de synagogue.
Tous les jours de sabbat, les Juifs lisaient le Psaume 22. Ils le savaient par coeur et le considéraient comme un psaume messianique. L'ancêtre inspiré a peint, mille ans avant Paul, un tableau grandiose des souffrances du Messie. C'est le psaume que Jésus a récité sur la Croix : «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?» (Ps 22, 2)
Faisant référence à ce psaume, Paul disait aux Juifs que ce n'est pas leur rêve de domination mondiale que le Messie réalisera, mais cet autre rêve des prophètes : la conversion et la réunion de tous les peuples et la constitution du royaume universel de Dieu, à travers les souffrances du Messie. Le psaume 22 se termine par cette vision d'avenir : «Toutes les extrémités de la terre se souviendront et se tourneront vers Yahvé. Toutes les familles des nations païennes se prosterneront devant sa face. Car au Seigneur appartient l'empire, et il domine sur les nations.»
L'affrontement est dû au
fait que Paul semble
déprécier la Loi de Moïse
et que, d'autre part,
il prône l'égalité absolue
entre païens et juifs,
ce qui revient à supprimer l'Élection d'Israël.
Dans son exposé, Paul en appelle à l'expérience intime de chacun : «Vous savez bien que la Loi de Moïse ne vous a pas rendus justes (ne vous a pas justifiés). C'est en Jésus que vous trouverez la rémission des péchés, la paix et la réconciliation avec Dieu.»
Paul s’aventurait en terrain miné en affirmant que la Loi de Moïse comportait des limites et que ces limites pouvaient être franchies ? Un seul l’avait fait avant lui : Etienne, et on l’avait mis à mort. Non seulement Paul lui emboîte le pas mais il va encore plus loin.
Les lettres de Paul sont pleines de citations qu'il puise dans la version grecque de la Septante. Il a été le premier à qualifier les Écritures «d’Ancien Testament» (2 Co 3, 14). Il a compris que le Christ était venu accomplir la promesse. Pour lui, le christianisme est dans la continuité de cette histoire extraordinaire du salut qui a commencé avec Abraham et qui s'est réalisée en Jésus Christ.
Les discours de Paul a l’habitude de remuer profondément ses auditeurs, Juifs et Païens. À Antioche de Pisidie, on en parle tout au long de la semaine, et le samedi suivant, la synagogue est pleine à capacité. Au milieu des païens avides d'écouter les prédicateurs étrangers, les juifs se découvrent en minorité et ils sont furieux : «À la vue de cette foule, les Juifs furent pris de fureur, et c'était des injures qu'ils opposaient aux paroles de Paul. Paul et Barnabé eurent alors la hardiesse de déclarer : C'est à vous d'abord que devait être adressée la parole de Dieu ! Puisque vous la repoussez et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, alors nous nous tournons vers les païens. Car tel est bien l'ordre que nous tenons du Seigneur: «Je t'ai établi lumière des nations, pour que tu apportes le salut aux extrémités de la terre». (Actes, 13, 44-46)
Selon Ben-Chorin, «si Paul s'était contenté d'annoncer le Messie en la personne de Jésus de Nazareth, il n'aurait pas provoqué un tel conflit avec la synagogue. L'affrontement est dû au fait que d'une part, il semble déprécier la Loi de Moïse et que, d'autre part, il prône l'égalité absolue entre païens et juifs, ce qui revient à supprimer l'Élection d'Israël.» Paul explique que la situation privilégiée d'Israël a joué son rôle, mais avec la venue du Christ, elle a pris fin. Ce n'est pas l'appartenance au peuple élu qui décide du salut, mais la foi en Jésus Christ. Le Messie est venu pour renverser le mur qui séparait les Juifs et les païens : «Dans le Christ il n'y a pas de différence entre Juifs et païens, entre hommes libres et esclaves, entre hommes et femmes.»
Paul et Barnabé ne cessent de marquer des points et la colère des juifs atteint son paroxysme. Les femmes se montrent les plus exaltées. Elles assaillent de leurs plaintes les notables de la ville. Le résultat ne se fait pas attendre : c'est aux faiseurs de troubles que s'en prennent les dirigeants. Ils sont chassés de la ville. «Ceux-ci, ayant secoué contre eux la poussière de leurs pieds, gagnèrent Iconium ; quant aux disciples, ils restaient remplis de joie et d'Esprit Saint.» (Actes 13, 51-52)
Parmi les chrétiens, Paul est celui qui a le mieux compris l'esprit universaliste du Christ. Pour avoir prêché le salut pour tous, il sera persécuté comme apostat et la haine de son peuple le poursuivra sans relâche, partout où il ira.
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21. Iconium et Lystres
Paul et Barnabé quittent
Paul et Barnabé sont restés environ un an à Antioche de Pisidie. Ils quittèrent la ville en l’an 46, pour se diriger vers l’Est. Empruntant la Voie Sébaste, ils se rendirent à Iconium, située au bord d'un lac, au-delà de marécages salins. Ils voulaient sans doute fonder quelques points d'appui solides, sur le haut-plateau de la Galatie du sud. Cette population de gens simple avait gagné le coeur de Paul.
localisation géographique d'Iconium
Iconium, à 100 km d'Antioche de Pisidie
Les habitants d'Iconium étaient fiers du passé de leur ville. L'empereur Claude avait établi une colonie de vétérans et pour cette raison, la ville aimait se nommer Claudiconium, en l’honneur de l’empereur, ce qui est devenu par la suite Iconium. La population comprenait des Galates hellénisés, des fonctionnaires romains, des vétérans de l’armée et des citoyens juifs. Iconium était un centre important de tissage de laine. Paul trouva facilement à se loger et à exercer son métier.
Pendant l’année qu’ils passèrent à Iconium, Paul et Barnabé entreprirent des expéditions missionnaires dans les alentours, dans ces nombreux villages de paysans, situés sur le versant des montagnes. Ils y fondèrent des petites communautés rurales, qui seront administrées plus tard par l'Église d'Iconium. Avec Antioche, Iconium restera, pendant de longues années, un point d'appui des Églises chrétiennes d'Asie Mineure, et détiendra le titre patriarcal sur quatorze villes.
Iconium est située à plus de 1.000 mètres d'altitude. Parmi les ruines de la ville, aujourd’hui encore on y retrouve une grande citadelle à moitié détruite.
Après un an d'une prédication
appréciée et fructueuse,
Paul et Barnabé sont
persécutés et contraints
à s'enfuir.
Paul et Barnabé proclamèrent la «Bonne Nouvelle» mais très rapidement ils se heurtèrent au refus des Juifs qui manipulaient les foules contre eux. À un certain moment, on décida de s'emparer des deux missionnaires et de les lapider. Prévenus, ils se dérobèrent à temps et rejoignirent la voie romaine qui, à l'époque, se terminait à Lystres. Une journée de marche au sein d'une des plus belles régions de l’Anatolie centrale.
«À Iconium, ils entrèrent dans la synagogue des Juifs et parlèrent de telle façon qu'une grande foule de Juifs et de Grecs embrassèrent la foi. Mais les Juifs restés incrédules excitèrent les païens et les indisposèrent contre les frères. Paul et Barnabé prolongèrent leur séjour assez longtemps, pleins d'assurance dans le Seigneur... La population de la ville se partagea. Les uns étaient pour les Juifs, les autres pour les apôtres. Chez les païens et les Juifs, leurs chefs en tête, on se préparait à les maltraiter et à les lapider. Mais s'en étant rendu compte, ils allèrent chercher refuge dans les villes de la Lycaonie, Lystres, Derbé et la région d'alentour. Là aussi, ils annonçaient la Bonne Nouvelle.» (Actes 14, 1-7)
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Paul et Barnabé quittent
Iconium et se réfugient à
Lystres. C'est là que Paul
rencontre Timothée.
Lystre - pendant le 1er voyage de Paul
À Lystres, une ville presque totalement païenne, Paul et Barnabé trouvèrent un bon accueil dans une famille juive. Il est intéressant de constater combien la piété du judaïsme pouvait rester vivante au sein d'une famille isolée dans un tel milieu. Cette famille comptait trois personnes : la grand-mère Lois, sa fille Eunice, dont le mari païen était décédé, et son fils Timothée. Le père était probablement un fonctionnaire romain ou grec. Dans la diaspora, de tels mariages mixtes étaient fréquents. La mère et la grand-mère vivaient dans l'espérance du «salut d'Israël», et elles avaient initié Timothée, dès son enfance, aux Saintes Écritures.
Paul se prit d'affection pour le jeune homme, tout en ignorant qu'un jour il lui imposerait les mains. Timothée deviendra son plus fidèle collaborateur, celui qui sera un jour la consolation de sa vieillesse. Plusieurs années plus tard, Paul lui rappellera les heures pénibles de Lystres : «Souviens-toi, ô Timothée, de ce que j'ai enduré à Lystres !» (2 Tim. 3, 11). Cette famille devint le lieu de rassemblement de 1'Église chrétienne. À la suite de cette famille, plusieurs personnes du village se convertirent.
Aujourd’hui, il ne reste de la ville de Lystres, fondée par Auguste en 6 av. J.-C., que des pierres éparses, un fragment de l'enceinte, quelques maisons du village et des sarcophages éventrés. Une petite mosquée monte la garde. Rien ne nous rappelle que c'est à Lystres que Paul a failli perdre la vie.
Paul guérit un handicapé et ce fut le commencement de ses problèmes: «Il se trouvait à Lystres un homme qui ne pouvait pas tenir sur ses pieds. Il était infirme de naissance, il n'avait jamais marché. » Le pauvre homme dévore des yeux Paul qui rencontre ce regard. «Voyant qu'il avait la foi pour être sauvé», le Tarsiote le fixe et, d'une voix forte, ordonne : Lève-toi, droit sur tes pieds!» (Actes 14, 8-10)
L'homme a compris l'invitation par le ton de la voix et le geste qui l'accompagne. Il obéit. Il bondit. Il marche ! Les gens de la ville pensent que Paul et Barnabé sont des dieux qui sont descendus dans leur village! Ils veulent leur rendre hommage.
Entre temps, la rumeur du succès des deux missionnaires a rejoint Iconium et la communauté juive, qui croyait s’être débarrassée d’eux. Ils se précipitent à Lystres pour éclairer les naïfs et mettre fin au travail des imposteurs.
Après le miracle, Paul est
vénéré comme un dieu,
puis tout tourne au pire:
lapidation de Paul
on le lapide jusqu'à ce qu'il soit considéré comme mort
En peu de temps, les habitants de Lystres se retournent contre Paul. En guérissant l'infirme, ce magicien les a engagés sur un mauvais chemin, pensent-ils maintenant ! Les gens d'Iconium les interrogent sur ce qu'ils vont faire du faux dieu Hermès qui a guérit l’handicapé? Réponse : Le lapider !
Comme Étienne il y a plusieurs années, Paul est traîné hors de la ville et jeté par terre. Furieux, les habitants de la ville rassemblent des pierres et la lapidation commence. Quand les gens de Lystres et les juifs qui ont suscité leur colère voient Paul inanimé, ils le croient mort et l’abandonnent, face contre terre. Barnabé et les chrétiens accourent. On se penche vers Paul. Le coeur bat toujours. La tête est intacte. Apparemment, il n'a pas reçu de blessures majeures. Échapper à une lapidation tient du miracle.
Paul et Barnabé décident de quitter Lystres avant que leurs ennemis se rendent comptent que Paul a survécu à la lapidation. Pour aller de Lystres à Derbé — dernière étape prévue de leur mission — il faut parcourir quarante kilomètres, c’est-à-dire environ huit heures de marche. Mais dans l’état où se trouve Paul, le voyage sera beaucoup plus long. Barnabé a dû emprunter un chariot sur lequel il étend Paul. En plusieurs étapes on le conduit à Derbé. Là, il se rétablira et pourra reprendre sa mission. (cf. Actes 14, 20)
Pendant des siècles, les Églises de Galatie ont pu se maintenir. Un certain nombre de chrétiens arméniens furent les derniers à rester fidèles à la foi chrétienne. Ils furent cruellement décimés pendant la guerre avec les Turcs. Ainsi les Églises fondées par Paul et Barnabé, leur héritage, le fruit de leurs efforts et de leurs souffrances, seront complètement détruites.
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22 Derbé, Pergé, retour à Antioche de Syrie
Localisation de Derbé
Derbé, ville aujourd'hui dsparue,
au sud de la Turquie actuelle.
Paul et Barnabé y fondent une communauté recrutée entièrement parmi les païens.
Derbé, étape du 1er voyage
Ils y séjournent pendant un an. C'est une des rares villes qu'ils quittent sans y être obligés par la persécution
Derbé, un village solitaire de montagne à l'extrême limite de la province de Galatie, était jadis un dangereux nid de brigands. Cette petite ville devenue, sous l’empereur Claude, une colonie prospère de vétérans et d’affranchis, a connu à l'époque de Paul, une période d’expansion. Aujourd’hui, il ne reste plus rien de cette cité greco-romaine.
Après la lapidation de Paul à Lystres, ses adversaires, croyant que leur ennemi était mort, ne le poursuivirent pas. Et c'est ainsi que les deux missionnaires purent fonder en toute tranquillité, dans cette paisible ville de province, une communauté chrétienne recrutée entièrement parmi les païens. On lit dans les Actes des Apôtres qu’ils ont réuni «d'assez nombreux disciples».
L’Église de Derbé, comme les trois autres églises de Galatie, a été enfantée dans la douleur. Paul fait allusion à cette naissance, lorsqu'il écrit aux Galates menacés dans leur foi par les agissements des judaïsants : «Mes petits enfants, pour vous j'endure à nouveau les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous!» (Galates 4, 19).
À Derbé, l'activité de Paul et de Barnabé dura au moins une année entière et elle s'étendit jusque dans les hautes vallées près du lac. Les relations pastorales avec Lystres, Iconium et Antioche de Pisidie n’ont jamais été interrompues car le jeune Timothée était un messager toujours disponible. Nous le savons par les excellents témoignages que lui rendirent ces communautés lors du retour de Paul quelques années plus tard : «À Lystres, il y avait un disciple nommé Timothée, fils d’une juive devenue croyante et d’un père grec. Les frères de Lystres et d’Iconium lui rendaient un bon témoignage.» (Actes 16, 2).
Suite à ces fondations, la Bonne Nouvelle se répandit de la Galatie à toutes les régions environnantes. Ces villes et villages donneront plus tard à l’Église de brillants docteurs en théologie. La chrétienté de cette région a pu se développer et s’épanouir en de florissantes communautés grâce au travail assidu de Paul et de Barnabé.
Depuis le départ des deux missionnaires d’Antioche de Syrie, leur Église-mère, plus de quatre ans s'étaient maintenant écoulés. Pendant les heures difficiles, ils eurent sans doute la nostalgie de leur communauté d’origine avec qui ils pouvaient difficilement communiquer. À intervalles très irréguliers et grâce à certains chefs de caravanes, ils envoyaient des messages, mais les occasions n’étaient pas très nombreuses.
Fin du premier voyage
Au lieu de retourner directement à Antioche de Syrie via Tarse, Paul et Barnabé décident de revenir sur leurs pas
Derbé se trouve à peine à 200 Km de Tarse et Paul et Barnabé auraient pu atteindre la patrie de Paul en quelques jours, en traversant les Monts Taurus. Cependant, la responsabilité apostolique vis-à-vis les communautés nouvellement fondées les incita à revenir sur leurs pas et à refaire le chemin déjà parcouru afin de visiter à nouveau ces jeunes centres de chrétienté.
Après les adieux à la communauté de Derbé, ils rebroussèrent chemin pour visiter Lystres, Iconium et Antioche de Pisidie. D’Antioche, ils traversèrent de nouveau les gorges du Taurus pour rejoindre la dernière communauté sur leur plan d’action, celle de la ville de Pergé.
Durant ce premier voyage missionnaire, Paul et Barnabé ont réussi à fonder des Églises dans sept villes de l’Empire avant de retourner à leur base : Salamine, Paphos, Antioche de Pisidie, Iconium, Lystres, Derbé et Pergé. Pendant ces quatre années, Paul a assumé son rôle de chef de mission et développé son style missionnaire.
Durée du premier voyage: 4 ans
Paul et Barnabé ont réussi à fonder des Églises dans
sept villes de l’Empire
Avant de quitter les communautés qu'ils ont fondées, Paul et Barnabé encouragent les chrétiens à tenir bon dans l'épreuve. Ils choisissent des responsables et les confient au Seigneur. Il est ici question «d'anciens» (presbyteroi), alors que dans sa lettre aux Philippiens Paul parlera d'épiscopes (episcopoi) et de diacres, ce qui indique un développement continu des tâches et des responsabilités dans les jeunes Églises.
De Pergé, Paul et Barnabé gagnent Attaleia, à environ 80 kilomètres au sud-ouest, afin de retourner à Antioche de Syrie par la mer. Ils longent les côtes de la Cilicie. C'est l'unique voyage que Paul fera le long des côtes au sud de l'Asie Mineure en voguant d’ouest en est. Ce voyage de plusieurs jours se fit sans histoire.
En fin de course, le bateau cargua ses voiles devant le port d'Antioche de Syrie.
Les Actes des Apôtres racontent : «D’Attaleia ils firent voile vers Antioche, d'où ils étaient partis, recommandés à la grâce de Dieu pour l'œuvre qu'ils venaient d'accomplir. À leur arrivée, ils réunirent l'église et se mirent à rapporter tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux païens la porte de la foi.» (Actes 14, 26-27)
C’est ainsi que se termine le premier voyage missionnaire de Paul et de Barnabé.
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23. Le Concile de Jérusalem
Conile de Jérusalem - SanhédrinIl est difficile de situer l’assemblée de Jérusalem car le récit des Actes des Apôtres (15, 1-34) ne coïncide pas avec ce que dit Paul dans sa lettre aux Galates (2, 1-10). Aujourd'hui, les experts sont d’avis que c’est Paul qui situe correctement cet événement.
Après son séjour en Arabie et à Damas (Galates 1, 18), Paul parle d'une première rencontre avec Pierre et Jacques, puis d'une deuxième rencontre (celle du Concile) qu'il situe «au bout de quatorze ans» (Galates 2, 1). Cela veut donc dire que Paul a déjà fait deux voyages missionnaires, et non pas un seul. L’assemblée aurait donc eu lieu en l’an 51.
De son côté, Luc aurait «avancé» la date afin qu’elle soit plus près du début de l'activité missionnaire de Paul et ainsi légitimer le plus tôt possible la mission de l'Apôtre auprès des non-Juifs.
...réticences d'un groupe
de chrétiens qui, au nom
de la fidélité à la Loi et de l'élection privilégiée d'Israël, tenaient à ce que ceux qui deviennent chrétiens se
fassent circoncire
Paul, au cours de ses voyages, a fondé plusieurs communautés en milieu grec. Le problème de l'accueil des non-Juifs se pose alors : doivent-ils se faire circoncire pour marquer leur appartenance à la communauté chrétienne? Doivent-ils observer les interdits alimentaires et toutes les lois de Moïse? Il est donc très vraisemblable que la rencontre ait eu lieu après le deuxième voyage, c'est-à-dire quand le nombre de convertis non-Juifs est devenu plus important.
En gardant en mémoire ces quelques considérations, l’une ou l’autre date ne causent pas de grands problèmes. Nous verrons donc cet événement ici, après le premier voyage, afin de suivre ensuite plus facilement les déplacements de Paul d’abord avec Barnabé et ensuite avec Silas, selon la chronologie de Luc dans les Actes des Apôtres.
Luc indique que pour cette rencontre importante, les représentants d’Antioche de Syrie - Paul, Barnabé et Tite -, s'acheminent vers la Ville sainte par voie terrestre : «Passant par la Phénicie et la Samarie, ils y racontaient la conversion des nations païennes et procuraient ainsi une grande joie à tous les frères.» (Actes 15, 3) À Jérusalem, l'élite de l'Église-mère les attend.
Les conséquences de cette réunion dans l'histoire du christianisme sont telles que certains la désigneront plus tard de «concile de Jérusalem», ce qui laisserait supposer une assemblée bien structurée, rassemblant de nombreuses personnes. Il faut penser plutôt à une réunion de quelques représentants de l'Église d'Antioche avec Jacques, Pierre et Jean, de l’Église de Jérusalem. Même s’il s’agit d’une réunion privée, aucun autre concile n’a pris des décisions aussi importantes que celle de Jérusalem. Sans ce «premier concile», les autres n'auraient pas été possibles.
À Jérusalem, on écoute d’abord avec enthousiasme le récit de la pénétration du christianisme dans les milieux païens. Rapidement cependant, la joie initiale est troublée par les réticences d'un groupe de chrétiens qui, au nom de la fidélité à la Loi et de l'élection privilégiée d'Israël, tenaient à ce que ceux qui deviennent chrétiens se fassent circoncire. Ils répétaient sans relâche qu'il fallait obliger tout le monde à observer la Loi de Moïse. Toujours brutal quand il polémique, Paul parlera de «faux-frères intrus».
Pour ces croyants de Jérusalem, il n'est pas question de vivre en communauté avec des non-juifs, ni de partager des repas avec ceux qui ne sont pas circoncis et qui ne respectent pas l'intégralité des prescriptions alimentaires de la Loi. Cette attitude restrictive ne cadre pas avec l’expérience des Juifs de la Diaspora qui avaient beaucoup plus d'ouverture envers les non-Juifs car ils vivaient avec eux.
Saint Tite, disciple de Paul, apôtre de la CrêteSaint Tite. Comme Timothée, il fut un des meilleurs amis de Paul. "L'Épître de Paul à Tite" témoigne de l'affectueuse tendresse qu'il lui porte. Tite eut la gloire d'établir le Christianisme dans l'île de Crète où le paganisme avait un de ses principaux centres.
À Jérusalem, Paul a amené Tite, un jeune homme que nous n'avons pas encore rencontré. C'est un Antiochien récemment devenu chrétien. Il fondait de grands espoirs sur celui qui deviendra l’un de ses plus grands collaborateurs. Il le nomme «son vrai fils dans la même foi» (Tite 1, 4). Pour Paul, ce jeune homme est une preuve vivante des nobles fruits qui poussaient déjà sur l'arbre de l'Église des Gentils. À Jérusalem, on ne pourrait résister au charme de ce chrétien sorti du monde non-juif. «Je suis monté à Jérusalem, écrira Paul. J'emmenai aussi Tite.» Il nous dit qu'il était né d'une famille païenne et non circoncis. Ce détail est fourni par Luc qui ajoute que «l'Église d'Antioche a fournit les fonds nécessaires au voyage de ses trois représentants.» (Actes 15, 3)
À Jérusalem, tous étaient conscients que l'attitude qu'on allait adopter à l'égard de Tite serait d'une importance capitale pour l'avenir de l'Évangile. Tite représentait symboliquement l'ensemble des Églises pagano-chrétiennes. S’il était accepté sans conditions, comme frère à part entière, ce serait une décision applicable à tous les chrétiens non-Juifs des nouvelles communautés.
Paul aurait vu son oeuvre compromise dans sa nature même, si la conception des judéo-chrétiens, insistant sur la circoncision pour tous devait triompher. Maintenir cette obligation pour les non-Juifs ferait de l'Église une secte de la Synagogue et annulerait l'universalité du salut. Les chrétiens non circoncis constitueraient au sein même de l'Église un groupe de deuxième classe. L'ancien mur de séparation dans le Temple, entre Juifs et non-Juifs, se dresserait à nouveau au sein même de l'Église chrétienne. Recevoir les non-Juifs dans l'Église, mais éviter de faire table commune avec eux, ferait d'eux des parias chrétiens. C'était donc un problème à la fois social et religieux.
Pour Paul, le problème se posait ainsi : Le salut est-il, le fruit de la grâce du Christ ? La circoncision est-elle nécessaire pour le salut ou la grâce du Christ suffit-elle? Cette question de principe était très importante. Une fois tranchée, Paul pourra permettre la pratique de la circoncision, comme ce sera le cas de Timothée, qui lui était d’une mère juive.
À Jérusalem, Pierre, Jacques et Jean acceptèrent le point de vue de Paul. L’Église naissante évita ainsi un conflit qui aurait été catastrophique et aurait relégué le christianisme au rang de «secte judaïsante».
Après la réunion, les apôtres et les anciens décidèrent d'envoyer à Antioche deux délégués, Judas et Silas, «personnages en vue parmi les frères», qui feront route avec Paul et Barnabé. On leur confia une lettre qui expliquait la proposition de Jacques : «L'Esprit Saint et nous avons décidé de ne vous imposer aucune autre charge que ces exigences inévitables : vous abstenir des viandes des sacrifices païens, du sang des animaux étouffés et de l'immoralité. Si vous évitez tout cela avec soin, vous aurez bien agi. Adieu!» (Actes 15, 28-29)
La formule de compromis arrêtée par Jacques fixe aux païens quatre interdits qui constituaient, selon la littérature rabbinique, les quatre exigences minimales imposées aux prosélytes en contact avec les Juifs : éviter de consommer les viandes sacrifiées aux idoles, s’abstenir des unions illégitimes (prostitution), ne pas manger des viandes non saignées et éviter de consommer du sang d’animaux. Ces restrictions visent à éviter que les non-Juifs soient cause de souillure pour leurs frères et soeurs judéo-chrétiens.
On en était ainsi arrivés à un compromis acceptable pour les deux groupes : Les non-juifs chrétiens acceptaient les règles énoncées par Jacques et les juifs-chrétiens n’obligeaient pas les non-juifs à se faire circoncire. Les deux groupes pouvaient ainsi se retrouver à la même table.
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24. Résultats du Concile
Nous connaissons bien les principaux personnages du Concile de Jérusalem :
Pierre, le chef des apôtres
Statue de saint Pierre au VaticanAprès avoir écouté les arguments des participants, avec l'autorité que tous lui reconnaissent, il intervient en disant : «Vous le savez : dès les premiers jours, Dieu m’a choisi parmi vous pour que les païens entendent de ma bouche la parole de la Bonne nouvelle en embrassant la foi. Et Dieu, qui connait les coeurs, a témoigné en leur faveur, en leur donnant l’Esprit Saint, tout comme à nous, puisqu’il a purifié leur coeur par la foi. Pourquoi provoquer Dieu en imposant à la nuque des disciples un joug que ni nos pères ni nous-mêmes n'avons été capables de porter?... C'est par la grâce du Seigneur Jésus, nous le croyons, que nous avons été sauvés, exactement comme eux» (Actes 15, 10-11).
Son discours fait référence à sa propre expérience et à la compréhension qu'il a du plan de Dieu en Jésus-Christ :
Dieu a déjà pris l'initiative d’indiquer l’attitude que l’on doit avoir envers les païens, lorsqu'il me donna l'ordre de baptiser le centurion Corneille.
En raison de la faiblesse de l'homme, l'ancienne Loi ne peut être accomplie dans toute sa rigueur.
Le salut est accordé à tous gratuitement, par la seule grâce de Dieu qui agit librement en Jésus-Christ.
Par ce discours sage et pondéré, le chemin est aplani, et les participants sont prêts à accepter le point de vue de Paul et de Barnabé.
Apôtre saint JeanJean, l’apôtre que Jésus aimait
En arrivant à Jérusalem, Paul et Tite font la connaissance d'un personnage que Barnabé avait déjà rencontré. On le considérait, tout comme Pierre, comme l'une des figures fondatrices du mouvement qui était né après la mort de Jésus. Il avait déjà fondé quelques communautés à Éphèse et sur la côte de l'Asie Mineure. Lors de son dernier séjour dans cette région, Paul avait pu constater que son influence n'avait pas baissé et plusieurs communautés d'Asie se réclamaient de lui.
Il s'agit ici de Jean, le fils de Zébédée, l’apôtre de Jésus, qui, avec son frère Jacques, avaient été les premiers à être appelés par le Seigneur. Il va jouer un rôle important dans le développement de l’église du premier siècle et nous laissera en héritage son évangile et le livre de l’Apocalypse (écrit probablement par l’un de ses disciples).
Apôtre saint JacquesJacques, le frère du Seigneur
Il est un personnage important dans l’église de Jérusalem. Dans sa 1ère Epître aux Corinthiens, Paul lui accorde une place spéciale, le présentant comme ayant été favorisé pour lui seul d'une apparition de Jésus : «Le Christ est apparu à Céphas, puis aux Douze. Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois – la plupart d'entre eux demeurent jusqu'à présent et quelques-uns se sont endormis – ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. Et, en tout dernier lieu, il m'est apparu à moi aussi, comme à l'avorton.» (1 Corinthiens 15, 3-8)
Après son évasion de la prison d'Agrippa, Pierre demande à ceux qui l’entourent : «Annoncez-le à Jacques.» Lorsque tous les apôtres quittent Jérusalem pour proclamer la Bonne Nouvelle, Jacques reste sur place. À cause de lui, beaucoup de pharisiens embrassent le christianisme, dont certains prêtres de différentes classes sociales, qui semblent avoir continué à exercer leur fonction sacerdotale juive. Quand Pierre quitte Jérusalem (en 43 ou 44), Jacques le remplace à la tête de cette église.
Après le discours concluant de Pierre, ceux qui voulaient maintenir la ligne dure sur l’obligation de la circoncision, espéraient que Jacques, le conservateur, défendrait leur point de vue. Les deux partis attendaient impatiemment ce qu’il dirait. Très simplement, Jacques se leva et déclara être d’accord avec Pierre et Paul : le salut est sans condition et s'étend à toute l'humanité.
Pour permettre une entente fraternelle entre les deux partis, en homme sage, Jacques propose un compromis susceptible d'être acceptable à tous. Il demande aux incirconcis d'avoir égard aux sentiments des judéo-chrétiens sur les trois points suivants :
1. Éviter la participation aux repas des sacrifices païens.
2. S’abstenir des excès sexuels en vogue dans les temples, sous forme de prostitution rituelle.
3. Observer l'usage de viande cosch'r aux repas pris en commun.
Paul avait voulu atteindre
deux buts précis :
préserver la liberté chrétienne vis-à-vis la Loi de Moïse
et être reconnu comme apôtre par l'Église-mère.
Paul est très heureux des conclusions du Concile. Il a refusé de faire circoncire Tite afin de ne pas «sacrifier la liberté qui nous a été donnée en Jésus-Christ» et Pierre, Jacques et Jean ont accepté sa proposition. Les non-Juifs ne seront pas obligés de suivre toutes les règles de la Loi de Moïse. Cela ouvrait la porte à une chrétienté offerte à tous. Pour Paul, réintroduire dans les églises la marque symbolique de la séparation entre le pur et l'impur, entre les élus de Dieu et les païens, ce serait annuler la croix du Christ.
À cette réunion de Jérusalem, Paul avait voulu atteindre deux buts précis : préserver la liberté chrétienne vis-à-vis la Loi de Moïse et être reconnu comme apôtre par l'Église-mère. Il réussit à atteindre ces deux objectifs.
La liberté chrétienne fut préservée grâce à l’ouverture des participants. L'Esprit souffla et le mur de séparation entre les Juifs et les non-Juifs s’écroula. Dieu donna à ses apôtres la sagesse et la fermeté nécessaires pour achever une oeuvre indispensable à l'établissement d'une religion universelle.
Pour ce qui est du deuxième objectif de Paul - être reconnu comme apôtre à part entière -, il faut nous rappeler que depuis sa conversion, il n'avait pas été facilement accepté par la communauté chrétienne. Les Actes signalent que la peur subsistait chez bon nombre de croyants. Ananias, chez qui Paul avait été envoyé après sa conversion, répond au Seigneur qui lui était apparu dans une vision : «Seigneur, j'ai entendu bien des gens parler de cet homme et dire tout le mal qu'il a fait à tes saints à Jérusalem. Et ici il dispose des pleins pouvoirs reçus des grands prêtres pour enchaîner tous ceux qui invoquent ton nom» (Actes 9,13-14).
Lors de son passage à Jérusalem, après ses trois années en Arabie, les Actes parlent également d'une peur instinctive de la part des chrétiens : «Arrivé à Jérusalem, il essayait de se joindre aux disciples, mais tous avaient peur de lui, n'arrivant pas à le croire vraiment disciple» (Actes 9,26).
(Malgré cette acceptation)
Paul devra défendre continuellement son
statut d’apôtre.
...C’est triste et Paul en
souffrira toute sa vie.
Paul devra défendre continuellement son statut d’apôtre. Un texte nous le montre en train de présenter sa défense à l'Église de Corinthe qu'il a fondée, face aux Judéo-chrétiens venus de Jérusalem : «Ne suis-je pas libre ? Ne suis-je pas apôtre ? N'ai-je pas vu Jésus, notre Seigneur ? N'êtes-vous pas mon oeuvre dans le Seigneur ? Si pour d'autres, je ne suis pas apôtre, pour vous au moins je le suis ; car le sceau de mon apostolat, c'est vous qui l'êtes, dans le Seigneur» (1 Corinthiens 9, 1-2).
À Jérusalem, cette reconnaissance de la part de Pierre, Jean et Jacques revêt donc une grande importance pour Paul dans son ministère. Il le souligne dans sa lettre aux Galates : «Reconnaissant la grâce qui m’avait été départie, Jacques Céphas et Jean, ces notables, ces colonnes, nous tendirent la main, à moi et à Barnabé, en signe de communion : nous irions nous aux païens, eux à la circoncision.» (Galates 2, 9)
Le Concile de Jérusalem souligne donc cette acceptation de Paul par Pierre, Jacques et Jean. Il s’agira de savoir s’il y a là un accord véritable ou simplement une concession superficielle afin d’éviter la rupture. Les Épîtres de Paul et les Actes des Apôtres de Luc, nous révéleront que, pour plusieurs chrétiens de l'Église-mère, ce n’était qu'une sorte de tolérance accordée avec condescendance à une minorité. C’est triste et Paul en souffrira toute sa vie.
Les décisions du Concile furent communiquées à l'Église d'Antioche par une lettre, que deux délégués, accompagnant Paul, Barnabé, et Tite, furent chargés de porter : Jude, surnommé Barsabbas, originaire de Jérusalem, un chrétien de la première heure, et Silvanus, un helléniste de la diaspora, citoyen romain, portant comme Paul un nom juif et un nom latin.
carte - de Salamine à Paphos, sur l'île de ChypreDe Salamine, Barnabé, Paul et Marc se rendirent à Paphos, de l’autre côté de l’île. Dans ce port de mer, la magie a droit de cité. C'est tout juste si on ne lui accorde pas le rang de religion. Ses partisans s’inspirent de doctrines qui prennent leurs racines en Égypte ou en Mésopotamie. Sergius Paulus, le proconsul romain, accueille volontiers dans son palais les magiciens et les philosophes de toutes tendances. Il est toujours heureux d’engager avec eux un débat dont raffolaient les intellectuels de l'Antiquité.
Paul confond le magicienDevant le proconsul Sergius Paulus. Paul rend aveugle le magicien Elymas.
Ayant appris la présence à Paphos de trois nouveaux prédicateurs, le proconsul a voulu les rencontrer. «Il invita Barnabé, Paul et Marc et manifesta le désir d'entendre la parole de Dieu». On croira plutôt que, s'ennuyant dans son île, le représentant de l’empereur a probablement cherché à se distraire en rencontrant ces visiteurs insolites.
C'était la première fois que l'Évangile pénétrait dans l’aristocratie de la société romaine. On comprend aisément que pour cette occasion c’est Paul, le citoyen romain, qui joua le rôle principal. Le privilège de la citoyenneté romaine lui donnait un prestige certain au regard du gouverneur de cette province sénatoriale.
Sergius Paulus devint le premier Romain de marque à se convertir (Cornelius, baptisé par Pierre, n'était qu'un centurion). Il se peut que le proconsul ait été l'un de ces «craignant Dieu» qui, dans chaque ville, fréquentaient la synagogue, attirés par la richesse morale de la foi juive.
Sergius Paulus, de famille noble, nous est présenté par Pline comme un homme cultivé, un personnage important, une autorité en sciences naturelles, un membre de la commission impériale pour la régularisation du Tibre, le fleuve qui traverse Rome, un connaisseur des questions philosophiques et religieuses. Recherchant la vérité, il n'avait rien du scepticisme blasé de Ponce Pilate. Luc le qualifie «d'homme avisé», parce qu'il cherchait visiblement un accès au monde du surnaturel.
Ses occupations administratives dans la petite île lui laissaient beaucoup de temps de loisir qu'il consacrait au travail intellectuel. En qualité de proconsul, il était entouré d'une cour composée de jeunes patriciens romains, se préparant à leur future carrière d'administrateurs.
«Saul» disparaîtra, laissant
la place à «PAUL».
Paulos, en grec, signifie petit.
De ces rencontres avec Sergius Paulus va résulter un événement important dans la vie de Paul. L’apôtre qui jusqu’ici se nommait Saul, va ajouter à son nom celui de Paul. On le connaîtra par ce nouveau nom «pour toute l’éternité». Pendant un certain temps, le Tarsiote utilisa les deux noms : Saul dit Paul. Mais rapidement, «Saul» disparaîtra, laissant la place à «Paul». Paulos, en grec, signifie petit. Outre la réalité de sa petite taille, Paul a sans doute voulu souligner à ses propres yeux sa condition de serviteur comparé à la puissance infinie de Dieu.
A partir de ce moment, l’évangéliste Luc ne nomme plus l'Apôtre qu'avec son nom de Paul. Dans ce nom grec et romain (Paulos - Paulus) on retrouvait une ouverture nouvelle pour «l’apôtre des Nations».
Il est intéressant de signaler que le nom de Saul n'apparaît jamais dans les lettres de Paul. Il ne le mentionne pas même lorsqu'il évoque sa vie précédant sa conversion et cette rencontre à Paphos. Il parle de lui-même comme « Paul ». C'est uniquement dans les Actes des Apôtres que nous rencontrons les deux noms de Saul et Paul. Avant sa conversion, Luc le nomme «Saul». Le seul passage où les deux noms sont utilisés côte à côte est en Actes 13, 9 qui dit simplement : «Saul, appelé aussi Paul». C'est la dernière fois que Luc utilise ce nom de «Saul».
À Chypre, on voit Paul passer insensiblement du second rôle
à celui de chef de mission.
Autre changement significatif : à Chypre, on voit Paul passer insensiblement du second rôle à celui de chef de mission. Jusqu'ici les textes parlaient de «Barnabé et Paul». Il ne sera plus question, à partir de maintenant, que de «Paul et Barnabé».
Après quelques mois passés à Chypre, Paul décida de se rendre sur le continent et Barnabé se laissa entraîner par l'ardeur de son ami.
Marc cependant exprima son désaccord et protesta vivement. Qu'allaient-ils faire là-haut dans ces montagnes sauvages ? On n'y trouvera pas de communautés juives, pas de synagogues, rien que des sentiers impraticables, côtoyant des abîmes, des ponts et des passerelles arrachées et des brigands sans merci. Ce n'est pas ainsi qu'il s'était représenté le voyage. Le courage du jeune homme de Jérusalem, qui ne connaissait rien de la nature sauvage, fléchissait. Il ne voulait plus continuer. La fougue audacieuse de Paul le dépassait. Il ne se sentait pas capable de faire face aux difficultés et aux dangers de ces lieux inhospitaliers. Il en parla à son cousin, Barnabé, et lui communiqua sa décision de prendre le premier bateau à destination de Césarée maritime, pour entrer ensuite à Jérusalem. Cette désertion du jeune Marc blessa profondément Paul et elle deviendra plus tard l’une des causes de conflit entre Paul et Barnabé.
Marc, auteur d'un évangile Marc, auteur d'un évangile, cousin de Barnabé, disciple et collaborateur de Pierre, redevenu compagnon de Paul.
Marc avait grandi à Jérusalem au milieu des premiers apôtres, il avait été élevé dans la tradition judaïque qui reliait encore fortement la jeune Église à la Synagogue. Paul, ce fougueux apôtre, était décidé à arracher l'Église à la Synagogue. De retour à Jérusalem, Marc deviendra l'élève et le collaborateur de Pierre et son interprète pour la langue grecque. Il reprendra la route avec lui. Le chef des apôtres parle de «mon fils Marc» dans l’une de ses lettres (1 Pierre 5, 13). Marc accompagnera Pierre dans ses voyages missionnaires et apprendra tout sur Jésus de Nazareth. Cela le qualifiera pleinement pour écrire le premier des quatre évangiles qu’on nomme aussi parfois «l’évangile de Pierre»..
Marc sera en mesure plus tard de surmonter cette défection juvénile de Paphos, et il redeviendra un collaborateur précieux de l'apôtre Paul. Prisonnier à Rome, Paul écrit : «Aristarque, mon compagnon de captivité, vous salue, ainsi que Marc, le cousin de Barnabé, au sujet duquel vous avez reçu des instructions : s'il vient chez vous, faites-lui bon accueil.» (Colossiens 4, 10)
Après ce départ de port de Paphos, Paul n'a plus jamais remis les pieds sur l’île de Chypre. Il considérait cette île comme le fief et la fondation de Barnabé, et il ne voulait pas bâtir «sur le terrain d'autrui».
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18- Sur les routes de l'empire
De Paphos sur l’île de Chypre, Paul et Barnabé décident d’aller en Asie Mineure. Dans ce port très achalandé, les bateaux font voile dans toutes les directions. Il suffit de choisir. Il faut agir vite car l'époque dangereuse de l'automne, qui interdit les voyages en mer, approche rapidement. Parmi les destinations qui pourraient intéresser Paul, il y a Éphèse, ville côtière et grand centre de transit. Mais il préfère Attaleia. La personne qui a influencé cette décision est sans doute Sergius Paulus qui possède probablement des relations et des contacts susceptibles d’être utiles aux deux missionnaires.
Paul n'avait jamais de plan de voyage déterminé. Il répondait aux occasions qui se présentaient. Sergius Paulus lui offrait de se rendre à Attaleia et de là à Antioche de Pisidie et cette destination lui semblait intéressante. Comme nous l’avons mentionné plus tôt, Marc prit le bateau pour Césarée et de là il gagnera Jérusalem.
Selon les Actes des Apôtres, la vie de Paul est marquée par trois grands voyages missionnaires. Le premier commence en l'an 46, quand Paul a 41 ans (Actes 13.1-3). Il entreprend le deuxième en 50 et le troisième se termine en l'an 58, avec son arrestation au Temple de Jérusalem (Actes 21, 27-34). En tout, douze ou treize années d'aventures sur les routes et sur les mers! Ces voyages n’ont rien à voir avec le confort des voyages d’aujourd’hui. Seules les voies principales de l'Empire possédaient des auberges aux trente kilomètres, où les voyageurs pouvaient trouver refuge à la fin de la journée. Sur les routes secondaires, il fallait passer la nuit dans des abris de fortune.
Carte des voies romaines autour de la MéditerranéeLes voies romaines dans l'Empire
Voie romaine - Via ApiaVia Appia près de Rome
technique de construction d'une voie romaineEn construction - croquis d'une coupe
ancienne voie romaine près de PélussinAncienne voie romaine, près de Pélussin
Les Romains avaient édifié, dans leurs provinces autour de la Méditerranée, un réseau routier tout à fait remarquable dont la destination première était militaire : en effet, les légions devaient pouvoir se déplacer rapidement pour se trouver là où leur intervention était nécessaire. Pour cette raison, les voies romaines étaient tracées de façon rectiligne et reliaient toujours deux points stratégiques.
La plus ancienne de ces routes, la Via Appia, reliait Rome à Capoue. Elle avait été construite en 312 av. J.-C. Au début de l'ère chrétienne, tous les pays autour de la Méditerranée étaient sillonnés de voies de circulation. Le réseau routier comptera plus de 350 voies, couvrant près de 80 000 km.
Les ingénieurs romains avaient développé des techniques de construction très efficaces qui étaient utilisées sur toutes les routes de l’empire. Larges de 5 à 7,50 mètres, elles étaient construites de cinq couches de matériaux superposées, avec une surface de revêtement de dalles de pierre. Des «milliaires» ou bornes indiquaient les distances entre deux villes. Les militaires, aidés de travailleurs locaux, étaient chargés de la construction de ces routes et des nombreux ponts, murs de soutènement et tunnels qui permettaient de franchir les obstacles naturels. L’armée était aussi responsable de l’entretien du réseau routier.
Les voies romaines étaient au service de tous les habitants de l’empire. Les dirigeants, les dignitaires et les citoyens les plus riches se déplaçaient en voitures confortables, escortés de cavaliers. Les simples particuliers, selon leurs moyens, voyageaient en groupes dans de lourds chariots bâchés, à dos de cheval ou de mulet, ou à pied.
Paul et Barnabé, qui voyageaient probablement à pied, se joignaient à l’une des nombreuses caravanes qui se déplaçaient d’une ville à l’autre. Ils parcouraient entre trente et trente-cinq kilomètres par jour, vitesse légèrement inférieure à la vitesse moyenne d'une personne à pied aujourd’hui. Les conditions routières étaient beaucoup plus mauvaises qu’elles ne le sont de nos jours.
Pendant ses douze ou treize années de mission, Paul s'est rendu dans plusieurs grandes villes de l'Empire: Antioche, Thessalonique, Athènes, Corinthe, Éphèse, Rome. Ces villes accueillaient un mélange de nationalités et les gens du monde entier s’y côtoyaient, comme dans nos villes aujourd'hui!
L'Évangile venait du monde rural, de l'intérieur de la Palestine, et il fallait que Paul puisse l'incarner dans cette nouvelle réalité du monde urbain. Tâche difficile! Il avait en tête la prophétie de la Pentecôte qui voulait que la Bonne Nouvelle atteigne toutes les nations. Luc énumère les peuples présents à Jérusalem lors de la fête : «Comment se fait-il alors que chacun de nous les entende dans sa propre langue? Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de Mésopotamie, de Judée et de Cappadoce, du Pont et d'Asie, de Phrygie et de Pamphylie, d'Égypte et de cette partie de la Libye qui est proche de Cyrène, Romains en résidence, tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons publier dans notre langue les merveilles de Dieu!» (Actes 2, 8-11) Au fil de ses voyages Paul montre comment l'Évangile a rejoint tous ces peuples et bien d'autres encore. Ainsi se réalise la prophétie de la Pentecôte.
En arrivant dans les villes et dans les villages, Paul et Barnabé procédaient toujours de la même manière. Ils allaient à la synagogue le jour du sabbat. Cette rencontre avait pour but de convaincre leurs coreligionnaires que le Christ était le Messie. Généralement, ils en ralliaient quelques-uns, les autres étaient hostiles. Cela, ils le savaient d'avance, mais ils considéraient que leur prédication devait d'abord s'adresser aux Israélites.
De toutes ces églises fondées pendant le premier voyage de Paul, dans la sueur et dans la peine - Salamine, Paphos, Pergé, Antioche de Pisidie, Iconium, Lystres et Derbé - il ne reste pratiquement rien aujourd’hui. L'appel à la prière que lance le muezzin du haut du minaret, raconte une autre histoire.
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19. Pergé et Antioche de Pisidie
Pergé - Pamphilie Pergé, en Pamphylie, près d'Attaleia
Carte du premier voyage - Pergé et Antioche de Pisidie
Paul et Barnabé quittent le port de Néo-Paphos, pour se rendre à Attaleia, en Asie Mineure. Il fallait trente-six heures de navigation pour y arriver. La baie d’Attaleia était protégée contre les corsaires par une couronne de forts et de bastions.
D'Attaleia, ils gagnent, à moins d'une demi-journée de marche, la ville de Pergé. «Ils annoncèrent la parole à Pergé», dit Luc. (Actes 13,13) Ils demeurent quelque temps dans cette ville et ensuite, ils traversent les montagnes du Taurus ainsi qu’une zone semi-désertique pour atteindre Antioche de Pisidie. «De Paphos, où ils s'embarquèrent, Paul et ses compagnons gagnèrent Pergé, en Pamphylie. Mais Jean Marc les quitta pour retourner à Jérusalem. Quant à eux, poussant au-delà de Pergé, ils arrivèrent à Antioche de Pisidie. Le jour du sabbat, ils entrèrent à la synagogue et s'assirent. Après la lecture de la Loi et des Prophètes, les chefs de la synagogue leur envoyèrent dire : «Frères, si vous avez quelque parole d'encouragement à dire au peuple, parlez.» (Actes 13, 13-15)
Antioche de PisidieAntioche de Pisidie, en région montagneuse
Alors que Tarse et Antioche de Syrie sont à peine à 80 mètres au-dessus du niveau de la mer, Antioche de Pisidie est à 1.200 mètres, Iconium à 1.027 mètres et Lystres à 1.230 mètres. Ces territoires avaient été des régions dangereuses, remplies de bandes de voleurs et de tueurs. Pour mettre un terme à ce brigandage, les empereurs César-Auguste et Claude eurent recours à un moyen très efficace : ils fondèrent des colonies de vétérans. Antioche était ainsi devenue une colonie romaine de droit italique. Les colons venaient en majorité de la légion celte, recrutée dans les Gaules.
La décision prise par Auguste d'y établir une colonie d’anciens combattants avait donné une nouvelle vie à la ville. Les vétérans démobilisés après la bataille d’Actium (31 av. J.-C.) contre Marc-Antoine, Cléopâtre et Brutus, y ont obtenu des terres qu'ils ont cultivées, mais à une condition : faire régner l'ordre parmi la population, ce à quoi ils étaient parfaitement préparés. Antioche était une réplique de Rome : administration, traditions religieuses, division en quartiers, théâtre, thermes, aqueducs, etc. On la surnommait : «la petite Rome». Dans son testament, l'empereur Auguste a mentionné les colonies de Pisidie comme l'une des réalisations importantes ayant marqué son règne.
Certes, Paul a connu de grandes villes : Damas, Antioche de Syrie, Tarse, Jérusalem, Éphèse. Il n’aurait jamais pensé qu’une métropole romaine puisse se trouver au milieu d'une région que Luc qualifiera de barbare et de sauvage ? Antioche de Pisidie avait toute l’infrastructure d’une grande ville et était protégée de remparts romains. C’était aussi une «ville sainte», consacrée au culte du dieu masculin de la lune, nommé Men ou Lunus. Pendant les nuits illuminées, se déroulaient de sauvages liturgies orgiaques, au cours desquelles les habitants de la ville offraient leurs sacrifices à la lune et se livraient, en compagnie de nombreuses hiérodules (prostituées) du temple, aux débauches débridées et aux célébrations dionysiaques. Paul y fait allusion dans sa lettre aux Galates, lorsqu'il écrit: «Autrefois, il est vrai, quand vous ne connaissiez pas Dieu, vous étiez les esclaves des dieux qui ne possèdent pas la divinité» (Galates 4, 8).
Dans cette région de pâturages et d'élevage, au centre sud de l'Asie mineure, Paul et Barnabé mettront les fondations de nombreuses églises. Pendant toute cette période, les deux missionnaires furent en danger constant de la part des communautés juives dans ces villes de régions éloignées.
Les Juifs, attirés par le commerce du cuir, jouissaient, ici comme partout ailleurs, de nombreux privilèges depuis le temps de César, leur grand bienfaiteur et leur débiteur.
Confrontations avec certains
Juifs de la synagogue.
Paul doit déjà avoir
envisagé une rupture
avec la synagogue.
Vers la fin de son séjour à Antioche de Pisidie Paul doit déjà avoir envisagé une rupture avec la synagogue : «Le sabbat suivant, presque toute la ville s'assembla pour entendre la parole de Dieu. À la vue de cette foule, les Juifs furent remplis de jalousie, et ils répliquaient par des blasphèmes aux paroles de Paul. S'enhardissant alors, Paul et Barnabé déclarèrent : «C'était à vous d'abord qu'il fallait annoncer la parole de Dieu. Puisque vous la repoussez et ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien! nous nous tournons vers les païens. Car ainsi nous l'a ordonné le Seigneur : Je t'ai établi lumière des nations, pour faire de toi le salut jusqu'aux extrémités de la terre.» (Actes 13, 44-47)
À cause de ces confrontations avec certains Juifs de la synagogue, désormais, il n'était plus permis aux deux missionnaires de prendre la parole. C’est pourquoi ils enseignaient dans les maisons privées, sur les terrasses et en plein air. La rupture définitive n'advint cependant que lors du séjour de Paul à Corinthe, quand il quitta la synagogue et s'installa, tout près, dans la maison de Justus qui était un prosélyte (Actes 18,6).
À Antioche, pour combattre Paul et les chrétiens, les Juifs commencèrent à utiliser une tactique qui reviendra souvent à l’avenir et qui leur sera favorable. Grâce à leur sens des affaires et à leur argent, ils entretenaient de très bonnes relations avec les milieux influents. Plusieurs Juives se mariaient avec des fonctionnaires grecs ou romains et elles avaient leurs amies parmi les épouses des dirigeants de la ville. C'est ainsi que la Synagogue gagnait facilement à sa cause la police municipale, grâce aux dames pieuses. On expliquait aux gardiens de l'ordre public que les deux apôtres introduisaient un culte nouveau, ce qui était interdit par la loi, et qu'ils proclamaient un certain Christ comme roi, ce qui en faisait un adversaire de César. Ce Jésus avait été condamné à mort du temps de Ponce Pilate, pour avoir fomenté une insurrection contre l'autorité romaine. Aux yeux des dirigeants, les chrétiens se rendaient donc coupables de haute trahison.
En soudoyant quelques individus douteux, on provoquait une émeute populaire. Les responsables de la ville constataient qu'ils ne pouvaient plus garantir l'ordre public, si les étrangers ne quittaient pas aussitôt la ville.
Là où les Juifs ne réussissaient pas à gagner l'autorité civile, ils appliquaient eux-mêmes la peine du fouet, dans les souterrains de leurs synagogues. Cette peine barbare reviendra désormais avec une obsédante régularité durant toute la vie de S. Paul.
Après plusieurs mois, Paul et Barnabé furent chassés d’Antioche de Pisidie : «Les Juifs montèrent la tête aux dames de condition qui adoraient Dieu ainsi qu'aux notables de la ville; ils suscitèrent de la sorte une persécution contre Paul et Barnabé et les chassèrent de leur territoire. Ceux-ci, secouant contre eux la poussière de leurs pieds, se rendirent à Iconium. Quant aux disciples, ils étaient remplis de joie et de l'Esprit Saint.» (Actes 13, 50-52)
Cette chasse aux sorcières et ces traitements injustes n'étaient possible que dans les petites villes provinciales dépourvues de proconsul, telles qu’Antioche de Pisidie, Iconium et Philippes. Dans les grandes villes de l’empire, la citoyenneté romaine de Paul le protégeait de ces abus.
Malgré l’opposition des Juifs, la Parole du Seigneur, par l'intermédiaire de Paul et de Barnabé, prit racine dans toute la région. Le bon grain avait été semé.
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20. Méthode de travail de Paul
Nous pouvons nous demander si Paul avait une méthode de travail qu’il utilisait de façon systématique dans ses voyages missionnaires. Bien qu'il n'eût pas toujours un plan déterminé, il savait bien ce qu’il voulait et où il allait. Nous retrouvons deux constantes dans ses déplacements.
Juifs priant `la synagogue
Paul aime rencontrer les Juifs
de la diaspora et prier avec
eux à la synagogue. Il y
retrouve une ambiance
familière.
En premier lieu, il suivait le chemin des émigrants juifs, ceux qu’on appelait les Juifs de la diaspora. Des colonies étaient établies dans différentes villes de l’empire romain et avaient développé tout un réseau de synagogues. Cela permettait à Paul de retrouver rapidement une ambiance familière.
Ensuite, il choisissait les endroits où il pouvait exercer son métier. Cela lui permettait de vivre au milieu d’artisans laborieux, de les mieux connaître et de rester indépendant au point de vue financier. Barnabé agissait de la même manière.
En arrivant dans une ville, Paul et Barnabé se rendaient dans le quartier juif et y cherchaient du travail. Selon la coutume orientale, on les recevait dans la communauté, et Paul commençait tout de suite à exercer son métier de tissage. Les jours de sabbat, les deux missionnaires se rendaient à la synagogue.
La loi impériale interdisait de prêcher ouvertement une nouvelle religion (religio illicita). Seule la Synagogue avait la permission expresse de faire des prosélytes. Ceci favorisait les chrétiens car pendant des dizaines d'années, les non-Juifs ne distinguaient pas entre le christianisme et le judaïsme. Ça leur semblait être la même religion.
Dans le quartier juif d'Antioche, le jour du Sabbat, tous les bazars étaient fermés. De nombreux Juifs et de nombreux «craignant-Dieu» (sympathisants non-Juifs) se rendaient à la synagogue. Au-dessus de la porte d'entrée, on voyait deux branches d'olivier encadrant l'inscription : «Temple des Hébreux.» Dans le sous-sol étaient aménagées des salles de bain. Quiconque avait touché à de la viande interdite ou à un cadavre, devait d'abord faire les ablutions de purification rituelle. À l’étage, il y avait la salle de prières, où se dressait le candélabre à sept branches. Au milieu de la salle se trouvait le pupitre de lecture et, derrière un rideau, on conservait les rouleaux de la Bible. Pendant les prières et les réflexions, les femmes étaient assises sur le côté, derrière une grille de bois.
Paul prêchant à la synagogue
Prenant la parole devant l'assemblée, Paul commence
par donner une interprétation
traditionnelle de l'Écriture;
puis il annonce le message
de Jésus
La nouvelle de l'arrivée de deux scribes se répandit rapidement. Paul et Barnabé portaient le manteau blanc et brun (le talith) qui les distinguait des prosélytes. Paul se présenta comme docteur de la Loi et Barnabé comme lévite. Après la lecture du texte des Écritures, on invita Paul à adresser la parole à l’assemblée.
Ben-Chorin, un écrivain Juif, estime qu’il était conforme à la tradition d’inviter Paul, un disciple de Gamaliel, à prononcer la réflexion du jour. Il commence alors par présenter une interprétation traditionnelle de l'Écriture; puis il annonce le message de Jésus, ce qui est régulièrement ressenti comme un scandale par ses auditeurs juifs.
Paul disposait d'un double schéma de prédication missionnaire : le premier à l'usage des Juifs, l'autre à l’usage des non-Juifs. Dans les Actes des Apôtres (13, 15) Luc nous a conservé les grands traits d'une réflexion missionnaire adressée à un public de synagogue.
Tous les jours de sabbat, les Juifs lisaient le Psaume 22. Ils le savaient par coeur et le considéraient comme un psaume messianique. L'ancêtre inspiré a peint, mille ans avant Paul, un tableau grandiose des souffrances du Messie. C'est le psaume que Jésus a récité sur la Croix : «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?» (Ps 22, 2)
Faisant référence à ce psaume, Paul disait aux Juifs que ce n'est pas leur rêve de domination mondiale que le Messie réalisera, mais cet autre rêve des prophètes : la conversion et la réunion de tous les peuples et la constitution du royaume universel de Dieu, à travers les souffrances du Messie. Le psaume 22 se termine par cette vision d'avenir : «Toutes les extrémités de la terre se souviendront et se tourneront vers Yahvé. Toutes les familles des nations païennes se prosterneront devant sa face. Car au Seigneur appartient l'empire, et il domine sur les nations.»
L'affrontement est dû au
fait que Paul semble
déprécier la Loi de Moïse
et que, d'autre part,
il prône l'égalité absolue
entre païens et juifs,
ce qui revient à supprimer l'Élection d'Israël.
Dans son exposé, Paul en appelle à l'expérience intime de chacun : «Vous savez bien que la Loi de Moïse ne vous a pas rendus justes (ne vous a pas justifiés). C'est en Jésus que vous trouverez la rémission des péchés, la paix et la réconciliation avec Dieu.»
Paul s’aventurait en terrain miné en affirmant que la Loi de Moïse comportait des limites et que ces limites pouvaient être franchies ? Un seul l’avait fait avant lui : Etienne, et on l’avait mis à mort. Non seulement Paul lui emboîte le pas mais il va encore plus loin.
Les lettres de Paul sont pleines de citations qu'il puise dans la version grecque de la Septante. Il a été le premier à qualifier les Écritures «d’Ancien Testament» (2 Co 3, 14). Il a compris que le Christ était venu accomplir la promesse. Pour lui, le christianisme est dans la continuité de cette histoire extraordinaire du salut qui a commencé avec Abraham et qui s'est réalisée en Jésus Christ.
Les discours de Paul a l’habitude de remuer profondément ses auditeurs, Juifs et Païens. À Antioche de Pisidie, on en parle tout au long de la semaine, et le samedi suivant, la synagogue est pleine à capacité. Au milieu des païens avides d'écouter les prédicateurs étrangers, les juifs se découvrent en minorité et ils sont furieux : «À la vue de cette foule, les Juifs furent pris de fureur, et c'était des injures qu'ils opposaient aux paroles de Paul. Paul et Barnabé eurent alors la hardiesse de déclarer : C'est à vous d'abord que devait être adressée la parole de Dieu ! Puisque vous la repoussez et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, alors nous nous tournons vers les païens. Car tel est bien l'ordre que nous tenons du Seigneur: «Je t'ai établi lumière des nations, pour que tu apportes le salut aux extrémités de la terre». (Actes, 13, 44-46)
Selon Ben-Chorin, «si Paul s'était contenté d'annoncer le Messie en la personne de Jésus de Nazareth, il n'aurait pas provoqué un tel conflit avec la synagogue. L'affrontement est dû au fait que d'une part, il semble déprécier la Loi de Moïse et que, d'autre part, il prône l'égalité absolue entre païens et juifs, ce qui revient à supprimer l'Élection d'Israël.» Paul explique que la situation privilégiée d'Israël a joué son rôle, mais avec la venue du Christ, elle a pris fin. Ce n'est pas l'appartenance au peuple élu qui décide du salut, mais la foi en Jésus Christ. Le Messie est venu pour renverser le mur qui séparait les Juifs et les païens : «Dans le Christ il n'y a pas de différence entre Juifs et païens, entre hommes libres et esclaves, entre hommes et femmes.»
Paul et Barnabé ne cessent de marquer des points et la colère des juifs atteint son paroxysme. Les femmes se montrent les plus exaltées. Elles assaillent de leurs plaintes les notables de la ville. Le résultat ne se fait pas attendre : c'est aux faiseurs de troubles que s'en prennent les dirigeants. Ils sont chassés de la ville. «Ceux-ci, ayant secoué contre eux la poussière de leurs pieds, gagnèrent Iconium ; quant aux disciples, ils restaient remplis de joie et d'Esprit Saint.» (Actes 13, 51-52)
Parmi les chrétiens, Paul est celui qui a le mieux compris l'esprit universaliste du Christ. Pour avoir prêché le salut pour tous, il sera persécuté comme apostat et la haine de son peuple le poursuivra sans relâche, partout où il ira.
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21. Iconium et Lystres
Paul et Barnabé quittent
Paul et Barnabé sont restés environ un an à Antioche de Pisidie. Ils quittèrent la ville en l’an 46, pour se diriger vers l’Est. Empruntant la Voie Sébaste, ils se rendirent à Iconium, située au bord d'un lac, au-delà de marécages salins. Ils voulaient sans doute fonder quelques points d'appui solides, sur le haut-plateau de la Galatie du sud. Cette population de gens simple avait gagné le coeur de Paul.
localisation géographique d'Iconium
Iconium, à 100 km d'Antioche de Pisidie
Les habitants d'Iconium étaient fiers du passé de leur ville. L'empereur Claude avait établi une colonie de vétérans et pour cette raison, la ville aimait se nommer Claudiconium, en l’honneur de l’empereur, ce qui est devenu par la suite Iconium. La population comprenait des Galates hellénisés, des fonctionnaires romains, des vétérans de l’armée et des citoyens juifs. Iconium était un centre important de tissage de laine. Paul trouva facilement à se loger et à exercer son métier.
Pendant l’année qu’ils passèrent à Iconium, Paul et Barnabé entreprirent des expéditions missionnaires dans les alentours, dans ces nombreux villages de paysans, situés sur le versant des montagnes. Ils y fondèrent des petites communautés rurales, qui seront administrées plus tard par l'Église d'Iconium. Avec Antioche, Iconium restera, pendant de longues années, un point d'appui des Églises chrétiennes d'Asie Mineure, et détiendra le titre patriarcal sur quatorze villes.
Iconium est située à plus de 1.000 mètres d'altitude. Parmi les ruines de la ville, aujourd’hui encore on y retrouve une grande citadelle à moitié détruite.
Après un an d'une prédication
appréciée et fructueuse,
Paul et Barnabé sont
persécutés et contraints
à s'enfuir.
Paul et Barnabé proclamèrent la «Bonne Nouvelle» mais très rapidement ils se heurtèrent au refus des Juifs qui manipulaient les foules contre eux. À un certain moment, on décida de s'emparer des deux missionnaires et de les lapider. Prévenus, ils se dérobèrent à temps et rejoignirent la voie romaine qui, à l'époque, se terminait à Lystres. Une journée de marche au sein d'une des plus belles régions de l’Anatolie centrale.
«À Iconium, ils entrèrent dans la synagogue des Juifs et parlèrent de telle façon qu'une grande foule de Juifs et de Grecs embrassèrent la foi. Mais les Juifs restés incrédules excitèrent les païens et les indisposèrent contre les frères. Paul et Barnabé prolongèrent leur séjour assez longtemps, pleins d'assurance dans le Seigneur... La population de la ville se partagea. Les uns étaient pour les Juifs, les autres pour les apôtres. Chez les païens et les Juifs, leurs chefs en tête, on se préparait à les maltraiter et à les lapider. Mais s'en étant rendu compte, ils allèrent chercher refuge dans les villes de la Lycaonie, Lystres, Derbé et la région d'alentour. Là aussi, ils annonçaient la Bonne Nouvelle.» (Actes 14, 1-7)
**************************
Paul et Barnabé quittent
Iconium et se réfugient à
Lystres. C'est là que Paul
rencontre Timothée.
Lystre - pendant le 1er voyage de Paul
À Lystres, une ville presque totalement païenne, Paul et Barnabé trouvèrent un bon accueil dans une famille juive. Il est intéressant de constater combien la piété du judaïsme pouvait rester vivante au sein d'une famille isolée dans un tel milieu. Cette famille comptait trois personnes : la grand-mère Lois, sa fille Eunice, dont le mari païen était décédé, et son fils Timothée. Le père était probablement un fonctionnaire romain ou grec. Dans la diaspora, de tels mariages mixtes étaient fréquents. La mère et la grand-mère vivaient dans l'espérance du «salut d'Israël», et elles avaient initié Timothée, dès son enfance, aux Saintes Écritures.
Paul se prit d'affection pour le jeune homme, tout en ignorant qu'un jour il lui imposerait les mains. Timothée deviendra son plus fidèle collaborateur, celui qui sera un jour la consolation de sa vieillesse. Plusieurs années plus tard, Paul lui rappellera les heures pénibles de Lystres : «Souviens-toi, ô Timothée, de ce que j'ai enduré à Lystres !» (2 Tim. 3, 11). Cette famille devint le lieu de rassemblement de 1'Église chrétienne. À la suite de cette famille, plusieurs personnes du village se convertirent.
Aujourd’hui, il ne reste de la ville de Lystres, fondée par Auguste en 6 av. J.-C., que des pierres éparses, un fragment de l'enceinte, quelques maisons du village et des sarcophages éventrés. Une petite mosquée monte la garde. Rien ne nous rappelle que c'est à Lystres que Paul a failli perdre la vie.
Paul guérit un handicapé et ce fut le commencement de ses problèmes: «Il se trouvait à Lystres un homme qui ne pouvait pas tenir sur ses pieds. Il était infirme de naissance, il n'avait jamais marché. » Le pauvre homme dévore des yeux Paul qui rencontre ce regard. «Voyant qu'il avait la foi pour être sauvé», le Tarsiote le fixe et, d'une voix forte, ordonne : Lève-toi, droit sur tes pieds!» (Actes 14, 8-10)
L'homme a compris l'invitation par le ton de la voix et le geste qui l'accompagne. Il obéit. Il bondit. Il marche ! Les gens de la ville pensent que Paul et Barnabé sont des dieux qui sont descendus dans leur village! Ils veulent leur rendre hommage.
Entre temps, la rumeur du succès des deux missionnaires a rejoint Iconium et la communauté juive, qui croyait s’être débarrassée d’eux. Ils se précipitent à Lystres pour éclairer les naïfs et mettre fin au travail des imposteurs.
Après le miracle, Paul est
vénéré comme un dieu,
puis tout tourne au pire:
lapidation de Paul
on le lapide jusqu'à ce qu'il soit considéré comme mort
En peu de temps, les habitants de Lystres se retournent contre Paul. En guérissant l'infirme, ce magicien les a engagés sur un mauvais chemin, pensent-ils maintenant ! Les gens d'Iconium les interrogent sur ce qu'ils vont faire du faux dieu Hermès qui a guérit l’handicapé? Réponse : Le lapider !
Comme Étienne il y a plusieurs années, Paul est traîné hors de la ville et jeté par terre. Furieux, les habitants de la ville rassemblent des pierres et la lapidation commence. Quand les gens de Lystres et les juifs qui ont suscité leur colère voient Paul inanimé, ils le croient mort et l’abandonnent, face contre terre. Barnabé et les chrétiens accourent. On se penche vers Paul. Le coeur bat toujours. La tête est intacte. Apparemment, il n'a pas reçu de blessures majeures. Échapper à une lapidation tient du miracle.
Paul et Barnabé décident de quitter Lystres avant que leurs ennemis se rendent comptent que Paul a survécu à la lapidation. Pour aller de Lystres à Derbé — dernière étape prévue de leur mission — il faut parcourir quarante kilomètres, c’est-à-dire environ huit heures de marche. Mais dans l’état où se trouve Paul, le voyage sera beaucoup plus long. Barnabé a dû emprunter un chariot sur lequel il étend Paul. En plusieurs étapes on le conduit à Derbé. Là, il se rétablira et pourra reprendre sa mission. (cf. Actes 14, 20)
Pendant des siècles, les Églises de Galatie ont pu se maintenir. Un certain nombre de chrétiens arméniens furent les derniers à rester fidèles à la foi chrétienne. Ils furent cruellement décimés pendant la guerre avec les Turcs. Ainsi les Églises fondées par Paul et Barnabé, leur héritage, le fruit de leurs efforts et de leurs souffrances, seront complètement détruites.
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22 Derbé, Pergé, retour à Antioche de Syrie
Localisation de Derbé
Derbé, ville aujourd'hui dsparue,
au sud de la Turquie actuelle.
Paul et Barnabé y fondent une communauté recrutée entièrement parmi les païens.
Derbé, étape du 1er voyage
Ils y séjournent pendant un an. C'est une des rares villes qu'ils quittent sans y être obligés par la persécution
Derbé, un village solitaire de montagne à l'extrême limite de la province de Galatie, était jadis un dangereux nid de brigands. Cette petite ville devenue, sous l’empereur Claude, une colonie prospère de vétérans et d’affranchis, a connu à l'époque de Paul, une période d’expansion. Aujourd’hui, il ne reste plus rien de cette cité greco-romaine.
Après la lapidation de Paul à Lystres, ses adversaires, croyant que leur ennemi était mort, ne le poursuivirent pas. Et c'est ainsi que les deux missionnaires purent fonder en toute tranquillité, dans cette paisible ville de province, une communauté chrétienne recrutée entièrement parmi les païens. On lit dans les Actes des Apôtres qu’ils ont réuni «d'assez nombreux disciples».
L’Église de Derbé, comme les trois autres églises de Galatie, a été enfantée dans la douleur. Paul fait allusion à cette naissance, lorsqu'il écrit aux Galates menacés dans leur foi par les agissements des judaïsants : «Mes petits enfants, pour vous j'endure à nouveau les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous!» (Galates 4, 19).
À Derbé, l'activité de Paul et de Barnabé dura au moins une année entière et elle s'étendit jusque dans les hautes vallées près du lac. Les relations pastorales avec Lystres, Iconium et Antioche de Pisidie n’ont jamais été interrompues car le jeune Timothée était un messager toujours disponible. Nous le savons par les excellents témoignages que lui rendirent ces communautés lors du retour de Paul quelques années plus tard : «À Lystres, il y avait un disciple nommé Timothée, fils d’une juive devenue croyante et d’un père grec. Les frères de Lystres et d’Iconium lui rendaient un bon témoignage.» (Actes 16, 2).
Suite à ces fondations, la Bonne Nouvelle se répandit de la Galatie à toutes les régions environnantes. Ces villes et villages donneront plus tard à l’Église de brillants docteurs en théologie. La chrétienté de cette région a pu se développer et s’épanouir en de florissantes communautés grâce au travail assidu de Paul et de Barnabé.
Depuis le départ des deux missionnaires d’Antioche de Syrie, leur Église-mère, plus de quatre ans s'étaient maintenant écoulés. Pendant les heures difficiles, ils eurent sans doute la nostalgie de leur communauté d’origine avec qui ils pouvaient difficilement communiquer. À intervalles très irréguliers et grâce à certains chefs de caravanes, ils envoyaient des messages, mais les occasions n’étaient pas très nombreuses.
Fin du premier voyage
Au lieu de retourner directement à Antioche de Syrie via Tarse, Paul et Barnabé décident de revenir sur leurs pas
Derbé se trouve à peine à 200 Km de Tarse et Paul et Barnabé auraient pu atteindre la patrie de Paul en quelques jours, en traversant les Monts Taurus. Cependant, la responsabilité apostolique vis-à-vis les communautés nouvellement fondées les incita à revenir sur leurs pas et à refaire le chemin déjà parcouru afin de visiter à nouveau ces jeunes centres de chrétienté.
Après les adieux à la communauté de Derbé, ils rebroussèrent chemin pour visiter Lystres, Iconium et Antioche de Pisidie. D’Antioche, ils traversèrent de nouveau les gorges du Taurus pour rejoindre la dernière communauté sur leur plan d’action, celle de la ville de Pergé.
Durant ce premier voyage missionnaire, Paul et Barnabé ont réussi à fonder des Églises dans sept villes de l’Empire avant de retourner à leur base : Salamine, Paphos, Antioche de Pisidie, Iconium, Lystres, Derbé et Pergé. Pendant ces quatre années, Paul a assumé son rôle de chef de mission et développé son style missionnaire.
Durée du premier voyage: 4 ans
Paul et Barnabé ont réussi à fonder des Églises dans
sept villes de l’Empire
Avant de quitter les communautés qu'ils ont fondées, Paul et Barnabé encouragent les chrétiens à tenir bon dans l'épreuve. Ils choisissent des responsables et les confient au Seigneur. Il est ici question «d'anciens» (presbyteroi), alors que dans sa lettre aux Philippiens Paul parlera d'épiscopes (episcopoi) et de diacres, ce qui indique un développement continu des tâches et des responsabilités dans les jeunes Églises.
De Pergé, Paul et Barnabé gagnent Attaleia, à environ 80 kilomètres au sud-ouest, afin de retourner à Antioche de Syrie par la mer. Ils longent les côtes de la Cilicie. C'est l'unique voyage que Paul fera le long des côtes au sud de l'Asie Mineure en voguant d’ouest en est. Ce voyage de plusieurs jours se fit sans histoire.
En fin de course, le bateau cargua ses voiles devant le port d'Antioche de Syrie.
Les Actes des Apôtres racontent : «D’Attaleia ils firent voile vers Antioche, d'où ils étaient partis, recommandés à la grâce de Dieu pour l'œuvre qu'ils venaient d'accomplir. À leur arrivée, ils réunirent l'église et se mirent à rapporter tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux païens la porte de la foi.» (Actes 14, 26-27)
C’est ainsi que se termine le premier voyage missionnaire de Paul et de Barnabé.
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23. Le Concile de Jérusalem
Conile de Jérusalem - SanhédrinIl est difficile de situer l’assemblée de Jérusalem car le récit des Actes des Apôtres (15, 1-34) ne coïncide pas avec ce que dit Paul dans sa lettre aux Galates (2, 1-10). Aujourd'hui, les experts sont d’avis que c’est Paul qui situe correctement cet événement.
Après son séjour en Arabie et à Damas (Galates 1, 18), Paul parle d'une première rencontre avec Pierre et Jacques, puis d'une deuxième rencontre (celle du Concile) qu'il situe «au bout de quatorze ans» (Galates 2, 1). Cela veut donc dire que Paul a déjà fait deux voyages missionnaires, et non pas un seul. L’assemblée aurait donc eu lieu en l’an 51.
De son côté, Luc aurait «avancé» la date afin qu’elle soit plus près du début de l'activité missionnaire de Paul et ainsi légitimer le plus tôt possible la mission de l'Apôtre auprès des non-Juifs.
...réticences d'un groupe
de chrétiens qui, au nom
de la fidélité à la Loi et de l'élection privilégiée d'Israël, tenaient à ce que ceux qui deviennent chrétiens se
fassent circoncire
Paul, au cours de ses voyages, a fondé plusieurs communautés en milieu grec. Le problème de l'accueil des non-Juifs se pose alors : doivent-ils se faire circoncire pour marquer leur appartenance à la communauté chrétienne? Doivent-ils observer les interdits alimentaires et toutes les lois de Moïse? Il est donc très vraisemblable que la rencontre ait eu lieu après le deuxième voyage, c'est-à-dire quand le nombre de convertis non-Juifs est devenu plus important.
En gardant en mémoire ces quelques considérations, l’une ou l’autre date ne causent pas de grands problèmes. Nous verrons donc cet événement ici, après le premier voyage, afin de suivre ensuite plus facilement les déplacements de Paul d’abord avec Barnabé et ensuite avec Silas, selon la chronologie de Luc dans les Actes des Apôtres.
Luc indique que pour cette rencontre importante, les représentants d’Antioche de Syrie - Paul, Barnabé et Tite -, s'acheminent vers la Ville sainte par voie terrestre : «Passant par la Phénicie et la Samarie, ils y racontaient la conversion des nations païennes et procuraient ainsi une grande joie à tous les frères.» (Actes 15, 3) À Jérusalem, l'élite de l'Église-mère les attend.
Les conséquences de cette réunion dans l'histoire du christianisme sont telles que certains la désigneront plus tard de «concile de Jérusalem», ce qui laisserait supposer une assemblée bien structurée, rassemblant de nombreuses personnes. Il faut penser plutôt à une réunion de quelques représentants de l'Église d'Antioche avec Jacques, Pierre et Jean, de l’Église de Jérusalem. Même s’il s’agit d’une réunion privée, aucun autre concile n’a pris des décisions aussi importantes que celle de Jérusalem. Sans ce «premier concile», les autres n'auraient pas été possibles.
À Jérusalem, on écoute d’abord avec enthousiasme le récit de la pénétration du christianisme dans les milieux païens. Rapidement cependant, la joie initiale est troublée par les réticences d'un groupe de chrétiens qui, au nom de la fidélité à la Loi et de l'élection privilégiée d'Israël, tenaient à ce que ceux qui deviennent chrétiens se fassent circoncire. Ils répétaient sans relâche qu'il fallait obliger tout le monde à observer la Loi de Moïse. Toujours brutal quand il polémique, Paul parlera de «faux-frères intrus».
Pour ces croyants de Jérusalem, il n'est pas question de vivre en communauté avec des non-juifs, ni de partager des repas avec ceux qui ne sont pas circoncis et qui ne respectent pas l'intégralité des prescriptions alimentaires de la Loi. Cette attitude restrictive ne cadre pas avec l’expérience des Juifs de la Diaspora qui avaient beaucoup plus d'ouverture envers les non-Juifs car ils vivaient avec eux.
Saint Tite, disciple de Paul, apôtre de la CrêteSaint Tite. Comme Timothée, il fut un des meilleurs amis de Paul. "L'Épître de Paul à Tite" témoigne de l'affectueuse tendresse qu'il lui porte. Tite eut la gloire d'établir le Christianisme dans l'île de Crète où le paganisme avait un de ses principaux centres.
À Jérusalem, Paul a amené Tite, un jeune homme que nous n'avons pas encore rencontré. C'est un Antiochien récemment devenu chrétien. Il fondait de grands espoirs sur celui qui deviendra l’un de ses plus grands collaborateurs. Il le nomme «son vrai fils dans la même foi» (Tite 1, 4). Pour Paul, ce jeune homme est une preuve vivante des nobles fruits qui poussaient déjà sur l'arbre de l'Église des Gentils. À Jérusalem, on ne pourrait résister au charme de ce chrétien sorti du monde non-juif. «Je suis monté à Jérusalem, écrira Paul. J'emmenai aussi Tite.» Il nous dit qu'il était né d'une famille païenne et non circoncis. Ce détail est fourni par Luc qui ajoute que «l'Église d'Antioche a fournit les fonds nécessaires au voyage de ses trois représentants.» (Actes 15, 3)
À Jérusalem, tous étaient conscients que l'attitude qu'on allait adopter à l'égard de Tite serait d'une importance capitale pour l'avenir de l'Évangile. Tite représentait symboliquement l'ensemble des Églises pagano-chrétiennes. S’il était accepté sans conditions, comme frère à part entière, ce serait une décision applicable à tous les chrétiens non-Juifs des nouvelles communautés.
Paul aurait vu son oeuvre compromise dans sa nature même, si la conception des judéo-chrétiens, insistant sur la circoncision pour tous devait triompher. Maintenir cette obligation pour les non-Juifs ferait de l'Église une secte de la Synagogue et annulerait l'universalité du salut. Les chrétiens non circoncis constitueraient au sein même de l'Église un groupe de deuxième classe. L'ancien mur de séparation dans le Temple, entre Juifs et non-Juifs, se dresserait à nouveau au sein même de l'Église chrétienne. Recevoir les non-Juifs dans l'Église, mais éviter de faire table commune avec eux, ferait d'eux des parias chrétiens. C'était donc un problème à la fois social et religieux.
Pour Paul, le problème se posait ainsi : Le salut est-il, le fruit de la grâce du Christ ? La circoncision est-elle nécessaire pour le salut ou la grâce du Christ suffit-elle? Cette question de principe était très importante. Une fois tranchée, Paul pourra permettre la pratique de la circoncision, comme ce sera le cas de Timothée, qui lui était d’une mère juive.
À Jérusalem, Pierre, Jacques et Jean acceptèrent le point de vue de Paul. L’Église naissante évita ainsi un conflit qui aurait été catastrophique et aurait relégué le christianisme au rang de «secte judaïsante».
Après la réunion, les apôtres et les anciens décidèrent d'envoyer à Antioche deux délégués, Judas et Silas, «personnages en vue parmi les frères», qui feront route avec Paul et Barnabé. On leur confia une lettre qui expliquait la proposition de Jacques : «L'Esprit Saint et nous avons décidé de ne vous imposer aucune autre charge que ces exigences inévitables : vous abstenir des viandes des sacrifices païens, du sang des animaux étouffés et de l'immoralité. Si vous évitez tout cela avec soin, vous aurez bien agi. Adieu!» (Actes 15, 28-29)
La formule de compromis arrêtée par Jacques fixe aux païens quatre interdits qui constituaient, selon la littérature rabbinique, les quatre exigences minimales imposées aux prosélytes en contact avec les Juifs : éviter de consommer les viandes sacrifiées aux idoles, s’abstenir des unions illégitimes (prostitution), ne pas manger des viandes non saignées et éviter de consommer du sang d’animaux. Ces restrictions visent à éviter que les non-Juifs soient cause de souillure pour leurs frères et soeurs judéo-chrétiens.
On en était ainsi arrivés à un compromis acceptable pour les deux groupes : Les non-juifs chrétiens acceptaient les règles énoncées par Jacques et les juifs-chrétiens n’obligeaient pas les non-juifs à se faire circoncire. Les deux groupes pouvaient ainsi se retrouver à la même table.
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24. Résultats du Concile
Nous connaissons bien les principaux personnages du Concile de Jérusalem :
Pierre, le chef des apôtres
Statue de saint Pierre au VaticanAprès avoir écouté les arguments des participants, avec l'autorité que tous lui reconnaissent, il intervient en disant : «Vous le savez : dès les premiers jours, Dieu m’a choisi parmi vous pour que les païens entendent de ma bouche la parole de la Bonne nouvelle en embrassant la foi. Et Dieu, qui connait les coeurs, a témoigné en leur faveur, en leur donnant l’Esprit Saint, tout comme à nous, puisqu’il a purifié leur coeur par la foi. Pourquoi provoquer Dieu en imposant à la nuque des disciples un joug que ni nos pères ni nous-mêmes n'avons été capables de porter?... C'est par la grâce du Seigneur Jésus, nous le croyons, que nous avons été sauvés, exactement comme eux» (Actes 15, 10-11).
Son discours fait référence à sa propre expérience et à la compréhension qu'il a du plan de Dieu en Jésus-Christ :
Dieu a déjà pris l'initiative d’indiquer l’attitude que l’on doit avoir envers les païens, lorsqu'il me donna l'ordre de baptiser le centurion Corneille.
En raison de la faiblesse de l'homme, l'ancienne Loi ne peut être accomplie dans toute sa rigueur.
Le salut est accordé à tous gratuitement, par la seule grâce de Dieu qui agit librement en Jésus-Christ.
Par ce discours sage et pondéré, le chemin est aplani, et les participants sont prêts à accepter le point de vue de Paul et de Barnabé.
Apôtre saint JeanJean, l’apôtre que Jésus aimait
En arrivant à Jérusalem, Paul et Tite font la connaissance d'un personnage que Barnabé avait déjà rencontré. On le considérait, tout comme Pierre, comme l'une des figures fondatrices du mouvement qui était né après la mort de Jésus. Il avait déjà fondé quelques communautés à Éphèse et sur la côte de l'Asie Mineure. Lors de son dernier séjour dans cette région, Paul avait pu constater que son influence n'avait pas baissé et plusieurs communautés d'Asie se réclamaient de lui.
Il s'agit ici de Jean, le fils de Zébédée, l’apôtre de Jésus, qui, avec son frère Jacques, avaient été les premiers à être appelés par le Seigneur. Il va jouer un rôle important dans le développement de l’église du premier siècle et nous laissera en héritage son évangile et le livre de l’Apocalypse (écrit probablement par l’un de ses disciples).
Apôtre saint JacquesJacques, le frère du Seigneur
Il est un personnage important dans l’église de Jérusalem. Dans sa 1ère Epître aux Corinthiens, Paul lui accorde une place spéciale, le présentant comme ayant été favorisé pour lui seul d'une apparition de Jésus : «Le Christ est apparu à Céphas, puis aux Douze. Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois – la plupart d'entre eux demeurent jusqu'à présent et quelques-uns se sont endormis – ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. Et, en tout dernier lieu, il m'est apparu à moi aussi, comme à l'avorton.» (1 Corinthiens 15, 3-8)
Après son évasion de la prison d'Agrippa, Pierre demande à ceux qui l’entourent : «Annoncez-le à Jacques.» Lorsque tous les apôtres quittent Jérusalem pour proclamer la Bonne Nouvelle, Jacques reste sur place. À cause de lui, beaucoup de pharisiens embrassent le christianisme, dont certains prêtres de différentes classes sociales, qui semblent avoir continué à exercer leur fonction sacerdotale juive. Quand Pierre quitte Jérusalem (en 43 ou 44), Jacques le remplace à la tête de cette église.
Après le discours concluant de Pierre, ceux qui voulaient maintenir la ligne dure sur l’obligation de la circoncision, espéraient que Jacques, le conservateur, défendrait leur point de vue. Les deux partis attendaient impatiemment ce qu’il dirait. Très simplement, Jacques se leva et déclara être d’accord avec Pierre et Paul : le salut est sans condition et s'étend à toute l'humanité.
Pour permettre une entente fraternelle entre les deux partis, en homme sage, Jacques propose un compromis susceptible d'être acceptable à tous. Il demande aux incirconcis d'avoir égard aux sentiments des judéo-chrétiens sur les trois points suivants :
1. Éviter la participation aux repas des sacrifices païens.
2. S’abstenir des excès sexuels en vogue dans les temples, sous forme de prostitution rituelle.
3. Observer l'usage de viande cosch'r aux repas pris en commun.
Paul avait voulu atteindre
deux buts précis :
préserver la liberté chrétienne vis-à-vis la Loi de Moïse
et être reconnu comme apôtre par l'Église-mère.
Paul est très heureux des conclusions du Concile. Il a refusé de faire circoncire Tite afin de ne pas «sacrifier la liberté qui nous a été donnée en Jésus-Christ» et Pierre, Jacques et Jean ont accepté sa proposition. Les non-Juifs ne seront pas obligés de suivre toutes les règles de la Loi de Moïse. Cela ouvrait la porte à une chrétienté offerte à tous. Pour Paul, réintroduire dans les églises la marque symbolique de la séparation entre le pur et l'impur, entre les élus de Dieu et les païens, ce serait annuler la croix du Christ.
À cette réunion de Jérusalem, Paul avait voulu atteindre deux buts précis : préserver la liberté chrétienne vis-à-vis la Loi de Moïse et être reconnu comme apôtre par l'Église-mère. Il réussit à atteindre ces deux objectifs.
La liberté chrétienne fut préservée grâce à l’ouverture des participants. L'Esprit souffla et le mur de séparation entre les Juifs et les non-Juifs s’écroula. Dieu donna à ses apôtres la sagesse et la fermeté nécessaires pour achever une oeuvre indispensable à l'établissement d'une religion universelle.
Pour ce qui est du deuxième objectif de Paul - être reconnu comme apôtre à part entière -, il faut nous rappeler que depuis sa conversion, il n'avait pas été facilement accepté par la communauté chrétienne. Les Actes signalent que la peur subsistait chez bon nombre de croyants. Ananias, chez qui Paul avait été envoyé après sa conversion, répond au Seigneur qui lui était apparu dans une vision : «Seigneur, j'ai entendu bien des gens parler de cet homme et dire tout le mal qu'il a fait à tes saints à Jérusalem. Et ici il dispose des pleins pouvoirs reçus des grands prêtres pour enchaîner tous ceux qui invoquent ton nom» (Actes 9,13-14).
Lors de son passage à Jérusalem, après ses trois années en Arabie, les Actes parlent également d'une peur instinctive de la part des chrétiens : «Arrivé à Jérusalem, il essayait de se joindre aux disciples, mais tous avaient peur de lui, n'arrivant pas à le croire vraiment disciple» (Actes 9,26).
(Malgré cette acceptation)
Paul devra défendre continuellement son
statut d’apôtre.
...C’est triste et Paul en
souffrira toute sa vie.
Paul devra défendre continuellement son statut d’apôtre. Un texte nous le montre en train de présenter sa défense à l'Église de Corinthe qu'il a fondée, face aux Judéo-chrétiens venus de Jérusalem : «Ne suis-je pas libre ? Ne suis-je pas apôtre ? N'ai-je pas vu Jésus, notre Seigneur ? N'êtes-vous pas mon oeuvre dans le Seigneur ? Si pour d'autres, je ne suis pas apôtre, pour vous au moins je le suis ; car le sceau de mon apostolat, c'est vous qui l'êtes, dans le Seigneur» (1 Corinthiens 9, 1-2).
À Jérusalem, cette reconnaissance de la part de Pierre, Jean et Jacques revêt donc une grande importance pour Paul dans son ministère. Il le souligne dans sa lettre aux Galates : «Reconnaissant la grâce qui m’avait été départie, Jacques Céphas et Jean, ces notables, ces colonnes, nous tendirent la main, à moi et à Barnabé, en signe de communion : nous irions nous aux païens, eux à la circoncision.» (Galates 2, 9)
Le Concile de Jérusalem souligne donc cette acceptation de Paul par Pierre, Jacques et Jean. Il s’agira de savoir s’il y a là un accord véritable ou simplement une concession superficielle afin d’éviter la rupture. Les Épîtres de Paul et les Actes des Apôtres de Luc, nous révéleront que, pour plusieurs chrétiens de l'Église-mère, ce n’était qu'une sorte de tolérance accordée avec condescendance à une minorité. C’est triste et Paul en souffrira toute sa vie.
Les décisions du Concile furent communiquées à l'Église d'Antioche par une lettre, que deux délégués, accompagnant Paul, Barnabé, et Tite, furent chargés de porter : Jude, surnommé Barsabbas, originaire de Jérusalem, un chrétien de la première heure, et Silvanus, un helléniste de la diaspora, citoyen romain, portant comme Paul un nom juif et un nom latin.
Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 09 août23, 20:0925. Confrontation à Antioche
Après le Concile de Jérusalem, Paul, Barnabé et Tite retournent à Antioche de Syrie. Judas et Silas, les délégués officiels de l'Église-mère, les accompagnent. Une fois rendus, ces derniers n’hésitent pas à se joindre non seulement aux Judéo-chrétiens, mais aussi aux pagano-chrétiens, ce qui fait le bonheur de tous les membres de l’Église d’Antioche.
Un peu plus tard, on apprend que Pierre lui-même a décidé de venir les visiter. La nouvelle est accueillie avec beaucoup de joie par la communauté. Plusieurs n’ont jamais rencontré le chef des apôtres, mais il jouit d’un grand prestige. À son arrivée, les chrétiens démontrent de la vénération et de l’enthousiasme et ils surveillent le comportement de Pierre. Les membres de l’Église d’Antioche sont heureux de voir le pêcheur de Capharnaüm partager volontiers le repas des non-Juifs. C’est pour eux une indication que le «premier concile» a porté fruit.
À Jérusalem cependant, l'inquiétude se change en méfiance. L'Église mère, inspirée par Jacques, juge que Pierre va trop loin. On lui expédie de nouveaux messagers pour lui rappeler que ce n'est pas parce que certains païens veulent devenir chrétiens qu'ils font partie à part entière du peuple de Dieu. Les juifs qui ont reconnu Jésus comme Messie et Sauveur, doivent maintenir leur identité en gardant une certaine distance et une certaine séparation vis-à-vis les pagano-chrétiens.
Paul et Pierre à Antioche
Paul résista ouvertement à Pierre
Les nouveaux arrivants sont reçus avec respect mais ils créent un froid quand on les voit se laver les mains chaque fois qu'ils touchent à un chrétien non-Juif. Ils refusent toute invitation des pagano-chrétiens et évitent de se mettre à table avec les incirconcis.
Comme nous l’avons dit plutôt, Pierre jusque là avait adopté les usages des chrétiens d’Antioche. Il acceptait les invitations, fréquentait les familles et participait aux agapes le jour du Seigneur. Mais à peine les nouveaux délégués de Jérusalem arrivés, il commence à vaciller. Relisons le texte de Paul à ce sujet : «Quand Céphas vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu’il s’était donné tort. En effet, avant l’arrivée de certaines gens de l’entourage de Jacques, Pierre prenait ses repas avec les païens; mais, quand ces gens arrivèrent, on le vit se dérober et se tenir à l'écart, par peur des circoncis.» (Galates 2, 12)
Lorsque les judéo-chrétiens décident de s'isoler durant les agapes du samedi soir, en s'assoyant à des tables à part, et qu'ils déclarent aux Antiochiens : «Si vous ne vous laissez pas circoncire, vous ne pouvez pas être sauvés», l'orage éclate. On peut croire que ce fut une scène assez violente. C'est alors que Paul intervient. Il le fit avec conviction mais aussi avec dignité. Il résista ouvertement à Pierre et non pas sournoisement, par derrière.
Il rappela à Pierre ce qui s’était passé dans sa propre maison à Capharnaüm, lorsque Jésus vivait. Les collecteurs d'impôts, les pécheurs et les prostituées se tenaient autour de Jésus, entraient librement dans sa maison. Maintenant, par son refus de manger avec les incirconcis, il reniait une deuxième fois son Seigneur.
Lors du repas communautaire (l’agapè), l'instauration de deux tables, une pour les Juifs et une autre pour les non-Juifs, constituait une rupture de communion au sein d'une communauté qui confessait la même foi et partageait le même pain. Paul accuse Pierre de vouloir imposer aux non-Juifs des règles alimentaires pour prendre part aux repas. Un tel comportement est en contradiction avec les décisions de l'assemblée de Jérusalem.
Dans cette dispute, on retrouve déjà les arguments de l'Epître aux Romains, testament de la pensée de saint Paul. Dans cette lettre, il répétera avec force que juifs et païens ont le même Seigneur. Dieu ne rejette pas Israël mais il offre le salut à tous les êtres humains et non seulement au peuple choisi.
Le drame d’Antioche ne touchait pas seulement Pierre car d’autres avaient suivi son exemple. Le comble est que Barnabé, l’ami et le compagnon de Paul, était du nombre. C’était, aux yeux de Paul, ce qui pouvait arriver de pire : «Et les autres Juifs imitèrent Pierre dans sa dissimulation, au point d’entraîner Barnabé lui-même à dissimuler avec eux. Mais quand je vis qu’ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Céphas devant tout le monde : «Si toi qui est Juif, tu vis comme les païens, et non à la juive, comment peux-tu contraindre les païens à judaïser?» (Galates 2, 13-14)
Paul et Barnabé
l’amitié entre Paul et Barnabé
a été rompue
Après ces altercations, l’amitié entre Paul et Barnabé a été rompue. Quelque temps plus tard, Paul écarta Marc du prochain voyage missionnaire et Barnabé refusa de partir sans son cousin de Jérusalem. Paul va donc entreprendre ce deuxième voyage avec Silas et Barnabé retournera à Chypre en compagnie de Marc : «Quelque temps après, Paul dit à Barnabé : <retournons donc visiter les frères dans toutes les villes où nous avons annoncé la parole du Seigneur, pour voir où ils en sont.> Mais Barnabé voulait emmener aussi Jean, surnommé Marc; Paul, lui, n’était pas d’avis d’emmener celui qui les avait abandonnés en Pamphylie et n’avait pas été à l’oeuvre avec eux. On s’échauffa, et l’on finit par se séparer. Barnabé prit Marc avec lui et s’embarqua pour Chypre. De son côté, Paul fit choix de Silas et partit, après avoir été confié par les frères à la grâce de Dieu.» (Actes 15, 36-40)
Le temps rétablira la vieille amitié entre les trois compagnons. Plus tard, Paul et Barnabé entreront de nouveau en relation fraternelle et partageront des informations sur leurs travaux missionnaires. Pour ce qui est de Marc, l'avenir donnera raison à Barnabé : il deviendra un homme courageux et désintéressé, un collaborateur précieux pour Pierre pendant de nombreuses années et ensuite pour Paul à la fin de sa vie. Le fougueux apôtre des nations n'a pas hésité à réparer son erreur. De sa prison, à Rome, il écrira aux Colossiens : «Marc, le cousin de Barnabé, vous salue; vous avez déjà reçu des ordres à son sujet. S'il vient chez vous, faites-lui bon accueil» (Col 4, 10). Durant sa dernière captivité, Paul écrit à Timothée : «Prends Marc et amène-le avec toi, car il m'est d'un grand secours pour le ministère» (2 Tim 4, 11). Et dans sa lettre à Philémon (1, 23-24) : «Tu as les salutations d'Épaphras, mon compagnon de captivité dans le Christ Jésus, ainsi que de Marc, Aristarque, Démas et Luc, mes collaborateurs.
Le grand mérite de Paul à Jérusalem et à Antioche
a été d’avoir su prévoir
les conséquences graves
des règles à imposer aux nouveaux chrétiens.
Le grand mérite de Paul à Jérusalem et à Antioche a été d’avoir su prévoir les conséquences graves des règles à imposer aux nouveaux chrétiens. Il ne veut pas que ceux-ci soient obligés «de devenir Juifs» pour se joindre aux chrétiens et il met fin à l’exaltation juive de la race, considérée comme le seul moyen d’atteindre la justification.
Après ces incidents d’Antioche, Pierre disparaît des récits du Nouveau Testament. Nous ne trouverons plus que deux épîtres qui portent son nom et qui ont été écrites après sa mort.
Il est intéressant de constater le silence des Actes des Apôtres sur les conflits d'Antioche. Luc en avait certainement entendu parler, puisqu'il était originaire de cette ville. Mais il était un homme de paix, conscient de sa responsabilité. Son livre fut publié beaucoup plus tard, peut-être quinze ans après la confrontation entre Pierre et Paul. Lorsque Luc écrit, la situation avait évolué. La réconciliation des deux partis était amorcée. Pourquoi rouvrir de vieilles plaies ? Et c'est ainsi que Luc a délicatement passé cet événement sous silence.
Après ces controverses, Paul et Silas entreprennent le deuxième voyage missionnaire. Cette fois, ils utilisent la voie de terre, tandis que Barnabé et Marc se rendent à l’île de Chypre. On est au début du printemps. «Paul, parcourant la Syrie et la Cilicie, affermissait les Églises.» (Actes 15, 41) Elles sont déjà nombreuses les Églises qui fleurissent dans cette région. Paul visite d’abord celles qu’il a fondées pendant son premier voyage, avant d’aller plus loin vers l’ouest.
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26. La Phrygie et la région des Galates
Vue d'ensemble du 2e voyage missionnaire de PaulVue d'ensemble du 2e voyage missionnaire de Paul
Après le Concile de Jérusalem et la confrontation avec Pierre à Antioche de Syrie, Paul reprend sa tâche d'évangélisation. Le départ se situe probablement au printemps de l'année 49, saison où les armées partent en guerre, où les marchands s'en vont vers des terres étrangères. Paul ressent ce grand désir qui le porte toujours plus loin, vers l'Ouest : Derbé, Antioche de Pisidie, Éphèse, Thessalonique, Corinthe, Rome, l'Espagne.
Silas, son nouveau compagnon, était l'un des deux délégués de la communauté de Jérusalem, mandatés pour faire connaître les résultats du Concile. C’était un membre respecté de l’église-mère qui deviendra le camarade idéal : fidèle, généreux, prêt à tous les sacrifices, éloigné des étroitesses du judaïsme conservateur. Il avait été très proche de Pierre. Agent de liaison avec l'Église de Jérusalem, il était le signe visible de l’approbation que celle-ci accordait à la mission de Paul. De plus, il était citoyen romain, qualité précieuse vis-à-vis l'autorité publique.
carte de la GalatieLe but initial de ce deuxième voyage n'était que de revisiter les églises fondées plus tôt: Derbé, Lystre, Iconium et Antioche de Pisidie
Dans ce deuxième voyage, Paul voulait simplement visiter les communautés fondées au cours du voyage précédent. Lui et Silas empruntèrent la route du Nord. Traversant les Portes de Syrie, ils passèrent quelques jours à Tarse, pour se rendre ensuite dans la région où ils retrouvèrent les églises fondées par Paul trois ou quatre ans plus tôt.
Quand les Actes des Apôtres nous informent que Paul et Silas ont parcouru «la Phrygie et la région galate», il faut comprendre qu’ils n’ont fait que revisiter ces communautés fondées plus tôt : Derbé, Lystre, Iconium et Antioche de Pisidie situées en Galatie du Sud et à la frontière de la Phrygie et de la Lycaonie.
Les Églises de la Galatie étaient pleines de vitalité, à l’image de ce peuple établi dans la région depuis trois siècles. «Galates» est la forme grecque du nom «Gaulois». Vers l'année 280 av. J.-C., quelques tribus avaient quitté les environs de Toulouse pour se rendre aux pays du Danube. En traversant la Grèce, ils avaient pénétré en Asie Mineure. En chemin, ils pillèrent à coeur joie, et se fixèrent enfin sur les deux rives de l'Halys, où ils fondèrent les villes de Pessinonte, Ancyre (l'actuel Ankara) et Tavium. Leur dernier roi, Amyntas, s'était mis à la solde des Romains et avait étendu sa domination sur l'Arménie Mineure, la Pisidie, la Lycaonie et l'Isaurie.
Très tôt, ces tribus gauloises avaient éveillé chez les Grecs la peur et l'épouvante, détail que l’on retrouve dans l'art hellénique. En l'année 240 av. J-C., Attale 1er de Pergame avait réussi, par une éclatante victoire à chasser les Galates de son royaume. En souvenir il édifia sur l'Acropole d'Athènes un monument orné de nombreuses figures. Deux de ces très belles sculptures de l'école de Pergame «le Gaulois mourant» et «le groupe de Gaulois», se retrouvent aujourd’hui dans les musées de Rome et proclament le souvenir de l'invasion des Gaulois.
À la communauté de Derbé, Paul rappelle le piteux état dans lequel il était arrivé dans la bourgade, après avoir été lapidé à Lystres. Sa longue convalescence lui avait permis de faire un grand nombre de conversions. C'est en ce pays des Galates, qu'une maladie va le foudroyer et le clouer sur place. Évoquant plus tard ce triste épisode, il se rappellera l'état physique misérable dans lequel l'ont aperçu ses fidèles : «Si éprouvant pour vous que fût mon corps, vous n'avez montré ni dédain, ni dégoût. Au contraire, vous m'avez accueilli comme un ange de Dieu, comme le Christ Jésus. [...] Je vous rends ce témoignage : si vous l'aviez pu, vous vous seriez arraché les yeux pour me les donner.» (Galates 4, 14)
Timothée
À Lystres, Paul rencontre de nouveau le jeune Timothée et le prend avec lui.
Timothée le suivra jusqu'à devenir plus tard évêque d'Éphèse et y mourrir martyr par lapidation.
À Lystres, lieu de la lapidation, Paul rencontrera de nouveau Timothée, le fils d’Eunice. Âgé maintenant de dix-huit ans, toujours fervent chrétien, le jeune homme lui rappelle la promesse faite trois ans auparavant. Paul se renseigne : «Sa réputation était bonne parmi les frères de Lystre et d'Iconium.» (Actes 16, 2). Paul décide donc de le prendre avec lui. Le père de Timothée était sans doute mort prématurément. Par amour pour lui, sa mère avait renoncé à la circoncision du jeune garçon. C'était pour Paul une difficulté, vu les exigences des Juifs et des judéo-chrétiens. Selon la Loi, l'enfant devait suivre la religion de sa mère et le fait que Timothée ne soit pas circoncis pouvait attirer les critiques et les persécutions. Paul n'aurait jamais pu l’emmener dans une synagogue sans offusquer les frères qu'il voulait gagner. Paul décida de le faire circoncire.
On se souvient qu’au Concile de Jérusalem, dans le cas de Tite, Paul avait refusé la circoncision, parce que celui-ci était de descendance païenne. Il l’avait fait pour une raison de principe. Le cas présent était différent. La cérémonie n'était qu'une question d'opportunisme et Paul n'avait pas l'habitude de trébucher sur des problèmes de moindre importance. Il n’avait jamais demandé aux Juifs de ne pas se faire circoncire. Ce qu'il ne trouvait pas raisonnable, c'était d'imposer cette loi aux païens convertis. C'était sagesse de sa part, autrement il aurait fallu «devenir Juif» avant de devenir chrétien.
Timothée deviendra un collaborateur exemplaire. Pendant les nombreuses maladies de l’Apôtre, lorsqu'il se sentait à bout de force, Timothée l’assistera de son aide et de son soutien. Il le suivra à Corinthe, Éphèse, Jérusalem et Rome. Connaissant bien le grec, il sera un excellent secrétaire. C'est le souvenir reconnaissant de tous ces services qui fera écrire à Paul, lors de sa première captivité à Rome, cette phrase émue : «Je n'ai vraiment personne qui saura comme Timothée s’intéresser d’un coeur sincère à votre situation... C’est comme un fils auprès de son père qu’il a servi avec moi la cause de l’évangile.» (Phil. 2, 19-22).
Carte du 2e voyage de Paul - TroasGuidé par l'Esprit Saint, Paul décide de se rendre à Troas, port de mer au nord-ouest de l'Asie Mineure (Turquie actuelle)Vestiges des thermes d'Herodes Atticus à Alexandria Troas.Troas, ville aujourd'hui disparue: vestiges des thermes d'Herodes AtticusSaint Luc à son pupîtreLuc (évangéliste et rédacteur des Actes) rencontre Paul à Troas, l'admire profondément et le suivra désormais dans tous ses déplacements.
Après avoir visité les chrétiens d'Antioche de Pisidie, Paul hésite et se demandant quelle direction prendre. Il avait traversé, l'Asie Mineure du sud-est au nord-ouest, sans avoir de plan précis, sinon celui de visiter ses Églises. Il décida alors de se rendre à Troas, un port de mer important qui faisait le lien entre l’Europe et l’Asie. Au temps de Paul cependant, la notion d’Europe et d’Asie n’existait pas. On parlait simplement de différentes provinces romaines.
César Auguste avait fait de la ville de Troas une colonie de vétérans. C'est ainsi que Rome et la Grèce se donnaient la main. De nos jours, il existe encore des ruines imposantes, des aqueducs, des arcades, des colonnes de granit, des pierres de taille provenant du stade, ruines qui témoignent de la puissance de Rome à Troas. Dans ce port de mer, Paul créa une église qui se développa rapidement. Plus tard, il aura des collaborateurs de grande valeur, tel qu’Épaphrodite.
Troas est située sur la côte nord-ouest de l'Asie Mineure, à une quinzaine de kilomètres de l'antique Troie. Dans ce port, Paul rencontrera Luc, un autre disciple qui se joint à lui. Syrien d'Antioche et médecin de profession, il sera pendant une longue période associé à Paul et à son ministère. Il nous a laissé deux livres importants : l'Évangile qu'il a composé d'après les traditions de ceux qui avaient été dès le commencement les disciples de Jésus, et les Actes des Apôtres qu'il a rédigé après avoir été témoin du développement de l’église du premier siècle.
Il faut saluer le moment où Luc rencontre Paul à Troas. L’apôtre des nations deviendra son sujet de prédilection. Si Paul a pris peu à peu la place qu'il occupe dans les Actes, c'est grâce à cette rencontre. Selon les spécialistes, «l’évangéliste Luc est un lettré formé au grec littéraire.» (Édouard Belebecque) Il possède parfaitement la culture hellénique et s'exprime avec élégance. Il a écrit le grec le plus pur du Nouveau Testament. Il est conciliant et a un caractère plein de douceur. Grand admirateur de Paul, il resta toujours indépendant et mesuré dans ses paroles et dans ses écrits.
Saint Luc l'Évangéliste - cathédrale d'AmiensStatue de saint Luc l'Évangéliste dans la cathédrale Notre-Dame d'Amiens
Eusèbe affirme que Luc était originaire d’Antioche de Syrie. Ses grandes connaissances nautiques permettent de conclure qu'il est né dans une ville maritime et qu'il a beaucoup voyagé, à l'instar des médecins grecs, qui étaient de grands voyageurs. À cette époque, Luc exerçait peut-être son métier dans le port de Troas. La rencontre de Paul et de Luc fut le point de départ d'une des amitiés les plus riches de l'histoire du christianisme. Luc sera, pour toutes les générations à venir, le disciple confiant, dévoué, doté de cette qualité rare qu'est l'admiration.
Dans les universités grecques, la médecine était aussi considérée que la philosophie. Luc occupait donc dans la société de son temps un rang social analogue à celui d'un médecin d’aujourd’hui. Les Romains par contre n’avaient aucun respect pour les médecins qu’ils considéraient comme des charlatans.
À partir de cette rencontre, nous voyons constamment Luc aux côtés de l'Apôtre. Il a partagé sa première et sa deuxième captivité à Rome. Paul mentionne Luc à trois reprises dans les Épîtres de la captivité : La première fois dans la lettre aux Colossiens : «Luc, le médecin bien-aimé, vous salue» (Col 4, 14). Cette phrase semble être l'écho de la profonde reconnaissance de Paul, si souvent malade, pour les soins médicaux de son fidèle ami. Dans sa lettre à Philémon, Paul le compte parmi ses collaborateurs. Lors de sa dernière captivité à Rome, il écrit mélancoliquement à Timothée : «Luc seul est avec moi» (2 Timothée 4, 11). Selon la tradition, après la mort de Paul, Luc aurait prêché l'Évangile en Achaïe et serait mort en Béotie, à un âge très avancé. Il aurait été enterré à Thèbes.
Grâce à Luc et à Paul, nous possédons deux tableaux de l'Église naissante : l'un dans les Épitres, où Paul s’exprime de façon passionnée, l'autre dans les Actes des Apôtres où Luc écrit d'une main plus égale, celle du chirurgien qui manie le bistouri et la plume avec la même assurance.
Pendant qu’il était à Troas, Paul fit un rêve dans lequel, lui et ses compagnons étaient invités à se rendre de l'autre côté du bras de mer reliant la Mer Égée à la Mer de Marmara. «Aussitôt, nous cherchâmes à partir pour la Macédoine, persuadés que Dieu nous appelait à y porter l'Évangile» (Actes 16, 9-10).
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27. La ville de Philippes
Localisation de Philippes, en MacédoineDe Troas (Asie Mineure) à Philippes ( Macédoine), en passant par Samothrace, une île de la mer Égée, et Néapolis
Dans les Actes des Apôtres, Luc se contente de notations très brèves sur les voyages de Paul : «Embarqués à Troas, nous cinglâmes droit sur Samothrace, et le lendemain sur Néapolis, d’où nous gagnâmes Philippes, cité de premier rang de ce district de Macédoine et colonie romaine.» (Actes 16, 11-12) Nous sommes probablement en l’an 49. Lorsque Paul traverse le détroit, il le fait pour annoncer la Bonne Nouvelle et cherche à avancer vers l'ouest. Cela ne l'empêchera pas, plus tard, de revenir longuement à Éphèse.
vue partielle du Coureur de marathon annonçant la victoire (Musée du Louvre, Paris)Le Coureur de Marathon annonçant la victoire, à AthènesVictoire de Samothrace - Musée du LouvreVictoire de Samothrace
Au cours de ce voyage, Paul qui aime beaucoup les sports et utilise souvent l’image de la course, a dû avoir en tête le coureur de Marathon (490 av. J.C.) qui avait porté à Athènes la nouvelle de la première victoire de la flotte grecque sur les Perses. Le messager de cette bonne nouvelle ne se laissa pas distraire en route. Il courut les 26 kilomètres qui le séparaient de la capitale et, une fois arrivé au but, complètement épuisé, il s’écria «Victoire» et tomba mort. Paul qui aime la course, se considère lui-même comme un coureur de marathon, un messager de Dieu, chargé d’apporter la nouvelle d'une victoire étonnante : le Fils de Dieu est descendu sur terre, les dieux de l'Olympe sont vaincus, et l'humanité marche vers un avenir plein de promesses.
Dans ce voyage vers l’ouest, Paul et ses amis ne passent qu'une courte nuit sur l'île de Samothrace, longue montagne verte surgie de la mer, rendue célèbre par son sanctuaire. À l’entrée du port, une colossale déesse de marbre y déploie ses ailes. Elle fut engloutie plus tard par un tremblement de terre et s’enlisa dans la vase. Après plusieurs siècles, en 1863, le vice-consul de France, Charles Champoiseau, aura la chance de la découvrir et de l'exhumer, sans toutefois retrouver la tête de ce chef d’oeuvre de la sculpture ancienne. La Victoire de Samothrace est aujourd'hui l'orgueil du musée du Louvre.
Tôt le lendemain matin, nos voyageurs reprennent la traversée de la mer Égée. Sur les deux rives on parle grec et on partage la même culture. Au port de Néapolis où ils jettent l’ancre, le temple de Diane, campé sur un rocher surplombant la mer, saluait les voyageurs. Un cercle, tracé sur le pavé de l'actuelle église St-Nicolas, désigne l'endroit où Paul mit pied à terre «en Europe». Après avoir quitté Néapolis, nos voyageurs prennent la Via Égnatia pour parcourir les douze kilomètres qui les séparent de la ville de Philippes. Cette voie romaine est l’une des plus importantes de l’Empire. Traversant Thessalonique et Édesse, elle gagne la côte de l'actuelle Albanie. Du port d'Apollonia, les bateaux se rendent alors à Brindisi où l’on rejoint la Via Appia, celle qui mène à Rome.
Ruines de Philippes, MacédoineRuines de la ville de Philippes. Au temps de Paul, elle reflétait la puissance universelle de Rome, par son opulence, son architecture et son administration.
ruines de l'amphithéâtre de la ville de PhilippesL'amphithéâtre de Philippes.
Philippes - l'agora et l'acropole L'agora (place du marché) et, au sommet de la montagne à droite, l'acropole.
La ville de Philippes, avec son château et son acropole, est alors une agglomération fortifiée. Elle fut construite en 356 av. J.-C. par le père d'Alexandre le Grand, le roi Philippe II, qui donna à la ville son propre nom. À part le théâtre bien conservé, que l’on voit toujours au flanc d'une colline, il ne reste que quelques colonnes et l'encadrement d'une porte, dans cette ville où résida Démosthène.
Philippes a bénéficié de la générosité de l’empereur Auguste et de la venue d’anciens combattants. Depuis l'assassinat de Jules César, en 44 av. J.C., Octave, le petit fils adoptif de César, et Marc-Antoine, le grand général romain, prétendaient recueillir l'héritage politique du chef de la République. Dans un premier temps, ils parviennent à un accord pour se partager le pouvoir : Marc-Antoine, en compagnie de Cléopâtre, régnera sur l'Orient à partir de l'Égypte, tandis qu'Octave gouvernera la ville de Rome et toute la partie ouest de l’Empire. Mais leurs rapports se dégradent rapidement et l'affrontement devient inévitable. Marc Antoine, follement amoureux de la reine d’Égypte a répudié sa femme, la soeur d’Octave. Cléopâtre veut que son fils Césarion, dont Jules César est le père, devienne le prochain empereur. En 32, en accord avec le Sénat romain, Octave (qui deviendra l’empereur Auguste) déclare la guerre à Cléopâtre. La reine d’Égypte était haïe par les romains mais Marc-Antoine était encore très populaire dans la capitale. Les deux armées s’affrontent en Grèce, au large du promontoire d'Actium. On est en septembre 31 av. J.C. Après la défaite de leurs puissantes flottes, Cléopâtre et Marc-Antoine retournent en Égypte et se donnent la mort plutôt que de tomber aux mains d’Octave.
Dans la ville de Philippes, agrandie par le vainqueur de la bataille d’Actium, l'administration est rigoureuse. Elle connait un renouveau lorsque des légionnaires à la retraite viennent s’y fixer. Ces soldats de métier, qui ont contribué à mettre un terme aux ambitions de Marc-Antoine et de Cléopâtre, sont récompensés par l’empereur et reçoivent des terres, des privilèges et des nouvelles responsabilités.
Paul admire cette ville,
son génie fier et hardi,
sa passion pour la liberté
et son respect de l'ordre,
de la loi, des choses sacrées.
Philippes devient alors une véritable ville italienne placée sous la juridiction immédiate d’Auguste. Il l’élève au rang de colonie, jouissant de tous les privilèges de l'Italie et exempte d'impôts. Les vétérans y importent la probité et la manière de vivre des Romains, en même temps que leurs divinités. Par la voie romaine, qui traverse toute la Macédoine d'Est en Ouest et qui se prolonge au-delà de l'Adriatique jusqu'à Rome, les ex-légionnaires se sentent unis à la métropole et au Jupiter capitolin.
C'est ainsi que Philippes est devenue une petite Rome avec forum, théâtre, capitole et murs d'enceinte. Les gens sont fiers de leur constitution libérale, qui leur permet d'élire chaque année, à la manière des consuls romains, deux chefs appelés populairement «stratèges».
À Philippes, dans l'esprit de Paul surgit l'image de la puissance universelle de Rome. Il admire son génie fier et hardi, sa passion pour la liberté et son respect de l'ordre, de la loi, des choses sacrées. Ce missionnaire du Christ sent que son esprit était apparenté au génie romain.
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28. Les premières chrétiennes de Philippes
Philippes était une ville d’anciens légionnaires rudes et fiers, et de femmes libres et indépendantes qui participaient ouvertement aux débats politiques, influençaient les élections annuelles des stratèges, et provoquaient des changements de gouvernements. Ces femmes, converties au christianisme, exerceront une grande influence dans l’Église naissante. Paul trouvera parmi elles ses premières et ses plus chères collaboratrices. La ville de Philippes promettait de devenir un champ d'apostolat fécond dans toute la région de Macédoine.
Paul prêchant aux femmes de Philippes
De même que Jésus au puits de Jacob, en Samarie, initia d'abord une femme au mystère du royaume de Dieu, Paul en pénétrant en «Europe», prêcha d’abord l'Évangile à des femmes, «au bord de la rivière» près de Philippes.
Lydia de Thiatira
Lydia, une riche marchande, une excellente organisatrice qui devint un des piliers de l'Église de Philippes, en plus d'être une mère pour l'apôtre et pour ses compagnons
Luc qui était arrivé à Philippes avec Paul écrit dans les Actes des Apôtres : «De Néapolis, nous gagnâmes Philippes, cité de premier rang de ce district de Macédoine et colonie romaine. Nous passâmes quelques jours dans cette ville, puis, le jour du sabbat, nous nous rendîmes en dehors de la porte de la ville, sur les bords de la rivière, où nous pensions qu'il y avait un lieu de prière. Nous étant assis, nous adressâmes la parole aux femmes qui s'étaient réunies. L'une d'elles, nommée Lydie, nous écoutait; c'était une négociante en pourpre de la ville de Thyatire; elle adorait Dieu. Le Seigneur lui ouvrit le cœur, de sorte qu'elle s'attacha aux paroles de Paul. Après avoir été baptisée ainsi que les siens, elle nous fit cette prière : "Si vous me tenez pour une fidèle du Seigneur, venez demeurer dans ma maison." Et elle nous y contraignit.» (Actes 16, 11-15) Comme à son habitude, Luc résume et condense les événements, ne gardant que l’essentiel, tout en y ajoutant une note d’humour.
Lydie est «la première chrétienne européenne» dont on connaisse le nom. Elle reçoit l’Évangile avec enthousiasme et décide d’offrir l'hospitalité aux missionnaires. C'était une non-Juive originaire de Thyatire en Lydie, d’où son nom. Riche marchande, elle avait probablement continué le commerce de teintures de son mari, après la mort de ce dernier. La ville de Thyatire, était réputée pour son commerce de pourpre depuis les temps d'Homère (9e s. av. J.C.). Cette marchande illustre bien la condition des femmes indépendantes de la société gréco-romaine, commerçantes aisées, qui seront attirées par l’Évangile et son esprit d’ouverture à tous : hommes et femmes, riches et pauvres, esclaves et affranchis, citoyens romains et non citoyens, Grecs et Barbares, Juifs et non Juifs... La capacité de Lydie de prendre des décisions est manifeste dans le texte de Luc : après le baptême, elle «contraint» le groupe à demeurer chez elle.
Icône de Ste Lydie de PhilippesIcône de ste Lydie de Thyatire
Paul accepte avec joie cette généreuse hospitalité et Lydie devient l’un des piliers de l'Église de Philippes, une mère pour l'apôtre et pour ses compagnons et une excellente organisatrice pour la jeune communauté. Paul écrira plus tard : «Vous le savez vous-mêmes, Philippiens : dans les débuts de l’Évangile, quand je quittai la Macédoine, aucune Église ne m’assista par mode de contributions pécuniaires; vous fûtes les seuls, vous qui, dès mon séjour à Thessalonique, m’avez envoyé, et par deux fois, ce dont j’avais besoin.» (Philippiens. 4, 15-16). Il est fort probable que ces dons aient été envoyés par l’entremise de Lydie elle-même. Cette admission de la part de Paul est d’autant plus révélatrice qu’il n’accepta d’aide financière d’aucune autre communauté chrétienne. Il a toujours insisté pour gagner sa vie grâce à son travail quotidien. La prédication de la parole de Dieu devait être gratuite!
Dans son texte au sujet de la ville de Philippes, Luc mentionne aussi Évodie et Syntyché, qui ont des difficultés à s’entendre et que l'Apôtre invitera cordialement à avoir des meilleures relations : «J’exhorte Évodie comme j’exhorte Syntyché, à vivre en bonne intelligence dans le Seigneur.» (Philippiens 4, 2)
De même que Jésus au puits de Jacob, en Samarie, initia d'abord une femme au mystère du royaume de Dieu, Paul en pénétrant en «Europe», prêcha d’abord l'Évangile à des femmes, «au bord de la rivière» près de Philippes. (Voir Réflexion chrétienne du 3e dimanche de Carême : La Samaritaine trouve enfin l’homme de sa vie).
Paul était beaucoup plus ouvert
et beaucoup plus sympathique envers les femmes
que la grande majorité
des hommes de son temps.
Comme nous le voyons dans les épitres et dans les Actes des Apôtres, Paul avait une profonde compréhension de la psychologie féminine. Contrairement aux gens de son temps, il montra toujours beaucoup de respect pour les femmes qu’il rencontrait, telles Lydie, la marchande entreprenante, et Prisca, celle qui a introduit le savant Apollos à l’essentiel du christianisme. Dans toutes ses lettres, Paul transmet des salutations et des louanges aux femmes qu’il connait et qui accompagnent son travail missionnaire. Il souligne les services rendus par Chloé à Corinthe. Il fait confiance à Phébée dans le port de Cenchrées, elle qui deviendra la diaconesse de son Église et à qui il confiera sa lettre aux Romains. Il remercie la mère de Rufus qui a eu pour lui des égards maternels. Quand il écrit au riche Philémon, il n'oublie pas de saluer sa femme Appia. Il montre son admiration pour les filles de Philippe à Césarée, qui sont douées de charismes prophétiques. Il encourage les veuves courageuses, qui pratiquent les oeuvres de charité. Paul était beaucoup plus ouvert et beaucoup plus sympathique envers les femmes que la grande majorité des hommes de son temps.
Le grand amour de Paul pour les Philippiens sera le thème principal de l'Epître qu'il leur adressera. Cette lettre évoque les liens de tendresse qui le rattachent aux chrétiens et aux chrétiennes de cette ville : «Je rends grâce à mon Dieu chaque fois que j'évoque votre souvenir : toujours, en chaque prière pour vous tous, c'est avec joie que je prie, à cause de la part que vous prenez avec nous à l'Évangile depuis le premier jour jusqu'à maintenant.» (Philipiens 1, 3-5)
Dans ses lettres et dans ses visites aux autres Églises, Paul ne cessera de donner en exemple les chrétiens et les chrétiennes de Philippes. Aucune Église ne devait lui être plus chère. Sur le continent européen, elle fut son premier amour, «sa joie et sa couronne» (Philippiens 4, 1). «Oui, Dieu m'en est témoin que je vous aime tous tendrement dans le coeur de Jésus Christ» (Philippiens 1, 8).
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29. Flagellation à Philippes
Paul et les siens reviennent volontiers auprès de cette rivière où ils ont rencontré Lydie. Un jour, ils croisent une jeune esclave dotée du don de voyance et exploitée honteusement par ses propriétaires. Elle appartient à un groupe de prêtres du temple d’Apollon qui font beaucoup d’argent grâce au don de cette femme.
guérison de l'esclave voyante à PhilippesPaul guérit l'esclave voyante exploitée par les prêtres du temple d'Apollon
Après un certain temps, Paul guérit la pauvre esclave en chassant le démon qui l’habite. Selon ses propriétaires, cette guérison a eu comme effet de lui faire perdre le don qui lui permettait de prévoir l’avenir. Furieux d’être privés de leur source de revenus, ils mobilisent contre Paul les autorités de la ville et ses habitants. Cet incident va soudain mettre en péril la petite communauté chrétienne de Philippes.
Jusqu'à présent seuls les Juifs avaient attaqué Paul parce que, selon eux, il mettait en danger la religion juive.
Les païens par contre vont aussi s’en prendre à lui de façon brutale, quand il les frustre de leur revenu. Plus tard, à Éphèse, Démétrius ameutera les orfèvres et fera mettre Paul en prison pour ensuite le chasser de la ville. Comme les prêtres frustrés ne pouvaient, auprès des Romains, porter une accusation sur le plan religieux, ils attaquent Paul sur le plan politique. Luc relate ainsi l’événement :
«Un jour que nous nous rendions au lieu de prière, nous rencontrâmes une servante qui avait un esprit divinateur; elle faisait gagner beaucoup d'argent à ses maîtres en rendant des oracles. Elle se mit à nous suivre, Paul et nous, en criant : «Ces gens-là sont des serviteurs du Dieu Très-Haut; ils vous annoncent la voie du salut.» Elle fit ainsi pendant bien des jours. À la fin Paul, excédé, se retourna et dit à l'esprit : «Je t'ordonne au nom de Jésus Christ de sortir de cette femme.» Et l'esprit sortit à l'instant même. Mais ses maîtres, voyant disparaître leurs espoirs de gain, se saisirent de Paul et de Silas, les traînèrent sur l'agora devant les magistrats et dirent, en les présentant aux stratèges : «Ces gens-là jettent le trouble dans notre ville. Ce sont des Juifs, et ils prêchent des usages qu'il ne nous est permis, à nous Romains, ni d'accepter ni de suivre.» La foule s'ameuta contre eux, et les stratèges, après avoir fait arracher leurs vêtements, ordonnèrent de les battre de verges. Quand ils les eurent bien roués de coups, ils les jetèrent en prison, en recommandant au geôlier de les garder avec soin. Ayant reçu pareille consigne, celui-ci les jeta dans le cachot intérieur et leur fixa les pieds dans des ceps.» (Actes 16, 16-24.)
Flagellation de Paul et Silas
Paul et Silas cruellement flagellés
En tant que citoyens romains, Paul et Silas n'auraient jamais dû être traités de la sorte. Au milieu du tumulte, il fut impossible aux juges municipaux de se faire une idée exacte de la situation, et encore moins aux accusés de prendre la parole pour se défendre. Puisqu'il ne s'agissait que de deux Juifs inconnus et étrangers, les préteurs ne s’informèrent pas de leur état civil. Ils les condamnèrent sommairement aux verges, c’est-à-dire à la flagellation.
La flagellation était un supplice cruel et souvent mortel. Il arrive, dit le poète Horace, que le supplicié soit «déchiré par les fouets à en dégoûter le bourreau». L'instrument du supplice, le flagellum est un fouet à manche court auquel sont attachées des lanières longues et épaisses. Afin que les coups déchirent mieux la peau et la chair, on fixe à l'extrémité de chacune d'elles des balles de plomb ou des osselets de mouton.
Luc continue le récit de cette arrestation :
Vers minuit, Paul et Silas, en prière, chantaient les louanges de Dieu; les prisonniers les écoutaient.
Paul et Silas en prison
Paul et Silas, en prière, chantaient les louanges de Dieu
Paul empêche le geolier de se suicider et le convertit
Un violent tremblement survient et tous les prisonniers s'évadent. Paul empêche le geolier de se suicider et le convertit.
Tout à coup, il se produisit un si violent tremblement de terre que les fondements de la prison en furent ébranlés. À l'instant, toutes les portes s'ouvrirent, et les liens de tous les prisonniers se détachèrent. Tiré de son sommeil et voyant ouvertes les portes de la prison, le geôlier sortit son glaive; il allait se tuer, à l'idée que les prisonniers s'étaient évadés. Mais Paul cria d'une voix forte : «Ne te fais aucun mal, car nous sommes tous ici.»
Le geôlier demanda de la lumière, accourut et, tout tremblant, se jeta aux pieds de Paul et de Silas. Puis il les fit sortir et dit : «Seigneurs, que me faut-il faire pour être sauvé?» Ils répondirent : «Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et les tiens.» Et ils lui annoncèrent la parole du Seigneur, ainsi qu'à tous ceux qui étaient dans sa maison. Le geôlier les prit avec lui à l'heure même, en pleine nuit, lava leurs plaies et sur-le-champ reçut le baptême, lui et tous les siens. Il les fit alors monter dans sa maison, dressa la table, et il se réjouit avec tous les siens d'avoir cru en Dieu.»
«Lorsqu'il fit jour, les stratèges envoyèrent les licteurs dire au geôlier : «Relâche ces gens-là.» Celui-ci rapporta ces paroles à Paul : «Les stratèges ont envoyé dire de vous relâcher. Sortez donc et allez-vous-en.» Mais Paul dit aux licteurs : «Ils nous ont fait battre en public et sans jugement, nous, des citoyens romains, et ils nous ont jetés en prison. Et maintenant, c'est à la dérobée qu'ils nous font sortir! Eh bien, non! Qu'ils viennent eux-mêmes nous libérer.» Les licteurs rapportèrent ces paroles aux stratèges. Effrayés en apprenant qu'ils étaient citoyens romains, ceux-ci vinrent les presser de quitter la ville. Au sortir de la prison, Paul et Silas se rendirent chez Lydie, revirent les frères et les exhortèrent, puis ils partirent.» (Actes 16, 25-40)
Comme il en a l’habitude, Luc fait de toute cette histoire un condensé rapide. C'est avec un plaisir malicieux qu’il décrit le coup de maître de Paul. La révélation de son titre de citoyen romain fait l'effet d'une bombe sur les responsables de la ville. Paul refuse de répondre à la demande de ses juges de quitter secrètement la ville et il exige que les détenteurs du pouvoir viennent personnellement faire leurs excuses, et qu'ils les conduisent avec honneur hors de leur prison. Ce qu’ils s’empressent de faire, en reconnaissant leur erreur. Imposer la sanction dégradante que la flagellation à un citoyen romain était un délit grave!
Paul et Silas ne sont pas du tout pressés de quitter la ville. Ils se rendent solennellement jusqu'à la maison de Lydie, où les chrétiens sont assemblés. Paul nomme des presbytres (anciens) comme responsables et leur donne les instructions nécessaires pour la direction de la communauté. Luc, qui n'était pas compromis dans cette affaire, pourra demeurer à Philippes afin d’accompagner la croissance de la jeune Église. Grâce à lui, Paul restera en contact avec les chrétiens et chrétiennes de cette communauté. Ce fut la seule Église envers laquelle Paul n'eut jamais de blâme, et à qui il permit de subvenir à ses besoins. Il nourrissait une tendresse toute maternelle envers cette communauté. Cependant, chaque fois qu’il se souviendra de son séjour à Philippes, il pensera à l'affront qu’on lui a fait subir : «Vous savez ce que nous avons souffert, et comment nous avons été outragés à Philippes», écrira-t-il aux Thessaloniciens voisins (1 Thessaloniciens 2, 2).
Paul prend alors la direction du sud. Ils se dirigent vers Thessalonique. Lui et Silas se traînent mais ils marchent. Timothée les assiste de son mieux. Cent cinquante kilomètres à parcourir sur le Voie Égnatia. Normalement, on pouvait faire environ vingt-cinq kilomètres par jour, donc un voyage de six à sept jours. L'état pitoyable de Paul et Silas laisse croire qu’il leur fallut le double de temps pour faire ce voyage.
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30. Thessalonique
Mont Olympe, résidence des dieux
Le Mont Olympe, le plus haut sommet de Grèce, près de Thessalonique. Les grecs du temps de Paul croyaient que Zeus et les autres dieux y habitaient, dans des palais camouflés aux yeux des mortels par une épaisse et permanente couche de nuages.
Port e Thesaloniki
Aujourd'hui encore, Thessaloniki est un grand port sur la Mer Égée.
Paul et ses deux compagnons, Silas et Timothée, quittent la ville de Philippes et se dirigent vers le sud en passant par Amphipolis, l’une des plus anciennes cités de la Grèce, mais ils ne s'y arrêtent pas. Après un voyage de 150 km, le long de la Voie égnatienne, ils arrivent à Thessalonique (Actes 17, 1). Les voyageurs aperçoivent les cimes enneigées du mont Olympe (2.985 mètres), la sainte montagne des dieux. C'est là-haut que trônait Zeus, «le façonneur des nuages». Le Grec regardait cette montagne avec une crainte semblable à celle de l'Israélite face au Mont Sinaï.
Cassandre, roi de Macédoine, a fondé Thessalonique en 315 av. J.-C et lui a donné le nom de son épouse Thessaloniki, la soeur d'Alexandre le Grand. Les Romains s'en sont emparés en -68. Agrandie et devenue capitale de la Macédoine, elle a obtenu, en -42, le statut de cité libre. Elle possédait un grand port sur la Mer Égée et pourvoyait aux besoins d'une bonne partie des pays environnants.
En créant la Voie égnatienne, qui prolongeait la voie appienne jusqu'à Byzance, les Romains firent de Thessalonique une étape incontournable. La ville était reliée à Rome et à l'Asie. À quatre mètres sous la route actuelle, on a mis à jour l'ancienne voie romaine. Sur le plan politique, le pouvoir était entre les mains d'un proconsul, gouvernant au nom du Sénat romain. Thessalonique avait une population cosmopolite. On y retrouvait un mélange des nations du monde : Macédoniens, Grecs, Asiates, Syriens, Égyptiens, Juifs, employés romains et légionnaires. Si l'Évangile réussit à prendre pied à Thessalonique, se disait Paul, il se répandra dans tout le bassin de la Méditerranée. Et c'est ce qui arriva. Après deux ans seulement, Paul écrivait de Corinthe aux Thessaloniciens : «De chez vous, en effet, la parole du Seigneur a retenti, et pas seulement en Macédoine et en Achaïe, mais de tous côtés votre foi en Dieu s’est répandue...» (1 Thessaloniciens 1, 8).
tisserandPaul travaille comme tisseur de tentes
À peine arrivé dans la ville, Paul s'est rendu chez Jason, son parent, qui - hospitalité oblige - lui a ouvert sa maison. Apprenant que le voyageur était sans ressources, ému par ses blessures, il lui a procuré les moyens d'exercer son métier de tisseur de tentes. Jason semble avoir dirigé un petit atelier de tissage pourvu de locaux assez vastes. Paul et ses deux compagnons y trouvèrent un accueil chaleureux, un abri, du pain et du travail. Puisqu'ils comptaient sur un séjour assez long, Paul et ses compagnons ne voulaient pas être un fardeau pour leur hôte.
«Vous vous souvenez, frères, de nos labeurs et fatigues : de nuit comme de jour, nous travaillions, pour n’être à la charge d’aucun d’entre vous, tandis que nous annoncions l’Évangile de Dieu!» (1 Thessaloniciens 2, 9).
Paul prêchant dans la synagoguePaul prend la parole à la synagogue
À Thessalonique, la communauté juive avait construit une somptueuse synagogue, équipée par les commerçants et les banquiers. C'était le lieu de rencontre de tous les Juifs de la Macédoine. Dans cette synagogue Paul trouva un public ouvert aux questions religieuses. Il y rencontra aussi des prosélytes et de nombreux «craignant-Dieu», recrutés surtout dans le milieu féminin. Trois sabbats de suite, Paul prit la parole à la synagogue. Les Écritures lui fournissaient un thème commun et un ensemble de principes qu’il utilisait pour les amener à la foi en Jésus-Christ. Utilisant les textes d’Isaïe, Paul expliquait que le Messie devait souffrir, mourir et ressusciter des morts :
«Un homme de douleur et familier de la souffrance, comme quelqu’un devant lequel on voile sa face... Il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison... Maltraité, il s’humiliait, il n’ouvrait pas la bouche, comme l'agneau qui se laisse mener à l’abattoir, comme devant les tondeurs une brebis muette.» (Isaïe 53, 3-7)
Le Messie, disait-il, c'est ce Jésus que je vous annonce.
Paul expliquait que le Messie attendu par les Juifs, le Roi victorieux, n'était qu'un rêve. Le vrai Messie a porté une couronne d'épines, a été crucifié et est mort par amour pour nous. Quel scandale! La plupart des Juifs ne pouvaient accepter un Messie crucifié! Ce sera surtout parmi les païens que Paul rencontrera les coeurs les plus ouverts.
Comme cela était arrivé
ailleurs, le succès de l'enseignement de Paul
excita la fureur des Juifs
qui menacèrent de mort
les deux prédicateurs.
Partout où il passait, Paul invitait ses auditeurs à 1'étude approfondie de l'Écriture. C’était pour lui la fontaine de jouvence du christianisme. Les Écritures auront toujours une place centrale dans la prédication de Paul et les Thessaloniciens répondirent à son appel en accueillant la Parole «avec avidité et non point comme une parole humaine» (1 Thessaloniciens 1, 6; 2, 13).
À Thessalonique, Paul et Silas firent de nombreuses conversions. Tous deux demeurèrent quelque temps dans la maison de Jason. Mais, une fois de plus, comme cela était arrivé ailleurs, le succès de l'enseignement de Paul excita la fureur des Juifs qui menacèrent de mort les deux prédicateurs. Ils les accusèrent devant les magistrats de la ville : «ces gens qui ont soulevé le monde entier sont maintenant ici. Ces individus agissent à l'encontre des édits de l'empereur; ils prétendent qu'il y a un autre roi, Jésus». (Actes 17, 6-7)
Les adversaires de Paul recrutèrent «des vauriens qui traînaient dans les rues» (Actes 17, 5), pour organiser une émeute et semer le désordre dans la ville. Ils envahirent la maison de Jason en criant qu'ils voulaient traduire Paul et Silas en justice. Heureusement, tous deux étaient absents ce jour-là. Ils trainèrent alors Jason avec quelques autres chrétiens devant les magistrats de la ville. Paul évita une nouvelle période d'emprisonnement parce que son hôte accepta de fournir en cautionnement une forte somme d’argent. Puisqu'on connaissait Jason comme un citoyen paisible et honnête, on lui demanda de renvoyer le plus tôt possible ces étrangers, causeurs de trouble.
Cette même nuit, Paul donna rendez-vous aux chefs de la communauté et leur laissa ses instructions. Il pensait alors que son absence serait de courte durée. Il en fut autrement. Durant plus de huit ans, il ne reverra plus ses amis de Thessalonique. La communauté chrétienne organisa le départ nocturne des deux hommes pour Bérée, une petite ville à 70 km à l'ouest. Ils s'écartèrent de la Voie égnatienne, pour prendre une route secondaire.
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31. Bérée
Carte 2e voyage, Macédoine-Achaie
Les Églises de Macédoine sont parmi les plus fécondes de celles fondées par Paul
Bérée est une petite ville construite sur le versant du mont Vermion. Elle domine une plaine que traversent deux rivières. Cicéron l’appelle un «oppium devium», un endroit hors route. C'est non loin de là que s'élevait le gigantesque palais des rois de Macédoine. En 1977, on y a retrouvé la tombe de Philippe II, père d'Alexandre le Grand. Elle contenait les ossements d'un petit homme d'un mètre soixante, celui-là même qu'avait poignardé, au cours de l'été 336 av. J.C., son garde du corps Pausanias. Un coffret d'or renfermait sa couronne formée de feuilles de chêne et de glands en or, son manteau de pourpre, son bouclier, ses épées et sa cuirasse.
Paul et ses compagnons demeurèrent assez longtemps à Bérée pour réunir une nouvelle communauté chrétienne. Il y avait dans cette petite ville une synagogue et une colonie juive et ils furent bien accueillis. Les gens écoutèrent la parole de Paul avec empressement.
les Béréens examinaient lles Écritures pour voir si tout était exact
"Ils accueillirent la Parole avec le plus grand empressement. Chaque jour, ils examinaient les Écritures pour voir si tout était exact."
Ce furent surtout les gens qui possèdent des moyens financiers importants qui se rallièrent au christianisme à Bérée, preuve que l'Église primitive ne recruta pas uniquement des prolétaires, comme on l'a souvent prétendu. Bérée donna également à l'Apôtre un collaborateur précieux, Sopater, que nous retrouverons plus tard parmi les compagnons de voyage de Paul : «Ils accueillirent la Parole avec le plus grand empressement. Chaque jour ils examinaient les Écritures pour voir si tout était exact. Beaucoup d'entre eux embrassèrent la foi, de même que, parmi les Grecs, des dames de qualité et bon nombre d’hommes.» (Actes 17, 11-12)
Après un certain temps, lorsque les Israélites de Thessalonique apprirent qu'à Bérée aussi, Paul avait converti bon nombre de personnes, ils se rendirent dans cette ville et provoquèrent des troubles parmi les habitants.
Cependant, les agitateurs envoyés pour nuire à Paul semblent avoir échoué dans leur entreprise. Ils suscitèrent malgré tout un certain malaise. Les chrétiens ont voulu prévenir le tumulte, en invitant Paul à se mettre en sécurité en évitant les Juifs qui s'en prenaient à lui. Il décida alors de se rendre à Athènes par voie maritime, tandis que Silas et Timothée demeureraient encore quelque temps à Bérée pour achever le travail pastoral si bien commencé. «Les Juifs de Thessalonique... vinrent là encore semer dans la foule l’agitation et le trouble. Alors les frères firent tout de suite partir Paul en direction de la mer; quand à Silas et Timothée, ils restèrent là.» (Actes 17, 13-15)
Paul a essayé par deux fois de retourner à Bérée et à Thessalonique mais cela ne fut pas possible à cause des menaces proférées par les fanatiques juifs : «Nous avons voulu venir jusqu'à vous à plusieurs reprises, mais Satan nous en a empêchés.» (1 Thessaloniciens 2, 18)
Soit à Bérée, soit en cours de route vers Athènes, on pense que Paul a été pris d'un excès de fièvre, probablement dû à la malaria. Ceci expliquerait pourquoi ceux qui avaient mission de l'accompagner jusqu'au port, ne rentrèrent pas chez eux, mais restèrent auprès de lui et «le menèrent jusqu'à Athènes».
Rendu à Athènes Paul prit congé des frères de Bérée et demanda qu’on lui envoie Silas et Timothée : «Dites à Silas et à Timothée, de me rejoindre au plus tôt.» Il se sentait probablement bien souffrant et éprouvait le besoin d'être soutenu et réconforté.
La fin de l'automne 49 approchait. Il aura fallu environ 18 mois pour mettre en place, à Thessalonique et à Bérée, des communautés chrétiennes qui continueront à vivre.
Ces Églises de Macédoine ont sans doute été parmi les plus fécondes et les plus dynamiques de celles fondées par Paul.
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32. Athènes
Carte du 2e voyage - de Bérée à Athènes
Paul se rend à Athènes par bateau, accompagné par des amis de Bérée
Après un voyage en mer, Paul se retrouva pour la première fois à Athènes. Bien que quatre siècles se soient écoulés depuis son apogée au temps de Périclès, la ville était encore la capitale intellectuelle de l'Empire. C’était une cité célèbre, mais la Grèce comme telle n’existait plus. La prise de Corinthe par les Romains en 146 avant J. C. et la domination romaine dans tout le pays avaient sonné le glas de la Grèce antique. En mars 86 av. J.-C., Sylla s'était emparé d'Athènes, la livrant aux massacres et aux pillages. Le temps de Périclès et d'Alexandre le Grand était bien loin. Ce pays qui a marqué l’histoire du monde était tombé au rang d'une simple province romaine.
Il faut lire les pages amères de voyageurs de renom comme Cicéron, Strabon et Pausanias sur la Grèce soumise à Rome : «l'apparence de liberté officiellement accordée par Rome n'est qu'un masque. On nous montre des campagnes devenues désertiques, des villes ruinées, des temples à l'abandon, les socles des statues dérobées, le Péloponnèse frappé à mort, les villes de Thèbes et d'Argos réduites au rang de simples villages. Quelle déchéance ! Seule Corinthe semble épargnée.»
Athènes dut son salut à la gloire de ses ancêtres, tandis que Corinthe put se relever de ses ruines, grâce au bon vouloir de Jules César. Athènes et toute la Grèce étaient devenues un musée d'art pour les touristes de l'époque. Luc ajoute : «Tous les Athéniens et les étrangers qui résidaient parmi eux n’avaient d’autre passe-temps que de dire ou écouter les dernières nouveautés.» (Actes 17, 21)
Acropole d'Athènes
L’Acropole d’Athènes est un plateau rocheux élevé au centre d’Athènes. On y a construit plusieurs monuments remarquables, dont quatre temples, un théâtre, etc.
Dans sa décadence même, Athènes exerçait un tel attrait sur les conquérants qu'aucun Romain ne se serait estimé cultivé s'il n'y avait fait ses études. Il était de bon ton, pour la noblesse de Rome, d'avoir vécu un certain temps à Athènes. Des hommes comme Cicéron, Ovide, Horace et Virgile y avaient cherché leur inspiration. Les hommes d'État et les politiciens comme César, Marc-Antoine, Pompée et Auguste avaient rendu hommage à sa beauté.
En approchant de la ville par la mer, Paul a pu admirer l'immense massif montagneux de l'Acropole. Il apercevait au loin les champs de Marathon. Sur une élévation, les temples d'Athéna, patronne du pays, et de Poséidon, dieu de la mer, saluaient les étrangers.
Arrivés dans le golfe au port du Pirée, encombré d'une multitude de bateaux, les frères de Bérée ne voulurent pas laisser Paul parcourir seul les quinze kilomètres qui séparaient le port de la ville d'Athènes. Ils l'accompagnèrent jusqu’au centre-ville. Satisfaits de le voir à l'abri, ils revinrent à Bérée.
Parthénon d'Athènes
Symbole par excellence de la culture grecque et dominant l'acropole d'Athènes, le Parthénon était consacré à la déesse Athéna.
Statue de la déesse Athéna, dans le Parthénon
La statue d'Athéna, protectrice de la cité et déesse de la guerre et de la sagesse, trônait au Parthénon.
Paul de Tarse était un homme cultivé qui savait apprécier les beautés de la Grèce. Il savait estimer tout ce qui rehaussait la dignité humaine.
L'Acropole dominait la ville, avec le Parthénon qui abritait la statue d'or et d'ivoire d’Athéna de 12 mètres de hauteur, ciselée par Phidias. L'idée de Dieu était, chez les Grecs, infiniment supérieure à celle des Égyptiens et des autres religions, qui n'hésitaient pas à représenter leurs dieux sous l'image d’animaux sacrées, ou encore dans des formes hybrides, animales et humaines à la fois. Pour les Grecs, c'est l'être humain qui, par sa forme harmonieuse, est la suprême révélation de Dieu. Paul a fait allusion dans son discours à l'Aréopage, à cette recherche de Dieu au moyen des formes de l'art, ainsi qu'à l'expérience de Dieu vécue par les poètes. De la sorte il a rendu justice à l'esprit grec.
Les Grecs avaient un grand respect de l’être humain. Dans la ville d’Athènes, existait «une statue de la Compassion» qui datait du temps où les Grecs formaient encore une nation d'hommes et de femmes libres qui faisait la promotion de la grandeur et de la beauté de l’espèce humaine. Nous retrouvons cette beauté et cette grandeur dans toutes ses oeuvres d’art.
Au temps de Paul, Athènes n'avait pas encore introduit les combats sanglants des gladiateurs. Au deuxième siècle av. J.Ch., certains avaient voulu suivre l'exemple de Corinthe, en introduisant les combats de gladiateurs dans l’amphithéâtre. Le philosophe Démonax se leva alors et s'écria : «Mais renversez d'abord l'autel de la compassion». Ces luttes cruelles et sanglantes, pour le seul plaisir des spectateurs, ne cadraient pas avec l’amour et le respect qu’avaient les Grecs pour l’être humain.
La ville d’Athènes, où Paul venait d’arriver, même dépouillée de tout rôle politique, gardait le prestige de son passé et de sa culture.
Après le Concile de Jérusalem, Paul, Barnabé et Tite retournent à Antioche de Syrie. Judas et Silas, les délégués officiels de l'Église-mère, les accompagnent. Une fois rendus, ces derniers n’hésitent pas à se joindre non seulement aux Judéo-chrétiens, mais aussi aux pagano-chrétiens, ce qui fait le bonheur de tous les membres de l’Église d’Antioche.
Un peu plus tard, on apprend que Pierre lui-même a décidé de venir les visiter. La nouvelle est accueillie avec beaucoup de joie par la communauté. Plusieurs n’ont jamais rencontré le chef des apôtres, mais il jouit d’un grand prestige. À son arrivée, les chrétiens démontrent de la vénération et de l’enthousiasme et ils surveillent le comportement de Pierre. Les membres de l’Église d’Antioche sont heureux de voir le pêcheur de Capharnaüm partager volontiers le repas des non-Juifs. C’est pour eux une indication que le «premier concile» a porté fruit.
À Jérusalem cependant, l'inquiétude se change en méfiance. L'Église mère, inspirée par Jacques, juge que Pierre va trop loin. On lui expédie de nouveaux messagers pour lui rappeler que ce n'est pas parce que certains païens veulent devenir chrétiens qu'ils font partie à part entière du peuple de Dieu. Les juifs qui ont reconnu Jésus comme Messie et Sauveur, doivent maintenir leur identité en gardant une certaine distance et une certaine séparation vis-à-vis les pagano-chrétiens.
Paul et Pierre à Antioche
Paul résista ouvertement à Pierre
Les nouveaux arrivants sont reçus avec respect mais ils créent un froid quand on les voit se laver les mains chaque fois qu'ils touchent à un chrétien non-Juif. Ils refusent toute invitation des pagano-chrétiens et évitent de se mettre à table avec les incirconcis.
Comme nous l’avons dit plutôt, Pierre jusque là avait adopté les usages des chrétiens d’Antioche. Il acceptait les invitations, fréquentait les familles et participait aux agapes le jour du Seigneur. Mais à peine les nouveaux délégués de Jérusalem arrivés, il commence à vaciller. Relisons le texte de Paul à ce sujet : «Quand Céphas vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu’il s’était donné tort. En effet, avant l’arrivée de certaines gens de l’entourage de Jacques, Pierre prenait ses repas avec les païens; mais, quand ces gens arrivèrent, on le vit se dérober et se tenir à l'écart, par peur des circoncis.» (Galates 2, 12)
Lorsque les judéo-chrétiens décident de s'isoler durant les agapes du samedi soir, en s'assoyant à des tables à part, et qu'ils déclarent aux Antiochiens : «Si vous ne vous laissez pas circoncire, vous ne pouvez pas être sauvés», l'orage éclate. On peut croire que ce fut une scène assez violente. C'est alors que Paul intervient. Il le fit avec conviction mais aussi avec dignité. Il résista ouvertement à Pierre et non pas sournoisement, par derrière.
Il rappela à Pierre ce qui s’était passé dans sa propre maison à Capharnaüm, lorsque Jésus vivait. Les collecteurs d'impôts, les pécheurs et les prostituées se tenaient autour de Jésus, entraient librement dans sa maison. Maintenant, par son refus de manger avec les incirconcis, il reniait une deuxième fois son Seigneur.
Lors du repas communautaire (l’agapè), l'instauration de deux tables, une pour les Juifs et une autre pour les non-Juifs, constituait une rupture de communion au sein d'une communauté qui confessait la même foi et partageait le même pain. Paul accuse Pierre de vouloir imposer aux non-Juifs des règles alimentaires pour prendre part aux repas. Un tel comportement est en contradiction avec les décisions de l'assemblée de Jérusalem.
Dans cette dispute, on retrouve déjà les arguments de l'Epître aux Romains, testament de la pensée de saint Paul. Dans cette lettre, il répétera avec force que juifs et païens ont le même Seigneur. Dieu ne rejette pas Israël mais il offre le salut à tous les êtres humains et non seulement au peuple choisi.
Le drame d’Antioche ne touchait pas seulement Pierre car d’autres avaient suivi son exemple. Le comble est que Barnabé, l’ami et le compagnon de Paul, était du nombre. C’était, aux yeux de Paul, ce qui pouvait arriver de pire : «Et les autres Juifs imitèrent Pierre dans sa dissimulation, au point d’entraîner Barnabé lui-même à dissimuler avec eux. Mais quand je vis qu’ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Céphas devant tout le monde : «Si toi qui est Juif, tu vis comme les païens, et non à la juive, comment peux-tu contraindre les païens à judaïser?» (Galates 2, 13-14)
Paul et Barnabé
l’amitié entre Paul et Barnabé
a été rompue
Après ces altercations, l’amitié entre Paul et Barnabé a été rompue. Quelque temps plus tard, Paul écarta Marc du prochain voyage missionnaire et Barnabé refusa de partir sans son cousin de Jérusalem. Paul va donc entreprendre ce deuxième voyage avec Silas et Barnabé retournera à Chypre en compagnie de Marc : «Quelque temps après, Paul dit à Barnabé : <retournons donc visiter les frères dans toutes les villes où nous avons annoncé la parole du Seigneur, pour voir où ils en sont.> Mais Barnabé voulait emmener aussi Jean, surnommé Marc; Paul, lui, n’était pas d’avis d’emmener celui qui les avait abandonnés en Pamphylie et n’avait pas été à l’oeuvre avec eux. On s’échauffa, et l’on finit par se séparer. Barnabé prit Marc avec lui et s’embarqua pour Chypre. De son côté, Paul fit choix de Silas et partit, après avoir été confié par les frères à la grâce de Dieu.» (Actes 15, 36-40)
Le temps rétablira la vieille amitié entre les trois compagnons. Plus tard, Paul et Barnabé entreront de nouveau en relation fraternelle et partageront des informations sur leurs travaux missionnaires. Pour ce qui est de Marc, l'avenir donnera raison à Barnabé : il deviendra un homme courageux et désintéressé, un collaborateur précieux pour Pierre pendant de nombreuses années et ensuite pour Paul à la fin de sa vie. Le fougueux apôtre des nations n'a pas hésité à réparer son erreur. De sa prison, à Rome, il écrira aux Colossiens : «Marc, le cousin de Barnabé, vous salue; vous avez déjà reçu des ordres à son sujet. S'il vient chez vous, faites-lui bon accueil» (Col 4, 10). Durant sa dernière captivité, Paul écrit à Timothée : «Prends Marc et amène-le avec toi, car il m'est d'un grand secours pour le ministère» (2 Tim 4, 11). Et dans sa lettre à Philémon (1, 23-24) : «Tu as les salutations d'Épaphras, mon compagnon de captivité dans le Christ Jésus, ainsi que de Marc, Aristarque, Démas et Luc, mes collaborateurs.
Le grand mérite de Paul à Jérusalem et à Antioche
a été d’avoir su prévoir
les conséquences graves
des règles à imposer aux nouveaux chrétiens.
Le grand mérite de Paul à Jérusalem et à Antioche a été d’avoir su prévoir les conséquences graves des règles à imposer aux nouveaux chrétiens. Il ne veut pas que ceux-ci soient obligés «de devenir Juifs» pour se joindre aux chrétiens et il met fin à l’exaltation juive de la race, considérée comme le seul moyen d’atteindre la justification.
Après ces incidents d’Antioche, Pierre disparaît des récits du Nouveau Testament. Nous ne trouverons plus que deux épîtres qui portent son nom et qui ont été écrites après sa mort.
Il est intéressant de constater le silence des Actes des Apôtres sur les conflits d'Antioche. Luc en avait certainement entendu parler, puisqu'il était originaire de cette ville. Mais il était un homme de paix, conscient de sa responsabilité. Son livre fut publié beaucoup plus tard, peut-être quinze ans après la confrontation entre Pierre et Paul. Lorsque Luc écrit, la situation avait évolué. La réconciliation des deux partis était amorcée. Pourquoi rouvrir de vieilles plaies ? Et c'est ainsi que Luc a délicatement passé cet événement sous silence.
Après ces controverses, Paul et Silas entreprennent le deuxième voyage missionnaire. Cette fois, ils utilisent la voie de terre, tandis que Barnabé et Marc se rendent à l’île de Chypre. On est au début du printemps. «Paul, parcourant la Syrie et la Cilicie, affermissait les Églises.» (Actes 15, 41) Elles sont déjà nombreuses les Églises qui fleurissent dans cette région. Paul visite d’abord celles qu’il a fondées pendant son premier voyage, avant d’aller plus loin vers l’ouest.
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26. La Phrygie et la région des Galates
Vue d'ensemble du 2e voyage missionnaire de PaulVue d'ensemble du 2e voyage missionnaire de Paul
Après le Concile de Jérusalem et la confrontation avec Pierre à Antioche de Syrie, Paul reprend sa tâche d'évangélisation. Le départ se situe probablement au printemps de l'année 49, saison où les armées partent en guerre, où les marchands s'en vont vers des terres étrangères. Paul ressent ce grand désir qui le porte toujours plus loin, vers l'Ouest : Derbé, Antioche de Pisidie, Éphèse, Thessalonique, Corinthe, Rome, l'Espagne.
Silas, son nouveau compagnon, était l'un des deux délégués de la communauté de Jérusalem, mandatés pour faire connaître les résultats du Concile. C’était un membre respecté de l’église-mère qui deviendra le camarade idéal : fidèle, généreux, prêt à tous les sacrifices, éloigné des étroitesses du judaïsme conservateur. Il avait été très proche de Pierre. Agent de liaison avec l'Église de Jérusalem, il était le signe visible de l’approbation que celle-ci accordait à la mission de Paul. De plus, il était citoyen romain, qualité précieuse vis-à-vis l'autorité publique.
carte de la GalatieLe but initial de ce deuxième voyage n'était que de revisiter les églises fondées plus tôt: Derbé, Lystre, Iconium et Antioche de Pisidie
Dans ce deuxième voyage, Paul voulait simplement visiter les communautés fondées au cours du voyage précédent. Lui et Silas empruntèrent la route du Nord. Traversant les Portes de Syrie, ils passèrent quelques jours à Tarse, pour se rendre ensuite dans la région où ils retrouvèrent les églises fondées par Paul trois ou quatre ans plus tôt.
Quand les Actes des Apôtres nous informent que Paul et Silas ont parcouru «la Phrygie et la région galate», il faut comprendre qu’ils n’ont fait que revisiter ces communautés fondées plus tôt : Derbé, Lystre, Iconium et Antioche de Pisidie situées en Galatie du Sud et à la frontière de la Phrygie et de la Lycaonie.
Les Églises de la Galatie étaient pleines de vitalité, à l’image de ce peuple établi dans la région depuis trois siècles. «Galates» est la forme grecque du nom «Gaulois». Vers l'année 280 av. J.-C., quelques tribus avaient quitté les environs de Toulouse pour se rendre aux pays du Danube. En traversant la Grèce, ils avaient pénétré en Asie Mineure. En chemin, ils pillèrent à coeur joie, et se fixèrent enfin sur les deux rives de l'Halys, où ils fondèrent les villes de Pessinonte, Ancyre (l'actuel Ankara) et Tavium. Leur dernier roi, Amyntas, s'était mis à la solde des Romains et avait étendu sa domination sur l'Arménie Mineure, la Pisidie, la Lycaonie et l'Isaurie.
Très tôt, ces tribus gauloises avaient éveillé chez les Grecs la peur et l'épouvante, détail que l’on retrouve dans l'art hellénique. En l'année 240 av. J-C., Attale 1er de Pergame avait réussi, par une éclatante victoire à chasser les Galates de son royaume. En souvenir il édifia sur l'Acropole d'Athènes un monument orné de nombreuses figures. Deux de ces très belles sculptures de l'école de Pergame «le Gaulois mourant» et «le groupe de Gaulois», se retrouvent aujourd’hui dans les musées de Rome et proclament le souvenir de l'invasion des Gaulois.
À la communauté de Derbé, Paul rappelle le piteux état dans lequel il était arrivé dans la bourgade, après avoir été lapidé à Lystres. Sa longue convalescence lui avait permis de faire un grand nombre de conversions. C'est en ce pays des Galates, qu'une maladie va le foudroyer et le clouer sur place. Évoquant plus tard ce triste épisode, il se rappellera l'état physique misérable dans lequel l'ont aperçu ses fidèles : «Si éprouvant pour vous que fût mon corps, vous n'avez montré ni dédain, ni dégoût. Au contraire, vous m'avez accueilli comme un ange de Dieu, comme le Christ Jésus. [...] Je vous rends ce témoignage : si vous l'aviez pu, vous vous seriez arraché les yeux pour me les donner.» (Galates 4, 14)
Timothée
À Lystres, Paul rencontre de nouveau le jeune Timothée et le prend avec lui.
Timothée le suivra jusqu'à devenir plus tard évêque d'Éphèse et y mourrir martyr par lapidation.
À Lystres, lieu de la lapidation, Paul rencontrera de nouveau Timothée, le fils d’Eunice. Âgé maintenant de dix-huit ans, toujours fervent chrétien, le jeune homme lui rappelle la promesse faite trois ans auparavant. Paul se renseigne : «Sa réputation était bonne parmi les frères de Lystre et d'Iconium.» (Actes 16, 2). Paul décide donc de le prendre avec lui. Le père de Timothée était sans doute mort prématurément. Par amour pour lui, sa mère avait renoncé à la circoncision du jeune garçon. C'était pour Paul une difficulté, vu les exigences des Juifs et des judéo-chrétiens. Selon la Loi, l'enfant devait suivre la religion de sa mère et le fait que Timothée ne soit pas circoncis pouvait attirer les critiques et les persécutions. Paul n'aurait jamais pu l’emmener dans une synagogue sans offusquer les frères qu'il voulait gagner. Paul décida de le faire circoncire.
On se souvient qu’au Concile de Jérusalem, dans le cas de Tite, Paul avait refusé la circoncision, parce que celui-ci était de descendance païenne. Il l’avait fait pour une raison de principe. Le cas présent était différent. La cérémonie n'était qu'une question d'opportunisme et Paul n'avait pas l'habitude de trébucher sur des problèmes de moindre importance. Il n’avait jamais demandé aux Juifs de ne pas se faire circoncire. Ce qu'il ne trouvait pas raisonnable, c'était d'imposer cette loi aux païens convertis. C'était sagesse de sa part, autrement il aurait fallu «devenir Juif» avant de devenir chrétien.
Timothée deviendra un collaborateur exemplaire. Pendant les nombreuses maladies de l’Apôtre, lorsqu'il se sentait à bout de force, Timothée l’assistera de son aide et de son soutien. Il le suivra à Corinthe, Éphèse, Jérusalem et Rome. Connaissant bien le grec, il sera un excellent secrétaire. C'est le souvenir reconnaissant de tous ces services qui fera écrire à Paul, lors de sa première captivité à Rome, cette phrase émue : «Je n'ai vraiment personne qui saura comme Timothée s’intéresser d’un coeur sincère à votre situation... C’est comme un fils auprès de son père qu’il a servi avec moi la cause de l’évangile.» (Phil. 2, 19-22).
Carte du 2e voyage de Paul - TroasGuidé par l'Esprit Saint, Paul décide de se rendre à Troas, port de mer au nord-ouest de l'Asie Mineure (Turquie actuelle)Vestiges des thermes d'Herodes Atticus à Alexandria Troas.Troas, ville aujourd'hui disparue: vestiges des thermes d'Herodes AtticusSaint Luc à son pupîtreLuc (évangéliste et rédacteur des Actes) rencontre Paul à Troas, l'admire profondément et le suivra désormais dans tous ses déplacements.
Après avoir visité les chrétiens d'Antioche de Pisidie, Paul hésite et se demandant quelle direction prendre. Il avait traversé, l'Asie Mineure du sud-est au nord-ouest, sans avoir de plan précis, sinon celui de visiter ses Églises. Il décida alors de se rendre à Troas, un port de mer important qui faisait le lien entre l’Europe et l’Asie. Au temps de Paul cependant, la notion d’Europe et d’Asie n’existait pas. On parlait simplement de différentes provinces romaines.
César Auguste avait fait de la ville de Troas une colonie de vétérans. C'est ainsi que Rome et la Grèce se donnaient la main. De nos jours, il existe encore des ruines imposantes, des aqueducs, des arcades, des colonnes de granit, des pierres de taille provenant du stade, ruines qui témoignent de la puissance de Rome à Troas. Dans ce port de mer, Paul créa une église qui se développa rapidement. Plus tard, il aura des collaborateurs de grande valeur, tel qu’Épaphrodite.
Troas est située sur la côte nord-ouest de l'Asie Mineure, à une quinzaine de kilomètres de l'antique Troie. Dans ce port, Paul rencontrera Luc, un autre disciple qui se joint à lui. Syrien d'Antioche et médecin de profession, il sera pendant une longue période associé à Paul et à son ministère. Il nous a laissé deux livres importants : l'Évangile qu'il a composé d'après les traditions de ceux qui avaient été dès le commencement les disciples de Jésus, et les Actes des Apôtres qu'il a rédigé après avoir été témoin du développement de l’église du premier siècle.
Il faut saluer le moment où Luc rencontre Paul à Troas. L’apôtre des nations deviendra son sujet de prédilection. Si Paul a pris peu à peu la place qu'il occupe dans les Actes, c'est grâce à cette rencontre. Selon les spécialistes, «l’évangéliste Luc est un lettré formé au grec littéraire.» (Édouard Belebecque) Il possède parfaitement la culture hellénique et s'exprime avec élégance. Il a écrit le grec le plus pur du Nouveau Testament. Il est conciliant et a un caractère plein de douceur. Grand admirateur de Paul, il resta toujours indépendant et mesuré dans ses paroles et dans ses écrits.
Saint Luc l'Évangéliste - cathédrale d'AmiensStatue de saint Luc l'Évangéliste dans la cathédrale Notre-Dame d'Amiens
Eusèbe affirme que Luc était originaire d’Antioche de Syrie. Ses grandes connaissances nautiques permettent de conclure qu'il est né dans une ville maritime et qu'il a beaucoup voyagé, à l'instar des médecins grecs, qui étaient de grands voyageurs. À cette époque, Luc exerçait peut-être son métier dans le port de Troas. La rencontre de Paul et de Luc fut le point de départ d'une des amitiés les plus riches de l'histoire du christianisme. Luc sera, pour toutes les générations à venir, le disciple confiant, dévoué, doté de cette qualité rare qu'est l'admiration.
Dans les universités grecques, la médecine était aussi considérée que la philosophie. Luc occupait donc dans la société de son temps un rang social analogue à celui d'un médecin d’aujourd’hui. Les Romains par contre n’avaient aucun respect pour les médecins qu’ils considéraient comme des charlatans.
À partir de cette rencontre, nous voyons constamment Luc aux côtés de l'Apôtre. Il a partagé sa première et sa deuxième captivité à Rome. Paul mentionne Luc à trois reprises dans les Épîtres de la captivité : La première fois dans la lettre aux Colossiens : «Luc, le médecin bien-aimé, vous salue» (Col 4, 14). Cette phrase semble être l'écho de la profonde reconnaissance de Paul, si souvent malade, pour les soins médicaux de son fidèle ami. Dans sa lettre à Philémon, Paul le compte parmi ses collaborateurs. Lors de sa dernière captivité à Rome, il écrit mélancoliquement à Timothée : «Luc seul est avec moi» (2 Timothée 4, 11). Selon la tradition, après la mort de Paul, Luc aurait prêché l'Évangile en Achaïe et serait mort en Béotie, à un âge très avancé. Il aurait été enterré à Thèbes.
Grâce à Luc et à Paul, nous possédons deux tableaux de l'Église naissante : l'un dans les Épitres, où Paul s’exprime de façon passionnée, l'autre dans les Actes des Apôtres où Luc écrit d'une main plus égale, celle du chirurgien qui manie le bistouri et la plume avec la même assurance.
Pendant qu’il était à Troas, Paul fit un rêve dans lequel, lui et ses compagnons étaient invités à se rendre de l'autre côté du bras de mer reliant la Mer Égée à la Mer de Marmara. «Aussitôt, nous cherchâmes à partir pour la Macédoine, persuadés que Dieu nous appelait à y porter l'Évangile» (Actes 16, 9-10).
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27. La ville de Philippes
Localisation de Philippes, en MacédoineDe Troas (Asie Mineure) à Philippes ( Macédoine), en passant par Samothrace, une île de la mer Égée, et Néapolis
Dans les Actes des Apôtres, Luc se contente de notations très brèves sur les voyages de Paul : «Embarqués à Troas, nous cinglâmes droit sur Samothrace, et le lendemain sur Néapolis, d’où nous gagnâmes Philippes, cité de premier rang de ce district de Macédoine et colonie romaine.» (Actes 16, 11-12) Nous sommes probablement en l’an 49. Lorsque Paul traverse le détroit, il le fait pour annoncer la Bonne Nouvelle et cherche à avancer vers l'ouest. Cela ne l'empêchera pas, plus tard, de revenir longuement à Éphèse.
vue partielle du Coureur de marathon annonçant la victoire (Musée du Louvre, Paris)Le Coureur de Marathon annonçant la victoire, à AthènesVictoire de Samothrace - Musée du LouvreVictoire de Samothrace
Au cours de ce voyage, Paul qui aime beaucoup les sports et utilise souvent l’image de la course, a dû avoir en tête le coureur de Marathon (490 av. J.C.) qui avait porté à Athènes la nouvelle de la première victoire de la flotte grecque sur les Perses. Le messager de cette bonne nouvelle ne se laissa pas distraire en route. Il courut les 26 kilomètres qui le séparaient de la capitale et, une fois arrivé au but, complètement épuisé, il s’écria «Victoire» et tomba mort. Paul qui aime la course, se considère lui-même comme un coureur de marathon, un messager de Dieu, chargé d’apporter la nouvelle d'une victoire étonnante : le Fils de Dieu est descendu sur terre, les dieux de l'Olympe sont vaincus, et l'humanité marche vers un avenir plein de promesses.
Dans ce voyage vers l’ouest, Paul et ses amis ne passent qu'une courte nuit sur l'île de Samothrace, longue montagne verte surgie de la mer, rendue célèbre par son sanctuaire. À l’entrée du port, une colossale déesse de marbre y déploie ses ailes. Elle fut engloutie plus tard par un tremblement de terre et s’enlisa dans la vase. Après plusieurs siècles, en 1863, le vice-consul de France, Charles Champoiseau, aura la chance de la découvrir et de l'exhumer, sans toutefois retrouver la tête de ce chef d’oeuvre de la sculpture ancienne. La Victoire de Samothrace est aujourd'hui l'orgueil du musée du Louvre.
Tôt le lendemain matin, nos voyageurs reprennent la traversée de la mer Égée. Sur les deux rives on parle grec et on partage la même culture. Au port de Néapolis où ils jettent l’ancre, le temple de Diane, campé sur un rocher surplombant la mer, saluait les voyageurs. Un cercle, tracé sur le pavé de l'actuelle église St-Nicolas, désigne l'endroit où Paul mit pied à terre «en Europe». Après avoir quitté Néapolis, nos voyageurs prennent la Via Égnatia pour parcourir les douze kilomètres qui les séparent de la ville de Philippes. Cette voie romaine est l’une des plus importantes de l’Empire. Traversant Thessalonique et Édesse, elle gagne la côte de l'actuelle Albanie. Du port d'Apollonia, les bateaux se rendent alors à Brindisi où l’on rejoint la Via Appia, celle qui mène à Rome.
Ruines de Philippes, MacédoineRuines de la ville de Philippes. Au temps de Paul, elle reflétait la puissance universelle de Rome, par son opulence, son architecture et son administration.
ruines de l'amphithéâtre de la ville de PhilippesL'amphithéâtre de Philippes.
Philippes - l'agora et l'acropole L'agora (place du marché) et, au sommet de la montagne à droite, l'acropole.
La ville de Philippes, avec son château et son acropole, est alors une agglomération fortifiée. Elle fut construite en 356 av. J.-C. par le père d'Alexandre le Grand, le roi Philippe II, qui donna à la ville son propre nom. À part le théâtre bien conservé, que l’on voit toujours au flanc d'une colline, il ne reste que quelques colonnes et l'encadrement d'une porte, dans cette ville où résida Démosthène.
Philippes a bénéficié de la générosité de l’empereur Auguste et de la venue d’anciens combattants. Depuis l'assassinat de Jules César, en 44 av. J.C., Octave, le petit fils adoptif de César, et Marc-Antoine, le grand général romain, prétendaient recueillir l'héritage politique du chef de la République. Dans un premier temps, ils parviennent à un accord pour se partager le pouvoir : Marc-Antoine, en compagnie de Cléopâtre, régnera sur l'Orient à partir de l'Égypte, tandis qu'Octave gouvernera la ville de Rome et toute la partie ouest de l’Empire. Mais leurs rapports se dégradent rapidement et l'affrontement devient inévitable. Marc Antoine, follement amoureux de la reine d’Égypte a répudié sa femme, la soeur d’Octave. Cléopâtre veut que son fils Césarion, dont Jules César est le père, devienne le prochain empereur. En 32, en accord avec le Sénat romain, Octave (qui deviendra l’empereur Auguste) déclare la guerre à Cléopâtre. La reine d’Égypte était haïe par les romains mais Marc-Antoine était encore très populaire dans la capitale. Les deux armées s’affrontent en Grèce, au large du promontoire d'Actium. On est en septembre 31 av. J.C. Après la défaite de leurs puissantes flottes, Cléopâtre et Marc-Antoine retournent en Égypte et se donnent la mort plutôt que de tomber aux mains d’Octave.
Dans la ville de Philippes, agrandie par le vainqueur de la bataille d’Actium, l'administration est rigoureuse. Elle connait un renouveau lorsque des légionnaires à la retraite viennent s’y fixer. Ces soldats de métier, qui ont contribué à mettre un terme aux ambitions de Marc-Antoine et de Cléopâtre, sont récompensés par l’empereur et reçoivent des terres, des privilèges et des nouvelles responsabilités.
Paul admire cette ville,
son génie fier et hardi,
sa passion pour la liberté
et son respect de l'ordre,
de la loi, des choses sacrées.
Philippes devient alors une véritable ville italienne placée sous la juridiction immédiate d’Auguste. Il l’élève au rang de colonie, jouissant de tous les privilèges de l'Italie et exempte d'impôts. Les vétérans y importent la probité et la manière de vivre des Romains, en même temps que leurs divinités. Par la voie romaine, qui traverse toute la Macédoine d'Est en Ouest et qui se prolonge au-delà de l'Adriatique jusqu'à Rome, les ex-légionnaires se sentent unis à la métropole et au Jupiter capitolin.
C'est ainsi que Philippes est devenue une petite Rome avec forum, théâtre, capitole et murs d'enceinte. Les gens sont fiers de leur constitution libérale, qui leur permet d'élire chaque année, à la manière des consuls romains, deux chefs appelés populairement «stratèges».
À Philippes, dans l'esprit de Paul surgit l'image de la puissance universelle de Rome. Il admire son génie fier et hardi, sa passion pour la liberté et son respect de l'ordre, de la loi, des choses sacrées. Ce missionnaire du Christ sent que son esprit était apparenté au génie romain.
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28. Les premières chrétiennes de Philippes
Philippes était une ville d’anciens légionnaires rudes et fiers, et de femmes libres et indépendantes qui participaient ouvertement aux débats politiques, influençaient les élections annuelles des stratèges, et provoquaient des changements de gouvernements. Ces femmes, converties au christianisme, exerceront une grande influence dans l’Église naissante. Paul trouvera parmi elles ses premières et ses plus chères collaboratrices. La ville de Philippes promettait de devenir un champ d'apostolat fécond dans toute la région de Macédoine.
Paul prêchant aux femmes de Philippes
De même que Jésus au puits de Jacob, en Samarie, initia d'abord une femme au mystère du royaume de Dieu, Paul en pénétrant en «Europe», prêcha d’abord l'Évangile à des femmes, «au bord de la rivière» près de Philippes.
Lydia de Thiatira
Lydia, une riche marchande, une excellente organisatrice qui devint un des piliers de l'Église de Philippes, en plus d'être une mère pour l'apôtre et pour ses compagnons
Luc qui était arrivé à Philippes avec Paul écrit dans les Actes des Apôtres : «De Néapolis, nous gagnâmes Philippes, cité de premier rang de ce district de Macédoine et colonie romaine. Nous passâmes quelques jours dans cette ville, puis, le jour du sabbat, nous nous rendîmes en dehors de la porte de la ville, sur les bords de la rivière, où nous pensions qu'il y avait un lieu de prière. Nous étant assis, nous adressâmes la parole aux femmes qui s'étaient réunies. L'une d'elles, nommée Lydie, nous écoutait; c'était une négociante en pourpre de la ville de Thyatire; elle adorait Dieu. Le Seigneur lui ouvrit le cœur, de sorte qu'elle s'attacha aux paroles de Paul. Après avoir été baptisée ainsi que les siens, elle nous fit cette prière : "Si vous me tenez pour une fidèle du Seigneur, venez demeurer dans ma maison." Et elle nous y contraignit.» (Actes 16, 11-15) Comme à son habitude, Luc résume et condense les événements, ne gardant que l’essentiel, tout en y ajoutant une note d’humour.
Lydie est «la première chrétienne européenne» dont on connaisse le nom. Elle reçoit l’Évangile avec enthousiasme et décide d’offrir l'hospitalité aux missionnaires. C'était une non-Juive originaire de Thyatire en Lydie, d’où son nom. Riche marchande, elle avait probablement continué le commerce de teintures de son mari, après la mort de ce dernier. La ville de Thyatire, était réputée pour son commerce de pourpre depuis les temps d'Homère (9e s. av. J.C.). Cette marchande illustre bien la condition des femmes indépendantes de la société gréco-romaine, commerçantes aisées, qui seront attirées par l’Évangile et son esprit d’ouverture à tous : hommes et femmes, riches et pauvres, esclaves et affranchis, citoyens romains et non citoyens, Grecs et Barbares, Juifs et non Juifs... La capacité de Lydie de prendre des décisions est manifeste dans le texte de Luc : après le baptême, elle «contraint» le groupe à demeurer chez elle.
Icône de Ste Lydie de PhilippesIcône de ste Lydie de Thyatire
Paul accepte avec joie cette généreuse hospitalité et Lydie devient l’un des piliers de l'Église de Philippes, une mère pour l'apôtre et pour ses compagnons et une excellente organisatrice pour la jeune communauté. Paul écrira plus tard : «Vous le savez vous-mêmes, Philippiens : dans les débuts de l’Évangile, quand je quittai la Macédoine, aucune Église ne m’assista par mode de contributions pécuniaires; vous fûtes les seuls, vous qui, dès mon séjour à Thessalonique, m’avez envoyé, et par deux fois, ce dont j’avais besoin.» (Philippiens. 4, 15-16). Il est fort probable que ces dons aient été envoyés par l’entremise de Lydie elle-même. Cette admission de la part de Paul est d’autant plus révélatrice qu’il n’accepta d’aide financière d’aucune autre communauté chrétienne. Il a toujours insisté pour gagner sa vie grâce à son travail quotidien. La prédication de la parole de Dieu devait être gratuite!
Dans son texte au sujet de la ville de Philippes, Luc mentionne aussi Évodie et Syntyché, qui ont des difficultés à s’entendre et que l'Apôtre invitera cordialement à avoir des meilleures relations : «J’exhorte Évodie comme j’exhorte Syntyché, à vivre en bonne intelligence dans le Seigneur.» (Philippiens 4, 2)
De même que Jésus au puits de Jacob, en Samarie, initia d'abord une femme au mystère du royaume de Dieu, Paul en pénétrant en «Europe», prêcha d’abord l'Évangile à des femmes, «au bord de la rivière» près de Philippes. (Voir Réflexion chrétienne du 3e dimanche de Carême : La Samaritaine trouve enfin l’homme de sa vie).
Paul était beaucoup plus ouvert
et beaucoup plus sympathique envers les femmes
que la grande majorité
des hommes de son temps.
Comme nous le voyons dans les épitres et dans les Actes des Apôtres, Paul avait une profonde compréhension de la psychologie féminine. Contrairement aux gens de son temps, il montra toujours beaucoup de respect pour les femmes qu’il rencontrait, telles Lydie, la marchande entreprenante, et Prisca, celle qui a introduit le savant Apollos à l’essentiel du christianisme. Dans toutes ses lettres, Paul transmet des salutations et des louanges aux femmes qu’il connait et qui accompagnent son travail missionnaire. Il souligne les services rendus par Chloé à Corinthe. Il fait confiance à Phébée dans le port de Cenchrées, elle qui deviendra la diaconesse de son Église et à qui il confiera sa lettre aux Romains. Il remercie la mère de Rufus qui a eu pour lui des égards maternels. Quand il écrit au riche Philémon, il n'oublie pas de saluer sa femme Appia. Il montre son admiration pour les filles de Philippe à Césarée, qui sont douées de charismes prophétiques. Il encourage les veuves courageuses, qui pratiquent les oeuvres de charité. Paul était beaucoup plus ouvert et beaucoup plus sympathique envers les femmes que la grande majorité des hommes de son temps.
Le grand amour de Paul pour les Philippiens sera le thème principal de l'Epître qu'il leur adressera. Cette lettre évoque les liens de tendresse qui le rattachent aux chrétiens et aux chrétiennes de cette ville : «Je rends grâce à mon Dieu chaque fois que j'évoque votre souvenir : toujours, en chaque prière pour vous tous, c'est avec joie que je prie, à cause de la part que vous prenez avec nous à l'Évangile depuis le premier jour jusqu'à maintenant.» (Philipiens 1, 3-5)
Dans ses lettres et dans ses visites aux autres Églises, Paul ne cessera de donner en exemple les chrétiens et les chrétiennes de Philippes. Aucune Église ne devait lui être plus chère. Sur le continent européen, elle fut son premier amour, «sa joie et sa couronne» (Philippiens 4, 1). «Oui, Dieu m'en est témoin que je vous aime tous tendrement dans le coeur de Jésus Christ» (Philippiens 1, 8).
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29. Flagellation à Philippes
Paul et les siens reviennent volontiers auprès de cette rivière où ils ont rencontré Lydie. Un jour, ils croisent une jeune esclave dotée du don de voyance et exploitée honteusement par ses propriétaires. Elle appartient à un groupe de prêtres du temple d’Apollon qui font beaucoup d’argent grâce au don de cette femme.
guérison de l'esclave voyante à PhilippesPaul guérit l'esclave voyante exploitée par les prêtres du temple d'Apollon
Après un certain temps, Paul guérit la pauvre esclave en chassant le démon qui l’habite. Selon ses propriétaires, cette guérison a eu comme effet de lui faire perdre le don qui lui permettait de prévoir l’avenir. Furieux d’être privés de leur source de revenus, ils mobilisent contre Paul les autorités de la ville et ses habitants. Cet incident va soudain mettre en péril la petite communauté chrétienne de Philippes.
Jusqu'à présent seuls les Juifs avaient attaqué Paul parce que, selon eux, il mettait en danger la religion juive.
Les païens par contre vont aussi s’en prendre à lui de façon brutale, quand il les frustre de leur revenu. Plus tard, à Éphèse, Démétrius ameutera les orfèvres et fera mettre Paul en prison pour ensuite le chasser de la ville. Comme les prêtres frustrés ne pouvaient, auprès des Romains, porter une accusation sur le plan religieux, ils attaquent Paul sur le plan politique. Luc relate ainsi l’événement :
«Un jour que nous nous rendions au lieu de prière, nous rencontrâmes une servante qui avait un esprit divinateur; elle faisait gagner beaucoup d'argent à ses maîtres en rendant des oracles. Elle se mit à nous suivre, Paul et nous, en criant : «Ces gens-là sont des serviteurs du Dieu Très-Haut; ils vous annoncent la voie du salut.» Elle fit ainsi pendant bien des jours. À la fin Paul, excédé, se retourna et dit à l'esprit : «Je t'ordonne au nom de Jésus Christ de sortir de cette femme.» Et l'esprit sortit à l'instant même. Mais ses maîtres, voyant disparaître leurs espoirs de gain, se saisirent de Paul et de Silas, les traînèrent sur l'agora devant les magistrats et dirent, en les présentant aux stratèges : «Ces gens-là jettent le trouble dans notre ville. Ce sont des Juifs, et ils prêchent des usages qu'il ne nous est permis, à nous Romains, ni d'accepter ni de suivre.» La foule s'ameuta contre eux, et les stratèges, après avoir fait arracher leurs vêtements, ordonnèrent de les battre de verges. Quand ils les eurent bien roués de coups, ils les jetèrent en prison, en recommandant au geôlier de les garder avec soin. Ayant reçu pareille consigne, celui-ci les jeta dans le cachot intérieur et leur fixa les pieds dans des ceps.» (Actes 16, 16-24.)
Flagellation de Paul et Silas
Paul et Silas cruellement flagellés
En tant que citoyens romains, Paul et Silas n'auraient jamais dû être traités de la sorte. Au milieu du tumulte, il fut impossible aux juges municipaux de se faire une idée exacte de la situation, et encore moins aux accusés de prendre la parole pour se défendre. Puisqu'il ne s'agissait que de deux Juifs inconnus et étrangers, les préteurs ne s’informèrent pas de leur état civil. Ils les condamnèrent sommairement aux verges, c’est-à-dire à la flagellation.
La flagellation était un supplice cruel et souvent mortel. Il arrive, dit le poète Horace, que le supplicié soit «déchiré par les fouets à en dégoûter le bourreau». L'instrument du supplice, le flagellum est un fouet à manche court auquel sont attachées des lanières longues et épaisses. Afin que les coups déchirent mieux la peau et la chair, on fixe à l'extrémité de chacune d'elles des balles de plomb ou des osselets de mouton.
Luc continue le récit de cette arrestation :
Vers minuit, Paul et Silas, en prière, chantaient les louanges de Dieu; les prisonniers les écoutaient.
Paul et Silas en prison
Paul et Silas, en prière, chantaient les louanges de Dieu
Paul empêche le geolier de se suicider et le convertit
Un violent tremblement survient et tous les prisonniers s'évadent. Paul empêche le geolier de se suicider et le convertit.
Tout à coup, il se produisit un si violent tremblement de terre que les fondements de la prison en furent ébranlés. À l'instant, toutes les portes s'ouvrirent, et les liens de tous les prisonniers se détachèrent. Tiré de son sommeil et voyant ouvertes les portes de la prison, le geôlier sortit son glaive; il allait se tuer, à l'idée que les prisonniers s'étaient évadés. Mais Paul cria d'une voix forte : «Ne te fais aucun mal, car nous sommes tous ici.»
Le geôlier demanda de la lumière, accourut et, tout tremblant, se jeta aux pieds de Paul et de Silas. Puis il les fit sortir et dit : «Seigneurs, que me faut-il faire pour être sauvé?» Ils répondirent : «Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et les tiens.» Et ils lui annoncèrent la parole du Seigneur, ainsi qu'à tous ceux qui étaient dans sa maison. Le geôlier les prit avec lui à l'heure même, en pleine nuit, lava leurs plaies et sur-le-champ reçut le baptême, lui et tous les siens. Il les fit alors monter dans sa maison, dressa la table, et il se réjouit avec tous les siens d'avoir cru en Dieu.»
«Lorsqu'il fit jour, les stratèges envoyèrent les licteurs dire au geôlier : «Relâche ces gens-là.» Celui-ci rapporta ces paroles à Paul : «Les stratèges ont envoyé dire de vous relâcher. Sortez donc et allez-vous-en.» Mais Paul dit aux licteurs : «Ils nous ont fait battre en public et sans jugement, nous, des citoyens romains, et ils nous ont jetés en prison. Et maintenant, c'est à la dérobée qu'ils nous font sortir! Eh bien, non! Qu'ils viennent eux-mêmes nous libérer.» Les licteurs rapportèrent ces paroles aux stratèges. Effrayés en apprenant qu'ils étaient citoyens romains, ceux-ci vinrent les presser de quitter la ville. Au sortir de la prison, Paul et Silas se rendirent chez Lydie, revirent les frères et les exhortèrent, puis ils partirent.» (Actes 16, 25-40)
Comme il en a l’habitude, Luc fait de toute cette histoire un condensé rapide. C'est avec un plaisir malicieux qu’il décrit le coup de maître de Paul. La révélation de son titre de citoyen romain fait l'effet d'une bombe sur les responsables de la ville. Paul refuse de répondre à la demande de ses juges de quitter secrètement la ville et il exige que les détenteurs du pouvoir viennent personnellement faire leurs excuses, et qu'ils les conduisent avec honneur hors de leur prison. Ce qu’ils s’empressent de faire, en reconnaissant leur erreur. Imposer la sanction dégradante que la flagellation à un citoyen romain était un délit grave!
Paul et Silas ne sont pas du tout pressés de quitter la ville. Ils se rendent solennellement jusqu'à la maison de Lydie, où les chrétiens sont assemblés. Paul nomme des presbytres (anciens) comme responsables et leur donne les instructions nécessaires pour la direction de la communauté. Luc, qui n'était pas compromis dans cette affaire, pourra demeurer à Philippes afin d’accompagner la croissance de la jeune Église. Grâce à lui, Paul restera en contact avec les chrétiens et chrétiennes de cette communauté. Ce fut la seule Église envers laquelle Paul n'eut jamais de blâme, et à qui il permit de subvenir à ses besoins. Il nourrissait une tendresse toute maternelle envers cette communauté. Cependant, chaque fois qu’il se souviendra de son séjour à Philippes, il pensera à l'affront qu’on lui a fait subir : «Vous savez ce que nous avons souffert, et comment nous avons été outragés à Philippes», écrira-t-il aux Thessaloniciens voisins (1 Thessaloniciens 2, 2).
Paul prend alors la direction du sud. Ils se dirigent vers Thessalonique. Lui et Silas se traînent mais ils marchent. Timothée les assiste de son mieux. Cent cinquante kilomètres à parcourir sur le Voie Égnatia. Normalement, on pouvait faire environ vingt-cinq kilomètres par jour, donc un voyage de six à sept jours. L'état pitoyable de Paul et Silas laisse croire qu’il leur fallut le double de temps pour faire ce voyage.
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30. Thessalonique
Mont Olympe, résidence des dieux
Le Mont Olympe, le plus haut sommet de Grèce, près de Thessalonique. Les grecs du temps de Paul croyaient que Zeus et les autres dieux y habitaient, dans des palais camouflés aux yeux des mortels par une épaisse et permanente couche de nuages.
Port e Thesaloniki
Aujourd'hui encore, Thessaloniki est un grand port sur la Mer Égée.
Paul et ses deux compagnons, Silas et Timothée, quittent la ville de Philippes et se dirigent vers le sud en passant par Amphipolis, l’une des plus anciennes cités de la Grèce, mais ils ne s'y arrêtent pas. Après un voyage de 150 km, le long de la Voie égnatienne, ils arrivent à Thessalonique (Actes 17, 1). Les voyageurs aperçoivent les cimes enneigées du mont Olympe (2.985 mètres), la sainte montagne des dieux. C'est là-haut que trônait Zeus, «le façonneur des nuages». Le Grec regardait cette montagne avec une crainte semblable à celle de l'Israélite face au Mont Sinaï.
Cassandre, roi de Macédoine, a fondé Thessalonique en 315 av. J.-C et lui a donné le nom de son épouse Thessaloniki, la soeur d'Alexandre le Grand. Les Romains s'en sont emparés en -68. Agrandie et devenue capitale de la Macédoine, elle a obtenu, en -42, le statut de cité libre. Elle possédait un grand port sur la Mer Égée et pourvoyait aux besoins d'une bonne partie des pays environnants.
En créant la Voie égnatienne, qui prolongeait la voie appienne jusqu'à Byzance, les Romains firent de Thessalonique une étape incontournable. La ville était reliée à Rome et à l'Asie. À quatre mètres sous la route actuelle, on a mis à jour l'ancienne voie romaine. Sur le plan politique, le pouvoir était entre les mains d'un proconsul, gouvernant au nom du Sénat romain. Thessalonique avait une population cosmopolite. On y retrouvait un mélange des nations du monde : Macédoniens, Grecs, Asiates, Syriens, Égyptiens, Juifs, employés romains et légionnaires. Si l'Évangile réussit à prendre pied à Thessalonique, se disait Paul, il se répandra dans tout le bassin de la Méditerranée. Et c'est ce qui arriva. Après deux ans seulement, Paul écrivait de Corinthe aux Thessaloniciens : «De chez vous, en effet, la parole du Seigneur a retenti, et pas seulement en Macédoine et en Achaïe, mais de tous côtés votre foi en Dieu s’est répandue...» (1 Thessaloniciens 1, 8).
tisserandPaul travaille comme tisseur de tentes
À peine arrivé dans la ville, Paul s'est rendu chez Jason, son parent, qui - hospitalité oblige - lui a ouvert sa maison. Apprenant que le voyageur était sans ressources, ému par ses blessures, il lui a procuré les moyens d'exercer son métier de tisseur de tentes. Jason semble avoir dirigé un petit atelier de tissage pourvu de locaux assez vastes. Paul et ses deux compagnons y trouvèrent un accueil chaleureux, un abri, du pain et du travail. Puisqu'ils comptaient sur un séjour assez long, Paul et ses compagnons ne voulaient pas être un fardeau pour leur hôte.
«Vous vous souvenez, frères, de nos labeurs et fatigues : de nuit comme de jour, nous travaillions, pour n’être à la charge d’aucun d’entre vous, tandis que nous annoncions l’Évangile de Dieu!» (1 Thessaloniciens 2, 9).
Paul prêchant dans la synagoguePaul prend la parole à la synagogue
À Thessalonique, la communauté juive avait construit une somptueuse synagogue, équipée par les commerçants et les banquiers. C'était le lieu de rencontre de tous les Juifs de la Macédoine. Dans cette synagogue Paul trouva un public ouvert aux questions religieuses. Il y rencontra aussi des prosélytes et de nombreux «craignant-Dieu», recrutés surtout dans le milieu féminin. Trois sabbats de suite, Paul prit la parole à la synagogue. Les Écritures lui fournissaient un thème commun et un ensemble de principes qu’il utilisait pour les amener à la foi en Jésus-Christ. Utilisant les textes d’Isaïe, Paul expliquait que le Messie devait souffrir, mourir et ressusciter des morts :
«Un homme de douleur et familier de la souffrance, comme quelqu’un devant lequel on voile sa face... Il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison... Maltraité, il s’humiliait, il n’ouvrait pas la bouche, comme l'agneau qui se laisse mener à l’abattoir, comme devant les tondeurs une brebis muette.» (Isaïe 53, 3-7)
Le Messie, disait-il, c'est ce Jésus que je vous annonce.
Paul expliquait que le Messie attendu par les Juifs, le Roi victorieux, n'était qu'un rêve. Le vrai Messie a porté une couronne d'épines, a été crucifié et est mort par amour pour nous. Quel scandale! La plupart des Juifs ne pouvaient accepter un Messie crucifié! Ce sera surtout parmi les païens que Paul rencontrera les coeurs les plus ouverts.
Comme cela était arrivé
ailleurs, le succès de l'enseignement de Paul
excita la fureur des Juifs
qui menacèrent de mort
les deux prédicateurs.
Partout où il passait, Paul invitait ses auditeurs à 1'étude approfondie de l'Écriture. C’était pour lui la fontaine de jouvence du christianisme. Les Écritures auront toujours une place centrale dans la prédication de Paul et les Thessaloniciens répondirent à son appel en accueillant la Parole «avec avidité et non point comme une parole humaine» (1 Thessaloniciens 1, 6; 2, 13).
À Thessalonique, Paul et Silas firent de nombreuses conversions. Tous deux demeurèrent quelque temps dans la maison de Jason. Mais, une fois de plus, comme cela était arrivé ailleurs, le succès de l'enseignement de Paul excita la fureur des Juifs qui menacèrent de mort les deux prédicateurs. Ils les accusèrent devant les magistrats de la ville : «ces gens qui ont soulevé le monde entier sont maintenant ici. Ces individus agissent à l'encontre des édits de l'empereur; ils prétendent qu'il y a un autre roi, Jésus». (Actes 17, 6-7)
Les adversaires de Paul recrutèrent «des vauriens qui traînaient dans les rues» (Actes 17, 5), pour organiser une émeute et semer le désordre dans la ville. Ils envahirent la maison de Jason en criant qu'ils voulaient traduire Paul et Silas en justice. Heureusement, tous deux étaient absents ce jour-là. Ils trainèrent alors Jason avec quelques autres chrétiens devant les magistrats de la ville. Paul évita une nouvelle période d'emprisonnement parce que son hôte accepta de fournir en cautionnement une forte somme d’argent. Puisqu'on connaissait Jason comme un citoyen paisible et honnête, on lui demanda de renvoyer le plus tôt possible ces étrangers, causeurs de trouble.
Cette même nuit, Paul donna rendez-vous aux chefs de la communauté et leur laissa ses instructions. Il pensait alors que son absence serait de courte durée. Il en fut autrement. Durant plus de huit ans, il ne reverra plus ses amis de Thessalonique. La communauté chrétienne organisa le départ nocturne des deux hommes pour Bérée, une petite ville à 70 km à l'ouest. Ils s'écartèrent de la Voie égnatienne, pour prendre une route secondaire.
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31. Bérée
Carte 2e voyage, Macédoine-Achaie
Les Églises de Macédoine sont parmi les plus fécondes de celles fondées par Paul
Bérée est une petite ville construite sur le versant du mont Vermion. Elle domine une plaine que traversent deux rivières. Cicéron l’appelle un «oppium devium», un endroit hors route. C'est non loin de là que s'élevait le gigantesque palais des rois de Macédoine. En 1977, on y a retrouvé la tombe de Philippe II, père d'Alexandre le Grand. Elle contenait les ossements d'un petit homme d'un mètre soixante, celui-là même qu'avait poignardé, au cours de l'été 336 av. J.C., son garde du corps Pausanias. Un coffret d'or renfermait sa couronne formée de feuilles de chêne et de glands en or, son manteau de pourpre, son bouclier, ses épées et sa cuirasse.
Paul et ses compagnons demeurèrent assez longtemps à Bérée pour réunir une nouvelle communauté chrétienne. Il y avait dans cette petite ville une synagogue et une colonie juive et ils furent bien accueillis. Les gens écoutèrent la parole de Paul avec empressement.
les Béréens examinaient lles Écritures pour voir si tout était exact
"Ils accueillirent la Parole avec le plus grand empressement. Chaque jour, ils examinaient les Écritures pour voir si tout était exact."
Ce furent surtout les gens qui possèdent des moyens financiers importants qui se rallièrent au christianisme à Bérée, preuve que l'Église primitive ne recruta pas uniquement des prolétaires, comme on l'a souvent prétendu. Bérée donna également à l'Apôtre un collaborateur précieux, Sopater, que nous retrouverons plus tard parmi les compagnons de voyage de Paul : «Ils accueillirent la Parole avec le plus grand empressement. Chaque jour ils examinaient les Écritures pour voir si tout était exact. Beaucoup d'entre eux embrassèrent la foi, de même que, parmi les Grecs, des dames de qualité et bon nombre d’hommes.» (Actes 17, 11-12)
Après un certain temps, lorsque les Israélites de Thessalonique apprirent qu'à Bérée aussi, Paul avait converti bon nombre de personnes, ils se rendirent dans cette ville et provoquèrent des troubles parmi les habitants.
Cependant, les agitateurs envoyés pour nuire à Paul semblent avoir échoué dans leur entreprise. Ils suscitèrent malgré tout un certain malaise. Les chrétiens ont voulu prévenir le tumulte, en invitant Paul à se mettre en sécurité en évitant les Juifs qui s'en prenaient à lui. Il décida alors de se rendre à Athènes par voie maritime, tandis que Silas et Timothée demeureraient encore quelque temps à Bérée pour achever le travail pastoral si bien commencé. «Les Juifs de Thessalonique... vinrent là encore semer dans la foule l’agitation et le trouble. Alors les frères firent tout de suite partir Paul en direction de la mer; quand à Silas et Timothée, ils restèrent là.» (Actes 17, 13-15)
Paul a essayé par deux fois de retourner à Bérée et à Thessalonique mais cela ne fut pas possible à cause des menaces proférées par les fanatiques juifs : «Nous avons voulu venir jusqu'à vous à plusieurs reprises, mais Satan nous en a empêchés.» (1 Thessaloniciens 2, 18)
Soit à Bérée, soit en cours de route vers Athènes, on pense que Paul a été pris d'un excès de fièvre, probablement dû à la malaria. Ceci expliquerait pourquoi ceux qui avaient mission de l'accompagner jusqu'au port, ne rentrèrent pas chez eux, mais restèrent auprès de lui et «le menèrent jusqu'à Athènes».
Rendu à Athènes Paul prit congé des frères de Bérée et demanda qu’on lui envoie Silas et Timothée : «Dites à Silas et à Timothée, de me rejoindre au plus tôt.» Il se sentait probablement bien souffrant et éprouvait le besoin d'être soutenu et réconforté.
La fin de l'automne 49 approchait. Il aura fallu environ 18 mois pour mettre en place, à Thessalonique et à Bérée, des communautés chrétiennes qui continueront à vivre.
Ces Églises de Macédoine ont sans doute été parmi les plus fécondes et les plus dynamiques de celles fondées par Paul.
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32. Athènes
Carte du 2e voyage - de Bérée à Athènes
Paul se rend à Athènes par bateau, accompagné par des amis de Bérée
Après un voyage en mer, Paul se retrouva pour la première fois à Athènes. Bien que quatre siècles se soient écoulés depuis son apogée au temps de Périclès, la ville était encore la capitale intellectuelle de l'Empire. C’était une cité célèbre, mais la Grèce comme telle n’existait plus. La prise de Corinthe par les Romains en 146 avant J. C. et la domination romaine dans tout le pays avaient sonné le glas de la Grèce antique. En mars 86 av. J.-C., Sylla s'était emparé d'Athènes, la livrant aux massacres et aux pillages. Le temps de Périclès et d'Alexandre le Grand était bien loin. Ce pays qui a marqué l’histoire du monde était tombé au rang d'une simple province romaine.
Il faut lire les pages amères de voyageurs de renom comme Cicéron, Strabon et Pausanias sur la Grèce soumise à Rome : «l'apparence de liberté officiellement accordée par Rome n'est qu'un masque. On nous montre des campagnes devenues désertiques, des villes ruinées, des temples à l'abandon, les socles des statues dérobées, le Péloponnèse frappé à mort, les villes de Thèbes et d'Argos réduites au rang de simples villages. Quelle déchéance ! Seule Corinthe semble épargnée.»
Athènes dut son salut à la gloire de ses ancêtres, tandis que Corinthe put se relever de ses ruines, grâce au bon vouloir de Jules César. Athènes et toute la Grèce étaient devenues un musée d'art pour les touristes de l'époque. Luc ajoute : «Tous les Athéniens et les étrangers qui résidaient parmi eux n’avaient d’autre passe-temps que de dire ou écouter les dernières nouveautés.» (Actes 17, 21)
Acropole d'Athènes
L’Acropole d’Athènes est un plateau rocheux élevé au centre d’Athènes. On y a construit plusieurs monuments remarquables, dont quatre temples, un théâtre, etc.
Dans sa décadence même, Athènes exerçait un tel attrait sur les conquérants qu'aucun Romain ne se serait estimé cultivé s'il n'y avait fait ses études. Il était de bon ton, pour la noblesse de Rome, d'avoir vécu un certain temps à Athènes. Des hommes comme Cicéron, Ovide, Horace et Virgile y avaient cherché leur inspiration. Les hommes d'État et les politiciens comme César, Marc-Antoine, Pompée et Auguste avaient rendu hommage à sa beauté.
En approchant de la ville par la mer, Paul a pu admirer l'immense massif montagneux de l'Acropole. Il apercevait au loin les champs de Marathon. Sur une élévation, les temples d'Athéna, patronne du pays, et de Poséidon, dieu de la mer, saluaient les étrangers.
Arrivés dans le golfe au port du Pirée, encombré d'une multitude de bateaux, les frères de Bérée ne voulurent pas laisser Paul parcourir seul les quinze kilomètres qui séparaient le port de la ville d'Athènes. Ils l'accompagnèrent jusqu’au centre-ville. Satisfaits de le voir à l'abri, ils revinrent à Bérée.
Parthénon d'Athènes
Symbole par excellence de la culture grecque et dominant l'acropole d'Athènes, le Parthénon était consacré à la déesse Athéna.
Statue de la déesse Athéna, dans le Parthénon
La statue d'Athéna, protectrice de la cité et déesse de la guerre et de la sagesse, trônait au Parthénon.
Paul de Tarse était un homme cultivé qui savait apprécier les beautés de la Grèce. Il savait estimer tout ce qui rehaussait la dignité humaine.
L'Acropole dominait la ville, avec le Parthénon qui abritait la statue d'or et d'ivoire d’Athéna de 12 mètres de hauteur, ciselée par Phidias. L'idée de Dieu était, chez les Grecs, infiniment supérieure à celle des Égyptiens et des autres religions, qui n'hésitaient pas à représenter leurs dieux sous l'image d’animaux sacrées, ou encore dans des formes hybrides, animales et humaines à la fois. Pour les Grecs, c'est l'être humain qui, par sa forme harmonieuse, est la suprême révélation de Dieu. Paul a fait allusion dans son discours à l'Aréopage, à cette recherche de Dieu au moyen des formes de l'art, ainsi qu'à l'expérience de Dieu vécue par les poètes. De la sorte il a rendu justice à l'esprit grec.
Les Grecs avaient un grand respect de l’être humain. Dans la ville d’Athènes, existait «une statue de la Compassion» qui datait du temps où les Grecs formaient encore une nation d'hommes et de femmes libres qui faisait la promotion de la grandeur et de la beauté de l’espèce humaine. Nous retrouvons cette beauté et cette grandeur dans toutes ses oeuvres d’art.
Au temps de Paul, Athènes n'avait pas encore introduit les combats sanglants des gladiateurs. Au deuxième siècle av. J.Ch., certains avaient voulu suivre l'exemple de Corinthe, en introduisant les combats de gladiateurs dans l’amphithéâtre. Le philosophe Démonax se leva alors et s'écria : «Mais renversez d'abord l'autel de la compassion». Ces luttes cruelles et sanglantes, pour le seul plaisir des spectateurs, ne cadraient pas avec l’amour et le respect qu’avaient les Grecs pour l’être humain.
La ville d’Athènes, où Paul venait d’arriver, même dépouillée de tout rôle politique, gardait le prestige de son passé et de sa culture.
Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 10 août23, 16:0633. L'échec d'Athènes
Paul devant l'aeropage d'Athènes
Discours de Paul à l'Aéropage d'Athènes.
La rencontre de Paul avec un groupe d'intellectuels d’Athènes a été un tournant décisif dans sa mission et le commencement d'une nouvelle étape dans sa vie. Si jusque-là, il avait appris que Jésus crucifié était une pierre d'achoppement – un scandale – pour les Juifs, il allait apprendre maintenant que pour les Grecs, c'était une folie. Cette rencontre avec les Grecs cultivés a été pour lui l'affrontement de la foi chrétienne avec le monde de son temps.
Par sa connaissance de Dieu, la Grèce avait presque atteint Israël. Elle l'avait même surpassé, sur certains aspects, car elle avait su donner à l'idée de Dieu une expression artistique, tandis qu'Israël était resté barbare dans le domaine de l'art.
Voulant s'adapter au degré
de culture de son auditoire,
Paul avait composé un
discours basé sur les lois de
l'art oratoire et les principes
de la sagesse humaine.
Ce fut un échec complet!
Les auditeurs de Paul appartenaient à deux mouvements philosophiques importants : l'école des Stoïciens et celle des Épicuriens. Selon les épicuriens, le monde était l'oeuvre du hasard; le bonheur et le bien-être modéré était le but de la vie des hommes. On devait rechercher non seulement son propre bonheur mais aussi celui des autres. Dans la vie pratique, ils avaient ce principe : «Recherche ton propre bonheur et celui de tes proches. Tu ne vis que peu de temps, et tu es mort pour longtemps.» Ces gens étaient tout à fait fermés au monde surnaturel. Les stoïciens par contre s’efforçaient de vivre sobrement et d’avoir le moins de désirs possibles. C’était pour eux le meilleur moyen de ne pas être déçus, de trouver le bonheur dans ce qu’ils avaient, sans rêver à de grands projets ou à de grands biens.
En promettant de résoudre l'énigme du «Dieu inconnu», Paul éveilla l’attention des gens d’Athènes. Dans une audace sans pareille, il affirme que tous, Juifs et non-Juifs «nous sommes de la race de Dieu» (Actes 17, 29). Jusque-là, les Athéniens semblent attentifs et plutôt curieux des propos de Paul. Mais lorsqu'il se met à parler de la Résurrection de Jésus, leur attitude change: «À ces mots de résurrection des morts, les uns se moquaient, les autres disaient: "Nous t'entendrons là-dessus une autre fois» (Actes 17, 32). La Résurrection, événement transcendant l'histoire, ne pouvait être reçue par des esprits qui s'appuyaient sur la seule raison humaine, comme le faisaient les Athéniens.
Le magnifique discours de Paul à l’Aréopage a été un échec total : les Grecs se heurtaient à l'idée de la résurrection car pour eux, le corps humain était une prison de l’esprit. La résurrection des corps n’avait donc aucun intérêt pour ces gens avides de nouveautés mais fermés à tout ce qui dépassait le naturel.
La résurrection des morts
était un terrible obstacle pour
ces intellectuels qui voyaient
le corps humain comme une prison de l’esprit.
La résurrection des corps
n’avait donc aucun intérêt pour ces gens avides de nouveautés mais fermés à tout ce qui dépassait le naturel.
Dans ce discours, Luc prête à Paul une stratégie d’évangélisation qui dénote un gros effort d’inculturation. On appelle inculturation la volonté d’inscrire l’Évangile dans les catégories et le langage d’une culture donnée. L’effort était louable mais c’en était trop pour les penseurs athéniens. La résurrection des morts était un terrible obstacle pour cette mentalité d’intellectuels. Paul perd ici la majorité de son auditoire, sauf quelques-uns dont la tradition nous a conservé le nom : Denys l’Aréopagite, une femme appelée Damaris, et quelques autres encore.
Paul avait pensé pouvoir convaincre ses auditeurs par la force de ses arguments et démontrer que le système des religions grecques était dépassé. Il avait composé un discours basé sur les lois de l'art oratoire et les principes de la sagesse humaine. Mais il dut constater la futilité de ses arguments. Ce fut un échec complet! Peu de gens se convertirent. La plupart n'étaient même pas intéressés et ne voulaient rien entendre. Paul frappa un mur et découvrit ses propres limites.
Dans cette Athènes sceptique, superficielle et éprise d'elle-même, Paul a acquis un profond mépris de la sagesse du monde. Il prit alors la résolution de lui opposer, à l'avenir, la Croix de Jésus Christ. À partir de cet instant, il ne prêchera plus la sagesse grecque, mais uniquement le Christ et la folie de la Croix.
Paul ne réussit pas à fonder une communauté importante à Athènes. Dans aucune de ses lettres, il ne la mentionne; il n'a écrit aucune épitre aux Athéniens; il n'a pas visité cette ville lors de son troisième voyage missionnaire. Dans cette Athènes connue pour sa philosophie et pour sa sagesse, il n'avait personne à qui parler de ce qui remplissait son coeur. Il écrit aux Thessaloniciens: J'étais seul à Athènes !» (Actes 17, 15).
Paul avait connu de nombreux échecs tout au long de ses voyages missionnaires. Il en essuiera d'autres. Mais pour lui, celui d’Athènes aura été le plus dévastateur. Il n'a pas été insulté, n'a pas été jeté en prison, n'a pas été flagellé, mais on s'est moqué de son message d’espérance et de liberté :
«Alors que les Juifs demandent des signes, et que les Grecs sont en quête de sagesse, nous proclamons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens» (1 Corinthiens 1,22-23).
Jamais il ne voudra revoir Athènes.
Sa réaction est étrange. Paul qui n'avait jamais manqué de force et de courage pour affronter les contrariétés, l'emprisonnement et la torture, sortit d'Athènes découragé et chercha refuge à Corinthe.
Paul rappellera aux Corinthiens, à son arrivée chez eux, les leçons qu'il tira de son échec d’Athènes:
«Pour moi, quand je suis venu chez-vous, frères, je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu avec le prestige de la parole ou de la sagesse. Non, je n’ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié. Moi-même je me suis présenté à vous faible, craintif et tout tremblant. Et ma parole et mon message n’avaient rien des discours persuasifs de la sagesse; c’était une démonstration d’Esprit et de puissance, pour que votre foi reposât, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu.» (1 Corinthiens 2, 1-5).
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34. Corinthe, la ville entre deux mers
Après l'échec d'Athènes, Paul s'installe à Corinthe et reste pendant 18 mois dans cette ville portuaire. Nous sommes en l’an 50. La recherche archéologique a permis de mieux connaître cette ville multiculturelle. Détruite lors de l’invasion romaine en 146 av. J.C., l'ex-capitale de la Ligue achéenne est restée pendant cent ans à l'état désert. En l'an 44 av. J.-C. - un siècle avant l'arrivée de l'apôtre -, Jules César a fait reconstruire Corinthe qu'il a peuplée surtout d'affranchis (ex-esclaves). La ville est alors devenue riche grâce à ses activités commerciales et à ses deux ports ouverts sur deux mers.
carte de la Grèce avec sa presqu'ile du Péloponnèse La position stratégique de Corinthe sur l'isthme à l'entrée du Péloponnese en fit la ville la plus propère du pays
Carte de Corinthe
Corinthe avait deux ports de mers. Le port de Chenchrée donnait sur la mer Égée et le port de Léchée (Léchaion) sur la mer Ionienne.
L'isthme de Corinthe vu d'avionL'isthme de Corinthe vu d'avion
Occupant une position stratégique sur l'isthme de six kilomètres de largeur, qui joint la Grèce du nord à la presqu'île du Péloponnèse et séparant la mer Ionienne de la mer Égée, elle était, au temps de Paul, une grande ville commerçante, avec une population laborieuse. Elle était également le carrefour de l'axe Est-Ouest qui permettait l'arrivée de marchandises de luxe venant d'Orient. Le port de Chenchrée donnait sur la mer Égée et le port de Léchée sur la mer Ionienne. L'Acrocorinthe dominait la cité et abritait le temple d'Aphrodite.
Pendant sa carrière missionnaire, Paul a toujours recherché les grandes villes. Il savait que dans les villes se décidaient les batailles de l'esprit. Quiconque s’imposait à Corinthe, avait une entrée dans toute la Grèce. Si l'on savait quelque chose du Christ dans ce port très fréquenté, ce n'était plus qu'une affaire de temps, jusqu'à ce que les îles et les villes d'alentour en fussent également informées.
Corinthe était habitée par une population très cosmopolite, sans orgueil national étroit. Elle était comparable en cela à Antioche de Syrie. Toutes les opinions avaient droit de cité à Corinthe et dans ce terrain fertile, la semence de l'Évangile pouvait germer facilement. (Actes 18, 1-17)
On peut se faire une bonne idée du contraste entre Athènes et Corinthe au temps de Paul. Athènes était comparable à une ville universitaire du Moyen Âge, remplie des éclats de voix et des chants des étudiants. Corinthe ressemblait à une fourmilière grouillante, à une ruche bourdonnante de commerçants venus de tous les coins de la terre, désireux de faire fortune. Le transit de marchandises par ses ports est à l'origine de sa puissance économique. De ses chantiers maritimes sortaient un grand nombre de bateaux. Les ports de Cenchrées et de Léchée avaient inventé la galère à trois rangs. Les tapis, les tissus, les étoffes de toute nature sortaient de ses ateliers. Ses cuirasses de bronze étaient les meilleures en Occident. Sur les terres fertiles de la région, des milliers d'esclaves faisaient pousser le blé, les légumes, les fruits en abondance et cultivaient les vignes dont on tirait le fameux vin de Corinthe.
Paul ne trouvera là aucune aristocratie de vieille souche mais un grand nombre de nouveaux riches et des héritiers de pionniers enrichis : «Considérez, frères, qui vous êtes, vous qui avez reçu l'appel de Dieu: il n'y a parmi vous ni beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de gens de bonne famille.» Situation peu enviable qu'il rectifie sur-le-champ par l'exposé des avantages que l'on peut en tirer : «Ce qui est faible dans le monde, Dieu l'a choisi pour confondre ce qui est fort.» (1 Co 1, 26-27)
Diolkos, voie dallée de 6 km dans l'isthme de CorintheVoie dallée de 6 km où des esclaves tiraient les bateaux d'une mer à l'autre
Tel que mentionné plus haut, les deux ports de Corinthe sont séparés par un isthme de six kilomètres de largeur : si l'on veut se rendre par mer d’un port à l’autre, il faut contourner tout le Péloponnèse, ce qui entraîne une perte de temps financièrement très lourde. Des dirigeants ingénieux ont eu l'idée d'aménager sur l'isthme une voie dallée afin de haler les navires de commerce entre les deux golfes. Les plus légers étaient transportés sur des chariots, les plus lourds étaient posés sur des cylindres. Il fallait deux jours, parfois trois, pour que des centaines d'esclaves, les poussent et les tirent jusqu'à l'autre versant.
Néron avait eu l’intention de percer l'Isthme et d’y construire un canal, mais cet exploit gigantesque ne sera réalisé que 19 siècles plus tard (1881-1893).
Corinthe, vestige du temple d'Apollon
Vestiges de l'opulente cité... le temple d’Apollon et, au loin, la forteresse de l’Acrocorinthe qui abritait le temple d’Aphrodite où des centaines de courtisanes exerçaient la prostitution sacrée
Corinthe où régnaient la prostitution et la débauche attirait les riches voyageurs, les étrangers, les soldats, les marins, les commerçants et les capitaines. On les dépouillait de leur argent, en ruinant leur santé et en propageant «la maladie corinthienne» dans toutes les régions de l'Empire. Un proverbe célèbre disait : «Tout le monde ne peut aller à Corinthe», ce qui nous rappelle que les plaisirs de Corinthe coûtaient cher, et que beaucoup s'en abstenaient faute d'argent. Une «fille corinthienne» désignait simplement une prostituée.
Paul avait Corinthe sous les yeux quand il traça du paganisme le sombre tableau où tous les excès sont mis au jour. Et pourtant, il aimait cette ville où il ne retrouvait pas l'orgueil d’Athènes. Nulle part, dans sa carrière missionnaire, Paul n'eut à combattre aussi violemment qu'à Corinthe contre toutes sortes de tendances dangereuses.
De par sa position géographique, Corinthe se trouvait aux portes de l'Italie. De son port de Léchée, on s'embarquait directement pour Brindisi d’où l'on remontait la via Appia jusqu’à Rome.
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35. Paul à Corinthe
Paul chez le tisserands Prisca et AquilasDès son arrivée à Corinthe, Paul se met au travail et se lie d'amitié avec deux tisserands: Prisca (Priscille) et Aquilas.
À Corinthe, Paul cherche du travail chez un couple juif originaire de Rome : Prisca et Aquilas. C’étaient des tisserands qui tenaient un bazar de tapis dans la ville. Ils ne pouvaient se douter, qu'à partir de ce moment, leurs noms seraient inscrits dans l'histoire de la jeune Église. Avec une hospitalité tout orientale, ils acceptent de loger l'étranger. Le couple considérait un honneur de recevoir chez eux un docteur de la Loi comme ouvrier et comme hôte. C'est ainsi que commença l’une des plus belles et des plus fécondes amitiés de l’Église naissante. Prisca et Aquilas étaient déjà chrétiens car Paul ne mentionne pas leur nom parmi ceux et celles qu'il a baptisés à Corinthe.
Aquilas et Prisca
Tisserands prospères, Aquilas et Prisca apportèrent un soutien considérable à Paul. Ils le suivront jusqu'à Éphèse et Rome, faisant de leur maison une église domestique. Prisca devint l'un des personnages féminins les plus influents de l'Église primitive.
Aquilas était originaire de la région du Pont, près de la Mer Noire. Il s'était établi à Rome et y avait exercé son métier de tisseur de toiles et de fabriquant de tentes. Dans l'Antiquité où chaque voyageur avait besoin d'une tente, ce métier était pratiqué à échelle industrielle. Il a probablement connu sa femme à Rome. Paul la nomme Prisca, alors que Luc utilise le nom de Priscille. Quatre fois sur six, elle est nommée en premier, ce qui est un indice de son importance. Elle devint l’un des personnages féminins les plus influents de l'Église primitive. Aucune des femmes qui ont soutenu Paul dans sa prédication, n'a reçu un éloge semblable au sien : «Saluez Prisca et Aquilas, mes coopérateurs dans le Christ Jésus. Pour me sauver la vie, ils ont risqué leur tête, et je ne suis pas seul à leur devoir la gratitude : c’est le cas de toutes les Églises de la gentilité; saluez aussi l’Église qui se réunit chez eux» (Romains 16, 3-5).
En 49 ap. J.-C., le couple avait été forcé de quitter Rome à cause d'un décret - bientôt annulé d'ailleurs - de l'empereur Claude. Ce décret fut prononcé, d'après Suétone, parce que des émeutes avaient éclaté dans le ghetto juif de Rome, «sur les instigations d'un certain Chrestos». Les aventures de ce couple sont caractéristiques de la vie errante et agitée des Juifs dispersés dans l'Empire romain. Plus tard, nous les rencontrons à Éphèse, puis à Rome, et finalement encore une fois à Éphèse.
À une époque où le travail
manuel était considéré comme
un déshonneur, l'exemple de
Paul était quelque chose d'absolument novateur.
Dès son arrivée à Corinthe, Paul se met au travail pour gagner son pain. À une époque où le travail manuel était considéré comme un déshonneur et bon seulement pour les basses classes sociales et pour les esclaves, l'exemple de Paul était quelque chose d'absolument novateur. Il fallut longtemps pour que cette conception chrétienne du travail puisse prévaloir. Les Grecs et les Romains n’avaient que mépris pour le travail manuel qui était réservé aux plus pauvres et aux esclaves. Chez les Juifs, par contre, l'Ancien Testament avait créé, autour de l'ouvrier, une atmosphère de respect social. Chez Paul, ce respect s'appuyait sur sa conception de l'homme, temple du Saint-Esprit, et sur la fraternité de tous les êtres humains dans le Christ. «Quiconque méprise un frère ne méprise pas un homme, mais Dieu.»
Suivant sa méthode habituelle de travail, Paul commence par présenter son message aux Israélites. Il réussit deux conversions importantes : celles de Crispus et de Sosthène, deux responsables de la synagogue. De nombreuses autres suivirent, mais la majorité des Juifs lui était hostile. Les accusations ordinaires d'impiété et de sacrilège, ne manquent pas. «Une nuit, dans une vision, le Seigneur dit à Paul : Sois sans crainte, continue de parler, ne te tais pas. Car je suis avec toi et personne ne mettra la main sur toi pour te faire du mal, parce que j’ai à moi un peuple nombreux dans cette ville. Il séjourna là un an et six mois, enseignant aux gens la parole de Dieu.» (Actes 18, 9-11)
Pendant que Paul travaillait et prêchait à Corinthe, Silas et Timothée arrivèrent de Macédoine. Ils apportaient de l'argent de Thessalonique et de Philippes. Il est facile de supposer qui étaient les généreux donateurs de cette contribution monétaire : Lydie de Philippes et Jason de Thessalonique.
Phoebe, diaconesseUne autre femme exceptionnelle, Phoebé, diaconesse de l'Église de Cenchrée
À Corinthe, Paul rencontre une autre femme exceptionnelle dans le port de Cenchrées. Il s'agit de Phoebée, femme d’affaires pleine d'entregent et grande voyageuse. Convertie au christianisme, elle va patronner l'activité de Paul, le représenter si nécessaire en justice et surtout témoigner de sa citoyenneté romaine. Autour de Phoebée, une nouvelle communauté chrétienne va se développer. Plus tard, Paul recommandera Phoebée aux Romains comme «notre soeur, diaconesse de l'Église de Cenchrées». Il souhaitera qu'on «lui offre dans le Seigneur un accueil digne des saints» et que, dans le cas où elle en aurait besoin, on l'aide «car elle a été une protectrice pour bien des gens et pour moi-même». (Romains 16, 1-2) C’est elle qui apportera à Rome l’épître de Paul aux Romains.
La communauté de Corinthe nous est connue par les deux lettres que Paul lui adressera un peu plus tard. Composée de Grecs, de Romains et de Juifs, de riches et de pauvres, d’esclaves et d’hommes libres, de lettrés et d’ignorants, d’hommes et de femmes, cette Église est un bel exemple des communautés fondées par Paul. La diversité sera source de difficultés mais favorisera en même temps un modèle admirable d’unité dans la diversité. Elle donnera aussi à Paul l'occasion de s'exprimer sur la nature de l'Église comparée au corps humain où chaque membre a une fonction au service de l’unité, de la cohésion et de l’entraide (1 Corinthiens 12).
À Corinthe, on se réunit dans des maisons privées où l'on prend le repas en commun. Conformément à l'attitude qu'il avait préconisée à Antioche, Paul n'empêche aucun des nouveaux chrétiens d'assister aux nombreuses fêtes juives ou païennes que l'on célèbre dans la ville. A ceux et celles - surtout juifs - qui montrent des réticences, il explique qu'il ne faut pas se singulariser. L'assistance aux célébrations permet de nouer des relations utiles pour la diffusion du message chrétien.
Paul devra prendre position sur les viandes immolées aux idoles dans un milieu où, en raison de leur appartenance sociale, les chrétiens sont contraints de consommer ces viandes offertes dans les banquets publics. Il abordera aussi des questions de moralité sexuelle (1 Corinthiens 6, 12-20) en raison de l'importance de la prostitution dans la cité.
Après un certain temps, Paul sera de nouveau accusé par les autorités juives de contrevenir à la loi romaine qui interdit le prosélytisme et les cultes illicites. Ceci provoque la rupture avec la synagogue comme ce fut le cas à Antioche de Pisidie et à Thessalonique. Paul secoua la poussière de ses vêtements, comme pour se libérer de toute responsabilité personnelle : «Que votre sang soit sur votre tête. Pour moi, j'en suis innocent. Désormais, je m'en vais auprès des Gentils.» C'était une sorte d'excommunication, la première utilisée par Paul.
Titius Justus lui offrit alors sa maison pour les réunions de la communauté chrétienne. Paul accepta avec joie et, dans la cour intérieure, il continua à instruire les intéressés. La communauté juive se scinda en deux groupes. Certains rentrèrent à la synagogue, d’autres accompagnèrent Paul dans la maison de Titius. La séparation était faite et la première Église des Gentils était fondée à Corinthe.
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36. Premières eucharisties chrétiennes
C'est dans les lettres de Paul que nous rencontrons les premières mentions des activités des chrétiens le dimanche, «jour du Seigneur». La franchise avec laquelle l’apôtre blâme les abus qui s'étaient déjà glissés lors de ces rencontres, nous aident à lever légèrement le voile sur les célébrations de l'Église primitive : «Quand vous vous réunissez en commun, ce n'est pas le repas du Seigneur que vous prenez. Dès qu’on est à table en effet, chacun se hâte de prendre son propre repas, et l'un a faim, tandis que l'autre est ivre. Vous n’avez donc pas de maisons pour manger et boire ? Ou bien méprisez-vous l'Église de Dieu et voulez-vous faire honte à ceux qui n'ont rien ? Que vous dire ? Faut-il vous louer ? Non, sur ce point je ne vous loue pas.» (1 Corinthiens 11, 20-22)
En relisant les deux lettres aux Corinthiens, le récit du service dominical à Troas, les indications de la Didakhê et la lettre de Pline écrite à l'empereur Trajan (début du 2e siècle), nous avons une bonne idée des célébrations dominicales pendant les premiers temps de l’Église. Comme le développement de ces célébrations s’est fait très lentement, les indications tirées de sources plus tardives nous permettent de remonter à l'époque apostolique.
chanteursSelon le rapport de Pline sur l’interrogation de deux servantes chrétiennes, nous savons qu’il y avait chaque dimanche, deux services religieux. Le premier était célébré tôt le matin et le second au cours de la soirée. À l’office du matin, on chantait alternativement en deux choeurs, un cantique s'adressant à la divinité du Christ. Pendant cette rencontre matinale, les chrétiens s’engageaient à vivre la morale chrétienne dans leur vie quotidienne. Le soir, la célébration était composée d’un double repas : celui des agapes et celui de l’eucharistie.
À l'office du matin, on chantait alternativement en deux choeurs, un cantique s'adressant à la divinité du Christ
Les rencontres du dimanche étaient remplis de chants et de musique. Les Grecs adoraient la musique et avaient un sens raffiné du rythme. Il faut nous rappeler les comédies et les tragédies grecques où les choeurs constituaient une partie essentielle des oeuvres théâtrales. Paul encourage un programme liturgique qui répond à ce besoin de chant et de musique : «Récitez entre vous des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés. Chantez et célébrez le Seigneur de tout votre coeur». (Éphésiens 5, 19) Parmi les nombreux charismes mentionnés par Paul, il y en a un «pour chanter les psaumes». (1 Corinthiens 14, 26) Il pense probablement aux hymnes composés dans un élan de piété, et semblables aux cantiques de l'Ancien Testament. Les Évangiles nous transmettront trois de ces cantiques : le Magnificat de Marie, le Benedictus de Zacharie et le Nunc dimittis de Siméon.
Bible en mains
Lorsqu’en 386 saint Augustin raconte qu'il fut entraîné par le chant de la communauté de Milan et touché jusqu'aux larmes, ce n’était certainement pas un chant ennuyeux et sans mélodie.
Il faut aussi mentionner la lecture des textes bibliques durant ces liturgies. Dans l'Antiquité, on ne lisait jamais simplement avec les yeux. On lisait à haute voix, avec toutes les nuances, les inflexions, les variations de rythme qui faisaient la joie des participants. Chez les Grecs, la rhétorique jouissait d'une grande faveur et on attribuait des prix à ceux et celles qui savaient bien lire en public. L'Église, qui reconnaissait l’importance de la lecture bien faite, a institué un ministère particulier, celui du «lecteur».
Influence grandissante de la femme dans la communauté chrétienne
Les offices dans les églises de Paul laissaient aux femmes un rôle important. Chez les Juifs, la femme était éliminée du service liturgique; elle était reléguée à un endroit à part. On ne se donnait pas la peine d'enseigner les Écritures aux fillettes. De son côté, le christianisme naissant accordait aux femmes une place de choix. Cela nous fait comprendre la reconnaissance que celles-ci vouaient au Christ et l’attirance qu’il avait pour elles. Elles reconnaissaient en lui un Sauveur qui les respectait, les aimait et s'occupait d’elles. Dans les Évangiles, certaines images caractérisent la nouvelle position de la femme et annonce pour elle un véritable printemps : Marie aux pieds de Jésus à Béthanie, Marthe qui fait sa profession de foi à la mort de son frère, la pécheresse parfumant les pieds de Jésus chez Simon le pharisien, la Samaritaine au puits de Jacob, la femme adultère qui lui doit la vie!
Avec Paul, nous remarquons l'influence toujours grandissante de la femme dans la communauté chrétienne : Eunice et Lois, Lydie, Évodie, Syntyché, Damaris, Prisca, Phoebée, les filles de Philippe... Elles jouent un rôle important dans le développement des Églises. Après la mort de Paul et surtout après que le christianisme soit devenu la religion de l’État au début du 4e siècle, l’Église a perdu cette ouverture et ce respect profond qu’on avait pour les femmes dans les communautés chrétiennes. Elle adopta alors la culture machiste de l’Empire.
Le soir, la célébration était composée d'un double repas:
celui des agapes
et celui de l'eucharistie
Pendant la soirée du dimanche, les chrétiens se rassemblaient une deuxième fois pour un repas fraternel. Il y avait d’abord les agapes ou le repas de partage, l’une des plus belles inventions de l'Église primitive. Il ne faut pas s’étonner de trouver dans les catacombes de nombreuses représentations de cette rencontre précédant l’eucharistie.
Fresque d'une agape, catacombes Ste Priscille
Agapes - Catacombes Ste PriscilleAgapes, catacombes Sts Pierre e Marcellin
Catacombes Sts Pierre et Marcellin
On apportait de petites tables et on les plaçait en forme de fer à cheval ou en demi-cercle. L'esclave et la servante prenaient place à côté du percepteur municipal Éraste, de l'ancien président de la synagogue Crispus, de la femme d’affaires Phoebée, du riche Titius Justus, et ils étaient servis par des gens affables, qui circulaient entre les tables. La personne la plus âgée était assise au milieu de chaque table, comme nous le voyons dans les fresques des catacombes. Le maître de la maison fournissait les nécessités de base : l'eau chaude et froide, les olives, les sardines, les assiettes et les plats. Un diacre, un presbytre ou le maître de la maison prononçait la prière sur les mets : «Loué sois-tu, Seigneur, notre Dieu, Roi de la terre, tu fais sortir le pain du sol..., tu produis les fruits et la vigne».
Après les agapes, ceux qui n'étaient pas encore baptisés s'éloignaient et les autres se rendaient au banquet eucharistique dans la salle haute, qui se trouvait à l'étage supérieure. On y allumait de nombreuses chandelles. Les participants y faisaient une confession en commun de leurs péchés, ensuite ils se rendaient à la table des offrandes, et y déposaient leurs paniers remplis de farine, de raisin, d'encens, d'huile, de pain, de froment et de vin, aliments qui seront offerts aux pauvres et aux gens dans le besoin. C’est là l’origine de nos «collectes dominicales». Pendant que ces offrandes sont rassemblées, le Kyrie eleison est chanté en choeur.
Offrande du caliceC'est alors que le célébrant principal prononce sur un ton solennel le récit de la dernière Cène, tel que Paul l'a reçu de 1'Église-Mère de Jérusalem : «Voici ce que moi, j'ai reçu du Seigneur, et ce que je vous ai transmis : le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et après avoir rendu grâces, il le rompit et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous, faites cela en mémoire de moi». Il fit de même pour la coupe, après le repas, en disant : «Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang ; faites cela, toutes les fois que vous en boirez en mémoire de moi» (1 Co 11, 23-25). On voit que ces mots sont très proches de ceux de la dernière Cène dans le récit des évangiles synoptiques. Le récit de Paul est en réalité le plus ancien de tous ces textes. La communauté répondait : «À Toi la gloire dans les siècles. Les fragments de ce pain épars sur les montagnes se sont réunis en un seul tout, qu'ainsi ton Église se rassemble des extrémités de la terre dans ton Royaume. Car à Toi est la gloire et la puissance par Jésus-Christ dans les siècles» (Didakhê, ch. 9).
Après ce récit de la dernière scène, les croyants s'approchaient pour recevoir des fragments du pain consacré, et pour boire au calice qu'on leur présentait. Ils retournaient à leurs places après s'être donné le baiser de paix. On emportait alors l’eucharistie aux malades, pendant qu’on chantait un hymne de reconnaissance, qui donnera son nom à toute la cérémonie (eucharistie = action de grâce). Le tout se terminait, selon la Didakhê, par un cri de nostalgie en vue de la Parousie du Seigneur : «Maranatha», Viens, Seigneur Jésus (Didakhê, ch. 10).
Toutes ces informations lèvent un peu le voile sur les premières célébrations du Jour du Seigneur.
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37. Première lettre aux Thessaloniciens
Le plus ancien document du Nouveau Testament est la Première lettre aux Thessaloniciens
Nous avons tellement l'habitude de voir les évangiles figurer en tête du Nouveau Testament que nous risquons d'oublier qu'ils ont été écrits plusieurs années après les lettres de Paul. La première lettre aux Thessaloniciens a été envoyée environ vingt ans après la résurrection du Christ et elle est le plus ancien document du Nouveau Testament.
Paul écrit aux RomainsIl est intéressant de constater que ce n’est qu’à la fin du second voyage missionnaire que Paul commence à écrire aux Églises qu’il a fondées. Pendant qu’il est à Corinthe, Timothée arrive de Thessalonique et apporte la bonne nouvelle de la foi et de l’amour des chrétiens de cette ville. Il dit qu’ils ont gardé un bon souvenir de Paul, et qu’ils désirent le revoir. Nous avons dans cette première lettre la réaction de Paul tout ému par ces excellentes nouvelles. Les Thessaloniciens sont sur la bonne voie. Il s'en réjouit et il leur dit : «il ne vous reste qu'à persévérer jusqu'au jour du retour du Seigneur. »
papyrusCette lettre aux Thessaloniciens a été dictée dans le pauvre atelier de Prisca et d'Aquila, à Corinthe. Timothée se procura tout ce qu'il fallait pour écrire : feuilles de papyrus, encre, plume, pierre-ponce pour polir les parties rugueuses du papyrus, et pour affiler la plume, éponge pour effacer les erreurs d'écriture, de la cire et des cordons pour cacheter les feuilles de la lettre. Grâce à Pline, nous savons qu’il y avait alors neuf sortes de papyrus (papier). Le matériel provenait d'Égypte et coutait très cher. Il est peu probable que Paul se soit servi de parchemin (peau d’animal), que les Juifs utilisaient seulement pour les documents religieux importants.
En tête de cette épître, comme dans toutes les épîtres de Paul, figurent les noms des expéditeurs et celui des destinataires, suivis d'une courte salutation. Paul écrit presque toujours avec d’autres : «Paul, Silvain et Timothée, à l'Église des Thessaloniciens qui est en Dieu le Père, et dans le Seigneur Jésus-Christ. À vous, grâce et paix!» Soixante-cinq fois dans ses épitres il emploie le pronom «nous». Paul associe régulièrement ses collaborateurs et ses amis à la fondation des différentes communautés. Les lettres de Paul n’étaient pas écrites d'un seul jet; elles nécessitaient parfois plusieurs jours. Cela explique les changements de ton et d’humeur à l’intérieur d’une même lettre.
Dans cette lettre, nous entendons résonner pour la première fois dans le Nouveau Testament la merveilleuse trilogie «de la foi, de l’espérance et de la charité». C'est par cette splendide harmonie que débute le Nouveau Testament. Cette triade de vertus est à la racine de toute vie chrétienne : «Nous nous rappelons, en présence de notre Dieu et Père, l’activité de votre foi, le labeur de votre charité et la constance de votre espérance, qui sont dus à notre Seigneur Jésus-Christ.» (1 Th 1, 3)
Lorsqu’il s'adresse aux Thessaloniciens et aux Philippiens, Paul sait qu’il parle à des hommes et des femmes fiers de leur histoire. La Macédoine est la terre d’origine de la dynastie qui, dès le 4e s. avant Jésus Christ, a fait l’unité de la Grèce. Au cours de l’hiver 360-359, lorsque Philippe, originaire de Pella, devient roi de la Macédoine, il hérite d’un pays divisé, décimé et culturellement retardé. Vingt-cinq ans plus tard, il le laisse agrandi, unifié, doté de la plus grande puissance militaire de l’époque et hissé à un niveau culturel supérieur. Malgré les «Philippiques» de Démosthène, vigoureuses protestations de cet orateur athénien contre le roi, Philippe poursuit sa politique de conquêtes territoriales et réussit à faire l’unité de la Grèce dont les cités s’entredéchiraient. Grâce à la phalange macédonienne, nouvelle machine de guerre très efficace, il gagne toutes les batailles et se donne comme objectif de vaincre les Perses. Après son assassinat à Aigai, en 336, son fils Alexandre reprendra son rêve d’unir l’Orient à l’Occident et réalisera la conquête de l’Empire perse.
Paul rappelle cette victoire
qui est au coeur de notre profession de foi:
«Jésus est mort et il est ressuscité»,
et ce qui en découle :
«les chrétiens qui sont morts ressusciteront».
La communauté de Thessalonique était très chère au coeur de Paul. Il avait souffert un rejet violent de la part des juifs de la ville mais la communauté formée par les non-Juifs l’avait appuyé. Après avoir évoqué son amitié pour eux, l'Apôtre parle de l'espérance qui traverse la mort. Le chrétien porte cette espérance d’une vie qui sera transformée : «Nous ne voulons pas, frères et soeurs, que vous soyez ignorants au sujet des morts; il ne faut pas que vous vous désoliez comme les autres, qui n'ont pas d'espérance.» (1 Th 4, 13.) Qui, dans le désarroi d'un deuil, n'a entendu aux funérailles ces paroles fraternelles et consolantes? Il s’agit de la grande victoire sur la mort que prêche Paul.
Victoire de SamothraceLa victoire de Samothrace. Imposante statue que Paul aperçoit en arrivant en Macédoine. Mais Paul pense à une autre victoire, beaucoup plus importante pour le monde: la victoire du Christ sur la mort.
Cette victoire lui a été rappelée lorsqu’il traversa en Macédoine. En quittant Troas, en Asie mineure, il avait mis le cap sur l'île de Samothrace (Ac 16, 11). En arrivant sur l’île, il a pu admirer la splendide Athéna Niké de trois mètres cinquante de hauteur, juchée sur son éperon de navire. La Victoire de Samothrace, conservée aujourd’hui au Musée du Louvre à Paris, était une superbe évocation de la première victoire militaire des Macédoniens. Elle fut sculptée au 3e siècle avant Jésus-Christ. Paul venait annoncer aux Thessaloniciens une autre victoire, celle sur la mort. A chaque fois, Paul rappellera cette victoire qui est au coeur de notre profession de foi: «Jésus est mort et il est ressuscité», et ce qui en découle : «les chrétiens qui sont morts ressusciteront». Paul évoque un rassemblement auprès du Seigneur (1 Th 4, 17). Ce qui est promis n'est pas l'immortalité dans sa solitude, mais une réalité qui transforme la vie et qui est de l'ordre de la relation avec les autres.
Les Thessaloniciens attendaient la «parousie», le retour du Christ. À l'époque impériale le mot «parousie» signifiait la visite officielle de l'Empereur. Des hérauts l'annonçaient, on réparait les routes, on décorait la ville, on célébrait pendant plusieurs jours, on organisait des jeux, on offrait des sacrifices. En attendant cette venue du Christ, la vigilance doit être permanente afin de ne pas être surpris par la visite du Seigneur. Les chrétiens veillent tandis que d'autres dorment. Dans cette lettre, pour la première fois, l'Apôtre décrit l'armure du chrétien : la cuirasse de la foi et de l'amour et le casque de l'espérance.
Dans la troisième partie de l'épître on retrouve des exhortations qui précèdent la salutation finale. Paul invite les Thessaloniciens à avoir del’estime «pour ceux et celles qui se donnent soyez toujours joyeuxde la peine, qui veillent sur vous dans le Seigneur et vous reprennent... (1 Th 5, 12-13) Le bon ordre au sein de l’Église sera assuré s’il existe une bienveillance mutuelle et un esprit de paix : «Nous vous exhortons, frères : reprenez ceux qui vivent de manière désordonnée, donnez du courage à ceux qui en ont peu : soutenez les faibles, soyez patients envers tous. Prenez garde que personne ne rende le mal pour le mal, mais recherchez toujours le bien entre vous et à l'égard de tous». (1 Th 5, 14)
Suit un très beau texte, véritable guide de comportement pour tous les chrétiens :
«Restez toujours joyeux. Priez sans cesse. En toute condition soyez dans l’action de grâces. C’est la volonté de Dieu sur vous dans le Christ Jésus. N’éteignez pas l’Esprit, ne dépréciez pas les dons de prophétie; mais vérifiez tout : ce qui est bon, retenez-le; gardez-vous de toute espèce de mal». (1 Th 6, 21)
À la fin, Paul ajoute : «Je vous en conjure par le Seigneur, qu'il soit donné lecture de cette lettre à tous les frères.» Une telle recommandation était utile pour s’assurer que les lettres soient lues dans toutes les communautés environnantes. Ceci faisait des lettres de Paul des «documents circulaires». Finalement, Paul prend la plume de la main de Timothée, et il ajoute de son écriture énergique: «Que la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ soit avec vous! Amen.»
L'Église qui avait reçu une lettre de Paul la conservait et la relisait lors de ses réunions liturgiques. Après la mort de l'Apôtre, certaines Églises échangèrent leurs lettres. Vers la fin du 1er siècle, quelqu’un eut l’idée d'en faire une collection qui a ensuite été transmise à travers les âges.
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38. Deuxième lettre aux Thessaloniciens
Paul écrivant une lettreCette deuxième lettre aux Thessaloniciens reprend ce qui a été dit dans la première. Certains spécialistes pensent qu'elle n'est pas de la main de Paul. Si elle est de lui, elle daterait de 51-52.
Cette lettre est plus brève que la précédente et a probablement été écrite à Corinthe elle aussi, peu de temps après la première. Il s’agit de la réponse à une lettre supposément venant de Paul et qui faisait croire aux chrétiens que le Jour du Seigneur était déjà là «au-dessus de leur tête, comme un nuage noir» :
«À propos de la Venue de notre Seigneur Jésus Christ et de notre rassemblement auprès de lui, ne vous laissez pas trop vite mettre hors de sens ni alarmer des manifestations de l’Esprit, des paroles ou des lettres données comme venant de nous, et qui vous feraient penser que le Jour du Seigneur est déjà là.» (2 Th 2, 1-2)
Au début, Paul rend grâce à Dieu pour la constance des Thessaloniciens : «Nous devons rendre grâce à Dieu parce que votre foi est en grand progrès et que l’amour de chacun pour les autres s’accroît parmi vous tous.» (2 Th 1, 3)
Paul cherche à calmer une agitation fébrile causée à Thessalonique par une
attente anxieuse du
Retour du Seigneur.
Dans la deuxième partie, Paul revient sur l'avènement du Christ, sujet déjà abordé dans les chapitres IV et V de la Première lettre aux Thessaloniciens, tout en écartant l'idée de sa proximité immédiate. Pour apaiser l'angoisse des chrétiens, il leur annonce que le retour du Christ sur terre serait précédé de signes : le premier sera l'abandon de la foi ; le second, l'apparition d'un homme que Paul désigne sous les noms «d'Homme de l'impiété», «Fils de la perdition», «celui qui se dresse et s'élève contre Dieu et qu'on adore». Il est, en fait, l'Antéchrist, terme que Paul n’utilise pas mais qui sera employé, plus tard, par saint Jean l'Évangéliste. (1 Jean 2, 18; 2 Jean 7)
CaligulaL'empereur Caligula "l'homme de l'impiété, qui s'élève contre Dieu et qu'on adore"
En décrivant l'homme de péché, Paul fait probablement référence à l’empereur Caligula (Caïus César Germanicus), qui 14 ans plus tôt, avait donné l’ordre d'édifier sa statue dans le temple de Jérusalem. Le Temple porterait désormais son nom : «Temple de Caïus», le nouveau Jupiter. L'Empereur voulait ainsi se venger des Juifs qui étaient les seuls à ne pas le reconnaître comme dieu.
Lorsque Paul écrit sa lettre, Caligula est mort et Claude est empereur. Son fils adoptif Néron a été proclamé prince impérial et il est le premier dans la ligne de succession. Agrippine, la mère de Néron, a rappelé Sénèque de son exil en Corse, et l’a désigné comme éducateur du futur empereur.
Paul mentionne certains chrétiens qui propagent des rumeurs de fin du monde et refusent de travailler. Ceux-ci préfèrent la mendicité à l'accomplissement de leurs devoirs d'état. Ils promènent partout des visages hantés par la catastrophe éminente et interprètent toutes sortes de signes avant-coureurs, dont ils auraient été témoins. Ils disent: «Le jour du Seigneur est tout proche.» Ils se comportent comme des gens dont les jours sont comptés. Ils fondent leur «savoir» de la fin du monde sur la soi-disant révélation d'un prophète, ou encore sur une parole attribuée à Paul, ou même sur une lettre (fausse d'ailleurs) de l'Apôtre.
Paul les invite tous à travailler et à ne pas être oisifs, à ne pas mener une vie désordonnée. Il insiste :
«Si quelqu'un n'obéit pas aux indications de cette lettre, notez-le, et, pour sa confusion, cessez de frayer avec lui; cependant ne le traitez pas en ennemi, mais reprenez-le comme un frère». (2 Th 3, 14-15)
Attention à la nervosité dans l'attente du Christ, ajoute Paul. Il est vrai que le Christ doit revenir, mais cela n'est pas une raison pour tomber dans le désordre :
"Nous entendons dire qu'il en est parmi vous qui mènent une vie désordonnée, ne travaillant pas du tout mais se mêlant de tout. Ceux-là, nous les invitons et engageons dans le SeigneurJésus Christ à traailler dans le calme et à manger le pain qu'ils auront eux-mêmes gagné." (2 Th 3, 11)
Pour les Juifs et pour Paul, contrairement aux Grecs et aux Romains, le travail ennoblit lorsqu'il est organisé selon des principes humanistes. Les chrétiens ont devant les yeux son exemple, lui, le fabricant de tentes :
«Nous n'avons pas eu une vie désordonnée parmi vous, nous ne nous sommes pas fait donner par personne le pain que nous mangions, mais de nuit comme de jour nous étions au travail, dans le labeur et la fatigue, pour n’être à la charge d’aucun de vous. (2 Th 3, 7-8)
Paul demande aux Thessaloniciens de prier pour lui et pour ses compagnons Silvain et Timothée :
«Priez pour nous, demandant que la parole du Seigneur accomplisse sa course et soit glorifiée, comme elle le fait chez-vous, et que nous soyons délivrés de ces hommes égarés et mauvais – car la foi n’est pas donnée à tous. Mais le Seigneur est fidèle : il vous affermira et vous gardera du Mauvais». (2 Th 3, 1-2)
La troisième partie de l'épître de Paul est une exhortation à la persévérance (2, 13 – 3, 16), avec une salutation finale (3, 17-18).
«Nous devons, quant à nous, rendre grâce à Dieu à tout moment à votre sujet, frères aimés du Seigneur, parce que Dieu vous a choisis dès le commencement pour être sauvés par l’Esprit qui sanctifie et la foi en la vérité : C’est à quoi il vous a appelés par notre Évangile, pour que vous entriez en possession de la gloire de notre Seigneur Jésus Christ. Dès lors, tenez bon, gardez fermement les traditions que vous avez apprises de nous, de vive voix ou par lettre.» (2 Th 2, 13-15)
L'épître a probablement été dictée à Timothée. Afin d'en assurer l'authenticité, Paul ajoute, de son écriture, la dernière salutation : «Ce salut est de ma main à moi, Paul.»
Et pour éviter toute supercherie, il prévient ses destinataires : «C’est le signe qui distingue toutes mes lettres. Voici quelle est mon écriture.»
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39. Paul accusé de prêcher un culte illégal
À Corinthe, le nombre de non-Juifs devenus chrétiens augmentait de jour en jour et la Synagogue enregistrait de nombreuses défections. Son chef, Crispus, demanda le baptême, de même que Stephanus. Il y avait également Gaïus, qui a hébergé Paul (Romains 16, 23). Une autre personnalité importante réclama le baptême; c'était Éraste, le trésorier de la ville (Romains 16, 23).
Ce fut le chef-d'oeuvre de l'Apôtre de réussir à réunir à une même table, des hommes et des femmes libres, des esclaves et des affranchis, des Juifs, des Grecs, des Romains et des Asiates.
La composition de la communauté devint de plus en plus variée. D'après la première lettre aux Corinthiens, nous pouvons distinguer trois catégories sociales dans cette Église : D'abord, une classe de gens qui se recrutent parmi les propriétaires et les fonctionnaires. Leurs maisons étaient assez grandes pour recevoir les membres de la communauté naissante, et ils étaient assez riches pour fournir ce qu'il fallait pour les agapes. À cette catégorie appartenaient les personnalités mentionnées plus haut. Plus tard s'y ajoutèrent Sosthène et un certain Zénas, juriste juif. (Tite 3, 13). Il y avait également Phébée, la diaconesse de l’Église de Cenchrée et les gens de sa maison. De la classe moyenne, où prédominait l'élément romain, faisait parti Tertius, le futur secrétaire de Paul à qui il dictera la lettre aux Romains. Cependant la majorité des nouveaux convertis appartenaient aux classes pauvres; c'étaient des esclaves, des affranchis et des artistes. Paul mentionne cette classe de pauvres dans sa 1ère lettre aux Corinthiens :
«Aussi bien, frères, considérez votre appel : il n’y a pas beaucoup de sages selon la chair, pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de gens bien nés. Mais ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort; ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l’on méprise, voilà ce que Dieu a choisi.» (1 Corinthiens 1, 26-27)
Paul n'était jamais descendu dans des milieux populaires aussi misérables et mal famés que ceux de Corinthe. Lorsqu'il rappellera plus tard aux Corinthiens, légèrement vantards, ce que la plupart d'entre eux avaient été avant leur conversion, il ne les place pas dans des catégories flatteuses :
«Ni impudiques, ni idolâtres, ni adultères, ni dépravés, ni gens de moeurs infâmes, ni voleurs, ni cupides, pas plus qu’ivrognes, insulteurs, ou rapaces, n’hériteront du Royaume de Dieu. Et cela, vous l’étiez bien, du moins quelques uns d’entre vous.» (1 Corinthiens 6, 10).
Ce fut le chef-d'oeuvre de l'Apôtre de réussir à surmonter ces contrastes moraux, sociaux et nationaux et de réunir à une même table, des hommes et des femmes libres, des esclaves et des affranchis, des Juifs, des Grecs, des Romains et des Asiates.
Le succès de l'Apôtre rendit furieux les chefs d'Israël. Paul voyait arriver l'orage. Il écrivit alors aux Thessaloniciens:
«Mes frères, priez pour nous, afin que la parole du Seigneur poursuive sa course et soit partout honorée comme elle l'est chez vous, et que nous soyons délivrés des méchants et des pervers» (2 Thessaloniciens 3, 1).
Au milieu de ces tensions, le Seigneur apparut à Paul pour le consoler: «Sois sans crainte! Continue de parler, ne te tais pas! Car je suis avec toi, et personne ne mettra sur toi la main pour te faire du mal, parce que j'ai un peuple nombreux dans cette ville.» (Actes 18, 9-10) Cette vision lui donna le courage de persévérer dans sa mission difficile. «Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?» (Romains 8, 31). Il pouvait donc envisager l'avenir avec sérénité.
GallioSur le plan politique, au printemps de l'année 52, le poste de gouverneur de l'Achaïe était devenu vacant. Rome prenait soin de faire occuper des postes aussi importants par des personnages prudents et conciliants. Pour cette raison, le Sénat confia la fonction de proconsul d'Achaïe à l'un des hommes les plus sympathiques et les plus cultivés de son temps, Marcos Annaeus Novatus, qui se nommait encore, du nom de son père adoptif, Junius Gallion. «Mon ami Gallion, procureur d'Achaïe», c'est en ces termes que l'Empereur Claude le nomme dans une inscription retrouvée à Delphes. Si Gallion a été proconsul en l'année 52/53, le séjour de 18 mois de Paul à Corinthe, aurait eu lieu du printemps 51 à l'automne 52.
La nomination de Gallion fut accueillie par toute la Grèce avec enthousiasme. Il s'était illustré dans les lettres. Frère préféré du philosophe Sénèque, qui était précepteur de Néron, oncle de l'écrivain romain Lucain, c'était un esprit cultivé, de caractère noble et affable.
Paul défend son enseignementPaul défend son enseignement, par Giovanni Ricco
Les Juifs de Corinthe pensèrent tirer parti du nouveau proconsul pour se venger de Paul qui commençait à être trop connu, car les synagogues correspondaient entre elles. Exaspérés par les succès de Paul, ils le traînèrent devant le tribunal du proconsul : «C'est un culte illégal que prêche cet individu, lui dirent-ils». Les lois de l’Empire interdisaient les «nouveaux cultes» et le prosélytisme.
Paul allait se défendre quand Gallion déclara :
«S’il s’agissait d’un délit ou d’un méfait grave, je recevrais votre plainte comme il se doit; mais, puisqu’il s’agit de discussions concernant la doctrine, les appellations, et la Loi qui vous sont propres, cela vous regarde. Moi, je ne veux pas être juge de ces affaires.»
Et il les renvoya du tribunal.
Alors, pour se venger, les Israélites se jetèrent sur Sosthène et le rouèrent de coups devant le tribunal, sans que Gallion ne réagisse d’aucune manière.
Gallion, cet homme de la haute société romaine, connue une fin tragique. Il mourut comme son frère, Sénèque, de la mort du stoïcien, c’est-à-dire de sa propre main, en avalant du poison, sur l'ordre de Néron. C'était la seule échappatoire de la sagesse du monde en face de la souffrance, de la violence et de l’injustice. Ainsi l'enseignait le stoïcisme, enseignement que Sénèque résume dans une lettre célèbre :
«La loi éternelle n'a rien établi de mieux que de nous donner une seule entrée dans la vie, alors qu'elle nous en ménage de nombreuses sorties. Devrais-je attendre une cruelle maladie ou un homme cruel, alors que je suis libre de me défaire de toutes ces adversités ? Telle est la seule raison pour laquelle nous n'avons pas le droit de nous plaindre de la vie : elle ne retient personne. C'est une excellente institution. Personne n'est forcé de rester malheureux, si ce n'est en le voulant. Si tu es satisfait, reste en vie ! Si tu es malheureux, tu peux retourner au néant d'où tu es venu.»
À Corinthe, outre Silas et Timothée, Paul disposait d'un grand nombre de collaborateurs et collaboratrices qu'il envoyait dans toutes les directions de la péninsule. Dans le port de Cenchrées, il avait la fidèle diaconesse Phébée, qui travaillait dans le quartier des matelots comme «un ange de charité».
À Corinthe, Paul a fondé une communauté qui rayonnait dans tout le bassin méditerranéen.
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40. Paul rentre à Antioche de Syrie
Après dix-huit mois à Corinthe, Paul estime qu'il est temps pour lui de quitter cette ville. Il a semé et la moisson a porté fruit. Même si l'Église qu'il a implantée ne compte que quelques centaines de fidèles, le résultat dépasse de loin celui récolté ailleurs. Dans la Première Epître aux Corinthiens, il mentionne le bonheur que cette communauté lui a procuré et le bon souvenir qu'il a conservé de son séjour parmi eux :
«Je rends grâce à Dieu sans cesse à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été accordée dans le Christ Jésus. Car vous avez été comblés en lui de toutes les richesses, toutes celles de la parole et toutes celles de la science, à raison même de la fermeté qu’a prise en vous le témoignage du Christ. Ainsi ne manquez-vous d’aucun don de la grâce, dans l’attente où vous êtes de la Révélation de notre Seigneur Jésus Christ.» (1 Corinthiens 1, 4-7)
On pense que Paul a quitté Corinthe à l’automne 52. Auparavant, il s'était fait raser la tête pour accomplir un voeu qu’il avait fait. (Actes 18, 18) Ceci rappelle une coutume juive, décrite au sixième chapitre du livre des Nombres : lorsqu'un Juif pieux avait échappé à un grand péril (maladie grave, tentative d'assassinat, etc.), il pouvait s'engager par un voeu de naziréat, c'est-à-dire qu'il promettait à Dieu de ne manger ni de boire nazireataucun produit de la vigne (vin, raisin) pendant un certain temps. Celui qui faisait ce voeu était un nazir et, pour manifester l’état provisoire de son voeu, il se faisait raser la tête.
L'Apôtre a-t-il voulu, par cet acte de respect envers la Loi mosaïque, désarmer l'Église judaïsante de Jérusalem qu'il s'apprêtait à rejoindre ? Désirait-il appeler la bénédiction de Dieu sur un voyage périlleux ou simplement rendre grâce pour la réussite dans son action missionnaire ? Il nous est impossible aujourd’hui de trouver une réponse à cette question. En se faisant tondre à Cenchrées, Paul marque une fois de plus sa dualité vis-à-vis les coutumes de son peuple : lui qui vient de bâtir les fondements d'une église chrétienne ouverte à tous et non plus soumise aux lois et aux rites du judaïsme, il veut montrer qu’il sait aussi observer certains rites de la Loi juive.
Il s'embarque en compagnie de Prisca, Aquilas, Silas et Timothée. Ce voyage devait comporter plusieurs étapes : Éphèse, Césarée, Jérusalem, puis Antioche de Syrie.
Par voie maritime, ils gagnent Éphèse, une grande ville portuaire sur la mer Égée (Turquie actuelle). Il ne peut demeurer qu'un sabbat à Éphèse. Sa prédication messianique est très appréciée, et il doit promettre de revenir le plus tôt possible. «Je reviendrai chez vous une autre fois, si Dieu le veut» (Actes 18, 21). À Éphèse, Paul se sépare de Prisca et d’Aquilas. Timothée continue avec lui. Quant à Silas, il disparaît définitivement du récit des Actes des Apôtres. Il a été, pendant tout le deuxième voyage de Paul, un compagnon enthousiaste et fidèle.
carteÀ partir d’Éphèse, le bateau longe la côte dentelée de l'Anatolie du sud-ouest. Arrivé au port palestinien de Césarée où il débarque, Paul gagne Jérusalem. Sur les raisons de cette visite, les textes nous donnent peu d'informations. On dit seulement que Paul s'est rendu à Jérusalem «pour saluer l'Église» (Actes 18, 22). Il est intéressant de constater qu’après chacun de ses voyages, Paul visite Jérusalem. Cela démontre son attachement à l’Église-mère et à ceux qui la dirigent, malgré les nombreux conflits qui l’opposent à plusieurs de ses membres.
Quant à Pierre, apôtre de la circoncision comme Paul l'est des non-circoncis, on le voit sans cesse sur les routes de l’empire. Accompagné de son épouse, il parcourt la Syrie pour évangéliser les juifs. Marc qui, autrefois, avait suivi Paul et Barnabé à Chypre ne quitte plus Pierre. Pendant de longues années, il entendra le chef des apôtres raconter Jésus. De la mémoire de Pierre, les paroles du Seigneur passeront à celle de Marc. Après la mort du chef des apôtres à Rome, c'est à ce disciple dévoué et fidèle que les chrétiens demanderont de mettre par écrit les souvenirs de Pierre. Ainsi naîtra le premier Évangile, celui de Marc, que les experts appelleront aussi l’Évangile de Pierre.
Après une courte visite à Jérusalem, Luc signale que Paul rentre à Antioche de Syrie, où il retrouve la communauté qui l’avait envoyé en mission. Il y demeura pendant «quelque temps», se préparant à repartir de nouveau pour un troisième voyage missionnaire.
Paul devant l'aeropage d'Athènes
Discours de Paul à l'Aéropage d'Athènes.
La rencontre de Paul avec un groupe d'intellectuels d’Athènes a été un tournant décisif dans sa mission et le commencement d'une nouvelle étape dans sa vie. Si jusque-là, il avait appris que Jésus crucifié était une pierre d'achoppement – un scandale – pour les Juifs, il allait apprendre maintenant que pour les Grecs, c'était une folie. Cette rencontre avec les Grecs cultivés a été pour lui l'affrontement de la foi chrétienne avec le monde de son temps.
Par sa connaissance de Dieu, la Grèce avait presque atteint Israël. Elle l'avait même surpassé, sur certains aspects, car elle avait su donner à l'idée de Dieu une expression artistique, tandis qu'Israël était resté barbare dans le domaine de l'art.
Voulant s'adapter au degré
de culture de son auditoire,
Paul avait composé un
discours basé sur les lois de
l'art oratoire et les principes
de la sagesse humaine.
Ce fut un échec complet!
Les auditeurs de Paul appartenaient à deux mouvements philosophiques importants : l'école des Stoïciens et celle des Épicuriens. Selon les épicuriens, le monde était l'oeuvre du hasard; le bonheur et le bien-être modéré était le but de la vie des hommes. On devait rechercher non seulement son propre bonheur mais aussi celui des autres. Dans la vie pratique, ils avaient ce principe : «Recherche ton propre bonheur et celui de tes proches. Tu ne vis que peu de temps, et tu es mort pour longtemps.» Ces gens étaient tout à fait fermés au monde surnaturel. Les stoïciens par contre s’efforçaient de vivre sobrement et d’avoir le moins de désirs possibles. C’était pour eux le meilleur moyen de ne pas être déçus, de trouver le bonheur dans ce qu’ils avaient, sans rêver à de grands projets ou à de grands biens.
En promettant de résoudre l'énigme du «Dieu inconnu», Paul éveilla l’attention des gens d’Athènes. Dans une audace sans pareille, il affirme que tous, Juifs et non-Juifs «nous sommes de la race de Dieu» (Actes 17, 29). Jusque-là, les Athéniens semblent attentifs et plutôt curieux des propos de Paul. Mais lorsqu'il se met à parler de la Résurrection de Jésus, leur attitude change: «À ces mots de résurrection des morts, les uns se moquaient, les autres disaient: "Nous t'entendrons là-dessus une autre fois» (Actes 17, 32). La Résurrection, événement transcendant l'histoire, ne pouvait être reçue par des esprits qui s'appuyaient sur la seule raison humaine, comme le faisaient les Athéniens.
Le magnifique discours de Paul à l’Aréopage a été un échec total : les Grecs se heurtaient à l'idée de la résurrection car pour eux, le corps humain était une prison de l’esprit. La résurrection des corps n’avait donc aucun intérêt pour ces gens avides de nouveautés mais fermés à tout ce qui dépassait le naturel.
La résurrection des morts
était un terrible obstacle pour
ces intellectuels qui voyaient
le corps humain comme une prison de l’esprit.
La résurrection des corps
n’avait donc aucun intérêt pour ces gens avides de nouveautés mais fermés à tout ce qui dépassait le naturel.
Dans ce discours, Luc prête à Paul une stratégie d’évangélisation qui dénote un gros effort d’inculturation. On appelle inculturation la volonté d’inscrire l’Évangile dans les catégories et le langage d’une culture donnée. L’effort était louable mais c’en était trop pour les penseurs athéniens. La résurrection des morts était un terrible obstacle pour cette mentalité d’intellectuels. Paul perd ici la majorité de son auditoire, sauf quelques-uns dont la tradition nous a conservé le nom : Denys l’Aréopagite, une femme appelée Damaris, et quelques autres encore.
Paul avait pensé pouvoir convaincre ses auditeurs par la force de ses arguments et démontrer que le système des religions grecques était dépassé. Il avait composé un discours basé sur les lois de l'art oratoire et les principes de la sagesse humaine. Mais il dut constater la futilité de ses arguments. Ce fut un échec complet! Peu de gens se convertirent. La plupart n'étaient même pas intéressés et ne voulaient rien entendre. Paul frappa un mur et découvrit ses propres limites.
Dans cette Athènes sceptique, superficielle et éprise d'elle-même, Paul a acquis un profond mépris de la sagesse du monde. Il prit alors la résolution de lui opposer, à l'avenir, la Croix de Jésus Christ. À partir de cet instant, il ne prêchera plus la sagesse grecque, mais uniquement le Christ et la folie de la Croix.
Paul ne réussit pas à fonder une communauté importante à Athènes. Dans aucune de ses lettres, il ne la mentionne; il n'a écrit aucune épitre aux Athéniens; il n'a pas visité cette ville lors de son troisième voyage missionnaire. Dans cette Athènes connue pour sa philosophie et pour sa sagesse, il n'avait personne à qui parler de ce qui remplissait son coeur. Il écrit aux Thessaloniciens: J'étais seul à Athènes !» (Actes 17, 15).
Paul avait connu de nombreux échecs tout au long de ses voyages missionnaires. Il en essuiera d'autres. Mais pour lui, celui d’Athènes aura été le plus dévastateur. Il n'a pas été insulté, n'a pas été jeté en prison, n'a pas été flagellé, mais on s'est moqué de son message d’espérance et de liberté :
«Alors que les Juifs demandent des signes, et que les Grecs sont en quête de sagesse, nous proclamons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens» (1 Corinthiens 1,22-23).
Jamais il ne voudra revoir Athènes.
Sa réaction est étrange. Paul qui n'avait jamais manqué de force et de courage pour affronter les contrariétés, l'emprisonnement et la torture, sortit d'Athènes découragé et chercha refuge à Corinthe.
Paul rappellera aux Corinthiens, à son arrivée chez eux, les leçons qu'il tira de son échec d’Athènes:
«Pour moi, quand je suis venu chez-vous, frères, je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu avec le prestige de la parole ou de la sagesse. Non, je n’ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié. Moi-même je me suis présenté à vous faible, craintif et tout tremblant. Et ma parole et mon message n’avaient rien des discours persuasifs de la sagesse; c’était une démonstration d’Esprit et de puissance, pour que votre foi reposât, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu.» (1 Corinthiens 2, 1-5).
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34. Corinthe, la ville entre deux mers
Après l'échec d'Athènes, Paul s'installe à Corinthe et reste pendant 18 mois dans cette ville portuaire. Nous sommes en l’an 50. La recherche archéologique a permis de mieux connaître cette ville multiculturelle. Détruite lors de l’invasion romaine en 146 av. J.C., l'ex-capitale de la Ligue achéenne est restée pendant cent ans à l'état désert. En l'an 44 av. J.-C. - un siècle avant l'arrivée de l'apôtre -, Jules César a fait reconstruire Corinthe qu'il a peuplée surtout d'affranchis (ex-esclaves). La ville est alors devenue riche grâce à ses activités commerciales et à ses deux ports ouverts sur deux mers.
carte de la Grèce avec sa presqu'ile du Péloponnèse La position stratégique de Corinthe sur l'isthme à l'entrée du Péloponnese en fit la ville la plus propère du pays
Carte de Corinthe
Corinthe avait deux ports de mers. Le port de Chenchrée donnait sur la mer Égée et le port de Léchée (Léchaion) sur la mer Ionienne.
L'isthme de Corinthe vu d'avionL'isthme de Corinthe vu d'avion
Occupant une position stratégique sur l'isthme de six kilomètres de largeur, qui joint la Grèce du nord à la presqu'île du Péloponnèse et séparant la mer Ionienne de la mer Égée, elle était, au temps de Paul, une grande ville commerçante, avec une population laborieuse. Elle était également le carrefour de l'axe Est-Ouest qui permettait l'arrivée de marchandises de luxe venant d'Orient. Le port de Chenchrée donnait sur la mer Égée et le port de Léchée sur la mer Ionienne. L'Acrocorinthe dominait la cité et abritait le temple d'Aphrodite.
Pendant sa carrière missionnaire, Paul a toujours recherché les grandes villes. Il savait que dans les villes se décidaient les batailles de l'esprit. Quiconque s’imposait à Corinthe, avait une entrée dans toute la Grèce. Si l'on savait quelque chose du Christ dans ce port très fréquenté, ce n'était plus qu'une affaire de temps, jusqu'à ce que les îles et les villes d'alentour en fussent également informées.
Corinthe était habitée par une population très cosmopolite, sans orgueil national étroit. Elle était comparable en cela à Antioche de Syrie. Toutes les opinions avaient droit de cité à Corinthe et dans ce terrain fertile, la semence de l'Évangile pouvait germer facilement. (Actes 18, 1-17)
On peut se faire une bonne idée du contraste entre Athènes et Corinthe au temps de Paul. Athènes était comparable à une ville universitaire du Moyen Âge, remplie des éclats de voix et des chants des étudiants. Corinthe ressemblait à une fourmilière grouillante, à une ruche bourdonnante de commerçants venus de tous les coins de la terre, désireux de faire fortune. Le transit de marchandises par ses ports est à l'origine de sa puissance économique. De ses chantiers maritimes sortaient un grand nombre de bateaux. Les ports de Cenchrées et de Léchée avaient inventé la galère à trois rangs. Les tapis, les tissus, les étoffes de toute nature sortaient de ses ateliers. Ses cuirasses de bronze étaient les meilleures en Occident. Sur les terres fertiles de la région, des milliers d'esclaves faisaient pousser le blé, les légumes, les fruits en abondance et cultivaient les vignes dont on tirait le fameux vin de Corinthe.
Paul ne trouvera là aucune aristocratie de vieille souche mais un grand nombre de nouveaux riches et des héritiers de pionniers enrichis : «Considérez, frères, qui vous êtes, vous qui avez reçu l'appel de Dieu: il n'y a parmi vous ni beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de gens de bonne famille.» Situation peu enviable qu'il rectifie sur-le-champ par l'exposé des avantages que l'on peut en tirer : «Ce qui est faible dans le monde, Dieu l'a choisi pour confondre ce qui est fort.» (1 Co 1, 26-27)
Diolkos, voie dallée de 6 km dans l'isthme de CorintheVoie dallée de 6 km où des esclaves tiraient les bateaux d'une mer à l'autre
Tel que mentionné plus haut, les deux ports de Corinthe sont séparés par un isthme de six kilomètres de largeur : si l'on veut se rendre par mer d’un port à l’autre, il faut contourner tout le Péloponnèse, ce qui entraîne une perte de temps financièrement très lourde. Des dirigeants ingénieux ont eu l'idée d'aménager sur l'isthme une voie dallée afin de haler les navires de commerce entre les deux golfes. Les plus légers étaient transportés sur des chariots, les plus lourds étaient posés sur des cylindres. Il fallait deux jours, parfois trois, pour que des centaines d'esclaves, les poussent et les tirent jusqu'à l'autre versant.
Néron avait eu l’intention de percer l'Isthme et d’y construire un canal, mais cet exploit gigantesque ne sera réalisé que 19 siècles plus tard (1881-1893).
Corinthe, vestige du temple d'Apollon
Vestiges de l'opulente cité... le temple d’Apollon et, au loin, la forteresse de l’Acrocorinthe qui abritait le temple d’Aphrodite où des centaines de courtisanes exerçaient la prostitution sacrée
Corinthe où régnaient la prostitution et la débauche attirait les riches voyageurs, les étrangers, les soldats, les marins, les commerçants et les capitaines. On les dépouillait de leur argent, en ruinant leur santé et en propageant «la maladie corinthienne» dans toutes les régions de l'Empire. Un proverbe célèbre disait : «Tout le monde ne peut aller à Corinthe», ce qui nous rappelle que les plaisirs de Corinthe coûtaient cher, et que beaucoup s'en abstenaient faute d'argent. Une «fille corinthienne» désignait simplement une prostituée.
Paul avait Corinthe sous les yeux quand il traça du paganisme le sombre tableau où tous les excès sont mis au jour. Et pourtant, il aimait cette ville où il ne retrouvait pas l'orgueil d’Athènes. Nulle part, dans sa carrière missionnaire, Paul n'eut à combattre aussi violemment qu'à Corinthe contre toutes sortes de tendances dangereuses.
De par sa position géographique, Corinthe se trouvait aux portes de l'Italie. De son port de Léchée, on s'embarquait directement pour Brindisi d’où l'on remontait la via Appia jusqu’à Rome.
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35. Paul à Corinthe
Paul chez le tisserands Prisca et AquilasDès son arrivée à Corinthe, Paul se met au travail et se lie d'amitié avec deux tisserands: Prisca (Priscille) et Aquilas.
À Corinthe, Paul cherche du travail chez un couple juif originaire de Rome : Prisca et Aquilas. C’étaient des tisserands qui tenaient un bazar de tapis dans la ville. Ils ne pouvaient se douter, qu'à partir de ce moment, leurs noms seraient inscrits dans l'histoire de la jeune Église. Avec une hospitalité tout orientale, ils acceptent de loger l'étranger. Le couple considérait un honneur de recevoir chez eux un docteur de la Loi comme ouvrier et comme hôte. C'est ainsi que commença l’une des plus belles et des plus fécondes amitiés de l’Église naissante. Prisca et Aquilas étaient déjà chrétiens car Paul ne mentionne pas leur nom parmi ceux et celles qu'il a baptisés à Corinthe.
Aquilas et Prisca
Tisserands prospères, Aquilas et Prisca apportèrent un soutien considérable à Paul. Ils le suivront jusqu'à Éphèse et Rome, faisant de leur maison une église domestique. Prisca devint l'un des personnages féminins les plus influents de l'Église primitive.
Aquilas était originaire de la région du Pont, près de la Mer Noire. Il s'était établi à Rome et y avait exercé son métier de tisseur de toiles et de fabriquant de tentes. Dans l'Antiquité où chaque voyageur avait besoin d'une tente, ce métier était pratiqué à échelle industrielle. Il a probablement connu sa femme à Rome. Paul la nomme Prisca, alors que Luc utilise le nom de Priscille. Quatre fois sur six, elle est nommée en premier, ce qui est un indice de son importance. Elle devint l’un des personnages féminins les plus influents de l'Église primitive. Aucune des femmes qui ont soutenu Paul dans sa prédication, n'a reçu un éloge semblable au sien : «Saluez Prisca et Aquilas, mes coopérateurs dans le Christ Jésus. Pour me sauver la vie, ils ont risqué leur tête, et je ne suis pas seul à leur devoir la gratitude : c’est le cas de toutes les Églises de la gentilité; saluez aussi l’Église qui se réunit chez eux» (Romains 16, 3-5).
En 49 ap. J.-C., le couple avait été forcé de quitter Rome à cause d'un décret - bientôt annulé d'ailleurs - de l'empereur Claude. Ce décret fut prononcé, d'après Suétone, parce que des émeutes avaient éclaté dans le ghetto juif de Rome, «sur les instigations d'un certain Chrestos». Les aventures de ce couple sont caractéristiques de la vie errante et agitée des Juifs dispersés dans l'Empire romain. Plus tard, nous les rencontrons à Éphèse, puis à Rome, et finalement encore une fois à Éphèse.
À une époque où le travail
manuel était considéré comme
un déshonneur, l'exemple de
Paul était quelque chose d'absolument novateur.
Dès son arrivée à Corinthe, Paul se met au travail pour gagner son pain. À une époque où le travail manuel était considéré comme un déshonneur et bon seulement pour les basses classes sociales et pour les esclaves, l'exemple de Paul était quelque chose d'absolument novateur. Il fallut longtemps pour que cette conception chrétienne du travail puisse prévaloir. Les Grecs et les Romains n’avaient que mépris pour le travail manuel qui était réservé aux plus pauvres et aux esclaves. Chez les Juifs, par contre, l'Ancien Testament avait créé, autour de l'ouvrier, une atmosphère de respect social. Chez Paul, ce respect s'appuyait sur sa conception de l'homme, temple du Saint-Esprit, et sur la fraternité de tous les êtres humains dans le Christ. «Quiconque méprise un frère ne méprise pas un homme, mais Dieu.»
Suivant sa méthode habituelle de travail, Paul commence par présenter son message aux Israélites. Il réussit deux conversions importantes : celles de Crispus et de Sosthène, deux responsables de la synagogue. De nombreuses autres suivirent, mais la majorité des Juifs lui était hostile. Les accusations ordinaires d'impiété et de sacrilège, ne manquent pas. «Une nuit, dans une vision, le Seigneur dit à Paul : Sois sans crainte, continue de parler, ne te tais pas. Car je suis avec toi et personne ne mettra la main sur toi pour te faire du mal, parce que j’ai à moi un peuple nombreux dans cette ville. Il séjourna là un an et six mois, enseignant aux gens la parole de Dieu.» (Actes 18, 9-11)
Pendant que Paul travaillait et prêchait à Corinthe, Silas et Timothée arrivèrent de Macédoine. Ils apportaient de l'argent de Thessalonique et de Philippes. Il est facile de supposer qui étaient les généreux donateurs de cette contribution monétaire : Lydie de Philippes et Jason de Thessalonique.
Phoebe, diaconesseUne autre femme exceptionnelle, Phoebé, diaconesse de l'Église de Cenchrée
À Corinthe, Paul rencontre une autre femme exceptionnelle dans le port de Cenchrées. Il s'agit de Phoebée, femme d’affaires pleine d'entregent et grande voyageuse. Convertie au christianisme, elle va patronner l'activité de Paul, le représenter si nécessaire en justice et surtout témoigner de sa citoyenneté romaine. Autour de Phoebée, une nouvelle communauté chrétienne va se développer. Plus tard, Paul recommandera Phoebée aux Romains comme «notre soeur, diaconesse de l'Église de Cenchrées». Il souhaitera qu'on «lui offre dans le Seigneur un accueil digne des saints» et que, dans le cas où elle en aurait besoin, on l'aide «car elle a été une protectrice pour bien des gens et pour moi-même». (Romains 16, 1-2) C’est elle qui apportera à Rome l’épître de Paul aux Romains.
La communauté de Corinthe nous est connue par les deux lettres que Paul lui adressera un peu plus tard. Composée de Grecs, de Romains et de Juifs, de riches et de pauvres, d’esclaves et d’hommes libres, de lettrés et d’ignorants, d’hommes et de femmes, cette Église est un bel exemple des communautés fondées par Paul. La diversité sera source de difficultés mais favorisera en même temps un modèle admirable d’unité dans la diversité. Elle donnera aussi à Paul l'occasion de s'exprimer sur la nature de l'Église comparée au corps humain où chaque membre a une fonction au service de l’unité, de la cohésion et de l’entraide (1 Corinthiens 12).
À Corinthe, on se réunit dans des maisons privées où l'on prend le repas en commun. Conformément à l'attitude qu'il avait préconisée à Antioche, Paul n'empêche aucun des nouveaux chrétiens d'assister aux nombreuses fêtes juives ou païennes que l'on célèbre dans la ville. A ceux et celles - surtout juifs - qui montrent des réticences, il explique qu'il ne faut pas se singulariser. L'assistance aux célébrations permet de nouer des relations utiles pour la diffusion du message chrétien.
Paul devra prendre position sur les viandes immolées aux idoles dans un milieu où, en raison de leur appartenance sociale, les chrétiens sont contraints de consommer ces viandes offertes dans les banquets publics. Il abordera aussi des questions de moralité sexuelle (1 Corinthiens 6, 12-20) en raison de l'importance de la prostitution dans la cité.
Après un certain temps, Paul sera de nouveau accusé par les autorités juives de contrevenir à la loi romaine qui interdit le prosélytisme et les cultes illicites. Ceci provoque la rupture avec la synagogue comme ce fut le cas à Antioche de Pisidie et à Thessalonique. Paul secoua la poussière de ses vêtements, comme pour se libérer de toute responsabilité personnelle : «Que votre sang soit sur votre tête. Pour moi, j'en suis innocent. Désormais, je m'en vais auprès des Gentils.» C'était une sorte d'excommunication, la première utilisée par Paul.
Titius Justus lui offrit alors sa maison pour les réunions de la communauté chrétienne. Paul accepta avec joie et, dans la cour intérieure, il continua à instruire les intéressés. La communauté juive se scinda en deux groupes. Certains rentrèrent à la synagogue, d’autres accompagnèrent Paul dans la maison de Titius. La séparation était faite et la première Église des Gentils était fondée à Corinthe.
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36. Premières eucharisties chrétiennes
C'est dans les lettres de Paul que nous rencontrons les premières mentions des activités des chrétiens le dimanche, «jour du Seigneur». La franchise avec laquelle l’apôtre blâme les abus qui s'étaient déjà glissés lors de ces rencontres, nous aident à lever légèrement le voile sur les célébrations de l'Église primitive : «Quand vous vous réunissez en commun, ce n'est pas le repas du Seigneur que vous prenez. Dès qu’on est à table en effet, chacun se hâte de prendre son propre repas, et l'un a faim, tandis que l'autre est ivre. Vous n’avez donc pas de maisons pour manger et boire ? Ou bien méprisez-vous l'Église de Dieu et voulez-vous faire honte à ceux qui n'ont rien ? Que vous dire ? Faut-il vous louer ? Non, sur ce point je ne vous loue pas.» (1 Corinthiens 11, 20-22)
En relisant les deux lettres aux Corinthiens, le récit du service dominical à Troas, les indications de la Didakhê et la lettre de Pline écrite à l'empereur Trajan (début du 2e siècle), nous avons une bonne idée des célébrations dominicales pendant les premiers temps de l’Église. Comme le développement de ces célébrations s’est fait très lentement, les indications tirées de sources plus tardives nous permettent de remonter à l'époque apostolique.
chanteursSelon le rapport de Pline sur l’interrogation de deux servantes chrétiennes, nous savons qu’il y avait chaque dimanche, deux services religieux. Le premier était célébré tôt le matin et le second au cours de la soirée. À l’office du matin, on chantait alternativement en deux choeurs, un cantique s'adressant à la divinité du Christ. Pendant cette rencontre matinale, les chrétiens s’engageaient à vivre la morale chrétienne dans leur vie quotidienne. Le soir, la célébration était composée d’un double repas : celui des agapes et celui de l’eucharistie.
À l'office du matin, on chantait alternativement en deux choeurs, un cantique s'adressant à la divinité du Christ
Les rencontres du dimanche étaient remplis de chants et de musique. Les Grecs adoraient la musique et avaient un sens raffiné du rythme. Il faut nous rappeler les comédies et les tragédies grecques où les choeurs constituaient une partie essentielle des oeuvres théâtrales. Paul encourage un programme liturgique qui répond à ce besoin de chant et de musique : «Récitez entre vous des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés. Chantez et célébrez le Seigneur de tout votre coeur». (Éphésiens 5, 19) Parmi les nombreux charismes mentionnés par Paul, il y en a un «pour chanter les psaumes». (1 Corinthiens 14, 26) Il pense probablement aux hymnes composés dans un élan de piété, et semblables aux cantiques de l'Ancien Testament. Les Évangiles nous transmettront trois de ces cantiques : le Magnificat de Marie, le Benedictus de Zacharie et le Nunc dimittis de Siméon.
Bible en mains
Lorsqu’en 386 saint Augustin raconte qu'il fut entraîné par le chant de la communauté de Milan et touché jusqu'aux larmes, ce n’était certainement pas un chant ennuyeux et sans mélodie.
Il faut aussi mentionner la lecture des textes bibliques durant ces liturgies. Dans l'Antiquité, on ne lisait jamais simplement avec les yeux. On lisait à haute voix, avec toutes les nuances, les inflexions, les variations de rythme qui faisaient la joie des participants. Chez les Grecs, la rhétorique jouissait d'une grande faveur et on attribuait des prix à ceux et celles qui savaient bien lire en public. L'Église, qui reconnaissait l’importance de la lecture bien faite, a institué un ministère particulier, celui du «lecteur».
Influence grandissante de la femme dans la communauté chrétienne
Les offices dans les églises de Paul laissaient aux femmes un rôle important. Chez les Juifs, la femme était éliminée du service liturgique; elle était reléguée à un endroit à part. On ne se donnait pas la peine d'enseigner les Écritures aux fillettes. De son côté, le christianisme naissant accordait aux femmes une place de choix. Cela nous fait comprendre la reconnaissance que celles-ci vouaient au Christ et l’attirance qu’il avait pour elles. Elles reconnaissaient en lui un Sauveur qui les respectait, les aimait et s'occupait d’elles. Dans les Évangiles, certaines images caractérisent la nouvelle position de la femme et annonce pour elle un véritable printemps : Marie aux pieds de Jésus à Béthanie, Marthe qui fait sa profession de foi à la mort de son frère, la pécheresse parfumant les pieds de Jésus chez Simon le pharisien, la Samaritaine au puits de Jacob, la femme adultère qui lui doit la vie!
Avec Paul, nous remarquons l'influence toujours grandissante de la femme dans la communauté chrétienne : Eunice et Lois, Lydie, Évodie, Syntyché, Damaris, Prisca, Phoebée, les filles de Philippe... Elles jouent un rôle important dans le développement des Églises. Après la mort de Paul et surtout après que le christianisme soit devenu la religion de l’État au début du 4e siècle, l’Église a perdu cette ouverture et ce respect profond qu’on avait pour les femmes dans les communautés chrétiennes. Elle adopta alors la culture machiste de l’Empire.
Le soir, la célébration était composée d'un double repas:
celui des agapes
et celui de l'eucharistie
Pendant la soirée du dimanche, les chrétiens se rassemblaient une deuxième fois pour un repas fraternel. Il y avait d’abord les agapes ou le repas de partage, l’une des plus belles inventions de l'Église primitive. Il ne faut pas s’étonner de trouver dans les catacombes de nombreuses représentations de cette rencontre précédant l’eucharistie.
Fresque d'une agape, catacombes Ste Priscille
Agapes - Catacombes Ste PriscilleAgapes, catacombes Sts Pierre e Marcellin
Catacombes Sts Pierre et Marcellin
On apportait de petites tables et on les plaçait en forme de fer à cheval ou en demi-cercle. L'esclave et la servante prenaient place à côté du percepteur municipal Éraste, de l'ancien président de la synagogue Crispus, de la femme d’affaires Phoebée, du riche Titius Justus, et ils étaient servis par des gens affables, qui circulaient entre les tables. La personne la plus âgée était assise au milieu de chaque table, comme nous le voyons dans les fresques des catacombes. Le maître de la maison fournissait les nécessités de base : l'eau chaude et froide, les olives, les sardines, les assiettes et les plats. Un diacre, un presbytre ou le maître de la maison prononçait la prière sur les mets : «Loué sois-tu, Seigneur, notre Dieu, Roi de la terre, tu fais sortir le pain du sol..., tu produis les fruits et la vigne».
Après les agapes, ceux qui n'étaient pas encore baptisés s'éloignaient et les autres se rendaient au banquet eucharistique dans la salle haute, qui se trouvait à l'étage supérieure. On y allumait de nombreuses chandelles. Les participants y faisaient une confession en commun de leurs péchés, ensuite ils se rendaient à la table des offrandes, et y déposaient leurs paniers remplis de farine, de raisin, d'encens, d'huile, de pain, de froment et de vin, aliments qui seront offerts aux pauvres et aux gens dans le besoin. C’est là l’origine de nos «collectes dominicales». Pendant que ces offrandes sont rassemblées, le Kyrie eleison est chanté en choeur.
Offrande du caliceC'est alors que le célébrant principal prononce sur un ton solennel le récit de la dernière Cène, tel que Paul l'a reçu de 1'Église-Mère de Jérusalem : «Voici ce que moi, j'ai reçu du Seigneur, et ce que je vous ai transmis : le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et après avoir rendu grâces, il le rompit et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous, faites cela en mémoire de moi». Il fit de même pour la coupe, après le repas, en disant : «Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang ; faites cela, toutes les fois que vous en boirez en mémoire de moi» (1 Co 11, 23-25). On voit que ces mots sont très proches de ceux de la dernière Cène dans le récit des évangiles synoptiques. Le récit de Paul est en réalité le plus ancien de tous ces textes. La communauté répondait : «À Toi la gloire dans les siècles. Les fragments de ce pain épars sur les montagnes se sont réunis en un seul tout, qu'ainsi ton Église se rassemble des extrémités de la terre dans ton Royaume. Car à Toi est la gloire et la puissance par Jésus-Christ dans les siècles» (Didakhê, ch. 9).
Après ce récit de la dernière scène, les croyants s'approchaient pour recevoir des fragments du pain consacré, et pour boire au calice qu'on leur présentait. Ils retournaient à leurs places après s'être donné le baiser de paix. On emportait alors l’eucharistie aux malades, pendant qu’on chantait un hymne de reconnaissance, qui donnera son nom à toute la cérémonie (eucharistie = action de grâce). Le tout se terminait, selon la Didakhê, par un cri de nostalgie en vue de la Parousie du Seigneur : «Maranatha», Viens, Seigneur Jésus (Didakhê, ch. 10).
Toutes ces informations lèvent un peu le voile sur les premières célébrations du Jour du Seigneur.
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37. Première lettre aux Thessaloniciens
Le plus ancien document du Nouveau Testament est la Première lettre aux Thessaloniciens
Nous avons tellement l'habitude de voir les évangiles figurer en tête du Nouveau Testament que nous risquons d'oublier qu'ils ont été écrits plusieurs années après les lettres de Paul. La première lettre aux Thessaloniciens a été envoyée environ vingt ans après la résurrection du Christ et elle est le plus ancien document du Nouveau Testament.
Paul écrit aux RomainsIl est intéressant de constater que ce n’est qu’à la fin du second voyage missionnaire que Paul commence à écrire aux Églises qu’il a fondées. Pendant qu’il est à Corinthe, Timothée arrive de Thessalonique et apporte la bonne nouvelle de la foi et de l’amour des chrétiens de cette ville. Il dit qu’ils ont gardé un bon souvenir de Paul, et qu’ils désirent le revoir. Nous avons dans cette première lettre la réaction de Paul tout ému par ces excellentes nouvelles. Les Thessaloniciens sont sur la bonne voie. Il s'en réjouit et il leur dit : «il ne vous reste qu'à persévérer jusqu'au jour du retour du Seigneur. »
papyrusCette lettre aux Thessaloniciens a été dictée dans le pauvre atelier de Prisca et d'Aquila, à Corinthe. Timothée se procura tout ce qu'il fallait pour écrire : feuilles de papyrus, encre, plume, pierre-ponce pour polir les parties rugueuses du papyrus, et pour affiler la plume, éponge pour effacer les erreurs d'écriture, de la cire et des cordons pour cacheter les feuilles de la lettre. Grâce à Pline, nous savons qu’il y avait alors neuf sortes de papyrus (papier). Le matériel provenait d'Égypte et coutait très cher. Il est peu probable que Paul se soit servi de parchemin (peau d’animal), que les Juifs utilisaient seulement pour les documents religieux importants.
En tête de cette épître, comme dans toutes les épîtres de Paul, figurent les noms des expéditeurs et celui des destinataires, suivis d'une courte salutation. Paul écrit presque toujours avec d’autres : «Paul, Silvain et Timothée, à l'Église des Thessaloniciens qui est en Dieu le Père, et dans le Seigneur Jésus-Christ. À vous, grâce et paix!» Soixante-cinq fois dans ses épitres il emploie le pronom «nous». Paul associe régulièrement ses collaborateurs et ses amis à la fondation des différentes communautés. Les lettres de Paul n’étaient pas écrites d'un seul jet; elles nécessitaient parfois plusieurs jours. Cela explique les changements de ton et d’humeur à l’intérieur d’une même lettre.
Dans cette lettre, nous entendons résonner pour la première fois dans le Nouveau Testament la merveilleuse trilogie «de la foi, de l’espérance et de la charité». C'est par cette splendide harmonie que débute le Nouveau Testament. Cette triade de vertus est à la racine de toute vie chrétienne : «Nous nous rappelons, en présence de notre Dieu et Père, l’activité de votre foi, le labeur de votre charité et la constance de votre espérance, qui sont dus à notre Seigneur Jésus-Christ.» (1 Th 1, 3)
Lorsqu’il s'adresse aux Thessaloniciens et aux Philippiens, Paul sait qu’il parle à des hommes et des femmes fiers de leur histoire. La Macédoine est la terre d’origine de la dynastie qui, dès le 4e s. avant Jésus Christ, a fait l’unité de la Grèce. Au cours de l’hiver 360-359, lorsque Philippe, originaire de Pella, devient roi de la Macédoine, il hérite d’un pays divisé, décimé et culturellement retardé. Vingt-cinq ans plus tard, il le laisse agrandi, unifié, doté de la plus grande puissance militaire de l’époque et hissé à un niveau culturel supérieur. Malgré les «Philippiques» de Démosthène, vigoureuses protestations de cet orateur athénien contre le roi, Philippe poursuit sa politique de conquêtes territoriales et réussit à faire l’unité de la Grèce dont les cités s’entredéchiraient. Grâce à la phalange macédonienne, nouvelle machine de guerre très efficace, il gagne toutes les batailles et se donne comme objectif de vaincre les Perses. Après son assassinat à Aigai, en 336, son fils Alexandre reprendra son rêve d’unir l’Orient à l’Occident et réalisera la conquête de l’Empire perse.
Paul rappelle cette victoire
qui est au coeur de notre profession de foi:
«Jésus est mort et il est ressuscité»,
et ce qui en découle :
«les chrétiens qui sont morts ressusciteront».
La communauté de Thessalonique était très chère au coeur de Paul. Il avait souffert un rejet violent de la part des juifs de la ville mais la communauté formée par les non-Juifs l’avait appuyé. Après avoir évoqué son amitié pour eux, l'Apôtre parle de l'espérance qui traverse la mort. Le chrétien porte cette espérance d’une vie qui sera transformée : «Nous ne voulons pas, frères et soeurs, que vous soyez ignorants au sujet des morts; il ne faut pas que vous vous désoliez comme les autres, qui n'ont pas d'espérance.» (1 Th 4, 13.) Qui, dans le désarroi d'un deuil, n'a entendu aux funérailles ces paroles fraternelles et consolantes? Il s’agit de la grande victoire sur la mort que prêche Paul.
Victoire de SamothraceLa victoire de Samothrace. Imposante statue que Paul aperçoit en arrivant en Macédoine. Mais Paul pense à une autre victoire, beaucoup plus importante pour le monde: la victoire du Christ sur la mort.
Cette victoire lui a été rappelée lorsqu’il traversa en Macédoine. En quittant Troas, en Asie mineure, il avait mis le cap sur l'île de Samothrace (Ac 16, 11). En arrivant sur l’île, il a pu admirer la splendide Athéna Niké de trois mètres cinquante de hauteur, juchée sur son éperon de navire. La Victoire de Samothrace, conservée aujourd’hui au Musée du Louvre à Paris, était une superbe évocation de la première victoire militaire des Macédoniens. Elle fut sculptée au 3e siècle avant Jésus-Christ. Paul venait annoncer aux Thessaloniciens une autre victoire, celle sur la mort. A chaque fois, Paul rappellera cette victoire qui est au coeur de notre profession de foi: «Jésus est mort et il est ressuscité», et ce qui en découle : «les chrétiens qui sont morts ressusciteront». Paul évoque un rassemblement auprès du Seigneur (1 Th 4, 17). Ce qui est promis n'est pas l'immortalité dans sa solitude, mais une réalité qui transforme la vie et qui est de l'ordre de la relation avec les autres.
Les Thessaloniciens attendaient la «parousie», le retour du Christ. À l'époque impériale le mot «parousie» signifiait la visite officielle de l'Empereur. Des hérauts l'annonçaient, on réparait les routes, on décorait la ville, on célébrait pendant plusieurs jours, on organisait des jeux, on offrait des sacrifices. En attendant cette venue du Christ, la vigilance doit être permanente afin de ne pas être surpris par la visite du Seigneur. Les chrétiens veillent tandis que d'autres dorment. Dans cette lettre, pour la première fois, l'Apôtre décrit l'armure du chrétien : la cuirasse de la foi et de l'amour et le casque de l'espérance.
Dans la troisième partie de l'épître on retrouve des exhortations qui précèdent la salutation finale. Paul invite les Thessaloniciens à avoir del’estime «pour ceux et celles qui se donnent soyez toujours joyeuxde la peine, qui veillent sur vous dans le Seigneur et vous reprennent... (1 Th 5, 12-13) Le bon ordre au sein de l’Église sera assuré s’il existe une bienveillance mutuelle et un esprit de paix : «Nous vous exhortons, frères : reprenez ceux qui vivent de manière désordonnée, donnez du courage à ceux qui en ont peu : soutenez les faibles, soyez patients envers tous. Prenez garde que personne ne rende le mal pour le mal, mais recherchez toujours le bien entre vous et à l'égard de tous». (1 Th 5, 14)
Suit un très beau texte, véritable guide de comportement pour tous les chrétiens :
«Restez toujours joyeux. Priez sans cesse. En toute condition soyez dans l’action de grâces. C’est la volonté de Dieu sur vous dans le Christ Jésus. N’éteignez pas l’Esprit, ne dépréciez pas les dons de prophétie; mais vérifiez tout : ce qui est bon, retenez-le; gardez-vous de toute espèce de mal». (1 Th 6, 21)
À la fin, Paul ajoute : «Je vous en conjure par le Seigneur, qu'il soit donné lecture de cette lettre à tous les frères.» Une telle recommandation était utile pour s’assurer que les lettres soient lues dans toutes les communautés environnantes. Ceci faisait des lettres de Paul des «documents circulaires». Finalement, Paul prend la plume de la main de Timothée, et il ajoute de son écriture énergique: «Que la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ soit avec vous! Amen.»
L'Église qui avait reçu une lettre de Paul la conservait et la relisait lors de ses réunions liturgiques. Après la mort de l'Apôtre, certaines Églises échangèrent leurs lettres. Vers la fin du 1er siècle, quelqu’un eut l’idée d'en faire une collection qui a ensuite été transmise à travers les âges.
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38. Deuxième lettre aux Thessaloniciens
Paul écrivant une lettreCette deuxième lettre aux Thessaloniciens reprend ce qui a été dit dans la première. Certains spécialistes pensent qu'elle n'est pas de la main de Paul. Si elle est de lui, elle daterait de 51-52.
Cette lettre est plus brève que la précédente et a probablement été écrite à Corinthe elle aussi, peu de temps après la première. Il s’agit de la réponse à une lettre supposément venant de Paul et qui faisait croire aux chrétiens que le Jour du Seigneur était déjà là «au-dessus de leur tête, comme un nuage noir» :
«À propos de la Venue de notre Seigneur Jésus Christ et de notre rassemblement auprès de lui, ne vous laissez pas trop vite mettre hors de sens ni alarmer des manifestations de l’Esprit, des paroles ou des lettres données comme venant de nous, et qui vous feraient penser que le Jour du Seigneur est déjà là.» (2 Th 2, 1-2)
Au début, Paul rend grâce à Dieu pour la constance des Thessaloniciens : «Nous devons rendre grâce à Dieu parce que votre foi est en grand progrès et que l’amour de chacun pour les autres s’accroît parmi vous tous.» (2 Th 1, 3)
Paul cherche à calmer une agitation fébrile causée à Thessalonique par une
attente anxieuse du
Retour du Seigneur.
Dans la deuxième partie, Paul revient sur l'avènement du Christ, sujet déjà abordé dans les chapitres IV et V de la Première lettre aux Thessaloniciens, tout en écartant l'idée de sa proximité immédiate. Pour apaiser l'angoisse des chrétiens, il leur annonce que le retour du Christ sur terre serait précédé de signes : le premier sera l'abandon de la foi ; le second, l'apparition d'un homme que Paul désigne sous les noms «d'Homme de l'impiété», «Fils de la perdition», «celui qui se dresse et s'élève contre Dieu et qu'on adore». Il est, en fait, l'Antéchrist, terme que Paul n’utilise pas mais qui sera employé, plus tard, par saint Jean l'Évangéliste. (1 Jean 2, 18; 2 Jean 7)
CaligulaL'empereur Caligula "l'homme de l'impiété, qui s'élève contre Dieu et qu'on adore"
En décrivant l'homme de péché, Paul fait probablement référence à l’empereur Caligula (Caïus César Germanicus), qui 14 ans plus tôt, avait donné l’ordre d'édifier sa statue dans le temple de Jérusalem. Le Temple porterait désormais son nom : «Temple de Caïus», le nouveau Jupiter. L'Empereur voulait ainsi se venger des Juifs qui étaient les seuls à ne pas le reconnaître comme dieu.
Lorsque Paul écrit sa lettre, Caligula est mort et Claude est empereur. Son fils adoptif Néron a été proclamé prince impérial et il est le premier dans la ligne de succession. Agrippine, la mère de Néron, a rappelé Sénèque de son exil en Corse, et l’a désigné comme éducateur du futur empereur.
Paul mentionne certains chrétiens qui propagent des rumeurs de fin du monde et refusent de travailler. Ceux-ci préfèrent la mendicité à l'accomplissement de leurs devoirs d'état. Ils promènent partout des visages hantés par la catastrophe éminente et interprètent toutes sortes de signes avant-coureurs, dont ils auraient été témoins. Ils disent: «Le jour du Seigneur est tout proche.» Ils se comportent comme des gens dont les jours sont comptés. Ils fondent leur «savoir» de la fin du monde sur la soi-disant révélation d'un prophète, ou encore sur une parole attribuée à Paul, ou même sur une lettre (fausse d'ailleurs) de l'Apôtre.
Paul les invite tous à travailler et à ne pas être oisifs, à ne pas mener une vie désordonnée. Il insiste :
«Si quelqu'un n'obéit pas aux indications de cette lettre, notez-le, et, pour sa confusion, cessez de frayer avec lui; cependant ne le traitez pas en ennemi, mais reprenez-le comme un frère». (2 Th 3, 14-15)
Attention à la nervosité dans l'attente du Christ, ajoute Paul. Il est vrai que le Christ doit revenir, mais cela n'est pas une raison pour tomber dans le désordre :
"Nous entendons dire qu'il en est parmi vous qui mènent une vie désordonnée, ne travaillant pas du tout mais se mêlant de tout. Ceux-là, nous les invitons et engageons dans le SeigneurJésus Christ à traailler dans le calme et à manger le pain qu'ils auront eux-mêmes gagné." (2 Th 3, 11)
Pour les Juifs et pour Paul, contrairement aux Grecs et aux Romains, le travail ennoblit lorsqu'il est organisé selon des principes humanistes. Les chrétiens ont devant les yeux son exemple, lui, le fabricant de tentes :
«Nous n'avons pas eu une vie désordonnée parmi vous, nous ne nous sommes pas fait donner par personne le pain que nous mangions, mais de nuit comme de jour nous étions au travail, dans le labeur et la fatigue, pour n’être à la charge d’aucun de vous. (2 Th 3, 7-8)
Paul demande aux Thessaloniciens de prier pour lui et pour ses compagnons Silvain et Timothée :
«Priez pour nous, demandant que la parole du Seigneur accomplisse sa course et soit glorifiée, comme elle le fait chez-vous, et que nous soyons délivrés de ces hommes égarés et mauvais – car la foi n’est pas donnée à tous. Mais le Seigneur est fidèle : il vous affermira et vous gardera du Mauvais». (2 Th 3, 1-2)
La troisième partie de l'épître de Paul est une exhortation à la persévérance (2, 13 – 3, 16), avec une salutation finale (3, 17-18).
«Nous devons, quant à nous, rendre grâce à Dieu à tout moment à votre sujet, frères aimés du Seigneur, parce que Dieu vous a choisis dès le commencement pour être sauvés par l’Esprit qui sanctifie et la foi en la vérité : C’est à quoi il vous a appelés par notre Évangile, pour que vous entriez en possession de la gloire de notre Seigneur Jésus Christ. Dès lors, tenez bon, gardez fermement les traditions que vous avez apprises de nous, de vive voix ou par lettre.» (2 Th 2, 13-15)
L'épître a probablement été dictée à Timothée. Afin d'en assurer l'authenticité, Paul ajoute, de son écriture, la dernière salutation : «Ce salut est de ma main à moi, Paul.»
Et pour éviter toute supercherie, il prévient ses destinataires : «C’est le signe qui distingue toutes mes lettres. Voici quelle est mon écriture.»
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39. Paul accusé de prêcher un culte illégal
À Corinthe, le nombre de non-Juifs devenus chrétiens augmentait de jour en jour et la Synagogue enregistrait de nombreuses défections. Son chef, Crispus, demanda le baptême, de même que Stephanus. Il y avait également Gaïus, qui a hébergé Paul (Romains 16, 23). Une autre personnalité importante réclama le baptême; c'était Éraste, le trésorier de la ville (Romains 16, 23).
Ce fut le chef-d'oeuvre de l'Apôtre de réussir à réunir à une même table, des hommes et des femmes libres, des esclaves et des affranchis, des Juifs, des Grecs, des Romains et des Asiates.
La composition de la communauté devint de plus en plus variée. D'après la première lettre aux Corinthiens, nous pouvons distinguer trois catégories sociales dans cette Église : D'abord, une classe de gens qui se recrutent parmi les propriétaires et les fonctionnaires. Leurs maisons étaient assez grandes pour recevoir les membres de la communauté naissante, et ils étaient assez riches pour fournir ce qu'il fallait pour les agapes. À cette catégorie appartenaient les personnalités mentionnées plus haut. Plus tard s'y ajoutèrent Sosthène et un certain Zénas, juriste juif. (Tite 3, 13). Il y avait également Phébée, la diaconesse de l’Église de Cenchrée et les gens de sa maison. De la classe moyenne, où prédominait l'élément romain, faisait parti Tertius, le futur secrétaire de Paul à qui il dictera la lettre aux Romains. Cependant la majorité des nouveaux convertis appartenaient aux classes pauvres; c'étaient des esclaves, des affranchis et des artistes. Paul mentionne cette classe de pauvres dans sa 1ère lettre aux Corinthiens :
«Aussi bien, frères, considérez votre appel : il n’y a pas beaucoup de sages selon la chair, pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de gens bien nés. Mais ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort; ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l’on méprise, voilà ce que Dieu a choisi.» (1 Corinthiens 1, 26-27)
Paul n'était jamais descendu dans des milieux populaires aussi misérables et mal famés que ceux de Corinthe. Lorsqu'il rappellera plus tard aux Corinthiens, légèrement vantards, ce que la plupart d'entre eux avaient été avant leur conversion, il ne les place pas dans des catégories flatteuses :
«Ni impudiques, ni idolâtres, ni adultères, ni dépravés, ni gens de moeurs infâmes, ni voleurs, ni cupides, pas plus qu’ivrognes, insulteurs, ou rapaces, n’hériteront du Royaume de Dieu. Et cela, vous l’étiez bien, du moins quelques uns d’entre vous.» (1 Corinthiens 6, 10).
Ce fut le chef-d'oeuvre de l'Apôtre de réussir à surmonter ces contrastes moraux, sociaux et nationaux et de réunir à une même table, des hommes et des femmes libres, des esclaves et des affranchis, des Juifs, des Grecs, des Romains et des Asiates.
Le succès de l'Apôtre rendit furieux les chefs d'Israël. Paul voyait arriver l'orage. Il écrivit alors aux Thessaloniciens:
«Mes frères, priez pour nous, afin que la parole du Seigneur poursuive sa course et soit partout honorée comme elle l'est chez vous, et que nous soyons délivrés des méchants et des pervers» (2 Thessaloniciens 3, 1).
Au milieu de ces tensions, le Seigneur apparut à Paul pour le consoler: «Sois sans crainte! Continue de parler, ne te tais pas! Car je suis avec toi, et personne ne mettra sur toi la main pour te faire du mal, parce que j'ai un peuple nombreux dans cette ville.» (Actes 18, 9-10) Cette vision lui donna le courage de persévérer dans sa mission difficile. «Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?» (Romains 8, 31). Il pouvait donc envisager l'avenir avec sérénité.
GallioSur le plan politique, au printemps de l'année 52, le poste de gouverneur de l'Achaïe était devenu vacant. Rome prenait soin de faire occuper des postes aussi importants par des personnages prudents et conciliants. Pour cette raison, le Sénat confia la fonction de proconsul d'Achaïe à l'un des hommes les plus sympathiques et les plus cultivés de son temps, Marcos Annaeus Novatus, qui se nommait encore, du nom de son père adoptif, Junius Gallion. «Mon ami Gallion, procureur d'Achaïe», c'est en ces termes que l'Empereur Claude le nomme dans une inscription retrouvée à Delphes. Si Gallion a été proconsul en l'année 52/53, le séjour de 18 mois de Paul à Corinthe, aurait eu lieu du printemps 51 à l'automne 52.
La nomination de Gallion fut accueillie par toute la Grèce avec enthousiasme. Il s'était illustré dans les lettres. Frère préféré du philosophe Sénèque, qui était précepteur de Néron, oncle de l'écrivain romain Lucain, c'était un esprit cultivé, de caractère noble et affable.
Paul défend son enseignementPaul défend son enseignement, par Giovanni Ricco
Les Juifs de Corinthe pensèrent tirer parti du nouveau proconsul pour se venger de Paul qui commençait à être trop connu, car les synagogues correspondaient entre elles. Exaspérés par les succès de Paul, ils le traînèrent devant le tribunal du proconsul : «C'est un culte illégal que prêche cet individu, lui dirent-ils». Les lois de l’Empire interdisaient les «nouveaux cultes» et le prosélytisme.
Paul allait se défendre quand Gallion déclara :
«S’il s’agissait d’un délit ou d’un méfait grave, je recevrais votre plainte comme il se doit; mais, puisqu’il s’agit de discussions concernant la doctrine, les appellations, et la Loi qui vous sont propres, cela vous regarde. Moi, je ne veux pas être juge de ces affaires.»
Et il les renvoya du tribunal.
Alors, pour se venger, les Israélites se jetèrent sur Sosthène et le rouèrent de coups devant le tribunal, sans que Gallion ne réagisse d’aucune manière.
Gallion, cet homme de la haute société romaine, connue une fin tragique. Il mourut comme son frère, Sénèque, de la mort du stoïcien, c’est-à-dire de sa propre main, en avalant du poison, sur l'ordre de Néron. C'était la seule échappatoire de la sagesse du monde en face de la souffrance, de la violence et de l’injustice. Ainsi l'enseignait le stoïcisme, enseignement que Sénèque résume dans une lettre célèbre :
«La loi éternelle n'a rien établi de mieux que de nous donner une seule entrée dans la vie, alors qu'elle nous en ménage de nombreuses sorties. Devrais-je attendre une cruelle maladie ou un homme cruel, alors que je suis libre de me défaire de toutes ces adversités ? Telle est la seule raison pour laquelle nous n'avons pas le droit de nous plaindre de la vie : elle ne retient personne. C'est une excellente institution. Personne n'est forcé de rester malheureux, si ce n'est en le voulant. Si tu es satisfait, reste en vie ! Si tu es malheureux, tu peux retourner au néant d'où tu es venu.»
À Corinthe, outre Silas et Timothée, Paul disposait d'un grand nombre de collaborateurs et collaboratrices qu'il envoyait dans toutes les directions de la péninsule. Dans le port de Cenchrées, il avait la fidèle diaconesse Phébée, qui travaillait dans le quartier des matelots comme «un ange de charité».
À Corinthe, Paul a fondé une communauté qui rayonnait dans tout le bassin méditerranéen.
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40. Paul rentre à Antioche de Syrie
Après dix-huit mois à Corinthe, Paul estime qu'il est temps pour lui de quitter cette ville. Il a semé et la moisson a porté fruit. Même si l'Église qu'il a implantée ne compte que quelques centaines de fidèles, le résultat dépasse de loin celui récolté ailleurs. Dans la Première Epître aux Corinthiens, il mentionne le bonheur que cette communauté lui a procuré et le bon souvenir qu'il a conservé de son séjour parmi eux :
«Je rends grâce à Dieu sans cesse à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été accordée dans le Christ Jésus. Car vous avez été comblés en lui de toutes les richesses, toutes celles de la parole et toutes celles de la science, à raison même de la fermeté qu’a prise en vous le témoignage du Christ. Ainsi ne manquez-vous d’aucun don de la grâce, dans l’attente où vous êtes de la Révélation de notre Seigneur Jésus Christ.» (1 Corinthiens 1, 4-7)
On pense que Paul a quitté Corinthe à l’automne 52. Auparavant, il s'était fait raser la tête pour accomplir un voeu qu’il avait fait. (Actes 18, 18) Ceci rappelle une coutume juive, décrite au sixième chapitre du livre des Nombres : lorsqu'un Juif pieux avait échappé à un grand péril (maladie grave, tentative d'assassinat, etc.), il pouvait s'engager par un voeu de naziréat, c'est-à-dire qu'il promettait à Dieu de ne manger ni de boire nazireataucun produit de la vigne (vin, raisin) pendant un certain temps. Celui qui faisait ce voeu était un nazir et, pour manifester l’état provisoire de son voeu, il se faisait raser la tête.
L'Apôtre a-t-il voulu, par cet acte de respect envers la Loi mosaïque, désarmer l'Église judaïsante de Jérusalem qu'il s'apprêtait à rejoindre ? Désirait-il appeler la bénédiction de Dieu sur un voyage périlleux ou simplement rendre grâce pour la réussite dans son action missionnaire ? Il nous est impossible aujourd’hui de trouver une réponse à cette question. En se faisant tondre à Cenchrées, Paul marque une fois de plus sa dualité vis-à-vis les coutumes de son peuple : lui qui vient de bâtir les fondements d'une église chrétienne ouverte à tous et non plus soumise aux lois et aux rites du judaïsme, il veut montrer qu’il sait aussi observer certains rites de la Loi juive.
Il s'embarque en compagnie de Prisca, Aquilas, Silas et Timothée. Ce voyage devait comporter plusieurs étapes : Éphèse, Césarée, Jérusalem, puis Antioche de Syrie.
Par voie maritime, ils gagnent Éphèse, une grande ville portuaire sur la mer Égée (Turquie actuelle). Il ne peut demeurer qu'un sabbat à Éphèse. Sa prédication messianique est très appréciée, et il doit promettre de revenir le plus tôt possible. «Je reviendrai chez vous une autre fois, si Dieu le veut» (Actes 18, 21). À Éphèse, Paul se sépare de Prisca et d’Aquilas. Timothée continue avec lui. Quant à Silas, il disparaît définitivement du récit des Actes des Apôtres. Il a été, pendant tout le deuxième voyage de Paul, un compagnon enthousiaste et fidèle.
carteÀ partir d’Éphèse, le bateau longe la côte dentelée de l'Anatolie du sud-ouest. Arrivé au port palestinien de Césarée où il débarque, Paul gagne Jérusalem. Sur les raisons de cette visite, les textes nous donnent peu d'informations. On dit seulement que Paul s'est rendu à Jérusalem «pour saluer l'Église» (Actes 18, 22). Il est intéressant de constater qu’après chacun de ses voyages, Paul visite Jérusalem. Cela démontre son attachement à l’Église-mère et à ceux qui la dirigent, malgré les nombreux conflits qui l’opposent à plusieurs de ses membres.
Quant à Pierre, apôtre de la circoncision comme Paul l'est des non-circoncis, on le voit sans cesse sur les routes de l’empire. Accompagné de son épouse, il parcourt la Syrie pour évangéliser les juifs. Marc qui, autrefois, avait suivi Paul et Barnabé à Chypre ne quitte plus Pierre. Pendant de longues années, il entendra le chef des apôtres raconter Jésus. De la mémoire de Pierre, les paroles du Seigneur passeront à celle de Marc. Après la mort du chef des apôtres à Rome, c'est à ce disciple dévoué et fidèle que les chrétiens demanderont de mettre par écrit les souvenirs de Pierre. Ainsi naîtra le premier Évangile, celui de Marc, que les experts appelleront aussi l’Évangile de Pierre.
Après une courte visite à Jérusalem, Luc signale que Paul rentre à Antioche de Syrie, où il retrouve la communauté qui l’avait envoyé en mission. Il y demeura pendant «quelque temps», se préparant à repartir de nouveau pour un troisième voyage missionnaire.
Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 10 août23, 22:5341. Troisième voyage – Éphèse
Tout au long de la vie de saint Paul, les Actes des Apôtres nous renseignent sur ses activités. Même si les indications de Luc sont parfois trop brèves et à l’occasion inexactes, il faut reconnaître que ce texte renferme une documentation irremplaçable. Sans Luc, nous saurions peu de choses sur les voyages, les lieux visités, les gens rencontrés, les combats, les épreuves, les victoires du grand saint Paul. Pour ce qui est des Épitres, elles nous permettent de pénétrer la pensée de l’Apôtre.
Après une pause de quelques mois à Antioche de Syrie, Paul part de nouveau en mission. Nous sommes en l’an 53. Il parcourt successivement la Galatie et la Phrygie, visitant les chrétiens des Églises qu’il a fondées pendant ses deux premiers voyages missionnaires.
Après Iconium, il se rend à Éphèse. C’est une ville très importante et le proconsul romain y a sa résidence. Strabon nous révèle qu’Éphèse a eu de tout temps une mauvaise réputation : corrompue dans ses moeurs, détournée des choses sérieuses par la mollesse du climat, ne prenant au sérieux que la danse et la musique, faisant «une bacchanale de la vie publique».
«Grande est l'Artémis d’Éphèse !»
Au temps de Paul, Éphèse est un carrefour bourdonnant d’activités, peuplée de marchands, de marins, de touristes, de pèlerins qui viennent admirer le temple dédié à Artémis, la déesse de la lune et de la chasse. Son port de mer est un grand entrepôt pour toutes les marchandises qui entrent ou sortent d'Asie Mineure.
Temple d'ArtémisEphèse était célèbre dans l'Antiquité pour son culte rendu à Artémis dans un temple que sa somptuosité faisait classer parmi les sept merveilles du monde.
Si Éphèse est l'une des villes les plus souvent mentionnées dans les textes anciens, le temple d'Artémis en est responsable. C’était le temple le plus fréquenté d’Asie. Il avait quatre fois la surface du Parthénon. Il alignait cent vingt-sept colonnes ioniques sur 190 mètres de longueur et 55 mètres de largeur. Au 6e siècle av. J.-C., il a fallu la fortune de Crésus, roi de Lydie, pour achever la construction du prodigieux ensemble. Praxitèle et Phidias se sont chargés de la décoration. Face à une telle réussite, l'Antiquité a placé l'Artémision parmi les Sept Merveilles du monde.
ArtemisArtemis
Musée du Vatican, gallerie Candelabra
Le coeur de la visite du temple était naturellement la statue de la déesse. En la voyant, les visiteurs s’exclamaient : «Grande est l’Artémis d'Éphèse !» Par chance, l'énorme statue de marbre, haute de trois mètres, nous a été conservée, et on peut l’admirer en visitant le musée d'Éphèse. Ce n'est pas tant la dimension qui frappe que l'incroyable surcharge de symboles sexuels qui parsèment la statue de la déesse.On a cru longtemps que les aspérités sur le corps de marbre étaient des seins; on a même parlé de la déesse aux mille seins. L'explication admise de nos jours est différente : il s'agirait de testicules de taureaux que l'on sacrifiait quand on célébrait le culte de la déesse. Qu'Artémis soit apparue en son temps comme le symbole de la fertilité, qu'elle ait été considéré - elle, vierge - comme la protectrice des femmes enceintes n'étonnera personne. Tout le mois de mai lui était consacré.
C'est dans les rues d'Éphèse qu'avait marché, le poète aveugle Homère. C'est à Éphèse qu'Héraclite «l'obscur» avait médité sur le jaillissement de l'être. C'est là que fut prononcé pour la première fois le nom de Logos (le Verbe), mot que saint Jean reprendra pour qualifier le Fils de Dieu, le Verbe (Logos) fait chair, la parole de Dieu. C’est dans cette ville que Pythagore a fondé son école d'ascèse et de sagesse, qu'Hérodote jeta les fondements de la science historique. C'est là encore que Thalès de Milet, «le père de la philosophie occidentale», avait déclaré que l'eau était le principe de tout être vivant. Dans ce centre du trafic mondial, on pouvait retrouver toute la richesse de la pensée grecque.
Avec son Sanctuaire d’Artémis, Éphèse s’affichait comme le centre de la magie orientale, le paradis de toutes les voluptés, le carrefour des vices et des mystères des pays de l’Est.
La ville d'Éphèse, dans laquelle Paul entra, avait été reconstruite par le roi Lysimaque, grand capitaine et successeur d'Alexandre. On y respirait l'atmosphère internationale de l'hellénisme tardif. Lorsque saint Jean décrit, dans son Apocalypse, les richesses et le luxe de l'Empire romain, il pensait probablement aux entrepôts débordants et au commerce international d'Éphèse, de sorte qu'on a pu affirmer qu'Éphèse était la Babylone de l'Apocalypse.
Avec Athènes et Jérusalem, Éphèse était l’une des trois villes saintes de l'Antiquité. Avec son Sanctuaire d’Artémis, elle s’affichait comme le centre de la magie orientale, le paradis de toutes les voluptés, le carrefour des vices et des mystères des pays de l’Est.
La vieille ville était avant tout la ville des serviteurs du Temple. Sous l’autorité du grand prêtre, des centaines de prêtres, tous eunuques, et une armée de prêtresses protégeaient l'image de la déesse. Autour du lieu sacré s'agitaient les gardiens, les chantres, les musiciens, les prostitués, les magiciens et les fakirs. Ceux-ci avaient pour tâche de maintenir l'enthousiasme religieux au cours des processions, en se servant de cymbales ou d'autres instruments de musique, par leurs chants et surtout par leurs danses bachiques.
Le temple jouissait également du droit d'asile pour les criminels, et attirait ainsi, dans son domaine, tous les éléments louches qui essayaient de se soustraire aux rigueurs de la loi.
«Grand est Jésus-Christ !» - «Grande est la mère de Dieu !»
Marie, mère de DieuÉphèse promettait d’être un terrain admirable pour la prédication de l’Évangile. Paul s'adressa d'abord à la population la plus humble, celle qui avait le plus besoin d'espoir et de consolation.
Plus tard, Éphèse abritera dans ses murs, au moins neuf grandes assemblées ecclésiastiques chrétiennes. En 431, lors d'un grand concile, la vénération de Marie comme mère de Dieu y triomphera définitivement. L'expression «théotokos», «Dei genitrix» passa dans le vocabulaire chrétien usuel. Le mois de mai, dédié à la déesse Artémis, deviendra le mois de Marie.
«Grand est Allah et
grand est son prophète !»
Au 7e siècle, l'Islam envahit cette région des Sept Églises de l’Apocalypse. Les anciens sièges épiscopaux, si vénérés, se virent bientôt menacés. En 1403, Éphèse tomba entre les mains des hordes mongoles de Tamerlan. Aujourd’hui, la campagne systématique d'oppression, de la part des Turcs, a eu raison des quelques chrétiens qui habitaient encore la ville.
À Éphèse, les slogans se sont succédés à travers les siècles : «Grande est l'Artémis d’Éphèse !» - «Grand est Jésus-Christ !» - «Grande est la mère de Dieu !» - «Grand est Allah et grand est son prophète !»
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42. Paul à Éphèse
Carte animéeVue d'ensemble du troisième voyage. Cliquez sur l'image
pour suivre le trajet (animé)
et avoir un aperçu des sites visités
Paul a décidé de gagner Éphèse par voie de terre parce qu’il voulait, le long de la route, revoir les membres de «ses Églises». Une telle aventure, à raison de 25 à 30 kilomètres par jour, représentait, au coeur de l'été, onze cents kilomètres à travers montagnes, plaines et vallées par des températures qui parfois dépassaient les 50°. Après un arrêt à Tarse, son véritable port d'attache, il visite les communautés fondées quelques années plus tôt en Phrygie et en Galatie.
En l’an 53, Paul arrive à Éphèse pour un séjour de trois ans. Ce que l'on appelle son «troisième voyage missionnaire» est, pour l'essentiel, un long séjour dans cette ville, où il écrira une partie de ses épîtres. Capitale de la province d'Asie, Éphèse est un centre politique, commercial, intellectuel et religieux très important. De cette période de travail pastoral, les Actes des Apôtres nous offrent quelques indications pittoresques (19, 1-40).
Paul séjourne 3 ans à Éphèse.
Selon son habitude, il prêche d'abord dans la synagogue
mais sans succès
Il essaya alors une nouvelle méthode missionnaire:
conférences publiques
en plein air, puis, l'hiver,
il loue une école.
À Éphèse, la colonie juive comptait un certain nombre de disciples de Jean-le-Baptiste. Paul leur demanda s’ils avaient reçu l'Esprit Saint. Ils répondirent qu’ils n’avaient même pas entendu parler de l'Esprit Saint ! Ils écoutèrent Paul et reçurent le baptême au nom du Seigneur Jésus.
Selon son habitude, Paul prêche d’abord dans la synagogue mais sans grand succès. Les juifs l'écoutent pendant un certain temps, mais après trois mois, ils ne le supportent plus. C’est le désaccord total. (Actes 19, 9) Paul rompt alors avec eux et quitte la synagogue.
Il essaya alors une nouvelle méthode missionnaire. Les maisons privées étant trop petites pour accueillir une communauté en expansion, il commença à offrir des conférences publiques, à la manière des rhéteurs grecs. Tout le monde pouvait y prendre part, et cela gratuitement, à la différence des conférences des philosophes qui réclamaient une contribution monétaire. Cependant, à l'approche de l'hiver, il devint impossible d’enseigner en plein air. Paul chercha donc un local adapté à ses besoins. Un certain grammairien du nom de Tyrannus, vraisemblablement un nouveau converti, offrit de lui louer une grande salle de cours.
Tyrannus enseignait de 8h à 11h et reprenait ses cours à 16h de l’après-midi. En terres méditerranéennes, la période du midi était consacrée au repas et à la détente, mais Paul ne connaissait pas de temps libre. Le matin, il travaillait à son métier de tisserand pour gagner sa nourriture, et payer son loyer. Il se lavait ensuite et se hâtait vers la salle de cours de Tyrannus, qu’il occupait de 11h à 16h.
Conférence publique à l'écoleConférence publique à l'école.
Paul y rejoint un public très varié.
Ruines de l'école de Tyrannus à ÉphèseEphèse - ruines de l'école de Tyrannus
Un public très varié l'attendait : étudiants, commerçants, employés, artisans, fonctionnaires, esclaves et affranchis. Pendant plus de deux ans, Paul poursuivit ce travail ardu. Après 16 heures, les instructions terminées, il visitait les malades. Quand on célébrait l’eucharistie, toujours dans la soirée, Paul prêchait parfois jusque tard dans la nuit.
L'arrivée à Corinthe de missionnaires judaïsants, venus pour nuire à l'évangélisation de Paul, démontre que les gens de Jérusalem avaient répudié l’entente du premier Concile, qui exemptait les non-Juifs de la circoncision et de certaines règles imposées aux judéo-chrétiens. Dans l'Épître aux Galates, Paul dénoncera cette volonté des envoyés de Jérusalem d'anéantir les Églises qu’il a fondées. Ses ennemis font de lui un faux prophète, un hérétique, un scélérat, un imposteur qui s’oppose au Temple et à la Loi de Moïse. On désigne ses Églises comme «des synagogues de Satan». Malgré ces obstacles, Paul continue à annoncer, «aux Juifs et aux Grecs», la parole du Seigneur.
Ces trois années à Éphèse seront semées d'espoirs, de réussites mais aussi de combats et d'échecs. Nulle part, au cours de son apostolat, Paul n'aura séjourné aussi longtemps à un même endroit et soutenu des efforts aussi éprouvants. Il travaillait souvent, a-t-il confié, «dans les larmes et au milieu des épreuves».
Que Paul ait choisi Éphèse comme centre de ses activités missionnaires n’est pas étonnant. On constate que la ville se trouve à égale distance de la Galatie et de Thessalonique (500 kilomètres) ; elle est à 400 kilomètres de Corinthe, à 445 de Philippes, à 330 d'Antioche de Pisidie. A partir d’Éphèse, on pouvait, sans trop de difficultés, expédier et recevoir des messages de toutes les Églises.
Quiconque se retrouvait dans l’entourage de Paul, était entraîné dans le tourbillon d'activités. On ne s'ennuyait jamais à ses côtés. Pendant la soirée, après tout le travail de la journée, avait lieu l'instruction des catéchumènes. Cette préparation au baptême se faisait dans les maisons privées des chrétiens et Paul en confiait la responsabilité à ses disciples.
En aucun endroit, Paul n'a trouvé un champ d'action aussi vaste que celui de cette province d'Asie. Elle comptait près de cinq cent villes et villages, et Éphèse en était la capitale. «Une grande porte» s'ouvrait ici pour pénétrer le monde gréco-romain (1 Cor 16, 9). À partir d’Éphèse, Paul dirigeait son oeuvre missionnaire. Il recevait les envoyés de nombreuses communautés, qui restaient plus ou moins longtemps auprès de lui. C'était un perpétuel va-et-vient de messagers venus des missions du Nord et du Sud et surtout de l'Est, la région «des sept communautés de l'Apocalypse».
À Éphèse, Paul a atteint l'apogée de sa vie missionnaire. Ses conférences publiques, son influence sur toute la province, la probité de son caractère, ne manquèrent pas de faire une profonde impression sur les gens de la ville. Nous apprenons que plusieurs membres de l'assemblée provinciale, de directeurs des jeux, de marchands, s'étaient liés d'amitié avec lui.
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43. Émeute à Éphèse
Paul avait l’habitude d’être contesté par les Juifs dans les synagogues. Il ne s’attendait pas du tout à la prochaine attaque qui allait venir d’une toute autre direction : des marchands du temple de la déesse Artémis. Cette attaque coïncidait avec la grande fête du mois de mai qui transformait la ville d'Éphèse en une foire gigantesque et une bacchanale sans pareille. Elle se déroulait autour du prestigieux temple d'Artémis. Le mois de mai tout entier était consacré à la déesse de toute la Grèce.
Nous possédons, au sujet de cette fête, un document historique, gravé sur un tableau de marbre et retrouvé dans les ruines d’Éphèse :
Artémis - sculpture en or«Comme il est notoire que non seulement parmi les Éphésiens, mais dans la Grèce entière, des temples et des lieux saints, des images et des autels sont consacrés à Artémis..., comme de plus, en grande preuve du respect qui lui est rendu, un mois appelé Artémision a reçu son nom parmi nous..., considérant comme convenable que le mois tout entier, qui porte le nom divin, soit gardé comme saint et célébré dignement, les habitants d'Éphèse ont décidé de régler son culte par le décret suivant : Le mois d'Artémision, en tous ses jours, sera saint. Durant le mois tout entier, on célèbrera des fêtes, des panégyriques et des solennités sacrées.
Notre ville en recevra un nouveau lustre et sera prospère en tout temps ».
Les foules nombreuses qui venaient à Éphèse à l'occasion des fêtes de mai favorisaient l'expansion des idées chrétiennes, et Paul voulait en profiter pour élargir son champ d’action missionnaire. Mais son idéalisme l'empêchait parfois de considérer la situation réelle, et d’avoir égard aux intérêts séculiers des gens. Il ne s'était pas aperçu que ses activités pouvaient nuire aux revenus de plusieurs artisans. Le personnel employé au service du temple d'Artémis, les prêtres de la déesse et toute cette foule d'eunuques, de prostituées, de magiciens, de comédiens, de joueurs de flûte, de diseurs de bonne aventure et d'astrologues, étaient affectés par la prédication de Paul. Mais ceux qui avaient le plus à perdre étaient les commerçants et les négociants de la ville, les fabricants d'objets d'art et les orfèvres, les petits marchands et les vendeurs d'objets de piété, qui risquaient de voir leurs revenus diminuer.
Le succès chrétien va finir par dépouiller de son prestige la déesse vénérée dans le monde entier et faire perdre le travail de centaines d’artisans.
Dans les premiers temps, la prédication de Paul n'a pas dérangé les fervents de la déesse Artémis. Mais à mesure que le nombre de conversions se multipliait, les rumeurs commençaient à circuler. Dans le temple, les prêtres d'Artémis s'alarmaient et plus encore les orfèvres qui vendaient des «souvenirs», à proximité du lieu de pèlerinage. Cela rapportait beaucoup d’argent. Les voyageurs qui revenaient d'Éphèse, avaient l’habitude d'emporter un souvenir à leur famille : une Artémis argentée ou dorée, une image de son temple, une médaille qu'on pouvait porter comme amulette. C'est ainsi que la déesse donnait du travail et du pain aux artisans de la ville. Cette année là, le lien entre la prédication paulinienne et la mauvaise marche des affaires, fut vite fait. Démétrius, qui employait peut-être lui-même, dans ses ateliers, de nombreux dessinateurs et ciseleurs qui copiaient en plâtre, en plomb, en argent ou en or, des statues de la déesse, des maquettes temple, des médailles de toutes sortes, se fit le porte-parole de sa corporation et des ouvriers engagés par les orfèvres.
Les Actes des Apôtres rapportent le discours qu'il adressa à ses collègues:
«Mes amis, c’est à cette industrie, vous le savez, que nous devons notre bien-être. Or, vous le voyez et entendez dire, non seulement à Éphèse, mais dans presque toute l’Asie, ce Paul, par ses raisons, a entraîné à sa suite une foule considérable, en affirmant qu’ils ne sont pas dieux, ceux qui sont sortis de la main des hommes. Cela risque non seulement de jeter le discrédit sur notre profession, mais encore de faire compter pour rien le sanctuaire même de la grande déesse Artémis, pour finir par dépouiller de son prestige celle que révèrent toute l’Asie et le monde entier.» (Actes 19, 25-27)
Théâtre d'ÉphèseLe théâtre d'Ephèse, où eut lieu une émeute au sujet des chrétiens.
L'agitation gagna toute la ville et l'on se précipita en masse vers le théâtre, où Démétrius voulait organiser une réunion de protestation. Le mot d'ordre circula : «Au théâtre! au théâtre! Paul devant le tribunal populaire! Paul jeté aux lions!» Paul était décidé à se rendre à l'assemblée, mais ses disciples et ses amis l’empêchèrent de se risquer au théâtre. C’était la première contestation ouvrière rapportée par la Bible. Les soucis des orfèvres n'étaient pas dénués de fondement.
L'hémicycle du théâtre pouvait contenir 25.000 personnes. Des promeneurs et des pèlerins, qui ignoraient de quoi il s'agissait; le personnel des magasins, des restaurants et des banques; des gens qui sortaient de la bibliothèque; des jeunes hommes qui étaient au stade, aux gymnases, aux bains et aux lieux de sport se joignirent à la foule. Tous furent entraînés, et se trouvèrent soudainement dans le grand amphithéâtre.
Saint-Paul à ÉphèseLe récit de l’émeute d’Éphèse est l’un des récits les plus pittoresques des Actes des Apôtres. Luc y est allé de son talent, maniant tour à tour l’ironie et le drame. L’incident rappelle que l’évangélisation chrétienne ne soulève pas seulement un débat religieux; elle déclenche parfois des conflits sociaux, avec des répercussions économiques. Démétrius avait raison : le succès chrétien va finir par dépouiller de son prestige la déesse vénérée dans le monde entier et faire perdre le travail de centaines d’artisans.
Après l’émeute qui aurait pu coûter la vie à Paul s’il s’était présenté au théâtre, plusieurs historiens sont d’avis que l'Apôtre a été mis en captivité à Éphèse. Les textes de Luc et de Paul ne parlent pas directement d’emprisonnement mais on peut déduire qu’après l’émeute, il fut mis en prison. Lorsque Paul mentionne peu après, et plein de reconnaissance, dans la lettre aux Romains qu'il doit la vie à Aquila et à Prisca («Ils ont risqué leur tête pour me sauver la vie»), et qu'il nomme Andronique et Junias «ses parents et ses compagnons de captivité», il est difficile de parler purement d’images littéraires.
Pendant tout ce temps à Éphèse, de mauvaises nouvelles parvenaient de Corinthe. Les gens de Chloé avaient remis à Paul une lettre des anciens, l'avertissant des dissensions qui accablaient l'Église. Certains cherchaient à diminuer l'autorité de l’Apôtre et à troubler les communautés qu'il avait fondées. Comme si l’Évangile empruntait sa valeur à celui qui l'avait annoncé, certains se réclamaient de Paul, d'autres d'Apollos, d’autres de Pierre ou du Christ lui-même. C’est probablement de sa prison que Paul écrivit alors les deux lettres aux Corinthiens et celles aux Galates et aux Romains. Nous reviendrons sur ces lettres dans les semaines qui vont suivre.
Une fois libéré de prison, Paul voulut partir pour rentrer à Antioche de Syrie. Au moment de prendre la mer, il apprit que les Juifs complotaient contre lui. Il déjoua leurs intrigues en changeant de direction et en se dirigeant vers la Macédoine, ce qui allongeait son voyage de retour mais le protégeait des ennemis qui voulaient s’en prendre à sa vie. Pendant ce voyage, il valait mieux qu'il ne soit pas seul. Il était donc accompagné de Sopatros de Bérée, d’Aristarque et de Secundus de Thessalonique, de Gaïus de Derbé, et de Timothée, de Tychique et de Trophime de la province d'Asie. Il passa d'abord trois mois en Grèce et visita plusieurs de ses Églises. Il y rencontra Tite qui, cette fois-ci, apportait de bonnes nouvelles de Corinthe où il avait été reçu «avec crainte et tremblement». Cette nouvelle a ému la communauté et causé une grande joie.
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44 - Première lettre aux Corinthiens
Il est difficile de faire un bref résumé des lettres de Paul. J’aimerais simplement mentionner les principaux thèmes pour nous aider à les mieux comprendre et en apprécier toute la profondeur.
Si l’on veut connaître Paul, son tempérament bouillant, sa passion pour l’Évangile, sa liberté de parole et sa détermination, c’est dans les deux épitres aux Corinthiens qu’il faut les chercher. C’est probablement au printemps de l’année 54 que fut écrite la première. Mais Paul avait déjà écrit aux chrétiens de Corinthe. Deux de ses lettres ont été perdues.
La communauté de Corinthe a été fondée par Paul en l’an 50. À Éphèse, il reçoit régulièrement des nouvelles de ses Églises et il réagit en écrivant ou en envoyant des collaborateurs. La situation à Corinthe apparaît assez troublée. Les judéo-chrétiens (Juifs convertis au christianisme et restés fidèles à la Loi hébraïque) ont fait du ravage et sont responsables en grande partie des problèmes de la communauté. L’autorité de Paul se trouve ébranlée. Aussi envoie-t-il son fils spirituel, Timothée, pour vérifier la situation. Au retour de celui-ci, Paul décide d’écrire à cette Église en désarroi.
Les problèmes sont nombreux. Il y a d’abord la division en différentes factions : certains se disent disciples d'Apollos, d’autres de Paul, d'autres de Pierre et d’autres encore de Jésus Christ lui-même. Tout cela divise la communauté. Il y a ensuite les comportements qui scandalisent : inceste, fornication, procès devant les tribunaux de la ville. L'assemblée liturgique est troublée par des différences inacceptables entre riches et pauvres. Sous prétexte de «science» et de «liberté», on se complait dans des discussions stériles sur la virginité et sur le mariage. Paul nous offre ici les premières réflexions sur une éthique chrétienne appliquée aux problèmes de l'amour, du mariage, du rôle des femmes dans l'Église, des conditions sociales.
L'Évangile est une loi qui ne s'impose pas de l'extérieur, comme la loi mosaïque, mais elle transforme de l’intérieur.
Paul trace la route la plus sûre pour vivre l'Évangile : l'amour fraternel. Le fameux hymne à la charité du chapitre 13 décrit cet amour en soulignant les désordres qui perturbent l'église de Corinthe. Les Corinthiens ont tendance à réduire les dons de l’Esprit à des manifestations spectaculaires comme la «prière en langues» (glossolalie) et la «prophétie». Paul leur rappelle que ce n’est pas le spectacle qui caractérise les dons de l’Esprit, mais le service à la communauté : «Quand je parlerais en langues, celle des hommes et celle des anges, s'il me manque l'amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale qui retentit. Quand j'aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et de toute la connaissance, quand j'aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes, s'il me manque l'amour, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens aux affamés, quand je livrerais mon corps aux flammes, s'il me manque l'amour, je n'y gagne rien. L'amour prend patience, l'amour rend service, il ne jalouse pas, il ne plastronne pas, il ne s'enfle pas d'orgueil, il ne fait rien de laid, il ne cherche pas son intérêt, il ne s'irrite pas, il n'entretient pas de rancune, il ne se réjouit pas de l'injustice, mais il trouve sa joie dans la vérité. Il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. L'amour ne passe jamais. Les prophéties? Elles seront abolies. Les langues? Elles prendront fin. La connaissance? Elle sera abolie. [...] Ces trois-là demeurent : la foi, l'espérance et l'amour, mais l'amour est le plus grand.» (1Co 13, 1-13)
L’hymne à l’amour est un point culminant des écrits néotestamentaires. C’est l’un des plus beaux textes de la littérature mondiale. Il est souvent repris pendant les cérémonies de mariage. Parmi les nombreux charismes, la voie de l’amour est le charisme par excellence.
La liberté est l’un des thèmes principaux abordé par Paul dans cette première lettre aux Corinthiens. Il défend ardemment la liberté chrétienne face aux judéo-chrétiens qui veulent imposer la Loi de Moïse et les coutumes juives aux croyants non-Juifs. Ce combat, il l’a mené au Concile de Jérusalem et il le fera de nouveau dans son épitre aux Galates. Dans le monde grec et latin, la liberté politique et démocratique comportait le droit de parole pour tous les membres de l’assemblée de citoyens (l’ekklèsia) et le droit de tout dire (parrèsia), sans peur de représailles. Paul revendique ces droits pour lui-même et pour ses Églises.
Comme les stoïciens, Paul se fait le défenseur acharné de la conscience personnelle. À propos de la consommation des viandes offertes aux idoles, il rappelle que les idoles ne sont rien. On peut donc manger la viande qui leur est offerte (8, 4-6). Mais cette liberté doit être limitée par la charité fraternelle envers celui ou celle qui risque d'être scandalisé par cette liberté (8, 7-13).
Paul n’entend pas imposer ses propres lois et il ne prétend nullement exercer une tyrannie spirituelle : «Ce n'est pas que nous entendions régenter votre foi, nous ne voulons que contribuer à votre joie» (2 Cor. 1, 24). L'Évangile n'est pas une camisole de force. C’est une loi qui ne s'impose pas de l'extérieur, comme la loi mosaïque, mais elle transforme de l’intérieur.
Selon Paul, les chrétiens doivent changer leur regard sur Jésus comme Paul l’a fait lui-même lors de sa conversion à Damas : Jésus ne doit plus être considéré comme «maudit» parce que crucifié, mais comme le «Seigneur ressuscité». Les quatre évangiles mentionneront le supplice de la croix comme mode d’exécution de Jésus, mais ils ne feront pas la théologie de la croix. C’est Paul qui le fait, et cela pour la première fois dans cette épître aux Corinthiens (1 Co 1, 18-31). C’est sa contribution majeure à la théologie chrétienne. La croix est une révélation. Elle nous dit qui est Dieu pour nous. Dans le message de la croix, Paul découvre un Dieu qui dépasse toute sagesse et toute religion. C’est là qu’il manifeste sa sagesse et sa puissance, là même où l’homme ne voit que faiblesse et folie.
eucharistieDans cette épître, la pensée de l’Apôtre pivote autour de deux pôles : le repas du Seigneur et l’amour fraternel. L’eucharistie est source de nourriture pour l’amour fraternel. À Corinthe, les agapes avaient dégénéré en festin pour les uns, alors que d’autres ne mangeaient pas à leur faim.
Paul répond aussi aux questions reçues sur le rôle des femmes pendant les célébrations. Celles-ci demandaient à être assimilées aux hommes dans les offices. Elles y prenaient la parole, et ne portaient pas de voile. Paul conseille le port du voile, ce qui correspond à une habitude à peu près universelle à son temps. On sait que les prostituées de Corinthe allaient tête nue. Les chrétiennes sans voile risquaient ainsi d’être comparées aux prostituées de la ville portuaire. Pour ce qui est de prendre la parole dans les assemblées, Paul suit la coutume juive dans les synagogues, ce qui lui vaudra l’accusation d’être misogyne. Il faut souligner cependant que tout au long de ses lettres, apparaissent des femmes qui militent auprès de lui et jouent un rôle de premier ordre, rôle qui leur était interdit dans les synagogues et dans les institutions grecques et romaines. Elles ont des postes importants dans les Églises. À Corinthe même l'une est ministre ou diaconesse d'une communauté. Parmi les chrétiens cités par Paul dans ses épîtres, figurent neuf femmes auxquelles, à plusieurs reprises, il exprime estime et affection.
Paul consacre le dernier chapitre de cette épître à la foi en la résurrection (1 Co 15). La lettre commençait par «le langage de la Croix» et elle s’achève par la proclamation de la résurrection du Christ et l’annonce de la résurrection des croyants. Elle est donc encadrée par le mystère pascal.
Tout cela fait beaucoup de sujets pour une seule lettre. La Première Epître aux Corinthiens est longue, d'une densité extrême et d'une surprenante variété, mais elle est d’une richesse extraordinaire et elle nous permet de jeter un regard sur la vie de l'Église primitive. Il semble cependant qu’elle n’ait pas eu l’effet escompté. Dans le courant de l'été 54, quand Timothée revient à Éphèse, il relate qu'il a été fort mal accueilli à Corinthe. Tout autre que Paul se serait découragé. Lui tient bon. Il ne renonce jamais. La crise va rebondir et donner lieu à d’autres interventions, à d’autres visites de Paul et de Tite, à d’autres lettres.
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45 - Deuxième lettre aux Corinthiens
Paul enchainé en prisonPaul enchaîné pense aux communautés.
Il existe beaucoup de controverses au sujet de la deuxième lettre aux Corinthiens. La version qui nous est parvenue est probablement composée de plusieurs lettres, dont la «lettre dans les larmes». Paul continue de répondre aux agitations de la communauté de Corinthe, défend son ministère apostolique et revient sur la collecte en faveur des fidèles de Jérusalem.
Informé des difficultés de la communauté, il semble que Paul ait fait une brève visite à Corinthe, au cours de laquelle se seraient produits des incidents douloureux. Rentré à Éphèse, il écrit sa «lettre dans les larmes» que l'on retrouve, du moins en partie, dans les chapitres 10 à 13 de l'épître actuelle.
Les judéo-chrétiens de Jérusalem qui ont entrepris une opposition systématique contre Paul, se présentent comme les véritables apôtres, contestent la validité de sa mission et attaquent sa personne, ses idées et son oeuvre. Ils se présentent comme des missionnaires prestigieux, des «archi-apôtres» alors que Paul les appelle «les faux apôtres». Ils affirment avoir connu Jésus et brillent par leurs expériences mystiques. Ils ont une éloquence supérieure à celle de Paul et, contrairement à ce dernier, exigent des honoraires substantiels des communautés où ils séjournent. Paul oppose à leurs ambitions un style de mission marqué par la Croix.
faux apôtresFaux apôtres
La tactique des adversaires est simple : gonfler leur autorité comme représentants de Jérusalem, diminuer la personne et l'oeuvre de Paul et imposer les prescriptions de la Loi mosaïque. D'ailleurs, cette tactique a déjà porté fruits dans d'autres Églises fondées par l'Apôtre. Ces attaques provoquent une violente réaction de la part de Paul dans cette Épître et dans les Épîtres aux Galates et aux Romains.
Cette lettre a probablement été écrite en Macédoine, en 54-55, où Tite a rejoint Paul. Il apporte cette fois-ci des bonnes nouvelles. Les Corinthiens sont maintenant beaucoup plus positifs envers l’Apôtre. Paul est rassuré et décide d’écrire à nouveau. Les principaux éléments sont les suivants : Les «faux apôtres» de Jérusalem ne cherchent que leur profit. Ils exigent des tarifs élevés alors que Paul a toujours offert son ministère gratuitement et n’a jamais été à la charge de personne.
Si ses rivaux se vantent de leurs expériences mystiques, Paul n'est pas en reste. Il rappelle les «visions et révélations» que le Seigneur lui a accordées. Mais il n'insiste pas car «la puissance de Dieu se déploie dans la faiblesse.»
Les vrais apôtres sont les serviteurs d'une Alliance nouvelle, leurs épreuves les identifient au destin de Jésus
et ils sont les ambassadeurs
d'une réconciliation offerte
au monde par Dieu.
Frustré par les attaques de ses adversaires, Paul veut en venir à un règlement de compte décisif. La justification de son autorité apostolique est donc le but essentiel de cette lettre. Les semeurs de discorde se présentent avec une lettre de recommandation délivrée par la direction de Jérusalem. Paul répond qu’il n'a pas besoin de lettres de recommandation : «Notre lettre, c'est vous, Corinthiens; vous êtes une lettre du Christ, écrite avec des caractères lumineux, de sorte que tout le monde peut la connaître et la lire.»
On reprochait à Paul d'être arrogant, d’écrire des épîtres impertinentes, d’être un faux frère avide de gloire. Sous le masque de l'ironie grecque, Paul joue le rôle du vantard qu'on vient de lui attribuer. Des coups de massue s'abattent alors sur ses détracteurs. Ces gens accusent Paul de vantardise, d'égoïsme, d'esprit de domination, alors qu'eux-mêmes proclament leur amitié avec les grands de Jérusalem, se promènent comme des seigneurs, courent de maison en maison, s'invitent eux-mêmes, parlant haut en frappant au visage ceux qui les contredisent. D'une manière très noble, Paul évite de nommer ceux qui les auraient chargés de cette mission de démolition, bien que, derrière les agissements des adversaires, on devine l'ombre de personnages importants, dont les émissaires abusent et déforment la pensée.
Le véritable apôtre, lui, se signale par son dévouement,
par l'aveu d'une faiblesse
qui l'assimile au destin
du Crucifié.
Paul se reconnaît faible pour que les Corinthiens ouvrent les yeux sur leur propre faiblesse. Qu’ils cessent de se laisser abuser par des prédicateurs de parade, et qu’ils reconnaissent en eux-mêmes le vieil homme qui doit faire place à l’homme nouveau. Qu’ils se souviennent de Jésus qui pour eux s’est fait pauvre, de riche qu’il était. Nous sommes comme de l’argile fragile qui contient un grand trésor.
Si la première lettre aux Corinthiens est la plus riche sur le plan de la pensée, la seconde est la plus passionnée de toutes. Heureuse polémique qui oblige l'accusé à se dévoiler et à tracer le portrait du véritable serviteur de l'Évangile!
Entre les deux parties principales de cette lettre est inséré un passage concernant la collecte pour Jérusalem (ch. 8 et 9). Cette grande oeuvre de charité était très importante pour Paul qui voulait maintenir les liens d’amitié avec la communauté-mère. Les Corinthiens eux-mêmes en avaient eu l'idée. Après avoir parlé de la collecte, Paul passe de nouveau à l’attaque. Il écrit : «Mais suis-je inférieur à ceux que vous appelez «archi-apôtres» et que, moi, j'appelle «pseudo-apôtres». Ils exploitent la communauté ; ils pensent briller par leurs titres et leur rhétorique clinquante. Le véritable apôtre, lui, se signale par son dévouement, par l'aveu d'une faiblesse qui l'assimile au destin du Crucifié.
En 12, 7-9, Paul mentionne une écharde dans sa chair. L'hypothèse d'une maladie chronique est souvent mentionnée. Mais, dans la Bible, «l'écharde» désigne les ennemis d'Israël (Nombres 33, 55). Paul y voit l'action d'un «ange de Satan ». Or ce sont ses adversaires qu'il vient de caractériser comme des ministres de Satan (2 Co 11, 13-15). Déjà au 4e siècle, Jean Chrysostome, pensait que l’écharde en question représentait les rivaux qui contestaient la prédication de Paul.
La communauté écoute la lettre de PaulOn fait la lecture de la lettre de Paul à la communauté.
Tite et probablement Luc et Aristarque, portèrent cette lettre à Corinthe. Il semble qu’elle a été très bien accueillie par les Corinthiens. Ce fut le testament de l'Apôtre à cette Église qu’il aimait profondément.
L’année de la 2e lettre aux Corinthiens coïncide avec la mort de l’empereur Claude en 54. Agrippine, sa seconde épouse, l'a fait empoisonner. Elle avait au préalable fait adopter Néron, fils de son premier mariage, par celui qu’elle allait faire mourir. À dix-sept ans, Néron est proclamé empereur par la garde prétorienne. Ainsi commence, dans l'illégalité, car Claude avait un fils légitime, Britannicus, le règne d'un des despotes les plus sanguinaires de l'histoire. À Éphèse, aucun devin n'oserait prédire que Néron fera empoisonner Britannicus, mettre à mort sa mère, avant de se camper, dans un épisode qui écoeurera les Romains eux-mêmes, en massacreur des chrétiens. Une brèche s’ouvre dans la grandeur de Rome.
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46 - Lettre aux Galates
Au cours de son premier voyage missionnaire en compagnie de Barnabé, Paul a fondé des communautés dans le sud de la province romaine de Galatie, Les contacts avec ces groupes de chrétiens étaient excellents : «Vous m'avez accueilli comme un ange de Dieu, comme le Christ Jésus.» Quelques années plus tard, à deux reprises, il a visité ces mêmes communautés. Cette province comprenait, Carte de la Galatieentre autres villes : Antioche de Pisidie, Iconium, Lystres et Derbé.
Les Galates (Gaulois) sont à l'origine des Celtes du nord et du centre de l'Europe. Aventuriers intrépides, ils étaient aussi des guerriers redoutables. Quelques siècles avant Jésus Christ, ils ont poussé leurs incursions jusqu'en Espagne et en Italie. En 399, ils assiègent la ville de Rome et vers 360, quelques tribus se dirigent vers l'Est. Après différentes agressions militaires, dont le pillage du sanctuaire de Delphes, ils se fixent, au début du 3e siècle, dans le nord de l'Anatolie et font de Pessinus leur centre. En 25 av. J.-C., le pays des Galates est intégré à l’Empire et au système des provinces romaines.
La première partie de la lettre est une puissante défense
de son rôle d’apôtre.
Après les visites de Paul à ces communautés, des prédicateurs de Jérusalem y jettent le trouble en proclamant un Évangile différent du sien. Ils insistent sur l’importance d’être circoncis et de suivre toute la Loi de Moïse. À Paul, cet ouvrier de la onzième heure, ils opposent les douze apôtres et Jacques, le frère du Seigneur. Paul, conscient du danger, voit dans leurs exigences une annulation du rôle unique de Jésus-Christ. Il écrit alors sa lettre aux Galates. C’est la première grande synthèse de la pensée pastorale et théologique de l’Apôtre. Il ne s'agit pas ici de son autorité, mais bien du sens même de l'Évangile : ou le croyant réalise son salut par la Loi de Moïse ou il le trouve dans la foi au Christ?
Aux Galates, gens simples qui ont suivi Paul avec confiance, les adversaires affirment qu'ils ne sont pas devenus de bons chrétiens car ils ne sont pas circoncis. Jésus et les apôtres étaient circoncis. De plus, la circoncision est excellente pour la santé, elle évite certaines maladies.
D'abord, les Galates protestent. Trois fois ils ont rencontré Paul et ils l'aiment beaucoup. Pourquoi aurait-il voulu les tromper? Les judaïsants répliquent qu’ils l'aiment eux aussi, mais ils leur font savoir que Paul n'a jamais rencontré Jésus. Stupeur chez les Galates : lui qui en parle si bien! Autre élément important : vous a-t-il avoué que, dans sa jeunesse, il a persécuté les chrétiens, qu'il en a fait jeter des dizaines en prison? Atterrés, affolés, les amis de Paul restent muets : il ne leur a rien dit. Dans cette relation de confiance entre lui et ses chers Galates, les adversaires ont réussi à introduire un doute mortel. Selon les envoyés de Jérusalem, Paul aurait remanié l'Évangile, pour attirer le plus de païens possible. C'est donc ici, en territoire des Galates, que se livre la bataille décisive entre Paul et les émissaires de Jérusalem. Ce qui suivra, à Corinthe et à Rome, n'en sera que la conclusion.
L’épître aux Galates a été écrite d'un seul trait. Dès les premières lignes, Paul affirme sa mission d'apôtre. En rappelant les faits, il établit l'authenticité de «son évangile». Ce texte est précieux pour les données historiques qu'il offre sur les premières années de Paul. Il rappelle avoir reçu son Évangile au cours d’une révélation. On peut donc lui faire confiance. Il raconte sa conversion à Damas et en Arabie, sa rencontre avec Pierre et Jacques, sa participation au Concile de Jérusalem où son activité missionnaire a été reconnue. Il mentionne aussi la controverse avec Pierre à Antioche de Syrie, parce que le chef des apôtres ne respectait pas l’entente de Jérusalem. Paul affirme que son apostolat a été reconnu officiellement par les «colonnes du christianisme» (Pierre, Jacques et Jean) qui lui confèrent la responsabilité de convertir les non-Juifs. La première partie de la lettre est donc une puissante défense de son rôle d’apôtre. La première partie de la lettre est donc une puissante défense de son rôle d’apôtre. Il affirme qu’il n'est ni un élève des Douze, ni un apôtre de seconde zone.
galates 3:11
La justification par la foi
Paul en arrive ensuite au sujet principal de son épître : la justification par la foi. Parfois mal comprise, cette justification n'enseigne nulle part un quiétisme passif. Paul parle ici de la justification première, c’est-à-dire le passage de l'état de péché à l'état de grâce. Ce pardon est pur don de Dieu, une conséquence de la mort expiatrice du Christ, sans aucune contribution personnelle de notre part.
Après avoir utilisé les armes vigoureuses de l’argumentation, voici que Paul se fait subitement tendre comme une mère, et il donne libre cours à ses sentiments :
«Je désirerais comme une mère endurer à nouveau les douleurs de l'enfantement pour vous et transformer ma voix, pour vous parler comme une mère parle à son enfant !»
Paul réunit en lui une logique impitoyable, alliée à une tendresse maternelle.
La liberté chrétienne
liberté chrétienneAprès cette pause, il passe de nouveau à l’attaque. Ayant déjà expérimenté la liberté du Christ, les Galates seraient-ils maintenant prêts à se placer de nouveau sous le joug de la Loi et perdre ainsi leur liberté? Comme Israël lors de la sortie d'Égypte, ils ont vécu un nouvel Exode. Ils sont passés de l'esclavage à la liberté des enfants de Dieu. Cette liberté, est au coeur même de la vocation chrétienne:
«C'est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés. Donc tenez bon et ne vous remettez pas sous le joug de l'esclavage.» (Ga 5, 1.)
Deux dangers guettent ceux et celles qui ont fait l'expérience de la liberté : la renier en retournant à l’esclavage de la Loi, ou en abuser en croyant que tout est permis (exemple, s’adonner à la prostitution sous prétexte que le Christ nous a libérés de toutes contraintes).
Les chrétiens doivent
accueillir le salut comme
un don gratuit de Dieu,
attitude difficile à accepter
pour les marathoniens du
légalisme qui veulent à tout
prix devenir des saints
par leurs propres moyens.
Selon Paul, la Loi est bonne et elle était nécessaire, mais elle est au service du Salut. Elle doit prendre le second rang lorsque le Salut arrive. Comme des échafaudages dans une oeuvre de construction, une fois l’édifice terminé, ils disparaissent. «Le Christ nous a conduits à la liberté, c'est bien à la liberté que vous avez été appelés.» Écrite dans les premières années de l’Église, ces pages sur la liberté chrétienne questionnent encore aujourd’hui une institution qui, par nature, a tendance à privilégier la loi au détriment de la liberté. Les chrétiens doivent cesser de croire que le salut s'obtient comme une médaille olympique par des performances de plus en plus compliquées. Ils doivent accueillir le salut comme un don gratuit de Dieu, attitude difficile à accepter pour les marathoniens du légalisme qui veulent à tout prix devenir des saints par leurs propres moyens.
Les gens qui portèrent la lettre de leur Apôtre bien-aimé vers Antioche de Pisidie, ne se doutaient pas du précieux trésor dont ils étaient porteurs : c'était un document d'une importance historique! C'est chez les Galates que retentit pour la première fois la notion de «liberté chrétienne».
Cette lettre de Paul est le témoignage le plus ancien présentant le message de l'apôtre relatif à la justification par la foi. On ne peut lire l'Epître aux Galates sans se laisser emporter par le torrent oratoire de Paul. C’est une question de vie ou de mort pour lui et pour ses Galates. On ne reprend haleine qu'au moment de la conclusion. On voit Paul qui prend le stylet des mains du scripteur : «Voyez ces grosses lettres : Je vous écris de ma propre main...».
Après la mort de Paul, pendant de nombreuses années, son influence va disparaître presqu’entièrement dans l’Église. C'est au moment où celle-ci se préoccupera de choisir les textes authentiques de son histoire qu'elle redonnera à Paul toute la place qui lui revient en reconnaissant à ses écrits la valeur fondamentale de la théologie chrétienne. Paul est alors redevenu un pilier de l’Église.
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47 - Épitre aux Romains
Paul écrivant une lettre
Paul écrit son épître aux Romains pour préparer sa rencontre avec une Église qu'il ne connait pas.
Avant son départ pour Jérusalem, en l’an 57, Paul écrit son épître aux Romains, une sorte de «carte de visite» pour préparer sa rencontre avec une Église qu'il ne connait pas. Cette lettre, écrite probablement à Corinthe, est une synthèse de la pensée de Paul. Voici près de quinze ans que l’Apôtre fonde des Églises à Chypre, en Pisidie, en Lycaonie, en Phrygie, en Galatie, en Macédoine, en Achaïe, en Asie. Il considère maintenant que dans cette région de l’est, sa tâche de fondateur s'achève. Il songe à l'ouest, à l'Espagne surtout, «le bout du monde», où il projette de se rendre en passant par Rome.
Paul veut d’abord apporter lui-même la collecte à Jérusalem, ce que ses amis lui déconseillent fortement, à cause des dangers qu’il coure en retournant dans la ville où il a tant d’ennemis. Après Jérusalem, il a l’intention de visiter la capitale impériale, pour y rencontrer les membres de l’Église de Rome :
«Mais maintenant, comme je n’ai plus de champ d’action dans ces contrées et que, depuis bien des années j’ai un vif désir d’aller chez vous quand j’irai en Espagne. J’espère en effet vous voir lors de mon passage et recevoir votre aide pour m’y rendre après avoir été d’abord comblé, ne fut-ce qu’un peu, par votre présence.» (Rm 5, 23)
Rome, la capitale du monde, lui inspire la conception universelle de l’Église.
Il confie la lettre à sa fidèle amie, la diaconesse Phébée, qui doit se rendre à Rome au printemps. C’est la seule lettre écrite à une Église qu’il n’a pas fondée. Dans ces réflexions sur l’Évangile, sa pensée prend une ampleur considérable car il est en pleine possession de ses moyens.
Il est important de rappeler que Paul n’avait pas du tout l’intention de sortir du judaïsme : cela n'aurait tout simplement aucun sens pour lui. La «religion chrétienne» n'avait pas d'existence indépendante à cette époque! Elle faisait parti du judaïsme et Paul voulait simplement y intégrer à la fois la Résurrection du Christ et l'élargissement de la promesse aux non juifs. Pour ce faire, il cherchait un dénominateur commun aux Juifs et aux païens : cet élément unificateur, c’est la foi en Jésus-Christ.
La lettre aux Romains devient
un traité théologique sur la situation nouvelle créée par le Christ. C’est la plus importante des lettres de Paul.
La pensée qu'il avait commencé à développer dans la lettre aux Galates lui revient à l’esprit. Cette lettre avait été le cri d'un coeur passionnément agité. Il veut maintenant revenir sur la question dans le calme, et en faire un exposé plus approfondi. La lettre aux Romains devient ainsi un traité théologique sur la situation nouvelle créée par le Christ. C’est la plus importante des lettres de Paul. Nous y retrouvons le talent de celui qui est capable d’unifier la pensée critique à l’expression d’une foi profonde et éclairée. Il y développe les thèmes suivants : la justification par la foi, l'espérance, les conséquences du péché, la grâce, la liberté, l’Église corps du Christ, les relations entre Juifs et Païens, la réconciliation. Près de 25 ans après sa conversion, sa réflexion théologique a atteint une grande maturité. Si l'épître aux Romains était la seule lettre de Paul à nous parvenir, nous aurions un bon aperçu de sa pensée.
Comme cadre, Paul utilise d’un côté l'humanité déchue regroupée autour d'Adam et de l’autre l'humanité «justifiée» regroupée autour du Christ.
La filiation offerte est
un don tout à fait gratuit
et non le résultat de l’observance de la Loi
ou de la pratique des
bonnes oeuvres
Dans le récit de Genèse 3, Adam a voulu être comme un Dieu en mangeant le fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Il a initié le temps de la révolte contre Dieu : «Par un homme le péché est entré dans le monde». Nous sommes donc précédés par cette irrésistible tendance naturelle de se prendre pour un dieu et de refuser notre condition de créature. Mais malgré cette révolte, Dieu n’abandonne pas «son dessein bienveillant» envers nous. À travers Abraham, il accorde le salut par pure grâce : «Abraham crut en Dieu et ce lui fut compté comme justice». Cela s’est passé au moment où Abraham n'était pas encore circoncis. Le rite ancestral n'est donc pas la source de sa justification, il n'en est que le signe. La filiation offerte est un don tout à fait gratuit et non le résultat de l’observance de la Loi ou de la pratique des bonnes oeuvres.
Mais la justification (être acceptés comme enfants de Dieu) n'est qu'un début, un premier pas. Elle est une étape essentielle enrichie ensuite par l’eucharistique, fécondée par les énergies créatrices du Ressuscité, sous le soleil de l'Esprit-Saint.
Dans les huit premiers chapitres de l'épître aux Romains, Paul oppose deux voies, deux façons d'être «justifié» devant Dieu : d'un côté la foi en Jésus-Christ et de l’autre la Loi de Moïse et les «oeuvres». Seule la foi en Jésus Christ justifie tous les hommes, Juifs et Païens. Le Salut ne se trouve donc pas dans l’appartenance au peuple élu ou dans une vie de sainteté et de bonnes oeuvres. Il se trouve dans une parole extérieure à l’être humain, une décision bienveillante de Dieu reçue gratuitement dans la foi.
romains 3,38L’exposé de Paul sur la «justification par la foi» est la traduction théologique de l’accueil que Jésus a fait aux rejetés et aux exclus. Jésus, qui mangeait avec les collecteurs d’impôts et les pécheurs, les prostituées et les lépreux, faisait un geste symbolique qui couvrait le politique, le social et le religieux à la fois.
Le salut est offert gratuitement : «Aujourd’hui même tu seras avec moi dans le paradis!», dit Jésus au voleur sur la croix.
Le Christ est «l'anti-Adam». Il remplace la malédiction du jardin d’Éden (Adam et Ève chassés du paradis), par une bénédiction (Venez à moi vous tous qui ployez sous le fardeau). Si par Adam la mort était le sort de l’homme, par le Christ il retrouve la vie. Hommes et femmes sont invités à vivre dans la confiance et l’espérance des filles et fils de Dieu, filiation accordée gratuitement grâce au Christ.
galates-liberté dans le Christ
La justification n'est qu'un début, un premier pas. Elle est une étape essentielle enrichie ensuite par l’eucharistique, fécondée par les énergies créatrices du Ressuscité, sous le soleil de l'Esprit-Saint.
Après le vaste exposé sur le Salut, don de Dieu (Rm 1 – 8), vient en suite, tout naturellement, la question du statut d’Israël dans la nouvelle réalité inaugurée par le Christ (chapitres 9 à 11). Paul insiste sur le fait que tous sont pécheurs, Juifs et Païens. Cette situation est l'occasion choisie par Dieu pour nous justifier en Jésus Christ. Ni les oeuvres, ni l’origine ethnique, ni le clan, ni le sang ne sont des conditions pour le salut. Seul compte la générosité de Dieu. Paul réaffirme sa solidarité avec son peuple et repousse l'idée qu'Israël soit rejeté pour toujours. Si lui qui était pharisien et persécuteur a obtenu miséricorde, il en sera de même pour tous les Juifs. Dans la troisième partie de l’épitre, Paul en vient à des considérations pratiques sur la vie des communautés chrétiennes : «Je vous exhorte donc, frères... à l'action».
C’est l'esclave chrétien Tertius qui a servi de scribe à l'Apôtre. Il le fait remarquer à la fin de la lettre.
Les grands thèmes de cette épître étaient présents au coeur des femmes et des hommes du temps de Paul... Ils continuent à être d’intérêt pour les femmes et les hommes d’aujourd’hui.
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48 - La grande collecte
l'unité chrétienne - logo2016Depuis sa conversion à Damas, Paul voyage beaucoup et à cinq reprises il visite l’Église-mère de Jérusalem. Lors de la réunion avec Pierre, Jacques et Jean, au premier concile, il avait eu l'idée d'une grande collecte en faveur de cette Église pauvre. La proposition ne figurait pas parmi les conditions d'un accord de paix, mais à titre personnel, Paul s’y engage et à Éphèse, il décide de passer à l'action : la collecte se ferait dans les Églises d'Asie Mineure et de Grèce, pour venir en aide à l’Église de Jérusalem.
La collecte était une grande entreprise réalisée dans un but charitable, mais elle avait aussi un but «politique» : promouvoir l'unité de l'Église.
C’est un devoir pour les Églises plus fortunées d'aider cette Église-mère qui a peu de moyens. Paul croyait aussi que cette générosité favoriserait l'unité et atténuerait du même coup les disputes entre les païens convertis et les Judéo-chrétiens.
Au début du projet, les chrétiens de Corinthe étaient très enthousiastes, mais avec le temps leur ferveur s’est refroidie. Paul les encourage donc au partage :
«De même que vous excellez en tout, foi, parole, science, empressement de toute nature, charité que nous vous avons communiquée, il vous faut aussi exceller dans cette libéralité. Ce n’est pas un ordre que je donne; je veux seulement, par l’empressement des autres, éprouver la sincérité de votre charité. Vous connaissez en effet la libéralité Jésus Christ, qui pour vous s’est fait pauvre, de riche qu’il était, afin de vous enrichir par sa pauvreté. C’est un avis que je donne là-dessus; et c’est ce qui vous convient, à vous qui, dès l’an dernier, avez été les premiers non seulement à entreprendre cette oeuvre, mais encore à la vouloir. (2 Co 8, 7-10)
Cette lettre suffira-t-elle pour inciter les Corinthiens à la générosité? Tite est chargé d’en expliquer et d’en défendre le contenu.
Le Christ est-il divisé?En début de mars 58, l’hiver terminé, au cours d'une cérémonie religieuse en l'honneur d'Isis, la déesse égyptienne protectrice des mers, Rome annonce la reprise de la navigation et Paul prépare son départ pour Jérusalem. De là il compte se rendre à Rome. Il n'ignorait pas les risques qu'il courait en portant lui-même à Jérusalem le produit de la collecte réalisée avec tant de peine. Cependant, pour lui, l’unité des Églises importait avant tout. Certains représentants de tous les districts où il avait travaillé devaient le rejoindre en chemin.
C’est à ce moment que Luc mentionne le complot manigancé contre Paul :
«Un complot fomenté par les Juifs contre lui au moment où il allait s’embarquer pour la Syrie le décida à s’en retourner par la Macédoine» (Actes 20, 3).
À cause de ce changement de dernière heure, Paul a dû parcourir plus de sept cent kilomètres supplémentaires afin d’échapper à ses ennemis.
Comme le texte de plusieurs manuscrits le laisse entendre, Paul, accompagné de Luc, prit alors la voie de terre jusqu'en Macédoine, tandis que ses autres compagnons, pour dépister les adversaires, se rendirent à Troas en bateau. Là, plus tard, les deux groupes devaient se rencontrer. Le plan initial de célébrer la Pâque à Jérusalem était maintenant irréalisable et Paul décida de participer à la célébration dans la ville de Philippes, au milieu de ses amis. Le mardi après Pâques, il prit congé des Philippiens et trouva, dans le port de Néapolis, un bateau en partance pour Troas.
Après avoir traversé la mer Égée, il rejoint le groupe qui se trouvait déjà à Troas. Luc nous donne leurs noms : Sopatros, de Bérée; Aristarque et Secundus, de Thessalonique ; Gaïus, de Derbé; Timothée, Tychique, Trophime, de la province d'Asie. (Actes 20, 4-5) De toute évidence, ces compagnons de l’Apôtre transportent l’argent de la collecte en faveur de Jérusalem. Paul n'avait ni femme, ni enfant, il n'avait aucun lien de famille. Cependant, Dieu lui donna de nombreux amis. Peu de gens ont eu des adversaires aussi farouches, mais peu eurent des amis aussi dévoués et fidèles.
Luc mentionne que la halte à Troas a duré environ une semaine. Il sera témoin d'un incident qu'il n'oubliera pas :
«Le premier jour de la semaine, nous étions réunis pour rompre le pain; Paul, qui devait partir le lendemain, s’entretenait avec eux. Il prolongea son discours jusqu’au milieu de la nuit. Il y avait bon nombre de lampes dans la chambre haute où nous étions réunis. Un adolescent, du nom d’Eutyque, qui était assis sur le bord de la fenêtre, se laissa gagner par un profond sommeil, pendant que Paul discourait toujours. Entraîné par le sommeil, il tomba du troisième étage en bas. On le releva mort. Paul descendit, se pencha sur lui, le prit dans ses bras et dit : «Ne vous agitez donc pas : son âme est en lui.» Le jeune homme se remit sur ses pieds et Paul remonta, rompit le pain et mangea : longuement encore il parla, jusqu’au point du jour.» (Actes 20, 7-12)
Luc, on le voit, n'a rien perdu de ses qualités de chroniqueur. Il le fait avec délicatesse et avec une certaine ironie. Au 18e siècle, Jonathan Swift, auteur renommé des Voyages de Gulliver et doyen de l’église Saint-Patrick à Dublin, choisira comme thème d'un de ses sermons : «Du sommeil à l'église». Il basera son homélie sur cet accident de Troas pour démontrer que même le grand saint Paul endormait ses auditeurs.
De Troas, Luc accompagnera Paul pendant tout le voyage, jusqu’à Jérusalem. Grâce à ses connaissances médicales et nautiques, il sera un compagnon idéal. Nous retrouvons de nouveau dans les Actes des Apôtres le pronom «nous», et à partir de cet instant, l'itinéraire et les faits sont relatés sous la forme d'un journal, ce qui confère à la description un attrait incomparable.
Tout au long de la vie de saint Paul, les Actes des Apôtres nous renseignent sur ses activités. Même si les indications de Luc sont parfois trop brèves et à l’occasion inexactes, il faut reconnaître que ce texte renferme une documentation irremplaçable. Sans Luc, nous saurions peu de choses sur les voyages, les lieux visités, les gens rencontrés, les combats, les épreuves, les victoires du grand saint Paul. Pour ce qui est des Épitres, elles nous permettent de pénétrer la pensée de l’Apôtre.
Après une pause de quelques mois à Antioche de Syrie, Paul part de nouveau en mission. Nous sommes en l’an 53. Il parcourt successivement la Galatie et la Phrygie, visitant les chrétiens des Églises qu’il a fondées pendant ses deux premiers voyages missionnaires.
Après Iconium, il se rend à Éphèse. C’est une ville très importante et le proconsul romain y a sa résidence. Strabon nous révèle qu’Éphèse a eu de tout temps une mauvaise réputation : corrompue dans ses moeurs, détournée des choses sérieuses par la mollesse du climat, ne prenant au sérieux que la danse et la musique, faisant «une bacchanale de la vie publique».
«Grande est l'Artémis d’Éphèse !»
Au temps de Paul, Éphèse est un carrefour bourdonnant d’activités, peuplée de marchands, de marins, de touristes, de pèlerins qui viennent admirer le temple dédié à Artémis, la déesse de la lune et de la chasse. Son port de mer est un grand entrepôt pour toutes les marchandises qui entrent ou sortent d'Asie Mineure.
Temple d'ArtémisEphèse était célèbre dans l'Antiquité pour son culte rendu à Artémis dans un temple que sa somptuosité faisait classer parmi les sept merveilles du monde.
Si Éphèse est l'une des villes les plus souvent mentionnées dans les textes anciens, le temple d'Artémis en est responsable. C’était le temple le plus fréquenté d’Asie. Il avait quatre fois la surface du Parthénon. Il alignait cent vingt-sept colonnes ioniques sur 190 mètres de longueur et 55 mètres de largeur. Au 6e siècle av. J.-C., il a fallu la fortune de Crésus, roi de Lydie, pour achever la construction du prodigieux ensemble. Praxitèle et Phidias se sont chargés de la décoration. Face à une telle réussite, l'Antiquité a placé l'Artémision parmi les Sept Merveilles du monde.
ArtemisArtemis
Musée du Vatican, gallerie Candelabra
Le coeur de la visite du temple était naturellement la statue de la déesse. En la voyant, les visiteurs s’exclamaient : «Grande est l’Artémis d'Éphèse !» Par chance, l'énorme statue de marbre, haute de trois mètres, nous a été conservée, et on peut l’admirer en visitant le musée d'Éphèse. Ce n'est pas tant la dimension qui frappe que l'incroyable surcharge de symboles sexuels qui parsèment la statue de la déesse.On a cru longtemps que les aspérités sur le corps de marbre étaient des seins; on a même parlé de la déesse aux mille seins. L'explication admise de nos jours est différente : il s'agirait de testicules de taureaux que l'on sacrifiait quand on célébrait le culte de la déesse. Qu'Artémis soit apparue en son temps comme le symbole de la fertilité, qu'elle ait été considéré - elle, vierge - comme la protectrice des femmes enceintes n'étonnera personne. Tout le mois de mai lui était consacré.
C'est dans les rues d'Éphèse qu'avait marché, le poète aveugle Homère. C'est à Éphèse qu'Héraclite «l'obscur» avait médité sur le jaillissement de l'être. C'est là que fut prononcé pour la première fois le nom de Logos (le Verbe), mot que saint Jean reprendra pour qualifier le Fils de Dieu, le Verbe (Logos) fait chair, la parole de Dieu. C’est dans cette ville que Pythagore a fondé son école d'ascèse et de sagesse, qu'Hérodote jeta les fondements de la science historique. C'est là encore que Thalès de Milet, «le père de la philosophie occidentale», avait déclaré que l'eau était le principe de tout être vivant. Dans ce centre du trafic mondial, on pouvait retrouver toute la richesse de la pensée grecque.
Avec son Sanctuaire d’Artémis, Éphèse s’affichait comme le centre de la magie orientale, le paradis de toutes les voluptés, le carrefour des vices et des mystères des pays de l’Est.
La ville d'Éphèse, dans laquelle Paul entra, avait été reconstruite par le roi Lysimaque, grand capitaine et successeur d'Alexandre. On y respirait l'atmosphère internationale de l'hellénisme tardif. Lorsque saint Jean décrit, dans son Apocalypse, les richesses et le luxe de l'Empire romain, il pensait probablement aux entrepôts débordants et au commerce international d'Éphèse, de sorte qu'on a pu affirmer qu'Éphèse était la Babylone de l'Apocalypse.
Avec Athènes et Jérusalem, Éphèse était l’une des trois villes saintes de l'Antiquité. Avec son Sanctuaire d’Artémis, elle s’affichait comme le centre de la magie orientale, le paradis de toutes les voluptés, le carrefour des vices et des mystères des pays de l’Est.
La vieille ville était avant tout la ville des serviteurs du Temple. Sous l’autorité du grand prêtre, des centaines de prêtres, tous eunuques, et une armée de prêtresses protégeaient l'image de la déesse. Autour du lieu sacré s'agitaient les gardiens, les chantres, les musiciens, les prostitués, les magiciens et les fakirs. Ceux-ci avaient pour tâche de maintenir l'enthousiasme religieux au cours des processions, en se servant de cymbales ou d'autres instruments de musique, par leurs chants et surtout par leurs danses bachiques.
Le temple jouissait également du droit d'asile pour les criminels, et attirait ainsi, dans son domaine, tous les éléments louches qui essayaient de se soustraire aux rigueurs de la loi.
«Grand est Jésus-Christ !» - «Grande est la mère de Dieu !»
Marie, mère de DieuÉphèse promettait d’être un terrain admirable pour la prédication de l’Évangile. Paul s'adressa d'abord à la population la plus humble, celle qui avait le plus besoin d'espoir et de consolation.
Plus tard, Éphèse abritera dans ses murs, au moins neuf grandes assemblées ecclésiastiques chrétiennes. En 431, lors d'un grand concile, la vénération de Marie comme mère de Dieu y triomphera définitivement. L'expression «théotokos», «Dei genitrix» passa dans le vocabulaire chrétien usuel. Le mois de mai, dédié à la déesse Artémis, deviendra le mois de Marie.
«Grand est Allah et
grand est son prophète !»
Au 7e siècle, l'Islam envahit cette région des Sept Églises de l’Apocalypse. Les anciens sièges épiscopaux, si vénérés, se virent bientôt menacés. En 1403, Éphèse tomba entre les mains des hordes mongoles de Tamerlan. Aujourd’hui, la campagne systématique d'oppression, de la part des Turcs, a eu raison des quelques chrétiens qui habitaient encore la ville.
À Éphèse, les slogans se sont succédés à travers les siècles : «Grande est l'Artémis d’Éphèse !» - «Grand est Jésus-Christ !» - «Grande est la mère de Dieu !» - «Grand est Allah et grand est son prophète !»
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42. Paul à Éphèse
Carte animéeVue d'ensemble du troisième voyage. Cliquez sur l'image
pour suivre le trajet (animé)
et avoir un aperçu des sites visités
Paul a décidé de gagner Éphèse par voie de terre parce qu’il voulait, le long de la route, revoir les membres de «ses Églises». Une telle aventure, à raison de 25 à 30 kilomètres par jour, représentait, au coeur de l'été, onze cents kilomètres à travers montagnes, plaines et vallées par des températures qui parfois dépassaient les 50°. Après un arrêt à Tarse, son véritable port d'attache, il visite les communautés fondées quelques années plus tôt en Phrygie et en Galatie.
En l’an 53, Paul arrive à Éphèse pour un séjour de trois ans. Ce que l'on appelle son «troisième voyage missionnaire» est, pour l'essentiel, un long séjour dans cette ville, où il écrira une partie de ses épîtres. Capitale de la province d'Asie, Éphèse est un centre politique, commercial, intellectuel et religieux très important. De cette période de travail pastoral, les Actes des Apôtres nous offrent quelques indications pittoresques (19, 1-40).
Paul séjourne 3 ans à Éphèse.
Selon son habitude, il prêche d'abord dans la synagogue
mais sans succès
Il essaya alors une nouvelle méthode missionnaire:
conférences publiques
en plein air, puis, l'hiver,
il loue une école.
À Éphèse, la colonie juive comptait un certain nombre de disciples de Jean-le-Baptiste. Paul leur demanda s’ils avaient reçu l'Esprit Saint. Ils répondirent qu’ils n’avaient même pas entendu parler de l'Esprit Saint ! Ils écoutèrent Paul et reçurent le baptême au nom du Seigneur Jésus.
Selon son habitude, Paul prêche d’abord dans la synagogue mais sans grand succès. Les juifs l'écoutent pendant un certain temps, mais après trois mois, ils ne le supportent plus. C’est le désaccord total. (Actes 19, 9) Paul rompt alors avec eux et quitte la synagogue.
Il essaya alors une nouvelle méthode missionnaire. Les maisons privées étant trop petites pour accueillir une communauté en expansion, il commença à offrir des conférences publiques, à la manière des rhéteurs grecs. Tout le monde pouvait y prendre part, et cela gratuitement, à la différence des conférences des philosophes qui réclamaient une contribution monétaire. Cependant, à l'approche de l'hiver, il devint impossible d’enseigner en plein air. Paul chercha donc un local adapté à ses besoins. Un certain grammairien du nom de Tyrannus, vraisemblablement un nouveau converti, offrit de lui louer une grande salle de cours.
Tyrannus enseignait de 8h à 11h et reprenait ses cours à 16h de l’après-midi. En terres méditerranéennes, la période du midi était consacrée au repas et à la détente, mais Paul ne connaissait pas de temps libre. Le matin, il travaillait à son métier de tisserand pour gagner sa nourriture, et payer son loyer. Il se lavait ensuite et se hâtait vers la salle de cours de Tyrannus, qu’il occupait de 11h à 16h.
Conférence publique à l'écoleConférence publique à l'école.
Paul y rejoint un public très varié.
Ruines de l'école de Tyrannus à ÉphèseEphèse - ruines de l'école de Tyrannus
Un public très varié l'attendait : étudiants, commerçants, employés, artisans, fonctionnaires, esclaves et affranchis. Pendant plus de deux ans, Paul poursuivit ce travail ardu. Après 16 heures, les instructions terminées, il visitait les malades. Quand on célébrait l’eucharistie, toujours dans la soirée, Paul prêchait parfois jusque tard dans la nuit.
L'arrivée à Corinthe de missionnaires judaïsants, venus pour nuire à l'évangélisation de Paul, démontre que les gens de Jérusalem avaient répudié l’entente du premier Concile, qui exemptait les non-Juifs de la circoncision et de certaines règles imposées aux judéo-chrétiens. Dans l'Épître aux Galates, Paul dénoncera cette volonté des envoyés de Jérusalem d'anéantir les Églises qu’il a fondées. Ses ennemis font de lui un faux prophète, un hérétique, un scélérat, un imposteur qui s’oppose au Temple et à la Loi de Moïse. On désigne ses Églises comme «des synagogues de Satan». Malgré ces obstacles, Paul continue à annoncer, «aux Juifs et aux Grecs», la parole du Seigneur.
Ces trois années à Éphèse seront semées d'espoirs, de réussites mais aussi de combats et d'échecs. Nulle part, au cours de son apostolat, Paul n'aura séjourné aussi longtemps à un même endroit et soutenu des efforts aussi éprouvants. Il travaillait souvent, a-t-il confié, «dans les larmes et au milieu des épreuves».
Que Paul ait choisi Éphèse comme centre de ses activités missionnaires n’est pas étonnant. On constate que la ville se trouve à égale distance de la Galatie et de Thessalonique (500 kilomètres) ; elle est à 400 kilomètres de Corinthe, à 445 de Philippes, à 330 d'Antioche de Pisidie. A partir d’Éphèse, on pouvait, sans trop de difficultés, expédier et recevoir des messages de toutes les Églises.
Quiconque se retrouvait dans l’entourage de Paul, était entraîné dans le tourbillon d'activités. On ne s'ennuyait jamais à ses côtés. Pendant la soirée, après tout le travail de la journée, avait lieu l'instruction des catéchumènes. Cette préparation au baptême se faisait dans les maisons privées des chrétiens et Paul en confiait la responsabilité à ses disciples.
En aucun endroit, Paul n'a trouvé un champ d'action aussi vaste que celui de cette province d'Asie. Elle comptait près de cinq cent villes et villages, et Éphèse en était la capitale. «Une grande porte» s'ouvrait ici pour pénétrer le monde gréco-romain (1 Cor 16, 9). À partir d’Éphèse, Paul dirigeait son oeuvre missionnaire. Il recevait les envoyés de nombreuses communautés, qui restaient plus ou moins longtemps auprès de lui. C'était un perpétuel va-et-vient de messagers venus des missions du Nord et du Sud et surtout de l'Est, la région «des sept communautés de l'Apocalypse».
À Éphèse, Paul a atteint l'apogée de sa vie missionnaire. Ses conférences publiques, son influence sur toute la province, la probité de son caractère, ne manquèrent pas de faire une profonde impression sur les gens de la ville. Nous apprenons que plusieurs membres de l'assemblée provinciale, de directeurs des jeux, de marchands, s'étaient liés d'amitié avec lui.
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43. Émeute à Éphèse
Paul avait l’habitude d’être contesté par les Juifs dans les synagogues. Il ne s’attendait pas du tout à la prochaine attaque qui allait venir d’une toute autre direction : des marchands du temple de la déesse Artémis. Cette attaque coïncidait avec la grande fête du mois de mai qui transformait la ville d'Éphèse en une foire gigantesque et une bacchanale sans pareille. Elle se déroulait autour du prestigieux temple d'Artémis. Le mois de mai tout entier était consacré à la déesse de toute la Grèce.
Nous possédons, au sujet de cette fête, un document historique, gravé sur un tableau de marbre et retrouvé dans les ruines d’Éphèse :
Artémis - sculpture en or«Comme il est notoire que non seulement parmi les Éphésiens, mais dans la Grèce entière, des temples et des lieux saints, des images et des autels sont consacrés à Artémis..., comme de plus, en grande preuve du respect qui lui est rendu, un mois appelé Artémision a reçu son nom parmi nous..., considérant comme convenable que le mois tout entier, qui porte le nom divin, soit gardé comme saint et célébré dignement, les habitants d'Éphèse ont décidé de régler son culte par le décret suivant : Le mois d'Artémision, en tous ses jours, sera saint. Durant le mois tout entier, on célèbrera des fêtes, des panégyriques et des solennités sacrées.
Notre ville en recevra un nouveau lustre et sera prospère en tout temps ».
Les foules nombreuses qui venaient à Éphèse à l'occasion des fêtes de mai favorisaient l'expansion des idées chrétiennes, et Paul voulait en profiter pour élargir son champ d’action missionnaire. Mais son idéalisme l'empêchait parfois de considérer la situation réelle, et d’avoir égard aux intérêts séculiers des gens. Il ne s'était pas aperçu que ses activités pouvaient nuire aux revenus de plusieurs artisans. Le personnel employé au service du temple d'Artémis, les prêtres de la déesse et toute cette foule d'eunuques, de prostituées, de magiciens, de comédiens, de joueurs de flûte, de diseurs de bonne aventure et d'astrologues, étaient affectés par la prédication de Paul. Mais ceux qui avaient le plus à perdre étaient les commerçants et les négociants de la ville, les fabricants d'objets d'art et les orfèvres, les petits marchands et les vendeurs d'objets de piété, qui risquaient de voir leurs revenus diminuer.
Le succès chrétien va finir par dépouiller de son prestige la déesse vénérée dans le monde entier et faire perdre le travail de centaines d’artisans.
Dans les premiers temps, la prédication de Paul n'a pas dérangé les fervents de la déesse Artémis. Mais à mesure que le nombre de conversions se multipliait, les rumeurs commençaient à circuler. Dans le temple, les prêtres d'Artémis s'alarmaient et plus encore les orfèvres qui vendaient des «souvenirs», à proximité du lieu de pèlerinage. Cela rapportait beaucoup d’argent. Les voyageurs qui revenaient d'Éphèse, avaient l’habitude d'emporter un souvenir à leur famille : une Artémis argentée ou dorée, une image de son temple, une médaille qu'on pouvait porter comme amulette. C'est ainsi que la déesse donnait du travail et du pain aux artisans de la ville. Cette année là, le lien entre la prédication paulinienne et la mauvaise marche des affaires, fut vite fait. Démétrius, qui employait peut-être lui-même, dans ses ateliers, de nombreux dessinateurs et ciseleurs qui copiaient en plâtre, en plomb, en argent ou en or, des statues de la déesse, des maquettes temple, des médailles de toutes sortes, se fit le porte-parole de sa corporation et des ouvriers engagés par les orfèvres.
Les Actes des Apôtres rapportent le discours qu'il adressa à ses collègues:
«Mes amis, c’est à cette industrie, vous le savez, que nous devons notre bien-être. Or, vous le voyez et entendez dire, non seulement à Éphèse, mais dans presque toute l’Asie, ce Paul, par ses raisons, a entraîné à sa suite une foule considérable, en affirmant qu’ils ne sont pas dieux, ceux qui sont sortis de la main des hommes. Cela risque non seulement de jeter le discrédit sur notre profession, mais encore de faire compter pour rien le sanctuaire même de la grande déesse Artémis, pour finir par dépouiller de son prestige celle que révèrent toute l’Asie et le monde entier.» (Actes 19, 25-27)
Théâtre d'ÉphèseLe théâtre d'Ephèse, où eut lieu une émeute au sujet des chrétiens.
L'agitation gagna toute la ville et l'on se précipita en masse vers le théâtre, où Démétrius voulait organiser une réunion de protestation. Le mot d'ordre circula : «Au théâtre! au théâtre! Paul devant le tribunal populaire! Paul jeté aux lions!» Paul était décidé à se rendre à l'assemblée, mais ses disciples et ses amis l’empêchèrent de se risquer au théâtre. C’était la première contestation ouvrière rapportée par la Bible. Les soucis des orfèvres n'étaient pas dénués de fondement.
L'hémicycle du théâtre pouvait contenir 25.000 personnes. Des promeneurs et des pèlerins, qui ignoraient de quoi il s'agissait; le personnel des magasins, des restaurants et des banques; des gens qui sortaient de la bibliothèque; des jeunes hommes qui étaient au stade, aux gymnases, aux bains et aux lieux de sport se joignirent à la foule. Tous furent entraînés, et se trouvèrent soudainement dans le grand amphithéâtre.
Saint-Paul à ÉphèseLe récit de l’émeute d’Éphèse est l’un des récits les plus pittoresques des Actes des Apôtres. Luc y est allé de son talent, maniant tour à tour l’ironie et le drame. L’incident rappelle que l’évangélisation chrétienne ne soulève pas seulement un débat religieux; elle déclenche parfois des conflits sociaux, avec des répercussions économiques. Démétrius avait raison : le succès chrétien va finir par dépouiller de son prestige la déesse vénérée dans le monde entier et faire perdre le travail de centaines d’artisans.
Après l’émeute qui aurait pu coûter la vie à Paul s’il s’était présenté au théâtre, plusieurs historiens sont d’avis que l'Apôtre a été mis en captivité à Éphèse. Les textes de Luc et de Paul ne parlent pas directement d’emprisonnement mais on peut déduire qu’après l’émeute, il fut mis en prison. Lorsque Paul mentionne peu après, et plein de reconnaissance, dans la lettre aux Romains qu'il doit la vie à Aquila et à Prisca («Ils ont risqué leur tête pour me sauver la vie»), et qu'il nomme Andronique et Junias «ses parents et ses compagnons de captivité», il est difficile de parler purement d’images littéraires.
Pendant tout ce temps à Éphèse, de mauvaises nouvelles parvenaient de Corinthe. Les gens de Chloé avaient remis à Paul une lettre des anciens, l'avertissant des dissensions qui accablaient l'Église. Certains cherchaient à diminuer l'autorité de l’Apôtre et à troubler les communautés qu'il avait fondées. Comme si l’Évangile empruntait sa valeur à celui qui l'avait annoncé, certains se réclamaient de Paul, d'autres d'Apollos, d’autres de Pierre ou du Christ lui-même. C’est probablement de sa prison que Paul écrivit alors les deux lettres aux Corinthiens et celles aux Galates et aux Romains. Nous reviendrons sur ces lettres dans les semaines qui vont suivre.
Une fois libéré de prison, Paul voulut partir pour rentrer à Antioche de Syrie. Au moment de prendre la mer, il apprit que les Juifs complotaient contre lui. Il déjoua leurs intrigues en changeant de direction et en se dirigeant vers la Macédoine, ce qui allongeait son voyage de retour mais le protégeait des ennemis qui voulaient s’en prendre à sa vie. Pendant ce voyage, il valait mieux qu'il ne soit pas seul. Il était donc accompagné de Sopatros de Bérée, d’Aristarque et de Secundus de Thessalonique, de Gaïus de Derbé, et de Timothée, de Tychique et de Trophime de la province d'Asie. Il passa d'abord trois mois en Grèce et visita plusieurs de ses Églises. Il y rencontra Tite qui, cette fois-ci, apportait de bonnes nouvelles de Corinthe où il avait été reçu «avec crainte et tremblement». Cette nouvelle a ému la communauté et causé une grande joie.
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44 - Première lettre aux Corinthiens
Il est difficile de faire un bref résumé des lettres de Paul. J’aimerais simplement mentionner les principaux thèmes pour nous aider à les mieux comprendre et en apprécier toute la profondeur.
Si l’on veut connaître Paul, son tempérament bouillant, sa passion pour l’Évangile, sa liberté de parole et sa détermination, c’est dans les deux épitres aux Corinthiens qu’il faut les chercher. C’est probablement au printemps de l’année 54 que fut écrite la première. Mais Paul avait déjà écrit aux chrétiens de Corinthe. Deux de ses lettres ont été perdues.
La communauté de Corinthe a été fondée par Paul en l’an 50. À Éphèse, il reçoit régulièrement des nouvelles de ses Églises et il réagit en écrivant ou en envoyant des collaborateurs. La situation à Corinthe apparaît assez troublée. Les judéo-chrétiens (Juifs convertis au christianisme et restés fidèles à la Loi hébraïque) ont fait du ravage et sont responsables en grande partie des problèmes de la communauté. L’autorité de Paul se trouve ébranlée. Aussi envoie-t-il son fils spirituel, Timothée, pour vérifier la situation. Au retour de celui-ci, Paul décide d’écrire à cette Église en désarroi.
Les problèmes sont nombreux. Il y a d’abord la division en différentes factions : certains se disent disciples d'Apollos, d’autres de Paul, d'autres de Pierre et d’autres encore de Jésus Christ lui-même. Tout cela divise la communauté. Il y a ensuite les comportements qui scandalisent : inceste, fornication, procès devant les tribunaux de la ville. L'assemblée liturgique est troublée par des différences inacceptables entre riches et pauvres. Sous prétexte de «science» et de «liberté», on se complait dans des discussions stériles sur la virginité et sur le mariage. Paul nous offre ici les premières réflexions sur une éthique chrétienne appliquée aux problèmes de l'amour, du mariage, du rôle des femmes dans l'Église, des conditions sociales.
L'Évangile est une loi qui ne s'impose pas de l'extérieur, comme la loi mosaïque, mais elle transforme de l’intérieur.
Paul trace la route la plus sûre pour vivre l'Évangile : l'amour fraternel. Le fameux hymne à la charité du chapitre 13 décrit cet amour en soulignant les désordres qui perturbent l'église de Corinthe. Les Corinthiens ont tendance à réduire les dons de l’Esprit à des manifestations spectaculaires comme la «prière en langues» (glossolalie) et la «prophétie». Paul leur rappelle que ce n’est pas le spectacle qui caractérise les dons de l’Esprit, mais le service à la communauté : «Quand je parlerais en langues, celle des hommes et celle des anges, s'il me manque l'amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale qui retentit. Quand j'aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et de toute la connaissance, quand j'aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes, s'il me manque l'amour, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens aux affamés, quand je livrerais mon corps aux flammes, s'il me manque l'amour, je n'y gagne rien. L'amour prend patience, l'amour rend service, il ne jalouse pas, il ne plastronne pas, il ne s'enfle pas d'orgueil, il ne fait rien de laid, il ne cherche pas son intérêt, il ne s'irrite pas, il n'entretient pas de rancune, il ne se réjouit pas de l'injustice, mais il trouve sa joie dans la vérité. Il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. L'amour ne passe jamais. Les prophéties? Elles seront abolies. Les langues? Elles prendront fin. La connaissance? Elle sera abolie. [...] Ces trois-là demeurent : la foi, l'espérance et l'amour, mais l'amour est le plus grand.» (1Co 13, 1-13)
L’hymne à l’amour est un point culminant des écrits néotestamentaires. C’est l’un des plus beaux textes de la littérature mondiale. Il est souvent repris pendant les cérémonies de mariage. Parmi les nombreux charismes, la voie de l’amour est le charisme par excellence.
La liberté est l’un des thèmes principaux abordé par Paul dans cette première lettre aux Corinthiens. Il défend ardemment la liberté chrétienne face aux judéo-chrétiens qui veulent imposer la Loi de Moïse et les coutumes juives aux croyants non-Juifs. Ce combat, il l’a mené au Concile de Jérusalem et il le fera de nouveau dans son épitre aux Galates. Dans le monde grec et latin, la liberté politique et démocratique comportait le droit de parole pour tous les membres de l’assemblée de citoyens (l’ekklèsia) et le droit de tout dire (parrèsia), sans peur de représailles. Paul revendique ces droits pour lui-même et pour ses Églises.
Comme les stoïciens, Paul se fait le défenseur acharné de la conscience personnelle. À propos de la consommation des viandes offertes aux idoles, il rappelle que les idoles ne sont rien. On peut donc manger la viande qui leur est offerte (8, 4-6). Mais cette liberté doit être limitée par la charité fraternelle envers celui ou celle qui risque d'être scandalisé par cette liberté (8, 7-13).
Paul n’entend pas imposer ses propres lois et il ne prétend nullement exercer une tyrannie spirituelle : «Ce n'est pas que nous entendions régenter votre foi, nous ne voulons que contribuer à votre joie» (2 Cor. 1, 24). L'Évangile n'est pas une camisole de force. C’est une loi qui ne s'impose pas de l'extérieur, comme la loi mosaïque, mais elle transforme de l’intérieur.
Selon Paul, les chrétiens doivent changer leur regard sur Jésus comme Paul l’a fait lui-même lors de sa conversion à Damas : Jésus ne doit plus être considéré comme «maudit» parce que crucifié, mais comme le «Seigneur ressuscité». Les quatre évangiles mentionneront le supplice de la croix comme mode d’exécution de Jésus, mais ils ne feront pas la théologie de la croix. C’est Paul qui le fait, et cela pour la première fois dans cette épître aux Corinthiens (1 Co 1, 18-31). C’est sa contribution majeure à la théologie chrétienne. La croix est une révélation. Elle nous dit qui est Dieu pour nous. Dans le message de la croix, Paul découvre un Dieu qui dépasse toute sagesse et toute religion. C’est là qu’il manifeste sa sagesse et sa puissance, là même où l’homme ne voit que faiblesse et folie.
eucharistieDans cette épître, la pensée de l’Apôtre pivote autour de deux pôles : le repas du Seigneur et l’amour fraternel. L’eucharistie est source de nourriture pour l’amour fraternel. À Corinthe, les agapes avaient dégénéré en festin pour les uns, alors que d’autres ne mangeaient pas à leur faim.
Paul répond aussi aux questions reçues sur le rôle des femmes pendant les célébrations. Celles-ci demandaient à être assimilées aux hommes dans les offices. Elles y prenaient la parole, et ne portaient pas de voile. Paul conseille le port du voile, ce qui correspond à une habitude à peu près universelle à son temps. On sait que les prostituées de Corinthe allaient tête nue. Les chrétiennes sans voile risquaient ainsi d’être comparées aux prostituées de la ville portuaire. Pour ce qui est de prendre la parole dans les assemblées, Paul suit la coutume juive dans les synagogues, ce qui lui vaudra l’accusation d’être misogyne. Il faut souligner cependant que tout au long de ses lettres, apparaissent des femmes qui militent auprès de lui et jouent un rôle de premier ordre, rôle qui leur était interdit dans les synagogues et dans les institutions grecques et romaines. Elles ont des postes importants dans les Églises. À Corinthe même l'une est ministre ou diaconesse d'une communauté. Parmi les chrétiens cités par Paul dans ses épîtres, figurent neuf femmes auxquelles, à plusieurs reprises, il exprime estime et affection.
Paul consacre le dernier chapitre de cette épître à la foi en la résurrection (1 Co 15). La lettre commençait par «le langage de la Croix» et elle s’achève par la proclamation de la résurrection du Christ et l’annonce de la résurrection des croyants. Elle est donc encadrée par le mystère pascal.
Tout cela fait beaucoup de sujets pour une seule lettre. La Première Epître aux Corinthiens est longue, d'une densité extrême et d'une surprenante variété, mais elle est d’une richesse extraordinaire et elle nous permet de jeter un regard sur la vie de l'Église primitive. Il semble cependant qu’elle n’ait pas eu l’effet escompté. Dans le courant de l'été 54, quand Timothée revient à Éphèse, il relate qu'il a été fort mal accueilli à Corinthe. Tout autre que Paul se serait découragé. Lui tient bon. Il ne renonce jamais. La crise va rebondir et donner lieu à d’autres interventions, à d’autres visites de Paul et de Tite, à d’autres lettres.
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45 - Deuxième lettre aux Corinthiens
Paul enchainé en prisonPaul enchaîné pense aux communautés.
Il existe beaucoup de controverses au sujet de la deuxième lettre aux Corinthiens. La version qui nous est parvenue est probablement composée de plusieurs lettres, dont la «lettre dans les larmes». Paul continue de répondre aux agitations de la communauté de Corinthe, défend son ministère apostolique et revient sur la collecte en faveur des fidèles de Jérusalem.
Informé des difficultés de la communauté, il semble que Paul ait fait une brève visite à Corinthe, au cours de laquelle se seraient produits des incidents douloureux. Rentré à Éphèse, il écrit sa «lettre dans les larmes» que l'on retrouve, du moins en partie, dans les chapitres 10 à 13 de l'épître actuelle.
Les judéo-chrétiens de Jérusalem qui ont entrepris une opposition systématique contre Paul, se présentent comme les véritables apôtres, contestent la validité de sa mission et attaquent sa personne, ses idées et son oeuvre. Ils se présentent comme des missionnaires prestigieux, des «archi-apôtres» alors que Paul les appelle «les faux apôtres». Ils affirment avoir connu Jésus et brillent par leurs expériences mystiques. Ils ont une éloquence supérieure à celle de Paul et, contrairement à ce dernier, exigent des honoraires substantiels des communautés où ils séjournent. Paul oppose à leurs ambitions un style de mission marqué par la Croix.
faux apôtresFaux apôtres
La tactique des adversaires est simple : gonfler leur autorité comme représentants de Jérusalem, diminuer la personne et l'oeuvre de Paul et imposer les prescriptions de la Loi mosaïque. D'ailleurs, cette tactique a déjà porté fruits dans d'autres Églises fondées par l'Apôtre. Ces attaques provoquent une violente réaction de la part de Paul dans cette Épître et dans les Épîtres aux Galates et aux Romains.
Cette lettre a probablement été écrite en Macédoine, en 54-55, où Tite a rejoint Paul. Il apporte cette fois-ci des bonnes nouvelles. Les Corinthiens sont maintenant beaucoup plus positifs envers l’Apôtre. Paul est rassuré et décide d’écrire à nouveau. Les principaux éléments sont les suivants : Les «faux apôtres» de Jérusalem ne cherchent que leur profit. Ils exigent des tarifs élevés alors que Paul a toujours offert son ministère gratuitement et n’a jamais été à la charge de personne.
Si ses rivaux se vantent de leurs expériences mystiques, Paul n'est pas en reste. Il rappelle les «visions et révélations» que le Seigneur lui a accordées. Mais il n'insiste pas car «la puissance de Dieu se déploie dans la faiblesse.»
Les vrais apôtres sont les serviteurs d'une Alliance nouvelle, leurs épreuves les identifient au destin de Jésus
et ils sont les ambassadeurs
d'une réconciliation offerte
au monde par Dieu.
Frustré par les attaques de ses adversaires, Paul veut en venir à un règlement de compte décisif. La justification de son autorité apostolique est donc le but essentiel de cette lettre. Les semeurs de discorde se présentent avec une lettre de recommandation délivrée par la direction de Jérusalem. Paul répond qu’il n'a pas besoin de lettres de recommandation : «Notre lettre, c'est vous, Corinthiens; vous êtes une lettre du Christ, écrite avec des caractères lumineux, de sorte que tout le monde peut la connaître et la lire.»
On reprochait à Paul d'être arrogant, d’écrire des épîtres impertinentes, d’être un faux frère avide de gloire. Sous le masque de l'ironie grecque, Paul joue le rôle du vantard qu'on vient de lui attribuer. Des coups de massue s'abattent alors sur ses détracteurs. Ces gens accusent Paul de vantardise, d'égoïsme, d'esprit de domination, alors qu'eux-mêmes proclament leur amitié avec les grands de Jérusalem, se promènent comme des seigneurs, courent de maison en maison, s'invitent eux-mêmes, parlant haut en frappant au visage ceux qui les contredisent. D'une manière très noble, Paul évite de nommer ceux qui les auraient chargés de cette mission de démolition, bien que, derrière les agissements des adversaires, on devine l'ombre de personnages importants, dont les émissaires abusent et déforment la pensée.
Le véritable apôtre, lui, se signale par son dévouement,
par l'aveu d'une faiblesse
qui l'assimile au destin
du Crucifié.
Paul se reconnaît faible pour que les Corinthiens ouvrent les yeux sur leur propre faiblesse. Qu’ils cessent de se laisser abuser par des prédicateurs de parade, et qu’ils reconnaissent en eux-mêmes le vieil homme qui doit faire place à l’homme nouveau. Qu’ils se souviennent de Jésus qui pour eux s’est fait pauvre, de riche qu’il était. Nous sommes comme de l’argile fragile qui contient un grand trésor.
Si la première lettre aux Corinthiens est la plus riche sur le plan de la pensée, la seconde est la plus passionnée de toutes. Heureuse polémique qui oblige l'accusé à se dévoiler et à tracer le portrait du véritable serviteur de l'Évangile!
Entre les deux parties principales de cette lettre est inséré un passage concernant la collecte pour Jérusalem (ch. 8 et 9). Cette grande oeuvre de charité était très importante pour Paul qui voulait maintenir les liens d’amitié avec la communauté-mère. Les Corinthiens eux-mêmes en avaient eu l'idée. Après avoir parlé de la collecte, Paul passe de nouveau à l’attaque. Il écrit : «Mais suis-je inférieur à ceux que vous appelez «archi-apôtres» et que, moi, j'appelle «pseudo-apôtres». Ils exploitent la communauté ; ils pensent briller par leurs titres et leur rhétorique clinquante. Le véritable apôtre, lui, se signale par son dévouement, par l'aveu d'une faiblesse qui l'assimile au destin du Crucifié.
En 12, 7-9, Paul mentionne une écharde dans sa chair. L'hypothèse d'une maladie chronique est souvent mentionnée. Mais, dans la Bible, «l'écharde» désigne les ennemis d'Israël (Nombres 33, 55). Paul y voit l'action d'un «ange de Satan ». Or ce sont ses adversaires qu'il vient de caractériser comme des ministres de Satan (2 Co 11, 13-15). Déjà au 4e siècle, Jean Chrysostome, pensait que l’écharde en question représentait les rivaux qui contestaient la prédication de Paul.
La communauté écoute la lettre de PaulOn fait la lecture de la lettre de Paul à la communauté.
Tite et probablement Luc et Aristarque, portèrent cette lettre à Corinthe. Il semble qu’elle a été très bien accueillie par les Corinthiens. Ce fut le testament de l'Apôtre à cette Église qu’il aimait profondément.
L’année de la 2e lettre aux Corinthiens coïncide avec la mort de l’empereur Claude en 54. Agrippine, sa seconde épouse, l'a fait empoisonner. Elle avait au préalable fait adopter Néron, fils de son premier mariage, par celui qu’elle allait faire mourir. À dix-sept ans, Néron est proclamé empereur par la garde prétorienne. Ainsi commence, dans l'illégalité, car Claude avait un fils légitime, Britannicus, le règne d'un des despotes les plus sanguinaires de l'histoire. À Éphèse, aucun devin n'oserait prédire que Néron fera empoisonner Britannicus, mettre à mort sa mère, avant de se camper, dans un épisode qui écoeurera les Romains eux-mêmes, en massacreur des chrétiens. Une brèche s’ouvre dans la grandeur de Rome.
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46 - Lettre aux Galates
Au cours de son premier voyage missionnaire en compagnie de Barnabé, Paul a fondé des communautés dans le sud de la province romaine de Galatie, Les contacts avec ces groupes de chrétiens étaient excellents : «Vous m'avez accueilli comme un ange de Dieu, comme le Christ Jésus.» Quelques années plus tard, à deux reprises, il a visité ces mêmes communautés. Cette province comprenait, Carte de la Galatieentre autres villes : Antioche de Pisidie, Iconium, Lystres et Derbé.
Les Galates (Gaulois) sont à l'origine des Celtes du nord et du centre de l'Europe. Aventuriers intrépides, ils étaient aussi des guerriers redoutables. Quelques siècles avant Jésus Christ, ils ont poussé leurs incursions jusqu'en Espagne et en Italie. En 399, ils assiègent la ville de Rome et vers 360, quelques tribus se dirigent vers l'Est. Après différentes agressions militaires, dont le pillage du sanctuaire de Delphes, ils se fixent, au début du 3e siècle, dans le nord de l'Anatolie et font de Pessinus leur centre. En 25 av. J.-C., le pays des Galates est intégré à l’Empire et au système des provinces romaines.
La première partie de la lettre est une puissante défense
de son rôle d’apôtre.
Après les visites de Paul à ces communautés, des prédicateurs de Jérusalem y jettent le trouble en proclamant un Évangile différent du sien. Ils insistent sur l’importance d’être circoncis et de suivre toute la Loi de Moïse. À Paul, cet ouvrier de la onzième heure, ils opposent les douze apôtres et Jacques, le frère du Seigneur. Paul, conscient du danger, voit dans leurs exigences une annulation du rôle unique de Jésus-Christ. Il écrit alors sa lettre aux Galates. C’est la première grande synthèse de la pensée pastorale et théologique de l’Apôtre. Il ne s'agit pas ici de son autorité, mais bien du sens même de l'Évangile : ou le croyant réalise son salut par la Loi de Moïse ou il le trouve dans la foi au Christ?
Aux Galates, gens simples qui ont suivi Paul avec confiance, les adversaires affirment qu'ils ne sont pas devenus de bons chrétiens car ils ne sont pas circoncis. Jésus et les apôtres étaient circoncis. De plus, la circoncision est excellente pour la santé, elle évite certaines maladies.
D'abord, les Galates protestent. Trois fois ils ont rencontré Paul et ils l'aiment beaucoup. Pourquoi aurait-il voulu les tromper? Les judaïsants répliquent qu’ils l'aiment eux aussi, mais ils leur font savoir que Paul n'a jamais rencontré Jésus. Stupeur chez les Galates : lui qui en parle si bien! Autre élément important : vous a-t-il avoué que, dans sa jeunesse, il a persécuté les chrétiens, qu'il en a fait jeter des dizaines en prison? Atterrés, affolés, les amis de Paul restent muets : il ne leur a rien dit. Dans cette relation de confiance entre lui et ses chers Galates, les adversaires ont réussi à introduire un doute mortel. Selon les envoyés de Jérusalem, Paul aurait remanié l'Évangile, pour attirer le plus de païens possible. C'est donc ici, en territoire des Galates, que se livre la bataille décisive entre Paul et les émissaires de Jérusalem. Ce qui suivra, à Corinthe et à Rome, n'en sera que la conclusion.
L’épître aux Galates a été écrite d'un seul trait. Dès les premières lignes, Paul affirme sa mission d'apôtre. En rappelant les faits, il établit l'authenticité de «son évangile». Ce texte est précieux pour les données historiques qu'il offre sur les premières années de Paul. Il rappelle avoir reçu son Évangile au cours d’une révélation. On peut donc lui faire confiance. Il raconte sa conversion à Damas et en Arabie, sa rencontre avec Pierre et Jacques, sa participation au Concile de Jérusalem où son activité missionnaire a été reconnue. Il mentionne aussi la controverse avec Pierre à Antioche de Syrie, parce que le chef des apôtres ne respectait pas l’entente de Jérusalem. Paul affirme que son apostolat a été reconnu officiellement par les «colonnes du christianisme» (Pierre, Jacques et Jean) qui lui confèrent la responsabilité de convertir les non-Juifs. La première partie de la lettre est donc une puissante défense de son rôle d’apôtre. La première partie de la lettre est donc une puissante défense de son rôle d’apôtre. Il affirme qu’il n'est ni un élève des Douze, ni un apôtre de seconde zone.
galates 3:11
La justification par la foi
Paul en arrive ensuite au sujet principal de son épître : la justification par la foi. Parfois mal comprise, cette justification n'enseigne nulle part un quiétisme passif. Paul parle ici de la justification première, c’est-à-dire le passage de l'état de péché à l'état de grâce. Ce pardon est pur don de Dieu, une conséquence de la mort expiatrice du Christ, sans aucune contribution personnelle de notre part.
Après avoir utilisé les armes vigoureuses de l’argumentation, voici que Paul se fait subitement tendre comme une mère, et il donne libre cours à ses sentiments :
«Je désirerais comme une mère endurer à nouveau les douleurs de l'enfantement pour vous et transformer ma voix, pour vous parler comme une mère parle à son enfant !»
Paul réunit en lui une logique impitoyable, alliée à une tendresse maternelle.
La liberté chrétienne
liberté chrétienneAprès cette pause, il passe de nouveau à l’attaque. Ayant déjà expérimenté la liberté du Christ, les Galates seraient-ils maintenant prêts à se placer de nouveau sous le joug de la Loi et perdre ainsi leur liberté? Comme Israël lors de la sortie d'Égypte, ils ont vécu un nouvel Exode. Ils sont passés de l'esclavage à la liberté des enfants de Dieu. Cette liberté, est au coeur même de la vocation chrétienne:
«C'est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés. Donc tenez bon et ne vous remettez pas sous le joug de l'esclavage.» (Ga 5, 1.)
Deux dangers guettent ceux et celles qui ont fait l'expérience de la liberté : la renier en retournant à l’esclavage de la Loi, ou en abuser en croyant que tout est permis (exemple, s’adonner à la prostitution sous prétexte que le Christ nous a libérés de toutes contraintes).
Les chrétiens doivent
accueillir le salut comme
un don gratuit de Dieu,
attitude difficile à accepter
pour les marathoniens du
légalisme qui veulent à tout
prix devenir des saints
par leurs propres moyens.
Selon Paul, la Loi est bonne et elle était nécessaire, mais elle est au service du Salut. Elle doit prendre le second rang lorsque le Salut arrive. Comme des échafaudages dans une oeuvre de construction, une fois l’édifice terminé, ils disparaissent. «Le Christ nous a conduits à la liberté, c'est bien à la liberté que vous avez été appelés.» Écrite dans les premières années de l’Église, ces pages sur la liberté chrétienne questionnent encore aujourd’hui une institution qui, par nature, a tendance à privilégier la loi au détriment de la liberté. Les chrétiens doivent cesser de croire que le salut s'obtient comme une médaille olympique par des performances de plus en plus compliquées. Ils doivent accueillir le salut comme un don gratuit de Dieu, attitude difficile à accepter pour les marathoniens du légalisme qui veulent à tout prix devenir des saints par leurs propres moyens.
Les gens qui portèrent la lettre de leur Apôtre bien-aimé vers Antioche de Pisidie, ne se doutaient pas du précieux trésor dont ils étaient porteurs : c'était un document d'une importance historique! C'est chez les Galates que retentit pour la première fois la notion de «liberté chrétienne».
Cette lettre de Paul est le témoignage le plus ancien présentant le message de l'apôtre relatif à la justification par la foi. On ne peut lire l'Epître aux Galates sans se laisser emporter par le torrent oratoire de Paul. C’est une question de vie ou de mort pour lui et pour ses Galates. On ne reprend haleine qu'au moment de la conclusion. On voit Paul qui prend le stylet des mains du scripteur : «Voyez ces grosses lettres : Je vous écris de ma propre main...».
Après la mort de Paul, pendant de nombreuses années, son influence va disparaître presqu’entièrement dans l’Église. C'est au moment où celle-ci se préoccupera de choisir les textes authentiques de son histoire qu'elle redonnera à Paul toute la place qui lui revient en reconnaissant à ses écrits la valeur fondamentale de la théologie chrétienne. Paul est alors redevenu un pilier de l’Église.
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47 - Épitre aux Romains
Paul écrivant une lettre
Paul écrit son épître aux Romains pour préparer sa rencontre avec une Église qu'il ne connait pas.
Avant son départ pour Jérusalem, en l’an 57, Paul écrit son épître aux Romains, une sorte de «carte de visite» pour préparer sa rencontre avec une Église qu'il ne connait pas. Cette lettre, écrite probablement à Corinthe, est une synthèse de la pensée de Paul. Voici près de quinze ans que l’Apôtre fonde des Églises à Chypre, en Pisidie, en Lycaonie, en Phrygie, en Galatie, en Macédoine, en Achaïe, en Asie. Il considère maintenant que dans cette région de l’est, sa tâche de fondateur s'achève. Il songe à l'ouest, à l'Espagne surtout, «le bout du monde», où il projette de se rendre en passant par Rome.
Paul veut d’abord apporter lui-même la collecte à Jérusalem, ce que ses amis lui déconseillent fortement, à cause des dangers qu’il coure en retournant dans la ville où il a tant d’ennemis. Après Jérusalem, il a l’intention de visiter la capitale impériale, pour y rencontrer les membres de l’Église de Rome :
«Mais maintenant, comme je n’ai plus de champ d’action dans ces contrées et que, depuis bien des années j’ai un vif désir d’aller chez vous quand j’irai en Espagne. J’espère en effet vous voir lors de mon passage et recevoir votre aide pour m’y rendre après avoir été d’abord comblé, ne fut-ce qu’un peu, par votre présence.» (Rm 5, 23)
Rome, la capitale du monde, lui inspire la conception universelle de l’Église.
Il confie la lettre à sa fidèle amie, la diaconesse Phébée, qui doit se rendre à Rome au printemps. C’est la seule lettre écrite à une Église qu’il n’a pas fondée. Dans ces réflexions sur l’Évangile, sa pensée prend une ampleur considérable car il est en pleine possession de ses moyens.
Il est important de rappeler que Paul n’avait pas du tout l’intention de sortir du judaïsme : cela n'aurait tout simplement aucun sens pour lui. La «religion chrétienne» n'avait pas d'existence indépendante à cette époque! Elle faisait parti du judaïsme et Paul voulait simplement y intégrer à la fois la Résurrection du Christ et l'élargissement de la promesse aux non juifs. Pour ce faire, il cherchait un dénominateur commun aux Juifs et aux païens : cet élément unificateur, c’est la foi en Jésus-Christ.
La lettre aux Romains devient
un traité théologique sur la situation nouvelle créée par le Christ. C’est la plus importante des lettres de Paul.
La pensée qu'il avait commencé à développer dans la lettre aux Galates lui revient à l’esprit. Cette lettre avait été le cri d'un coeur passionnément agité. Il veut maintenant revenir sur la question dans le calme, et en faire un exposé plus approfondi. La lettre aux Romains devient ainsi un traité théologique sur la situation nouvelle créée par le Christ. C’est la plus importante des lettres de Paul. Nous y retrouvons le talent de celui qui est capable d’unifier la pensée critique à l’expression d’une foi profonde et éclairée. Il y développe les thèmes suivants : la justification par la foi, l'espérance, les conséquences du péché, la grâce, la liberté, l’Église corps du Christ, les relations entre Juifs et Païens, la réconciliation. Près de 25 ans après sa conversion, sa réflexion théologique a atteint une grande maturité. Si l'épître aux Romains était la seule lettre de Paul à nous parvenir, nous aurions un bon aperçu de sa pensée.
Comme cadre, Paul utilise d’un côté l'humanité déchue regroupée autour d'Adam et de l’autre l'humanité «justifiée» regroupée autour du Christ.
La filiation offerte est
un don tout à fait gratuit
et non le résultat de l’observance de la Loi
ou de la pratique des
bonnes oeuvres
Dans le récit de Genèse 3, Adam a voulu être comme un Dieu en mangeant le fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Il a initié le temps de la révolte contre Dieu : «Par un homme le péché est entré dans le monde». Nous sommes donc précédés par cette irrésistible tendance naturelle de se prendre pour un dieu et de refuser notre condition de créature. Mais malgré cette révolte, Dieu n’abandonne pas «son dessein bienveillant» envers nous. À travers Abraham, il accorde le salut par pure grâce : «Abraham crut en Dieu et ce lui fut compté comme justice». Cela s’est passé au moment où Abraham n'était pas encore circoncis. Le rite ancestral n'est donc pas la source de sa justification, il n'en est que le signe. La filiation offerte est un don tout à fait gratuit et non le résultat de l’observance de la Loi ou de la pratique des bonnes oeuvres.
Mais la justification (être acceptés comme enfants de Dieu) n'est qu'un début, un premier pas. Elle est une étape essentielle enrichie ensuite par l’eucharistique, fécondée par les énergies créatrices du Ressuscité, sous le soleil de l'Esprit-Saint.
Dans les huit premiers chapitres de l'épître aux Romains, Paul oppose deux voies, deux façons d'être «justifié» devant Dieu : d'un côté la foi en Jésus-Christ et de l’autre la Loi de Moïse et les «oeuvres». Seule la foi en Jésus Christ justifie tous les hommes, Juifs et Païens. Le Salut ne se trouve donc pas dans l’appartenance au peuple élu ou dans une vie de sainteté et de bonnes oeuvres. Il se trouve dans une parole extérieure à l’être humain, une décision bienveillante de Dieu reçue gratuitement dans la foi.
romains 3,38L’exposé de Paul sur la «justification par la foi» est la traduction théologique de l’accueil que Jésus a fait aux rejetés et aux exclus. Jésus, qui mangeait avec les collecteurs d’impôts et les pécheurs, les prostituées et les lépreux, faisait un geste symbolique qui couvrait le politique, le social et le religieux à la fois.
Le salut est offert gratuitement : «Aujourd’hui même tu seras avec moi dans le paradis!», dit Jésus au voleur sur la croix.
Le Christ est «l'anti-Adam». Il remplace la malédiction du jardin d’Éden (Adam et Ève chassés du paradis), par une bénédiction (Venez à moi vous tous qui ployez sous le fardeau). Si par Adam la mort était le sort de l’homme, par le Christ il retrouve la vie. Hommes et femmes sont invités à vivre dans la confiance et l’espérance des filles et fils de Dieu, filiation accordée gratuitement grâce au Christ.
galates-liberté dans le Christ
La justification n'est qu'un début, un premier pas. Elle est une étape essentielle enrichie ensuite par l’eucharistique, fécondée par les énergies créatrices du Ressuscité, sous le soleil de l'Esprit-Saint.
Après le vaste exposé sur le Salut, don de Dieu (Rm 1 – 8), vient en suite, tout naturellement, la question du statut d’Israël dans la nouvelle réalité inaugurée par le Christ (chapitres 9 à 11). Paul insiste sur le fait que tous sont pécheurs, Juifs et Païens. Cette situation est l'occasion choisie par Dieu pour nous justifier en Jésus Christ. Ni les oeuvres, ni l’origine ethnique, ni le clan, ni le sang ne sont des conditions pour le salut. Seul compte la générosité de Dieu. Paul réaffirme sa solidarité avec son peuple et repousse l'idée qu'Israël soit rejeté pour toujours. Si lui qui était pharisien et persécuteur a obtenu miséricorde, il en sera de même pour tous les Juifs. Dans la troisième partie de l’épitre, Paul en vient à des considérations pratiques sur la vie des communautés chrétiennes : «Je vous exhorte donc, frères... à l'action».
C’est l'esclave chrétien Tertius qui a servi de scribe à l'Apôtre. Il le fait remarquer à la fin de la lettre.
Les grands thèmes de cette épître étaient présents au coeur des femmes et des hommes du temps de Paul... Ils continuent à être d’intérêt pour les femmes et les hommes d’aujourd’hui.
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48 - La grande collecte
l'unité chrétienne - logo2016Depuis sa conversion à Damas, Paul voyage beaucoup et à cinq reprises il visite l’Église-mère de Jérusalem. Lors de la réunion avec Pierre, Jacques et Jean, au premier concile, il avait eu l'idée d'une grande collecte en faveur de cette Église pauvre. La proposition ne figurait pas parmi les conditions d'un accord de paix, mais à titre personnel, Paul s’y engage et à Éphèse, il décide de passer à l'action : la collecte se ferait dans les Églises d'Asie Mineure et de Grèce, pour venir en aide à l’Église de Jérusalem.
La collecte était une grande entreprise réalisée dans un but charitable, mais elle avait aussi un but «politique» : promouvoir l'unité de l'Église.
C’est un devoir pour les Églises plus fortunées d'aider cette Église-mère qui a peu de moyens. Paul croyait aussi que cette générosité favoriserait l'unité et atténuerait du même coup les disputes entre les païens convertis et les Judéo-chrétiens.
Au début du projet, les chrétiens de Corinthe étaient très enthousiastes, mais avec le temps leur ferveur s’est refroidie. Paul les encourage donc au partage :
«De même que vous excellez en tout, foi, parole, science, empressement de toute nature, charité que nous vous avons communiquée, il vous faut aussi exceller dans cette libéralité. Ce n’est pas un ordre que je donne; je veux seulement, par l’empressement des autres, éprouver la sincérité de votre charité. Vous connaissez en effet la libéralité Jésus Christ, qui pour vous s’est fait pauvre, de riche qu’il était, afin de vous enrichir par sa pauvreté. C’est un avis que je donne là-dessus; et c’est ce qui vous convient, à vous qui, dès l’an dernier, avez été les premiers non seulement à entreprendre cette oeuvre, mais encore à la vouloir. (2 Co 8, 7-10)
Cette lettre suffira-t-elle pour inciter les Corinthiens à la générosité? Tite est chargé d’en expliquer et d’en défendre le contenu.
Le Christ est-il divisé?En début de mars 58, l’hiver terminé, au cours d'une cérémonie religieuse en l'honneur d'Isis, la déesse égyptienne protectrice des mers, Rome annonce la reprise de la navigation et Paul prépare son départ pour Jérusalem. De là il compte se rendre à Rome. Il n'ignorait pas les risques qu'il courait en portant lui-même à Jérusalem le produit de la collecte réalisée avec tant de peine. Cependant, pour lui, l’unité des Églises importait avant tout. Certains représentants de tous les districts où il avait travaillé devaient le rejoindre en chemin.
C’est à ce moment que Luc mentionne le complot manigancé contre Paul :
«Un complot fomenté par les Juifs contre lui au moment où il allait s’embarquer pour la Syrie le décida à s’en retourner par la Macédoine» (Actes 20, 3).
À cause de ce changement de dernière heure, Paul a dû parcourir plus de sept cent kilomètres supplémentaires afin d’échapper à ses ennemis.
Comme le texte de plusieurs manuscrits le laisse entendre, Paul, accompagné de Luc, prit alors la voie de terre jusqu'en Macédoine, tandis que ses autres compagnons, pour dépister les adversaires, se rendirent à Troas en bateau. Là, plus tard, les deux groupes devaient se rencontrer. Le plan initial de célébrer la Pâque à Jérusalem était maintenant irréalisable et Paul décida de participer à la célébration dans la ville de Philippes, au milieu de ses amis. Le mardi après Pâques, il prit congé des Philippiens et trouva, dans le port de Néapolis, un bateau en partance pour Troas.
Après avoir traversé la mer Égée, il rejoint le groupe qui se trouvait déjà à Troas. Luc nous donne leurs noms : Sopatros, de Bérée; Aristarque et Secundus, de Thessalonique ; Gaïus, de Derbé; Timothée, Tychique, Trophime, de la province d'Asie. (Actes 20, 4-5) De toute évidence, ces compagnons de l’Apôtre transportent l’argent de la collecte en faveur de Jérusalem. Paul n'avait ni femme, ni enfant, il n'avait aucun lien de famille. Cependant, Dieu lui donna de nombreux amis. Peu de gens ont eu des adversaires aussi farouches, mais peu eurent des amis aussi dévoués et fidèles.
Luc mentionne que la halte à Troas a duré environ une semaine. Il sera témoin d'un incident qu'il n'oubliera pas :
«Le premier jour de la semaine, nous étions réunis pour rompre le pain; Paul, qui devait partir le lendemain, s’entretenait avec eux. Il prolongea son discours jusqu’au milieu de la nuit. Il y avait bon nombre de lampes dans la chambre haute où nous étions réunis. Un adolescent, du nom d’Eutyque, qui était assis sur le bord de la fenêtre, se laissa gagner par un profond sommeil, pendant que Paul discourait toujours. Entraîné par le sommeil, il tomba du troisième étage en bas. On le releva mort. Paul descendit, se pencha sur lui, le prit dans ses bras et dit : «Ne vous agitez donc pas : son âme est en lui.» Le jeune homme se remit sur ses pieds et Paul remonta, rompit le pain et mangea : longuement encore il parla, jusqu’au point du jour.» (Actes 20, 7-12)
Luc, on le voit, n'a rien perdu de ses qualités de chroniqueur. Il le fait avec délicatesse et avec une certaine ironie. Au 18e siècle, Jonathan Swift, auteur renommé des Voyages de Gulliver et doyen de l’église Saint-Patrick à Dublin, choisira comme thème d'un de ses sermons : «Du sommeil à l'église». Il basera son homélie sur cet accident de Troas pour démontrer que même le grand saint Paul endormait ses auditeurs.
De Troas, Luc accompagnera Paul pendant tout le voyage, jusqu’à Jérusalem. Grâce à ses connaissances médicales et nautiques, il sera un compagnon idéal. Nous retrouvons de nouveau dans les Actes des Apôtres le pronom «nous», et à partir de cet instant, l'itinéraire et les faits sont relatés sous la forme d'un journal, ce qui confère à la description un attrait incomparable.
Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 10 août23, 23:5549 - Le dernier voyage à Jérusalem
Saint Paul, par El GrecoSaint Paul, par El Greco
Avant de retourner à Jérusalem, Paul admet qu'il redoute les dangers de cette visite : "Je vous le demande, frères, par notre Seigneur Jésus Christ et par la charité de l'Esprit, luttez avec moi dans les prières que ous adressez à Dieu pour moi, afin que j'échapp aux incrédules de Judée et que le secours que j'apporte à Jérusalem soit bien accueilli par les sains. Et qu'ainsi venant à vous (à Rome) dans la joie, Dieu veuille me faire goûter avec vous quelque repos. (Romains 15, 30-33)
Plus Paul approche de Jérusalem et plus son angoisse grandit. Les Juifs et les Judéo-chrétiens le haïssent, et ils sont tout-puissants dans la ville sainte.
À Assos, sur la côte nord du golfe d'Edremit, Paul et ses compagnons se partagent la collecte. L’historien Flavius Josèphe mentionne les règles à suivre lorsqu’on transporte des sommes d’argent importantes : on réduit les différentes monnaies en or que l'on répartit entre les porteurs. Les pièces sont alors cousues dans les vêtements de chacun.
Grâce au récit des Actes des Apôtres, nous connaissons les étapes du voyage de Paul et de ses compagnons : d'Assos, le bateau se dirige sur Mytilène, port de la grande île de Lesbos, d'où il gagne l'île de Chio, patrie d'Homère. Une étape à Samos, une escale à Trogyllion et l'on arrive à Milet. Ce sera la dernière escale de Paul en terre d’Asie.
Plus Paul approche de
Jérusalem et plus son
angoisse grandit. Les Juifs
et les Judéo-chrétiens
le haïssent, et ils sont
tout-puissants dans la
ville sainte
À Milet, située à quelques kilomètres d’Éphèse où il a passé trois ans de sa vie, Paul décide de ne pas se rendre dans la ville : «il était décidé à éviter l'escale d'Éphèse pour ne pas perdre de temps en Asie», écrit Luc. (Actes 20, 16) La vérité est qu’il a peur d’être agressé à Éphèse. Il souhaite quand même rencontrer certains de ses fidèles et leur demande de le rejoindre à Milet. Luc s'applique à reconstituer ses propos adressés à ceux et celles qui viennent le rencontrer. Les anciens de la communauté se rendent au port de Milet pour voir leur apôtre une dernière fois. La scène des adieux est l’un des tableaux les plus émouvants du journal de Luc :
«Et maintenant voici qu’enchaîné par l’Esprit je me rends à Jérusalem, sans savoir ce qui m’y adviendra, sinon que, de ville en ville, l’Esprit Saint m’avertit que chaînes et tribulations m’attendent. Mais je n’attache aucun prix à ma propre vie, pourvu que je mène à bonne fin ma course et le ministère que j’ai reçu du Seigneur Jésus : rendre témoignage à l’Évangile de la grâce de Dieu.
«Et maintenant voici que, je le sais, vous ne reverrez plus mon visage, vous tous au milieu de qui j’ai passé en proclamant le Royaume. C’est pourquoi je l’atteste aujourd’hui devant vous : je suis pur du sang de tous. Car je ne me suis pas dérobé quand il fallait vous annoncer toute la volonté de Dieu. Soyez attentifs à vous-mêmes, et à tout le troupeau dont l’Esprit Saint vous a établis gardiens pour paître l’Église de Dieu, qu’il s’est acquise par le sang de son propre fils.
«Je sais moi, qu’après mon départ il s’introduira parmi vous des loups redoutables qui ne ménageront pas le troupeau, et que du milieu même de vous se lèveront des hommes tenant des discours pervers dans le but d’entraîner les disciples à leur suite. C’est pourquoi soyez vigilants, vous souvenant que, trois années durant, nuit et jour, je n’ai cessé de reprendre avec larmes chacun d’entre vous. Et maintenant, à présent je vous confie à Dieu et à la parole de sa grâce, qui a le pouvoir de bâtir l’édifice et de procurer l’héritage parmi tous les sanctifiés.
«Argent, or, vêtements, je n’en ai convoité de personne : vous savez vous-mêmes qu’à mes besoins et à ceux de mes compagnons ont pourvu les mains que voilà. De toutes manières je vous l’ai montré : c’est en peinant ainsi qu’il faut venir en aide aux faibles et se souvenir des paroles du Seigneur Jésus, qui a dit lui-même : il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir.
Intense est l'émotion:
«À ces mots, se mettant à genoux, avec eux tous il pria. Tous alors éclatèrent en sanglots, et, se jetant au cou de Paul, ils l’embrassaient, affligés surtout de la parole qu’il avait dite : qu’ils ne devaient plus revoir son visage. Puis ils l’accompagnèrent jusqu’au bateau.» (Actes 20, 22-38)
carte du 3e voyage de PaulPaul et ses compagnons s’embarquent et les vents sont favorables jusqu'à Cos. Le lendemain on atteint Rhodes et, le troisième jour, Patara. Comme le bateau sur lequel ils voyagent poursuit sa route vers une autre destination, ils continuent sur un bateau marchand qui se rend à Tyr où ils débarquent après six ou sept jours de navigation. Une Église chrétienne y existe déjà et elle exprime, en accueillant Paul, une inquiétude sur son sort.
À chaque étape on voudrait l'empêcher de monter à Jérusalem mais toujours
en vain.
Chacun tente de le convaincre à ne pas se rendre à Jérusalem. Au bout d’une semaine, il prend congé à bord d’une embarcation qui se dirige vers Ptolémaïs, là où au 12e siècle s'élèvera la forteresse de Saint-Jean-d'Acre des croisés. De là, Paul et les siens repartent pour Césarée, une marche de deux jours (cinquante-cinq kilomètres). Pendant environ une semaine, ils séjournent chez Philippe, l'un des sept diacres.
Poussé par l'Esprit, le prophète Agabus, que Paul a bien connu à Antioche, descend de Jérusalem pour l'empêcher de continuer son voyage :
«Comme nous passions plusieurs jours à Césarée, un prophète du nom d’Agabus descendit de Judée. Il vint nous trouver et, prenant la ceinture de Paul, il s’en lia les pieds et les mains en disant : «Voici ce que dit l’Esprit Saint : L’homme auquel appartient cette ceinture, les Juifs le lieront comme ceci à Jérusalem, et ils le livreront aux mains des païens.»
À ces paroles, les compagnons de Paul et les chrétiens de l’endroit se mirent à le supplier de ne pas monter à Jérusalem. Alors il répondit :
«Qu’avez-vous à pleurer et à me briser le coeur? Je suis prêt, moi, non seulement à me laisser lier, mais encore à mourir à Jérusalem pour le nom du Seigneur Jésus.»
Comme il n’y avait pas moyen de le persuader, nous avons cessé nos instances en disant : «Que la volonté du Seigneur se fasse!» (Actes 21,10-14).
Dans le récit des Actes, tout le trajet de Milet à Jérusalem tient à la fois d’une procession triomphale et d’un cortège de deuil. Partout les Églises accueillent Paul avec chaleur, dans une atmosphère de fête mêlée d'inquiétude. À chaque étape on voudrait l'empêcher de monter à Jérusalem mais toujours en vain.
L'Église officielle de Jérusalem
n'a pas offert l'hospitalité au
plus grand de ses Apôtres.
La caravane entama la dernière étape du voyage. Quelques disciples de Césarée l'accompagnèrent jusqu'à la ville sainte. Paul trouva un refuge dans la maison d'un ancien disciple du Seigneur nommé Mnason. L'Église officielle de Jérusalem n'a pas offert l'hospitalité au plus grand de ses Apôtres.
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50- Le conseil fatal
Paul arrêté
Comme il l'avait prévu, Paul trouve à Jérusalem un climat froid et hostile. La garde romaine doit même intervenir pour le soustraire à la colère des zélotes.
Paul et ses compagnons sont probablement arrivés à Jérusalem un peu avant la Pentecôte de l'an 57. Ils apportent les offrandes des frères de Galatie, de Macédoine et de Grèce aux chrétiens de l'Église mère.
La réception de Paul à Jérusalem semble avoir été froide et peu fraternelle. A cette occasion, Luc ne mentionne même pas le nom de la Ville Sainte et il dit simplement : «Il monta et salua la communauté.» Cette Église semblait s'isoler toujours davantage. À Jérusalem, Paul loge chez Mnason, un helléniste venu de Chypre, plutôt que chez les judéo-chrétiens. C’est un fait significatif pour Luc qui parait un peu embarrassé. Il ne mentionne même pas la remise de la collecte. Le climat n’est pas propice à Paul et à son entourage.
C’est la cinquième et dernière fois que l’Apôtre se trouve à Jérusalem depuis sa conversion.
Les zélotes et les terroristes juifs sont maîtres de la rue. Jacques est devenu vieux et n'a plus la force de s'imposer aux convertis du parti pharisien. Dans sa lettre aux Corinthiens, Clément de Rome prétend que «l'envie» fut responsable des malheurs de Paul. Il faut donc croire que Paul ait été victime d'une collaboration entre les Juifs et les Judéo-chrétiens. Les chefs de la communauté chrétienne furent certainement corrects vis-à-vis de Paul, mais ils se trouvèrent paralysés dans leur action par les ennemis de Paul qui détruisaient, dans les Églises, sa réputation.
Les Actes des Apôtres nous racontent les épisodes importants de cette visite à Jérusalem : l’arrivée dans la ville, la rencontre avec les dirigeants de l’Église, les sept jours dans le Temple, l'arrestation par les soldats romains, la comparution devant le Sanhédrin, la tentative d'assassinat, le procès à Césarée, les deux années d’emprisonnement et l'appel à César.
Selon Luc, la rencontre de Paul avec les dirigeants de l’Église de Jérusalem fut brève et décevante. En résumé, ils lui proposèrent ceci :
«Tu vois, frère, combien des milliers de Juifs ont embrassé la foi, et ils sont tous de zélés partisans de la Loi. Or, à ton sujet ils ont entendu dire que, dans ton enseignement, tu pousses les Juifs qui vivent au milieu des païens à la défection vis-à-vis de Moïse, leur disant de ne plus circoncire leurs enfants et de ne plus suivre les coutumes. Que faire donc? Assurément la multitude ne manquera pas de se rassembler, car on apprendra ton arrivée. Fais donc ce que nous allons te dire. Nous avons ici quatre hommes qui sont tenus par un voeu. Emmène-les, joins-toi è eux pour la purification et charge-toi des frais pour qu’ils puissent se faire raser la tête. Ainsi tout le monde saura qu’il n’y a rien de vrai dans ce qu’ils ont entendu dire à ton sujet, mais que tu te conduis toi aussi en observateur de la Loi.» (Actes 21,20-24).
Paul devait donc se réhabiliter en professant, pour ainsi dire publiquement, son appartenance au judaïsme traditionnel ! Il devrait passer sept jours dans le temple, avec des gens qu’il ne connaissait pas, et payer les frais importants reliés à cette purification : pour cinq naziréens, il fallait sacrifier quinze brebis, autant de corbeilles de pain, de gâteaux et de tourteaux, et plusieurs de jarres de vin; à cela venaient s'ajouter les frais de subsistance pendant sept jours. On se souvient que lors de son dernier voyage, Paul avait fait un tel voeu de Naziréat, mais de sa propre initiative. A présent, on l'obligeait à une pénitence publique. Selon les dirigeants, il pourrait ainsi se justifier vis-à-vis les Juifs, mais Paul savait que cette manoeuvre risquait d’être très mal comprise par les chrétiens venus du paganisme.
Paul accepta à contre-coeur la proposition des chefs de l’Église, mais comme le constatera Renan :
«Jamais peut-être, dans sa vie d'apôtre, il ne fit un sacrifice plus considérable à son oeuvre ... Durant ces jours d'humiliation, où, par une faiblesse voulue, il accomplissait avec des gens en haillons un acte de dévotion surannée, il était plus grand que quand il déployait à Corinthe ou à Thessalonique la force et l'indépendance de son génie. »
Les zélotes accusent Paul de profanation du Temple
On accuse Paul d'avoir profané le temple
Le Temple de Jérusalem
Les deux parties du Temple. Permettre à un païen de pénétrer dans l'enceinte sacrée au centre c'était la profaner.
Les soldats défendent Paul
Les soldats de Lysias doivent intervenir pour délivrer Paul des griffes des zélotes.
Paul parle aux zélotes
Paul demande à parler à la foule. Il tente en vain de se justifier.
Vers la fin des sept jours au Temple, des juifs d'Asie reconnaissent Paul. La colère les soulève. Ils se saisissent de lui, ameutent la foule :
«Hommes d’Israël, au secours ! Le voici l’individu qui prêche à tous et partout contre notre peuple, contre la Loi et contre ce lieu! Et voilà encore qu’il a introduit des Grecs dans le Temple et profané de lieu saint.». (Actes 21, 28)
Le Temple de Jérusalem était composé de deux parties distinctes : le parvis des gentils où chacun pouvait se rendre et l'enceinte sacrée où seuls les juifs avaient accès. Celle-ci était entourée d’un mur bas composé de pierres qui marquait la limite à ne pas franchir si l'on n'était pas juif. À plusieurs endroits on pouvait lire, en grec et en latin, cet interdit : «Défense à tout étranger de franchir la barrière et de pénétrer dans l'enceinte du sanctuaire. Quiconque aura été pris sera lui-même responsable de la mort qui s'ensuivra.» Voilà qui est catégorique. Paul est non seulement accusé de trahison envers sa religion mais - plus grave encore - d'avoir violé délibérément l'enceinte sacrée en y introduisant des païens. Il est impossible que Paul ait pu commettre une telle provocation. Pour lui le Temple reste un lieu sacré. Mais peut-être a-t-il conduit un compagnon trop près du muret et ses ennemis ont saisi l’occasion pour l’accuser.
De la forteresse, près du mur d’enceinte, les sentinelles romaines ont observé l'incident. Le tribun Lysias se précipite avec ses soldats au bas de l'escalier. Il délivre Paul, et le fait conduire à la citadelle. Le peuple suivait en criant : «À mort !» Pendant tout ce temps, Paul a gardé sa présence d'esprit. Il reste maître de la situation : «Je suis Juif de Tarse en Cilicie, et citoyen d'une ville qui n'est pas sans renom. Je t'en prie; permets-moi de parler au peuple» (Actes 21, 39), demande-t-il au tribun. Question étrange de la part d'un homme qui vient de risquer sa vie. Mais Lysias permet au prisonnier de parler à la foule. Le bruit s'apaise et Paul s’adresse à eux en araméen. Il essaye de démontrer qu’il n’est pas contre le Peuple, la Loi et le Temple, mais son discours ne réussit pas à calmer les cris de haine de la foule.
Pour apaiser quelque peu la passion populaire, l'officier donne alors l’ordre au centurion de mettre Paul «à la question», afin de connaître les raisons de la fureur populaire. L'instrument de supplice était le fouet (flagellum) muni de pointes et de balles de plomb. Paul fut déshabillé, étendu sur le chevalet, et attaché par les poignets et les chevilles. Lorsque le centurion s'approcha pour surveiller l'opération, Paul lui demanda avec calme : «Est-il légal de flageller un citoyen romain, et cela sans jugement.» Les représentants de Rome, avaient un grand respect de celui qui portait le titre de citoyen romain. «Civis Romanus sum», cette parole opérait des miracles! Le centurion se précipita chez le tribun. «Dis-moi, demande ce dernier, tu es citoyen romain? - Certainement» répondit Paul. Le faux usage de ce titre était puni de mort. Personne n'osait donc en abuser. Lysias jeta un regard interrogateur sur Paul : «Moi, j'ai acheté bien cher ce droit de cité.» Paul répliqua : «Et moi, je l'ai de naissance.» Lysias commença à se sentir mal à l'aise. Le droit pénal romain interdisait la question par le fouet au début d'une procédure. On détacha Paul, et on le conduisit dans la forteresse.
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51. Paul devant le Sanhédrin
Le lendemain de l’arrestation de Paul, le tribun Lysias voulut savoir de quoi les Juifs accusaient le prisonnier et il le fit comparaître devant le Sanhédrin. Au début de la rencontre, oublieux de sa dignité et du respect qu’il devait avoir envers l'accusé, «le grand prêtre Ananie ordonna à ses assistants de le frapper sur la bouche». (Actes 23, 2) C’était l’insulte suprême. Paul, qui avait le sang bouillant, cria à Ananie : «C’est Dieu qui te frappera, toi, muraille blanchie. Eh quoi! Tu sièges pour me juger d’après la Loi, et, au mépris de la Loi, tu ordonnes de me frapper!». (Actes 23, 3) Les pharisiens qui avaient perdu tout sens moral approuvèrent l'acte du grand-prêtre, et considérèrent la leçon de Paul comme un sacrilège. L'image de «muraille blanchie» caractérisait bien ce Grand-Prêtre, ce personnage en pleine déchéance, qui essayait de simuler la vertu, l'honnêteté et la droiture, alors qu'intérieurement il était pervers et pourri.
SanhedrinLe sanhédrin
Face au Sanhédrin composée de pharisiens et de sadducéens, dans une intuition subite, Paul utilisa l'avantage que lui offrait la situation, et souleva le problème de la résurrection. Il lança alors cette simple phrase : «Frères, c'est à cause de l'espérance en la résurrection des morts que je suis mis en jugement.» Les Sadducéens éclatèrent de rire et les Pharisiens qui croyaient à la résurrection commencèrent à se disputer avec les Sadducéens. Toute la procédure dégénéra en une dispute théologique, et les deux partis en vinrent aux mains. Certains rabbins respectables se déclarèrent même ouvertement en faveur de Paul. Lysias, le représentant de Rome, qui ne comprenait rien à ce débat théologique et avait peur pour la vie de son prisonnier, appela la garde, et le fit conduire en lieu sûr. «C'est à peine si je l'ai pu arracher de force à leurs mains», écrit-il à ce propos dans sa lettre au gouverneur Félix (manuscrit de Bèze).
arrêstation de PaulAyant perdu confiance en la justice juive, Paul décide de s'en remettre à la loi et à la puissance de Rome
La situation de Paul était très délicate. Seule, la force militaire des Romains pouvait encore le sauver. Il s'aperçut qu'en raison de la partialité du tribunal, la justice était impossible. C'est alors qu'il prit la résolution de s’en remettre à la justice romaine. Jusqu'à présent, il s'était toujours considéré comme un membre de droit de la race juive, et il s'était soumis à plusieurs reprises à la juridiction juive. Maintenant, voyant qu’il était impossible d’être jugé équitablement chez les Juifs, il va se détacher définitivement de son peuple, politiquement et juridiquement, et il va se soumettre à la loi et à la puissance de Rome.
Le lendemain de la réunion du Sanhédrin, une quarantaine de Zélotes s'engagèrent par voeu à ne plus manger ni boire avant d'avoir assassiné Paul. Ils décidèrent de lui tendre un piège et mirent le Sanhédrin au courant de leur complot en demandant sa participation. A quelle déchéance était parvenu le plus haut tribunal juif! :
«Lorsqu’il fit jour, les Juifs tinrent un conciliabule, où ils s’engagèrent par anathème (c’est-à-dire en appelant sur eux la malédiction divine s’ils manquaient à leur engagement) à ne pas manger ni boire avant d’avoir tué Paul. Ils étaient plus de quarante à avoir fait cette conjuration. Ils allèrent trouver les grands prêtres et les anciens, et leur dirent : «Nous nous sommes engagés par anathème à ne rien prendre avant d’avoir tué Paul. Vous donc maintenant, d’accord avec le Sanhédrin, expliquez au tribun qu’il doit vous l’amener, sous prétexte d’examiner plus à fond son affaire. De notre côté, nous sommes prêts à le tuer avant qu’il n’arrive.» (Actes 23, 12-15)
Heureusement, le service de renseignements des chrétiens était vigilant. Le neveu de Paul fut mis au courant du complot et sa soeur l’envoya porter la nouvelle à la forteresse. Il reçu la permission de voir Paul et lui fit part de la situation. Entendant cela, Paul pria le centurion de faire conduire son neveu immédiatement devant Lysias. C'est ainsi qu’avant de recevoir les délégués du Sanhédrin, le commandant de la forteresse fut mis au courant de l'assassinat prémédité. Le jeune homme lui dit :
«Les Juifs se sont concertés pour te prier d’amener Paul, demain au Sanhédrin, sous prétexte d’enquêter plus à fond sur son cas. Ne vas pas les croire. Plus de quarante d’entre eux le guettent, qui se sont engagés par anathème à ne pas manger ni boire avant de l’avoir tué. (Actes 23, 20)
Le tribun avait dorénavant une raison suffisante pour remettre le procès entre les mains du procureur romain à Césarée et donna l’ordre de transférer le prisonnier à la faveur de la nuit :
«Le tribun appela deux centurions et leur dit : "Tenez-vous prêts à partir pour Césarée, dès la troisième heure de la nuit, deux cents soldats, soixante-dix cavaliers et deux cents hommes d’armes. Qu’on ait aussi des chevaux pour faire monter Paul et le conduire sain et sauf au gouverneur Félix." (Actes 23, 23-24)
transfert de Paul à CésaréeEscorté d'une forte garde, Paul est conduit à Césarée.
À l'aube du jour suivant, la petite troupe était rendue à mi-chemin. On s'arrêta à Antipatris, et Paul eut l’occasion de se reposer pendant quelques heures. Tout danger ayant disparu, la majeure partie de l'escorte retourna à Jérusalem et seul le détachement de cavalerie accompagna l'apôtre jusqu'à Césarée.
Le port de Césarée, qui avait reçu son nom de son constructeur Hérode le Grand, en l’honneur de l’empereur César, servait aux Romains de base de ravitaillement et de centre militaire pour la région. La ville abritait une garnison de cinq cohortes et un escadron de cavalerie. Par leurs impôts, les Juifs payaient eux-mêmes l'entretien de ces troupes qui les tenaient en servitude. D'où la haine des Juifs envers cette taxe payée à Rome et la question posée à Jésus : «Doit-on payer le tribut à César?»
Le procureur vivait dans le luxe du palais royal. Les prisonniers de marque étaient conduits au poste de garde de l'état-major, situé dans le palais même. Le capitaine de l'escadron remit au procureur Antoine-Félix le rapport de Lysias, et lui présenta son prisonnier. En présence de Paul, Félix lut à haute voix la lettre de Lysias. Elle était un modèle tout à fait romain de précision, d'objectivité et de clarté se déclarant favorable au prisonnier : il ne s'agissait que d'une affaire religieuse juive. Comme Paul venait de la Cilicie, une province impériale, le tribunal du procureur impérial était compétent en la matière. Félix dit alors à Paul : «Je t'entendrai, quand tes accusateurs seront arrivés, eux aussi. Et il le fit garder dans le prétoire d’Hérode». (Actes 23, 35)
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52. Captivité à Césarée
Vue aérienne du port de l'ancienne Césarée
Vue aérienne du port à l'ancienne Césarée
Le port de Césarée, où Paul sera emprisonné, avait une longue histoire. Au 4e siècle avant notre ère, le roi de Sidon construisit un premier port très modeste et un petit village qui prit le nom de Tour de Strabon. En 63, Pompée accorda l’autonomie au village et, sept ans plus tard, l'empereur Auguste en fit don à Hérode le Grand qui découvrit là un chantier à sa mesure. D'immenses travaux firent surgir de la mer une jetée à l'arrière de laquelle fut creusé un port de trente-deux mètres de profondeur, «plus spacieux que le Pirée», qui mettait les bateaux à l'abri de toutes les tempêtes. Il fallut douze années pour terminer les travaux du port et de la ville. Hérode en fit sa capitale avec son palais tout en marbre blanc qui était une véritable merveille.
Aujourd’hui, les sables et les siècles ont englouti la ville et une bonne partie du port. En 1946, des fouilles archéologiques ont retrouvé les remparts élevés par Saint Louis au temps des croisades (13e s.) et les restes de la ville d'Hérode, avec son hippodrome et son théâtre. Dans les ruines du théâtre, on a découvert une inscription précisant qu’il avait été dédié à l’empereur Tibère par le «prefaectus Pontius Pilatus». C’est le plus ancien document épigraphique concernant Ponce Pilate.
Quand Paul pénètre dans la ville, le palais d'Hérode est devenu la résidence officielle des procureurs romains de Judée. Antonius Félix, un esclave affranchi par l'empereur Claude, est alors en poste depuis l’an 52. Il est dépeint par Tacite comme étant «cruel et débauché, exerçant le pouvoir royal avec une âme d'esclave». Pallas, son frère, fut le favori tout-puissant et le premier ministre de l’empereur Claude, de même que celui de Néron, au début de son règne. Grâce à lui, Félix fit une brillante carrière. La grande considération dont jouissait Pallas, à Rome, lui assurait l'impunité.
Paul en prison, par Rembrandt
Paul en prison par Rembrandt, 1627.
Son incarcération à Césarée durera
deux longues années.
L’incarcération de Paul à Césarée durera deux longues années, période monotone pour un homme qui avait été en mouvement continue depuis plusieurs années! Quelques jours après son arrivée à Césarée, le grand-prêtre Ananie se présenta entouré d'un groupe d'anciens et d'un avocat romain, un débutant dont l’inexpérience éclate au tout début du plaidoyer. Le grand-prêtre eut peine à retenir un sourire, en entendant son avocat utiliser une flatterie lourde et maladroite. Selon l’avocat, grâce à Félix, le pays jouissait d'une paix profonde; sa prévoyance avait rétabli l'ordre dans la nation. C'est pourquoi les Juifs lui devaient une grande reconnaissance. En réalité, Félix était l’un des procureurs les plus détestés qu'avait connu le pays. Les Juifs le lui montrèrent d'ailleurs, deux ans plus tard, en l'accusant d'avoir massacré à Césarée plusieurs de leurs compatriotes et d’avoir mal conduit les affaires publiques, ce qui provoqua son rappel par Néron.
Sous l’influence des Sadducéens, on porta contre Paul des accusations sur le plan politique : Paul, serait un révolutionnaire dangereux, coupable de sédition, chef d'une secte non autorisée, d’une «religio illicita». Enfin, il aurait profané le Temple de Jérusalem en y introduisant un non-Juif. Chacun de ces délits était passible de la peine de mort.
Paul devant Félix
Devant Antonius Félix, le procureur romain de la Judée, Paul réfute les accusations du grand-prêtre Ananie
Félix avait assez d'expérience pour voir clair dans le jeu de «l’honorable grand prêtre» et des membres du Sanhédrin. Il se tourna vers Paul, curieux d’entendre ce qu'il dirait. Celui-ci parla avec sagesse et ramena la situation sur le terrain du droit religieux. «Voilà de nombreuses années que tu as cette nation sous ta juridiction; aussi est-ce avec confiance que je plaiderai ma cause.» Paul laisse ainsi sous-entendre : «Tu les connais bien!». Et alors il réfute l'accusation point par point, en insistant sur le fait qu'il n'est pas infidèle à la religion de ses pères qui professent la foi messianique. Son approche religieuse, contrairement à celle des Sadducéens, se situe sur le terrain de la Loi et des Prophètes. Son enseignement sur la résurrection est celle du judaïsme, religion protégée par l'État; donc on ne peut lui reprocher de favoriser une «religion illicite». Il s’agit donc de divergences à l'intérieur des frontières de la religion juive, ce qui n’intéresse pas les Romains.
Ce plaidoyer est la première apologie officielle du christianisme devant le pouvoir de Rome.
Les chrétiens du premier siècle adopteront ce point de vue et l’utiliseront pendant de longues années. Pour les tribunaux romains, la différence essentielle entre le judaïsme et le christianisme n'existait pas encore. Ce n'est que plus tard, à la fin du règne de Néron, que les Juifs commenceront à accuser le fondateur du christianisme d’avoir été crucifié «parce qu’il était opposé à César». La justice romaine acceptera alors la différence entre les deux religions et ce point de vue juridique sera reçu définitivement par l’empereur Domitien qui déclenchera les grandes persécutions.
À la suite de la rencontre avec la Sanhédrin, Félix donna ordre de rendre l'emprisonnement de Paul aussi supportable que possible (custodia militaris). Il sera gardé dans la prison du palais mais, sa captivité sera sans dureté inutile. Ses fidèles pourront le visiter et prendre soin de lui.
Paul espérait qu’après un certain temps la pression de Jérusalem prendrait fin et qu’il serait libéré. Or toutes les informations qui parvenaient à Félix prouvaient que la situation de Paul préoccupait toujours les juifs purs et durs ainsi que les Judéo-chrétiens. Il semble y avoir eu une alliance malsaine entre ces deux groupes très différents. Les rapports étroits entre le grand prêtre et Jacques, le frère de Jésus, permettent d'en venir à cette conclusion. De temps à autre, Félix faisait à Paul de légères allusions à une rançon. Derrière le soi-disant intérêt religieux, se cachait la cupidité, si caractéristique de nombreux serviteurs de l’État.
carte du 4e voyage
Voyage de la Captivité
La détention à Césarée durait déjà depuis deux ans et la situation de Paul n'aurait pas changé si, en raison d'un incident sanglant, les événements ne s'étaient précipités. Césarée était une ville où Juifs et Grecs jouissaient des mêmes droits. Il y avait cependant souvent des affrontements entre les deux groupes. Au cours d'une mêlée, les Grecs furent battus et Félix intervint pour ordonner aux Juifs d'évacuer la rue. Sur leur refus, la cohorte passa à l'attaque, provoqua un massacre et brûla plusieurs maisons juives. Leur cri de révolte parvint jusqu'à Rome, où ils jouissaient d'une grande influence. Dans ses Antiquités, Flavius Josèphe dénonce la mauvaise administration et l’antisémitisme de Félix. Cette fois, il avait dépassé les bornes. Pallas parvient à lui sauver la vie, mais en 60, il fut remplacé par Porcius Festus.
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53 - «Caesarem appello!» - «J’en appelle à César!»
J'en appelle à César
"J'en appelle à César!"
Le nouveau procureur Porcius Festus, arrivé à Césarée au début de l'automne 60, descendait d'une famille de Tusculum près de Rome et faisait partie de l'ancienne noblesse. On louait sa fermeté, sa droiture et sa conscience professionnelle. Après trois jours à Césarée, il monta à Jérusalem, pour prendre contact avec les autorités juives et y organiser une session de tribunal, afin de liquider les procès arriérés. À cette occasion, le nouveau grand-prêtre Ismaël ben Phabi, nommé par Hérode Agrippa II, accompagné de nombreux membres du Sanhédrin, vinrent le rencontrer. Au sein de cet organisme juif, il existait une compétition féroce entre les diverses familles pour l’obtention de la plus haute dignité du pays. La corruption généralisée faisait du ravage. Dans un texte talmudique, on peut lire : «Malheur à moi à cause de la maison d’Ismaël ben Phabi, malheur à moi à cause de sa violence. Ils sont grands-prêtres, leurs fils sont trésoriers, leur beaux-fils gardiens du Temple, et leurs valets fustigent le peuple.»
Lors de cette première rencontre, Portius Festus se rendit compte que les deux dernières années n'avaient pas apaisé la haine du Sanhédrin envers Paul. On exigeait, comme preuve de la bonne volonté du procureur, la remise de l'Apôtre entre les mains du tribunal religieux de Jérusalem : «Ils sollicitaient comme une faveur que Paul fut transféré à Jérusalem; ils préparaient un guet-apens pour le tuer en chemin». (Actes 25, 3) Cependant Festus n'était pas aussi inexpérimenté qu'on le croyait. Il répondit au Sanhédrin que Paul devait rester en prison à Césarée : «Que ceux d’entre vous qui ont qualité descendent avec moi et, si cet homme est coupable en quelque manière, qu’ils le mettent en accusation» (Actes 25, 6)
Porcius Fortus
Passant en jugement devant Portius Festus, le nouveau procureur de Judée, Paul se prévaut de sa citoyenneté romaine pour échapper à l'injustice du Sanhédrin..
Dix jours plus tard, une nouvelle rencontre eut lieu à Césarée. Ce fut pour Festus un spectacle dégoutant d’être confronté à une foule fanatique qui hurlait des menaces, injuriait le prisonnier et exigeait sa mort. Paul déclara alors : «Je n'ai commis de délit ni contre la Loi des juifs, ni contre le Temple, ni contre l'empereur.» (Actes 25, 8) Festus lui demanda : «Veux-tu monter à Jérusalem pour y être jugé là-dessus en ma présence?» Avec rapidité, Paul évita le piège tendu par le Sanhédrin : «Je suis devant le tribunal de César; c'est là que je dois être jugé. Je n’ai fait aucun tort aux Juifs, tu le sais très bien toi-même. Mais si je suis réellement coupable, si j’ai commis quelque crime qui mérite la mort, je ne refuse pas de mourir. Si, par contre, il n’y a rien de fondé dans les accusations de ces gens-là contre moi, nul n’a le droit de me céder à eux. J’en appelle à César.» (Actes 25, 10-11)
Il s’agissait d’un véritable coup de théâtre ! La délibération qui a suivi a du être turbulente et orageuse. Quand le conseil reprend place, le procureur tranche : «Tu en appelles à César : tu iras devant César.»
Le droit romain connaissait, depuis l’empereur Auguste, la possibilité d'un appel pendant la procédure, et non pas comme chez nous, après le jugement. Cet appel n'empêchait pas seulement la condamnation, mais aussi l'acquittement du condamné. Un citoyen romain avait toujours et partout le droit d’être jugé par un tribunal impérial. «Caesarem appello!», deux mots magiques. Cette cour de justice suprême inspirait la plus haute confiance. Dès qu'un citoyen romain prononçait ces paroles, tous les tribunaux du monde perdaient immédiatement leur compétence. Il s'agissait donc maintenant de faire conduire Paul à Rome, sous escorte militaire. Le procureur devait donner au prisonnier une lettre explicative de son cas.
Paul et Agrippa
À la demande de Festus, Paul comparait devant le roi Agrippa II et sa soeur Bérénice (qui reconnaissent son innoncence).
Festus fut aidé en cela par l'arrivée d’Hérode Agrippa II, roi de la Palestine du Nord, qui vint quelques jours plus tard, avec sa soeur Bérénice, faire une visite de courtoisie au nouveau procureur. Agrippa avait une grande influence à Rome. Il avait d’ailleurs contribué à la nomination de celui-ci au poste de procureur. Plus que n'importe qui, il était capable d'assister Festus de ses conseils, dans cette affaire compliquée. De naissance, il était Juif, mais Romain par son éducation et sa culture. Sur les monnaies, il se faisait appeler «Philocaesar-Philoromanos » c'est-à-dire ami de César et ami des Romains. Dans un but politique, il avait fait des études sur la religion juive, et partout on le considérait comme expert en la matière. Il était le représentant du judaïsme de cette époque. C’est lui qui nommait le grand-prêtre et contrôlait le trésor du Temple, deux responsabilités très lucratives.
Le roi Agrippa se faisait accompagner partout de sa célèbre soeur Bérénice, qui avait abandonné son mari, le très riche potentat cilicien Polémon. Depuis, les deux régnaient ensemble comme roi et reine, ce qui donnait lieu à toutes sortes de rumeurs. À Césarée, leur soeur Drusille avait été, quelques mois auparavant, la maîtresse du lieu et, 16 ans plus tôt, leur père était mort des suites d'une terrible maladie. C'est la seule dynastie de l'histoire, dont les représentants se soient trouvés en relation étroite avec Jésus: l’arrière-grand-père fut le meurtrier des enfants innocents de Bethléem, le grand-oncle l'assassin de Jean-Baptiste; le père l'égorgeur de l’apôtre Jacques et le persécuteur de Pierre.
Festus considérait Paul comme un fanatique religieux, d’où son exclamation : «Tu es fou Paul, ton grand savoir te fait perdre la tête». Avec une grande politesse, Paul lui répond : «Je ne suis pas fou, très excellent Festus, mais je parle un langage de vérité et de bon sens. Car il est instruit de ces choses, le roi Agrippa, auquel je m’adresse en toute assurance, persuadé que rien ne lui est étranger. Car ce n’est pas dans un coin ignoré que cela s’est passé.» (Actes 26, 24-26)
Agrippa dit alors à Festus : «On aurait pu relâcher cet homme, s'il n'en avait pas appelé à César.» (Actes 26, 32) Le procureur composa un compte rendu favorable à Paul, ce qui contribuera beaucoup à son acquittement par Néron, deux ans plus tard à Rome.
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54. De Césarée à Malte
Après la rencontre avec le Sanhédrin, le procureur Festus décida d’envoyer Paul à Rome avant la «saison de la mer close», avant que la navigation ne soit interdite.
embarquemen risqué
En route vers Rome, Paul entreprend son dernier voyage en mer. Un voyage qui sera épouvantable!
Escale à Sidon
Le bateau fait escale à Sidon; avec la bienveillance du centurion, Paul a la joie d'y rencontrer la communauté chrétienne.
tempête en mer
Comme Paul l'avait prévu et prévenu, un ouragan violent s'élève et secoue dangereusement le bateau
Bateau ballotté
Pendant quatorze jours et quatorze nuits, les voyageurs sont ballottés sur une mer en furie.
Paul et d'autres prisonniers furent placés sous la garde du centurion Julius, de la cohorte Augusta, l'une des cinq cohortes cantonnées dans le port de Césarée. Julius était bienveillant à l'égard de Paul et il permit à ce dernier de se faire accompagner de ses trois amis : Luc, Aristarque et Timothée. Seuls les prisonniers de marque obtenaient parfois une telle permission. Dans le texte, Luc utilise de nouveau le fameux «nous», signifiant ainsi qu’il faisait partie du voyage.
Arrivés à Sidon, le centurion permit à Paul de visiter la communauté chrétienne. Au port de Myre, on changea de bateau et les passagers montèrent à bord d'un grand navire de la flotte égyptienne affectée au transport du blé. Le bateau contourna avec difficulté l'île de Rhodes, et finit par aborder à Bons-Ports, en Crète. Luc nous dit que la fête du Yom Kippour était passée, ce qui veut dire que c’était l'époque des tempêtes suivant l'équinoxe d'automne.
On réunit un conseil pour décider si l’on devait reprendre la mer ou si, au contraire il était préférable de passer l'hiver là où on se trouvait. Paul, «le citoyen romain», bien que prisonnier, fut admis à cette réunion. Il déconseilla fortement de poursuivre le voyage : «Mes amis, je vois que la navigation n’ira pas sans péril et sans grave dommage non seulement pour la cargaison et le navire, mais même pour nos personnes» (Ac 27, 10). On courait de grands risques en s’aventurant sur la mer en cette période de tempêtes. Malgré ses réticences, la décision fut prise de poursuivre le voyage et de quitter l’abri de Beaux-Ports sur la côte sud de la Grèce. Ce que Paul avait prévu arriva. Une violente tempête se déchaîna et tous les passagers crurent qu’ils seraient engloutis par les flots.
Le bateau secoué par un ouragan du nord-est partit à la dérive vers la petite île de Cauda. Au troisième jour de tempête, toute la cargaison a dû être jetée à la mer afin de manoeuvrer plus facilement. On ne voyait rien, ni le soleil, ni les étoiles, ni la côte, et l'espoir de survie était bien mince. Dans cette situation désespérée, Paul rassura tout le monde : «Je vous invite à avoir bon courage, car aucun de nous y laissera la vie, le navire seul sera perdu. Cette nuit en effet m’est apparu un ange du Dieu auquel j’appartiens et que je sers, et il m’a dit : «Sois sans crainte, Paul, il faut que tu comparaisses devant César, et voici que Dieu t’accorde la vie de tous ceux qui naviguent avec toi. Courage donc, mes amis! Je me fie à Dieu de ce qu’il en sera comme il m’a dit». (Actes 27, 22-24)
Pendant quatorze jours et quatorze nuits, les voyageurs furent ballottés sur la mer que les Anciens appelaient «l'Adria», entre la Grèce et la Sicile. Soudain, après ces longs jours de tempête, vers le milieu de la nuit, un matelot s’écria : «Terre ! La terre est proche». À travers les mugissements des eaux, il avait entendu le grondement des vagues se brisant contre des écueils. Rapidement, on jeta la sonde et, afin d’arrêter le navire dans sa course folle et l'empêcher de se briser sur un écueil, on laissa filer les ancres.
Pour les matelots embauchés au hasard - hommes de toutes provenances : bagnards échappés de prison, esclaves en fuite, désoeuvrés sans travail, révoltés, mécontents, aventuriers -, le navire et la vie des voyageurs importaient peu. Dans l'obscurité, Paul entendit un chuchotement et un bruit suspect. Un groupe de matelots tentait de descendre la chaloupe de sauvetage, pour se sauver en abandonnant les passagers à leur destin. Paul se précipita chez le centurion, et lui fit part des intentions de l'équipage : «Si ceux-là ne restent pas sur le vaisseau, vous ne pouvez être sauvés». Aussitôt Julius donna ordre à ses soldats de couper les amarres de la chaloupe. C'est ainsi qu'on assura l'union des forces, si indispensable au salut de tous.
Naufrage de Paul
Ce qui devait arriver, arriva! Le bateau échoua sur l'île de Malte et se disloqua sous les vagues de la mer.
le bateau échoue
Heureusement, les gens de l'îles firent bon accueil aux naufragés
Paul échappe à la morsure d'un serpent
Pendant qu'il alimentait un feu sur la plage, Paul fut mordu par un serpent. Mais, par miracle, la morsure n'eut aucun effet.
Le jour venu, on ne parvient pas à reconnaître la terre qui apparaissait à l’horizon. Ayant repéré une petite baie, les matelots laissèrent glisser le bateau jusque sur la plage. Le vent le poussa sur un banc de sable et le bateau se disloqua sous les vagues de la mer. Les soldats qui étaient responsables des prisonniers en cas d'évasion, eurent un instant l’intention de les tuer afin que nul ne puisse s’échapper, mais le centurion, qui voulait sauver Paul, s'y opposa et ordonna à ceux qui savaient nager de gagner la terre. Les autres n'avaient qu'à s'accrocher à des épaves flottantes. Tous abordèrent sains et saufs.
Ils s'étaient échoués sur l’île de Malte. Les gens de l’île firent bon accueil aux naufragés et allumèrent un grand feu afin de sécher et de réchauffer ces hommes épuisés par quatorze jours de lutte contre la mer déchaînée. Paul avait ramassé une brassée de bois mort et la jetait dans le feu lorsque la chaleur en fit sortir une vipère qui s'accrochait à sa main. À la vue du reptile, les habitants de l'île, qui n'ignoraient pas le statut de prisonnier de Paul, se disaient les uns aux autres: «Pour sûr, c’est un assassin que cet homme : il vient d’échapper à la mer, et la vengeance divine ne lui permet pas de vivre.» (Actes 28, 4). Mais l'Apôtre, secouant la main, jeta la vipère dans le feu, sans faire attention à la morsure dont il avait été l'objet. Les Maltais s'attendaient à le voir tomber mort, mais après une longue attente, ils constatèrent qu'il ne lui arrivait rien d'anormal.
Près du lieu du naufrage, certaines terres appartenaient au gouverneur de l'île, Publius. Paul et ses compagnons furent reçus chez lui pendant trois jours et traités comme des invités de marque. Le père de Publius était malade. Paul lui imposa les mains et le guérit. Suite à cette guérison de nombreux malades vinrent demander à l'Apôtre de les guérir à leur tour, ce qu'il fit volontiers.
Avant de s’échouer sur Malte, le bateau avait parcouru près de huit cent cinquante kilomètres depuis le départ de Crète. Une fois sur l’île, il fallut attendre plus de trois mois, c’est-à-dire jusqu’au printemps, avant de repartir.
Les pieux Maltais croient encore aujourd’hui, que ce fut grâce à la prière de saint Paul que les serpents venimeux ont disparu de leur île. De nos jours encore, le 10 février, ils célèbrent avec ferveur la «Fête du naufrage».
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55. De Malte à Rome
Voyage4, de Malte à Rome
De Malte à Rome, en passant par Syracuse, Reggio et Pouzzoles.
Le port de Pouzzoles en Italie
L'ancien port de Pouzzoles, dans le golfe de Naples, près du Vézuve
Vésuve
L’éruption du Vésuve, par Turner
Après avoir passé l’hiver à Malte, l’équipage et les passagers qui s’étaient échoués sur l’île trois mois plus tôt s’embarquent sur le navire «le Castor et Pollux», en partance pour Pouzzoles, dans le golfe de Naples. Ils s’arrêtent pendant trois jours à Syracuse. De là, après une escale à Rhegium (Reggio di Calabria), à la pointe extrême de la botte d'Italie, ils atteignent Pouzzoles. Pendant que le navire approche du port, les passagers peuvent admirer longuement le Vésuve fumant. Deux ans plus tard, en 63, une grande partie de la ville de Pozzoles sera détruite par le volcan. On procéda à quelques reconstructions, mais lors de la grande éruption du 24 août 79, une couche épaisse de lave brûlante recouvrira les villes voisines de Pompéi et d’Herculanum. La vie s’arrêta brusquement et ces villes restèrent figées sous les cendres volcaniques pendant des siècles.
Pouzzoles était un port très achalandé : marchands de blé, esclaves au travail, chantiers de toutes sortes, entrepôts et hangars pleins de marchandise, animaux exotiques - lions, panthères, tigres, etc. – destinés aux prochains jeux de Pouzzoles et de Rome. Certains compagnons de captivité de Paul seront condamnés à ces jeux sanglants de l'arène, destinés à amuser les Romains.
Les passagers du Castor et Pollux resteront à Pouzzoles pendant une semaine. Julius permit à Paul de demeurer chez les chrétiens de la ville où il put se remettre d'un voyage long et exténuant. Ce temps de repos permis d’avertir l’Église de Rome de l'arrivée de l'Apôtre.
À partir de Pouzzoles, les voyageurs de Césarée continuent à pied, à travers une région souvent marécageuse et pleine de moustiques. Pour rejoindre Rome en passant par Capoue, il fallait parcourir plus de deux cent cinquante kilomètres. On empruntait d'abord la Via Campana jusqu’à Capoue pour prendre ensuite la Via Appia, la plus vieille Voie romaine, ouverte en 312 av. J.-C.
À partir du 4e siècle, pour des raisons stratégiques, les Romains dotèrent l’Empire d’un réseau routier important. Ils construisirent des routes dans l’ensemble du monde romain. Au temps de Paul, plus de 350 routes couvraient une distance de 80 000 km. À chaque «mille» (1472 mètres), on érigeait un «milliaire», borne de pierre haute d’environ un mètre, indiquant les distances entre deux villes. Il n’existait alors aucun transport public et chacun, selon sa condition sociale, choisissait son mode de locomotion. La plupart des voyageurs circulaient à pied en se regroupant pour affronter les dangers du trajet, en particulier les attaques de bêtes sauvages et les pièges de troupes de brigands qui faisaient la loi dans les régions isolées. Les gens qui en avaient le moyen voyageaient en voiture ou à cheval.
Roma Appia
Via Appia, la plus ancienne de l'imposant réseau routier construit par les Romains.
De Pouzzoles à Rome, les voyageurs de Césarée firent le trajet à pied
C'est sur la Voie appienne, à soixante kilomètres de Rome, que Paul eut l’agréable surprise de rencontrer la première délégation de la communauté romaine. Aquila et Priscille étaient peut-être parmi ces chrétiens venus au-devant du groupe de prisonniers. Puisque Marc mentionne, dans son évangile, les deux fils de Simon de Cyrène, Alexandre et Rufus, comme étant des personnages bien connus à Rome, et que Paul leur adresse une salutation spéciale dans sa lettre aux Romains, il nous est permis de croire qu’ils étaient du nombre des envoyés. Les membres de cette délégation accompagneront Paul et ses compagnons pendant les derniers jours du voyage.
Sur les hauteurs de Velitrae (Velletri), lieu d'origine de la maison impériale de César Auguste, les voyageurs foulèrent le sol des Monts Albains. Selon les Actes apocryphes, on passa la dernière nuit à Aricia. Ils atteignirent ensuite le Latium, nom qu'on ne peut prononcer sans une émotion profonde. De cette terre aride sortit le génie latin de Rome qui, en s'alliant à la culture de la Grèce et à celle du christianisme, devait créer la civilisation de l'Occident. Paul était le porteur de la pensée chrétienne et l'artisan de l'alliance des trois cultures qui devaient s’unir pour donner naissance à notre propre culture.
Le groupe longea les lacs de Nemi et d'Albano, entourés d’élégantes villas. Non loin de là, on pouvait voir la résidence de Sénèque, ce noble homme d'État qui, quelques années plus tard, devait se couper les veines sur l'ordre de Néron. La Campagna romana, avec son caractère mélancolique, s'étendait sous leurs yeux. C'était un lieu de combats, un cimetière de peuples, une terre de lutte et de combat. Le long de la Voie Appia, tous purent contempler l’aqueduc de Claude récemment achevé et les magnifiques tombeaux qui longeaient la voie romaine.
Arrivés aux «Trois Tavernes», un deuxième groupe, de caractère plus officiel, composé sans doute de chefs de l'Église de Rome, attendait l’Apôtre des Nations :
«Les frères de Rome, informés de notre arrivée, vinrent à notre rencontre jusqu’au Forum d’Appius et aux Trois Tavernes.» (Actes 28, 15)
Julius et toute la caravane furent les témoins de ces salutations solennelles. Leur respect vis-à-vis l’illustre prisonnier grandissait de jour en jour.
C'est par la porte Capena qu'ils pénétrèrent dans la ville de Rome. On est tout près du Circus Maximus et des palais impériaux. Voilà donc que les longs voyages de Paul l'avaient conduit au centre du monde. Enchaîné et au milieu d'autres prisonniers, il entre dans la ville de Rome.
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56.Paul s'installe à Rome
Selon saint Irénée, le jour où Paul entra à Rome est l'un des plus importants de l'histoire du christianisme.
Rome et son forum au temps de Paul
Rome, au temps de Paul, avait quelques monuments imposants - (comme le forum et des palais sur les collines du Palatium, du Capitole et du Quirinal) - mais la ville dans son ensemble était laide, surpleuplée, tortueuse, insalubre et insécure.
Maquette de la Rome antique
Au temps de Constantin (4e s.) la plus grande ville du monde sera bien différente.
Rome compte alors un million d'habitants qui s'entassent dans des rues étroites et tortueuses avec tout ce que cela suppose de promiscuité, insalubrité, bruit assourdissant et insécurité. La circulation est difficile et la violence règne dans toute la ville. Ce ne sera que quelques années plus tard, après l'incendie de 64, que naîtra un véritable projet d'urbanisme.
Dans le quartier des affaires, à cause de l'étroitesse des rues, du manque d'air, des détritus que l'on jette par la fenêtre et du danger continuel d'incendie, les logements étaient dilapidés et malsains. Le cours du fleuve Tibre n'était pas régularisé et les inondations fréquentes provoquaient des épidémies meurtrières. Là où se trouve la cité du Vatican, s'élevait alors le Cirque de Néron, avec ses obélisques égyptiens, et ses spectacles sanglants de gladiateurs et de condamnés aux bêtes sauvages. Très bientôt, le carnage de chrétiens mis à mort fournira au peuple le spectacle toujours renouvelé du massacre de victimes innocentes et sans défense. Le Colisée n’avait pas encore été construit, et sur la place publique, on pouvait admirer une gigantesque statue de Néron, statue que les Romains appelaient le Colosse (Colosseum). Ce nom sera ensuite donné à l’amphithéâtre construit par l’empereur Flavien après la mort de Néron. Rome était approvisionnée d’eau potable par trois célèbres aqueducs : l'Aqua Appia, l’Aqua Claudia et l’Aqua Marcia qui s'étiraient à travers le paysage jusqu’aux collines environnantes. Mise à part la splendeur du Forum et des Palais de l’Empereur, Rome était une ville laide, sale et malodorante.
Rome va aussi changer
sur le plan religieux.
Avec l'arrivée de Paul
l’Église de Rome devient
la fondation commune
des deux apôtres
Pierre et Paul.
La Voie Appienne qui débouchait sur la ville était la voie funéraire la plus monumentale du monde. Comme il était interdit d’inhumer les dépouilles des défunts à l’intérieur des murs, on construisait les tombeaux le long des voies romaines, à la sortie des villes. Le culte des morts restait chez les Romains le fondement de la vie religieuse. Ce culte reflétait aussi la vanité des familles nobles et leur désir d’étaler leurs richesses aux yeux de tous. Encore aujourd’hui le tombeau de Cecilia Metella nous surprend et nous épate. Les Anciens ne savaient rien d'un repos dans la mort et ils désiraient la compagnie des vivants. Le long de la route, Paul a pu lire sur un monument : «T. Lollius Masculus repose ici à côté du chemin, pour que les passants disent : Lollius, salut».
De sa prison, à Rome, Paul écrit aux Colossiens
Malgré qu'il soit enchaîné et toujours accompagné d'un soldat, Paul bénéficie d'une certaine liberté à Rome; on l'autorise à se louer un logis et il continue d'annoncer la Bonne Nouvelle et de consolider les communautés.
Une fois arrivés à Rome, le centurion remit les prisonniers au commandant de la place. Le préfet des prétoriens et chef de la police impériale, était depuis dix ans le noble Burrhus, un général expérimenté, un homme d'État avisé, aimé du peuple. C’était l'homme le plus puissant après l'Empereur. Lui et Sénèque, avaient été les éducateurs du jeune Néron, et jusqu'à présent ils avaient réussi à maîtriser ses mauvaises dispositions. Burrhus était également le premier juge d'instruction dans les affaires pénales relevant de l'Empereur. La lettre officielle de Festus, le procureur de Césarée, et le compte rendu oral du centurion étaient très favorables à Paul. Burrhus donna ordre de le traiter avec humanité et lui accorda le privilège de la «custodia libera», le genre d'emprisonnement le moins rigoureux. Paul, toujours dans les chaines, pouvait se louer un logis tout en étant continuellement accompagné d’un soldat de garde.
«Quand nous fûmes entrés dans Rome, on permit à Paul de loger dans un appartement particulier avec le soldat qui le gardait.» (Actes 28, 16)
L'Église romaine se fera un honneur de supporter les frais de loyer et d'entretien de son Apôtre.
Bénéficiant d’une liberté relative, Paul trouva un domicile près du mont Palatin. Très vite, il réunit chez lui les chefs de la population juive de Rome dans l'intention d'obtenir leur soutien face à Jérusalem. Il faut lire attentivement l'étrange mise au point qu'il leur adresse :
«Trois jours après, il convoqua les notables juifs. Lorsqu’ils furent réunis, il leur dit : Frères, alors que je n’avais rien fait contre notre peuple ni contre les coutumes des pères, j’ai été arrêté à Jérusalem et livré aux mains des Romains. Enquête faite, ceux-ci voulaient me relâcher, parce qu’il n’y avait rien en moi qui méritait la mort. Mais comme les Juifs s’y opposaient, j’ai été contraint d’en appeler à César, sans pourtant vouloir accuser en rien ma nation. Voilà pourquoi j’ai demandé à vous voir et à vous parler; car c’est à cause de l’espérance d’Israël que je porte les chaînes que voici.» (Actes 28, 17-20)
La réponse des juifs est claire :
«Pour notre compte, nous n’avons reçu à ton sujet aucune lettre de Judée, et aucun des frères arrivés ici ne nous a rien communiqué ni appris de fâcheux sur ton compte. Mais nous voudrions entendre de ta bouche ce que tu penses; car, pour ta secte, nous savons bien qu'elle rencontre partout de l'opposition.» (Actes 28, 21-22)
Paul leur propose alors de poursuivre la discussion au sujet de ce que les Juifs qualifiaient de secte :
«Ils prirent donc rendez-vous avec lui et vinrent en plus grand nombre le trouver à son logis. Dans l’exposé qu’il leur fit, il rendait témoignage du Royaume de Dieu et cherchait à les persuader au sujet de Jésus, en partant de la Loi de Moïse et des prophètes. Cela dura depuis le matin jusqu’au soir. Les uns se laissaient persuader par ses paroles, les autres restaient incrédules. Il se séparèrent sans être d’accord entre eux.» (Actes 28, 23-25)
La prédication de Paul, son auditoire qui se renouvelle sans cesse, ses amis qui le rejoignent - Luc et Aristarque, Timothée, Thycicus, Dénias, Marc, Épaphras et Epaphrodite -, aidèrent cet homme d’action à supporter ces deux années de garde à vue. Il était en contact avec les Églises qu'il avait fondées et demeurait attentif à leur persévérance. Exempté de prison, il restait tout de même chargé de chaînes. Les Actes de Paul, un écrit plus tardif, évoquent le domicile particulier dont il disposait à Rome : «Une grange dans laquelle il enseignait la parole de vérité, en compagnie des frères.»
Avec la détention de Paul à Rome, Luc termine son récit des Actes des Apôtres de façon abrupte. :
«Paul demeura deux années entières dans le logis qu’il avait loué. Il recevait tous ceux qui venaient le trouver, proclamant le Royaume de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ avec pleine assurance et sans obstacle.» (Actes 28, 30-31)
Rien de plus. Nous verrons plus tard le sens de cette fin inusitée du volume de Luc.
Saint Paul, par El GrecoSaint Paul, par El Greco
Avant de retourner à Jérusalem, Paul admet qu'il redoute les dangers de cette visite : "Je vous le demande, frères, par notre Seigneur Jésus Christ et par la charité de l'Esprit, luttez avec moi dans les prières que ous adressez à Dieu pour moi, afin que j'échapp aux incrédules de Judée et que le secours que j'apporte à Jérusalem soit bien accueilli par les sains. Et qu'ainsi venant à vous (à Rome) dans la joie, Dieu veuille me faire goûter avec vous quelque repos. (Romains 15, 30-33)
Plus Paul approche de Jérusalem et plus son angoisse grandit. Les Juifs et les Judéo-chrétiens le haïssent, et ils sont tout-puissants dans la ville sainte.
À Assos, sur la côte nord du golfe d'Edremit, Paul et ses compagnons se partagent la collecte. L’historien Flavius Josèphe mentionne les règles à suivre lorsqu’on transporte des sommes d’argent importantes : on réduit les différentes monnaies en or que l'on répartit entre les porteurs. Les pièces sont alors cousues dans les vêtements de chacun.
Grâce au récit des Actes des Apôtres, nous connaissons les étapes du voyage de Paul et de ses compagnons : d'Assos, le bateau se dirige sur Mytilène, port de la grande île de Lesbos, d'où il gagne l'île de Chio, patrie d'Homère. Une étape à Samos, une escale à Trogyllion et l'on arrive à Milet. Ce sera la dernière escale de Paul en terre d’Asie.
Plus Paul approche de
Jérusalem et plus son
angoisse grandit. Les Juifs
et les Judéo-chrétiens
le haïssent, et ils sont
tout-puissants dans la
ville sainte
À Milet, située à quelques kilomètres d’Éphèse où il a passé trois ans de sa vie, Paul décide de ne pas se rendre dans la ville : «il était décidé à éviter l'escale d'Éphèse pour ne pas perdre de temps en Asie», écrit Luc. (Actes 20, 16) La vérité est qu’il a peur d’être agressé à Éphèse. Il souhaite quand même rencontrer certains de ses fidèles et leur demande de le rejoindre à Milet. Luc s'applique à reconstituer ses propos adressés à ceux et celles qui viennent le rencontrer. Les anciens de la communauté se rendent au port de Milet pour voir leur apôtre une dernière fois. La scène des adieux est l’un des tableaux les plus émouvants du journal de Luc :
«Et maintenant voici qu’enchaîné par l’Esprit je me rends à Jérusalem, sans savoir ce qui m’y adviendra, sinon que, de ville en ville, l’Esprit Saint m’avertit que chaînes et tribulations m’attendent. Mais je n’attache aucun prix à ma propre vie, pourvu que je mène à bonne fin ma course et le ministère que j’ai reçu du Seigneur Jésus : rendre témoignage à l’Évangile de la grâce de Dieu.
«Et maintenant voici que, je le sais, vous ne reverrez plus mon visage, vous tous au milieu de qui j’ai passé en proclamant le Royaume. C’est pourquoi je l’atteste aujourd’hui devant vous : je suis pur du sang de tous. Car je ne me suis pas dérobé quand il fallait vous annoncer toute la volonté de Dieu. Soyez attentifs à vous-mêmes, et à tout le troupeau dont l’Esprit Saint vous a établis gardiens pour paître l’Église de Dieu, qu’il s’est acquise par le sang de son propre fils.
«Je sais moi, qu’après mon départ il s’introduira parmi vous des loups redoutables qui ne ménageront pas le troupeau, et que du milieu même de vous se lèveront des hommes tenant des discours pervers dans le but d’entraîner les disciples à leur suite. C’est pourquoi soyez vigilants, vous souvenant que, trois années durant, nuit et jour, je n’ai cessé de reprendre avec larmes chacun d’entre vous. Et maintenant, à présent je vous confie à Dieu et à la parole de sa grâce, qui a le pouvoir de bâtir l’édifice et de procurer l’héritage parmi tous les sanctifiés.
«Argent, or, vêtements, je n’en ai convoité de personne : vous savez vous-mêmes qu’à mes besoins et à ceux de mes compagnons ont pourvu les mains que voilà. De toutes manières je vous l’ai montré : c’est en peinant ainsi qu’il faut venir en aide aux faibles et se souvenir des paroles du Seigneur Jésus, qui a dit lui-même : il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir.
Intense est l'émotion:
«À ces mots, se mettant à genoux, avec eux tous il pria. Tous alors éclatèrent en sanglots, et, se jetant au cou de Paul, ils l’embrassaient, affligés surtout de la parole qu’il avait dite : qu’ils ne devaient plus revoir son visage. Puis ils l’accompagnèrent jusqu’au bateau.» (Actes 20, 22-38)
carte du 3e voyage de PaulPaul et ses compagnons s’embarquent et les vents sont favorables jusqu'à Cos. Le lendemain on atteint Rhodes et, le troisième jour, Patara. Comme le bateau sur lequel ils voyagent poursuit sa route vers une autre destination, ils continuent sur un bateau marchand qui se rend à Tyr où ils débarquent après six ou sept jours de navigation. Une Église chrétienne y existe déjà et elle exprime, en accueillant Paul, une inquiétude sur son sort.
À chaque étape on voudrait l'empêcher de monter à Jérusalem mais toujours
en vain.
Chacun tente de le convaincre à ne pas se rendre à Jérusalem. Au bout d’une semaine, il prend congé à bord d’une embarcation qui se dirige vers Ptolémaïs, là où au 12e siècle s'élèvera la forteresse de Saint-Jean-d'Acre des croisés. De là, Paul et les siens repartent pour Césarée, une marche de deux jours (cinquante-cinq kilomètres). Pendant environ une semaine, ils séjournent chez Philippe, l'un des sept diacres.
Poussé par l'Esprit, le prophète Agabus, que Paul a bien connu à Antioche, descend de Jérusalem pour l'empêcher de continuer son voyage :
«Comme nous passions plusieurs jours à Césarée, un prophète du nom d’Agabus descendit de Judée. Il vint nous trouver et, prenant la ceinture de Paul, il s’en lia les pieds et les mains en disant : «Voici ce que dit l’Esprit Saint : L’homme auquel appartient cette ceinture, les Juifs le lieront comme ceci à Jérusalem, et ils le livreront aux mains des païens.»
À ces paroles, les compagnons de Paul et les chrétiens de l’endroit se mirent à le supplier de ne pas monter à Jérusalem. Alors il répondit :
«Qu’avez-vous à pleurer et à me briser le coeur? Je suis prêt, moi, non seulement à me laisser lier, mais encore à mourir à Jérusalem pour le nom du Seigneur Jésus.»
Comme il n’y avait pas moyen de le persuader, nous avons cessé nos instances en disant : «Que la volonté du Seigneur se fasse!» (Actes 21,10-14).
Dans le récit des Actes, tout le trajet de Milet à Jérusalem tient à la fois d’une procession triomphale et d’un cortège de deuil. Partout les Églises accueillent Paul avec chaleur, dans une atmosphère de fête mêlée d'inquiétude. À chaque étape on voudrait l'empêcher de monter à Jérusalem mais toujours en vain.
L'Église officielle de Jérusalem
n'a pas offert l'hospitalité au
plus grand de ses Apôtres.
La caravane entama la dernière étape du voyage. Quelques disciples de Césarée l'accompagnèrent jusqu'à la ville sainte. Paul trouva un refuge dans la maison d'un ancien disciple du Seigneur nommé Mnason. L'Église officielle de Jérusalem n'a pas offert l'hospitalité au plus grand de ses Apôtres.
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50- Le conseil fatal
Paul arrêté
Comme il l'avait prévu, Paul trouve à Jérusalem un climat froid et hostile. La garde romaine doit même intervenir pour le soustraire à la colère des zélotes.
Paul et ses compagnons sont probablement arrivés à Jérusalem un peu avant la Pentecôte de l'an 57. Ils apportent les offrandes des frères de Galatie, de Macédoine et de Grèce aux chrétiens de l'Église mère.
La réception de Paul à Jérusalem semble avoir été froide et peu fraternelle. A cette occasion, Luc ne mentionne même pas le nom de la Ville Sainte et il dit simplement : «Il monta et salua la communauté.» Cette Église semblait s'isoler toujours davantage. À Jérusalem, Paul loge chez Mnason, un helléniste venu de Chypre, plutôt que chez les judéo-chrétiens. C’est un fait significatif pour Luc qui parait un peu embarrassé. Il ne mentionne même pas la remise de la collecte. Le climat n’est pas propice à Paul et à son entourage.
C’est la cinquième et dernière fois que l’Apôtre se trouve à Jérusalem depuis sa conversion.
Les zélotes et les terroristes juifs sont maîtres de la rue. Jacques est devenu vieux et n'a plus la force de s'imposer aux convertis du parti pharisien. Dans sa lettre aux Corinthiens, Clément de Rome prétend que «l'envie» fut responsable des malheurs de Paul. Il faut donc croire que Paul ait été victime d'une collaboration entre les Juifs et les Judéo-chrétiens. Les chefs de la communauté chrétienne furent certainement corrects vis-à-vis de Paul, mais ils se trouvèrent paralysés dans leur action par les ennemis de Paul qui détruisaient, dans les Églises, sa réputation.
Les Actes des Apôtres nous racontent les épisodes importants de cette visite à Jérusalem : l’arrivée dans la ville, la rencontre avec les dirigeants de l’Église, les sept jours dans le Temple, l'arrestation par les soldats romains, la comparution devant le Sanhédrin, la tentative d'assassinat, le procès à Césarée, les deux années d’emprisonnement et l'appel à César.
Selon Luc, la rencontre de Paul avec les dirigeants de l’Église de Jérusalem fut brève et décevante. En résumé, ils lui proposèrent ceci :
«Tu vois, frère, combien des milliers de Juifs ont embrassé la foi, et ils sont tous de zélés partisans de la Loi. Or, à ton sujet ils ont entendu dire que, dans ton enseignement, tu pousses les Juifs qui vivent au milieu des païens à la défection vis-à-vis de Moïse, leur disant de ne plus circoncire leurs enfants et de ne plus suivre les coutumes. Que faire donc? Assurément la multitude ne manquera pas de se rassembler, car on apprendra ton arrivée. Fais donc ce que nous allons te dire. Nous avons ici quatre hommes qui sont tenus par un voeu. Emmène-les, joins-toi è eux pour la purification et charge-toi des frais pour qu’ils puissent se faire raser la tête. Ainsi tout le monde saura qu’il n’y a rien de vrai dans ce qu’ils ont entendu dire à ton sujet, mais que tu te conduis toi aussi en observateur de la Loi.» (Actes 21,20-24).
Paul devait donc se réhabiliter en professant, pour ainsi dire publiquement, son appartenance au judaïsme traditionnel ! Il devrait passer sept jours dans le temple, avec des gens qu’il ne connaissait pas, et payer les frais importants reliés à cette purification : pour cinq naziréens, il fallait sacrifier quinze brebis, autant de corbeilles de pain, de gâteaux et de tourteaux, et plusieurs de jarres de vin; à cela venaient s'ajouter les frais de subsistance pendant sept jours. On se souvient que lors de son dernier voyage, Paul avait fait un tel voeu de Naziréat, mais de sa propre initiative. A présent, on l'obligeait à une pénitence publique. Selon les dirigeants, il pourrait ainsi se justifier vis-à-vis les Juifs, mais Paul savait que cette manoeuvre risquait d’être très mal comprise par les chrétiens venus du paganisme.
Paul accepta à contre-coeur la proposition des chefs de l’Église, mais comme le constatera Renan :
«Jamais peut-être, dans sa vie d'apôtre, il ne fit un sacrifice plus considérable à son oeuvre ... Durant ces jours d'humiliation, où, par une faiblesse voulue, il accomplissait avec des gens en haillons un acte de dévotion surannée, il était plus grand que quand il déployait à Corinthe ou à Thessalonique la force et l'indépendance de son génie. »
Les zélotes accusent Paul de profanation du Temple
On accuse Paul d'avoir profané le temple
Le Temple de Jérusalem
Les deux parties du Temple. Permettre à un païen de pénétrer dans l'enceinte sacrée au centre c'était la profaner.
Les soldats défendent Paul
Les soldats de Lysias doivent intervenir pour délivrer Paul des griffes des zélotes.
Paul parle aux zélotes
Paul demande à parler à la foule. Il tente en vain de se justifier.
Vers la fin des sept jours au Temple, des juifs d'Asie reconnaissent Paul. La colère les soulève. Ils se saisissent de lui, ameutent la foule :
«Hommes d’Israël, au secours ! Le voici l’individu qui prêche à tous et partout contre notre peuple, contre la Loi et contre ce lieu! Et voilà encore qu’il a introduit des Grecs dans le Temple et profané de lieu saint.». (Actes 21, 28)
Le Temple de Jérusalem était composé de deux parties distinctes : le parvis des gentils où chacun pouvait se rendre et l'enceinte sacrée où seuls les juifs avaient accès. Celle-ci était entourée d’un mur bas composé de pierres qui marquait la limite à ne pas franchir si l'on n'était pas juif. À plusieurs endroits on pouvait lire, en grec et en latin, cet interdit : «Défense à tout étranger de franchir la barrière et de pénétrer dans l'enceinte du sanctuaire. Quiconque aura été pris sera lui-même responsable de la mort qui s'ensuivra.» Voilà qui est catégorique. Paul est non seulement accusé de trahison envers sa religion mais - plus grave encore - d'avoir violé délibérément l'enceinte sacrée en y introduisant des païens. Il est impossible que Paul ait pu commettre une telle provocation. Pour lui le Temple reste un lieu sacré. Mais peut-être a-t-il conduit un compagnon trop près du muret et ses ennemis ont saisi l’occasion pour l’accuser.
De la forteresse, près du mur d’enceinte, les sentinelles romaines ont observé l'incident. Le tribun Lysias se précipite avec ses soldats au bas de l'escalier. Il délivre Paul, et le fait conduire à la citadelle. Le peuple suivait en criant : «À mort !» Pendant tout ce temps, Paul a gardé sa présence d'esprit. Il reste maître de la situation : «Je suis Juif de Tarse en Cilicie, et citoyen d'une ville qui n'est pas sans renom. Je t'en prie; permets-moi de parler au peuple» (Actes 21, 39), demande-t-il au tribun. Question étrange de la part d'un homme qui vient de risquer sa vie. Mais Lysias permet au prisonnier de parler à la foule. Le bruit s'apaise et Paul s’adresse à eux en araméen. Il essaye de démontrer qu’il n’est pas contre le Peuple, la Loi et le Temple, mais son discours ne réussit pas à calmer les cris de haine de la foule.
Pour apaiser quelque peu la passion populaire, l'officier donne alors l’ordre au centurion de mettre Paul «à la question», afin de connaître les raisons de la fureur populaire. L'instrument de supplice était le fouet (flagellum) muni de pointes et de balles de plomb. Paul fut déshabillé, étendu sur le chevalet, et attaché par les poignets et les chevilles. Lorsque le centurion s'approcha pour surveiller l'opération, Paul lui demanda avec calme : «Est-il légal de flageller un citoyen romain, et cela sans jugement.» Les représentants de Rome, avaient un grand respect de celui qui portait le titre de citoyen romain. «Civis Romanus sum», cette parole opérait des miracles! Le centurion se précipita chez le tribun. «Dis-moi, demande ce dernier, tu es citoyen romain? - Certainement» répondit Paul. Le faux usage de ce titre était puni de mort. Personne n'osait donc en abuser. Lysias jeta un regard interrogateur sur Paul : «Moi, j'ai acheté bien cher ce droit de cité.» Paul répliqua : «Et moi, je l'ai de naissance.» Lysias commença à se sentir mal à l'aise. Le droit pénal romain interdisait la question par le fouet au début d'une procédure. On détacha Paul, et on le conduisit dans la forteresse.
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51. Paul devant le Sanhédrin
Le lendemain de l’arrestation de Paul, le tribun Lysias voulut savoir de quoi les Juifs accusaient le prisonnier et il le fit comparaître devant le Sanhédrin. Au début de la rencontre, oublieux de sa dignité et du respect qu’il devait avoir envers l'accusé, «le grand prêtre Ananie ordonna à ses assistants de le frapper sur la bouche». (Actes 23, 2) C’était l’insulte suprême. Paul, qui avait le sang bouillant, cria à Ananie : «C’est Dieu qui te frappera, toi, muraille blanchie. Eh quoi! Tu sièges pour me juger d’après la Loi, et, au mépris de la Loi, tu ordonnes de me frapper!». (Actes 23, 3) Les pharisiens qui avaient perdu tout sens moral approuvèrent l'acte du grand-prêtre, et considérèrent la leçon de Paul comme un sacrilège. L'image de «muraille blanchie» caractérisait bien ce Grand-Prêtre, ce personnage en pleine déchéance, qui essayait de simuler la vertu, l'honnêteté et la droiture, alors qu'intérieurement il était pervers et pourri.
SanhedrinLe sanhédrin
Face au Sanhédrin composée de pharisiens et de sadducéens, dans une intuition subite, Paul utilisa l'avantage que lui offrait la situation, et souleva le problème de la résurrection. Il lança alors cette simple phrase : «Frères, c'est à cause de l'espérance en la résurrection des morts que je suis mis en jugement.» Les Sadducéens éclatèrent de rire et les Pharisiens qui croyaient à la résurrection commencèrent à se disputer avec les Sadducéens. Toute la procédure dégénéra en une dispute théologique, et les deux partis en vinrent aux mains. Certains rabbins respectables se déclarèrent même ouvertement en faveur de Paul. Lysias, le représentant de Rome, qui ne comprenait rien à ce débat théologique et avait peur pour la vie de son prisonnier, appela la garde, et le fit conduire en lieu sûr. «C'est à peine si je l'ai pu arracher de force à leurs mains», écrit-il à ce propos dans sa lettre au gouverneur Félix (manuscrit de Bèze).
arrêstation de PaulAyant perdu confiance en la justice juive, Paul décide de s'en remettre à la loi et à la puissance de Rome
La situation de Paul était très délicate. Seule, la force militaire des Romains pouvait encore le sauver. Il s'aperçut qu'en raison de la partialité du tribunal, la justice était impossible. C'est alors qu'il prit la résolution de s’en remettre à la justice romaine. Jusqu'à présent, il s'était toujours considéré comme un membre de droit de la race juive, et il s'était soumis à plusieurs reprises à la juridiction juive. Maintenant, voyant qu’il était impossible d’être jugé équitablement chez les Juifs, il va se détacher définitivement de son peuple, politiquement et juridiquement, et il va se soumettre à la loi et à la puissance de Rome.
Le lendemain de la réunion du Sanhédrin, une quarantaine de Zélotes s'engagèrent par voeu à ne plus manger ni boire avant d'avoir assassiné Paul. Ils décidèrent de lui tendre un piège et mirent le Sanhédrin au courant de leur complot en demandant sa participation. A quelle déchéance était parvenu le plus haut tribunal juif! :
«Lorsqu’il fit jour, les Juifs tinrent un conciliabule, où ils s’engagèrent par anathème (c’est-à-dire en appelant sur eux la malédiction divine s’ils manquaient à leur engagement) à ne pas manger ni boire avant d’avoir tué Paul. Ils étaient plus de quarante à avoir fait cette conjuration. Ils allèrent trouver les grands prêtres et les anciens, et leur dirent : «Nous nous sommes engagés par anathème à ne rien prendre avant d’avoir tué Paul. Vous donc maintenant, d’accord avec le Sanhédrin, expliquez au tribun qu’il doit vous l’amener, sous prétexte d’examiner plus à fond son affaire. De notre côté, nous sommes prêts à le tuer avant qu’il n’arrive.» (Actes 23, 12-15)
Heureusement, le service de renseignements des chrétiens était vigilant. Le neveu de Paul fut mis au courant du complot et sa soeur l’envoya porter la nouvelle à la forteresse. Il reçu la permission de voir Paul et lui fit part de la situation. Entendant cela, Paul pria le centurion de faire conduire son neveu immédiatement devant Lysias. C'est ainsi qu’avant de recevoir les délégués du Sanhédrin, le commandant de la forteresse fut mis au courant de l'assassinat prémédité. Le jeune homme lui dit :
«Les Juifs se sont concertés pour te prier d’amener Paul, demain au Sanhédrin, sous prétexte d’enquêter plus à fond sur son cas. Ne vas pas les croire. Plus de quarante d’entre eux le guettent, qui se sont engagés par anathème à ne pas manger ni boire avant de l’avoir tué. (Actes 23, 20)
Le tribun avait dorénavant une raison suffisante pour remettre le procès entre les mains du procureur romain à Césarée et donna l’ordre de transférer le prisonnier à la faveur de la nuit :
«Le tribun appela deux centurions et leur dit : "Tenez-vous prêts à partir pour Césarée, dès la troisième heure de la nuit, deux cents soldats, soixante-dix cavaliers et deux cents hommes d’armes. Qu’on ait aussi des chevaux pour faire monter Paul et le conduire sain et sauf au gouverneur Félix." (Actes 23, 23-24)
transfert de Paul à CésaréeEscorté d'une forte garde, Paul est conduit à Césarée.
À l'aube du jour suivant, la petite troupe était rendue à mi-chemin. On s'arrêta à Antipatris, et Paul eut l’occasion de se reposer pendant quelques heures. Tout danger ayant disparu, la majeure partie de l'escorte retourna à Jérusalem et seul le détachement de cavalerie accompagna l'apôtre jusqu'à Césarée.
Le port de Césarée, qui avait reçu son nom de son constructeur Hérode le Grand, en l’honneur de l’empereur César, servait aux Romains de base de ravitaillement et de centre militaire pour la région. La ville abritait une garnison de cinq cohortes et un escadron de cavalerie. Par leurs impôts, les Juifs payaient eux-mêmes l'entretien de ces troupes qui les tenaient en servitude. D'où la haine des Juifs envers cette taxe payée à Rome et la question posée à Jésus : «Doit-on payer le tribut à César?»
Le procureur vivait dans le luxe du palais royal. Les prisonniers de marque étaient conduits au poste de garde de l'état-major, situé dans le palais même. Le capitaine de l'escadron remit au procureur Antoine-Félix le rapport de Lysias, et lui présenta son prisonnier. En présence de Paul, Félix lut à haute voix la lettre de Lysias. Elle était un modèle tout à fait romain de précision, d'objectivité et de clarté se déclarant favorable au prisonnier : il ne s'agissait que d'une affaire religieuse juive. Comme Paul venait de la Cilicie, une province impériale, le tribunal du procureur impérial était compétent en la matière. Félix dit alors à Paul : «Je t'entendrai, quand tes accusateurs seront arrivés, eux aussi. Et il le fit garder dans le prétoire d’Hérode». (Actes 23, 35)
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52. Captivité à Césarée
Vue aérienne du port de l'ancienne Césarée
Vue aérienne du port à l'ancienne Césarée
Le port de Césarée, où Paul sera emprisonné, avait une longue histoire. Au 4e siècle avant notre ère, le roi de Sidon construisit un premier port très modeste et un petit village qui prit le nom de Tour de Strabon. En 63, Pompée accorda l’autonomie au village et, sept ans plus tard, l'empereur Auguste en fit don à Hérode le Grand qui découvrit là un chantier à sa mesure. D'immenses travaux firent surgir de la mer une jetée à l'arrière de laquelle fut creusé un port de trente-deux mètres de profondeur, «plus spacieux que le Pirée», qui mettait les bateaux à l'abri de toutes les tempêtes. Il fallut douze années pour terminer les travaux du port et de la ville. Hérode en fit sa capitale avec son palais tout en marbre blanc qui était une véritable merveille.
Aujourd’hui, les sables et les siècles ont englouti la ville et une bonne partie du port. En 1946, des fouilles archéologiques ont retrouvé les remparts élevés par Saint Louis au temps des croisades (13e s.) et les restes de la ville d'Hérode, avec son hippodrome et son théâtre. Dans les ruines du théâtre, on a découvert une inscription précisant qu’il avait été dédié à l’empereur Tibère par le «prefaectus Pontius Pilatus». C’est le plus ancien document épigraphique concernant Ponce Pilate.
Quand Paul pénètre dans la ville, le palais d'Hérode est devenu la résidence officielle des procureurs romains de Judée. Antonius Félix, un esclave affranchi par l'empereur Claude, est alors en poste depuis l’an 52. Il est dépeint par Tacite comme étant «cruel et débauché, exerçant le pouvoir royal avec une âme d'esclave». Pallas, son frère, fut le favori tout-puissant et le premier ministre de l’empereur Claude, de même que celui de Néron, au début de son règne. Grâce à lui, Félix fit une brillante carrière. La grande considération dont jouissait Pallas, à Rome, lui assurait l'impunité.
Paul en prison, par Rembrandt
Paul en prison par Rembrandt, 1627.
Son incarcération à Césarée durera
deux longues années.
L’incarcération de Paul à Césarée durera deux longues années, période monotone pour un homme qui avait été en mouvement continue depuis plusieurs années! Quelques jours après son arrivée à Césarée, le grand-prêtre Ananie se présenta entouré d'un groupe d'anciens et d'un avocat romain, un débutant dont l’inexpérience éclate au tout début du plaidoyer. Le grand-prêtre eut peine à retenir un sourire, en entendant son avocat utiliser une flatterie lourde et maladroite. Selon l’avocat, grâce à Félix, le pays jouissait d'une paix profonde; sa prévoyance avait rétabli l'ordre dans la nation. C'est pourquoi les Juifs lui devaient une grande reconnaissance. En réalité, Félix était l’un des procureurs les plus détestés qu'avait connu le pays. Les Juifs le lui montrèrent d'ailleurs, deux ans plus tard, en l'accusant d'avoir massacré à Césarée plusieurs de leurs compatriotes et d’avoir mal conduit les affaires publiques, ce qui provoqua son rappel par Néron.
Sous l’influence des Sadducéens, on porta contre Paul des accusations sur le plan politique : Paul, serait un révolutionnaire dangereux, coupable de sédition, chef d'une secte non autorisée, d’une «religio illicita». Enfin, il aurait profané le Temple de Jérusalem en y introduisant un non-Juif. Chacun de ces délits était passible de la peine de mort.
Paul devant Félix
Devant Antonius Félix, le procureur romain de la Judée, Paul réfute les accusations du grand-prêtre Ananie
Félix avait assez d'expérience pour voir clair dans le jeu de «l’honorable grand prêtre» et des membres du Sanhédrin. Il se tourna vers Paul, curieux d’entendre ce qu'il dirait. Celui-ci parla avec sagesse et ramena la situation sur le terrain du droit religieux. «Voilà de nombreuses années que tu as cette nation sous ta juridiction; aussi est-ce avec confiance que je plaiderai ma cause.» Paul laisse ainsi sous-entendre : «Tu les connais bien!». Et alors il réfute l'accusation point par point, en insistant sur le fait qu'il n'est pas infidèle à la religion de ses pères qui professent la foi messianique. Son approche religieuse, contrairement à celle des Sadducéens, se situe sur le terrain de la Loi et des Prophètes. Son enseignement sur la résurrection est celle du judaïsme, religion protégée par l'État; donc on ne peut lui reprocher de favoriser une «religion illicite». Il s’agit donc de divergences à l'intérieur des frontières de la religion juive, ce qui n’intéresse pas les Romains.
Ce plaidoyer est la première apologie officielle du christianisme devant le pouvoir de Rome.
Les chrétiens du premier siècle adopteront ce point de vue et l’utiliseront pendant de longues années. Pour les tribunaux romains, la différence essentielle entre le judaïsme et le christianisme n'existait pas encore. Ce n'est que plus tard, à la fin du règne de Néron, que les Juifs commenceront à accuser le fondateur du christianisme d’avoir été crucifié «parce qu’il était opposé à César». La justice romaine acceptera alors la différence entre les deux religions et ce point de vue juridique sera reçu définitivement par l’empereur Domitien qui déclenchera les grandes persécutions.
À la suite de la rencontre avec la Sanhédrin, Félix donna ordre de rendre l'emprisonnement de Paul aussi supportable que possible (custodia militaris). Il sera gardé dans la prison du palais mais, sa captivité sera sans dureté inutile. Ses fidèles pourront le visiter et prendre soin de lui.
Paul espérait qu’après un certain temps la pression de Jérusalem prendrait fin et qu’il serait libéré. Or toutes les informations qui parvenaient à Félix prouvaient que la situation de Paul préoccupait toujours les juifs purs et durs ainsi que les Judéo-chrétiens. Il semble y avoir eu une alliance malsaine entre ces deux groupes très différents. Les rapports étroits entre le grand prêtre et Jacques, le frère de Jésus, permettent d'en venir à cette conclusion. De temps à autre, Félix faisait à Paul de légères allusions à une rançon. Derrière le soi-disant intérêt religieux, se cachait la cupidité, si caractéristique de nombreux serviteurs de l’État.
carte du 4e voyage
Voyage de la Captivité
La détention à Césarée durait déjà depuis deux ans et la situation de Paul n'aurait pas changé si, en raison d'un incident sanglant, les événements ne s'étaient précipités. Césarée était une ville où Juifs et Grecs jouissaient des mêmes droits. Il y avait cependant souvent des affrontements entre les deux groupes. Au cours d'une mêlée, les Grecs furent battus et Félix intervint pour ordonner aux Juifs d'évacuer la rue. Sur leur refus, la cohorte passa à l'attaque, provoqua un massacre et brûla plusieurs maisons juives. Leur cri de révolte parvint jusqu'à Rome, où ils jouissaient d'une grande influence. Dans ses Antiquités, Flavius Josèphe dénonce la mauvaise administration et l’antisémitisme de Félix. Cette fois, il avait dépassé les bornes. Pallas parvient à lui sauver la vie, mais en 60, il fut remplacé par Porcius Festus.
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53 - «Caesarem appello!» - «J’en appelle à César!»
J'en appelle à César
"J'en appelle à César!"
Le nouveau procureur Porcius Festus, arrivé à Césarée au début de l'automne 60, descendait d'une famille de Tusculum près de Rome et faisait partie de l'ancienne noblesse. On louait sa fermeté, sa droiture et sa conscience professionnelle. Après trois jours à Césarée, il monta à Jérusalem, pour prendre contact avec les autorités juives et y organiser une session de tribunal, afin de liquider les procès arriérés. À cette occasion, le nouveau grand-prêtre Ismaël ben Phabi, nommé par Hérode Agrippa II, accompagné de nombreux membres du Sanhédrin, vinrent le rencontrer. Au sein de cet organisme juif, il existait une compétition féroce entre les diverses familles pour l’obtention de la plus haute dignité du pays. La corruption généralisée faisait du ravage. Dans un texte talmudique, on peut lire : «Malheur à moi à cause de la maison d’Ismaël ben Phabi, malheur à moi à cause de sa violence. Ils sont grands-prêtres, leurs fils sont trésoriers, leur beaux-fils gardiens du Temple, et leurs valets fustigent le peuple.»
Lors de cette première rencontre, Portius Festus se rendit compte que les deux dernières années n'avaient pas apaisé la haine du Sanhédrin envers Paul. On exigeait, comme preuve de la bonne volonté du procureur, la remise de l'Apôtre entre les mains du tribunal religieux de Jérusalem : «Ils sollicitaient comme une faveur que Paul fut transféré à Jérusalem; ils préparaient un guet-apens pour le tuer en chemin». (Actes 25, 3) Cependant Festus n'était pas aussi inexpérimenté qu'on le croyait. Il répondit au Sanhédrin que Paul devait rester en prison à Césarée : «Que ceux d’entre vous qui ont qualité descendent avec moi et, si cet homme est coupable en quelque manière, qu’ils le mettent en accusation» (Actes 25, 6)
Porcius Fortus
Passant en jugement devant Portius Festus, le nouveau procureur de Judée, Paul se prévaut de sa citoyenneté romaine pour échapper à l'injustice du Sanhédrin..
Dix jours plus tard, une nouvelle rencontre eut lieu à Césarée. Ce fut pour Festus un spectacle dégoutant d’être confronté à une foule fanatique qui hurlait des menaces, injuriait le prisonnier et exigeait sa mort. Paul déclara alors : «Je n'ai commis de délit ni contre la Loi des juifs, ni contre le Temple, ni contre l'empereur.» (Actes 25, 8) Festus lui demanda : «Veux-tu monter à Jérusalem pour y être jugé là-dessus en ma présence?» Avec rapidité, Paul évita le piège tendu par le Sanhédrin : «Je suis devant le tribunal de César; c'est là que je dois être jugé. Je n’ai fait aucun tort aux Juifs, tu le sais très bien toi-même. Mais si je suis réellement coupable, si j’ai commis quelque crime qui mérite la mort, je ne refuse pas de mourir. Si, par contre, il n’y a rien de fondé dans les accusations de ces gens-là contre moi, nul n’a le droit de me céder à eux. J’en appelle à César.» (Actes 25, 10-11)
Il s’agissait d’un véritable coup de théâtre ! La délibération qui a suivi a du être turbulente et orageuse. Quand le conseil reprend place, le procureur tranche : «Tu en appelles à César : tu iras devant César.»
Le droit romain connaissait, depuis l’empereur Auguste, la possibilité d'un appel pendant la procédure, et non pas comme chez nous, après le jugement. Cet appel n'empêchait pas seulement la condamnation, mais aussi l'acquittement du condamné. Un citoyen romain avait toujours et partout le droit d’être jugé par un tribunal impérial. «Caesarem appello!», deux mots magiques. Cette cour de justice suprême inspirait la plus haute confiance. Dès qu'un citoyen romain prononçait ces paroles, tous les tribunaux du monde perdaient immédiatement leur compétence. Il s'agissait donc maintenant de faire conduire Paul à Rome, sous escorte militaire. Le procureur devait donner au prisonnier une lettre explicative de son cas.
Paul et Agrippa
À la demande de Festus, Paul comparait devant le roi Agrippa II et sa soeur Bérénice (qui reconnaissent son innoncence).
Festus fut aidé en cela par l'arrivée d’Hérode Agrippa II, roi de la Palestine du Nord, qui vint quelques jours plus tard, avec sa soeur Bérénice, faire une visite de courtoisie au nouveau procureur. Agrippa avait une grande influence à Rome. Il avait d’ailleurs contribué à la nomination de celui-ci au poste de procureur. Plus que n'importe qui, il était capable d'assister Festus de ses conseils, dans cette affaire compliquée. De naissance, il était Juif, mais Romain par son éducation et sa culture. Sur les monnaies, il se faisait appeler «Philocaesar-Philoromanos » c'est-à-dire ami de César et ami des Romains. Dans un but politique, il avait fait des études sur la religion juive, et partout on le considérait comme expert en la matière. Il était le représentant du judaïsme de cette époque. C’est lui qui nommait le grand-prêtre et contrôlait le trésor du Temple, deux responsabilités très lucratives.
Le roi Agrippa se faisait accompagner partout de sa célèbre soeur Bérénice, qui avait abandonné son mari, le très riche potentat cilicien Polémon. Depuis, les deux régnaient ensemble comme roi et reine, ce qui donnait lieu à toutes sortes de rumeurs. À Césarée, leur soeur Drusille avait été, quelques mois auparavant, la maîtresse du lieu et, 16 ans plus tôt, leur père était mort des suites d'une terrible maladie. C'est la seule dynastie de l'histoire, dont les représentants se soient trouvés en relation étroite avec Jésus: l’arrière-grand-père fut le meurtrier des enfants innocents de Bethléem, le grand-oncle l'assassin de Jean-Baptiste; le père l'égorgeur de l’apôtre Jacques et le persécuteur de Pierre.
Festus considérait Paul comme un fanatique religieux, d’où son exclamation : «Tu es fou Paul, ton grand savoir te fait perdre la tête». Avec une grande politesse, Paul lui répond : «Je ne suis pas fou, très excellent Festus, mais je parle un langage de vérité et de bon sens. Car il est instruit de ces choses, le roi Agrippa, auquel je m’adresse en toute assurance, persuadé que rien ne lui est étranger. Car ce n’est pas dans un coin ignoré que cela s’est passé.» (Actes 26, 24-26)
Agrippa dit alors à Festus : «On aurait pu relâcher cet homme, s'il n'en avait pas appelé à César.» (Actes 26, 32) Le procureur composa un compte rendu favorable à Paul, ce qui contribuera beaucoup à son acquittement par Néron, deux ans plus tard à Rome.
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54. De Césarée à Malte
Après la rencontre avec le Sanhédrin, le procureur Festus décida d’envoyer Paul à Rome avant la «saison de la mer close», avant que la navigation ne soit interdite.
embarquemen risqué
En route vers Rome, Paul entreprend son dernier voyage en mer. Un voyage qui sera épouvantable!
Escale à Sidon
Le bateau fait escale à Sidon; avec la bienveillance du centurion, Paul a la joie d'y rencontrer la communauté chrétienne.
tempête en mer
Comme Paul l'avait prévu et prévenu, un ouragan violent s'élève et secoue dangereusement le bateau
Bateau ballotté
Pendant quatorze jours et quatorze nuits, les voyageurs sont ballottés sur une mer en furie.
Paul et d'autres prisonniers furent placés sous la garde du centurion Julius, de la cohorte Augusta, l'une des cinq cohortes cantonnées dans le port de Césarée. Julius était bienveillant à l'égard de Paul et il permit à ce dernier de se faire accompagner de ses trois amis : Luc, Aristarque et Timothée. Seuls les prisonniers de marque obtenaient parfois une telle permission. Dans le texte, Luc utilise de nouveau le fameux «nous», signifiant ainsi qu’il faisait partie du voyage.
Arrivés à Sidon, le centurion permit à Paul de visiter la communauté chrétienne. Au port de Myre, on changea de bateau et les passagers montèrent à bord d'un grand navire de la flotte égyptienne affectée au transport du blé. Le bateau contourna avec difficulté l'île de Rhodes, et finit par aborder à Bons-Ports, en Crète. Luc nous dit que la fête du Yom Kippour était passée, ce qui veut dire que c’était l'époque des tempêtes suivant l'équinoxe d'automne.
On réunit un conseil pour décider si l’on devait reprendre la mer ou si, au contraire il était préférable de passer l'hiver là où on se trouvait. Paul, «le citoyen romain», bien que prisonnier, fut admis à cette réunion. Il déconseilla fortement de poursuivre le voyage : «Mes amis, je vois que la navigation n’ira pas sans péril et sans grave dommage non seulement pour la cargaison et le navire, mais même pour nos personnes» (Ac 27, 10). On courait de grands risques en s’aventurant sur la mer en cette période de tempêtes. Malgré ses réticences, la décision fut prise de poursuivre le voyage et de quitter l’abri de Beaux-Ports sur la côte sud de la Grèce. Ce que Paul avait prévu arriva. Une violente tempête se déchaîna et tous les passagers crurent qu’ils seraient engloutis par les flots.
Le bateau secoué par un ouragan du nord-est partit à la dérive vers la petite île de Cauda. Au troisième jour de tempête, toute la cargaison a dû être jetée à la mer afin de manoeuvrer plus facilement. On ne voyait rien, ni le soleil, ni les étoiles, ni la côte, et l'espoir de survie était bien mince. Dans cette situation désespérée, Paul rassura tout le monde : «Je vous invite à avoir bon courage, car aucun de nous y laissera la vie, le navire seul sera perdu. Cette nuit en effet m’est apparu un ange du Dieu auquel j’appartiens et que je sers, et il m’a dit : «Sois sans crainte, Paul, il faut que tu comparaisses devant César, et voici que Dieu t’accorde la vie de tous ceux qui naviguent avec toi. Courage donc, mes amis! Je me fie à Dieu de ce qu’il en sera comme il m’a dit». (Actes 27, 22-24)
Pendant quatorze jours et quatorze nuits, les voyageurs furent ballottés sur la mer que les Anciens appelaient «l'Adria», entre la Grèce et la Sicile. Soudain, après ces longs jours de tempête, vers le milieu de la nuit, un matelot s’écria : «Terre ! La terre est proche». À travers les mugissements des eaux, il avait entendu le grondement des vagues se brisant contre des écueils. Rapidement, on jeta la sonde et, afin d’arrêter le navire dans sa course folle et l'empêcher de se briser sur un écueil, on laissa filer les ancres.
Pour les matelots embauchés au hasard - hommes de toutes provenances : bagnards échappés de prison, esclaves en fuite, désoeuvrés sans travail, révoltés, mécontents, aventuriers -, le navire et la vie des voyageurs importaient peu. Dans l'obscurité, Paul entendit un chuchotement et un bruit suspect. Un groupe de matelots tentait de descendre la chaloupe de sauvetage, pour se sauver en abandonnant les passagers à leur destin. Paul se précipita chez le centurion, et lui fit part des intentions de l'équipage : «Si ceux-là ne restent pas sur le vaisseau, vous ne pouvez être sauvés». Aussitôt Julius donna ordre à ses soldats de couper les amarres de la chaloupe. C'est ainsi qu'on assura l'union des forces, si indispensable au salut de tous.
Naufrage de Paul
Ce qui devait arriver, arriva! Le bateau échoua sur l'île de Malte et se disloqua sous les vagues de la mer.
le bateau échoue
Heureusement, les gens de l'îles firent bon accueil aux naufragés
Paul échappe à la morsure d'un serpent
Pendant qu'il alimentait un feu sur la plage, Paul fut mordu par un serpent. Mais, par miracle, la morsure n'eut aucun effet.
Le jour venu, on ne parvient pas à reconnaître la terre qui apparaissait à l’horizon. Ayant repéré une petite baie, les matelots laissèrent glisser le bateau jusque sur la plage. Le vent le poussa sur un banc de sable et le bateau se disloqua sous les vagues de la mer. Les soldats qui étaient responsables des prisonniers en cas d'évasion, eurent un instant l’intention de les tuer afin que nul ne puisse s’échapper, mais le centurion, qui voulait sauver Paul, s'y opposa et ordonna à ceux qui savaient nager de gagner la terre. Les autres n'avaient qu'à s'accrocher à des épaves flottantes. Tous abordèrent sains et saufs.
Ils s'étaient échoués sur l’île de Malte. Les gens de l’île firent bon accueil aux naufragés et allumèrent un grand feu afin de sécher et de réchauffer ces hommes épuisés par quatorze jours de lutte contre la mer déchaînée. Paul avait ramassé une brassée de bois mort et la jetait dans le feu lorsque la chaleur en fit sortir une vipère qui s'accrochait à sa main. À la vue du reptile, les habitants de l'île, qui n'ignoraient pas le statut de prisonnier de Paul, se disaient les uns aux autres: «Pour sûr, c’est un assassin que cet homme : il vient d’échapper à la mer, et la vengeance divine ne lui permet pas de vivre.» (Actes 28, 4). Mais l'Apôtre, secouant la main, jeta la vipère dans le feu, sans faire attention à la morsure dont il avait été l'objet. Les Maltais s'attendaient à le voir tomber mort, mais après une longue attente, ils constatèrent qu'il ne lui arrivait rien d'anormal.
Près du lieu du naufrage, certaines terres appartenaient au gouverneur de l'île, Publius. Paul et ses compagnons furent reçus chez lui pendant trois jours et traités comme des invités de marque. Le père de Publius était malade. Paul lui imposa les mains et le guérit. Suite à cette guérison de nombreux malades vinrent demander à l'Apôtre de les guérir à leur tour, ce qu'il fit volontiers.
Avant de s’échouer sur Malte, le bateau avait parcouru près de huit cent cinquante kilomètres depuis le départ de Crète. Une fois sur l’île, il fallut attendre plus de trois mois, c’est-à-dire jusqu’au printemps, avant de repartir.
Les pieux Maltais croient encore aujourd’hui, que ce fut grâce à la prière de saint Paul que les serpents venimeux ont disparu de leur île. De nos jours encore, le 10 février, ils célèbrent avec ferveur la «Fête du naufrage».
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55. De Malte à Rome
Voyage4, de Malte à Rome
De Malte à Rome, en passant par Syracuse, Reggio et Pouzzoles.
Le port de Pouzzoles en Italie
L'ancien port de Pouzzoles, dans le golfe de Naples, près du Vézuve
Vésuve
L’éruption du Vésuve, par Turner
Après avoir passé l’hiver à Malte, l’équipage et les passagers qui s’étaient échoués sur l’île trois mois plus tôt s’embarquent sur le navire «le Castor et Pollux», en partance pour Pouzzoles, dans le golfe de Naples. Ils s’arrêtent pendant trois jours à Syracuse. De là, après une escale à Rhegium (Reggio di Calabria), à la pointe extrême de la botte d'Italie, ils atteignent Pouzzoles. Pendant que le navire approche du port, les passagers peuvent admirer longuement le Vésuve fumant. Deux ans plus tard, en 63, une grande partie de la ville de Pozzoles sera détruite par le volcan. On procéda à quelques reconstructions, mais lors de la grande éruption du 24 août 79, une couche épaisse de lave brûlante recouvrira les villes voisines de Pompéi et d’Herculanum. La vie s’arrêta brusquement et ces villes restèrent figées sous les cendres volcaniques pendant des siècles.
Pouzzoles était un port très achalandé : marchands de blé, esclaves au travail, chantiers de toutes sortes, entrepôts et hangars pleins de marchandise, animaux exotiques - lions, panthères, tigres, etc. – destinés aux prochains jeux de Pouzzoles et de Rome. Certains compagnons de captivité de Paul seront condamnés à ces jeux sanglants de l'arène, destinés à amuser les Romains.
Les passagers du Castor et Pollux resteront à Pouzzoles pendant une semaine. Julius permit à Paul de demeurer chez les chrétiens de la ville où il put se remettre d'un voyage long et exténuant. Ce temps de repos permis d’avertir l’Église de Rome de l'arrivée de l'Apôtre.
À partir de Pouzzoles, les voyageurs de Césarée continuent à pied, à travers une région souvent marécageuse et pleine de moustiques. Pour rejoindre Rome en passant par Capoue, il fallait parcourir plus de deux cent cinquante kilomètres. On empruntait d'abord la Via Campana jusqu’à Capoue pour prendre ensuite la Via Appia, la plus vieille Voie romaine, ouverte en 312 av. J.-C.
À partir du 4e siècle, pour des raisons stratégiques, les Romains dotèrent l’Empire d’un réseau routier important. Ils construisirent des routes dans l’ensemble du monde romain. Au temps de Paul, plus de 350 routes couvraient une distance de 80 000 km. À chaque «mille» (1472 mètres), on érigeait un «milliaire», borne de pierre haute d’environ un mètre, indiquant les distances entre deux villes. Il n’existait alors aucun transport public et chacun, selon sa condition sociale, choisissait son mode de locomotion. La plupart des voyageurs circulaient à pied en se regroupant pour affronter les dangers du trajet, en particulier les attaques de bêtes sauvages et les pièges de troupes de brigands qui faisaient la loi dans les régions isolées. Les gens qui en avaient le moyen voyageaient en voiture ou à cheval.
Roma Appia
Via Appia, la plus ancienne de l'imposant réseau routier construit par les Romains.
De Pouzzoles à Rome, les voyageurs de Césarée firent le trajet à pied
C'est sur la Voie appienne, à soixante kilomètres de Rome, que Paul eut l’agréable surprise de rencontrer la première délégation de la communauté romaine. Aquila et Priscille étaient peut-être parmi ces chrétiens venus au-devant du groupe de prisonniers. Puisque Marc mentionne, dans son évangile, les deux fils de Simon de Cyrène, Alexandre et Rufus, comme étant des personnages bien connus à Rome, et que Paul leur adresse une salutation spéciale dans sa lettre aux Romains, il nous est permis de croire qu’ils étaient du nombre des envoyés. Les membres de cette délégation accompagneront Paul et ses compagnons pendant les derniers jours du voyage.
Sur les hauteurs de Velitrae (Velletri), lieu d'origine de la maison impériale de César Auguste, les voyageurs foulèrent le sol des Monts Albains. Selon les Actes apocryphes, on passa la dernière nuit à Aricia. Ils atteignirent ensuite le Latium, nom qu'on ne peut prononcer sans une émotion profonde. De cette terre aride sortit le génie latin de Rome qui, en s'alliant à la culture de la Grèce et à celle du christianisme, devait créer la civilisation de l'Occident. Paul était le porteur de la pensée chrétienne et l'artisan de l'alliance des trois cultures qui devaient s’unir pour donner naissance à notre propre culture.
Le groupe longea les lacs de Nemi et d'Albano, entourés d’élégantes villas. Non loin de là, on pouvait voir la résidence de Sénèque, ce noble homme d'État qui, quelques années plus tard, devait se couper les veines sur l'ordre de Néron. La Campagna romana, avec son caractère mélancolique, s'étendait sous leurs yeux. C'était un lieu de combats, un cimetière de peuples, une terre de lutte et de combat. Le long de la Voie Appia, tous purent contempler l’aqueduc de Claude récemment achevé et les magnifiques tombeaux qui longeaient la voie romaine.
Arrivés aux «Trois Tavernes», un deuxième groupe, de caractère plus officiel, composé sans doute de chefs de l'Église de Rome, attendait l’Apôtre des Nations :
«Les frères de Rome, informés de notre arrivée, vinrent à notre rencontre jusqu’au Forum d’Appius et aux Trois Tavernes.» (Actes 28, 15)
Julius et toute la caravane furent les témoins de ces salutations solennelles. Leur respect vis-à-vis l’illustre prisonnier grandissait de jour en jour.
C'est par la porte Capena qu'ils pénétrèrent dans la ville de Rome. On est tout près du Circus Maximus et des palais impériaux. Voilà donc que les longs voyages de Paul l'avaient conduit au centre du monde. Enchaîné et au milieu d'autres prisonniers, il entre dans la ville de Rome.
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56.Paul s'installe à Rome
Selon saint Irénée, le jour où Paul entra à Rome est l'un des plus importants de l'histoire du christianisme.
Rome et son forum au temps de Paul
Rome, au temps de Paul, avait quelques monuments imposants - (comme le forum et des palais sur les collines du Palatium, du Capitole et du Quirinal) - mais la ville dans son ensemble était laide, surpleuplée, tortueuse, insalubre et insécure.
Maquette de la Rome antique
Au temps de Constantin (4e s.) la plus grande ville du monde sera bien différente.
Rome compte alors un million d'habitants qui s'entassent dans des rues étroites et tortueuses avec tout ce que cela suppose de promiscuité, insalubrité, bruit assourdissant et insécurité. La circulation est difficile et la violence règne dans toute la ville. Ce ne sera que quelques années plus tard, après l'incendie de 64, que naîtra un véritable projet d'urbanisme.
Dans le quartier des affaires, à cause de l'étroitesse des rues, du manque d'air, des détritus que l'on jette par la fenêtre et du danger continuel d'incendie, les logements étaient dilapidés et malsains. Le cours du fleuve Tibre n'était pas régularisé et les inondations fréquentes provoquaient des épidémies meurtrières. Là où se trouve la cité du Vatican, s'élevait alors le Cirque de Néron, avec ses obélisques égyptiens, et ses spectacles sanglants de gladiateurs et de condamnés aux bêtes sauvages. Très bientôt, le carnage de chrétiens mis à mort fournira au peuple le spectacle toujours renouvelé du massacre de victimes innocentes et sans défense. Le Colisée n’avait pas encore été construit, et sur la place publique, on pouvait admirer une gigantesque statue de Néron, statue que les Romains appelaient le Colosse (Colosseum). Ce nom sera ensuite donné à l’amphithéâtre construit par l’empereur Flavien après la mort de Néron. Rome était approvisionnée d’eau potable par trois célèbres aqueducs : l'Aqua Appia, l’Aqua Claudia et l’Aqua Marcia qui s'étiraient à travers le paysage jusqu’aux collines environnantes. Mise à part la splendeur du Forum et des Palais de l’Empereur, Rome était une ville laide, sale et malodorante.
Rome va aussi changer
sur le plan religieux.
Avec l'arrivée de Paul
l’Église de Rome devient
la fondation commune
des deux apôtres
Pierre et Paul.
La Voie Appienne qui débouchait sur la ville était la voie funéraire la plus monumentale du monde. Comme il était interdit d’inhumer les dépouilles des défunts à l’intérieur des murs, on construisait les tombeaux le long des voies romaines, à la sortie des villes. Le culte des morts restait chez les Romains le fondement de la vie religieuse. Ce culte reflétait aussi la vanité des familles nobles et leur désir d’étaler leurs richesses aux yeux de tous. Encore aujourd’hui le tombeau de Cecilia Metella nous surprend et nous épate. Les Anciens ne savaient rien d'un repos dans la mort et ils désiraient la compagnie des vivants. Le long de la route, Paul a pu lire sur un monument : «T. Lollius Masculus repose ici à côté du chemin, pour que les passants disent : Lollius, salut».
De sa prison, à Rome, Paul écrit aux Colossiens
Malgré qu'il soit enchaîné et toujours accompagné d'un soldat, Paul bénéficie d'une certaine liberté à Rome; on l'autorise à se louer un logis et il continue d'annoncer la Bonne Nouvelle et de consolider les communautés.
Une fois arrivés à Rome, le centurion remit les prisonniers au commandant de la place. Le préfet des prétoriens et chef de la police impériale, était depuis dix ans le noble Burrhus, un général expérimenté, un homme d'État avisé, aimé du peuple. C’était l'homme le plus puissant après l'Empereur. Lui et Sénèque, avaient été les éducateurs du jeune Néron, et jusqu'à présent ils avaient réussi à maîtriser ses mauvaises dispositions. Burrhus était également le premier juge d'instruction dans les affaires pénales relevant de l'Empereur. La lettre officielle de Festus, le procureur de Césarée, et le compte rendu oral du centurion étaient très favorables à Paul. Burrhus donna ordre de le traiter avec humanité et lui accorda le privilège de la «custodia libera», le genre d'emprisonnement le moins rigoureux. Paul, toujours dans les chaines, pouvait se louer un logis tout en étant continuellement accompagné d’un soldat de garde.
«Quand nous fûmes entrés dans Rome, on permit à Paul de loger dans un appartement particulier avec le soldat qui le gardait.» (Actes 28, 16)
L'Église romaine se fera un honneur de supporter les frais de loyer et d'entretien de son Apôtre.
Bénéficiant d’une liberté relative, Paul trouva un domicile près du mont Palatin. Très vite, il réunit chez lui les chefs de la population juive de Rome dans l'intention d'obtenir leur soutien face à Jérusalem. Il faut lire attentivement l'étrange mise au point qu'il leur adresse :
«Trois jours après, il convoqua les notables juifs. Lorsqu’ils furent réunis, il leur dit : Frères, alors que je n’avais rien fait contre notre peuple ni contre les coutumes des pères, j’ai été arrêté à Jérusalem et livré aux mains des Romains. Enquête faite, ceux-ci voulaient me relâcher, parce qu’il n’y avait rien en moi qui méritait la mort. Mais comme les Juifs s’y opposaient, j’ai été contraint d’en appeler à César, sans pourtant vouloir accuser en rien ma nation. Voilà pourquoi j’ai demandé à vous voir et à vous parler; car c’est à cause de l’espérance d’Israël que je porte les chaînes que voici.» (Actes 28, 17-20)
La réponse des juifs est claire :
«Pour notre compte, nous n’avons reçu à ton sujet aucune lettre de Judée, et aucun des frères arrivés ici ne nous a rien communiqué ni appris de fâcheux sur ton compte. Mais nous voudrions entendre de ta bouche ce que tu penses; car, pour ta secte, nous savons bien qu'elle rencontre partout de l'opposition.» (Actes 28, 21-22)
Paul leur propose alors de poursuivre la discussion au sujet de ce que les Juifs qualifiaient de secte :
«Ils prirent donc rendez-vous avec lui et vinrent en plus grand nombre le trouver à son logis. Dans l’exposé qu’il leur fit, il rendait témoignage du Royaume de Dieu et cherchait à les persuader au sujet de Jésus, en partant de la Loi de Moïse et des prophètes. Cela dura depuis le matin jusqu’au soir. Les uns se laissaient persuader par ses paroles, les autres restaient incrédules. Il se séparèrent sans être d’accord entre eux.» (Actes 28, 23-25)
La prédication de Paul, son auditoire qui se renouvelle sans cesse, ses amis qui le rejoignent - Luc et Aristarque, Timothée, Thycicus, Dénias, Marc, Épaphras et Epaphrodite -, aidèrent cet homme d’action à supporter ces deux années de garde à vue. Il était en contact avec les Églises qu'il avait fondées et demeurait attentif à leur persévérance. Exempté de prison, il restait tout de même chargé de chaînes. Les Actes de Paul, un écrit plus tardif, évoquent le domicile particulier dont il disposait à Rome : «Une grange dans laquelle il enseignait la parole de vérité, en compagnie des frères.»
Avec la détention de Paul à Rome, Luc termine son récit des Actes des Apôtres de façon abrupte. :
«Paul demeura deux années entières dans le logis qu’il avait loué. Il recevait tous ceux qui venaient le trouver, proclamant le Royaume de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ avec pleine assurance et sans obstacle.» (Actes 28, 30-31)
Rien de plus. Nous verrons plus tard le sens de cette fin inusitée du volume de Luc.
Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 11 août23, 00:3657.La Rome de Néron
Chez les Romains, le meurtre de Jules César provoqua la fin de la République. Après lui, la ville de Rome a été profondément modifiée par Auguste, le premier empereur, qui l’embellit de multiples fontaines, des premiers thermes, du Panthéon, du temple d'Apollon, d’un théâtre et d’une bibliothèque. Au Champ de Mars, l'autel de la Paix chantait la grandeur de l’empereur. Malgré tous ces efforts, Rome restait une ville surpeuplée et insalubre, sujette aux épidémies et aux feux dévastateurs.
Néron jouant de la lyre alors que Rome brûle
Néron jouant de la lyre alors que Rome brûle. Il se prétendait un gand artiste. Il fut le plus cruel des empereurs romains.
Lorsque Paul arriva dans la ville impériale, en 60, Néron venait d'atteindre l'âge de vingt ans. Suétone l'a campé pour la postérité : «de taille médiocre, les yeux bleus, le cou épais, le ventre proéminent, les jambes grêles et le teint naturellement rouge». Incapable de choisir entre ses ambitions désordonnées, ce jeune homme ne sait trop s'il doit aspirer à être le maître de l'empire ou chercher à se faire admirer comme le plus grand artiste de son temps. Il n'était pas encore devenu l'un des hommes les plus sanguinaires de l'histoire.
colonie juive
Une colonie juive importante vivait dans des quartiers pauvres de la ville de Rome.
Une colonie juive importante vivait dans la ville de Rome. Philon d’Alexandrie nous indique qu’au début du 1er siècle, les Juifs avaient élu domicile au-delà du Tibre, dans un quartier renommé pour sa saleté, le Trastevere : «Amenés en Italie comme prisonniers de guerre, la plupart d’entre eux avaient été affranchis, sans avoir été contraints d'altérer aucune de leurs traditions.» Flavius Josèphe écrit : «Les Juifs arrivés comme esclaves ont été rachetés par des Juifs libres.» Plusieurs pratiquent tous les petits métiers de l'époque. L’érudit Charles Perrot en parle de la façon suivante : «colporteurs ou vendeurs de pacotilles, mendiants et conteurs populaires, diseuses de bonne aventure et vendeuses de songes, marchands de toutes sortes, charlatans et escrocs, enfants qui apprennent à quêter aux bons endroits, etc.» Il y a peu de juifs parmi les classes élevées, bien que l'on mentionne Poppée, l'épouse de Néron, considérée comme une «sympathisante», et Fulvie, femme d'un sénateur, attachée à la cause juive. Les recherches confirment qu’ils étaient, en grande majorité, financièrement et culturellement pauvres.
La période de captivité
de Paul à Rome est parmi
les années les plus fructueuses de sa vie d’Apôtre.
Au temps de Paul, Rome comptait un million d’habitants. En étudiant les habitudes des gens de la ville, nous pouvons nous faire une bonne idée de la journée de Paul. L'homme de l'antiquité se levait avec le soleil. On ne pouvait travailler que de jour, car les installations d'éclairage laissaient beaucoup à désirer. Les heures du jour étaient donc précieuses. Après le souper, on ne travaillait plus. Si l’on décidait de travailler la nuit, on le faisait seulement entre le premier et le deuxième chant du coq, c’est-à-dire entre 3 et 6 heures du matin. Seuls les savants occupés à leurs recherches et les hommes d'affaires étaient sur pied à ces heures nocturnes.
Dans cet univers dépendant de la lumière du jour, la matinée était consacrée au travail, l'après-midi au repos et le soir à la famille. Pendant la chaude période d’accalmie de l’après-midi, la ville bruyante devenait silencieuse; les boutiques et les endroits publics étaient déserts. Le soir appartenait au repas principal de la journée et à la vie familiale. L'homme moyen vivait très sobrement, presqu’en végétarien, avec des légumes, des choux, des haricots, des artichauts, du fromage, des fruits et une sorte de polenta.
Paul accompagnait chaque repas de sa conversation éclairée. Il devait être un homme très affable et un causeur intéressant. Il possédait, comme nous le prouvent ses lettres, le don de l'ironie inoffensive et de la conversation agréable.
soldats prétoriens
Soldats prétoriens
Grâce à Paul, le christianisme pénétra profondément dans l'armée romaine.
On constate que la période de captivité de Paul à Rome est parmi les années les plus fructueuses de sa vie d’Apôtre. Grâce à lui, le christianisme pénétra profondément dans l'armée romaine. Les soldats prétoriens se reléguaient à la garde de l’Apôtre et plusieurs d’entre eux partaient ensuite aux quatre coins du monde, vers le Rhin, la Gaule, la Grande-Bretagne et l’Espagne. Pendant cette période de détention, la théologie de Paul a atteint sa pleine maturité.
Grâce aux «épîtres de Captivité», Paul eut la possibilité de rester en relation avec les Églises d'Asie et de Macédoine. Nous savons aussi qu'Épaphrodite lui apporta des secours sous forme de colis, et probablement aussi de l'argent, de la part des chrétiens de Philippes (Lydie, Évodie, Syntiché, et d'autres), et qu'il s'en retourna avec une admirable lettre de remerciements. Tychique fut envoyé à Éphèse et à Colosses avec des lettres de Paul. À Onésime, l'esclave fugitif, il remit un mot d'introduction pour Philémon, son maître, un riche chrétien de Colosses, dont la maison servait aux assemblées dominicales. La demande que Paul adresse à ce dernier de lui préparer un gîte nous permet de supposer qu'il croyait à une libération imminente.
Dans ses écrits, Paul parle souvent de l’importance de la prière. Si cette prière est pour le bienfait de tous, l'Apôtre recommande néanmoins un groupe privilégié : «les rois, les chefs politiques et tous ceux qui détiennent l'autorité». Pourquoi fait-il cette recommandation ? Paul craignait que les Juifs chrétiens ne se joignent aux zélotes et qu’ils incitent les Églises à prendre une attitude hostile envers le pouvoir politique. Nous savons qu’en 60, date du transfert de Paul à Rome, les Juifs d’Israël supportaient mal la paix romaine. Pour eux, depuis plus d'un siècle, le pouvoir romain avait ruiné leur liberté nationale. Ils mettent sur pied un mouvement de contestation qui en mai 66, peu de temps après la mort de Paul, dégénérera en rébellion sanglante. Le procureur Gessius Florus, ne se sentant plus en sécurité à Jérusalem, se retirera à Césarée, laissant seulement une cohorte dans l’Antonia, la forteresse du Temple. À l'instigation d'Éléazar, fils du grand prêtre Ananie, les révoltés s'empareront de la forteresse de Massada et cesseront les sacrifices quotidiens dédiés à César. L'armée du roi Agrippa II, un grand ami des Romains, sera battue par la résistance juive dans Jérusalem. Les palais royaux seront incendiés et les derniers Romains exécutés. Le mouvement de rébellion se répandra alors à toute la Palestine.
Le gouverneur de Syrie, Cestius Gallus, avec une légion entière (la 12e) ne pourra prendre la ville et le Temple de Jérusalem et sera obligé de battre en retraite. Ses soldats tomberont dans une embuscade, près de Beht-Horon, et 6 000 d’entre eux seront massacrés. Cette victoire transformera la révolte en guerre d'indépendance à laquelle se rallieront les autorités religieuses. Mais à partir de 67, les troupes romaines reprendront le contrôle du pays. En 70, Titus et son armée détruiront complètement Jérusalem et son temple. Ce sera la fin de l’État d’Israël.
De son lieu de rétention, à Rome, Paul anticipait déjà les résultats catastrophiques de la rébellion juive. C’est pourquoi il invitait les chrétiens à avoir une attitude favorable envers le gouvernement. Il faut aussi nous rappeler que les Romains l’avaient, à plusieurs reprises, sauvé d’une mort certaine aux mains des Juifs et des Judéo-chrétiens. Il voulait éviter que les autorités romaines ne prennent les chrétiens pour une secte du judaïsme engagée dans la lutte indépendantiste, en rébellion contre l’Empire.
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58.L'épître aux Colossiens
Paul dicte sa lettre depuis la prison
Même sous la garde d'un soldat [...peut-être un des nombreux qu'il convertira], Paul dicte ses lettres aux communautés
De sa prison, à Rome, Paul envoie plusieurs lettres aux Églises. Il écrit aux Colossiens, aux Éphésiens, à Philémon et aux Philippiens. Il y a d’autres lettres de cette période d’emprisonnement qui ne nous sont pas parvenues.
Plusieurs experts ont des doutes sur l’authenticité des lettres aux Colossiens et aux Éphésiens et pensent qu’elles auraient été écrites par un disciple de Paul, une dizaine d’années plus tard. Mais le développement doctrinal de ces deux épitres rend vraisemblable une rédaction durant la captivité de l’Apôtre à Rome, entre les années 60 et 62. De sa prison, Paul multipliait alors les contacts avec les chrétiens qu’il avait connus.
L’épître aux Colossiens s’adresse à une communauté située en Phrygie, à deux cents kilomètres d'Éphèse. Elle avait été fondée par Épaphras, le disciple de Paul : «C'est Épaphras, notre cher compagnon de service, qui vous a instruits; il nous supplée fidèlement comme ministre du Christ, et c'est lui-même qui nous a fait connaître votre dilection dans l'Esprit» (1, 7-8). Colosses, en partie détruite par un tremblement de terre en l’année 61, peu de temps après que Paul eut expédié sa lettre, ne retrouvera jamais son importance dans la région.
Épaphras «qui se donne bien de la peine» pour les Églises de Colosses, de Laodicée et de Hiérapolis, est venu rejoindre Paul à Rome. Les gens de Colosses se heurtaient au problème du mal. La souffrance est parfois si démesurée et si insupportable, que tout essai de solution par une philosophie naturelle conduit nécessairement au désespoir. En cette matière, il n'y a qu'une solution selon Paul : la croix du Christ. Sans la mystique de la croix, on ne peut venir à bout de ce problème. Paul lui-Colossiens 2,6-7même ne réussit à accepter ses souffrances que parce qu’il souffre en tant que membre du corps mystique du Christ, et «il complète en sa chair ce qui manque aux épreuves du Christ, en faveur de tous» (1, 24). A tous les membres du corps du Christ est attribuée une mesure de participation aux souffrances de la tête. Cette pensée devient pour Paul une grande source de joie car sa souffrance prend alors un sens apostolique. Il peut ainsi participer à l'oeuvre du Seigneur et ses épreuves s'ajoutent à celles du Christ pour son Église.
L'épître aux Colossiens ajoute quelques aspects nouveaux à la théologie de Paul, comme par exemple la réflexion sur le Christ, centre de la création. L'homme aliéné, soumis à l'autorité des puissances du mal, est sauvé et «réconcilié» à Dieu par l’intermédiaire de Jésus-Christ.
Le baptême est le signe rituel de cette réconciliation (3, 1-17). Par opposition aux rites divers contre lesquels Paul met en garde, le baptême est présenté comme la véritable circoncision (Col 2, 11). Déjà Jérémie invitait à la circoncision du coeur (Jr 4, 4). Les Colossiens ne sont pas circoncis, comme le voudraient les judéo-chrétiens, mais selon Paul le baptême est la nouvelle circoncision qui remplace celle des Juifs et qui introduits les chrétiens au peuple de Dieu et à la vie du Christ. Cette vie nouvelle devient la source de tous les comportements chrétiens : la foi, la charité, la paix, la prière animée par l'Esprit.
Colossiens 3,2Le Christ est la tête du Corps qu'est l'Église. Il est aussi le Premier-Né d'entre les morts, le premier ressuscité. Il rend à l'univers l'ordre que Dieu voulait avant la venue du péché. Cette unité du monde recentré sur Jésus était une idée chère à Paul. Grâce à Jésus, l'oeuvre créatrice de Dieu est achevée en réalisant l'unité du monde autour de sa personne.
Pour celui ou celle qui accède à la foi, il convient de se dévêtir du vieil homme pour revêtir l’homme nouveau à l’image du son Créateur :
«Il n'est plus question de Grec ou de Juif, de circoncision ou d'incirconcision, de Barbare, de Scythe, d'esclave, d'homme libre; il n'y a que le Christ, qui est tout et en tout. Vous donc, les élus de Dieu, ses saints et ses bien-aimés, revêtez-vous des sentiments de tendre compassion, de bienveillance, d'humilité, de douceur, de patience; supportez-vous les uns les autres et pardonnez-vous mutuellement, si l'un a contre l'autre quelque sujet de plainte; le Seigneur vous a pardonné, faites de même à votre tour. Et puis, par-dessus tout, la charité, en laquelle se noue la perfection. Avec cela, que la paix du Christ règne dans vos cœurs : tel est bien le terme de l'appel qui vous a rassemblés en un même Corps. Enfin vivez dans l'action de grâces!» (3, 11-15)
À la fin de la lettre, la liste des salutations des amis de Paul laisse supposer qu’ils s'étaient rassemblés à Rome autour de l'Apôtre. Son logement se transforme en un lieu d'amitié où tous les amis pensent aux soeurs et aux frères absents, où ils viennent prier et chanter, où ils se rassemblent pour la fraction du pain. Paul a toujours été un «communautaire», un «universaliste» et Rome lui suggère définitivement la vision universelle de l'Église : «Tychique vous informera... Je lui adjoins Onésime... Aristarque, mon compagnon de captivité, vous salue, ainsi que Marc, le cousin de Barnabé... Jésus surnommé Justus vous salue également... Épaphras, votre compatriote, vous salue... vous avez les salutations de Luc, le cher médecin, et de Démas.»
Paul termine en écrivant : «Et quand cette lettre aura été lue chez vous, faites qu'on la lise aussi dans l'Église de Laodicée; de votre côté, procurez-vous, pour la lire aussi, celle de Laodicée» (Col. 4, 16).
Paul écrivait souvent, non pas pour une seule église, mais pour plusieurs. La lettre s’achève ainsi : «Voici le salut de ma main, moi Paul. Souvenez-vous de mes chaînes.»
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59. La lettre aux Éphésiens
Paul en prison, par Rembrandt
Pendant sa captivité, Paul en profite pour écrire aux communautés.
(Saint Paul en prison, par Rembrandt)
Paul est prisonnier dans les chaînes, mais «la parole de Dieu n’est pas enchaînée» (Actes 28, 30-31). À Rome, il reste à la tête d'un organisme qui étend ses ramifications à toutes les Églises qu’il a fondées et même à quelques autres qui ont été fondées par des collaborateurs (ex. l’Église de Colosses). Un homme de sa trempe est encore capable de tirer profit d'une situation pénible et défavorable.
Paul réunit autour de lui un grand nombre d’amis. Aristarque de Macédoine, Timothée de Galatie, Tychique d’Éphèse, Épaphras de Colosses et Épaphrodite de Philippes. Luc d’Antioche de Syrie et Marc de Jérusalem font aussi parti de ce groupe privilégié. Le petit logis de l'Apôtre, où il est accompagné jour et nuit d'un soldat, est devenu un sanctuaire, un lieu de pèlerinage.
Dans ses «lettres de captivité» Paul réfléchit sur la
Rédemption par le Seigneur
et sur l'Église, corps du Christ.
Maintenant un vieil homme, l’apôtre jette un regard d'ensemble sur son oeuvre. L'atmosphère de combat a disparu. Il est plus calme et plus sage. Il a mûri. Il est urgent d'aller à l'essentiel et l'essentiel c'est la rencontre de Damas où, quelque trente ans plus tôt, le Christ est entré dans sa vie. Dans ses «lettres de captivité» Paul réfléchit sur la Rédemption par le Seigneur et sur l'Église, corps du Christ.
La lettre aux Éphésiens n’est pas destinée seulement à l'Église d'Éphèse. La ville n’est même pas nommée dans l'introduction de plusieurs manuscrits anciens et contrairement à son habitude, Paul ne mentionne aucun collaborateur dans les salutations finales. Le caractère général du texte suggère une sorte de lettre circulaire adressée à plusieurs Églises. Cette lettre est la prolongation de celle aux Colossiens : même style, mêmes expressions, mêmes thèmes fondamentaux. Le Christ, sommet de la création et tête de l’Église, est le lieu de réconciliation entre les Juifs et les Païens qui ne forment qu’un seul corps. Dans cette lettre, Paul souligne son statut de prisonnier du Christ : «C’est pourquoi moi, Paul, prisonnier du Christ à cause de vous, païens...» Lui, l'ancien persécuteur, a reçu la mission de proclamer le secret de Dieu aux non-Juifs.
Ephésiens 2,8La communauté des croyants n'est pas un groupe fermé sur lui-même, entre quatre murs, pour célébrer des rites religieux, mais un groupe de personnes qui adhèrent à Jésus Christ ressuscité et s’efforcent de vivre sa vision de paix, de fraternité et d’amour dans notre monde. Dieu le Père «sanctifie» tous les hommes et les adopte comme ses propres fils. Paul présente le Christ Rédempteur comme source de libération et de pardon, principe d'unité. Tous, Juifs et non-Juifs, forment une seule humanité et ensemble ils sont «réconciliés» au Père. L'homme nouveau créé par le Christ et inspiré par l'Esprit, peut enfin s'approcher de Dieu le Père.
Un seul Père, un seul Seigneur...Le salut offert par le Christ est universel. Le mur de séparation disparait entre les Juifs "peuple élu" et les païens "impurs"
L'ordre primitif détruit par le péché est rétabli dans le Christ. Le nouveau peuple de Dieu, constitue la cité nouvelle dont il est le chef. Cette présence du Christ unit et rassemble : «Un seul corps et un seul esprit, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous.» Le mur de séparation dans le sanctuaire à Jérusalem, symbole de la division de l'humanité en une caste religieuse privilégiée, un peuple élu d’un côté et une grande masse d’«impurs» de l’autre, ce mur est renversé.
Dans cette unité du corps du Christ, les uns sont apôtres, d'autres prophètes, ou évangélistes, ou pasteurs, ou docteurs, ne faisant plus qu'un dans la foi. Tous sont sauvés et leurs bonnes oeuvres découlent de leur vie en Jésus-Christ. Paul indique que l'homme nouveau, transformé par le Christ, doit avoir une nouvelle vie, une nouvelle morale, en conformité avec celle du Sauveur.
L'Église, Corps du ChristL’épitre aux Éphésiens est le livre du Nouveau Testament qui propose l’enseignement le plus élaboré sur l’Église. Il résume la pensée de Paul exprimée dans les lettres aux Galates et aux Romains.
C'est à partir de cette vision d'ensemble, que Paul propose une solution au problème de son époque, celui du mariage et de l'amour sexuel. La culture grecque ne pouvait guère se concevoir sans le concubinage et sans l’homosexualité. Les nobles penseurs et les plus grands hommes d'État, comme Socrate, Platon, Aristote, Périclès, l'approuvaient et attribuaient particulièrement aux unions entre les hommes, une grande valeur éducative. Cependant, cet érotisme masculin avait provoqué de plus en plus de mépris envers le mariage et envers les droits de la femme. Chez les Grecs personne n'aurait eu l'idée de chanter une épouse fidèle. Dans le jeune christianisme apparut soudain un sentiment nouveau pour l'épouse. Dans les inscriptions des catacombes, ce sens de la famille, et la reconnaissance émue de l'homme pour les soins touchants de son épouse, se révèlent pour la première fois : «la douce épouse». Pour Paul, la relation humaine entre homme et femme, est le symbole du mariage spirituel entre le Christ et l'humanité rachetée. De la doctrine du mariage chrétien de Paul, sortit une nouvelle éducation familiale.
«Les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps. Aimer sa femme, c'est s'aimer soi-même. Car nul n'a jamais haï sa propre chair; on la nourrit au contraire et on en prend soin. C’est justement ce que le Christ a fait pour son Église : ne sommes-nous pas les membres de son corps ? Voici donc que l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et les deux ne feront qu'une seule chair : ce mystère est de grande portée; je veux dire qu'il s'applique au Christ et à l'Église. Bref, en ce qui vous concerne, que chacun aime sa femme comme soi-même, et que la femme révère son mari.» (5, 22-33)
On connait les paroles de Paul : «Femmes, soyez soumises à vos maris». On sait que ces quelques mots ont pesé lourd sur le destin de nombreuses épouses et ont contribué à taxer Paul de misogyne. Mais l’ordre donné aux épouses de se soumettre à leur mari est relativisé par ce qui précède : «Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ.» L’autorité ne peut s’exercer à sens unique et elle doit être partagée. Dans les codes antiques, le mari commandait et la femme devait obéir à son époux. La prescription : «Maris aimez vos femmes» constitue donc une innovation décisive. La lettre aux Éphésiens ouvre la voie à une véritable pédagogie et spiritualité du mariage.
Une autre nouveauté de cette épitre. Les qualificatifs donnés à l’Église : «Une, sainte, catholique, apostolique» trouvent ici leur fondement.
Vivez dans l'amour,
comme le Christ nous a aimés
et s'est livré pour nous...
Comme il convient à des membres du peuple saint, la débauche, l'impureté sous
toutes ses formes et l'appétit
de jouissance sont des choses
qu'on ne doit même plus
évoquer chez vous (Ep. 5,2-3)
Dans la lettre aux Éphésiens, Paul rappelle encore une fois que nous sommes appelés à la liberté et le baptême nous aide à exclure tout ce qui, dans nos vies, est une entrave à cet appel : les faux dieux, les idoles, les asservissements multiples que nous connaissons bien.
Paul s’intéresse aussi à l’organisation de l'Église, à laquelle il donne une forme plus structurée. C'est ainsi qu’il est amené à instituer un corps de presbytres choisis parmi les fidèles, auxquels il donne le nom d'«episcopoi» (surveillants). C’était le titre qui s'appliquait, à cette époque, aux employés communaux et aux fonctionnaires corporatifs. Ces gens étaient destinés à devenir, après le départ de Paul, les pasteurs responsables des Églises locales.
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60. La lettre à Philémon
Paul dicte sa lettre à Philémon
Paul dicte sa lettre à Philémon.
Pour souligner le caractère cordial et touchant de cette lettre le dessinateur ajoute à la scène un coeur qui s'envole
La lettre à Philémon est la plus courte des épîtres de Paul - vingt-cinq versets dans un unique chapitre -, et c’est l’une des plus émouvantes. À travers ce qui semble une simple requête, nous retrouvons une belle illustration de l’esprit caritatif de l'Église du 1er siècle. Cette charité va au-delà de toutes conditions sociales.
Philémon, à qui la lettre est adressée, a été baptisé par Paul qui le traite d'ami et de collaborateur. Il habite Colosses ou quelque ville voisine et la communauté chrétienne se réunit chez lui. Ce billet familier dicté à Timothée, met en lumière le tact et l’amitié de Paul. C'est la seule lettre «privée» que nous possédions de l’Apôtre des nations. Elle nous permet d'assister à la lutte menée par le christianisme primitif sur le plan social. Elle est très touchante, car elle nous montre Paul dans un geste noble de bonté et de compassion.
Le jeune esclave Onésime confie sa peur à Paul qu'il sait être l'ami de son maître Philémon.
Le personnage principal de cette lettre est le jeune esclave Onésime qui avait probablement commis quelque délit et s’était enfui pour éviter d’être puni. Il échoua finalement à Rome, lieu de rendez-vous de tous les individus louches et en cavale. Dans la plus grande ville du monde, il était possible de disparaître dans la foule, mais Onésime se trouve bientôt dépourvu de moyens et la police romaine poursuit avec acharnement les vagabonds et les esclaves en fuite. Il est hors-la-loi, et pratiquement acculé à une carrière criminelle. Désespéré et pris de panique, Onésime va visiter Paul, prisonnier à Rome. Le jeune esclave l’avait probablement connu chez son maître Philémon qui, avec sa femme Appia, étaient les amis de l'Apôtre. En toute simplicité, Paul plaide en faveur de l’esclave Onésime et se permet de s'inviter chez Appia et Philémon.
Le cas d’Onésime est sérieux. Quand on reprenait un esclave qui s'était enfui, on avait l’habitude de le marquer au fer rouge, d'un F sur le front (fugitivus = fuyard). Un esclave qui avait volé, par exemple, pouvait être condamné à la bastonnade, jusqu'à ce que mort s'ensuive, ou encore être envoyé dans le pistrinum, où il devait tourner le moulin à perpétuité.
Paul écrit pour Onésime
Paul écrit à Philémon pour faire appel à son indulgence envers Onésime; il lui suggère même de l'affranchir.
Après la rencontre avec Onésime, Paul prisonnier dans son logis, renvoie le jeune esclave à son maître en le priant de le traiter comme un frère. Il plaide l’indulgence et suggère discrètement de l'affranchir : «Je l'aurais bien gardé près de moi, à ta place, dans la prison où je suis à cause de l'Évangile ; mais je n'ai rien voulu faire sans ton accord, afin que ce bienfait n'ait pas l'air forcé, mais qu'il vienne de ton bon gré.» Paul détient envers Philémon une paternité spirituelle car il l’a baptisé. Il connaît la nature droite et noble de son interlocuteur, auquel il n'est pas nécessaire de donner des ordres. Il en appelle plutôt à la loi de l'amour.
Reconciliation - D'esclave à fils
D'esclave à frère!
...Paul ose le demander: reprendre Onésime «non plus comme un esclave mais comme bien mieux qu'un esclave : un frère bien-aimé» (Philémon 16)
«Moi Paul, un vieillard !» Philémon voit devant lui la figure ridée de l'Apôtre, émouvante humilité de l'homme âgé en face d'un plus jeune ! La saisissante peinture de Rembrandt, représentant Paul sous les traits d'un vieillard, s'impose à notre regard. Paul est un prisonnier qui ne songe pas à sa propre misère, mais à celle d'autrui. Il invite Philémon au pardon. «Tu croyais subir une perte, mais voici que tu viens de faire une bonne affaire : au lieu d'un esclave, il te revient un frère»
Onésime apporte à Philémon la lettre de Paul
L'esclave Onésime revient chez Philémon et lui remet en main propre la lettre de Paul
L'épître à Philémon n'est pas seulement un chef-d'oeuvre de tact et de politesse, elle est également une esquisse de déclaration chrétienne des droits de l'homme. Paul ne pouvait songer à proclamer l'abolition de l'esclavage. L'Empire romain comptait alors beaucoup plus d'esclaves que de citoyens libres et ils représentaient une part importante des richesses de l’Empire. Les maisons comptant plusieurs milliers d'esclaves n'étaient pas rares. Sénèque dit qu'ils ne portaient pas d'habits différents de ceux des autres citoyens, afin qu'ils ne se rendent pas compte de leur supériorité numérique. Des millions d'esclaves s'affairaient dans les maisons, dans les propriétés agricoles, dans les fabriques, les tanneries. Toutes les oeuvres d'art sortaient de leurs mains, de même que tout le luxe artistique. Paul ne pouvait intervenir que dans le sens d'une amélioration du sort des esclaves. La proclamation de l'abolition de l'esclavage aurait provoqué des représailles sanglantes, comme ce fut le cas lors de la révolte des gladiateurs avec Spartacus. L'Antiquité classique, Aristote même, n'a rien vu de mal dans l'institution sociale de l'esclavage.
L'esclavage a toujours été à la base de toutes les civilisations antiques.
À Rome, les esclaves étaient en forte majorité mais sans le moindre droit et
leur situation était cruelle.
Onésime pouvait s'attendre au pire.
Selon le droit, la situation des esclaves était cruelle. «Il n'y a pas d'acte illégal vis-à-vis d'un esclave»; tout le monde admettait ce principe. Le traitement pratique des esclaves était cependant meilleur que leur situation juridique. Ce sont les Juifs qui montraient le plus d'humanité à l'égard de leurs esclaves, puisque personne ne pouvait être esclave chez eux pendant plus de sept ans. Ils devaient être libérés pendant l’année sabbatique. Les Grecs en général étaient plus cléments pour leurs esclaves que les Romains. Sénèque écrit à Néron : «Sois bon envers tes subordonnés; car toute la ville de Rome montre du doigt, avec dégoût, le maître qui est cruel vis-à-vis d'un esclave».
Paul avait déjà posé les fondements des droits de l’homme dans sa lettre aux Galates, lorsqu'il proclama l’égalité en Jésus Christ :
«Vous tous en effet baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ; il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus.» (Gal 3, 28).
Les Grecs et les Romains défendaient aux esclaves de s’associer à la religion officielle. On ne leur permettait que la pratique du culte des divinités champêtres d'un rang secondaire. Contrairement à cette position officielle, Paul proclame l'égalité de tous sur le plan religieux :
«Tous, en effet, nous avons été baptisés en un seul Esprit pour ne former qu'un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres; et nous avons été tous abreuvés du même Esprit» (1 Cor. 12, 13).
L’Église primitive a maintenu cette estime de l'homme, fût-il de la condition d'esclave. L'esclave put accéder à toutes les fonctions ecclésiastiques. Quelle étrange nouveauté : l'Église de Rome fut dirigée tantôt par le descendant d'une grande famille, comme le pape Corneille, tantôt par un ancien esclave, le pape Calliste qui se serait enfui, aurait été rattrapé et condamné aux peines infamantes des mines et de la roue tournante. Même si, au Moyen Âge, l’élite romaine domine en large mesure la hiérarchie de l’Église, on fit néanmoins preuve d'une belle reconnaissance vis-à-vis saint Paul, en se référant expressément à lui dans les documents d'affranchissements, où on invitait les propriétaires à libérer leurs esclaves : «Mais puisque Paul le fit entendre avec une voix puissante : Désormais il n'y a plus d'esclave, mais uniquement des gens libres... voici que je veux te rendre libre, à partir de ce jour, toi, mon esclave que j'ai acheté à prix d'or».
Tout ce qui participe à une authentique liberté pour les êtres humains, puise dans l'héritage spirituel de Paul
Tout ce qui participe à une authentique liberté pour les êtres humains, puise dans l'héritage spirituel de Paul, interprète fidèle du Christ. «Moi, Paul, prisonnier pour le Christ Jésus, je te prie pour mon enfant, Onésime, que j'ai engendré dans les chaînes.» Paul qui au temps du sanguinaire Néron, a prononcé ces paroles empreintes d'une telle bonté, quand il était lui-même enchaîné, reste béni à jamais. Il invite Philémon de reprendre Onésime «non plus comme un esclave mais comme bien mieux qu'un esclave : un frère bien-aimé» (Philémon 16). S'il a fallu des siècles pour que l'Église mette en oeuvre cette leçon, ce n'est certainement pas de la faute de Paul.
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61 – Lettre aux Philippiens
Paul en prison avec un scribe
Paul écrit à sa communauté de prédilection.
Les experts discutent beaucoup sur la date de composition de la lettre aux Philippiens. Paul est prisonnier, mais s’agit-il de la prison de Césarée, d’Éphèse ou de Rome? Il semble que l’endroit le plus probable soit la ville de Rome, pendant la première captivité de Paul.
L'Église de Philippes en Macédoine a été fondée au cours du deuxième voyage missionnaire, en l’an 50. Première sur «le continent européen», elle a été pour lui un objet de prédilection.
Ste Lydie de Philippes
Ste Lydie, l'extraordinaire animatrice de l'Église de Philippes
Dans sa prison de Rome, Épaphrodite lui remet un don substantiel venant de cette communauté très attachée à Paul. Touché par cette preuve d'affection et de reconnaissance, l’Apôtre savait qui était à l’origine de la générosité des Philippiens, une femme au coeur fidèle et apostolique : Lydie, qui avait été la première à le recevoir dans sa maison de Philippes.
C'est probablement en 63 que Paul a écrit cette lettre pleine de cordialité. Il parle de sa captivité comme d'une réalité dont les chrétiens sont déjà informés:
«Je vous porte dans mon coeur, vous qui, dans ma captivité comme dans la défense et l'affermissement de l'Évangile, prenez tous part à la grâce qui m'est faite. » (Ph 1, 7)
Il ajoute un commentaire plein d’espérance :
«Je veux que vous le sachiez, frères : ce qui m'est arrivé a plutôt contribué au progrès de l'Évangile. Dans tout le prétoire, et partout ailleurs en effet, il est maintenant bien connu que je suis en captivité pour le Christ et la plupart des frères, encouragés dans le Seigneur par ma captivité, redoublent d'audace pour annoncer sans peur la Parole.» (Ph 1, 12-14)
Cette épître n’est pas un exposé doctrinal mais un entretien familier. Paul écrit pour remercier la communauté des secours qu’Épaphrodite vient de lui apporter et il en profite pour donner de ses nouvelles, en y ajoutant quelques conseils. À la suite de l'expérience des Galates, il y joint une mise en garde contre les chrétiens venus de Judée : Ne vous laissez pas berner par ces faux chrétiens, «Prenez garde aux chiens! Prenez garde aux mauvais ouvriers! Prenez garde aux faux circoncis!»
Le passage le plus important de cette épître est le texte sur le mystère du Christ
Le passage le plus important de cette épître est le texte sur le mystère du Christ (2, 6-11) : «Lui de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu...». Paul s'inspire du Serviteur souffrant d’Isaïe et du juste persécuté. L'humiliation et la mort de Jésus sont les conditions obscures dans lesquelles l’incarnation s'est opérée. Le premier Adam croyait pouvoir s'approprier la «vie divine» comme un fruit défendu. Le deuxième Adam, Jésus, était en possession légitime du titre divin et pourtant, il s'est librement dépouillé de sa divinité, pour devenir l’un d’entre nous. C’est le mystère de l’incarnation. Paul invite alors les Philippiens à conformer leur vie à celle du Christ : «Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus.»
Paul affirme avoir trouvé à Damas une nouvelle valeur à sa vie: la connaissance du Christ
qui dépasse tout le reste
L’épitre aux Philippiens est considérée par plusieurs comme la «perle» des lettres de Paul. Il ne faut pas y chercher une suite rigoureuse de la pensée, mais l’épanchement du coeur, où l’auteur poursuit une intention pastorale. Il voudrait faire de Philippes une communauté modèle, et en bannir toutes les dissensions.
Pour lui, toutes les autres réalités sont sans valeur:
"tous ces avantages dont j'étais pourvu, je les ai considéré comme un désavantage, à cause du Christ... À cause de lui, j'ai accepté de tout perdre, je considère tout comme déchets, afin de gagner le christ... (3, 7-8)
Il termine par un appel à la joie : «Réjouissez-vous dans le Seigneur». Le Seigneur est pour Paul la source de toutes les joies et c'est dans le coeur de Dieu qu'il cherche cette source de vie. La joie est aussi l’un des moyens les plus efficaces de la transmission de la foi à ceux qui sont à l'extérieur, pour qu'en vivant avec les chrétiens, ils puissent découvrir cette source profonde.
Paul se réjouit surtout de ce que sa captivité n'empêRéjouissez-vous dans le Seigneurche nullement le progrès de l'Évangile, mais le favorise au contraire. Certains milieux judéo-chrétiens cherchaient à attirer l'attention de l'opinion publique romaine sur le prisonnier pour sa perte, mais à travers les malheurs de Paul, le nom du Christ était de plus en plus connu à Rome. La raison la plus profonde de son allégresse spirituelle est exprimée dans la phrase lapidaire, inscrite au-dessus du tombeau de l'Apôtre : «Mihi vivere Christus et mori lucrum» - «Le Christ est le sens de ma vie, et dussé-je mourir, la mort sera pour moi un gain».
Pour Paul, la joie chrétienne embrasse tout ce qui, dans la Création, est beau, grand et bon : «Tout ce qu’il y a de vrai, de noble de juste, de pur, d’aimable, d’honorable, tout ce qu’il peut y avoir de bon dans la vertu et la louange humaines, voilà ce qui doit vous préoccuper.» (4, 8) Le chrétien est la personne qui, vivant en paix avec Dieu, vibre à l'unisson avec tous, allié à tout ce qui est beau, noble et grand. Selon Paul, un christianisme qui n'accorderait pas une place importante à ce qui a été pensé, dit, écrit et réalisé de grand et de beau, serait un christianisme bien triste.
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62 – La fin des Actes des Apôtres
Tout ira pour le mieux à la finÀ la suite de l’emprisonnement de Paul à Rome, on peut se poser des questions sur la lenteur de l'administration impériale. Les officiers de César : Félix, Festus et Julius, de même que le roi Hérode Agrippa II étaient d’avis qu'il n'y avait contre Paul aucune accusation sérieuse. Mais comme le procès ne pouvait être engagé que le jour où les accusateurs juifs de Jérusalem déposeraient leurs griefs, il est possible d'imaginer que ceux-ci aient choisi de ne pas venir à Rome, par peur de Néron. L'Apôtre était donc condamné à attendre, soit une arrivée possible de ses accusateurs, soit une attention particulière de l'empereur, qui avait bien d'autres soucis.
Paul en liberté surveillée à Rome
Paul en liberté surveillée à Rome.
Après ces deux ans de première captivité à Rome, Paul continuera d'évangéliser et entreprendra d'autres voyages mais Luc arrête là son récit.
En arrivant à Rome, Paul avait invité les notables juifs à venir le rencontrer et il leur avait exposé ses idées : il n’avait rien fait contre son peuple et contre ses coutumes et c’est à tort que des Juifs s’étaient plaints de lui. «Voilà pourquoi j’ai demandé à vous voir et à vous parler; car c’est à cause de l’espérance d’Israël que je porte les chaînes que voici.» (Ac 28, 20). Les Juifs de Rome affirmèrent alors qu’ils ne connaissaient à son sujet que des rumeurs, et lui demandèrent de leur exposer le programme de sa «secte». Cet entretien fut l’ultime tentative de Paul pour convaincre les membres de la Synagogue. Du matin jusqu’au soir, il leur présenta Jésus à partir de la Loi et des Prophètes. À la fin, certains se laissèrent convaincre, mais la majorité était en désaccord avec lui. C’est alors que l’Apôtre, dressant le bilan de cet échec, a cité la fameuse parole d’Isaïe 6, 9-10 souvent mentionnée dans le Nouveau Testament :
«Va trouver ce peuple et dit lui : «vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas; vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas. C’est que le coeur de ce peuple s’est épaissi.» (Ac 28, 26-27).
Luc ne veut pas terminer son récit des Actes des Apôtres
par l'échec du dernier procès
de Paul et sa décapitation.
Il ne mentionne pas non plus
la crucifixion de Pierre.
Il termine en ouvant une
perspective positive sur
l'avenir de l'Église.
Cette parole, Luc la cite en entier, parce qu’elle représente la pensée du prophète et celle de Paul. Elle ne maudit pas Israël, mais constate l’échec de Dieu devant l’endurcissement de son peuple. Encore une fois, la porte n’est pas fermée entre l’Église et la Synagogue. D’ailleurs Luc ajoute avec finesse que certains des Juifs se sont laissé convaincre.
Du procès de Paul, Luc ne dit rien, ce qui nous semble étrange puisqu’il a probablement suivi l’Apôtre jusqu’à sa mort. Il voulait que l’Évangile arrive au centre du monde sans toutefois terminer son livre sur une défaite de Paul. C’est pourquoi il ne parle pas de sa mort et ouvre plutôt une perspective positive sur l'avenir de l'Église :
«Paul demeura deux années entières dans le logis qu’il avait loué. Il recevait tous ceux qui venaient le trouver, proclamant le Royaume de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ avec pleine assurance et sans obstacle.» (Ac 28, 30-31)
Le livre se termine ainsi. L’Apôtre est dans les chaînes, mais la Parole est libre.
Pour comprendre cette décision de terminer ainsi son deuxième volume, il faut comparer le silence de Luc sur la mort de Paul, à son silence sur la mort de Pierre. Quelques chapitres plus tôt, Pierre est délivré de sa prison par un ange et accueilli dans la maison de Marie, la mère de Marc. Il quitte ensuite le petit groupe de chrétiens réunis pour prier, sans donner d'explications et sans dire où il s’en va. Tout paraît naturel : «Annoncez-le à Jacques et aux frères. Puis Pierre sortit et s'en alla dans un autre endroit» (Ac 12, 17). Impossible d'en dire moins. Après cet événement, Luc ne parle plus de Pierre. Les deux piliers de l’Église naissante disparaissent de façons un peu mystérieuse, et sans que leur disparition ne semble soulever de question.
L'espérance dans le mystère
pascal transparait dans la fin
des Actes des Apôtres.
L’Église continuera à se développer au-delà de la mort
de ces premiers témoins.
Il faut se rappeler que Luc cherche moins à écrire une biographie des témoins de l’Évangile qu’une histoire du christianisme naissant. Ce qui compte pour lui, c’est le développement de l’Église primitive. Il utilise les dernières lignes de son deuxième volume pour décrire Paul comme un témoin exemplaire, un modèle pour les chrétiens qui le suivront. Luc met en lumière la valeur irremplaçable de la mort de Jésus, l'unique sauveur du monde. Ni Étienne, ni Pierre, ni Paul n’auront donné leur vie pour le salut du monde.
Plusieurs facteurs favorisent le développement du christianisme. Tout d’abord, l’emprisonnement de Paul. La population juive de Rome comptait alors environ 30.000 personnes, petite minorité dans la plus grande ville du monde. La moitié de cette population juive était chrétienne et Paul attribue ce succès à sa captivité :
«Parce que je suis dans les chaînes, la plupart des frères ont repris courage, ils font preuve de hardiesse et annoncent sans peur la parole de Dieu» (Philippiens 1, 14).
Un second élément qui favorisa le christianisme fut la cruauté de l’Empire. Le nombre d’esclaves et de personnes qui n’étaient pas citoyens romains était considérable, de l’ordre d’environ 90% de la population. Pour les Romains, ces gens avaient peu d’importance et étaient souvent traités de façon inhumaine. À cette époque, un événement venait de faire sensation dans la capitale. Le préfet de Rome, Pedanius Secundus, avait été assassiné par un esclave, jaloux de ses relations avec une jeune esclave. D'après la loi, tous les esclaves qui, au moment du crime, habitaient sous le même toit que le meurtrier, devaient être mis à mort. Près de quatre cents malheureux vivaient dans cette famille. Chez le peuple, le sentiment de justice se révoltait contre un tel procédé. Mais le Sénat et l'Empereur décidèrent d'appliquer la loi (Tacite, Annales 14, 42). Il ne faut pas s’étonner que le message chrétien annoncé par Paul ait attiré l'attention des esclaves impériaux du Palatin, et que le nom de Paul y ait été prononcé avec vénération. Dans sa lettre aux Philippiens, il écrit: «Tous les saints vous saluent, spécialement de la maison de César» (4, 22). Pour Paul «Juifs et Grecs, hommes et femmes, esclaves et citoyens libres», tous étaient sur le même pied.
Un troisième facteur important favorisant le développement du christianisme fut le contacte quotidien de Paul avec la garde prétorienne. Pendant ces deux années de détention à domicile, il devait supporter le changement continuel de soldats préposés à sa garde. Cependant, il y trouvait là un avantage. Un certain nombre des membres du prétoire apprirent à le connaître. C'est ainsi qu’il pouvait écrire aux Philippiens :
«Je tiens à vous faire savoir, frères, que ce qui m'est arrivé a plutôt favorisé les progrès de l'Évangile. Dans tout le prétoire et partout ailleurs, il est devenu évident que c'est pour le Christ que je suis dans les chaînes» (1, 13).
Souvent, ces soldats étaient ensuite envoyés dans différentes provinces de l’Empire.
Paul était «un créateur d'amitiés», et comme Socrate en prison, il avait ses amis à ses côtés. Deux hommes se faisaient particulièrement remarquer par leur assiduité : Marc et Luc. L'un sera l'évangéliste de Pierre, l'autre celui de Paul. La conception de la vie de Jésus comme chef-d'oeuvre de miséricorde universelle, a certainement été influencés par Paul. Devant le centurion Corneille, Pierre avait dit :
«Je me rends compte en vérité que Dieu ne fait pas acception de personne.» (Ac 10, 34)
À cette promesse d’ouverture à tous, Juifs et non-Juifs, l’Apôtre des Gentils a consacré sa vie.
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63 - Paul est-il allé en Espagne?
Le récit de Luc dans les Actes des Apôtres s'arrête brusquement en disant que Paul a vécu à Rome pendant deux ans en liberté surveillée, tout en continuant à annoncer la Parole de Dieu. (Ac 28, 30-31) Il semble qu’après cet emprisonnement, il ait été relâché. C’était à prévoir car la lettre d’explication du procurateur de Césarée, Festus, était à l’avantage de Paul. Le centurion Julius, responsable des prisonniers pendant le voyage, l’avait en haute estime, et une fois à Rome, on lui avait imposé le régime carcéral le moins sévère possible, celui de «l’arrêt domiciliaire».
Deux indices importants soutiennent l’hypothèse de libération :
a) le procès de Paul devant les officiers romains de Jérusalem et de Césarée a prouvé que sa cause était excellente et qu’il n’y avait rien de sérieux contre lui;
b) le genre d'emprisonnement imposé à Rome ne permet pas de croire possible une condamnation à la peine capitale.
5e voyage missionnaire de Paul
Divers indices laissent entendre qu'après sa première captivité à Rome, Paul a fait un cinquième voyage missionnaire qui l'aurait amené jusqu'en Espagne considérée comme la limite du monde
Pour reconstituer les dernières années de la vie de Paul après sa libération, nous n'avons que des sources fragmentaires : les lettres à Timothée et à Tite, la lettre de Clément de Rome et le canon de Muratori. Selon ces sources, Paul serait mort à Rome, pendant la persécution de Néron, sur la Via Ostia près de Tre Fontane, probablement en l’an 67.
Les lettres à Timothée et à Tite parlent des voyages de Paul après sa libération. Il visite Corinthe, Éphèse, Troas, la Crète, etc. Il aurait été arrêté de nouveau à Nicopolis pour subir un deuxième emprisonnement.
Pendant ces années de liberté, Paul aurait-il réalisé son rêve d'aller évangéliser l'Espagne? On ne peut l’affirmer de façon catégorique, mais Clément de Rome et le canon de Muratori le supposent. Selon les paroles de Paul, il avait achevé son oeuvre en Orient et son regard se tournait vers l'Espagne considérée comme la limite du monde. Après son séjour à Rome, il aurait fait voile à partir d'Éphèse, se serait rendu à Massilia (Marseille), pour aboutir ensuite en Espagne. Puisque les bateaux faisaient de longues escales dans les ports les plus importants, il est probable qu'il ait foulé la terre des Gaules et visité la communauté chrétienne qui s'y trouvait. Selon la «version gauloise» de la 2e lettre à Timothée, Luc l'accompagnait.
Pape Clément de Rome
Le pape Clément de Rome, témoigne de cette mission de Paul en Espagne.
Le plus ancien témoin de cette mission en Espagne est Clément de Rome, le 4e pape (de 89 à 97), qui a vraisemblablement connu saint Paul. Il écrit à la communauté de Corinthe que Paul s'était aventuré «jusqu'aux confins de l'Occident» ce qui, du point de vue romain, ne pouvait désigner que l’Espagne. Le fragment de Muratori, document hautement estimé, parce qu'il fournit la première liste des écrits néo-testamentaires, affirme que Luc n'a pas mentionné le martyre de Pierre et le voyage de Paul en Espagne, parce que ces événements dépassaient le but qu’il s’était fixé pour son volume sur la naissance de l’Église.
En Espagne les traditions locales au sujet du voyage de l'Apôtre, ne manquent pas, notamment à Ecija, à Lecuza, et avant tout à Tortosa, où Paul est sensé avoir ordonné Rufus évêque du lieu. Cependant l’existence de ce voyage reste plongée dans l'obscurité et nous devons nous contenter de conjonctures.
Pendant les dernières années de Paul, Néron se soustrayant à l'influence de Sénèque, son précepteur, commençait à jeter le masque. La situation en Palestine s’était détériorée progressivement pour aboutir à la terrible guerre d'extermination qui détruira complètement la ville de Jérusalem, rasera le Temple et mettra fin au pays d’Israël. Cette incursion romaine par Titus et son armée, de 67 à 70, a sonné le glas de l’État d’Israël, qui ne renaîtra qu’en 1948.
Après le feu dévastateur de la ville de Rome, Néron s’en prend aux chrétiens et déclenche une grande persécution. Les historiens sont d’avis que ni Néron, ni les chrétiens ne sont responsables du terrible incendie et que l’Empereur cherchait des boucs émissaires.
On a tendance à croire que la persécution de Néron se déchaîna dans les jours qui suivirent l'incendie de Rome qui a eu lieu du 18 au 24 juillet 64. Tacite indique qu'il en fut autrement. Avant de déclencher sa persécution, Néron avait eu le temps de rebâtir une bonne partie de la ville incendiée, sans cependant réussir à calmer la fureur populaire : «Néron mit à profit la destruction de sa ville et se bâtit un palais où l'or et les pierreries n'étaient pas ce qui étonnait le plus; ce luxe est depuis longtemps ordinaire et commun : mais ce palais enfermait des champs cultivés, des lacs, des solitudes artificielles, des bois, des esplanades, des perspectives... Par ailleurs l'espace resté libre pour construire des maisons ne fut pas utilisé sans ordre, au hasard. Les maisons furent alignées, les rues élargies, les édifices limités à une juste hauteur... Mais ni efforts humains, ni largesse du prince, ni cérémonies religieuses expiatoires ne faisaient taire l'opinion... d'après laquelle l'incendie avait été ordonné. Pour mettre fin à ces rumeurs, Néron supposa des coupables... » (Ann. XV)
Une ville comme la Rome ancienne ne se reconstruit pas en quelques mois, même lorsqu'un empereur préside aux travaux et que la main-d'oeuvre ne coûte presque rien. On doit donc reporter la persécution aux années 66 à 68.
S'il faut ainsi retarder la persécution de Néron, on ne s'étonne plus que Paul ait pu, depuis le printemps 63, se livrer aux multiples activités dont parlent ses lettres à Timothée et à Tite. Au IVe siècle, Eusèbe de Césarée confirme que Paul est mort la 14e année du règne de Néron (54-68), c'est-à-dire vers la fin de ce règne.
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64. La première lettre à Timothée
Timothé - vitrail
Timothée, le "fils bien-aimé" de Paul, son meilleur ami, fidèle collaborateur, compagnon de nombreux voyages.
Il fut le premier évêque d'Éphèse
et mourut martyr.
Les trois «épîtres pastorales» (1 et 2 Timothée, lettre à Tite) portent ce nom seulement depuis le XVIIIe siècle. Ces lettres de Paul figurent dans le canon Muratori (vers 180) et sont connus de Clément de Rome, pape de 89 à 97, de Polycarpe de Smyrne (+ 155), de Tatien (+ 173), d’Irénée de Lyon (+ 202), de Clément d'Alexandrie (+ 220), et de l’évêque Eusèbe de Césarée (+ 339). Tous les acceptent comme étant bien de l'Apôtre.
Pourtant, malgré le témoignage presqu’unanime de la tradition, un grand nombre de critiques modernes estiment que Paul n'est pas l'auteur de ces lettres. Ils avancent d'une part, que les erreurs combattues et l'organisation hiérarchique, semblent indiquer une période plus tardive de l’histoire de l’Église et, d'autre part, que la langue et le style employés sont différents de ceux de l'Apôtre. Ces experts affirment qu’elles auraient été écrites après la mort de Paul, par l’un de ses disciples. Malgré ces différences d’opinions, les épitres pastorales ont toujours été maintenues dans la liste des écrits pauliniens tout au long de l’histoire de l’Église.
Les 3 lettres dites "pastorales"
(Timothée 1 et 2, Tite) s'adressent aux pasteurs qui
ont charge de communautés.
Contrairement aux épîtres destinées aux Églises, les lettres pastorales sont adressées à des responsables de communautés chrétiennes. Augustin déjà, et Thomas d'Aquin ensuite, avaient souligné le caractère «pastoral» de ces trois lettres : elles entendent préparer les pasteurs et assurer la croissance et la vie de foi des communautés.
Après sa libération à Rome, en route vers la Macédoine, Paul a laissé Timothée à Éphèse et Tite en Crète. Il envisage de passer l’hiver à Nicopolis, en Grèce, d’où il aurait écrit ces lettres.
Saint Timothée, premier évêque d'Éphèse, reçoit lla première lettre de Paul
L'évêque Timothée reçoit de Saint Paul la première épître.
(Bible historiale. Guiard des Moulins. Paris. XIVe.)
On se rappelle que Timothée a été l'un des disciples les plus proches de Paul. Natif de Lystres, dans la province romaine de Galatie, d'un père païen et d'une mère juive (Eunice), élevé dans un judaïsme très orthodoxe par sa mère et sa grand-mère, il n'avait toutefois pas été circoncis. Sa mère a sans doute voulu respecter la culture grecque de son père. C’est Paul qui l’a fait circoncire. Le livre des Actes indique qu'au cours de son deuxième voyage à Lystres, Paul avait remarqué ce jeune homme dont «la réputation était bonne parmi les frères de Lystres et d'Iconium». Très rapidement, Timothée devient l'enfant chéri et le fidèle collaborateur de l'Apôtre. Son activité missionnaire s'exerce surtout à Éphèse et en Macédoine. Il a accompagné Paul jusqu’à sa mort et on le retrouve près de lui pendant la première captivité à Rome.
Quant à Tite, d'origine païenne, il a très probablement été converti par Paul lui-même à Antioche de Syrie. Il a participé au «concile de Jérusalem» et a été le représentant de Paul auprès de l'Église de Corinthe. Peut-être est-il resté longtemps à Corinthe car il n'a plus fait parler de lui jusqu'à sa mission en Crète. Plus tard, Paul l'invite à le rejoindre à Nicopolis, en Épire.
Dans les lettres de la captivité (Colossiens, Éphésiens, Philémon et Philippiens), Paul est le grand théologien et le grand mystique, méditant dans sa solitude sur le plan de la Rédemption divine (peintures de Rembrandt). Dans ses lettres pastorales, il s’occupe des pasteurs qui ont charge de communautés.
Ce qu'on attend d'un évêque
La première lettre à Timothée s’adresse à un jeune homme de tempérament enclin à la timidité, qui a besoin de la main forte de son ami. Les deux hommes étaient très différents de caractère, et pourtant Paul n'aimait personne plus que Timothée. Il lui montre le vrai chemin pour gagner de l'influence sur les autres : être exemplaire dans les paroles, dans la foi, la charité, la dignité et la simplicité, dans la façon de traiter les hommes et les femmes. Que Timothée honore les prêtres zélés, particulièrement ceux qui se donnent de la peine pour instruire les membres de la communauté. Il vaut mieux avoir moins de prêtres, qu'un excès d'hommes médiocres. Vis-à-vis la communauté, Timothée doit éviter toute apparence d'âpreté au gain, ne pas poser d’exigences financières, ne pas mener un mode de vie supérieur au standard habituel. «Contente-toi de peu, sans tomber dans les excès d'un ascétisme sombre, prends de temps en temps un petit verre de vin».
Pour Paul, il n'y a pas deux éditions de l'Évangile : l'une pour les laïcs et l'autre pour les prêtres, l'une pour le simple peuple et l'autre pour les classes supérieures. Et il ajoute : Ce n'est pas Dieu qui doit être défendu en face de ce monde. Il n'est pas nécessaire d'établir pour lui un alibi. C'est l'homme qui est sur le banc des accusés; mais le Christ a prononcé à son sujet une sentence de pardon. Il est venu pour sauver «tous les pécheurs, parmi lesquels je suis le premier».
Les passages de la première lettre de Timothée sur les femmes comptent parmi les plus discutables aujourd’hui. Au chapitre 2, dans le cadre de la prière communautaire, les femmes sont d'abord exhortées pendant l'instruction à garder le silence, en toute soumission. Elles sont ensuite exclues de la «didaskalia», de l’enseignement, fonction d'importance majeure dans cette lettre : «Je ne permets pas a la femme d'enseigner ni de faire la loi a l'homme.» Ces propos sont basés sur le modèle des relations sociales de l'époque. Ce qui est nouveau c’est de les transposer à l'intérieur des assemblées chrétiennes, ce qui n’était pas le cas dans les lettres précédentes. En outre, la première lettre à Timothée s'efforce d'appuyer sur l'Écriture ses positions en faveur de la subordination de la femme (1 Tm 2, 13-15). Tout ceci semble être en contradiction avec les idées de Paul pendant ses voyages missionnaires. Le chapitre 5, en revanche, semble plus positif et le ministère du diaconat paraît ouvert aux femmes autant qu'aux hommes.
Paul s’en prend dans sa lettre à ceux qui enseignent «quelque chose d'autre», qui s'écartent de l’«enseignement sain» en conformité avec l'Évangile. La première à Timothée n'a pas de mots assez durs pour les qualifier: «esprits trompeurs», «menteurs», «incompétents jouant aux docteurs de la Loi». Paul qualifie leur enseignement de «doctrines diaboliques», des «racontars de vieilles femmes», de «généalogies sans fin», de «fables profanes», de «creux verbiage», de «questions oiseuses», de «querelles de mots», de «disputes interminables» ...
À la fin, Paul souligne la bonté foncière de la création, ce qui laisse supposer chez ses adversaires un certain mépris du corps et du monde matériel.
Ces lettres pastorales laissent entendre que les Églises passent à une étape nouvelle. L'Apôtre itinérant, propagateur ardent de la Bonne Nouvelle, cède la place au «ministre» stable, soucieux de rassembler une communauté en voie d'organisation.
Paul est maintenant un vieillard. Il arrive à la fin de sa vie :
«Le moment de mon départ est venu. J'ai combattu jusqu'au bout le bon combat, j'ai achevé ma course...» (2 Tm 4, 6-7)
Chez les Romains, le meurtre de Jules César provoqua la fin de la République. Après lui, la ville de Rome a été profondément modifiée par Auguste, le premier empereur, qui l’embellit de multiples fontaines, des premiers thermes, du Panthéon, du temple d'Apollon, d’un théâtre et d’une bibliothèque. Au Champ de Mars, l'autel de la Paix chantait la grandeur de l’empereur. Malgré tous ces efforts, Rome restait une ville surpeuplée et insalubre, sujette aux épidémies et aux feux dévastateurs.
Néron jouant de la lyre alors que Rome brûle
Néron jouant de la lyre alors que Rome brûle. Il se prétendait un gand artiste. Il fut le plus cruel des empereurs romains.
Lorsque Paul arriva dans la ville impériale, en 60, Néron venait d'atteindre l'âge de vingt ans. Suétone l'a campé pour la postérité : «de taille médiocre, les yeux bleus, le cou épais, le ventre proéminent, les jambes grêles et le teint naturellement rouge». Incapable de choisir entre ses ambitions désordonnées, ce jeune homme ne sait trop s'il doit aspirer à être le maître de l'empire ou chercher à se faire admirer comme le plus grand artiste de son temps. Il n'était pas encore devenu l'un des hommes les plus sanguinaires de l'histoire.
colonie juive
Une colonie juive importante vivait dans des quartiers pauvres de la ville de Rome.
Une colonie juive importante vivait dans la ville de Rome. Philon d’Alexandrie nous indique qu’au début du 1er siècle, les Juifs avaient élu domicile au-delà du Tibre, dans un quartier renommé pour sa saleté, le Trastevere : «Amenés en Italie comme prisonniers de guerre, la plupart d’entre eux avaient été affranchis, sans avoir été contraints d'altérer aucune de leurs traditions.» Flavius Josèphe écrit : «Les Juifs arrivés comme esclaves ont été rachetés par des Juifs libres.» Plusieurs pratiquent tous les petits métiers de l'époque. L’érudit Charles Perrot en parle de la façon suivante : «colporteurs ou vendeurs de pacotilles, mendiants et conteurs populaires, diseuses de bonne aventure et vendeuses de songes, marchands de toutes sortes, charlatans et escrocs, enfants qui apprennent à quêter aux bons endroits, etc.» Il y a peu de juifs parmi les classes élevées, bien que l'on mentionne Poppée, l'épouse de Néron, considérée comme une «sympathisante», et Fulvie, femme d'un sénateur, attachée à la cause juive. Les recherches confirment qu’ils étaient, en grande majorité, financièrement et culturellement pauvres.
La période de captivité
de Paul à Rome est parmi
les années les plus fructueuses de sa vie d’Apôtre.
Au temps de Paul, Rome comptait un million d’habitants. En étudiant les habitudes des gens de la ville, nous pouvons nous faire une bonne idée de la journée de Paul. L'homme de l'antiquité se levait avec le soleil. On ne pouvait travailler que de jour, car les installations d'éclairage laissaient beaucoup à désirer. Les heures du jour étaient donc précieuses. Après le souper, on ne travaillait plus. Si l’on décidait de travailler la nuit, on le faisait seulement entre le premier et le deuxième chant du coq, c’est-à-dire entre 3 et 6 heures du matin. Seuls les savants occupés à leurs recherches et les hommes d'affaires étaient sur pied à ces heures nocturnes.
Dans cet univers dépendant de la lumière du jour, la matinée était consacrée au travail, l'après-midi au repos et le soir à la famille. Pendant la chaude période d’accalmie de l’après-midi, la ville bruyante devenait silencieuse; les boutiques et les endroits publics étaient déserts. Le soir appartenait au repas principal de la journée et à la vie familiale. L'homme moyen vivait très sobrement, presqu’en végétarien, avec des légumes, des choux, des haricots, des artichauts, du fromage, des fruits et une sorte de polenta.
Paul accompagnait chaque repas de sa conversation éclairée. Il devait être un homme très affable et un causeur intéressant. Il possédait, comme nous le prouvent ses lettres, le don de l'ironie inoffensive et de la conversation agréable.
soldats prétoriens
Soldats prétoriens
Grâce à Paul, le christianisme pénétra profondément dans l'armée romaine.
On constate que la période de captivité de Paul à Rome est parmi les années les plus fructueuses de sa vie d’Apôtre. Grâce à lui, le christianisme pénétra profondément dans l'armée romaine. Les soldats prétoriens se reléguaient à la garde de l’Apôtre et plusieurs d’entre eux partaient ensuite aux quatre coins du monde, vers le Rhin, la Gaule, la Grande-Bretagne et l’Espagne. Pendant cette période de détention, la théologie de Paul a atteint sa pleine maturité.
Grâce aux «épîtres de Captivité», Paul eut la possibilité de rester en relation avec les Églises d'Asie et de Macédoine. Nous savons aussi qu'Épaphrodite lui apporta des secours sous forme de colis, et probablement aussi de l'argent, de la part des chrétiens de Philippes (Lydie, Évodie, Syntiché, et d'autres), et qu'il s'en retourna avec une admirable lettre de remerciements. Tychique fut envoyé à Éphèse et à Colosses avec des lettres de Paul. À Onésime, l'esclave fugitif, il remit un mot d'introduction pour Philémon, son maître, un riche chrétien de Colosses, dont la maison servait aux assemblées dominicales. La demande que Paul adresse à ce dernier de lui préparer un gîte nous permet de supposer qu'il croyait à une libération imminente.
Dans ses écrits, Paul parle souvent de l’importance de la prière. Si cette prière est pour le bienfait de tous, l'Apôtre recommande néanmoins un groupe privilégié : «les rois, les chefs politiques et tous ceux qui détiennent l'autorité». Pourquoi fait-il cette recommandation ? Paul craignait que les Juifs chrétiens ne se joignent aux zélotes et qu’ils incitent les Églises à prendre une attitude hostile envers le pouvoir politique. Nous savons qu’en 60, date du transfert de Paul à Rome, les Juifs d’Israël supportaient mal la paix romaine. Pour eux, depuis plus d'un siècle, le pouvoir romain avait ruiné leur liberté nationale. Ils mettent sur pied un mouvement de contestation qui en mai 66, peu de temps après la mort de Paul, dégénérera en rébellion sanglante. Le procureur Gessius Florus, ne se sentant plus en sécurité à Jérusalem, se retirera à Césarée, laissant seulement une cohorte dans l’Antonia, la forteresse du Temple. À l'instigation d'Éléazar, fils du grand prêtre Ananie, les révoltés s'empareront de la forteresse de Massada et cesseront les sacrifices quotidiens dédiés à César. L'armée du roi Agrippa II, un grand ami des Romains, sera battue par la résistance juive dans Jérusalem. Les palais royaux seront incendiés et les derniers Romains exécutés. Le mouvement de rébellion se répandra alors à toute la Palestine.
Le gouverneur de Syrie, Cestius Gallus, avec une légion entière (la 12e) ne pourra prendre la ville et le Temple de Jérusalem et sera obligé de battre en retraite. Ses soldats tomberont dans une embuscade, près de Beht-Horon, et 6 000 d’entre eux seront massacrés. Cette victoire transformera la révolte en guerre d'indépendance à laquelle se rallieront les autorités religieuses. Mais à partir de 67, les troupes romaines reprendront le contrôle du pays. En 70, Titus et son armée détruiront complètement Jérusalem et son temple. Ce sera la fin de l’État d’Israël.
De son lieu de rétention, à Rome, Paul anticipait déjà les résultats catastrophiques de la rébellion juive. C’est pourquoi il invitait les chrétiens à avoir une attitude favorable envers le gouvernement. Il faut aussi nous rappeler que les Romains l’avaient, à plusieurs reprises, sauvé d’une mort certaine aux mains des Juifs et des Judéo-chrétiens. Il voulait éviter que les autorités romaines ne prennent les chrétiens pour une secte du judaïsme engagée dans la lutte indépendantiste, en rébellion contre l’Empire.
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58.L'épître aux Colossiens
Paul dicte sa lettre depuis la prison
Même sous la garde d'un soldat [...peut-être un des nombreux qu'il convertira], Paul dicte ses lettres aux communautés
De sa prison, à Rome, Paul envoie plusieurs lettres aux Églises. Il écrit aux Colossiens, aux Éphésiens, à Philémon et aux Philippiens. Il y a d’autres lettres de cette période d’emprisonnement qui ne nous sont pas parvenues.
Plusieurs experts ont des doutes sur l’authenticité des lettres aux Colossiens et aux Éphésiens et pensent qu’elles auraient été écrites par un disciple de Paul, une dizaine d’années plus tard. Mais le développement doctrinal de ces deux épitres rend vraisemblable une rédaction durant la captivité de l’Apôtre à Rome, entre les années 60 et 62. De sa prison, Paul multipliait alors les contacts avec les chrétiens qu’il avait connus.
L’épître aux Colossiens s’adresse à une communauté située en Phrygie, à deux cents kilomètres d'Éphèse. Elle avait été fondée par Épaphras, le disciple de Paul : «C'est Épaphras, notre cher compagnon de service, qui vous a instruits; il nous supplée fidèlement comme ministre du Christ, et c'est lui-même qui nous a fait connaître votre dilection dans l'Esprit» (1, 7-8). Colosses, en partie détruite par un tremblement de terre en l’année 61, peu de temps après que Paul eut expédié sa lettre, ne retrouvera jamais son importance dans la région.
Épaphras «qui se donne bien de la peine» pour les Églises de Colosses, de Laodicée et de Hiérapolis, est venu rejoindre Paul à Rome. Les gens de Colosses se heurtaient au problème du mal. La souffrance est parfois si démesurée et si insupportable, que tout essai de solution par une philosophie naturelle conduit nécessairement au désespoir. En cette matière, il n'y a qu'une solution selon Paul : la croix du Christ. Sans la mystique de la croix, on ne peut venir à bout de ce problème. Paul lui-Colossiens 2,6-7même ne réussit à accepter ses souffrances que parce qu’il souffre en tant que membre du corps mystique du Christ, et «il complète en sa chair ce qui manque aux épreuves du Christ, en faveur de tous» (1, 24). A tous les membres du corps du Christ est attribuée une mesure de participation aux souffrances de la tête. Cette pensée devient pour Paul une grande source de joie car sa souffrance prend alors un sens apostolique. Il peut ainsi participer à l'oeuvre du Seigneur et ses épreuves s'ajoutent à celles du Christ pour son Église.
L'épître aux Colossiens ajoute quelques aspects nouveaux à la théologie de Paul, comme par exemple la réflexion sur le Christ, centre de la création. L'homme aliéné, soumis à l'autorité des puissances du mal, est sauvé et «réconcilié» à Dieu par l’intermédiaire de Jésus-Christ.
Le baptême est le signe rituel de cette réconciliation (3, 1-17). Par opposition aux rites divers contre lesquels Paul met en garde, le baptême est présenté comme la véritable circoncision (Col 2, 11). Déjà Jérémie invitait à la circoncision du coeur (Jr 4, 4). Les Colossiens ne sont pas circoncis, comme le voudraient les judéo-chrétiens, mais selon Paul le baptême est la nouvelle circoncision qui remplace celle des Juifs et qui introduits les chrétiens au peuple de Dieu et à la vie du Christ. Cette vie nouvelle devient la source de tous les comportements chrétiens : la foi, la charité, la paix, la prière animée par l'Esprit.
Colossiens 3,2Le Christ est la tête du Corps qu'est l'Église. Il est aussi le Premier-Né d'entre les morts, le premier ressuscité. Il rend à l'univers l'ordre que Dieu voulait avant la venue du péché. Cette unité du monde recentré sur Jésus était une idée chère à Paul. Grâce à Jésus, l'oeuvre créatrice de Dieu est achevée en réalisant l'unité du monde autour de sa personne.
Pour celui ou celle qui accède à la foi, il convient de se dévêtir du vieil homme pour revêtir l’homme nouveau à l’image du son Créateur :
«Il n'est plus question de Grec ou de Juif, de circoncision ou d'incirconcision, de Barbare, de Scythe, d'esclave, d'homme libre; il n'y a que le Christ, qui est tout et en tout. Vous donc, les élus de Dieu, ses saints et ses bien-aimés, revêtez-vous des sentiments de tendre compassion, de bienveillance, d'humilité, de douceur, de patience; supportez-vous les uns les autres et pardonnez-vous mutuellement, si l'un a contre l'autre quelque sujet de plainte; le Seigneur vous a pardonné, faites de même à votre tour. Et puis, par-dessus tout, la charité, en laquelle se noue la perfection. Avec cela, que la paix du Christ règne dans vos cœurs : tel est bien le terme de l'appel qui vous a rassemblés en un même Corps. Enfin vivez dans l'action de grâces!» (3, 11-15)
À la fin de la lettre, la liste des salutations des amis de Paul laisse supposer qu’ils s'étaient rassemblés à Rome autour de l'Apôtre. Son logement se transforme en un lieu d'amitié où tous les amis pensent aux soeurs et aux frères absents, où ils viennent prier et chanter, où ils se rassemblent pour la fraction du pain. Paul a toujours été un «communautaire», un «universaliste» et Rome lui suggère définitivement la vision universelle de l'Église : «Tychique vous informera... Je lui adjoins Onésime... Aristarque, mon compagnon de captivité, vous salue, ainsi que Marc, le cousin de Barnabé... Jésus surnommé Justus vous salue également... Épaphras, votre compatriote, vous salue... vous avez les salutations de Luc, le cher médecin, et de Démas.»
Paul termine en écrivant : «Et quand cette lettre aura été lue chez vous, faites qu'on la lise aussi dans l'Église de Laodicée; de votre côté, procurez-vous, pour la lire aussi, celle de Laodicée» (Col. 4, 16).
Paul écrivait souvent, non pas pour une seule église, mais pour plusieurs. La lettre s’achève ainsi : «Voici le salut de ma main, moi Paul. Souvenez-vous de mes chaînes.»
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59. La lettre aux Éphésiens
Paul en prison, par Rembrandt
Pendant sa captivité, Paul en profite pour écrire aux communautés.
(Saint Paul en prison, par Rembrandt)
Paul est prisonnier dans les chaînes, mais «la parole de Dieu n’est pas enchaînée» (Actes 28, 30-31). À Rome, il reste à la tête d'un organisme qui étend ses ramifications à toutes les Églises qu’il a fondées et même à quelques autres qui ont été fondées par des collaborateurs (ex. l’Église de Colosses). Un homme de sa trempe est encore capable de tirer profit d'une situation pénible et défavorable.
Paul réunit autour de lui un grand nombre d’amis. Aristarque de Macédoine, Timothée de Galatie, Tychique d’Éphèse, Épaphras de Colosses et Épaphrodite de Philippes. Luc d’Antioche de Syrie et Marc de Jérusalem font aussi parti de ce groupe privilégié. Le petit logis de l'Apôtre, où il est accompagné jour et nuit d'un soldat, est devenu un sanctuaire, un lieu de pèlerinage.
Dans ses «lettres de captivité» Paul réfléchit sur la
Rédemption par le Seigneur
et sur l'Église, corps du Christ.
Maintenant un vieil homme, l’apôtre jette un regard d'ensemble sur son oeuvre. L'atmosphère de combat a disparu. Il est plus calme et plus sage. Il a mûri. Il est urgent d'aller à l'essentiel et l'essentiel c'est la rencontre de Damas où, quelque trente ans plus tôt, le Christ est entré dans sa vie. Dans ses «lettres de captivité» Paul réfléchit sur la Rédemption par le Seigneur et sur l'Église, corps du Christ.
La lettre aux Éphésiens n’est pas destinée seulement à l'Église d'Éphèse. La ville n’est même pas nommée dans l'introduction de plusieurs manuscrits anciens et contrairement à son habitude, Paul ne mentionne aucun collaborateur dans les salutations finales. Le caractère général du texte suggère une sorte de lettre circulaire adressée à plusieurs Églises. Cette lettre est la prolongation de celle aux Colossiens : même style, mêmes expressions, mêmes thèmes fondamentaux. Le Christ, sommet de la création et tête de l’Église, est le lieu de réconciliation entre les Juifs et les Païens qui ne forment qu’un seul corps. Dans cette lettre, Paul souligne son statut de prisonnier du Christ : «C’est pourquoi moi, Paul, prisonnier du Christ à cause de vous, païens...» Lui, l'ancien persécuteur, a reçu la mission de proclamer le secret de Dieu aux non-Juifs.
Ephésiens 2,8La communauté des croyants n'est pas un groupe fermé sur lui-même, entre quatre murs, pour célébrer des rites religieux, mais un groupe de personnes qui adhèrent à Jésus Christ ressuscité et s’efforcent de vivre sa vision de paix, de fraternité et d’amour dans notre monde. Dieu le Père «sanctifie» tous les hommes et les adopte comme ses propres fils. Paul présente le Christ Rédempteur comme source de libération et de pardon, principe d'unité. Tous, Juifs et non-Juifs, forment une seule humanité et ensemble ils sont «réconciliés» au Père. L'homme nouveau créé par le Christ et inspiré par l'Esprit, peut enfin s'approcher de Dieu le Père.
Un seul Père, un seul Seigneur...Le salut offert par le Christ est universel. Le mur de séparation disparait entre les Juifs "peuple élu" et les païens "impurs"
L'ordre primitif détruit par le péché est rétabli dans le Christ. Le nouveau peuple de Dieu, constitue la cité nouvelle dont il est le chef. Cette présence du Christ unit et rassemble : «Un seul corps et un seul esprit, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous.» Le mur de séparation dans le sanctuaire à Jérusalem, symbole de la division de l'humanité en une caste religieuse privilégiée, un peuple élu d’un côté et une grande masse d’«impurs» de l’autre, ce mur est renversé.
Dans cette unité du corps du Christ, les uns sont apôtres, d'autres prophètes, ou évangélistes, ou pasteurs, ou docteurs, ne faisant plus qu'un dans la foi. Tous sont sauvés et leurs bonnes oeuvres découlent de leur vie en Jésus-Christ. Paul indique que l'homme nouveau, transformé par le Christ, doit avoir une nouvelle vie, une nouvelle morale, en conformité avec celle du Sauveur.
L'Église, Corps du ChristL’épitre aux Éphésiens est le livre du Nouveau Testament qui propose l’enseignement le plus élaboré sur l’Église. Il résume la pensée de Paul exprimée dans les lettres aux Galates et aux Romains.
C'est à partir de cette vision d'ensemble, que Paul propose une solution au problème de son époque, celui du mariage et de l'amour sexuel. La culture grecque ne pouvait guère se concevoir sans le concubinage et sans l’homosexualité. Les nobles penseurs et les plus grands hommes d'État, comme Socrate, Platon, Aristote, Périclès, l'approuvaient et attribuaient particulièrement aux unions entre les hommes, une grande valeur éducative. Cependant, cet érotisme masculin avait provoqué de plus en plus de mépris envers le mariage et envers les droits de la femme. Chez les Grecs personne n'aurait eu l'idée de chanter une épouse fidèle. Dans le jeune christianisme apparut soudain un sentiment nouveau pour l'épouse. Dans les inscriptions des catacombes, ce sens de la famille, et la reconnaissance émue de l'homme pour les soins touchants de son épouse, se révèlent pour la première fois : «la douce épouse». Pour Paul, la relation humaine entre homme et femme, est le symbole du mariage spirituel entre le Christ et l'humanité rachetée. De la doctrine du mariage chrétien de Paul, sortit une nouvelle éducation familiale.
«Les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps. Aimer sa femme, c'est s'aimer soi-même. Car nul n'a jamais haï sa propre chair; on la nourrit au contraire et on en prend soin. C’est justement ce que le Christ a fait pour son Église : ne sommes-nous pas les membres de son corps ? Voici donc que l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et les deux ne feront qu'une seule chair : ce mystère est de grande portée; je veux dire qu'il s'applique au Christ et à l'Église. Bref, en ce qui vous concerne, que chacun aime sa femme comme soi-même, et que la femme révère son mari.» (5, 22-33)
On connait les paroles de Paul : «Femmes, soyez soumises à vos maris». On sait que ces quelques mots ont pesé lourd sur le destin de nombreuses épouses et ont contribué à taxer Paul de misogyne. Mais l’ordre donné aux épouses de se soumettre à leur mari est relativisé par ce qui précède : «Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ.» L’autorité ne peut s’exercer à sens unique et elle doit être partagée. Dans les codes antiques, le mari commandait et la femme devait obéir à son époux. La prescription : «Maris aimez vos femmes» constitue donc une innovation décisive. La lettre aux Éphésiens ouvre la voie à une véritable pédagogie et spiritualité du mariage.
Une autre nouveauté de cette épitre. Les qualificatifs donnés à l’Église : «Une, sainte, catholique, apostolique» trouvent ici leur fondement.
Vivez dans l'amour,
comme le Christ nous a aimés
et s'est livré pour nous...
Comme il convient à des membres du peuple saint, la débauche, l'impureté sous
toutes ses formes et l'appétit
de jouissance sont des choses
qu'on ne doit même plus
évoquer chez vous (Ep. 5,2-3)
Dans la lettre aux Éphésiens, Paul rappelle encore une fois que nous sommes appelés à la liberté et le baptême nous aide à exclure tout ce qui, dans nos vies, est une entrave à cet appel : les faux dieux, les idoles, les asservissements multiples que nous connaissons bien.
Paul s’intéresse aussi à l’organisation de l'Église, à laquelle il donne une forme plus structurée. C'est ainsi qu’il est amené à instituer un corps de presbytres choisis parmi les fidèles, auxquels il donne le nom d'«episcopoi» (surveillants). C’était le titre qui s'appliquait, à cette époque, aux employés communaux et aux fonctionnaires corporatifs. Ces gens étaient destinés à devenir, après le départ de Paul, les pasteurs responsables des Églises locales.
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60. La lettre à Philémon
Paul dicte sa lettre à Philémon
Paul dicte sa lettre à Philémon.
Pour souligner le caractère cordial et touchant de cette lettre le dessinateur ajoute à la scène un coeur qui s'envole
La lettre à Philémon est la plus courte des épîtres de Paul - vingt-cinq versets dans un unique chapitre -, et c’est l’une des plus émouvantes. À travers ce qui semble une simple requête, nous retrouvons une belle illustration de l’esprit caritatif de l'Église du 1er siècle. Cette charité va au-delà de toutes conditions sociales.
Philémon, à qui la lettre est adressée, a été baptisé par Paul qui le traite d'ami et de collaborateur. Il habite Colosses ou quelque ville voisine et la communauté chrétienne se réunit chez lui. Ce billet familier dicté à Timothée, met en lumière le tact et l’amitié de Paul. C'est la seule lettre «privée» que nous possédions de l’Apôtre des nations. Elle nous permet d'assister à la lutte menée par le christianisme primitif sur le plan social. Elle est très touchante, car elle nous montre Paul dans un geste noble de bonté et de compassion.
Le jeune esclave Onésime confie sa peur à Paul qu'il sait être l'ami de son maître Philémon.
Le personnage principal de cette lettre est le jeune esclave Onésime qui avait probablement commis quelque délit et s’était enfui pour éviter d’être puni. Il échoua finalement à Rome, lieu de rendez-vous de tous les individus louches et en cavale. Dans la plus grande ville du monde, il était possible de disparaître dans la foule, mais Onésime se trouve bientôt dépourvu de moyens et la police romaine poursuit avec acharnement les vagabonds et les esclaves en fuite. Il est hors-la-loi, et pratiquement acculé à une carrière criminelle. Désespéré et pris de panique, Onésime va visiter Paul, prisonnier à Rome. Le jeune esclave l’avait probablement connu chez son maître Philémon qui, avec sa femme Appia, étaient les amis de l'Apôtre. En toute simplicité, Paul plaide en faveur de l’esclave Onésime et se permet de s'inviter chez Appia et Philémon.
Le cas d’Onésime est sérieux. Quand on reprenait un esclave qui s'était enfui, on avait l’habitude de le marquer au fer rouge, d'un F sur le front (fugitivus = fuyard). Un esclave qui avait volé, par exemple, pouvait être condamné à la bastonnade, jusqu'à ce que mort s'ensuive, ou encore être envoyé dans le pistrinum, où il devait tourner le moulin à perpétuité.
Paul écrit pour Onésime
Paul écrit à Philémon pour faire appel à son indulgence envers Onésime; il lui suggère même de l'affranchir.
Après la rencontre avec Onésime, Paul prisonnier dans son logis, renvoie le jeune esclave à son maître en le priant de le traiter comme un frère. Il plaide l’indulgence et suggère discrètement de l'affranchir : «Je l'aurais bien gardé près de moi, à ta place, dans la prison où je suis à cause de l'Évangile ; mais je n'ai rien voulu faire sans ton accord, afin que ce bienfait n'ait pas l'air forcé, mais qu'il vienne de ton bon gré.» Paul détient envers Philémon une paternité spirituelle car il l’a baptisé. Il connaît la nature droite et noble de son interlocuteur, auquel il n'est pas nécessaire de donner des ordres. Il en appelle plutôt à la loi de l'amour.
Reconciliation - D'esclave à fils
D'esclave à frère!
...Paul ose le demander: reprendre Onésime «non plus comme un esclave mais comme bien mieux qu'un esclave : un frère bien-aimé» (Philémon 16)
«Moi Paul, un vieillard !» Philémon voit devant lui la figure ridée de l'Apôtre, émouvante humilité de l'homme âgé en face d'un plus jeune ! La saisissante peinture de Rembrandt, représentant Paul sous les traits d'un vieillard, s'impose à notre regard. Paul est un prisonnier qui ne songe pas à sa propre misère, mais à celle d'autrui. Il invite Philémon au pardon. «Tu croyais subir une perte, mais voici que tu viens de faire une bonne affaire : au lieu d'un esclave, il te revient un frère»
Onésime apporte à Philémon la lettre de Paul
L'esclave Onésime revient chez Philémon et lui remet en main propre la lettre de Paul
L'épître à Philémon n'est pas seulement un chef-d'oeuvre de tact et de politesse, elle est également une esquisse de déclaration chrétienne des droits de l'homme. Paul ne pouvait songer à proclamer l'abolition de l'esclavage. L'Empire romain comptait alors beaucoup plus d'esclaves que de citoyens libres et ils représentaient une part importante des richesses de l’Empire. Les maisons comptant plusieurs milliers d'esclaves n'étaient pas rares. Sénèque dit qu'ils ne portaient pas d'habits différents de ceux des autres citoyens, afin qu'ils ne se rendent pas compte de leur supériorité numérique. Des millions d'esclaves s'affairaient dans les maisons, dans les propriétés agricoles, dans les fabriques, les tanneries. Toutes les oeuvres d'art sortaient de leurs mains, de même que tout le luxe artistique. Paul ne pouvait intervenir que dans le sens d'une amélioration du sort des esclaves. La proclamation de l'abolition de l'esclavage aurait provoqué des représailles sanglantes, comme ce fut le cas lors de la révolte des gladiateurs avec Spartacus. L'Antiquité classique, Aristote même, n'a rien vu de mal dans l'institution sociale de l'esclavage.
L'esclavage a toujours été à la base de toutes les civilisations antiques.
À Rome, les esclaves étaient en forte majorité mais sans le moindre droit et
leur situation était cruelle.
Onésime pouvait s'attendre au pire.
Selon le droit, la situation des esclaves était cruelle. «Il n'y a pas d'acte illégal vis-à-vis d'un esclave»; tout le monde admettait ce principe. Le traitement pratique des esclaves était cependant meilleur que leur situation juridique. Ce sont les Juifs qui montraient le plus d'humanité à l'égard de leurs esclaves, puisque personne ne pouvait être esclave chez eux pendant plus de sept ans. Ils devaient être libérés pendant l’année sabbatique. Les Grecs en général étaient plus cléments pour leurs esclaves que les Romains. Sénèque écrit à Néron : «Sois bon envers tes subordonnés; car toute la ville de Rome montre du doigt, avec dégoût, le maître qui est cruel vis-à-vis d'un esclave».
Paul avait déjà posé les fondements des droits de l’homme dans sa lettre aux Galates, lorsqu'il proclama l’égalité en Jésus Christ :
«Vous tous en effet baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ; il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus.» (Gal 3, 28).
Les Grecs et les Romains défendaient aux esclaves de s’associer à la religion officielle. On ne leur permettait que la pratique du culte des divinités champêtres d'un rang secondaire. Contrairement à cette position officielle, Paul proclame l'égalité de tous sur le plan religieux :
«Tous, en effet, nous avons été baptisés en un seul Esprit pour ne former qu'un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres; et nous avons été tous abreuvés du même Esprit» (1 Cor. 12, 13).
L’Église primitive a maintenu cette estime de l'homme, fût-il de la condition d'esclave. L'esclave put accéder à toutes les fonctions ecclésiastiques. Quelle étrange nouveauté : l'Église de Rome fut dirigée tantôt par le descendant d'une grande famille, comme le pape Corneille, tantôt par un ancien esclave, le pape Calliste qui se serait enfui, aurait été rattrapé et condamné aux peines infamantes des mines et de la roue tournante. Même si, au Moyen Âge, l’élite romaine domine en large mesure la hiérarchie de l’Église, on fit néanmoins preuve d'une belle reconnaissance vis-à-vis saint Paul, en se référant expressément à lui dans les documents d'affranchissements, où on invitait les propriétaires à libérer leurs esclaves : «Mais puisque Paul le fit entendre avec une voix puissante : Désormais il n'y a plus d'esclave, mais uniquement des gens libres... voici que je veux te rendre libre, à partir de ce jour, toi, mon esclave que j'ai acheté à prix d'or».
Tout ce qui participe à une authentique liberté pour les êtres humains, puise dans l'héritage spirituel de Paul
Tout ce qui participe à une authentique liberté pour les êtres humains, puise dans l'héritage spirituel de Paul, interprète fidèle du Christ. «Moi, Paul, prisonnier pour le Christ Jésus, je te prie pour mon enfant, Onésime, que j'ai engendré dans les chaînes.» Paul qui au temps du sanguinaire Néron, a prononcé ces paroles empreintes d'une telle bonté, quand il était lui-même enchaîné, reste béni à jamais. Il invite Philémon de reprendre Onésime «non plus comme un esclave mais comme bien mieux qu'un esclave : un frère bien-aimé» (Philémon 16). S'il a fallu des siècles pour que l'Église mette en oeuvre cette leçon, ce n'est certainement pas de la faute de Paul.
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61 – Lettre aux Philippiens
Paul en prison avec un scribe
Paul écrit à sa communauté de prédilection.
Les experts discutent beaucoup sur la date de composition de la lettre aux Philippiens. Paul est prisonnier, mais s’agit-il de la prison de Césarée, d’Éphèse ou de Rome? Il semble que l’endroit le plus probable soit la ville de Rome, pendant la première captivité de Paul.
L'Église de Philippes en Macédoine a été fondée au cours du deuxième voyage missionnaire, en l’an 50. Première sur «le continent européen», elle a été pour lui un objet de prédilection.
Ste Lydie de Philippes
Ste Lydie, l'extraordinaire animatrice de l'Église de Philippes
Dans sa prison de Rome, Épaphrodite lui remet un don substantiel venant de cette communauté très attachée à Paul. Touché par cette preuve d'affection et de reconnaissance, l’Apôtre savait qui était à l’origine de la générosité des Philippiens, une femme au coeur fidèle et apostolique : Lydie, qui avait été la première à le recevoir dans sa maison de Philippes.
C'est probablement en 63 que Paul a écrit cette lettre pleine de cordialité. Il parle de sa captivité comme d'une réalité dont les chrétiens sont déjà informés:
«Je vous porte dans mon coeur, vous qui, dans ma captivité comme dans la défense et l'affermissement de l'Évangile, prenez tous part à la grâce qui m'est faite. » (Ph 1, 7)
Il ajoute un commentaire plein d’espérance :
«Je veux que vous le sachiez, frères : ce qui m'est arrivé a plutôt contribué au progrès de l'Évangile. Dans tout le prétoire, et partout ailleurs en effet, il est maintenant bien connu que je suis en captivité pour le Christ et la plupart des frères, encouragés dans le Seigneur par ma captivité, redoublent d'audace pour annoncer sans peur la Parole.» (Ph 1, 12-14)
Cette épître n’est pas un exposé doctrinal mais un entretien familier. Paul écrit pour remercier la communauté des secours qu’Épaphrodite vient de lui apporter et il en profite pour donner de ses nouvelles, en y ajoutant quelques conseils. À la suite de l'expérience des Galates, il y joint une mise en garde contre les chrétiens venus de Judée : Ne vous laissez pas berner par ces faux chrétiens, «Prenez garde aux chiens! Prenez garde aux mauvais ouvriers! Prenez garde aux faux circoncis!»
Le passage le plus important de cette épître est le texte sur le mystère du Christ
Le passage le plus important de cette épître est le texte sur le mystère du Christ (2, 6-11) : «Lui de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu...». Paul s'inspire du Serviteur souffrant d’Isaïe et du juste persécuté. L'humiliation et la mort de Jésus sont les conditions obscures dans lesquelles l’incarnation s'est opérée. Le premier Adam croyait pouvoir s'approprier la «vie divine» comme un fruit défendu. Le deuxième Adam, Jésus, était en possession légitime du titre divin et pourtant, il s'est librement dépouillé de sa divinité, pour devenir l’un d’entre nous. C’est le mystère de l’incarnation. Paul invite alors les Philippiens à conformer leur vie à celle du Christ : «Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus.»
Paul affirme avoir trouvé à Damas une nouvelle valeur à sa vie: la connaissance du Christ
qui dépasse tout le reste
L’épitre aux Philippiens est considérée par plusieurs comme la «perle» des lettres de Paul. Il ne faut pas y chercher une suite rigoureuse de la pensée, mais l’épanchement du coeur, où l’auteur poursuit une intention pastorale. Il voudrait faire de Philippes une communauté modèle, et en bannir toutes les dissensions.
Pour lui, toutes les autres réalités sont sans valeur:
"tous ces avantages dont j'étais pourvu, je les ai considéré comme un désavantage, à cause du Christ... À cause de lui, j'ai accepté de tout perdre, je considère tout comme déchets, afin de gagner le christ... (3, 7-8)
Il termine par un appel à la joie : «Réjouissez-vous dans le Seigneur». Le Seigneur est pour Paul la source de toutes les joies et c'est dans le coeur de Dieu qu'il cherche cette source de vie. La joie est aussi l’un des moyens les plus efficaces de la transmission de la foi à ceux qui sont à l'extérieur, pour qu'en vivant avec les chrétiens, ils puissent découvrir cette source profonde.
Paul se réjouit surtout de ce que sa captivité n'empêRéjouissez-vous dans le Seigneurche nullement le progrès de l'Évangile, mais le favorise au contraire. Certains milieux judéo-chrétiens cherchaient à attirer l'attention de l'opinion publique romaine sur le prisonnier pour sa perte, mais à travers les malheurs de Paul, le nom du Christ était de plus en plus connu à Rome. La raison la plus profonde de son allégresse spirituelle est exprimée dans la phrase lapidaire, inscrite au-dessus du tombeau de l'Apôtre : «Mihi vivere Christus et mori lucrum» - «Le Christ est le sens de ma vie, et dussé-je mourir, la mort sera pour moi un gain».
Pour Paul, la joie chrétienne embrasse tout ce qui, dans la Création, est beau, grand et bon : «Tout ce qu’il y a de vrai, de noble de juste, de pur, d’aimable, d’honorable, tout ce qu’il peut y avoir de bon dans la vertu et la louange humaines, voilà ce qui doit vous préoccuper.» (4, 8) Le chrétien est la personne qui, vivant en paix avec Dieu, vibre à l'unisson avec tous, allié à tout ce qui est beau, noble et grand. Selon Paul, un christianisme qui n'accorderait pas une place importante à ce qui a été pensé, dit, écrit et réalisé de grand et de beau, serait un christianisme bien triste.
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62 – La fin des Actes des Apôtres
Tout ira pour le mieux à la finÀ la suite de l’emprisonnement de Paul à Rome, on peut se poser des questions sur la lenteur de l'administration impériale. Les officiers de César : Félix, Festus et Julius, de même que le roi Hérode Agrippa II étaient d’avis qu'il n'y avait contre Paul aucune accusation sérieuse. Mais comme le procès ne pouvait être engagé que le jour où les accusateurs juifs de Jérusalem déposeraient leurs griefs, il est possible d'imaginer que ceux-ci aient choisi de ne pas venir à Rome, par peur de Néron. L'Apôtre était donc condamné à attendre, soit une arrivée possible de ses accusateurs, soit une attention particulière de l'empereur, qui avait bien d'autres soucis.
Paul en liberté surveillée à Rome
Paul en liberté surveillée à Rome.
Après ces deux ans de première captivité à Rome, Paul continuera d'évangéliser et entreprendra d'autres voyages mais Luc arrête là son récit.
En arrivant à Rome, Paul avait invité les notables juifs à venir le rencontrer et il leur avait exposé ses idées : il n’avait rien fait contre son peuple et contre ses coutumes et c’est à tort que des Juifs s’étaient plaints de lui. «Voilà pourquoi j’ai demandé à vous voir et à vous parler; car c’est à cause de l’espérance d’Israël que je porte les chaînes que voici.» (Ac 28, 20). Les Juifs de Rome affirmèrent alors qu’ils ne connaissaient à son sujet que des rumeurs, et lui demandèrent de leur exposer le programme de sa «secte». Cet entretien fut l’ultime tentative de Paul pour convaincre les membres de la Synagogue. Du matin jusqu’au soir, il leur présenta Jésus à partir de la Loi et des Prophètes. À la fin, certains se laissèrent convaincre, mais la majorité était en désaccord avec lui. C’est alors que l’Apôtre, dressant le bilan de cet échec, a cité la fameuse parole d’Isaïe 6, 9-10 souvent mentionnée dans le Nouveau Testament :
«Va trouver ce peuple et dit lui : «vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas; vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas. C’est que le coeur de ce peuple s’est épaissi.» (Ac 28, 26-27).
Luc ne veut pas terminer son récit des Actes des Apôtres
par l'échec du dernier procès
de Paul et sa décapitation.
Il ne mentionne pas non plus
la crucifixion de Pierre.
Il termine en ouvant une
perspective positive sur
l'avenir de l'Église.
Cette parole, Luc la cite en entier, parce qu’elle représente la pensée du prophète et celle de Paul. Elle ne maudit pas Israël, mais constate l’échec de Dieu devant l’endurcissement de son peuple. Encore une fois, la porte n’est pas fermée entre l’Église et la Synagogue. D’ailleurs Luc ajoute avec finesse que certains des Juifs se sont laissé convaincre.
Du procès de Paul, Luc ne dit rien, ce qui nous semble étrange puisqu’il a probablement suivi l’Apôtre jusqu’à sa mort. Il voulait que l’Évangile arrive au centre du monde sans toutefois terminer son livre sur une défaite de Paul. C’est pourquoi il ne parle pas de sa mort et ouvre plutôt une perspective positive sur l'avenir de l'Église :
«Paul demeura deux années entières dans le logis qu’il avait loué. Il recevait tous ceux qui venaient le trouver, proclamant le Royaume de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ avec pleine assurance et sans obstacle.» (Ac 28, 30-31)
Le livre se termine ainsi. L’Apôtre est dans les chaînes, mais la Parole est libre.
Pour comprendre cette décision de terminer ainsi son deuxième volume, il faut comparer le silence de Luc sur la mort de Paul, à son silence sur la mort de Pierre. Quelques chapitres plus tôt, Pierre est délivré de sa prison par un ange et accueilli dans la maison de Marie, la mère de Marc. Il quitte ensuite le petit groupe de chrétiens réunis pour prier, sans donner d'explications et sans dire où il s’en va. Tout paraît naturel : «Annoncez-le à Jacques et aux frères. Puis Pierre sortit et s'en alla dans un autre endroit» (Ac 12, 17). Impossible d'en dire moins. Après cet événement, Luc ne parle plus de Pierre. Les deux piliers de l’Église naissante disparaissent de façons un peu mystérieuse, et sans que leur disparition ne semble soulever de question.
L'espérance dans le mystère
pascal transparait dans la fin
des Actes des Apôtres.
L’Église continuera à se développer au-delà de la mort
de ces premiers témoins.
Il faut se rappeler que Luc cherche moins à écrire une biographie des témoins de l’Évangile qu’une histoire du christianisme naissant. Ce qui compte pour lui, c’est le développement de l’Église primitive. Il utilise les dernières lignes de son deuxième volume pour décrire Paul comme un témoin exemplaire, un modèle pour les chrétiens qui le suivront. Luc met en lumière la valeur irremplaçable de la mort de Jésus, l'unique sauveur du monde. Ni Étienne, ni Pierre, ni Paul n’auront donné leur vie pour le salut du monde.
Plusieurs facteurs favorisent le développement du christianisme. Tout d’abord, l’emprisonnement de Paul. La population juive de Rome comptait alors environ 30.000 personnes, petite minorité dans la plus grande ville du monde. La moitié de cette population juive était chrétienne et Paul attribue ce succès à sa captivité :
«Parce que je suis dans les chaînes, la plupart des frères ont repris courage, ils font preuve de hardiesse et annoncent sans peur la parole de Dieu» (Philippiens 1, 14).
Un second élément qui favorisa le christianisme fut la cruauté de l’Empire. Le nombre d’esclaves et de personnes qui n’étaient pas citoyens romains était considérable, de l’ordre d’environ 90% de la population. Pour les Romains, ces gens avaient peu d’importance et étaient souvent traités de façon inhumaine. À cette époque, un événement venait de faire sensation dans la capitale. Le préfet de Rome, Pedanius Secundus, avait été assassiné par un esclave, jaloux de ses relations avec une jeune esclave. D'après la loi, tous les esclaves qui, au moment du crime, habitaient sous le même toit que le meurtrier, devaient être mis à mort. Près de quatre cents malheureux vivaient dans cette famille. Chez le peuple, le sentiment de justice se révoltait contre un tel procédé. Mais le Sénat et l'Empereur décidèrent d'appliquer la loi (Tacite, Annales 14, 42). Il ne faut pas s’étonner que le message chrétien annoncé par Paul ait attiré l'attention des esclaves impériaux du Palatin, et que le nom de Paul y ait été prononcé avec vénération. Dans sa lettre aux Philippiens, il écrit: «Tous les saints vous saluent, spécialement de la maison de César» (4, 22). Pour Paul «Juifs et Grecs, hommes et femmes, esclaves et citoyens libres», tous étaient sur le même pied.
Un troisième facteur important favorisant le développement du christianisme fut le contacte quotidien de Paul avec la garde prétorienne. Pendant ces deux années de détention à domicile, il devait supporter le changement continuel de soldats préposés à sa garde. Cependant, il y trouvait là un avantage. Un certain nombre des membres du prétoire apprirent à le connaître. C'est ainsi qu’il pouvait écrire aux Philippiens :
«Je tiens à vous faire savoir, frères, que ce qui m'est arrivé a plutôt favorisé les progrès de l'Évangile. Dans tout le prétoire et partout ailleurs, il est devenu évident que c'est pour le Christ que je suis dans les chaînes» (1, 13).
Souvent, ces soldats étaient ensuite envoyés dans différentes provinces de l’Empire.
Paul était «un créateur d'amitiés», et comme Socrate en prison, il avait ses amis à ses côtés. Deux hommes se faisaient particulièrement remarquer par leur assiduité : Marc et Luc. L'un sera l'évangéliste de Pierre, l'autre celui de Paul. La conception de la vie de Jésus comme chef-d'oeuvre de miséricorde universelle, a certainement été influencés par Paul. Devant le centurion Corneille, Pierre avait dit :
«Je me rends compte en vérité que Dieu ne fait pas acception de personne.» (Ac 10, 34)
À cette promesse d’ouverture à tous, Juifs et non-Juifs, l’Apôtre des Gentils a consacré sa vie.
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63 - Paul est-il allé en Espagne?
Le récit de Luc dans les Actes des Apôtres s'arrête brusquement en disant que Paul a vécu à Rome pendant deux ans en liberté surveillée, tout en continuant à annoncer la Parole de Dieu. (Ac 28, 30-31) Il semble qu’après cet emprisonnement, il ait été relâché. C’était à prévoir car la lettre d’explication du procurateur de Césarée, Festus, était à l’avantage de Paul. Le centurion Julius, responsable des prisonniers pendant le voyage, l’avait en haute estime, et une fois à Rome, on lui avait imposé le régime carcéral le moins sévère possible, celui de «l’arrêt domiciliaire».
Deux indices importants soutiennent l’hypothèse de libération :
a) le procès de Paul devant les officiers romains de Jérusalem et de Césarée a prouvé que sa cause était excellente et qu’il n’y avait rien de sérieux contre lui;
b) le genre d'emprisonnement imposé à Rome ne permet pas de croire possible une condamnation à la peine capitale.
5e voyage missionnaire de Paul
Divers indices laissent entendre qu'après sa première captivité à Rome, Paul a fait un cinquième voyage missionnaire qui l'aurait amené jusqu'en Espagne considérée comme la limite du monde
Pour reconstituer les dernières années de la vie de Paul après sa libération, nous n'avons que des sources fragmentaires : les lettres à Timothée et à Tite, la lettre de Clément de Rome et le canon de Muratori. Selon ces sources, Paul serait mort à Rome, pendant la persécution de Néron, sur la Via Ostia près de Tre Fontane, probablement en l’an 67.
Les lettres à Timothée et à Tite parlent des voyages de Paul après sa libération. Il visite Corinthe, Éphèse, Troas, la Crète, etc. Il aurait été arrêté de nouveau à Nicopolis pour subir un deuxième emprisonnement.
Pendant ces années de liberté, Paul aurait-il réalisé son rêve d'aller évangéliser l'Espagne? On ne peut l’affirmer de façon catégorique, mais Clément de Rome et le canon de Muratori le supposent. Selon les paroles de Paul, il avait achevé son oeuvre en Orient et son regard se tournait vers l'Espagne considérée comme la limite du monde. Après son séjour à Rome, il aurait fait voile à partir d'Éphèse, se serait rendu à Massilia (Marseille), pour aboutir ensuite en Espagne. Puisque les bateaux faisaient de longues escales dans les ports les plus importants, il est probable qu'il ait foulé la terre des Gaules et visité la communauté chrétienne qui s'y trouvait. Selon la «version gauloise» de la 2e lettre à Timothée, Luc l'accompagnait.
Pape Clément de Rome
Le pape Clément de Rome, témoigne de cette mission de Paul en Espagne.
Le plus ancien témoin de cette mission en Espagne est Clément de Rome, le 4e pape (de 89 à 97), qui a vraisemblablement connu saint Paul. Il écrit à la communauté de Corinthe que Paul s'était aventuré «jusqu'aux confins de l'Occident» ce qui, du point de vue romain, ne pouvait désigner que l’Espagne. Le fragment de Muratori, document hautement estimé, parce qu'il fournit la première liste des écrits néo-testamentaires, affirme que Luc n'a pas mentionné le martyre de Pierre et le voyage de Paul en Espagne, parce que ces événements dépassaient le but qu’il s’était fixé pour son volume sur la naissance de l’Église.
En Espagne les traditions locales au sujet du voyage de l'Apôtre, ne manquent pas, notamment à Ecija, à Lecuza, et avant tout à Tortosa, où Paul est sensé avoir ordonné Rufus évêque du lieu. Cependant l’existence de ce voyage reste plongée dans l'obscurité et nous devons nous contenter de conjonctures.
Pendant les dernières années de Paul, Néron se soustrayant à l'influence de Sénèque, son précepteur, commençait à jeter le masque. La situation en Palestine s’était détériorée progressivement pour aboutir à la terrible guerre d'extermination qui détruira complètement la ville de Jérusalem, rasera le Temple et mettra fin au pays d’Israël. Cette incursion romaine par Titus et son armée, de 67 à 70, a sonné le glas de l’État d’Israël, qui ne renaîtra qu’en 1948.
Après le feu dévastateur de la ville de Rome, Néron s’en prend aux chrétiens et déclenche une grande persécution. Les historiens sont d’avis que ni Néron, ni les chrétiens ne sont responsables du terrible incendie et que l’Empereur cherchait des boucs émissaires.
On a tendance à croire que la persécution de Néron se déchaîna dans les jours qui suivirent l'incendie de Rome qui a eu lieu du 18 au 24 juillet 64. Tacite indique qu'il en fut autrement. Avant de déclencher sa persécution, Néron avait eu le temps de rebâtir une bonne partie de la ville incendiée, sans cependant réussir à calmer la fureur populaire : «Néron mit à profit la destruction de sa ville et se bâtit un palais où l'or et les pierreries n'étaient pas ce qui étonnait le plus; ce luxe est depuis longtemps ordinaire et commun : mais ce palais enfermait des champs cultivés, des lacs, des solitudes artificielles, des bois, des esplanades, des perspectives... Par ailleurs l'espace resté libre pour construire des maisons ne fut pas utilisé sans ordre, au hasard. Les maisons furent alignées, les rues élargies, les édifices limités à une juste hauteur... Mais ni efforts humains, ni largesse du prince, ni cérémonies religieuses expiatoires ne faisaient taire l'opinion... d'après laquelle l'incendie avait été ordonné. Pour mettre fin à ces rumeurs, Néron supposa des coupables... » (Ann. XV)
Une ville comme la Rome ancienne ne se reconstruit pas en quelques mois, même lorsqu'un empereur préside aux travaux et que la main-d'oeuvre ne coûte presque rien. On doit donc reporter la persécution aux années 66 à 68.
S'il faut ainsi retarder la persécution de Néron, on ne s'étonne plus que Paul ait pu, depuis le printemps 63, se livrer aux multiples activités dont parlent ses lettres à Timothée et à Tite. Au IVe siècle, Eusèbe de Césarée confirme que Paul est mort la 14e année du règne de Néron (54-68), c'est-à-dire vers la fin de ce règne.
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64. La première lettre à Timothée
Timothé - vitrail
Timothée, le "fils bien-aimé" de Paul, son meilleur ami, fidèle collaborateur, compagnon de nombreux voyages.
Il fut le premier évêque d'Éphèse
et mourut martyr.
Les trois «épîtres pastorales» (1 et 2 Timothée, lettre à Tite) portent ce nom seulement depuis le XVIIIe siècle. Ces lettres de Paul figurent dans le canon Muratori (vers 180) et sont connus de Clément de Rome, pape de 89 à 97, de Polycarpe de Smyrne (+ 155), de Tatien (+ 173), d’Irénée de Lyon (+ 202), de Clément d'Alexandrie (+ 220), et de l’évêque Eusèbe de Césarée (+ 339). Tous les acceptent comme étant bien de l'Apôtre.
Pourtant, malgré le témoignage presqu’unanime de la tradition, un grand nombre de critiques modernes estiment que Paul n'est pas l'auteur de ces lettres. Ils avancent d'une part, que les erreurs combattues et l'organisation hiérarchique, semblent indiquer une période plus tardive de l’histoire de l’Église et, d'autre part, que la langue et le style employés sont différents de ceux de l'Apôtre. Ces experts affirment qu’elles auraient été écrites après la mort de Paul, par l’un de ses disciples. Malgré ces différences d’opinions, les épitres pastorales ont toujours été maintenues dans la liste des écrits pauliniens tout au long de l’histoire de l’Église.
Les 3 lettres dites "pastorales"
(Timothée 1 et 2, Tite) s'adressent aux pasteurs qui
ont charge de communautés.
Contrairement aux épîtres destinées aux Églises, les lettres pastorales sont adressées à des responsables de communautés chrétiennes. Augustin déjà, et Thomas d'Aquin ensuite, avaient souligné le caractère «pastoral» de ces trois lettres : elles entendent préparer les pasteurs et assurer la croissance et la vie de foi des communautés.
Après sa libération à Rome, en route vers la Macédoine, Paul a laissé Timothée à Éphèse et Tite en Crète. Il envisage de passer l’hiver à Nicopolis, en Grèce, d’où il aurait écrit ces lettres.
Saint Timothée, premier évêque d'Éphèse, reçoit lla première lettre de Paul
L'évêque Timothée reçoit de Saint Paul la première épître.
(Bible historiale. Guiard des Moulins. Paris. XIVe.)
On se rappelle que Timothée a été l'un des disciples les plus proches de Paul. Natif de Lystres, dans la province romaine de Galatie, d'un père païen et d'une mère juive (Eunice), élevé dans un judaïsme très orthodoxe par sa mère et sa grand-mère, il n'avait toutefois pas été circoncis. Sa mère a sans doute voulu respecter la culture grecque de son père. C’est Paul qui l’a fait circoncire. Le livre des Actes indique qu'au cours de son deuxième voyage à Lystres, Paul avait remarqué ce jeune homme dont «la réputation était bonne parmi les frères de Lystres et d'Iconium». Très rapidement, Timothée devient l'enfant chéri et le fidèle collaborateur de l'Apôtre. Son activité missionnaire s'exerce surtout à Éphèse et en Macédoine. Il a accompagné Paul jusqu’à sa mort et on le retrouve près de lui pendant la première captivité à Rome.
Quant à Tite, d'origine païenne, il a très probablement été converti par Paul lui-même à Antioche de Syrie. Il a participé au «concile de Jérusalem» et a été le représentant de Paul auprès de l'Église de Corinthe. Peut-être est-il resté longtemps à Corinthe car il n'a plus fait parler de lui jusqu'à sa mission en Crète. Plus tard, Paul l'invite à le rejoindre à Nicopolis, en Épire.
Dans les lettres de la captivité (Colossiens, Éphésiens, Philémon et Philippiens), Paul est le grand théologien et le grand mystique, méditant dans sa solitude sur le plan de la Rédemption divine (peintures de Rembrandt). Dans ses lettres pastorales, il s’occupe des pasteurs qui ont charge de communautés.
Ce qu'on attend d'un évêque
La première lettre à Timothée s’adresse à un jeune homme de tempérament enclin à la timidité, qui a besoin de la main forte de son ami. Les deux hommes étaient très différents de caractère, et pourtant Paul n'aimait personne plus que Timothée. Il lui montre le vrai chemin pour gagner de l'influence sur les autres : être exemplaire dans les paroles, dans la foi, la charité, la dignité et la simplicité, dans la façon de traiter les hommes et les femmes. Que Timothée honore les prêtres zélés, particulièrement ceux qui se donnent de la peine pour instruire les membres de la communauté. Il vaut mieux avoir moins de prêtres, qu'un excès d'hommes médiocres. Vis-à-vis la communauté, Timothée doit éviter toute apparence d'âpreté au gain, ne pas poser d’exigences financières, ne pas mener un mode de vie supérieur au standard habituel. «Contente-toi de peu, sans tomber dans les excès d'un ascétisme sombre, prends de temps en temps un petit verre de vin».
Pour Paul, il n'y a pas deux éditions de l'Évangile : l'une pour les laïcs et l'autre pour les prêtres, l'une pour le simple peuple et l'autre pour les classes supérieures. Et il ajoute : Ce n'est pas Dieu qui doit être défendu en face de ce monde. Il n'est pas nécessaire d'établir pour lui un alibi. C'est l'homme qui est sur le banc des accusés; mais le Christ a prononcé à son sujet une sentence de pardon. Il est venu pour sauver «tous les pécheurs, parmi lesquels je suis le premier».
Les passages de la première lettre de Timothée sur les femmes comptent parmi les plus discutables aujourd’hui. Au chapitre 2, dans le cadre de la prière communautaire, les femmes sont d'abord exhortées pendant l'instruction à garder le silence, en toute soumission. Elles sont ensuite exclues de la «didaskalia», de l’enseignement, fonction d'importance majeure dans cette lettre : «Je ne permets pas a la femme d'enseigner ni de faire la loi a l'homme.» Ces propos sont basés sur le modèle des relations sociales de l'époque. Ce qui est nouveau c’est de les transposer à l'intérieur des assemblées chrétiennes, ce qui n’était pas le cas dans les lettres précédentes. En outre, la première lettre à Timothée s'efforce d'appuyer sur l'Écriture ses positions en faveur de la subordination de la femme (1 Tm 2, 13-15). Tout ceci semble être en contradiction avec les idées de Paul pendant ses voyages missionnaires. Le chapitre 5, en revanche, semble plus positif et le ministère du diaconat paraît ouvert aux femmes autant qu'aux hommes.
Paul s’en prend dans sa lettre à ceux qui enseignent «quelque chose d'autre», qui s'écartent de l’«enseignement sain» en conformité avec l'Évangile. La première à Timothée n'a pas de mots assez durs pour les qualifier: «esprits trompeurs», «menteurs», «incompétents jouant aux docteurs de la Loi». Paul qualifie leur enseignement de «doctrines diaboliques», des «racontars de vieilles femmes», de «généalogies sans fin», de «fables profanes», de «creux verbiage», de «questions oiseuses», de «querelles de mots», de «disputes interminables» ...
À la fin, Paul souligne la bonté foncière de la création, ce qui laisse supposer chez ses adversaires un certain mépris du corps et du monde matériel.
Ces lettres pastorales laissent entendre que les Églises passent à une étape nouvelle. L'Apôtre itinérant, propagateur ardent de la Bonne Nouvelle, cède la place au «ministre» stable, soucieux de rassembler une communauté en voie d'organisation.
Paul est maintenant un vieillard. Il arrive à la fin de sa vie :
«Le moment de mon départ est venu. J'ai combattu jusqu'au bout le bon combat, j'ai achevé ma course...» (2 Tm 4, 6-7)
Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 11 août23, 02:4965 - La lettre à Tite.
Saint Tite
Tite est un autre "frère aimé" que Paul a converti et dont il ne pouvait se passer.
Il accompagna son maître à Jérusalem et assista avec lui au premier Concile. Six années durant, il l'accompagna dans ses voyages, prêchant l'Évangile avec lui et déployant un zèle infatigable. Quand ils eurent évangélisé l'île de Crète, Paul y laissa Tite pour continuer son oeuvre.
Après sa sortie de prison, Paul est peut-être allé en Espagne. Il a ensuite visité la Crète, où il a laissé Tite, et s'est alors rendu en Macédoine en passant par Corinthe, Éphèse et Troas. En automne 66, nous le retrouvons, avec un groupe d'amis, se dirigeant vers Nicopolis, la ville la plus importante de l'Épire, sur la côte de la Mer Adriatique.
Nicopolis (ville de la victoire) était une Colonie romaine que César-Auguste avait fondée, en souvenir de la bataille d'Actium remportée à cet endroit, sur Marc-Antoine et Cléopâtre, en 31 av. J.-C. Paul désirait passer l'hiver dans cette ville avant de retourner à Rome pour consoler la communauté chrétienne fortement décimée par la persécution de Néron. Il écrivit une lettre à Tite, alors en Crète, le priant de venir le rejoindre à Nicopolis. Cette lettre possède une coloration juive très marquée. Elle manifeste la préoccupation de l’Apôtre à l'égard de gens qui «enseignent ce qu'il ne faut pas».
Paul manifeste sa préoccupation à l'égard de gens qui «enseignent ce qu'il ne faut pas».
La situation des chrétiens en Crète est semblable à celle d'Éphèse. Là aussi, il est question de «menteurs», de «généalogies», de «discours creux», de «disputes» et de «polémiques».
Comme dans la première lettre à Timothée, l'usage du «tu» encadre des propos formulés à la troisième personne : «la loi est bonne si on l’utilise bien», «que les diacres soient des gens dignes», «tout aliment est bon et rien n'est à proscrire», «tout est pur pour les purs»...
Comme il l'a fait à Timothée,
Paul rappelle à Tite les qualités requises pour accéder aux ministères de l'épiscope, de diacre et de presbytre.
Ces deux lettres révèlent l'existence de certains ministères que nous retrouverons plus tard chez saint Ignace d'Antioche, au début du 2e siècle. Elles mentionnent trois ministères en particulier : celui de l'épiscope, celui des diacres (hommes et femmes) et celui des presbytres. Dans les lettres de Paul, ces termes ont le sens premier du grec courant : episkopos = surveillant, gardien; diakonos = serviteur, servante; presbyteros = personne âgée.
La lettre à Tite énumère les qualités requises pour accéder à ces trois ministères :
«Si je t’ai laissé en Crète, c’est pour y achever l’organisation et pour établir dans chaque ville des presbytres, conformément à mes instructions. Chaque candidat doit être irréprochable, mari d’une seule femme, avoir des enfants croyants, qui ne puissent être accusés d’inconduite et ne soient pas insoumis. L’épiscope, en effet, en sa qualité d’intendant de Dieu, doit être irréprochable : ni arrogant, ni coléreux, ni buveur, ni batailleur, ni avide de gains déshonnêtes, mais au contraire hospitalier, ami du bien, pondéré, juste, pieux, maître de soi, attaché à l’enseignement sûr, conforme à la doctrine...»
Le mot «évêque» (episkopos) est plus ancien que le terme utilisé pour la fonction chrétienne. On le retrouve déjà chez Homère et chez les classiques grecs, dans le sens de surveillants dans les temples ou dans les colonies. La définition chrétienne de la fonction épiscopale n'apparaîtra que quelques dizaines d'années après la mort de Paul, dans les lettres de l'évêque martyr Ignace d'Antioche.
Dans la première lettre à Timothée, le rôle de l'épiscope dans l'Église de Dieu est comparé à celui du père de famille dans sa maison. Sa tâche est, selon toute vraisemblance, de diriger, gouverner, exercer une responsabilité. De toutes les qualités requises, il y a celle de l’enseignement (didaktikos) : «il doit être apte à l’enseignement». Paul indique que ceux qui l’exercent ont droit à une double rémunération.
«Celui qui aspire à la charge d’épiscope désire une noble fonction. Aussi faut-il que l’épiscope soit irréprochable, mari d’une seule femme, qu’il soit sobre, pondéré, courtois, hospitalier, apte à l’enseignement, ni buveur ni batailleur, mais bienveillant, ennemi des chicanes, détaché de l’argent, sachant bien gouverner sa propre maison et tenir ses enfants dans la soumission d’une manière parfaitement digne. Car celui qui ne sait pas gouverner sa propre maison, comment pourrait-il prendre soin de l’église de Dieu? Que ce ne soit pas un converti de fraîche date, de peur que l’orgueil lui tournant la tête, il ne vienne à encourir la même condamnation que le diable. Il faut en outre que ceux du dehors (les non-chrétiens) rendent de lui un bon témoignage, de peur qu’il ne tombe dans l’opprobre et dans les filets du diable.» (1 Tim 3, 1-7)
C’est là tout un programme pour les dirigeants de l’Église! Les fonctions énumérés par Paul dans la lettre à Tite et dans la 1ère à Timothée vont prendre une plus grande envergure dans les années qui suivront et ces fonctions continueront à évoluer et à se développer jusqu’à nos jours.
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66 - Deuxième lettre à Timothée
Du cachot Mamertine, Paul écrit à Timothée
Peu avant son exécution, Paul écrit sa dernière lettre à son ami Timothée.
La prison de Mamertine à Rome
La prison de Mamertine, lieu de la 2e captivité de Paul à Rome. On y jetait les condamnés à partir d'un trou au plafond et ils attendaient leur exécution dans la noirceur de cette grotte infecte et glaciale.
Au pied du Capitole, à Rome, se trouvait, la fameuse prison Mamertine. Selon la tradition, Paul a été fait prisonnier à Nicopolis, pour être ensuite transféré dans la capitale et jeté dans cette prison lugubre et malsaine. La deuxième captivité se révèlera beaucoup plus pénible que la première. Paul est enchainé «comme un criminel», dans une prison ayant la réputation d’être l’anti-chambre de la mort.
Le premier interrogatoire est court et dramatique. À cause de la persécution féroce de Néron, Paul n'avait ni défenseurs, ni témoins en sa faveur, car personne n'avait le courage de s’afficher ouvertement chrétien. Il semble cependant qu’il se soit bien défendu, car cette première audience ne fut pas concluante et il échappa, «à la gueule du lion». Pendant la longue pause entre la première et la deuxième audience, il eut le temps de prier et de réfléchir.
Le vieillard qu’il est devenu, rassembla ses forces pour rédiger une dernière lettre. C'est un mot d'adieu à Timothée, son disciple bien-aimé. Il voudrait bien le rencontrer une fois encore avant de mourir, mais il craint qu'il ne soit déjà trop tard. Il n'a pas honte de dire combien Timothée lui manque et avec quel grand désir il attend sa visite : «Hâte-toi de venir me rejoindre au plus vite». (2 Tm 4, 9), «Hâte-toi de venir avant l'hiver». (2 Tm 4, 21) Dans cette lettre, Paul appelle Timothée «son enfant bien-aimé» et lui demande d'amener Marc avec lui.
Paul souhaite la présence de
son ami et compte sur lui
pour continuer sa mission.
Dans la prison souterraine humide, et glaciale, le vieux Paul a très froid. Pour se réchauffer un peu, il demande à Timothée de lui apporter son manteau, qu'il a laissé à Troas. Il regrette de ne pas avoir les Écritures avec lui et ses rouleaux de notes personnelles. Il voulait y mettre de l'ordre avant de les confier à Luc et à Timothée :
«Dieu m'a confié la bannière. Voici que je suis vieux. Elle tombe de ma main. Prends cette bannière du Christ, et porte-la bien haut et transmets-la à des hommes dignes de confiance.»
Paul en prison, par Rembrandt
Le vieillard qu’il est devenu, rassembla ses forces pour rédiger un mot d'adieu à Timothée, son disciple bien-aimé.
Cette lettre est le «testament» de Paul. Il est maintenant aux derniers jours de sa vie : «l'ai combattu jusqu'au bout le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi». Il remet le contenu de ses convictions à Timothée, assuré qu'il saura le conserver intact jusqu'à la fin. «Son fils dans la foi» devra à son tour le confier à des gens sûrs, qui sauront eux aussi le transmettre après eux. Cette transmission de générations en générations est essentielle à la survie du christianisme.
La 2e lettre à Timothée se présente comme une lettre très personnelle. Dans la section centrale, les consignes concernent Timothée lui-même et non pas la communauté comme c’est le cas dans la 1ère à Timothée et dans la lettre à Tite. Pour montrer que le résultat de l’apostolat est lié à l’effort, Paul explique sa situation en la comparant à celle du soldat, de l’athlète, du cultivateur :
«Prends ta part de souffrance en bon soldat du Christ Jésus. Dans le métier des armes, personne ne s’encombre des affaires de la vie civile, s’il veut donner satisfaction à qui l’a engagé. De même l’athlète ne reçoit la couronne que s’il a lutté selon les règles. C’est au cultivateur, qui travaille dur, que doivent revenir, en premier lieu, les fruits de la récolte.» (2 Tm 2, 3-7).
martyre de Timothée
Timothée "prit sa part de souffrance en bon soldat du Christ"... Il fut emprisonné et torturé à cause de sa foi et on mit fin à son martyre en le jetant au feu. Des peintures anciennes le montrent aussi objet de lapidation.
Lui qui est emprisonné pour le Christ, sera récompensé dans la mesure où il aura gardé la foi. Sa joie, au milieu de la souffrance, lui vient de ce que le Seigneur sera fidèle. Arrivé au bout du chemin, il veut transmettre le dépôt de la foi. Paul est en prison, mais «la parole de Dieu n’est pas enchaînée».
Nous retrouvons dans cette section, toute une série de recommandations. Les nombreux impératifs dessinent les grands axes du travail d’évangélisation : «rappelle ceci», «évite cela», «efforce-toi», «proclame», «réfute», «exhorte», «supporte l’épreuve»...
Les deux épîtres à Timothée sont imprégnées de l’apostolicité si évidente dans la vie de Paul. Le mandat confié à son jeune ami est d’exercer courageusement sa tâche prophétique afin d’amener les fidèles à la réalisation intégrale de leur vocation chrétienne :
«Proclame la Parole, insiste à temps et à contretemps, réfute, menace, exhorte avec une patience inlassable et le souci d’instruire.»
Dans cette dernière lettre de l’Apôtre des nations, nous retrouvons aussi l'évolution de la structure ecclésiale, à travers les titres attribués à ceux et celles qui dirigent les communautés : les épiscopes («surveillants»), les presbytres («anciens») et les diacres («serviteurs»).
Arrivé à la fin de sa vie, Paul s’en remet avec confiance à Timothée, à Luc, à Marc, et à tous ceux et celles qui suivront après lui.
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67 – Rome brûle
Le grand incendie de Rome en 64, par Hubert Robert, Musée du Havre
Paul, libéré de son emprisonnement en «garde-à-vue», avait quitté Rome peu avant le 13 juillet 64, date où la Capitale a connu l’incendie le plus meurtrier et le plus dévastateur de son histoire. Le feu a commencé près des monts Palatin et Coelius, au milieu de boutiques remplies de marchandises inflammables. Aussitôt allumées, les flammes attisées par un vent violent, se sont propagées avec une rapidité incontrôlable. Elles enveloppèrent d’abord les constructions du Circus Maximus et la partie basse de la ville. Elles dévorèrent ensuite, sur les hauteurs, les nombreuses maisons, appuyées les unes sur les autres le long des rues étroites et tortueuses. Les matériaux en bois : plafonds, balcons, planchers, etc., provoquèrent une flambée meurtrière qui prit des milliers de victimes par surprise.
incendie de Rome
L'incendie devient vite incontrôlable. La rumeur que Néron en soit coupable n'est peut-être pas fondée mais de forts soupçons pèsent sur lui. Pour les détourner, Néron accuse la secte des chrétiens.
Pendant une semaine entière, le feu dévasta tout sur son passage. Les quartiers populaires furent rasés et dans les quartiers huppés, les palaces, les temples des dieux, les portiques destinés au public, les nombreux monuments et les palais impériaux furent la proie des flammes.
Au moment de l’incendie, Rome comptait environ un million d’habitants. C’était la plus grande ville de l’Empire. Selon Tacite, des quatorze quartiers, trois furent complètement rasés et sept ne conservèrent que quelques bâtiments. Il était difficile pour les cohortes de protection civile (vigiles urbani), sorte de pompiers du temps, de manoeuvrer dans les espaces restreints et les rues étroites. Ils ne pouvaient acheminer l’eau nécessaire pour combattre les flammes, à cause du grand nombre d’habitants en fuite.
Néron, qui se trouvait à Antium, revint dans la capitale mais il ne pu rien faire pour sauver sa résidence. L’historien Suétone, dans son oeuvre sur les empereurs De vita Caesarum, plus connue sous le titre Vie des douze Césars, donne de l’incendie un bref compte rendu très hostile envers Néron. Il accuse l’empereur d’avoir brûlé la ville, parce qu’il était dégoûté par la laideur des constructions antiques et l’étroitesse des routes.
Ce désastre historique a d’abord été attribué au hasard, mais ensuite, plusieurs commencèrent à y voir le dessein criminel de l’empereur qui avait planifié de reconstruire la ville qu’il voulait appeler Neropolis. Pour se défendre, l’empereur trouva des boucs émissaires : il désigna comme véritables incendiaires les membres de la secte des chrétiens.
Le martyre des premiers chrétiens, par Gérôme, 1883
Chrétiens en prière au cirque Maximus pendant que les animaux sortent pour les dévorer.
Dès lors, il ordonna des centaines de mises à mort spectaculaires. En dehors des jeux du cirque où de nombreux chrétiens étaient jetés vivants aux lions, aux tigres et aux chiens affamés, Néron a innové en faisant couvrir de cire et de matières combustibles, les pauvres condamnés pour les faire brûler vifs afin d’éclairer les spectacles du cirque. Il ne s'était écoulé qu'une trentaine d'années depuis la mort du Christ et déjà, à Rome, la capitale de l'Empire, des hommes et des femmes étaient sauvagement assassinés à cause de leur foi en Jésus Christ.
Paul a vite été mis au courant de toutes ces horreurs car les centaines de chrétiens terrifiés s'étaient réfugiés dans les villes, les villages et les campagnes.
Très rapidement, la cruelle persécution de Néron s’étendit à tout le territoire de l’Empire. Un missionnaire de la valeur de Paul, connu dans de nombreuses villes et qui s’était fait des ennemis aussi bien chez les Juifs que chez les non-Juifs, était dans la mire du pouvoir politique qui recherchait les chrétiens pour les condamner à mort. Le peuple romain, toujours prêt à profiter des jeux cruels du cirque et peu enclin à se poser des questions sur la justice de l’Empire, applaudit à ces accusations cruelles et non fondées et à ces mises à mort atroces. Néron qui avait ordonné la mort de son demi-frère Britannicus, de sa mère Agrippine, de Sénèque, de Burrhus et de plusieurs de ses sujets les plus modérés, n’avait plus d’entraves à son sadisme et à sa férocité.
Sur la période précédant l’arrestation de Paul par la police de l’Empereur, les Épîtres pastorales nous indiquent les déplacements de l’Apôtre pendant les derniers mois de sa vie : l'île de Crète, Milet, Éphèse, Troas, la Macédoine, Nicopolis. Il sera fait prisonnier à Nicopolis et transféré à Rome pour y être condamné à mort.
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68 - Paul de Tarse condamné à être décapité
Les voyages de Paul en Méditerranée de l’est sont mentionnés dans les épîtres pastorales, écrites après la première captivité à Rome : «En partant pour la Macédoine, je t’ai prié de demeurer à Éphèse.» (1 Timothée 1, 3), «J’ai laissé Trophisme malade à Milet (2 Timothée 4, 20), «Apporte le manteau que j’ai laissé à Troas chez Carpos (2 Timothée 4, 13), «Je t’ai laissé en Crète» (Tite 1, 5).
Après ces déplacements, selon toute vraisemblance, Paul a été arrêté à Nicopolis et transféré à Rome pour y être jugé. Accusation : appartenir à la secte des chrétiens, responsables de l’incendie de Rome. Deux ou trois années se sont écoulées depuis la destruction de la capitale. Néron a eu le temps de reconstruire une partie de la ville. Selon Tacite,
Le palais de Néron tel qu'il était au premier siècle
Le luxueux palais que Néron se fit construire après la destruction de la ville.
(L'Italie vient de relancer les travaux de restauration de cette "Maison dorée" située en plein centre-ville de Rome, à quelques mètres du Colisée)
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«Néron mit à profit la destruction de sa ville et se bâtit un palais où l'or et les pierreries n'étaient pas ce qui étonnait le plus; ce luxe est depuis longtemps ordinaire et commun : mais ce palais enfermait des champs cultivés, des lacs, des solitudes artificielles, des bois, des esplanades... Par ailleurs l'espace resté libre pour construire des maisons ne fut pas utilisé sans ordre, au hasard. Les maisons furent alignées, les rues élargies, les édifices limités à une juste hauteur. On ouvrit des cours et l'on éleva des portiques pour protéger les maisons. L'eau coula plus abondante et en plusieurs endroits, elle fut à la disposition du public... Chacun fut obligé de tenir toujours prêt et bien en évidence ce qu'il faut pour arrêter le feu... Mais ni les efforts humains, ni la largesse du prince, ni les cérémonies religieuses expiatoires ne faisaient taire l'opinion... d'après laquelle l'incendie avait été ordonné. Pour mettre fin à ces rumeurs, Néron supposa des coupables... » (Ann. XV)
Afin de permettre ce début de reconstruction par Néron, il faut retarder jusqu'en 66-67 la persécution des chrétiens et fixer à cette date le martyre de Paul. On ne s'étonne donc plus que l’apôtre ait eu le temps, depuis le printemps 63, de se livrer aux multiples activités dont parlent ses lettres pastorales à Timothée et à Tite.
Un autel dans la prison Mamertine à Rome
Le macabre cachot de la prison Mamertine.
Un autel commémore l'endroit où Pierre et Paul ont souffert avant leur exécution.
La tradition raconte que Paul aussi bien que Pierre ont été incarcérés dans la macabre prison Mamertine, cachot souterrain à deux étages qui possédait une salle basse, enfoncée à près de quatre mètres sous terre. L'ensemble était fermé, comme une sorte de sarcophage, par des murs épais et une voûte de pierre. Ce lieu sinistre servait à la fois de lieu de détention et de lieu d'exécution. C’est dans cette prison que Vercingétorix aurait été étranglé en 46 av. J.-C., sur l’ordre de Jules César. En règle générale, les prisonniers ne restaient que quelques jours ou quelques semaines dans ce lieu sinistre. La prison Mamertine était l'antichambre de la mort. Aujourd'hui, les pèlerins et les touristes peuvent la visiter. Sur le fronton de la prison, on peut y lire : «Prigione dei SS. Apostoli Pietro e Paolo – Mamertinium».
Lorsque Paul est transféré à Rome, la capitale est en pleine période de persécution. On se rappelle qu’à sa première visite, bien que prisonnier, Paul avait été accueilli par les chrétiens sur la Voie appienne et avait pu profiter de leur soutien pendant toute la période de son incarcération. Cette fois-ci, il n’y a personne pour le recevoir. Le climat est différent. L'opinion publique est hostile et les chrétiens n’osent se prononcer à la défense de Paul qui prévoit sa condamnation et sent venir la fin. Lors d’une première comparution devant le juge, il a pu éviter la condamnation à mort. La deuxième séance du tribunal est imminente et il sait qu'elle se terminera par son «entrée dans le Royaume des cieux». Il n'a plus d'espoir :
«Je suis déjà prêt à répandre mon sang en holocauste. Le temps de ma dissolution est proche.»
Paul rédige lui-même son inscription funéraire :
«J'ai combattu jusqu’au bout le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi !» (2 Timothée 4, 7).
C'est l'image du lutteur dans l'arène et du coureur dans le stade de Dieu. Paul, qui a toujours aimé les sports, utilise des images des jeux olympiques.
décapitation de Paul
Paul condamné à mourir par le glaive
Il se souvient de l'heure de son appel sur la route de Damas, lorsqu’il accepta le fardeau de sa vocation. Il avait promis fidélité. Il conservera cette fidélité depuis Damas jusqu’à sa condamnation à mort.
De la lettre de l'évêque Clément de Rome aux Corinthiens, écrite environ trente ans après la mort de Paul, il ressort que Pierre ait été crucifié comme «ennemi du bien public» (hostis publicus), alors que Paul, en tant que citoyen romain, a été condamné, après un procès en règle, à mourir par le glaive. Cette lettre démontre que Clément connaissait bien les événements. Il nous donne un résumé de la vie de Paul :
«Sept fois en chaînes, exilé, lapidé, héraut du Christ en Occident et en Orient, il vient de recueillir la merveilleuse gloire de sa foi. Il a prêché la justice dans le monde entier, il s'est aventuré jusqu'aux confins de l'Occident. Il a confessé la foi devant les détenteurs du pouvoir. C'est ainsi qu'il a quitté ce monde et qu'il est parvenu au Lieu-Saint : modèle exaltant de la patience.»
Selon la tradition chrétienne, l'exécution de Paul a eu lieu dans un vallon désert appelé les Eaux salviennes, non loin des portes de Rome. Son corps fut ensuite déposé dans un tombeau sur la propriété de la chrétienne Lucina, près de la voie d’Ostie. Sa tombe étant celle d’un citoyen romain, elle n'avait pas à être cachée. Elle devint rapidement un lieu de vénération où les chrétiens venaient se recueillir sur le tombeau de l’Apôtre des nations.
St-Paul Hors les murs
Saint-Paul-hors-les-Murs
gravure de Piranèse
Statue de St-Paul devant la Basilique SPhlM
Statue de saint Paul devant l'actuelle Basilique (reconstruite après l'incendie de 1823)
Nef de la Basilique St-Paul -hors-les-Murs
Intérieur de la Basilique.
Cinq grandes nefs formant une croix entourent le maître-autel qui indique l'endroit où saint Paul fut enterré.
Quand, sous Constantin, le christianisme sera choisi comme religion de l’État, l’Empereur fera construire une église sur le lieu où Paul a été enterré. Des fouilles récentes ont découvert sous le maître-autel un sarcophage pouvant contenir les reliques de l'Apôtre et une plaque de marbre datant du IVe siècle qui porte l'inscription «Paulo apostolo mart» (Paul apôtre martyre). En 386, cinquante ans après la mort de Constantin, devant l'affluence des pèlerins, les empereurs Valentinien II, Théodose et Arcadius firent construire une basilique plus grande : Saint-Paul-hors-les-Murs.
Paul avait environ 62 ans lorsqu’il fut décapité. Sa vie intense marqua l'histoire de l'humanité. Ce vieillard encore plein d’énergie fut conduit par un groupe de soldats vers la pyramide de Cestius, près du mur sud de la ville de Rome. Le cortège emprunta alors la voie d'Ostie. À l’endroit où Paul fut exécuté, les Trappistes, silencieux, ont construit, entre de grands eucalyptus, le couvent de «Tre Fontane», où ils montent la garde sur la dépouille du célèbre apôtre des nations.
À l'endroit de l'actuelle Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, sur la propriété agricole de la matrone romaine Lucina, des fouilles archéologiques ont mis à jour un petit cimetière. Les inscriptions de certaines tombes remontent au temps de la République romaine, avant Jules César. Dans une lettre, le prêtre romain Gaïus écrit, vers l'an 200 : «Je peux te montrer les trophées des Apôtres. Si tu viens au Vatican ou sur la route d'Ostie, tu trouveras les trophées des fondateurs de cette Église.» Le mot trophée désigne ici un sarcophage surmonté d'une petite chapelle. Eusèbe de Césarée place l'exécution de Paul entre juillet 67 et juin 68, soit deux ou trois ans seulement avant la destruction du Temple et de la ville de Jérusalem par Titus. Vers l’an 210, Tertullien de Carthage relate le martyre de Pierre et Paul sous Néron. En 313, Eusèbe de Césarée confirme : «On raconte que, sous le règne de Néron, Paul eut la tête coupée à Rome même, et que semblablement Pierre y fut crucifié, et ce récit est confirmé par le nom de Pierre et Paul qui, jusqu'à présent, est donné au cimetière de cette ville.»
Il est difficile de contester ces anciennes traditions. «Qu'est-ce qui aurait pu convaincre l'architecte de Constantin à construire cette église si loin de toute habitation, dans un endroit exposé aux inondations du Tibre?». Le corps de l'Apôtre reposa ici, dans un simple caveau, jusqu'à la persécution de l'empereur Valérien, au IIIe siècle. A cette époque, l'État voulu piller les trésors chrétiens, et détruire les cimetières. Prévenus, les chrétiens de Rome transférèrent les corps de Pierre et de Paul, dans les catacombes de St-Sébastien, sur la Voie Appienne. L'Église fut si reconnaissante, qu'elle commémore encore aujourd’hui, le 29 juin, le sauvetage des précieuses reliques, par la fête de Pierre et de Paul. Plus tard, le pape Sylvestre reporta les reliques à leur lieu de sépulture primitive, dans les basiliques construites par Constantin, à St-Paul-hors-les-Murs et à St-Pierre du Vatican.
Paul est resté fidèle au Christ jusqu’à sa mort. Lors de la rencontre de Damas, les écailles lui étaient tombées des yeux et il avait compris ce que le christianisme apportait d'absolument nouveau. Cette découverte fondamentale ne lui vint pas de la «chair et du sang», mais bien de Jésus-Christ lui-même. C'est grâce à cette rencontre que Paul a pu se faire tout à tous, en devenant l’Apôtre des nations :
«Si quelqu'un est dans le Christ, c'est une créature nouvelle. Le passé a disparu, c'est maintenant un monde nouveau» (2Cor. 5, 17).
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69 - Pierre et Paul au long de l’histoire
À la fin des Actes des Apôtres, Luc raconte le premier emprisonnement à Rome, et il met en valeur la liberté de parole et l'indépendance dont jouit Paul dans ses relations et dans son discours : «Paul vécut ainsi deux années entières à ses frais, et il recevait tous ceux qui venaient le trouver, proclamant le Règne de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ en toute liberté et sans entraves» (Actes 28, 30-31). Quelques années plus tard, Paul sera condamné à mort, mais Luc veut terminer son récit sur la liberté de la Parole de Dieu au centre même de l’Empire. Ce qui compte pour lui, c’est la Bonne Nouvelle du Christ qui est offerte à tous. Paul peut disparaître, mais la Parole continuera à être entendue.
Saint Pierre et saint Paul, El Greco, XVIe siècleSaint Pierre et saint Paul, par El Greco
Ce qui surprend après la mort de Paul, c'est la rapidité avec laquelle l’apôtre des nations est oublié, alors que Pierre devient un inépuisable sujet d'inspiration.
Ce qui surprend après la mort de Paul, c'est la rapidité avec laquelle l’apôtre des nations est oublié. La communauté chrétienne de Rome, victime de la persécution de Néron, est disséminée et cherche refuge en dehors de la Capitale. Le petit groupe d’amis et de collaborateurs de Paul est dispersé, Timothée et Tite ne font plus parler d'eux. Le courant judéo-chrétien qui a combattu l’apôtre des nations pendant des années, semble l'emporter. On voit péricliter les Églises fondées en Macédoine et en Galatie. Celles de Corinthe et d'Éphèse passent sous l'autorité de ceux qui l’avaient ardemment combattu.
Chez les chrétiens, on ne lui tisse aucune légende qui aurait pu soutenir sa popularité, alors que Pierre devient un inépuisable sujet d'inspiration. «N'a pas de légende qui veut», a commenté Renan. La réalité est souvent cruelle et injuste.
Destruction du Temple de Jérusalem par Titus en 70
En 70, le Temple de Jérusalem est détruit et le pays entier est rayé de la carte (L'état d'Israël ne renaîtra qu'en 1948).
La religion chrétienne a pris son essor à travers ces événements douloureux.
Peu de temps après la mort de Paul, Jérusalem est détruite par les Romains, un épisode désastreux pour Israël. La rébellion contre l'occupant avait gagné l'ensemble de la Judée et, en septembre 66, un gouvernement insurrectionnel est proclamé à Jérusalem. Ainsi commence la Guerre juive racontée avec un superbe pouvoir d'évocation par Flavius Josèphe, historien juif qui écrit pour les Romains. Vespasien et ses légions mettront trois ans pour écraser les insurgés de Galilée puis ceux de Judée. En 70, son fils Titus entreprend, devant Jérusalem, un siège qui durera quatre mois. À la fin, il ne restera qu'une ville anéantie, un Temple incendié et une forêt de Juifs crucifiés. Les archives d’Israël ont disparu en fumée et le pays des Juifs est rayé de la carte.
Les historiens modernes considèrent qu’à travers ces événements douloureux, la religion chrétienne a réellement pris son essor après la destruction du Temple de Jérusalem. Les réformateurs pharisiens, réunis à Jamnia et désormais en charge du destin religieux d'Israël, «expulsent» les chrétiens du judaïsme. Ce rejet est ressenti douloureusement. Si, dans les évangiles, Matthieu et Jean multiplient les attaques contre les pharisiens, ce n'est pas sans raison. La relation conflictuelle entre Juifs «orthodoxes» et Juifs «chrétiens» aura pour conséquence une lutte sans merci entre les deux communautés de même origine, lutte meurtrière qui durera pendant 19 siècles, jusqu’à la fin de la 2e guerre mondiale et du Concile Vatican II.
Après la mort de Paul, en 67, ses épitres sont oubliées. Une douzaine d’années après la destruction de Jérusalem, Luc devient un élément important dans le «retour» de Paul en publiant Les Actes des Apôtres.
Saint Augustin lisant les épîtres de saint PaulAugustin lisant saint Paul, B.Gonzzoli
Au 4e siècle, la pensée de Paul s'impose aux Pères de l’Église. St Augustin en fait son maître à pensée.
Les larmes de saint Pierre, El GrecoLes larmes de saint Pierre, El Greco
Au cours du Moyen Age, la chrétienté latine exalte Pierre au détriment de Paul.
saint Paul, par El GrecoSaint Paul, par El Greco
Au 16e siècle, on redécouvre les épîtres de saint Paul, grâce à l'imprimerie et à Martin Luther dont la Réforme se base sur l'épître aux Romains
On se rend compte alors que les communautés ont conservé les lettres de Paul qui ont été copiées et recopiées. Vers 150, Justin, un apologiste chrétien de langue grecque, définit les quatre Évangiles et les lettres de Paul, comme «les mémoires des apôtres». Dans la transmission recopiée des évangiles et des lettres on décèle des erreurs, des amalgames, des oublis, mais cela n’est pas étonnant. Au début du 3e siècle, Origène constate : «C'est un fait évident aujourd'hui qu'il existe parmi les manuscrits une grande diversité, que ce soit dû à la négligence des scribes ou à l'audace perverse des gens qui corrigent le texte, ou encore au fait qu'il en est qui en ajoutent ou en enlèvent à leur gré, s'instituant eux-mêmes correcteurs.»
A temps des grands conciles du 4e siècle (Nicée, 325, Constantinople, 381), la pensée de Paul s'impose aux Pères de l’Église. Il s'agit d'une véritable reconquête. Augustin fait alors de Paul son maître à penser.
Au cours du Moyen Age, la chrétienté latine exalte Pierre au détriment de Paul. Le pêcheur du lac de Tibériade, marchant sur les eaux, parle davantage à l'imagination des braves gens que l'apôtre philosophe démontrant en grec que la justification se fait par la foi et non par les oeuvres. On n'étudie alors les Épîtres que dans quelques monastères.
Nous constatons un nouveau «retour» de Paul au temps de la Renaissance (16e siècle). À une société cultivée, l’imprimerie de Gutenberg donne accès aux grands textes et l'on redécouvre la portée et la force des Épîtres. En 1515, un religieux catholique allemand, maître en philosophie de l'université d'Erfurt, appartenant au couvent des Augustins de Wittenberg et professeur à l'université du même nom, étudie l'Épître aux Romains. Martin Luther vient de découvrir, comme principe théologique dominant, la doctrine du salut par la foi : Dieu n'exige pas de l'homme la justice, mais l'offre gratuitement à ceux et celles qui croient en Jésus-Christ : «L'homme devient juste sans l'oeuvre de la Loi. Seulement par la foi.» Avec ses 95 thèses de Wittenberg, la Réforme est née et elle se place sous la bannière de Paul. Par une sorte de renversement tactique, Rome élève alors Paul au même rang que Pierre, sans néanmoins parvenir à en faire un saint populaire.
Si Saul avait suivi Jésus en Galilée, peut-être ne serait-il jamais devenu Paul. Il l’aurait raconté comme l'ont fait Marc, Matthieu, Luc et Jean, mais il n'aurait pas cherché le sens du message révélé sur le chemin de Damas. Il ne serait pas devenu aujourd'hui l'une des colonnes de l'Église et sa pensée étonnerait moins les philosophes et ceux qui cherchent. Si les Épîtres de saint Paul sont lues à chaque eucharistie catholique, si les réformés se réclament de lui avec éclat, c'est parce qu'il fut ce qu'il devait être.
Paul a contribué, plus que tout autre, à l'expansion, non pas de la parole de Jésus mais de l'idée qu'on se faisait de cette parole. Dans l’épître aux Romains, on retrouve son message dans toute sa splendeur.
La personnalité de Paul de Tarse écrase, sa pensée atteint de grands sommets, sa théologie possède une profondeur inégalée, son amour pour le Christ crucifié invite à reconnaître le grand amour de Dieu pour nous. Sa lutte pour la liberté s’inscrit dans nos luttes d’aujourd’hui, sa joie profonde est garante de notre espérance. Pour devenir une religion universelle, le message de Jésus avait besoin de saint Paul. Il a été et demeure encore aujourd’hui le théologien de l’universalisme, l’Apôtre des nations.
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https://www.cursillos.ca/action/st-paul ... nation.htm
Texte très intéressant qui, grâce au contexte, met en valeur le texte lui-même!
On peut y voir un texte en 3D!
On nous donne quantité d’informations qui font vivre le texte lui-même!
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1- Saint Paul, l’Apôtre des nations
Paul de Tarse a été et est encore aujourd’hui l’un des plus grands personnages de l’histoire du christianisme. C’est pourquoi nous avons intérêt à connaître ce pilier de notre Église.
Il existe plusieurs façons d’aborder son oeuvre.
On peut étudier
sa personnalité,
sa théologie,
ses voyages missionnaires,
ses nombreux conflits
ses lettres aux communautés,
ses relations avec ses ami(e)s et ses ennemi(e)s,
son influence à travers les âges,
etc., etc.
Je pense que la meilleure façon de bien connaître ce pionnier du christianisme est de le «suivre à la trace», de la naissance à la mort. Il a eu une vie exceptionnelle, pleine de surprises et de rebondissements. Il a connu des scénarios dignes des plus grands films d’action.
Cette approche est plus longue mais elle nous permet de mieux découvrir toute la richesse et toute la complexité du personnage.
Plusieurs d’entre nous avons une bonne connaissance des quatre évangiles : Marc, Matthieu, Luc et Jean, mais Paul, l’auteur des Épitres, reste une énigme et un point d’interrogation.
J'espère vous donner le goût de lire Paul de Tarse, de prier avec lui et de méditer sur sa vie et sur ses écrits.
Je m’efforcerai de faire un peu de lumière sur cet homme, à travers ses cheminements tortueux, son développement théologique, ses conflits avec la communauté de Jérusalem, ses voyages missionnaires, sa pastorale pour les églises et ses lettres passionnées.
Déterminé, parfois têtu, ombrageux à l’occasion, Paul a eu de nombreux ami(e)s et un grand nombre d’ennemi(e)s. Il a joué un rôle de premier plan dans les débuts du christianisme et son influence perdure jusqu’à nos jours.
J’éviterai de m’impliquer dans les innombrables controverses de spécialistes sur la vie de Paul, sur l’authenticité de certaines de ses lettres, sur ce que Luc dit de lui ou ce qu’il a jugé bon de passer sous silence. Je voudrais vous présenter la «vie de saint Paul» avec toute la richesse que nous offre cet apôtre unique en son genre. Vous le verrez en pleine action dans les grandes villes de l’Empire romain, voyageant d’Est en Ouest, toujours désireux de porter plus loin la Bonne Nouvelle, jusqu’aux limites du monde connu.
À travers cette «biographie», nous pourrons aussi lever le voile sur la vie quotidienne des premiers chrétiens et sur les nombreuses communautés fondées par Paul.
J’espère vous donner le goût de lire Paul de Tarse, de prier avec lui et de méditer sur sa vie et sur ses écrits.
Des centaines d’excellents volumes ont été publiés par des experts qui ont pour Paul une grande admiration et une connaissance approfondie de son oeuvre missionnaire. À intervalle régulier, je vous donnerai le nom de certains de ces auteurs, le titre de leur livre, l’édition et une photo du volume mentionné.
Cela vous incitera peut-être à vous procurer l’un ou l’autre de ces volumes, afin de mieux apprécier toute la richesse de Paul de Tarse.
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Il met en valeur:
La santé fragile de Paul!
L’opposition farouche des Juifs, des gentils et des judéo-chrétiens!
Ses lettres ont été écrites avant les 4 évangiles!
Ses amis qui lui sont restés fidèles jusqu’à la fin!
Il a travaillé avec tous sans exception, y compris les femmes, ce qui était contraire à l’esprit du temps!
Ses 3 voyages missionnaires se sont déroulés entre 46 et 58 de notre ère!
Il a vécu à l’époque des empereurs Claude et Néron
La population de l’Empire romain comprenait 50 millions d’habitants!
La différence entre les citoyens romains et les non citoyens, les hommes libres et les esclaves!
Un monde d’injustices!
Toutes ces conditions vont profiter à l’expansion du Christianisme!
On apprend que Rome comptait alors environ 1.000.000 d’habitants, Éphèse 650.000, Antioche de Syrie 500.000, Tarse 300.000 et Jérusalem 25.000!
Dans l’empire romain, on parlait et on pensait grec!
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2- Paul, l’apôtre inconnu
Pour la plupart des chrétiens, Paul est un parfait étranger. Nous ne le connaissons pas ou le connaissons mal.
Il est vrai que souvent ses écrits nous parviennent à travers la deuxième lecture de l’eucharistie dominicale, en pièces détachées et sans lien avec la première lecture et l’évangile. Certains prêtres évitent même cette «deuxième lecture», et c’est très rare que le célébrant fasse une homélie sur le texte de saint Paul.
S’il est mal connu, Paul n’en reste pas moins l'un des personnages les plus populaires de l’histoire de la chrétienté. Des centaines d’églises, de nombreuses paroisses, des milliers de volumes lui sont dédiés et, dans l'histoire de l'Art, nous retrouvons son portrait partout à travers les siècles. On nous le présente en peinture, sculpture, mosaïque, fresque, aquarelle, icône, ivoire, vitrail, enluminure, etc. Il est présent dans les catacombes, les cavernes, les palais, les maisons, les églises. Peu de grands personnages ont été représentés aussi souvent que saint Paul.
Personnage d'une rare
intensité, il est déconcertant
par ses contradictions
Après deux mil ans, il fait encore parler de lui. Son oeuvre missionnaire grandiose ne cesse de nous surprendre et de nous fasciner. Avec si peu de moyens, il a surmonté des obstacles énormes. Malgré une santé fragile, il s’est engagé dans des voyages périlleux, sur terre et sur mer.
Au cours de sa carrière missionnaire, Paul a affronté une opposition farouche de la part des Juifs, des Gentils et des judéo-chrétiens. Il a été victime des calomnies les plus odieuses et continuellement il a dû défendre son apostolat. On l’a attaqué sur tous les fronts. Parfois il a été trahi par ses propres disciples. Il fut arrêté, battu, flagellé, mis en prison, lapidé, expulsé et finalement décapité. Rien ne lui a été épargné jusqu'au jour de son martyre.
Pendant les premières années du christianisme, Paul a été le seul à comprendre que le message du Christ n'avait d'avenir qu'en s'adressant à tous et non seulement aux Juifs. Le christianisme se devait d’être universel ou il ne survivrait pas. Paul avait compris la mission universelle du Christ : «Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit... » (Matthieu 28, 18)
Paul a imposé cette vision chrétienne longtemps avant que les quatre évangiles ne soient écrits.
Ce grand missionnaire a été pendant toute sa vie un personnage d'une rare intensité. Il est déconcertant par ses contradictions. Véritable mystique, il est aussi un organisateur hors pair. Doté d’un mauvais caractère, il est continuellement entouré de nombreux ami(e)s. Accusé d’être intolérant, misogyne, anti Juifs, il a travaillé avec plusieurs femmes, ce qui n’était pas acceptable dans la culture de son temps, et est resté véritablement Juif jusqu’à sa mort. Malgré son bouillant caractère, ses communautés lui sont restées fidèles jusqu’à la fin.
Pour connaître S. Paul, nous avons plusieurs sources.
Il y a d’abord ses lettres (13 en tout – j’exclus ici la lettre aux Hébreux). Ces Lettres parlent de ses voyages, de ses luttes constantes, de ses fondations d’églises, de ses nombreux conflits. Elles sont essentielles à la compréhension de la personnalité de Paul, de sa théologie et de son message. Les Épitres de Paul lèvent le voile sur la vie quotidienne des premières communautés chrétiennes.
Ensuite, nous avons les Actes des Apôtres de saint Luc, le grand admirateur et le chroniqueur de saint Paul. Il nous offre un portrait qui a peu d'équivalence dans l'histoire de l'Antiquité. Grâce à Luc, Paul est mieux connu que la plupart des grands personnages de la Rome antique.
Donc deux portraits : celui de Luc et celui de Paul lui-même. Il existe aussi quelques écrits un peu plus tardifs : les Actes de Paul, les Actes de Pierre, l'Épitre des Apôtres, le Didakê qui ajoutent à ces informations.
L’histoire de l'Empire romain et les découvertes archéologiques complètent le portrait de l’homme de Tarse. Elles nous font connaître les institutions, la culture, l'économie et les moyens de transport du premier siècle. Elles enrichissent ainsi notre connaissance de l’Apôtre et des communautés chrétiennes.
Les trois voyages missionnaires de Paul se situent entre les années 46 et 58 de notre ère.
Au commencement de ces voyages, Claude était empereur et à la fin, Néron, dirigeait l’Empire. Durant toutes ces années, le gouvernement impérial s'efforçait de concentrer le pouvoir et la richesse dans la Capitale. Cette politique remontait au siècle antérieur, quand la République avait cédé la place à l'Empire sous Jules César. Les empereurs cherchaient à maintenir la «Paix romaine» (Pax romana), qui favorisait le commerce international et la perception des impôts.
C’est à un monde
multi-culturel que Paul
adresse la Bonne Nouvelle
du Christ
Au temps de Paul, la population de l'empire romain était d’environ 50 millions d'habitants, ayant des statuts très variés : il y avait les citoyens romains et les non citoyens, les gens des villes et ceux des campagnes, les hommes libres et les esclaves, les hommes et les femmes, les civils et les militaires. C'était un monde de disparités et d'injustices. Tout ceci va jouer un rôle important dans le succès du christianisme naissant.
Rome comptait alors environ 1.000.000 d’habitants, Éphèse 650.000, Antioche de Syrie 500.000, Tarse 300.000 et Jérusalem 25.000.
Dans l'Empire, il existait une culture commune. Partout on parlait et on pensait grec, même chez les Romains qui auraient bien voulu imposer le latin comme langue universelle, mais cela ne se produira que beaucoup plus tard.
Tout au long de ses voyages, Paul a profité des nombreuses colonies juives de la Diaspora (la dispersion des Juifs à travers l'empire). Dans presque toutes les villes il y avait des synagogues, ce qui lui permettait d’avoir un premier contact rapide partout où il passait.
Le monde de Paul est celui des grandes villes, ouvert, pluraliste et cosmopolite. C’est à ce monde multi-culturel que Paul adresse la Bonne Nouvelle du Christ.
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On apprend que Paul était un peu plus jeune que Jésus!
Qu’il était petit, maigre, énergique, chauve et barbu!
Paul signifie petit!
Il avait une endurance à toute épreuve!
Il insiste sur sa grenade éducation!
Il a étudié à Tarse puis à Jérusalem!
Sur le plan culturel, il était très différent des autres apôtres!
Paul parlait quatre langues : l’Araméen, l’Hébreu, le Grec et probablement le Latin!
Il savait également nager!
Il a vécu sous le règne de 5 empereurs: Auguste, Tibère, Caligula, Claude et Néron!
Il a pu se déplacer librement grâce à la “pax romana” établie sous l’empereur Auguste!
Il a pu emprunter les nombreuses routes construites par les Romains et profiter du réseau de navigation qui sillonnait la Méditerranée!
Paul a également pu profiter de la présence de nombreuses colonies juives réparties sur tout le territoire de l’empire!
Carlos Mesters divise la vie de Paul en quatre périodes principales :
De la naissance à l'âge de 28 ans : le Juif pratiquant.
De 28 à 41 ans : l'ardent converti.
De 41 à 53 ans : le missionnaire itinérant.
De 53 à 62 ans : le prisonnier et l’organisateur des communautés. Il aurait été mis à mort à 62 ans.
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3- Qui est Paul de Tarse?
Paul est né vers l’an 8 de notre ère. Il serait donc d’une dizaine d’années plus jeune que Jésus de Nazareth. De ses parents et de son enfance, nous savons peu de choses. Dans ses lettres, il ne dit rien de sa famille. Saint Luc nous indique que Paul avait une soeur mariée, demeurant à Jérusalem et un neveu qui lui sauvera la vie (Actes 23, 16).
Toute sa vie, il a maintenu son appartenance au peuple juif : «Circoncis dès le huitième jour», « de la race d'Israël», «de la tribu de Benjamin».
Physiquement: petit,
maigre, énergique,
chauve et barbu
Saul (prononcé «saule» en français), est le nom hébreu qui lui a été donné à la circoncision. À ce nom sémitique, il ajoutera plus tard celui de Paulus. Il n'a pas changé de nom mais il porte un double nom : Saul-Paulus qui signifie «peu», «petit». Très rapidement, il sera connu sous ce seul nom.
Les Actes de Paul, un petit livre rédigé vers le milieu du 2e siècle, nous donnent le portrait suivant de l’apôtre des nations : « On vit venir Paul, un homme de petite taille, à la tête dégarnie, les jambes arquées, vigoureux, les sourcils joints, le nez légèrement aquilin. » À travers les siècles, la tradition a conservé cette image de Paul : petit, maigre, énergique, chauve et barbu.
Paul n’avait peut-être pas un corps d’athlète, mais il était propulsé par une force et une vigueur exceptionnelles. Dans la 2e lettre aux Corinthiens, il écrit :
« Souvent j'ai été près de la mort. Cinq fois j'ai reçu des Juifs les trente-neuf coups de fouet ; trois fois j'ai été battu de verges par les Romains; une fois lapidé; trois fois j'ai fait naufrage. Il m'est arrivé de passer un jour et une nuit dans la mer! Voyages sans nombre, dangers des rivières, dangers des brigands, dangers de mes compatriotes, dangers des païens, dangers de la ville, dangers du désert, dangers de la mer, dangers des faux frères ! Labeur et fatigue, veilles fréquentes, faim et soif, jeûnes répétés, froid et nudité !» (2 Corinthiens 11, 25-27)
Malgré son aspect fragile, il était d’une endurance à toutes épreuves.
Paul est un homme
d'une grande éducation
Paul est un homme d’une grande éducation. Il a fait ses premières études à Tarse, sa ville natale, et ensuite il a étudié à Jérusalem, avec le professeur juif le plus connu de son temps : Gamaliel.
Ceux qui le rencontraient se rendaient compte très rapidement qu’il était une personne éduquée. Lors de son arrestation à Césarée, le Procureur romain Porcius Festus dira à Paul : «Tu es fou, Paul; ton grand savoir te fait perdre la tête». (Actes 26, 24)
Sur le plan culturel, Paul est très différent des apôtres qui étaient considérés par les autorités juives comme des gens ignorants. Après la résurrection, lors de leur arrestation à Jérusalem, Pierre et Jean seront jugés par les membres du Sanhédrin comme des gens sans éducation : «Considérant l’assurance de Pierre et de Jean et se rendant compte que c’étaient des gens sans instruction ni culture, les membres du Sanhédrin étaient dans l’étonnement.» (Actes 4, 13)
Paul parlait quatre langues : l’Araméen, l’Hébreu, le Grec et probablement le Latin. L’araméen était sa langue maternelle et le grec celle de Tarse et de l’Empire. Il connaissait bien l’hébreu, la langue des Saintes Écritures. Citoyen romain, il parlait sans doute la langue des maîtres de l’Empire. Il avait étudié la philosophie et la littérature de la Grèce, il excellait en géographie, en navigation et en sport. Sa vaste culture contrastait avec l’étroitesse de la religion de ses ancêtres.
Non seulement Paul savait lire et écrire, il savait aussi nager : «Trois fois j’ai fait naufrage et il m’est arrivé de passer un jour et une nuit dans la mer.» (2 Corinthiens 11, 25) Ceci était chez les Grecs un signe d’éducation. Quatre siècle avant Jésus Christ, Platon qui a vécu de -428 à -348 écrivait : «L’ignorant est un homme qui ne sait ni lire ni nager».
son époque
et son milieu de vie
La vie de Paul se déroula sous le règne de cinq empereurs : Auguste, Tibère, Caligula, Claude et Néron. Trois d’entre eux devinrent de véritables monstres sanguinaires. Paul est né à Tarse, en Orient, il meurt à Rome, en Occident.
Paul a vécu dans un temps qui favorise les voyages. Il a pu se déplacer librement grâce à la «pax romana» établie sous l’empereur Auguste. Empruntant les nombreuses routes construites par les Romains et profitant du réseau de navigation qui sillonnait la Méditerranée, il parcourt des milliers de kilomètres. L’organisation de l’Empire permettait non seulement aux armées mais aussi à la population en général de se déplacer en sécurité. Pendant treize ans, il a voyagé sur mer et entrepris de longs périples à travers collines et montagnes, sous la neige en hiver et par 40¤ de chaleur en été. Pendant ses voyages, Paul a pu profiter de la présence de nombreuses colonies juives réparties sur tout le territoire de l’empire.
Paul était un véritable citadin. Il connaissait peu la campagne et la vie des fermiers de son temps, mais il comprenait bien la vie urbaine, la vie militaire et les sports. Dans ses lettres, il utilise des images de l’armée, de la politique urbaine et des jeux olympiques. On y retrouve les expressions suivantes : poursuivre la course, remporter le prix, obtenir la couronne de laurier, combattre sans frapper dans le vide, courir dans la bonne direction. Il connaît les privations et la discipline des athlètes.
Paul était un personnage plus grand que nature. Influencé par les valeurs du judaïsme, la profondeur de la philosophie grecque, la rigueur de la culture romaine et la richesse de la tradition chrétienne, il est devenu l’un des penseurs les plus originaux de l’histoire du christianisme.
Carlos Mesters divise la vie de Paul en quatre périodes principales :
De la naissance à l'âge de 28 ans : le Juif pratiquant.
De 28 à 41 ans : l'ardent converti.
De 41 à 53 ans : le missionnaire itinérant.
De 53 à 62 ans : le prisonnier et l’organisateur des communautés. Il aurait été mis à mort à 62 ans.
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Paul est citoyen romain!
Être citoyen romain, c'était bénéficier d'un statut très particulier qui donnait le droit de participer à la vie publique et surtout qui accordait des garanties judiciaires et fiscales à ceux de la minorité qui avaient ce privilège!
C’était le plus grand titre de noblesse de l’Empire romain et le seul symbole de « standing » social à cette époque!
Paul profitera toute sa vie de cette dignité qu'il tenait de son père!
Il n'existait alors que quatre à cinq millions de citoyens romains dans un empire d’environ 55 millions d’habitants, soit moins de dix pour cent de la population totale!
La citoyenneté romaine conférait trois privilèges principaux : le droit de vote, le droit d’immunité contre les sanctions déshonorantes et le droit d’être jugé devant le plus haut tribunal de l’Empire!
La citoyenneté romaine explique en grande partie la largeur d'esprit de Paul
et sa volonté de faire éclater l'étroitesse d'esprit du judaïsme de son temps!
La citoyenneté romaine fut un atout important dans son effort pour faire éclater l’étroitesse d’esprit du judaïsme de son temps et en arriver à un christianisme universel!
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4- Le citoyen romain
Paul appartenait aux trois cultures les plus importantes de son temps : la culture romaine, la culture grecque et la culture hébraïque. Son éducation et ses racines lui donnaient ainsi une largueur d’esprit, une polyvalence exceptionnelle.
Sa culture latine
Ce Juif de Tarse était fier de son appartenance à la citoyenneté romaine. « Je suis citoyen romain ». Il utilisera ce titre à son avantage en de nombreuses occasions. Être citoyen romain, c'était bénéficier d'un statut très particulier qui donnait le droit de participer à la vie publique et surtout qui accordait des garanties judiciaires et fiscales à ceux de la minorité qui avaient ce privilège. C’était le plus grand titre de noblesse de l’Empire romain et le seul symbole de « standing » social à cette époque.
La citoyenneté romaine
conférait trois privilèges
principaux
Paul profitera toute sa vie de cette dignité qu'il tenait de son père. Il n'existait alors que quatre à cinq millions de citoyens romains dans un empire d’environ 55 millions d’habitants, soit moins de dix pour cent de la population totale.
La citoyenneté romaine conférait trois privilèges principaux : le droit de vote, le droit d’immunité contre les sanctions déshonorantes et le droit d’être jugé devant le plus haut tribunal de l’Empire.
L'aqueduc Pont du Gard: l'architecture romaine monumentale au service de la santé publique.
Voie romaine près de Tarse en Turquie, ville natale de Paul.
Le colisée de Rome demeure encore un des principaux monuments de la ville.
Pour ce qui est du droit de vote, nous ne savons pas si Paul l’a exercé dans sa ville de Tarse. Il pouvait participer à l'assemblée du peuple où se discutait et se décidait tout ce qui concernait la vie et l'organisation de la cité. Seuls les citoyens romains avaient ce droit de participation aux assemblées. Les femmes, les esclaves, les affranchis et les étrangers en étaient exclus. Les Grecs appelaient ce système démocratie, de demos (peuple) et kratia (gouvernement). En réalité, ce n'était pas un «gouvernement du peuple», mais plutôt le gouvernement d’une élite restreinte de citoyens privilégiés.
Le second avantage incluait l'immunité contre les sanctions déshonorantes.
Dans la ville de Philippes, Paul obtiendra des excuses de la part des juges qui l’avaient condamné à être battu de verges sans jugement. Plus tard, à Jérusalem, c'est en invoquant ce privilège qu'il échappera de justesse à la flagellation. Condamné à mort, il ne sera ni crucifié, ni brûlé dans les jardins de Néron, ni jeté aux bêtes féroces dans l’arène, comme bon nombre de chrétiens. Il sera décapité, mort plus honorable pour un citoyen romain.
Le troisième privilège sera utile à Paul lors de la première audience devant le nouveau gouverneur Festus, à Césarée maritime. En désespoir de cause, pour échapper aux conjurés qui avaient décidé de l’assassiner, il demandera d’être jugé devant la cour suprême de l’empereur, à Rome (Actes 25, 11), requête qui lui sera accordée.
Il se peut que cet « appel à César » ait été une erreur tactique de la part de Paul. En effet, comme le remarquait le roi Agrippa après l'audience : « On aurait pu relâcher cet homme s'il n'en avait appelé à César » (Actes 26, 32) ; mais Paul connaissait beaucoup mieux ses compatriotes juifs que le roi Agrippa. S’il était retourné à Jérusalem, il aurait été assassiné en chemin.
Rome a été une attraction irrésistible pour Paul de Tarse. Centre de tous les pouvoirs, cette ville semble avoir joué un rôle déterminant dans son programme missionnaire. Son avance progressive, délibérée et hardie, d'Est en Ouest, correspond à un plan préétabli de conquête pour le Christ, jusqu’à la capitale du monde. Rome devenait pour lui le symbole de l’universalité du christianisme.
La citoyenneté romaine
explique en grande partie
la largeur d'esprit de Paul
et sa volonté de faire éclater l'étroitesse d'esprit du
judaïsme de son temps
La citoyenneté romaine explique en grande partie la largeur d'esprit de Paul, sa compréhension des non-Juifs et son loyalisme à l'égard de l'État, loyalisme qui lui inspira des paroles bienveillantes et des invitations à la prière pour les détenteurs de l'autorité publique.
La citoyenneté romaine fut un atout important dans son effort pour faire éclater l’étroitesse d’esprit du judaïsme de son temps et en arriver à un christianisme universel.
Saint Tite
Tite est un autre "frère aimé" que Paul a converti et dont il ne pouvait se passer.
Il accompagna son maître à Jérusalem et assista avec lui au premier Concile. Six années durant, il l'accompagna dans ses voyages, prêchant l'Évangile avec lui et déployant un zèle infatigable. Quand ils eurent évangélisé l'île de Crète, Paul y laissa Tite pour continuer son oeuvre.
Après sa sortie de prison, Paul est peut-être allé en Espagne. Il a ensuite visité la Crète, où il a laissé Tite, et s'est alors rendu en Macédoine en passant par Corinthe, Éphèse et Troas. En automne 66, nous le retrouvons, avec un groupe d'amis, se dirigeant vers Nicopolis, la ville la plus importante de l'Épire, sur la côte de la Mer Adriatique.
Nicopolis (ville de la victoire) était une Colonie romaine que César-Auguste avait fondée, en souvenir de la bataille d'Actium remportée à cet endroit, sur Marc-Antoine et Cléopâtre, en 31 av. J.-C. Paul désirait passer l'hiver dans cette ville avant de retourner à Rome pour consoler la communauté chrétienne fortement décimée par la persécution de Néron. Il écrivit une lettre à Tite, alors en Crète, le priant de venir le rejoindre à Nicopolis. Cette lettre possède une coloration juive très marquée. Elle manifeste la préoccupation de l’Apôtre à l'égard de gens qui «enseignent ce qu'il ne faut pas».
Paul manifeste sa préoccupation à l'égard de gens qui «enseignent ce qu'il ne faut pas».
La situation des chrétiens en Crète est semblable à celle d'Éphèse. Là aussi, il est question de «menteurs», de «généalogies», de «discours creux», de «disputes» et de «polémiques».
Comme dans la première lettre à Timothée, l'usage du «tu» encadre des propos formulés à la troisième personne : «la loi est bonne si on l’utilise bien», «que les diacres soient des gens dignes», «tout aliment est bon et rien n'est à proscrire», «tout est pur pour les purs»...
Comme il l'a fait à Timothée,
Paul rappelle à Tite les qualités requises pour accéder aux ministères de l'épiscope, de diacre et de presbytre.
Ces deux lettres révèlent l'existence de certains ministères que nous retrouverons plus tard chez saint Ignace d'Antioche, au début du 2e siècle. Elles mentionnent trois ministères en particulier : celui de l'épiscope, celui des diacres (hommes et femmes) et celui des presbytres. Dans les lettres de Paul, ces termes ont le sens premier du grec courant : episkopos = surveillant, gardien; diakonos = serviteur, servante; presbyteros = personne âgée.
La lettre à Tite énumère les qualités requises pour accéder à ces trois ministères :
«Si je t’ai laissé en Crète, c’est pour y achever l’organisation et pour établir dans chaque ville des presbytres, conformément à mes instructions. Chaque candidat doit être irréprochable, mari d’une seule femme, avoir des enfants croyants, qui ne puissent être accusés d’inconduite et ne soient pas insoumis. L’épiscope, en effet, en sa qualité d’intendant de Dieu, doit être irréprochable : ni arrogant, ni coléreux, ni buveur, ni batailleur, ni avide de gains déshonnêtes, mais au contraire hospitalier, ami du bien, pondéré, juste, pieux, maître de soi, attaché à l’enseignement sûr, conforme à la doctrine...»
Le mot «évêque» (episkopos) est plus ancien que le terme utilisé pour la fonction chrétienne. On le retrouve déjà chez Homère et chez les classiques grecs, dans le sens de surveillants dans les temples ou dans les colonies. La définition chrétienne de la fonction épiscopale n'apparaîtra que quelques dizaines d'années après la mort de Paul, dans les lettres de l'évêque martyr Ignace d'Antioche.
Dans la première lettre à Timothée, le rôle de l'épiscope dans l'Église de Dieu est comparé à celui du père de famille dans sa maison. Sa tâche est, selon toute vraisemblance, de diriger, gouverner, exercer une responsabilité. De toutes les qualités requises, il y a celle de l’enseignement (didaktikos) : «il doit être apte à l’enseignement». Paul indique que ceux qui l’exercent ont droit à une double rémunération.
«Celui qui aspire à la charge d’épiscope désire une noble fonction. Aussi faut-il que l’épiscope soit irréprochable, mari d’une seule femme, qu’il soit sobre, pondéré, courtois, hospitalier, apte à l’enseignement, ni buveur ni batailleur, mais bienveillant, ennemi des chicanes, détaché de l’argent, sachant bien gouverner sa propre maison et tenir ses enfants dans la soumission d’une manière parfaitement digne. Car celui qui ne sait pas gouverner sa propre maison, comment pourrait-il prendre soin de l’église de Dieu? Que ce ne soit pas un converti de fraîche date, de peur que l’orgueil lui tournant la tête, il ne vienne à encourir la même condamnation que le diable. Il faut en outre que ceux du dehors (les non-chrétiens) rendent de lui un bon témoignage, de peur qu’il ne tombe dans l’opprobre et dans les filets du diable.» (1 Tim 3, 1-7)
C’est là tout un programme pour les dirigeants de l’Église! Les fonctions énumérés par Paul dans la lettre à Tite et dans la 1ère à Timothée vont prendre une plus grande envergure dans les années qui suivront et ces fonctions continueront à évoluer et à se développer jusqu’à nos jours.
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66 - Deuxième lettre à Timothée
Du cachot Mamertine, Paul écrit à Timothée
Peu avant son exécution, Paul écrit sa dernière lettre à son ami Timothée.
La prison de Mamertine à Rome
La prison de Mamertine, lieu de la 2e captivité de Paul à Rome. On y jetait les condamnés à partir d'un trou au plafond et ils attendaient leur exécution dans la noirceur de cette grotte infecte et glaciale.
Au pied du Capitole, à Rome, se trouvait, la fameuse prison Mamertine. Selon la tradition, Paul a été fait prisonnier à Nicopolis, pour être ensuite transféré dans la capitale et jeté dans cette prison lugubre et malsaine. La deuxième captivité se révèlera beaucoup plus pénible que la première. Paul est enchainé «comme un criminel», dans une prison ayant la réputation d’être l’anti-chambre de la mort.
Le premier interrogatoire est court et dramatique. À cause de la persécution féroce de Néron, Paul n'avait ni défenseurs, ni témoins en sa faveur, car personne n'avait le courage de s’afficher ouvertement chrétien. Il semble cependant qu’il se soit bien défendu, car cette première audience ne fut pas concluante et il échappa, «à la gueule du lion». Pendant la longue pause entre la première et la deuxième audience, il eut le temps de prier et de réfléchir.
Le vieillard qu’il est devenu, rassembla ses forces pour rédiger une dernière lettre. C'est un mot d'adieu à Timothée, son disciple bien-aimé. Il voudrait bien le rencontrer une fois encore avant de mourir, mais il craint qu'il ne soit déjà trop tard. Il n'a pas honte de dire combien Timothée lui manque et avec quel grand désir il attend sa visite : «Hâte-toi de venir me rejoindre au plus vite». (2 Tm 4, 9), «Hâte-toi de venir avant l'hiver». (2 Tm 4, 21) Dans cette lettre, Paul appelle Timothée «son enfant bien-aimé» et lui demande d'amener Marc avec lui.
Paul souhaite la présence de
son ami et compte sur lui
pour continuer sa mission.
Dans la prison souterraine humide, et glaciale, le vieux Paul a très froid. Pour se réchauffer un peu, il demande à Timothée de lui apporter son manteau, qu'il a laissé à Troas. Il regrette de ne pas avoir les Écritures avec lui et ses rouleaux de notes personnelles. Il voulait y mettre de l'ordre avant de les confier à Luc et à Timothée :
«Dieu m'a confié la bannière. Voici que je suis vieux. Elle tombe de ma main. Prends cette bannière du Christ, et porte-la bien haut et transmets-la à des hommes dignes de confiance.»
Paul en prison, par Rembrandt
Le vieillard qu’il est devenu, rassembla ses forces pour rédiger un mot d'adieu à Timothée, son disciple bien-aimé.
Cette lettre est le «testament» de Paul. Il est maintenant aux derniers jours de sa vie : «l'ai combattu jusqu'au bout le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi». Il remet le contenu de ses convictions à Timothée, assuré qu'il saura le conserver intact jusqu'à la fin. «Son fils dans la foi» devra à son tour le confier à des gens sûrs, qui sauront eux aussi le transmettre après eux. Cette transmission de générations en générations est essentielle à la survie du christianisme.
La 2e lettre à Timothée se présente comme une lettre très personnelle. Dans la section centrale, les consignes concernent Timothée lui-même et non pas la communauté comme c’est le cas dans la 1ère à Timothée et dans la lettre à Tite. Pour montrer que le résultat de l’apostolat est lié à l’effort, Paul explique sa situation en la comparant à celle du soldat, de l’athlète, du cultivateur :
«Prends ta part de souffrance en bon soldat du Christ Jésus. Dans le métier des armes, personne ne s’encombre des affaires de la vie civile, s’il veut donner satisfaction à qui l’a engagé. De même l’athlète ne reçoit la couronne que s’il a lutté selon les règles. C’est au cultivateur, qui travaille dur, que doivent revenir, en premier lieu, les fruits de la récolte.» (2 Tm 2, 3-7).
martyre de Timothée
Timothée "prit sa part de souffrance en bon soldat du Christ"... Il fut emprisonné et torturé à cause de sa foi et on mit fin à son martyre en le jetant au feu. Des peintures anciennes le montrent aussi objet de lapidation.
Lui qui est emprisonné pour le Christ, sera récompensé dans la mesure où il aura gardé la foi. Sa joie, au milieu de la souffrance, lui vient de ce que le Seigneur sera fidèle. Arrivé au bout du chemin, il veut transmettre le dépôt de la foi. Paul est en prison, mais «la parole de Dieu n’est pas enchaînée».
Nous retrouvons dans cette section, toute une série de recommandations. Les nombreux impératifs dessinent les grands axes du travail d’évangélisation : «rappelle ceci», «évite cela», «efforce-toi», «proclame», «réfute», «exhorte», «supporte l’épreuve»...
Les deux épîtres à Timothée sont imprégnées de l’apostolicité si évidente dans la vie de Paul. Le mandat confié à son jeune ami est d’exercer courageusement sa tâche prophétique afin d’amener les fidèles à la réalisation intégrale de leur vocation chrétienne :
«Proclame la Parole, insiste à temps et à contretemps, réfute, menace, exhorte avec une patience inlassable et le souci d’instruire.»
Dans cette dernière lettre de l’Apôtre des nations, nous retrouvons aussi l'évolution de la structure ecclésiale, à travers les titres attribués à ceux et celles qui dirigent les communautés : les épiscopes («surveillants»), les presbytres («anciens») et les diacres («serviteurs»).
Arrivé à la fin de sa vie, Paul s’en remet avec confiance à Timothée, à Luc, à Marc, et à tous ceux et celles qui suivront après lui.
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67 – Rome brûle
Le grand incendie de Rome en 64, par Hubert Robert, Musée du Havre
Paul, libéré de son emprisonnement en «garde-à-vue», avait quitté Rome peu avant le 13 juillet 64, date où la Capitale a connu l’incendie le plus meurtrier et le plus dévastateur de son histoire. Le feu a commencé près des monts Palatin et Coelius, au milieu de boutiques remplies de marchandises inflammables. Aussitôt allumées, les flammes attisées par un vent violent, se sont propagées avec une rapidité incontrôlable. Elles enveloppèrent d’abord les constructions du Circus Maximus et la partie basse de la ville. Elles dévorèrent ensuite, sur les hauteurs, les nombreuses maisons, appuyées les unes sur les autres le long des rues étroites et tortueuses. Les matériaux en bois : plafonds, balcons, planchers, etc., provoquèrent une flambée meurtrière qui prit des milliers de victimes par surprise.
incendie de Rome
L'incendie devient vite incontrôlable. La rumeur que Néron en soit coupable n'est peut-être pas fondée mais de forts soupçons pèsent sur lui. Pour les détourner, Néron accuse la secte des chrétiens.
Pendant une semaine entière, le feu dévasta tout sur son passage. Les quartiers populaires furent rasés et dans les quartiers huppés, les palaces, les temples des dieux, les portiques destinés au public, les nombreux monuments et les palais impériaux furent la proie des flammes.
Au moment de l’incendie, Rome comptait environ un million d’habitants. C’était la plus grande ville de l’Empire. Selon Tacite, des quatorze quartiers, trois furent complètement rasés et sept ne conservèrent que quelques bâtiments. Il était difficile pour les cohortes de protection civile (vigiles urbani), sorte de pompiers du temps, de manoeuvrer dans les espaces restreints et les rues étroites. Ils ne pouvaient acheminer l’eau nécessaire pour combattre les flammes, à cause du grand nombre d’habitants en fuite.
Néron, qui se trouvait à Antium, revint dans la capitale mais il ne pu rien faire pour sauver sa résidence. L’historien Suétone, dans son oeuvre sur les empereurs De vita Caesarum, plus connue sous le titre Vie des douze Césars, donne de l’incendie un bref compte rendu très hostile envers Néron. Il accuse l’empereur d’avoir brûlé la ville, parce qu’il était dégoûté par la laideur des constructions antiques et l’étroitesse des routes.
Ce désastre historique a d’abord été attribué au hasard, mais ensuite, plusieurs commencèrent à y voir le dessein criminel de l’empereur qui avait planifié de reconstruire la ville qu’il voulait appeler Neropolis. Pour se défendre, l’empereur trouva des boucs émissaires : il désigna comme véritables incendiaires les membres de la secte des chrétiens.
Le martyre des premiers chrétiens, par Gérôme, 1883
Chrétiens en prière au cirque Maximus pendant que les animaux sortent pour les dévorer.
Dès lors, il ordonna des centaines de mises à mort spectaculaires. En dehors des jeux du cirque où de nombreux chrétiens étaient jetés vivants aux lions, aux tigres et aux chiens affamés, Néron a innové en faisant couvrir de cire et de matières combustibles, les pauvres condamnés pour les faire brûler vifs afin d’éclairer les spectacles du cirque. Il ne s'était écoulé qu'une trentaine d'années depuis la mort du Christ et déjà, à Rome, la capitale de l'Empire, des hommes et des femmes étaient sauvagement assassinés à cause de leur foi en Jésus Christ.
Paul a vite été mis au courant de toutes ces horreurs car les centaines de chrétiens terrifiés s'étaient réfugiés dans les villes, les villages et les campagnes.
Très rapidement, la cruelle persécution de Néron s’étendit à tout le territoire de l’Empire. Un missionnaire de la valeur de Paul, connu dans de nombreuses villes et qui s’était fait des ennemis aussi bien chez les Juifs que chez les non-Juifs, était dans la mire du pouvoir politique qui recherchait les chrétiens pour les condamner à mort. Le peuple romain, toujours prêt à profiter des jeux cruels du cirque et peu enclin à se poser des questions sur la justice de l’Empire, applaudit à ces accusations cruelles et non fondées et à ces mises à mort atroces. Néron qui avait ordonné la mort de son demi-frère Britannicus, de sa mère Agrippine, de Sénèque, de Burrhus et de plusieurs de ses sujets les plus modérés, n’avait plus d’entraves à son sadisme et à sa férocité.
Sur la période précédant l’arrestation de Paul par la police de l’Empereur, les Épîtres pastorales nous indiquent les déplacements de l’Apôtre pendant les derniers mois de sa vie : l'île de Crète, Milet, Éphèse, Troas, la Macédoine, Nicopolis. Il sera fait prisonnier à Nicopolis et transféré à Rome pour y être condamné à mort.
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68 - Paul de Tarse condamné à être décapité
Les voyages de Paul en Méditerranée de l’est sont mentionnés dans les épîtres pastorales, écrites après la première captivité à Rome : «En partant pour la Macédoine, je t’ai prié de demeurer à Éphèse.» (1 Timothée 1, 3), «J’ai laissé Trophisme malade à Milet (2 Timothée 4, 20), «Apporte le manteau que j’ai laissé à Troas chez Carpos (2 Timothée 4, 13), «Je t’ai laissé en Crète» (Tite 1, 5).
Après ces déplacements, selon toute vraisemblance, Paul a été arrêté à Nicopolis et transféré à Rome pour y être jugé. Accusation : appartenir à la secte des chrétiens, responsables de l’incendie de Rome. Deux ou trois années se sont écoulées depuis la destruction de la capitale. Néron a eu le temps de reconstruire une partie de la ville. Selon Tacite,
Le palais de Néron tel qu'il était au premier siècle
Le luxueux palais que Néron se fit construire après la destruction de la ville.
(L'Italie vient de relancer les travaux de restauration de cette "Maison dorée" située en plein centre-ville de Rome, à quelques mètres du Colisée)
.
«Néron mit à profit la destruction de sa ville et se bâtit un palais où l'or et les pierreries n'étaient pas ce qui étonnait le plus; ce luxe est depuis longtemps ordinaire et commun : mais ce palais enfermait des champs cultivés, des lacs, des solitudes artificielles, des bois, des esplanades... Par ailleurs l'espace resté libre pour construire des maisons ne fut pas utilisé sans ordre, au hasard. Les maisons furent alignées, les rues élargies, les édifices limités à une juste hauteur. On ouvrit des cours et l'on éleva des portiques pour protéger les maisons. L'eau coula plus abondante et en plusieurs endroits, elle fut à la disposition du public... Chacun fut obligé de tenir toujours prêt et bien en évidence ce qu'il faut pour arrêter le feu... Mais ni les efforts humains, ni la largesse du prince, ni les cérémonies religieuses expiatoires ne faisaient taire l'opinion... d'après laquelle l'incendie avait été ordonné. Pour mettre fin à ces rumeurs, Néron supposa des coupables... » (Ann. XV)
Afin de permettre ce début de reconstruction par Néron, il faut retarder jusqu'en 66-67 la persécution des chrétiens et fixer à cette date le martyre de Paul. On ne s'étonne donc plus que l’apôtre ait eu le temps, depuis le printemps 63, de se livrer aux multiples activités dont parlent ses lettres pastorales à Timothée et à Tite.
Un autel dans la prison Mamertine à Rome
Le macabre cachot de la prison Mamertine.
Un autel commémore l'endroit où Pierre et Paul ont souffert avant leur exécution.
La tradition raconte que Paul aussi bien que Pierre ont été incarcérés dans la macabre prison Mamertine, cachot souterrain à deux étages qui possédait une salle basse, enfoncée à près de quatre mètres sous terre. L'ensemble était fermé, comme une sorte de sarcophage, par des murs épais et une voûte de pierre. Ce lieu sinistre servait à la fois de lieu de détention et de lieu d'exécution. C’est dans cette prison que Vercingétorix aurait été étranglé en 46 av. J.-C., sur l’ordre de Jules César. En règle générale, les prisonniers ne restaient que quelques jours ou quelques semaines dans ce lieu sinistre. La prison Mamertine était l'antichambre de la mort. Aujourd'hui, les pèlerins et les touristes peuvent la visiter. Sur le fronton de la prison, on peut y lire : «Prigione dei SS. Apostoli Pietro e Paolo – Mamertinium».
Lorsque Paul est transféré à Rome, la capitale est en pleine période de persécution. On se rappelle qu’à sa première visite, bien que prisonnier, Paul avait été accueilli par les chrétiens sur la Voie appienne et avait pu profiter de leur soutien pendant toute la période de son incarcération. Cette fois-ci, il n’y a personne pour le recevoir. Le climat est différent. L'opinion publique est hostile et les chrétiens n’osent se prononcer à la défense de Paul qui prévoit sa condamnation et sent venir la fin. Lors d’une première comparution devant le juge, il a pu éviter la condamnation à mort. La deuxième séance du tribunal est imminente et il sait qu'elle se terminera par son «entrée dans le Royaume des cieux». Il n'a plus d'espoir :
«Je suis déjà prêt à répandre mon sang en holocauste. Le temps de ma dissolution est proche.»
Paul rédige lui-même son inscription funéraire :
«J'ai combattu jusqu’au bout le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi !» (2 Timothée 4, 7).
C'est l'image du lutteur dans l'arène et du coureur dans le stade de Dieu. Paul, qui a toujours aimé les sports, utilise des images des jeux olympiques.
décapitation de Paul
Paul condamné à mourir par le glaive
Il se souvient de l'heure de son appel sur la route de Damas, lorsqu’il accepta le fardeau de sa vocation. Il avait promis fidélité. Il conservera cette fidélité depuis Damas jusqu’à sa condamnation à mort.
De la lettre de l'évêque Clément de Rome aux Corinthiens, écrite environ trente ans après la mort de Paul, il ressort que Pierre ait été crucifié comme «ennemi du bien public» (hostis publicus), alors que Paul, en tant que citoyen romain, a été condamné, après un procès en règle, à mourir par le glaive. Cette lettre démontre que Clément connaissait bien les événements. Il nous donne un résumé de la vie de Paul :
«Sept fois en chaînes, exilé, lapidé, héraut du Christ en Occident et en Orient, il vient de recueillir la merveilleuse gloire de sa foi. Il a prêché la justice dans le monde entier, il s'est aventuré jusqu'aux confins de l'Occident. Il a confessé la foi devant les détenteurs du pouvoir. C'est ainsi qu'il a quitté ce monde et qu'il est parvenu au Lieu-Saint : modèle exaltant de la patience.»
Selon la tradition chrétienne, l'exécution de Paul a eu lieu dans un vallon désert appelé les Eaux salviennes, non loin des portes de Rome. Son corps fut ensuite déposé dans un tombeau sur la propriété de la chrétienne Lucina, près de la voie d’Ostie. Sa tombe étant celle d’un citoyen romain, elle n'avait pas à être cachée. Elle devint rapidement un lieu de vénération où les chrétiens venaient se recueillir sur le tombeau de l’Apôtre des nations.
St-Paul Hors les murs
Saint-Paul-hors-les-Murs
gravure de Piranèse
Statue de St-Paul devant la Basilique SPhlM
Statue de saint Paul devant l'actuelle Basilique (reconstruite après l'incendie de 1823)
Nef de la Basilique St-Paul -hors-les-Murs
Intérieur de la Basilique.
Cinq grandes nefs formant une croix entourent le maître-autel qui indique l'endroit où saint Paul fut enterré.
Quand, sous Constantin, le christianisme sera choisi comme religion de l’État, l’Empereur fera construire une église sur le lieu où Paul a été enterré. Des fouilles récentes ont découvert sous le maître-autel un sarcophage pouvant contenir les reliques de l'Apôtre et une plaque de marbre datant du IVe siècle qui porte l'inscription «Paulo apostolo mart» (Paul apôtre martyre). En 386, cinquante ans après la mort de Constantin, devant l'affluence des pèlerins, les empereurs Valentinien II, Théodose et Arcadius firent construire une basilique plus grande : Saint-Paul-hors-les-Murs.
Paul avait environ 62 ans lorsqu’il fut décapité. Sa vie intense marqua l'histoire de l'humanité. Ce vieillard encore plein d’énergie fut conduit par un groupe de soldats vers la pyramide de Cestius, près du mur sud de la ville de Rome. Le cortège emprunta alors la voie d'Ostie. À l’endroit où Paul fut exécuté, les Trappistes, silencieux, ont construit, entre de grands eucalyptus, le couvent de «Tre Fontane», où ils montent la garde sur la dépouille du célèbre apôtre des nations.
À l'endroit de l'actuelle Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, sur la propriété agricole de la matrone romaine Lucina, des fouilles archéologiques ont mis à jour un petit cimetière. Les inscriptions de certaines tombes remontent au temps de la République romaine, avant Jules César. Dans une lettre, le prêtre romain Gaïus écrit, vers l'an 200 : «Je peux te montrer les trophées des Apôtres. Si tu viens au Vatican ou sur la route d'Ostie, tu trouveras les trophées des fondateurs de cette Église.» Le mot trophée désigne ici un sarcophage surmonté d'une petite chapelle. Eusèbe de Césarée place l'exécution de Paul entre juillet 67 et juin 68, soit deux ou trois ans seulement avant la destruction du Temple et de la ville de Jérusalem par Titus. Vers l’an 210, Tertullien de Carthage relate le martyre de Pierre et Paul sous Néron. En 313, Eusèbe de Césarée confirme : «On raconte que, sous le règne de Néron, Paul eut la tête coupée à Rome même, et que semblablement Pierre y fut crucifié, et ce récit est confirmé par le nom de Pierre et Paul qui, jusqu'à présent, est donné au cimetière de cette ville.»
Il est difficile de contester ces anciennes traditions. «Qu'est-ce qui aurait pu convaincre l'architecte de Constantin à construire cette église si loin de toute habitation, dans un endroit exposé aux inondations du Tibre?». Le corps de l'Apôtre reposa ici, dans un simple caveau, jusqu'à la persécution de l'empereur Valérien, au IIIe siècle. A cette époque, l'État voulu piller les trésors chrétiens, et détruire les cimetières. Prévenus, les chrétiens de Rome transférèrent les corps de Pierre et de Paul, dans les catacombes de St-Sébastien, sur la Voie Appienne. L'Église fut si reconnaissante, qu'elle commémore encore aujourd’hui, le 29 juin, le sauvetage des précieuses reliques, par la fête de Pierre et de Paul. Plus tard, le pape Sylvestre reporta les reliques à leur lieu de sépulture primitive, dans les basiliques construites par Constantin, à St-Paul-hors-les-Murs et à St-Pierre du Vatican.
Paul est resté fidèle au Christ jusqu’à sa mort. Lors de la rencontre de Damas, les écailles lui étaient tombées des yeux et il avait compris ce que le christianisme apportait d'absolument nouveau. Cette découverte fondamentale ne lui vint pas de la «chair et du sang», mais bien de Jésus-Christ lui-même. C'est grâce à cette rencontre que Paul a pu se faire tout à tous, en devenant l’Apôtre des nations :
«Si quelqu'un est dans le Christ, c'est une créature nouvelle. Le passé a disparu, c'est maintenant un monde nouveau» (2Cor. 5, 17).
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69 - Pierre et Paul au long de l’histoire
À la fin des Actes des Apôtres, Luc raconte le premier emprisonnement à Rome, et il met en valeur la liberté de parole et l'indépendance dont jouit Paul dans ses relations et dans son discours : «Paul vécut ainsi deux années entières à ses frais, et il recevait tous ceux qui venaient le trouver, proclamant le Règne de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ en toute liberté et sans entraves» (Actes 28, 30-31). Quelques années plus tard, Paul sera condamné à mort, mais Luc veut terminer son récit sur la liberté de la Parole de Dieu au centre même de l’Empire. Ce qui compte pour lui, c’est la Bonne Nouvelle du Christ qui est offerte à tous. Paul peut disparaître, mais la Parole continuera à être entendue.
Saint Pierre et saint Paul, El Greco, XVIe siècleSaint Pierre et saint Paul, par El Greco
Ce qui surprend après la mort de Paul, c'est la rapidité avec laquelle l’apôtre des nations est oublié, alors que Pierre devient un inépuisable sujet d'inspiration.
Ce qui surprend après la mort de Paul, c'est la rapidité avec laquelle l’apôtre des nations est oublié. La communauté chrétienne de Rome, victime de la persécution de Néron, est disséminée et cherche refuge en dehors de la Capitale. Le petit groupe d’amis et de collaborateurs de Paul est dispersé, Timothée et Tite ne font plus parler d'eux. Le courant judéo-chrétien qui a combattu l’apôtre des nations pendant des années, semble l'emporter. On voit péricliter les Églises fondées en Macédoine et en Galatie. Celles de Corinthe et d'Éphèse passent sous l'autorité de ceux qui l’avaient ardemment combattu.
Chez les chrétiens, on ne lui tisse aucune légende qui aurait pu soutenir sa popularité, alors que Pierre devient un inépuisable sujet d'inspiration. «N'a pas de légende qui veut», a commenté Renan. La réalité est souvent cruelle et injuste.
Destruction du Temple de Jérusalem par Titus en 70
En 70, le Temple de Jérusalem est détruit et le pays entier est rayé de la carte (L'état d'Israël ne renaîtra qu'en 1948).
La religion chrétienne a pris son essor à travers ces événements douloureux.
Peu de temps après la mort de Paul, Jérusalem est détruite par les Romains, un épisode désastreux pour Israël. La rébellion contre l'occupant avait gagné l'ensemble de la Judée et, en septembre 66, un gouvernement insurrectionnel est proclamé à Jérusalem. Ainsi commence la Guerre juive racontée avec un superbe pouvoir d'évocation par Flavius Josèphe, historien juif qui écrit pour les Romains. Vespasien et ses légions mettront trois ans pour écraser les insurgés de Galilée puis ceux de Judée. En 70, son fils Titus entreprend, devant Jérusalem, un siège qui durera quatre mois. À la fin, il ne restera qu'une ville anéantie, un Temple incendié et une forêt de Juifs crucifiés. Les archives d’Israël ont disparu en fumée et le pays des Juifs est rayé de la carte.
Les historiens modernes considèrent qu’à travers ces événements douloureux, la religion chrétienne a réellement pris son essor après la destruction du Temple de Jérusalem. Les réformateurs pharisiens, réunis à Jamnia et désormais en charge du destin religieux d'Israël, «expulsent» les chrétiens du judaïsme. Ce rejet est ressenti douloureusement. Si, dans les évangiles, Matthieu et Jean multiplient les attaques contre les pharisiens, ce n'est pas sans raison. La relation conflictuelle entre Juifs «orthodoxes» et Juifs «chrétiens» aura pour conséquence une lutte sans merci entre les deux communautés de même origine, lutte meurtrière qui durera pendant 19 siècles, jusqu’à la fin de la 2e guerre mondiale et du Concile Vatican II.
Après la mort de Paul, en 67, ses épitres sont oubliées. Une douzaine d’années après la destruction de Jérusalem, Luc devient un élément important dans le «retour» de Paul en publiant Les Actes des Apôtres.
Saint Augustin lisant les épîtres de saint PaulAugustin lisant saint Paul, B.Gonzzoli
Au 4e siècle, la pensée de Paul s'impose aux Pères de l’Église. St Augustin en fait son maître à pensée.
Les larmes de saint Pierre, El GrecoLes larmes de saint Pierre, El Greco
Au cours du Moyen Age, la chrétienté latine exalte Pierre au détriment de Paul.
saint Paul, par El GrecoSaint Paul, par El Greco
Au 16e siècle, on redécouvre les épîtres de saint Paul, grâce à l'imprimerie et à Martin Luther dont la Réforme se base sur l'épître aux Romains
On se rend compte alors que les communautés ont conservé les lettres de Paul qui ont été copiées et recopiées. Vers 150, Justin, un apologiste chrétien de langue grecque, définit les quatre Évangiles et les lettres de Paul, comme «les mémoires des apôtres». Dans la transmission recopiée des évangiles et des lettres on décèle des erreurs, des amalgames, des oublis, mais cela n’est pas étonnant. Au début du 3e siècle, Origène constate : «C'est un fait évident aujourd'hui qu'il existe parmi les manuscrits une grande diversité, que ce soit dû à la négligence des scribes ou à l'audace perverse des gens qui corrigent le texte, ou encore au fait qu'il en est qui en ajoutent ou en enlèvent à leur gré, s'instituant eux-mêmes correcteurs.»
A temps des grands conciles du 4e siècle (Nicée, 325, Constantinople, 381), la pensée de Paul s'impose aux Pères de l’Église. Il s'agit d'une véritable reconquête. Augustin fait alors de Paul son maître à penser.
Au cours du Moyen Age, la chrétienté latine exalte Pierre au détriment de Paul. Le pêcheur du lac de Tibériade, marchant sur les eaux, parle davantage à l'imagination des braves gens que l'apôtre philosophe démontrant en grec que la justification se fait par la foi et non par les oeuvres. On n'étudie alors les Épîtres que dans quelques monastères.
Nous constatons un nouveau «retour» de Paul au temps de la Renaissance (16e siècle). À une société cultivée, l’imprimerie de Gutenberg donne accès aux grands textes et l'on redécouvre la portée et la force des Épîtres. En 1515, un religieux catholique allemand, maître en philosophie de l'université d'Erfurt, appartenant au couvent des Augustins de Wittenberg et professeur à l'université du même nom, étudie l'Épître aux Romains. Martin Luther vient de découvrir, comme principe théologique dominant, la doctrine du salut par la foi : Dieu n'exige pas de l'homme la justice, mais l'offre gratuitement à ceux et celles qui croient en Jésus-Christ : «L'homme devient juste sans l'oeuvre de la Loi. Seulement par la foi.» Avec ses 95 thèses de Wittenberg, la Réforme est née et elle se place sous la bannière de Paul. Par une sorte de renversement tactique, Rome élève alors Paul au même rang que Pierre, sans néanmoins parvenir à en faire un saint populaire.
Si Saul avait suivi Jésus en Galilée, peut-être ne serait-il jamais devenu Paul. Il l’aurait raconté comme l'ont fait Marc, Matthieu, Luc et Jean, mais il n'aurait pas cherché le sens du message révélé sur le chemin de Damas. Il ne serait pas devenu aujourd'hui l'une des colonnes de l'Église et sa pensée étonnerait moins les philosophes et ceux qui cherchent. Si les Épîtres de saint Paul sont lues à chaque eucharistie catholique, si les réformés se réclament de lui avec éclat, c'est parce qu'il fut ce qu'il devait être.
Paul a contribué, plus que tout autre, à l'expansion, non pas de la parole de Jésus mais de l'idée qu'on se faisait de cette parole. Dans l’épître aux Romains, on retrouve son message dans toute sa splendeur.
La personnalité de Paul de Tarse écrase, sa pensée atteint de grands sommets, sa théologie possède une profondeur inégalée, son amour pour le Christ crucifié invite à reconnaître le grand amour de Dieu pour nous. Sa lutte pour la liberté s’inscrit dans nos luttes d’aujourd’hui, sa joie profonde est garante de notre espérance. Pour devenir une religion universelle, le message de Jésus avait besoin de saint Paul. Il a été et demeure encore aujourd’hui le théologien de l’universalisme, l’Apôtre des nations.
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https://www.cursillos.ca/action/st-paul ... nation.htm
Texte très intéressant qui, grâce au contexte, met en valeur le texte lui-même!
On peut y voir un texte en 3D!
On nous donne quantité d’informations qui font vivre le texte lui-même!
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1- Saint Paul, l’Apôtre des nations
Paul de Tarse a été et est encore aujourd’hui l’un des plus grands personnages de l’histoire du christianisme. C’est pourquoi nous avons intérêt à connaître ce pilier de notre Église.
Il existe plusieurs façons d’aborder son oeuvre.
On peut étudier
sa personnalité,
sa théologie,
ses voyages missionnaires,
ses nombreux conflits
ses lettres aux communautés,
ses relations avec ses ami(e)s et ses ennemi(e)s,
son influence à travers les âges,
etc., etc.
Je pense que la meilleure façon de bien connaître ce pionnier du christianisme est de le «suivre à la trace», de la naissance à la mort. Il a eu une vie exceptionnelle, pleine de surprises et de rebondissements. Il a connu des scénarios dignes des plus grands films d’action.
Cette approche est plus longue mais elle nous permet de mieux découvrir toute la richesse et toute la complexité du personnage.
Plusieurs d’entre nous avons une bonne connaissance des quatre évangiles : Marc, Matthieu, Luc et Jean, mais Paul, l’auteur des Épitres, reste une énigme et un point d’interrogation.
J'espère vous donner le goût de lire Paul de Tarse, de prier avec lui et de méditer sur sa vie et sur ses écrits.
Je m’efforcerai de faire un peu de lumière sur cet homme, à travers ses cheminements tortueux, son développement théologique, ses conflits avec la communauté de Jérusalem, ses voyages missionnaires, sa pastorale pour les églises et ses lettres passionnées.
Déterminé, parfois têtu, ombrageux à l’occasion, Paul a eu de nombreux ami(e)s et un grand nombre d’ennemi(e)s. Il a joué un rôle de premier plan dans les débuts du christianisme et son influence perdure jusqu’à nos jours.
J’éviterai de m’impliquer dans les innombrables controverses de spécialistes sur la vie de Paul, sur l’authenticité de certaines de ses lettres, sur ce que Luc dit de lui ou ce qu’il a jugé bon de passer sous silence. Je voudrais vous présenter la «vie de saint Paul» avec toute la richesse que nous offre cet apôtre unique en son genre. Vous le verrez en pleine action dans les grandes villes de l’Empire romain, voyageant d’Est en Ouest, toujours désireux de porter plus loin la Bonne Nouvelle, jusqu’aux limites du monde connu.
À travers cette «biographie», nous pourrons aussi lever le voile sur la vie quotidienne des premiers chrétiens et sur les nombreuses communautés fondées par Paul.
J’espère vous donner le goût de lire Paul de Tarse, de prier avec lui et de méditer sur sa vie et sur ses écrits.
Des centaines d’excellents volumes ont été publiés par des experts qui ont pour Paul une grande admiration et une connaissance approfondie de son oeuvre missionnaire. À intervalle régulier, je vous donnerai le nom de certains de ces auteurs, le titre de leur livre, l’édition et une photo du volume mentionné.
Cela vous incitera peut-être à vous procurer l’un ou l’autre de ces volumes, afin de mieux apprécier toute la richesse de Paul de Tarse.
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Il met en valeur:
La santé fragile de Paul!
L’opposition farouche des Juifs, des gentils et des judéo-chrétiens!
Ses lettres ont été écrites avant les 4 évangiles!
Ses amis qui lui sont restés fidèles jusqu’à la fin!
Il a travaillé avec tous sans exception, y compris les femmes, ce qui était contraire à l’esprit du temps!
Ses 3 voyages missionnaires se sont déroulés entre 46 et 58 de notre ère!
Il a vécu à l’époque des empereurs Claude et Néron
La population de l’Empire romain comprenait 50 millions d’habitants!
La différence entre les citoyens romains et les non citoyens, les hommes libres et les esclaves!
Un monde d’injustices!
Toutes ces conditions vont profiter à l’expansion du Christianisme!
On apprend que Rome comptait alors environ 1.000.000 d’habitants, Éphèse 650.000, Antioche de Syrie 500.000, Tarse 300.000 et Jérusalem 25.000!
Dans l’empire romain, on parlait et on pensait grec!
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2- Paul, l’apôtre inconnu
Pour la plupart des chrétiens, Paul est un parfait étranger. Nous ne le connaissons pas ou le connaissons mal.
Il est vrai que souvent ses écrits nous parviennent à travers la deuxième lecture de l’eucharistie dominicale, en pièces détachées et sans lien avec la première lecture et l’évangile. Certains prêtres évitent même cette «deuxième lecture», et c’est très rare que le célébrant fasse une homélie sur le texte de saint Paul.
S’il est mal connu, Paul n’en reste pas moins l'un des personnages les plus populaires de l’histoire de la chrétienté. Des centaines d’églises, de nombreuses paroisses, des milliers de volumes lui sont dédiés et, dans l'histoire de l'Art, nous retrouvons son portrait partout à travers les siècles. On nous le présente en peinture, sculpture, mosaïque, fresque, aquarelle, icône, ivoire, vitrail, enluminure, etc. Il est présent dans les catacombes, les cavernes, les palais, les maisons, les églises. Peu de grands personnages ont été représentés aussi souvent que saint Paul.
Personnage d'une rare
intensité, il est déconcertant
par ses contradictions
Après deux mil ans, il fait encore parler de lui. Son oeuvre missionnaire grandiose ne cesse de nous surprendre et de nous fasciner. Avec si peu de moyens, il a surmonté des obstacles énormes. Malgré une santé fragile, il s’est engagé dans des voyages périlleux, sur terre et sur mer.
Au cours de sa carrière missionnaire, Paul a affronté une opposition farouche de la part des Juifs, des Gentils et des judéo-chrétiens. Il a été victime des calomnies les plus odieuses et continuellement il a dû défendre son apostolat. On l’a attaqué sur tous les fronts. Parfois il a été trahi par ses propres disciples. Il fut arrêté, battu, flagellé, mis en prison, lapidé, expulsé et finalement décapité. Rien ne lui a été épargné jusqu'au jour de son martyre.
Pendant les premières années du christianisme, Paul a été le seul à comprendre que le message du Christ n'avait d'avenir qu'en s'adressant à tous et non seulement aux Juifs. Le christianisme se devait d’être universel ou il ne survivrait pas. Paul avait compris la mission universelle du Christ : «Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit... » (Matthieu 28, 18)
Paul a imposé cette vision chrétienne longtemps avant que les quatre évangiles ne soient écrits.
Ce grand missionnaire a été pendant toute sa vie un personnage d'une rare intensité. Il est déconcertant par ses contradictions. Véritable mystique, il est aussi un organisateur hors pair. Doté d’un mauvais caractère, il est continuellement entouré de nombreux ami(e)s. Accusé d’être intolérant, misogyne, anti Juifs, il a travaillé avec plusieurs femmes, ce qui n’était pas acceptable dans la culture de son temps, et est resté véritablement Juif jusqu’à sa mort. Malgré son bouillant caractère, ses communautés lui sont restées fidèles jusqu’à la fin.
Pour connaître S. Paul, nous avons plusieurs sources.
Il y a d’abord ses lettres (13 en tout – j’exclus ici la lettre aux Hébreux). Ces Lettres parlent de ses voyages, de ses luttes constantes, de ses fondations d’églises, de ses nombreux conflits. Elles sont essentielles à la compréhension de la personnalité de Paul, de sa théologie et de son message. Les Épitres de Paul lèvent le voile sur la vie quotidienne des premières communautés chrétiennes.
Ensuite, nous avons les Actes des Apôtres de saint Luc, le grand admirateur et le chroniqueur de saint Paul. Il nous offre un portrait qui a peu d'équivalence dans l'histoire de l'Antiquité. Grâce à Luc, Paul est mieux connu que la plupart des grands personnages de la Rome antique.
Donc deux portraits : celui de Luc et celui de Paul lui-même. Il existe aussi quelques écrits un peu plus tardifs : les Actes de Paul, les Actes de Pierre, l'Épitre des Apôtres, le Didakê qui ajoutent à ces informations.
L’histoire de l'Empire romain et les découvertes archéologiques complètent le portrait de l’homme de Tarse. Elles nous font connaître les institutions, la culture, l'économie et les moyens de transport du premier siècle. Elles enrichissent ainsi notre connaissance de l’Apôtre et des communautés chrétiennes.
Les trois voyages missionnaires de Paul se situent entre les années 46 et 58 de notre ère.
Au commencement de ces voyages, Claude était empereur et à la fin, Néron, dirigeait l’Empire. Durant toutes ces années, le gouvernement impérial s'efforçait de concentrer le pouvoir et la richesse dans la Capitale. Cette politique remontait au siècle antérieur, quand la République avait cédé la place à l'Empire sous Jules César. Les empereurs cherchaient à maintenir la «Paix romaine» (Pax romana), qui favorisait le commerce international et la perception des impôts.
C’est à un monde
multi-culturel que Paul
adresse la Bonne Nouvelle
du Christ
Au temps de Paul, la population de l'empire romain était d’environ 50 millions d'habitants, ayant des statuts très variés : il y avait les citoyens romains et les non citoyens, les gens des villes et ceux des campagnes, les hommes libres et les esclaves, les hommes et les femmes, les civils et les militaires. C'était un monde de disparités et d'injustices. Tout ceci va jouer un rôle important dans le succès du christianisme naissant.
Rome comptait alors environ 1.000.000 d’habitants, Éphèse 650.000, Antioche de Syrie 500.000, Tarse 300.000 et Jérusalem 25.000.
Dans l'Empire, il existait une culture commune. Partout on parlait et on pensait grec, même chez les Romains qui auraient bien voulu imposer le latin comme langue universelle, mais cela ne se produira que beaucoup plus tard.
Tout au long de ses voyages, Paul a profité des nombreuses colonies juives de la Diaspora (la dispersion des Juifs à travers l'empire). Dans presque toutes les villes il y avait des synagogues, ce qui lui permettait d’avoir un premier contact rapide partout où il passait.
Le monde de Paul est celui des grandes villes, ouvert, pluraliste et cosmopolite. C’est à ce monde multi-culturel que Paul adresse la Bonne Nouvelle du Christ.
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On apprend que Paul était un peu plus jeune que Jésus!
Qu’il était petit, maigre, énergique, chauve et barbu!
Paul signifie petit!
Il avait une endurance à toute épreuve!
Il insiste sur sa grenade éducation!
Il a étudié à Tarse puis à Jérusalem!
Sur le plan culturel, il était très différent des autres apôtres!
Paul parlait quatre langues : l’Araméen, l’Hébreu, le Grec et probablement le Latin!
Il savait également nager!
Il a vécu sous le règne de 5 empereurs: Auguste, Tibère, Caligula, Claude et Néron!
Il a pu se déplacer librement grâce à la “pax romana” établie sous l’empereur Auguste!
Il a pu emprunter les nombreuses routes construites par les Romains et profiter du réseau de navigation qui sillonnait la Méditerranée!
Paul a également pu profiter de la présence de nombreuses colonies juives réparties sur tout le territoire de l’empire!
Carlos Mesters divise la vie de Paul en quatre périodes principales :
De la naissance à l'âge de 28 ans : le Juif pratiquant.
De 28 à 41 ans : l'ardent converti.
De 41 à 53 ans : le missionnaire itinérant.
De 53 à 62 ans : le prisonnier et l’organisateur des communautés. Il aurait été mis à mort à 62 ans.
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3- Qui est Paul de Tarse?
Paul est né vers l’an 8 de notre ère. Il serait donc d’une dizaine d’années plus jeune que Jésus de Nazareth. De ses parents et de son enfance, nous savons peu de choses. Dans ses lettres, il ne dit rien de sa famille. Saint Luc nous indique que Paul avait une soeur mariée, demeurant à Jérusalem et un neveu qui lui sauvera la vie (Actes 23, 16).
Toute sa vie, il a maintenu son appartenance au peuple juif : «Circoncis dès le huitième jour», « de la race d'Israël», «de la tribu de Benjamin».
Physiquement: petit,
maigre, énergique,
chauve et barbu
Saul (prononcé «saule» en français), est le nom hébreu qui lui a été donné à la circoncision. À ce nom sémitique, il ajoutera plus tard celui de Paulus. Il n'a pas changé de nom mais il porte un double nom : Saul-Paulus qui signifie «peu», «petit». Très rapidement, il sera connu sous ce seul nom.
Les Actes de Paul, un petit livre rédigé vers le milieu du 2e siècle, nous donnent le portrait suivant de l’apôtre des nations : « On vit venir Paul, un homme de petite taille, à la tête dégarnie, les jambes arquées, vigoureux, les sourcils joints, le nez légèrement aquilin. » À travers les siècles, la tradition a conservé cette image de Paul : petit, maigre, énergique, chauve et barbu.
Paul n’avait peut-être pas un corps d’athlète, mais il était propulsé par une force et une vigueur exceptionnelles. Dans la 2e lettre aux Corinthiens, il écrit :
« Souvent j'ai été près de la mort. Cinq fois j'ai reçu des Juifs les trente-neuf coups de fouet ; trois fois j'ai été battu de verges par les Romains; une fois lapidé; trois fois j'ai fait naufrage. Il m'est arrivé de passer un jour et une nuit dans la mer! Voyages sans nombre, dangers des rivières, dangers des brigands, dangers de mes compatriotes, dangers des païens, dangers de la ville, dangers du désert, dangers de la mer, dangers des faux frères ! Labeur et fatigue, veilles fréquentes, faim et soif, jeûnes répétés, froid et nudité !» (2 Corinthiens 11, 25-27)
Malgré son aspect fragile, il était d’une endurance à toutes épreuves.
Paul est un homme
d'une grande éducation
Paul est un homme d’une grande éducation. Il a fait ses premières études à Tarse, sa ville natale, et ensuite il a étudié à Jérusalem, avec le professeur juif le plus connu de son temps : Gamaliel.
Ceux qui le rencontraient se rendaient compte très rapidement qu’il était une personne éduquée. Lors de son arrestation à Césarée, le Procureur romain Porcius Festus dira à Paul : «Tu es fou, Paul; ton grand savoir te fait perdre la tête». (Actes 26, 24)
Sur le plan culturel, Paul est très différent des apôtres qui étaient considérés par les autorités juives comme des gens ignorants. Après la résurrection, lors de leur arrestation à Jérusalem, Pierre et Jean seront jugés par les membres du Sanhédrin comme des gens sans éducation : «Considérant l’assurance de Pierre et de Jean et se rendant compte que c’étaient des gens sans instruction ni culture, les membres du Sanhédrin étaient dans l’étonnement.» (Actes 4, 13)
Paul parlait quatre langues : l’Araméen, l’Hébreu, le Grec et probablement le Latin. L’araméen était sa langue maternelle et le grec celle de Tarse et de l’Empire. Il connaissait bien l’hébreu, la langue des Saintes Écritures. Citoyen romain, il parlait sans doute la langue des maîtres de l’Empire. Il avait étudié la philosophie et la littérature de la Grèce, il excellait en géographie, en navigation et en sport. Sa vaste culture contrastait avec l’étroitesse de la religion de ses ancêtres.
Non seulement Paul savait lire et écrire, il savait aussi nager : «Trois fois j’ai fait naufrage et il m’est arrivé de passer un jour et une nuit dans la mer.» (2 Corinthiens 11, 25) Ceci était chez les Grecs un signe d’éducation. Quatre siècle avant Jésus Christ, Platon qui a vécu de -428 à -348 écrivait : «L’ignorant est un homme qui ne sait ni lire ni nager».
son époque
et son milieu de vie
La vie de Paul se déroula sous le règne de cinq empereurs : Auguste, Tibère, Caligula, Claude et Néron. Trois d’entre eux devinrent de véritables monstres sanguinaires. Paul est né à Tarse, en Orient, il meurt à Rome, en Occident.
Paul a vécu dans un temps qui favorise les voyages. Il a pu se déplacer librement grâce à la «pax romana» établie sous l’empereur Auguste. Empruntant les nombreuses routes construites par les Romains et profitant du réseau de navigation qui sillonnait la Méditerranée, il parcourt des milliers de kilomètres. L’organisation de l’Empire permettait non seulement aux armées mais aussi à la population en général de se déplacer en sécurité. Pendant treize ans, il a voyagé sur mer et entrepris de longs périples à travers collines et montagnes, sous la neige en hiver et par 40¤ de chaleur en été. Pendant ses voyages, Paul a pu profiter de la présence de nombreuses colonies juives réparties sur tout le territoire de l’empire.
Paul était un véritable citadin. Il connaissait peu la campagne et la vie des fermiers de son temps, mais il comprenait bien la vie urbaine, la vie militaire et les sports. Dans ses lettres, il utilise des images de l’armée, de la politique urbaine et des jeux olympiques. On y retrouve les expressions suivantes : poursuivre la course, remporter le prix, obtenir la couronne de laurier, combattre sans frapper dans le vide, courir dans la bonne direction. Il connaît les privations et la discipline des athlètes.
Paul était un personnage plus grand que nature. Influencé par les valeurs du judaïsme, la profondeur de la philosophie grecque, la rigueur de la culture romaine et la richesse de la tradition chrétienne, il est devenu l’un des penseurs les plus originaux de l’histoire du christianisme.
Carlos Mesters divise la vie de Paul en quatre périodes principales :
De la naissance à l'âge de 28 ans : le Juif pratiquant.
De 28 à 41 ans : l'ardent converti.
De 41 à 53 ans : le missionnaire itinérant.
De 53 à 62 ans : le prisonnier et l’organisateur des communautés. Il aurait été mis à mort à 62 ans.
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Paul est citoyen romain!
Être citoyen romain, c'était bénéficier d'un statut très particulier qui donnait le droit de participer à la vie publique et surtout qui accordait des garanties judiciaires et fiscales à ceux de la minorité qui avaient ce privilège!
C’était le plus grand titre de noblesse de l’Empire romain et le seul symbole de « standing » social à cette époque!
Paul profitera toute sa vie de cette dignité qu'il tenait de son père!
Il n'existait alors que quatre à cinq millions de citoyens romains dans un empire d’environ 55 millions d’habitants, soit moins de dix pour cent de la population totale!
La citoyenneté romaine conférait trois privilèges principaux : le droit de vote, le droit d’immunité contre les sanctions déshonorantes et le droit d’être jugé devant le plus haut tribunal de l’Empire!
La citoyenneté romaine explique en grande partie la largeur d'esprit de Paul
et sa volonté de faire éclater l'étroitesse d'esprit du judaïsme de son temps!
La citoyenneté romaine fut un atout important dans son effort pour faire éclater l’étroitesse d’esprit du judaïsme de son temps et en arriver à un christianisme universel!
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4- Le citoyen romain
Paul appartenait aux trois cultures les plus importantes de son temps : la culture romaine, la culture grecque et la culture hébraïque. Son éducation et ses racines lui donnaient ainsi une largueur d’esprit, une polyvalence exceptionnelle.
Sa culture latine
Ce Juif de Tarse était fier de son appartenance à la citoyenneté romaine. « Je suis citoyen romain ». Il utilisera ce titre à son avantage en de nombreuses occasions. Être citoyen romain, c'était bénéficier d'un statut très particulier qui donnait le droit de participer à la vie publique et surtout qui accordait des garanties judiciaires et fiscales à ceux de la minorité qui avaient ce privilège. C’était le plus grand titre de noblesse de l’Empire romain et le seul symbole de « standing » social à cette époque.
La citoyenneté romaine
conférait trois privilèges
principaux
Paul profitera toute sa vie de cette dignité qu'il tenait de son père. Il n'existait alors que quatre à cinq millions de citoyens romains dans un empire d’environ 55 millions d’habitants, soit moins de dix pour cent de la population totale.
La citoyenneté romaine conférait trois privilèges principaux : le droit de vote, le droit d’immunité contre les sanctions déshonorantes et le droit d’être jugé devant le plus haut tribunal de l’Empire.
L'aqueduc Pont du Gard: l'architecture romaine monumentale au service de la santé publique.
Voie romaine près de Tarse en Turquie, ville natale de Paul.
Le colisée de Rome demeure encore un des principaux monuments de la ville.
Pour ce qui est du droit de vote, nous ne savons pas si Paul l’a exercé dans sa ville de Tarse. Il pouvait participer à l'assemblée du peuple où se discutait et se décidait tout ce qui concernait la vie et l'organisation de la cité. Seuls les citoyens romains avaient ce droit de participation aux assemblées. Les femmes, les esclaves, les affranchis et les étrangers en étaient exclus. Les Grecs appelaient ce système démocratie, de demos (peuple) et kratia (gouvernement). En réalité, ce n'était pas un «gouvernement du peuple», mais plutôt le gouvernement d’une élite restreinte de citoyens privilégiés.
Le second avantage incluait l'immunité contre les sanctions déshonorantes.
Dans la ville de Philippes, Paul obtiendra des excuses de la part des juges qui l’avaient condamné à être battu de verges sans jugement. Plus tard, à Jérusalem, c'est en invoquant ce privilège qu'il échappera de justesse à la flagellation. Condamné à mort, il ne sera ni crucifié, ni brûlé dans les jardins de Néron, ni jeté aux bêtes féroces dans l’arène, comme bon nombre de chrétiens. Il sera décapité, mort plus honorable pour un citoyen romain.
Le troisième privilège sera utile à Paul lors de la première audience devant le nouveau gouverneur Festus, à Césarée maritime. En désespoir de cause, pour échapper aux conjurés qui avaient décidé de l’assassiner, il demandera d’être jugé devant la cour suprême de l’empereur, à Rome (Actes 25, 11), requête qui lui sera accordée.
Il se peut que cet « appel à César » ait été une erreur tactique de la part de Paul. En effet, comme le remarquait le roi Agrippa après l'audience : « On aurait pu relâcher cet homme s'il n'en avait appelé à César » (Actes 26, 32) ; mais Paul connaissait beaucoup mieux ses compatriotes juifs que le roi Agrippa. S’il était retourné à Jérusalem, il aurait été assassiné en chemin.
Rome a été une attraction irrésistible pour Paul de Tarse. Centre de tous les pouvoirs, cette ville semble avoir joué un rôle déterminant dans son programme missionnaire. Son avance progressive, délibérée et hardie, d'Est en Ouest, correspond à un plan préétabli de conquête pour le Christ, jusqu’à la capitale du monde. Rome devenait pour lui le symbole de l’universalité du christianisme.
La citoyenneté romaine
explique en grande partie
la largeur d'esprit de Paul
et sa volonté de faire éclater l'étroitesse d'esprit du
judaïsme de son temps
La citoyenneté romaine explique en grande partie la largeur d'esprit de Paul, sa compréhension des non-Juifs et son loyalisme à l'égard de l'État, loyalisme qui lui inspira des paroles bienveillantes et des invitations à la prière pour les détenteurs de l'autorité publique.
La citoyenneté romaine fut un atout important dans son effort pour faire éclater l’étroitesse d’esprit du judaïsme de son temps et en arriver à un christianisme universel.
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