- Tout à fait!
- Les douze apôtres aussi!
- Mais ça ne s'est pas passé de la même manière!
- Jésus n'était plus là pour l'enseigner comme dans le cas des douze!
- Et apparemment, d'après le contexte historique, Paul a dû s'isoler pendant des années avant d'entrer en action!
- Ce qu'ont vécu plusieurs personnages bibliques!
- Encore une fois, on peut voir l'importance du contexte historique pour remettre les choses en place!
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Troisième voyage missionnaire de Paul
45 - Deuxième lettre aux Corinthiens
Paul enchaîné pense aux communautés.
Il existe beaucoup de controverses au sujet de la deuxième lettre aux Corinthiens. La version qui nous est parvenue est probablement composée de plusieurs lettres, dont la «lettre dans les larmes». Paul continue de répondre aux agitations de la communauté de Corinthe, défend son ministère apostolique et revient sur la collecte en faveur des fidèles de Jérusalem.
Informé des difficultés de la communauté, il semble que Paul ait fait une brève visite à Corinthe, au cours de laquelle se seraient produits des incidents douloureux. Rentré à Éphèse, il écrit sa «lettre dans les larmes» que l'on retrouve, du moins en partie, dans les chapitres 10 à 13 de l'épître actuelle.
Les judéo-chrétiens de Jérusalem qui ont entrepris une opposition systématique contre Paul, se présentent comme les véritables apôtres, contestent la validité de sa mission et attaquent sa personne, ses idées et son oeuvre. Ils se présentent comme des missionnaires prestigieux, des «archi-apôtres» alors que Paul les appelle «les faux apôtres». Ils affirment avoir connu Jésus et brillent par leurs expériences mystiques. Ils ont une éloquence supérieure à celle de Paul et, contrairement à ce dernier, exigent des honoraires substantiels des communautés où ils séjournent. Paul oppose à leurs ambitions un style de mission marqué par la Croix.
Faux apôtres
La tactique des adversaires est simple : gonfler leur autorité comme représentants de Jérusalem, diminuer la personne et l'oeuvre de Paul et imposer les prescriptions de la Loi mosaïque. D'ailleurs, cette tactique a déjà porté fruits dans d'autres Églises fondées par l'Apôtre. Ces attaques provoquent une violente réaction de la part de Paul dans cette Épître et dans les Épîtres aux Galates et aux Romains.
Cette lettre a probablement été écrite en Macédoine, en 54-55, où Tite a rejoint Paul. Il apporte cette fois-ci des bonnes nouvelles. Les Corinthiens sont maintenant beaucoup plus positifs envers l’Apôtre. Paul est rassuré et décide d’écrire à nouveau. Les principaux éléments sont les suivants : Les «faux apôtres» de Jérusalem ne cherchent que leur profit. Ils exigent des tarifs élevés alors que Paul a toujours offert son ministère gratuitement et n’a jamais été à la charge de personne.
Si ses rivaux se vantent de leurs expériences mystiques, Paul n'est pas en reste. Il rappelle les «visions et révélations» que le Seigneur lui a accordées. Mais il n'insiste pas car «la puissance de Dieu se déploie dans la faiblesse.»
Les vrais apôtres sont les serviteurs d'une Alliance nouvelle, leurs épreuves les identifient au destin de Jésus
et ils sont les ambassadeurs
d'une réconciliation offerte
au monde par Dieu.
Frustré par les attaques de ses adversaires, Paul veut en venir à un règlement de compte décisif. La justification de son autorité apostolique est donc le but essentiel de cette lettre. Les semeurs de discorde se présentent avec une lettre de recommandation délivrée par la direction de Jérusalem. Paul répond qu’il n'a pas besoin de lettres de recommandation : «Notre lettre, c'est vous, Corinthiens; vous êtes une lettre du Christ, écrite avec des caractères lumineux, de sorte que tout le monde peut la connaître et la lire.»
On reprochait à Paul d'être arrogant, d’écrire des épîtres impertinentes, d’être un faux frère avide de gloire. Sous le masque de l'ironie grecque, Paul joue le rôle du vantard qu'on vient de lui attribuer. Des coups de massue s'abattent alors sur ses détracteurs. Ces gens accusent Paul de vantardise, d'égoïsme, d'esprit de domination, alors qu'eux-mêmes proclament leur amitié avec les grands de Jérusalem, se promènent comme des seigneurs, courent de maison en maison, s'invitent eux-mêmes, parlant haut en frappant au visage ceux qui les contredisent. D'une manière très noble, Paul évite de nommer ceux qui les auraient chargés de cette mission de démolition, bien que, derrière les agissements des adversaires, on devine l'ombre de personnages importants, dont les émissaires abusent et déforment la pensée.
Le véritable apôtre, lui, se signale par son dévouement,
par l'aveu d'une faiblesse
qui l'assimile au destin
du Crucifié.
Paul se reconnaît faible pour que les Corinthiens ouvrent les yeux sur leur propre faiblesse. Qu’ils cessent de se laisser abuser par des prédicateurs de parade, et qu’ils reconnaissent en eux-mêmes le vieil homme qui doit faire place à l’homme nouveau. Qu’ils se souviennent de Jésus qui pour eux s’est fait pauvre, de riche qu’il était. Nous sommes comme de l’argile fragile qui contient un grand trésor.
Si la première lettre aux Corinthiens est la plus riche sur le plan de la pensée, la seconde est la plus passionnée de toutes. Heureuse polémique qui oblige l'accusé à se dévoiler et à tracer le portrait du véritable serviteur de l'Évangile!
Entre les deux parties principales de cette lettre est inséré un passage concernant la collecte pour Jérusalem (ch. 8 et 9). Cette grande oeuvre de charité était très importante pour Paul qui voulait maintenir les liens d’amitié avec la communauté-mère. Les Corinthiens eux-mêmes en avaient eu l'idée. Après avoir parlé de la collecte, Paul passe de nouveau à l’attaque. Il écrit : «Mais suis-je inférieur à ceux que vous appelez «archi-apôtres» et que, moi, j'appelle «pseudo-apôtres». Ils exploitent la communauté ; ils pensent briller par leurs titres et leur rhétorique clinquante. Le véritable apôtre, lui, se signale par son dévouement, par l'aveu d'une faiblesse qui l'assimile au destin du Crucifié.
En 12, 7-9, Paul mentionne une écharde dans sa chair. L'hypothèse d'une maladie chronique est souvent mentionnée. Mais, dans la Bible, «l'écharde» désigne les ennemis d'Israël (Nombres 33, 55). Paul y voit l'action d'un «ange de Satan ». Or ce sont ses adversaires qu'il vient de caractériser comme des ministres de Satan (2 Co 11, 13-15). Déjà au 4e siècle, Jean Chrysostome, pensait que l’écharde en question représentait les rivaux qui contestaient la prédication de Paul.
On fait la lecture de la lettre de Paul à la communauté.
Tite et probablement Luc et Aristarque, portèrent cette lettre à Corinthe. Il semble qu’elle a été très bien accueillie par les Corinthiens. Ce fut le testament de l'Apôtre à cette Église qu’il aimait profondément.
L’année de la 2e lettre aux Corinthiens coïncide avec la mort de l’empereur Claude en 54. Agrippine, sa seconde épouse, l'a fait empoisonner. Elle avait au préalable fait adopter Néron, fils de son premier mariage, par celui qu’elle allait faire mourir. À dix-sept ans, Néron est proclamé empereur par la garde prétorienne. Ainsi commence, dans l'illégalité, car Claude avait un fils légitime, Britannicus, le règne d'un des despotes les plus sanguinaires de l'histoire. À Éphèse, aucun devin n'oserait prédire que Néron fera empoisonner Britannicus, mettre à mort sa mère, avant de se camper, dans un épisode qui écoeurera les Romains eux-mêmes, en massacreur des chrétiens. Une brèche s’ouvre dans la grandeur de Rome.
A la recherche de Paul
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Le christianisme est une religion monothéiste et abrahamique, issue d'apôtres célébrant la vie et les enseignements de Jésus. Les chrétiens croient que Jésus de Nazareth est le Messie que prophétisait l'Ancien Testament, et, hormis quelques minorités, Fils de Dieu, ou Dieu incarner, néanmoins Prophete.
Le christianisme est une religion monothéiste et abrahamique, issue d'apôtres célébrant la vie et les enseignements de Jésus. Les chrétiens croient que Jésus de Nazareth est le Messie que prophétisait l'Ancien Testament, et, hormis quelques minorités, Fils de Dieu, ou Dieu incarner, néanmoins Prophete.
Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 03 oct.23, 09:55Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 11 déc.23, 11:14Troisième voyage missionnaire de Paul
46 - Lettre aux Galates
Au cours de son premier voyage missionnaire en compagnie de Barnabé, Paul a fondé des communautés dans le sud de la province romaine de Galatie, Les contacts avec ces groupes de chrétiens étaient excellents : «Vous m'avez accueilli comme un ange de Dieu, comme le Christ Jésus.» Quelques années plus tard, à deux reprises, il a visité ces mêmes
communautés. Cette province comprenait,
entre autres villes : Antioche de Pisidie, Iconium, Lystres et Derbé.
Les Galates (Gaulois) sont à l'origine des Celtes du nord et du centre de l'Europe. Aventuriers intrépides, ils étaient aussi des guerriers redoutables. Quelques siècles avant Jésus Christ, ils ont poussé leurs incursions jusqu'en Espagne et en Italie. En 399, ils assiègent la ville de Rome et vers 360, quelques tribus se dirigent vers l'Est. Après différentes agressions militaires, dont le pillage du sanctuaire de Delphes, ils se fixent, au début du 3e siècle, dans le nord de l'Anatolie et font de Pessinus leur centre. En 25 av. J.-C., le pays des Galates est intégré à l’Empire et au système des provinces romaines.
La première partie de la lettre est une puissante défense
de son rôle d’apôtre.
Après les visites de Paul à ces communautés, des prédicateurs de Jérusalem y jettent le trouble en proclamant un Évangile différent du sien. Ils insistent sur l’importance d’être circoncis et de suivre toute la Loi de Moïse. À Paul, cet ouvrier de la onzième heure, ils opposent les douze apôtres et Jacques, le frère du Seigneur. Paul, conscient du danger, voit dans leurs exigences une annulation du rôle unique de Jésus-Christ. Il écrit alors sa lettre aux Galates. C’est la première grande synthèse de la pensée pastorale et théologique de l’Apôtre. Il ne s'agit pas ici de son autorité, mais bien du sens même de l'Évangile : ou le croyant réalise son salut par la Loi de Moïse ou il le trouve dans la foi au Christ?
Aux Galates, gens simples qui ont suivi Paul avec confiance, les adversaires affirment qu'ils ne sont pas devenus de bons chrétiens car ils ne sont pas circoncis. Jésus et les apôtres étaient circoncis. De plus, la circoncision est excellente pour la santé, elle évite certaines maladies.
D'abord, les Galates protestent. Trois fois ils ont rencontré Paul et ils l'aiment beaucoup. Pourquoi aurait-il voulu les tromper? Les judaïsants répliquent qu’ils l'aiment eux aussi, mais ils leur font savoir que Paul n'a jamais rencontré Jésus. Stupeur chez les Galates : lui qui en parle si bien! Autre élément important : vous a-t-il avoué que, dans sa jeunesse, il a persécuté les chrétiens, qu'il en a fait jeter des dizaines en prison? Atterrés, affolés, les amis de Paul restent muets : il ne leur a rien dit. Dans cette relation de confiance entre lui et ses chers Galates, les adversaires ont réussi à introduire un doute mortel. Selon les envoyés de Jérusalem, Paul aurait remanié l'Évangile, pour attirer le plus de païens possible. C'est donc ici, en territoire des Galates, que se livre la bataille décisive entre Paul et les émissaires de Jérusalem. Ce qui suivra, à Corinthe et à Rome, n'en sera que la conclusion.
L’épître aux Galates a été écrite d'un seul trait. Dès les premières lignes, Paul affirme sa mission d'apôtre. En rappelant les faits, il établit l'authenticité de «son évangile». Ce texte est précieux pour les données historiques qu'il offre sur les premières années de Paul. Il rappelle avoir reçu son Évangile au cours d’une révélation. On peut donc lui faire confiance. Il raconte sa conversion à Damas et en Arabie, sa rencontre avec Pierre et Jacques, sa participation au Concile de Jérusalem où son activité missionnaire a été reconnue. Il mentionne aussi la controverse avec Pierre à Antioche de Syrie, parce que le chef des apôtres ne respectait pas l’entente de Jérusalem. Paul affirme que son apostolat a été reconnu officiellement par les «colonnes du christianisme» (Pierre, Jacques et Jean) qui lui confèrent la responsabilité de convertir les non-Juifs. La première partie de la lettre est donc une puissante défense de son rôle d’apôtre. La première partie de la lettre est donc une puissante défense de son rôle d’apôtre. Il affirme qu’il n'est ni un élève des Douze, ni un apôtre de seconde zone.
La justification par la foi
Paul en arrive ensuite au sujet principal de son épître : la justification par la foi. Parfois mal comprise, cette justification n'enseigne nulle part un quiétisme passif. Paul parle ici de la justification première, c’est-à-dire le passage de l'état de péché à l'état de grâce. Ce pardon est pur don de Dieu, une conséquence de la mort expiatrice du Christ, sans aucune contribution personnelle de notre part.
Après avoir utilisé les armes vigoureuses de l’argumentation, voici que Paul se fait subitement tendre comme une mère, et il donne libre cours à ses sentiments :
«Je désirerais comme une mère endurer à nouveau les douleurs de l'enfantement pour vous et transformer ma voix, pour vous parler comme une mère parle à son enfant !»
Paul réunit en lui une logique impitoyable, alliée à une tendresse maternelle.
La liberté chrétienne
Après cette pause, il passe de nouveau à l’attaque. Ayant déjà expérimenté la liberté du Christ, les Galates seraient-ils maintenant prêts à se placer de nouveau sous le joug de la Loi et perdre ainsi leur liberté? Comme Israël lors de la sortie d'Égypte, ils ont vécu un nouvel Exode. Ils sont passés de l'esclavage à la liberté des enfants de Dieu. Cette liberté, est au coeur même de la vocation chrétienne:
«C'est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés. Donc tenez bon et ne vous remettez pas sous le joug de l'esclavage.» (Ga 5, 1.)
Deux dangers guettent ceux et celles qui ont fait l'expérience de la liberté : la renier en retournant à l’esclavage de la Loi, ou en abuser en croyant que tout est permis (exemple, s’adonner à la prostitution sous prétexte que le Christ nous a libérés de toutes contraintes).
Les chrétiens doivent
accueillir le salut comme
un don gratuit de Dieu,
attitude difficile à accepter
pour les marathoniens du
légalisme qui veulent à tout
prix devenir des saints
par leurs propres moyens.
Selon Paul, la Loi est bonne et elle était nécessaire, mais elle est au service du Salut. Elle doit prendre le second rang lorsque le Salut arrive. Comme des échafaudages dans une oeuvre de construction, une fois l’édifice terminé, ils disparaissent. «Le Christ nous a conduits à la liberté, c'est bien à la liberté que vous avez été appelés.» Écrite dans les premières années de l’Église, ces pages sur la liberté chrétienne questionnent encore aujourd’hui une institution qui, par nature, a tendance à privilégier la loi au détriment de la liberté. Les chrétiens doivent cesser de croire que le salut s'obtient comme une médaille olympique par des performances de plus en plus compliquées. Ils doivent accueillir le salut comme un don gratuit de Dieu, attitude difficile à accepter pour les marathoniens du légalisme qui veulent à tout prix devenir des saints par leurs propres moyens.
Les gens qui portèrent la lettre de leur Apôtre bien-aimé vers Antioche de Pisidie, ne se doutaient pas du précieux trésor dont ils étaient porteurs : c'était un document d'une importance historique! C'est chez les Galates que retentit pour la première fois la notion de «liberté chrétienne».
Cette lettre de Paul est le témoignage le plus ancien présentant le message de l'apôtre relatif à la justification par la foi. On ne peut lire l'Epître aux Galates sans se laisser emporter par le torrent oratoire de Paul. C’est une question de vie ou de mort pour lui et pour ses Galates. On ne reprend haleine qu'au moment de la conclusion. On voit Paul qui prend le stylet des mains du scripteur : «Voyez ces grosses lettres : Je vous écris de ma propre main...».
Après la mort de Paul, pendant de nombreuses années, son influence va disparaître presqu’entièrement dans l’Église. C'est au moment où celle-ci se préoccupera de choisir les textes authentiques de son histoire qu'elle redonnera à Paul toute la place qui lui revient en reconnaissant à ses écrits la valeur fondamentale de la théologie chrétienne. Paul est alors redevenu un pilier de l’Église.
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Troisième voyage missionnaire de Paul
47 - Épitre aux Romains
Paul écrit son épître aux Romains pour préparer sa rencontre avec une Église qu'il ne connait pas.
Avant son départ pour Jérusalem, en l’an 57, Paul écrit son épître aux Romains, une sorte de «carte de visite» pour préparer sa rencontre avec une Église qu'il ne connait pas. Cette lettre, écrite probablement à Corinthe, est une synthèse de la pensée de Paul. Voici près de quinze ans que l’Apôtre fonde des Églises à Chypre, en Pisidie, en Lycaonie, en Phrygie, en Galatie, en Macédoine, en Achaïe, en Asie. Il considère maintenant que dans cette région de l’est, sa tâche de fondateur s'achève. Il songe à l'ouest, à l'Espagne surtout, «le bout du monde», où il projette de se rendre en passant par Rome.
Paul veut d’abord apporter lui-même la collecte à Jérusalem, ce que ses amis lui déconseillent fortement, à cause des dangers qu’il coure en retournant dans la ville où il a tant d’ennemis. Après Jérusalem, il a l’intention de visiter la capitale impériale, pour y rencontrer les membres de l’Église de Rome :
«Mais maintenant, comme je n’ai plus de champ d’action dans ces contrées et que, depuis bien des années j’ai un vif désir d’aller chez vous quand j’irai en Espagne. J’espère en effet vous voir lors de mon passage et recevoir votre aide pour m’y rendre après avoir été d’abord comblé, ne fut-ce qu’un peu, par votre présence.» (Rm 5, 23)
Rome, la capitale du monde, lui inspire la conception universelle de l’Église.
Il confie la lettre à sa fidèle amie, la diaconesse Phébée, qui doit se rendre à Rome au printemps. C’est la seule lettre écrite à une Église qu’il n’a pas fondée. Dans ces réflexions sur l’Évangile, sa pensée prend une ampleur considérable car il est en pleine possession de ses moyens.
Il est important de rappeler que Paul n’avait pas du tout l’intention de sortir du judaïsme : cela n'aurait tout simplement aucun sens pour lui. La «religion chrétienne» n'avait pas d'existence indépendante à cette époque! Elle faisait parti du judaïsme et Paul voulait simplement y intégrer à la fois la Résurrection du Christ et l'élargissement de la promesse aux non juifs. Pour ce faire, il cherchait un dénominateur commun aux Juifs et aux païens : cet élément unificateur, c’est la foi en Jésus-Christ.
La lettre aux Romains devient
un traité théologique sur la situation nouvelle créée par le Christ. C’est la plus importante des lettres de Paul.
La pensée qu'il avait commencé à développer dans la lettre aux Galates lui revient à l’esprit. Cette lettre avait été le cri d'un coeur passionnément agité. Il veut maintenant revenir sur la question dans le calme, et en faire un exposé plus approfondi. La lettre aux Romains devient ainsi un traité théologique sur la situation nouvelle créée par le Christ. C’est la plus importante des lettres de Paul. Nous y retrouvons le talent de celui qui est capable d’unifier la pensée critique à l’expression d’une foi profonde et éclairée. Il y développe les thèmes suivants : la justification par la foi, l'espérance, les conséquences du péché, la grâce, la liberté, l’Église corps du Christ, les relations entre Juifs et Païens, la réconciliation. Près de 25 ans après sa conversion, sa réflexion théologique a atteint une grande maturité. Si l'épître aux Romains était la seule lettre de Paul à nous parvenir, nous aurions un bon aperçu de sa pensée.
Comme cadre, Paul utilise d’un côté l'humanité déchue regroupée autour d'Adam et de l’autre l'humanité «justifiée» regroupée autour du Christ.
La filiation offerte est
un don tout à fait gratuit
et non le résultat de l’observance de la Loi
ou de la pratique des
bonnes oeuvres
Dans le récit de Genèse 3, Adam a voulu être comme un Dieu en mangeant le fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Il a initié le temps de la révolte contre Dieu : «Par un homme le péché est entré dans le monde». Nous sommes donc précédés par cette irrésistible tendance naturelle de se prendre pour un dieu et de refuser notre condition de créature. Mais malgré cette révolte, Dieu n’abandonne pas «son dessein bienveillant» envers nous. À travers Abraham, il accorde le salut par pure grâce : «Abraham crut en Dieu et ce lui fut compté comme justice». Cela s’est passé au moment où Abraham n'était pas encore circoncis. Le rite ancestral n'est donc pas la source de sa justification, il n'en est que le signe. La filiation offerte est un don tout à fait gratuit et non le résultat de l’observance de la Loi ou de la pratique des bonnes oeuvres.
Mais la justification (être acceptés comme enfants de Dieu) n'est qu'un début, un premier pas. Elle est une étape essentielle enrichie ensuite par l’eucharistique, fécondée par les énergies créatrices du Ressuscité, sous le soleil de l'Esprit-Saint.
Dans les huit premiers chapitres de l'épître aux Romains, Paul oppose deux voies, deux façons d'être «justifié» devant Dieu : d'un côté la foi en Jésus-Christ et de l’autre la Loi de Moïse et les «oeuvres». Seule la foi en Jésus Christ justifie tous les hommes, Juifs et Païens. Le Salut ne se trouve donc pas dans l’appartenance au peuple élu ou dans une vie de sainteté et de bonnes oeuvres. Il se trouve dans une parole extérieure à l’être humain, une décision bienveillante de Dieu reçue gratuitement dans la foi.
L’exposé de Paul sur la «justification par la foi» est la traduction théologique de l’accueil que Jésus a fait aux rejetés et aux exclus. Jésus, qui mangeait avec les collecteurs d’impôts et les pécheurs, les prostituées et les lépreux, faisait un geste symbolique qui couvrait le politique, le social et le religieux à la fois.
Le salut est offert gratuitement : «Aujourd’hui même tu seras avec moi dans le paradis!», dit Jésus au voleur sur la croix.
Le Christ est «l'anti-Adam». Il remplace la malédiction du jardin d’Éden (Adam et Ève chassés du paradis), par une bénédiction (Venez à moi vous tous qui ployez sous le fardeau). Si par Adam la mort était le sort de l’homme, par le Christ il retrouve la vie. Hommes et femmes sont invités à vivre dans la confiance et l’espérance des filles et fils de Dieu, filiation accordée gratuitement grâce au Christ.
La justification n'est qu'un début, un premier pas. Elle est une étape essentielle enrichie ensuite par l’eucharistique, fécondée par les énergies créatrices du Ressuscité, sous le soleil de l'Esprit-Saint.
Après le vaste exposé sur le Salut, don de Dieu (Rm 1 – 8), vient en suite, tout naturellement, la question du statut d’Israël dans la nouvelle réalité inaugurée par le Christ (chapitres 9 à 11). Paul insiste sur le fait que tous sont pécheurs, Juifs et Païens. Cette situation est l'occasion choisie par Dieu pour nous justifier en Jésus Christ. Ni les oeuvres, ni l’origine ethnique, ni le clan, ni le sang ne sont des conditions pour le salut. Seul compte la générosité de Dieu. Paul réaffirme sa solidarité avec son peuple et repousse l'idée qu'Israël soit rejeté pour toujours. Si lui qui était pharisien et persécuteur a obtenu miséricorde, il en sera de même pour tous les Juifs. Dans la troisième partie de l’épitre, Paul en vient à des considérations pratiques sur la vie des communautés chrétiennes : «Je vous exhorte donc, frères... à l'action».
C’est l'esclave chrétien Tertius qui a servi de scribe à l'Apôtre. Il le fait remarquer à la fin de la lettre.
Les grands thèmes de cette épître étaient présents au coeur des femmes et des hommes du temps de Paul... Ils continuent à être d’intérêt pour les femmes et les hommes d’aujourd’hui.
46 - Lettre aux Galates
Au cours de son premier voyage missionnaire en compagnie de Barnabé, Paul a fondé des communautés dans le sud de la province romaine de Galatie, Les contacts avec ces groupes de chrétiens étaient excellents : «Vous m'avez accueilli comme un ange de Dieu, comme le Christ Jésus.» Quelques années plus tard, à deux reprises, il a visité ces mêmes
communautés. Cette province comprenait,
entre autres villes : Antioche de Pisidie, Iconium, Lystres et Derbé.
Les Galates (Gaulois) sont à l'origine des Celtes du nord et du centre de l'Europe. Aventuriers intrépides, ils étaient aussi des guerriers redoutables. Quelques siècles avant Jésus Christ, ils ont poussé leurs incursions jusqu'en Espagne et en Italie. En 399, ils assiègent la ville de Rome et vers 360, quelques tribus se dirigent vers l'Est. Après différentes agressions militaires, dont le pillage du sanctuaire de Delphes, ils se fixent, au début du 3e siècle, dans le nord de l'Anatolie et font de Pessinus leur centre. En 25 av. J.-C., le pays des Galates est intégré à l’Empire et au système des provinces romaines.
La première partie de la lettre est une puissante défense
de son rôle d’apôtre.
Après les visites de Paul à ces communautés, des prédicateurs de Jérusalem y jettent le trouble en proclamant un Évangile différent du sien. Ils insistent sur l’importance d’être circoncis et de suivre toute la Loi de Moïse. À Paul, cet ouvrier de la onzième heure, ils opposent les douze apôtres et Jacques, le frère du Seigneur. Paul, conscient du danger, voit dans leurs exigences une annulation du rôle unique de Jésus-Christ. Il écrit alors sa lettre aux Galates. C’est la première grande synthèse de la pensée pastorale et théologique de l’Apôtre. Il ne s'agit pas ici de son autorité, mais bien du sens même de l'Évangile : ou le croyant réalise son salut par la Loi de Moïse ou il le trouve dans la foi au Christ?
Aux Galates, gens simples qui ont suivi Paul avec confiance, les adversaires affirment qu'ils ne sont pas devenus de bons chrétiens car ils ne sont pas circoncis. Jésus et les apôtres étaient circoncis. De plus, la circoncision est excellente pour la santé, elle évite certaines maladies.
D'abord, les Galates protestent. Trois fois ils ont rencontré Paul et ils l'aiment beaucoup. Pourquoi aurait-il voulu les tromper? Les judaïsants répliquent qu’ils l'aiment eux aussi, mais ils leur font savoir que Paul n'a jamais rencontré Jésus. Stupeur chez les Galates : lui qui en parle si bien! Autre élément important : vous a-t-il avoué que, dans sa jeunesse, il a persécuté les chrétiens, qu'il en a fait jeter des dizaines en prison? Atterrés, affolés, les amis de Paul restent muets : il ne leur a rien dit. Dans cette relation de confiance entre lui et ses chers Galates, les adversaires ont réussi à introduire un doute mortel. Selon les envoyés de Jérusalem, Paul aurait remanié l'Évangile, pour attirer le plus de païens possible. C'est donc ici, en territoire des Galates, que se livre la bataille décisive entre Paul et les émissaires de Jérusalem. Ce qui suivra, à Corinthe et à Rome, n'en sera que la conclusion.
L’épître aux Galates a été écrite d'un seul trait. Dès les premières lignes, Paul affirme sa mission d'apôtre. En rappelant les faits, il établit l'authenticité de «son évangile». Ce texte est précieux pour les données historiques qu'il offre sur les premières années de Paul. Il rappelle avoir reçu son Évangile au cours d’une révélation. On peut donc lui faire confiance. Il raconte sa conversion à Damas et en Arabie, sa rencontre avec Pierre et Jacques, sa participation au Concile de Jérusalem où son activité missionnaire a été reconnue. Il mentionne aussi la controverse avec Pierre à Antioche de Syrie, parce que le chef des apôtres ne respectait pas l’entente de Jérusalem. Paul affirme que son apostolat a été reconnu officiellement par les «colonnes du christianisme» (Pierre, Jacques et Jean) qui lui confèrent la responsabilité de convertir les non-Juifs. La première partie de la lettre est donc une puissante défense de son rôle d’apôtre. La première partie de la lettre est donc une puissante défense de son rôle d’apôtre. Il affirme qu’il n'est ni un élève des Douze, ni un apôtre de seconde zone.
La justification par la foi
Paul en arrive ensuite au sujet principal de son épître : la justification par la foi. Parfois mal comprise, cette justification n'enseigne nulle part un quiétisme passif. Paul parle ici de la justification première, c’est-à-dire le passage de l'état de péché à l'état de grâce. Ce pardon est pur don de Dieu, une conséquence de la mort expiatrice du Christ, sans aucune contribution personnelle de notre part.
Après avoir utilisé les armes vigoureuses de l’argumentation, voici que Paul se fait subitement tendre comme une mère, et il donne libre cours à ses sentiments :
«Je désirerais comme une mère endurer à nouveau les douleurs de l'enfantement pour vous et transformer ma voix, pour vous parler comme une mère parle à son enfant !»
Paul réunit en lui une logique impitoyable, alliée à une tendresse maternelle.
La liberté chrétienne
Après cette pause, il passe de nouveau à l’attaque. Ayant déjà expérimenté la liberté du Christ, les Galates seraient-ils maintenant prêts à se placer de nouveau sous le joug de la Loi et perdre ainsi leur liberté? Comme Israël lors de la sortie d'Égypte, ils ont vécu un nouvel Exode. Ils sont passés de l'esclavage à la liberté des enfants de Dieu. Cette liberté, est au coeur même de la vocation chrétienne:
«C'est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés. Donc tenez bon et ne vous remettez pas sous le joug de l'esclavage.» (Ga 5, 1.)
Deux dangers guettent ceux et celles qui ont fait l'expérience de la liberté : la renier en retournant à l’esclavage de la Loi, ou en abuser en croyant que tout est permis (exemple, s’adonner à la prostitution sous prétexte que le Christ nous a libérés de toutes contraintes).
Les chrétiens doivent
accueillir le salut comme
un don gratuit de Dieu,
attitude difficile à accepter
pour les marathoniens du
légalisme qui veulent à tout
prix devenir des saints
par leurs propres moyens.
Selon Paul, la Loi est bonne et elle était nécessaire, mais elle est au service du Salut. Elle doit prendre le second rang lorsque le Salut arrive. Comme des échafaudages dans une oeuvre de construction, une fois l’édifice terminé, ils disparaissent. «Le Christ nous a conduits à la liberté, c'est bien à la liberté que vous avez été appelés.» Écrite dans les premières années de l’Église, ces pages sur la liberté chrétienne questionnent encore aujourd’hui une institution qui, par nature, a tendance à privilégier la loi au détriment de la liberté. Les chrétiens doivent cesser de croire que le salut s'obtient comme une médaille olympique par des performances de plus en plus compliquées. Ils doivent accueillir le salut comme un don gratuit de Dieu, attitude difficile à accepter pour les marathoniens du légalisme qui veulent à tout prix devenir des saints par leurs propres moyens.
Les gens qui portèrent la lettre de leur Apôtre bien-aimé vers Antioche de Pisidie, ne se doutaient pas du précieux trésor dont ils étaient porteurs : c'était un document d'une importance historique! C'est chez les Galates que retentit pour la première fois la notion de «liberté chrétienne».
Cette lettre de Paul est le témoignage le plus ancien présentant le message de l'apôtre relatif à la justification par la foi. On ne peut lire l'Epître aux Galates sans se laisser emporter par le torrent oratoire de Paul. C’est une question de vie ou de mort pour lui et pour ses Galates. On ne reprend haleine qu'au moment de la conclusion. On voit Paul qui prend le stylet des mains du scripteur : «Voyez ces grosses lettres : Je vous écris de ma propre main...».
Après la mort de Paul, pendant de nombreuses années, son influence va disparaître presqu’entièrement dans l’Église. C'est au moment où celle-ci se préoccupera de choisir les textes authentiques de son histoire qu'elle redonnera à Paul toute la place qui lui revient en reconnaissant à ses écrits la valeur fondamentale de la théologie chrétienne. Paul est alors redevenu un pilier de l’Église.
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Troisième voyage missionnaire de Paul
47 - Épitre aux Romains
Paul écrit son épître aux Romains pour préparer sa rencontre avec une Église qu'il ne connait pas.
Avant son départ pour Jérusalem, en l’an 57, Paul écrit son épître aux Romains, une sorte de «carte de visite» pour préparer sa rencontre avec une Église qu'il ne connait pas. Cette lettre, écrite probablement à Corinthe, est une synthèse de la pensée de Paul. Voici près de quinze ans que l’Apôtre fonde des Églises à Chypre, en Pisidie, en Lycaonie, en Phrygie, en Galatie, en Macédoine, en Achaïe, en Asie. Il considère maintenant que dans cette région de l’est, sa tâche de fondateur s'achève. Il songe à l'ouest, à l'Espagne surtout, «le bout du monde», où il projette de se rendre en passant par Rome.
Paul veut d’abord apporter lui-même la collecte à Jérusalem, ce que ses amis lui déconseillent fortement, à cause des dangers qu’il coure en retournant dans la ville où il a tant d’ennemis. Après Jérusalem, il a l’intention de visiter la capitale impériale, pour y rencontrer les membres de l’Église de Rome :
«Mais maintenant, comme je n’ai plus de champ d’action dans ces contrées et que, depuis bien des années j’ai un vif désir d’aller chez vous quand j’irai en Espagne. J’espère en effet vous voir lors de mon passage et recevoir votre aide pour m’y rendre après avoir été d’abord comblé, ne fut-ce qu’un peu, par votre présence.» (Rm 5, 23)
Rome, la capitale du monde, lui inspire la conception universelle de l’Église.
Il confie la lettre à sa fidèle amie, la diaconesse Phébée, qui doit se rendre à Rome au printemps. C’est la seule lettre écrite à une Église qu’il n’a pas fondée. Dans ces réflexions sur l’Évangile, sa pensée prend une ampleur considérable car il est en pleine possession de ses moyens.
Il est important de rappeler que Paul n’avait pas du tout l’intention de sortir du judaïsme : cela n'aurait tout simplement aucun sens pour lui. La «religion chrétienne» n'avait pas d'existence indépendante à cette époque! Elle faisait parti du judaïsme et Paul voulait simplement y intégrer à la fois la Résurrection du Christ et l'élargissement de la promesse aux non juifs. Pour ce faire, il cherchait un dénominateur commun aux Juifs et aux païens : cet élément unificateur, c’est la foi en Jésus-Christ.
La lettre aux Romains devient
un traité théologique sur la situation nouvelle créée par le Christ. C’est la plus importante des lettres de Paul.
La pensée qu'il avait commencé à développer dans la lettre aux Galates lui revient à l’esprit. Cette lettre avait été le cri d'un coeur passionnément agité. Il veut maintenant revenir sur la question dans le calme, et en faire un exposé plus approfondi. La lettre aux Romains devient ainsi un traité théologique sur la situation nouvelle créée par le Christ. C’est la plus importante des lettres de Paul. Nous y retrouvons le talent de celui qui est capable d’unifier la pensée critique à l’expression d’une foi profonde et éclairée. Il y développe les thèmes suivants : la justification par la foi, l'espérance, les conséquences du péché, la grâce, la liberté, l’Église corps du Christ, les relations entre Juifs et Païens, la réconciliation. Près de 25 ans après sa conversion, sa réflexion théologique a atteint une grande maturité. Si l'épître aux Romains était la seule lettre de Paul à nous parvenir, nous aurions un bon aperçu de sa pensée.
Comme cadre, Paul utilise d’un côté l'humanité déchue regroupée autour d'Adam et de l’autre l'humanité «justifiée» regroupée autour du Christ.
La filiation offerte est
un don tout à fait gratuit
et non le résultat de l’observance de la Loi
ou de la pratique des
bonnes oeuvres
Dans le récit de Genèse 3, Adam a voulu être comme un Dieu en mangeant le fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Il a initié le temps de la révolte contre Dieu : «Par un homme le péché est entré dans le monde». Nous sommes donc précédés par cette irrésistible tendance naturelle de se prendre pour un dieu et de refuser notre condition de créature. Mais malgré cette révolte, Dieu n’abandonne pas «son dessein bienveillant» envers nous. À travers Abraham, il accorde le salut par pure grâce : «Abraham crut en Dieu et ce lui fut compté comme justice». Cela s’est passé au moment où Abraham n'était pas encore circoncis. Le rite ancestral n'est donc pas la source de sa justification, il n'en est que le signe. La filiation offerte est un don tout à fait gratuit et non le résultat de l’observance de la Loi ou de la pratique des bonnes oeuvres.
Mais la justification (être acceptés comme enfants de Dieu) n'est qu'un début, un premier pas. Elle est une étape essentielle enrichie ensuite par l’eucharistique, fécondée par les énergies créatrices du Ressuscité, sous le soleil de l'Esprit-Saint.
Dans les huit premiers chapitres de l'épître aux Romains, Paul oppose deux voies, deux façons d'être «justifié» devant Dieu : d'un côté la foi en Jésus-Christ et de l’autre la Loi de Moïse et les «oeuvres». Seule la foi en Jésus Christ justifie tous les hommes, Juifs et Païens. Le Salut ne se trouve donc pas dans l’appartenance au peuple élu ou dans une vie de sainteté et de bonnes oeuvres. Il se trouve dans une parole extérieure à l’être humain, une décision bienveillante de Dieu reçue gratuitement dans la foi.
L’exposé de Paul sur la «justification par la foi» est la traduction théologique de l’accueil que Jésus a fait aux rejetés et aux exclus. Jésus, qui mangeait avec les collecteurs d’impôts et les pécheurs, les prostituées et les lépreux, faisait un geste symbolique qui couvrait le politique, le social et le religieux à la fois.
Le salut est offert gratuitement : «Aujourd’hui même tu seras avec moi dans le paradis!», dit Jésus au voleur sur la croix.
Le Christ est «l'anti-Adam». Il remplace la malédiction du jardin d’Éden (Adam et Ève chassés du paradis), par une bénédiction (Venez à moi vous tous qui ployez sous le fardeau). Si par Adam la mort était le sort de l’homme, par le Christ il retrouve la vie. Hommes et femmes sont invités à vivre dans la confiance et l’espérance des filles et fils de Dieu, filiation accordée gratuitement grâce au Christ.
La justification n'est qu'un début, un premier pas. Elle est une étape essentielle enrichie ensuite par l’eucharistique, fécondée par les énergies créatrices du Ressuscité, sous le soleil de l'Esprit-Saint.
Après le vaste exposé sur le Salut, don de Dieu (Rm 1 – 8), vient en suite, tout naturellement, la question du statut d’Israël dans la nouvelle réalité inaugurée par le Christ (chapitres 9 à 11). Paul insiste sur le fait que tous sont pécheurs, Juifs et Païens. Cette situation est l'occasion choisie par Dieu pour nous justifier en Jésus Christ. Ni les oeuvres, ni l’origine ethnique, ni le clan, ni le sang ne sont des conditions pour le salut. Seul compte la générosité de Dieu. Paul réaffirme sa solidarité avec son peuple et repousse l'idée qu'Israël soit rejeté pour toujours. Si lui qui était pharisien et persécuteur a obtenu miséricorde, il en sera de même pour tous les Juifs. Dans la troisième partie de l’épitre, Paul en vient à des considérations pratiques sur la vie des communautés chrétiennes : «Je vous exhorte donc, frères... à l'action».
C’est l'esclave chrétien Tertius qui a servi de scribe à l'Apôtre. Il le fait remarquer à la fin de la lettre.
Les grands thèmes de cette épître étaient présents au coeur des femmes et des hommes du temps de Paul... Ils continuent à être d’intérêt pour les femmes et les hommes d’aujourd’hui.
Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 06 janv.24, 21:27Troisième voyage missionnaire de Paul
48 - La grande collecte
Depuis sa conversion à Damas, Paul voyage beaucoup et à cinq reprises il visite l’Église-mère de Jérusalem. Lors de la réunion avec Pierre, Jacques et Jean, au premier concile, il avait eu l'idée d'une grande collecte en faveur de cette Église pauvre. La proposition ne figurait pas parmi les conditions d'un accord de paix, mais à titre personnel, Paul s’y engage et à Éphèse, il décide de passer à l'action : la collecte se ferait dans les Églises d'Asie Mineure et de Grèce, pour venir en aide à l’Église de Jérusalem.
La collecte était une grande entreprise réalisée dans un but charitable, mais elle avait aussi un but «politique» : promouvoir l'unité de l'Église.
C’est un devoir pour les Églises plus fortunées d'aider cette Église-mère qui a peu de moyens. Paul croyait aussi que cette générosité favoriserait l'unité et atténuerait du même coup les disputes entre les païens convertis et les Judéo-chrétiens.
Au début du projet, les chrétiens de Corinthe étaient très enthousiastes, mais avec le temps leur ferveur s’est refroidie. Paul les encourage donc au partage :
«De même que vous excellez en tout, foi, parole, science, empressement de toute nature, charité que nous vous avons communiquée, il vous faut aussi exceller dans cette libéralité. Ce n’est pas un ordre que je donne; je veux seulement, par l’empressement des autres, éprouver la sincérité de votre charité. Vous connaissez en effet la libéralité Jésus Christ, qui pour vous s’est fait pauvre, de riche qu’il était, afin de vous enrichir par sa pauvreté. C’est un avis que je donne là-dessus; et c’est ce qui vous convient, à vous qui, dès l’an dernier, avez été les premiers non seulement à entreprendre cette oeuvre, mais encore à la vouloir. (2 Co 8, 7-10)
Cette lettre suffira-t-elle pour inciter les Corinthiens à la générosité? Tite est chargé d’en expliquer et d’en défendre le contenu.
En début de mars 58, l’hiver terminé, au cours d'une cérémonie religieuse en l'honneur d'Isis, la déesse égyptienne protectrice des mers, Rome annonce la reprise de la navigation et Paul prépare son départ pour Jérusalem. De là il compte se rendre à Rome. Il n'ignorait pas les risques qu'il courait en portant lui-même à Jérusalem le produit de la collecte réalisée avec tant de peine. Cependant, pour lui, l’unité des Églises importait avant tout. Certains représentants de tous les districts où il avait travaillé devaient le rejoindre en chemin.
C’est à ce moment que Luc mentionne le complot manigancé contre Paul :
«Un complot fomenté par les Juifs contre lui au moment où il allait s’embarquer pour la Syrie le décida à s’en retourner par la Macédoine» (Actes 20, 3).
À cause de ce changement de dernière heure, Paul a dû parcourir plus de sept cent kilomètres supplémentaires afin d’échapper à ses ennemis.
Comme le texte de plusieurs manuscrits le laisse entendre, Paul, accompagné de Luc, prit alors la voie de terre jusqu'en Macédoine, tandis que ses autres compagnons, pour dépister les adversaires, se rendirent à Troas en bateau. Là, plus tard, les deux groupes devaient se rencontrer. Le plan initial de célébrer la Pâque à Jérusalem était maintenant irréalisable et Paul décida de participer à la célébration dans la ville de Philippes, au milieu de ses amis. Le mardi après Pâques, il prit congé des Philippiens et trouva, dans le port de Néapolis, un bateau en partance pour Troas.
Après avoir traversé la mer Égée, il rejoint le groupe qui se trouvait déjà à Troas. Luc nous donne leurs noms : Sopatros, de Bérée; Aristarque et Secundus, de Thessalonique ; Gaïus, de Derbé; Timothée, Tychique, Trophime, de la province d'Asie. (Actes 20, 4-5) De toute évidence, ces compagnons de l’Apôtre transportent l’argent de la collecte en faveur de Jérusalem. Paul n'avait ni femme, ni enfant, il n'avait aucun lien de famille. Cependant, Dieu lui donna de nombreux amis. Peu de gens ont eu des adversaires aussi farouches, mais peu eurent des amis aussi dévoués et fidèles.
Luc mentionne que la halte à Troas a duré environ une semaine. Il sera témoin d'un incident qu'il n'oubliera pas :
«Le premier jour de la semaine, nous étions réunis pour rompre le pain; Paul, qui devait partir le lendemain, s’entretenait avec eux. Il prolongea son discours jusqu’au milieu de la nuit. Il y avait bon nombre de lampes dans la chambre haute où nous étions réunis. Un adolescent, du nom d’Eutyque, qui était assis sur le bord de la fenêtre, se laissa gagner par un profond sommeil, pendant que Paul discourait toujours. Entraîné par le sommeil, il tomba du troisième étage en bas. On le releva mort. Paul descendit, se pencha sur lui, le prit dans ses bras et dit : «Ne vous agitez donc pas : son âme est en lui.» Le jeune homme se remit sur ses pieds et Paul remonta, rompit le pain et mangea : longuement encore il parla, jusqu’au point du jour.» (Actes 20, 7-12)
Luc, on le voit, n'a rien perdu de ses qualités de chroniqueur. Il le fait avec délicatesse et avec une certaine ironie. Au 18e siècle, Jonathan Swift, auteur renommé des Voyages de Gulliver et doyen de l’église Saint-Patrick à Dublin, choisira comme thème d'un de ses sermons : «Du sommeil à l'église». Il basera son homélie sur cet accident de Troas pour démontrer que même le grand saint Paul endormait ses auditeurs.
De Troas, Luc accompagnera Paul pendant tout le voyage, jusqu’à Jérusalem. Grâce à ses connaissances médicales et nautiques, il sera un compagnon idéal. Nous retrouvons de nouveau dans les Actes des Apôtres le pronom «nous», et à partir de cet instant, l'itinéraire et les faits sont relatés sous la forme d'un journal, ce qui confère à la description un attrait incomparable.
48 - La grande collecte
Depuis sa conversion à Damas, Paul voyage beaucoup et à cinq reprises il visite l’Église-mère de Jérusalem. Lors de la réunion avec Pierre, Jacques et Jean, au premier concile, il avait eu l'idée d'une grande collecte en faveur de cette Église pauvre. La proposition ne figurait pas parmi les conditions d'un accord de paix, mais à titre personnel, Paul s’y engage et à Éphèse, il décide de passer à l'action : la collecte se ferait dans les Églises d'Asie Mineure et de Grèce, pour venir en aide à l’Église de Jérusalem.
La collecte était une grande entreprise réalisée dans un but charitable, mais elle avait aussi un but «politique» : promouvoir l'unité de l'Église.
C’est un devoir pour les Églises plus fortunées d'aider cette Église-mère qui a peu de moyens. Paul croyait aussi que cette générosité favoriserait l'unité et atténuerait du même coup les disputes entre les païens convertis et les Judéo-chrétiens.
Au début du projet, les chrétiens de Corinthe étaient très enthousiastes, mais avec le temps leur ferveur s’est refroidie. Paul les encourage donc au partage :
«De même que vous excellez en tout, foi, parole, science, empressement de toute nature, charité que nous vous avons communiquée, il vous faut aussi exceller dans cette libéralité. Ce n’est pas un ordre que je donne; je veux seulement, par l’empressement des autres, éprouver la sincérité de votre charité. Vous connaissez en effet la libéralité Jésus Christ, qui pour vous s’est fait pauvre, de riche qu’il était, afin de vous enrichir par sa pauvreté. C’est un avis que je donne là-dessus; et c’est ce qui vous convient, à vous qui, dès l’an dernier, avez été les premiers non seulement à entreprendre cette oeuvre, mais encore à la vouloir. (2 Co 8, 7-10)
Cette lettre suffira-t-elle pour inciter les Corinthiens à la générosité? Tite est chargé d’en expliquer et d’en défendre le contenu.
En début de mars 58, l’hiver terminé, au cours d'une cérémonie religieuse en l'honneur d'Isis, la déesse égyptienne protectrice des mers, Rome annonce la reprise de la navigation et Paul prépare son départ pour Jérusalem. De là il compte se rendre à Rome. Il n'ignorait pas les risques qu'il courait en portant lui-même à Jérusalem le produit de la collecte réalisée avec tant de peine. Cependant, pour lui, l’unité des Églises importait avant tout. Certains représentants de tous les districts où il avait travaillé devaient le rejoindre en chemin.
C’est à ce moment que Luc mentionne le complot manigancé contre Paul :
«Un complot fomenté par les Juifs contre lui au moment où il allait s’embarquer pour la Syrie le décida à s’en retourner par la Macédoine» (Actes 20, 3).
À cause de ce changement de dernière heure, Paul a dû parcourir plus de sept cent kilomètres supplémentaires afin d’échapper à ses ennemis.
Comme le texte de plusieurs manuscrits le laisse entendre, Paul, accompagné de Luc, prit alors la voie de terre jusqu'en Macédoine, tandis que ses autres compagnons, pour dépister les adversaires, se rendirent à Troas en bateau. Là, plus tard, les deux groupes devaient se rencontrer. Le plan initial de célébrer la Pâque à Jérusalem était maintenant irréalisable et Paul décida de participer à la célébration dans la ville de Philippes, au milieu de ses amis. Le mardi après Pâques, il prit congé des Philippiens et trouva, dans le port de Néapolis, un bateau en partance pour Troas.
Après avoir traversé la mer Égée, il rejoint le groupe qui se trouvait déjà à Troas. Luc nous donne leurs noms : Sopatros, de Bérée; Aristarque et Secundus, de Thessalonique ; Gaïus, de Derbé; Timothée, Tychique, Trophime, de la province d'Asie. (Actes 20, 4-5) De toute évidence, ces compagnons de l’Apôtre transportent l’argent de la collecte en faveur de Jérusalem. Paul n'avait ni femme, ni enfant, il n'avait aucun lien de famille. Cependant, Dieu lui donna de nombreux amis. Peu de gens ont eu des adversaires aussi farouches, mais peu eurent des amis aussi dévoués et fidèles.
Luc mentionne que la halte à Troas a duré environ une semaine. Il sera témoin d'un incident qu'il n'oubliera pas :
«Le premier jour de la semaine, nous étions réunis pour rompre le pain; Paul, qui devait partir le lendemain, s’entretenait avec eux. Il prolongea son discours jusqu’au milieu de la nuit. Il y avait bon nombre de lampes dans la chambre haute où nous étions réunis. Un adolescent, du nom d’Eutyque, qui était assis sur le bord de la fenêtre, se laissa gagner par un profond sommeil, pendant que Paul discourait toujours. Entraîné par le sommeil, il tomba du troisième étage en bas. On le releva mort. Paul descendit, se pencha sur lui, le prit dans ses bras et dit : «Ne vous agitez donc pas : son âme est en lui.» Le jeune homme se remit sur ses pieds et Paul remonta, rompit le pain et mangea : longuement encore il parla, jusqu’au point du jour.» (Actes 20, 7-12)
Luc, on le voit, n'a rien perdu de ses qualités de chroniqueur. Il le fait avec délicatesse et avec une certaine ironie. Au 18e siècle, Jonathan Swift, auteur renommé des Voyages de Gulliver et doyen de l’église Saint-Patrick à Dublin, choisira comme thème d'un de ses sermons : «Du sommeil à l'église». Il basera son homélie sur cet accident de Troas pour démontrer que même le grand saint Paul endormait ses auditeurs.
De Troas, Luc accompagnera Paul pendant tout le voyage, jusqu’à Jérusalem. Grâce à ses connaissances médicales et nautiques, il sera un compagnon idéal. Nous retrouvons de nouveau dans les Actes des Apôtres le pronom «nous», et à partir de cet instant, l'itinéraire et les faits sont relatés sous la forme d'un journal, ce qui confère à la description un attrait incomparable.
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Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 06 janv.24, 21:32Il ne faut surtout pas noter que la biographie de Paul selon les Actes n'est pas celle que donnent les épîtres.
Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 09 janv.24, 00:0449 - Le dernier voyage à Jérusalem
Saint Paul, par El Greco
Avant de retourner à Jérusalem, Paul admet qu'il redoute les dangers de cette visite : "Je vous le demande, frères, par notre Seigneur Jésus Christ et par la charité de l'Esprit, luttez avec moi dans les prières que vous adressez à Dieu pour moi, afin que j'échappe aux incrédules de Judée et que le secours que j'apporte à Jérusalem soit bien accueilli par les sains. Et qu'ainsi venant à vous (à Rome) dans la joie, Dieu veuille me faire goûter avec vous quelque repos. (Romains 15, 30-33)
Plus Paul approche de Jérusalem et plus son angoisse grandit. Les Juifs et les Judéo-chrétiens le haïssent, et ils sont tout-puissants dans la ville sainte.
À Assos, sur la côte nord du golfe d'Edremit, Paul et ses compagnons se partagent la collecte. L’historien Flavius Josèphe mentionne les règles à suivre lorsqu’on transporte des sommes d’argent importantes : on réduit les différentes monnaies en or que l'on répartit entre les porteurs. Les pièces sont alors cousues dans les vêtements de chacun.
Grâce au récit des Actes des Apôtres, nous connaissons les étapes du voyage de Paul et de ses compagnons : d'Assos, le bateau se dirige sur Mytilène, port de la grande île de Lesbos, d'où il gagne l'île de Chio, patrie d'Homère. Une étape à Samos, une escale à Trogyllion et l'on arrive à Milet. Ce sera la dernière escale de Paul en terre d’Asie.
À Milet, située à quelques kilomètres d’Éphèse où il a passé trois ans de sa vie, Paul décide de ne pas se rendre dans la ville : «il était décidé à éviter l'escale d'Éphèse pour ne pas perdre de temps en Asie», écrit Luc. (Actes 20, 16) La vérité est qu’il a peur d’être agressé à Éphèse. Il souhaite quand même rencontrer certains de ses fidèles et leur demande de le rejoindre à Milet. Luc s'applique à reconstituer ses propos adressés à ceux et celles qui viennent le rencontrer. Les anciens de la communauté se rendent au port de Milet pour voir leur apôtre une dernière fois. La scène des adieux est l’un des tableaux les plus émouvants du journal de Luc :
«Et maintenant voici qu’enchaîné par l’Esprit je me rends à Jérusalem, sans savoir ce qui m’y adviendra, sinon que, de ville en ville, l’Esprit Saint m’avertit que chaînes et tribulations m’attendent. Mais je n’attache aucun prix à ma propre vie, pourvu que je mène à bonne fin ma course et le ministère que j’ai reçu du Seigneur Jésus : rendre témoignage à l’Évangile de la grâce de Dieu.
«Et maintenant voici que, je le sais, vous ne reverrez plus mon visage, vous tous au milieu de qui j’ai passé en proclamant le Royaume. C’est pourquoi je l’atteste aujourd’hui devant vous : je suis pur du sang de tous. Car je ne me suis pas dérobé quand il fallait vous annoncer toute la volonté de Dieu. Soyez attentifs à vous-mêmes, et à tout le troupeau dont l’Esprit Saint vous a établis gardiens pour paître l’Église de Dieu, qu’il s’est acquise par le sang de son propre fils.
«Je sais moi, qu’après mon départ il s’introduira parmi vous des loups redoutables qui ne ménageront pas le troupeau, et que du milieu même de vous se lèveront des hommes tenant des discours pervers dans le but d’entraîner les disciples à leur suite. C’est pourquoi soyez vigilants, vous souvenant que, trois années durant, nuit et jour, je n’ai cessé de reprendre avec larmes chacun d’entre vous. Et maintenant, à présent je vous confie à Dieu et à la parole de sa grâce, qui a le pouvoir de bâtir l’édifice et de procurer l’héritage parmi tous les sanctifiés.
«Argent, or, vêtements, je n’en ai convoité de personne : vous savez vous-mêmes qu’à mes besoins et à ceux de mes compagnons ont pourvu les mains que voilà. De toutes manières je vous l’ai montré : c’est en peinant ainsi qu’il faut venir en aide aux faibles et se souvenir des paroles du Seigneur Jésus, qui a dit lui-même : il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir.
Intense est l'émotion:
«À ces mots, se mettant à genoux, avec eux tous il pria. Tous alors éclatèrent en sanglots, et, se jetant au cou de Paul, ils l’embrassaient, affligés surtout de la parole qu’il avait dite : qu’ils ne devaient plus revoir son visage. Puis ils l’accompagnèrent jusqu’au bateau.» (Actes 20, 22-38)
Paul et ses compagnons s’embarquent et les vents sont favorables jusqu'à Cos. Le lendemain on atteint Rhodes et, le troisième jour, Patara. Comme le bateau sur lequel ils voyagent poursuit sa route vers une autre destination, ils continuent sur un bateau marchand qui se rend à Tyr où ils débarquent après six ou sept jours de navigation. Une Église chrétienne y existe déjà et elle exprime, en accueillant Paul, une inquiétude sur son sort.
À chaque étape on voudrait l'empêcher de monter à Jérusalem mais toujours
en vain.
Chacun tente de le convaincre à ne pas se rendre à Jérusalem. Au bout d’une semaine, il prend congé à bord d’une embarcation qui se dirige vers Ptolémaïs, là où au 12e siècle s'élèvera la forteresse de Saint-Jean-d'Acre des croisés. De là, Paul et les siens repartent pour Césarée, une marche de deux jours (cinquante-cinq kilomètres). Pendant environ une semaine, ils séjournent chez Philippe, l'un des sept diacres.
Poussé par l'Esprit, le prophète Agabus, que Paul a bien connu à Antioche, descend de Jérusalem pour l'empêcher de continuer son voyage :
«Comme nous passions plusieurs jours à Césarée, un prophète du nom d’Agabus descendit de Judée. Il vint nous trouver et, prenant la ceinture de Paul, il s’en lia les pieds et les mains en disant : «Voici ce que dit l’Esprit Saint : L’homme auquel appartient cette ceinture, les Juifs le lieront comme ceci à Jérusalem, et ils le livreront aux mains des païens.»
À ces paroles, les compagnons de Paul et les chrétiens de l’endroit se mirent à le supplier de ne pas monter à Jérusalem. Alors il répondit :
«Qu’avez-vous à pleurer et à me briser le coeur? Je suis prêt, moi, non seulement à me laisser lier, mais encore à mourir à Jérusalem pour le nom du Seigneur Jésus.»
Comme il n’y avait pas moyen de le persuader, nous avons cessé nos instances en disant : «Que la volonté du Seigneur se fasse!» (Actes 21,10-14).
Dans le récit des Actes, tout le trajet de Milet à Jérusalem tient à la fois d’une procession triomphale et d’un cortège de deuil. Partout les Églises accueillent Paul avec chaleur, dans une atmosphère de fête mêlée d'inquiétude. À chaque étape on voudrait l'empêcher de monter à Jérusalem mais toujours en vain.
La caravane entama la dernière étape du voyage. Quelques disciples de Césarée l'accompagnèrent jusqu'à la ville sainte. Paul trouva un refuge dans la maison d'un ancien disciple du Seigneur nommé Mnason. L'Église officielle de Jérusalem n'a pas offert l'hospitalité au plus grand de ses Apôtres.
Saint Paul, par El Greco
Avant de retourner à Jérusalem, Paul admet qu'il redoute les dangers de cette visite : "Je vous le demande, frères, par notre Seigneur Jésus Christ et par la charité de l'Esprit, luttez avec moi dans les prières que vous adressez à Dieu pour moi, afin que j'échappe aux incrédules de Judée et que le secours que j'apporte à Jérusalem soit bien accueilli par les sains. Et qu'ainsi venant à vous (à Rome) dans la joie, Dieu veuille me faire goûter avec vous quelque repos. (Romains 15, 30-33)
Plus Paul approche de Jérusalem et plus son angoisse grandit. Les Juifs et les Judéo-chrétiens le haïssent, et ils sont tout-puissants dans la ville sainte.
À Assos, sur la côte nord du golfe d'Edremit, Paul et ses compagnons se partagent la collecte. L’historien Flavius Josèphe mentionne les règles à suivre lorsqu’on transporte des sommes d’argent importantes : on réduit les différentes monnaies en or que l'on répartit entre les porteurs. Les pièces sont alors cousues dans les vêtements de chacun.
Grâce au récit des Actes des Apôtres, nous connaissons les étapes du voyage de Paul et de ses compagnons : d'Assos, le bateau se dirige sur Mytilène, port de la grande île de Lesbos, d'où il gagne l'île de Chio, patrie d'Homère. Une étape à Samos, une escale à Trogyllion et l'on arrive à Milet. Ce sera la dernière escale de Paul en terre d’Asie.
À Milet, située à quelques kilomètres d’Éphèse où il a passé trois ans de sa vie, Paul décide de ne pas se rendre dans la ville : «il était décidé à éviter l'escale d'Éphèse pour ne pas perdre de temps en Asie», écrit Luc. (Actes 20, 16) La vérité est qu’il a peur d’être agressé à Éphèse. Il souhaite quand même rencontrer certains de ses fidèles et leur demande de le rejoindre à Milet. Luc s'applique à reconstituer ses propos adressés à ceux et celles qui viennent le rencontrer. Les anciens de la communauté se rendent au port de Milet pour voir leur apôtre une dernière fois. La scène des adieux est l’un des tableaux les plus émouvants du journal de Luc :
«Et maintenant voici qu’enchaîné par l’Esprit je me rends à Jérusalem, sans savoir ce qui m’y adviendra, sinon que, de ville en ville, l’Esprit Saint m’avertit que chaînes et tribulations m’attendent. Mais je n’attache aucun prix à ma propre vie, pourvu que je mène à bonne fin ma course et le ministère que j’ai reçu du Seigneur Jésus : rendre témoignage à l’Évangile de la grâce de Dieu.
«Et maintenant voici que, je le sais, vous ne reverrez plus mon visage, vous tous au milieu de qui j’ai passé en proclamant le Royaume. C’est pourquoi je l’atteste aujourd’hui devant vous : je suis pur du sang de tous. Car je ne me suis pas dérobé quand il fallait vous annoncer toute la volonté de Dieu. Soyez attentifs à vous-mêmes, et à tout le troupeau dont l’Esprit Saint vous a établis gardiens pour paître l’Église de Dieu, qu’il s’est acquise par le sang de son propre fils.
«Je sais moi, qu’après mon départ il s’introduira parmi vous des loups redoutables qui ne ménageront pas le troupeau, et que du milieu même de vous se lèveront des hommes tenant des discours pervers dans le but d’entraîner les disciples à leur suite. C’est pourquoi soyez vigilants, vous souvenant que, trois années durant, nuit et jour, je n’ai cessé de reprendre avec larmes chacun d’entre vous. Et maintenant, à présent je vous confie à Dieu et à la parole de sa grâce, qui a le pouvoir de bâtir l’édifice et de procurer l’héritage parmi tous les sanctifiés.
«Argent, or, vêtements, je n’en ai convoité de personne : vous savez vous-mêmes qu’à mes besoins et à ceux de mes compagnons ont pourvu les mains que voilà. De toutes manières je vous l’ai montré : c’est en peinant ainsi qu’il faut venir en aide aux faibles et se souvenir des paroles du Seigneur Jésus, qui a dit lui-même : il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir.
Intense est l'émotion:
«À ces mots, se mettant à genoux, avec eux tous il pria. Tous alors éclatèrent en sanglots, et, se jetant au cou de Paul, ils l’embrassaient, affligés surtout de la parole qu’il avait dite : qu’ils ne devaient plus revoir son visage. Puis ils l’accompagnèrent jusqu’au bateau.» (Actes 20, 22-38)
Paul et ses compagnons s’embarquent et les vents sont favorables jusqu'à Cos. Le lendemain on atteint Rhodes et, le troisième jour, Patara. Comme le bateau sur lequel ils voyagent poursuit sa route vers une autre destination, ils continuent sur un bateau marchand qui se rend à Tyr où ils débarquent après six ou sept jours de navigation. Une Église chrétienne y existe déjà et elle exprime, en accueillant Paul, une inquiétude sur son sort.
À chaque étape on voudrait l'empêcher de monter à Jérusalem mais toujours
en vain.
Chacun tente de le convaincre à ne pas se rendre à Jérusalem. Au bout d’une semaine, il prend congé à bord d’une embarcation qui se dirige vers Ptolémaïs, là où au 12e siècle s'élèvera la forteresse de Saint-Jean-d'Acre des croisés. De là, Paul et les siens repartent pour Césarée, une marche de deux jours (cinquante-cinq kilomètres). Pendant environ une semaine, ils séjournent chez Philippe, l'un des sept diacres.
Poussé par l'Esprit, le prophète Agabus, que Paul a bien connu à Antioche, descend de Jérusalem pour l'empêcher de continuer son voyage :
«Comme nous passions plusieurs jours à Césarée, un prophète du nom d’Agabus descendit de Judée. Il vint nous trouver et, prenant la ceinture de Paul, il s’en lia les pieds et les mains en disant : «Voici ce que dit l’Esprit Saint : L’homme auquel appartient cette ceinture, les Juifs le lieront comme ceci à Jérusalem, et ils le livreront aux mains des païens.»
À ces paroles, les compagnons de Paul et les chrétiens de l’endroit se mirent à le supplier de ne pas monter à Jérusalem. Alors il répondit :
«Qu’avez-vous à pleurer et à me briser le coeur? Je suis prêt, moi, non seulement à me laisser lier, mais encore à mourir à Jérusalem pour le nom du Seigneur Jésus.»
Comme il n’y avait pas moyen de le persuader, nous avons cessé nos instances en disant : «Que la volonté du Seigneur se fasse!» (Actes 21,10-14).
Dans le récit des Actes, tout le trajet de Milet à Jérusalem tient à la fois d’une procession triomphale et d’un cortège de deuil. Partout les Églises accueillent Paul avec chaleur, dans une atmosphère de fête mêlée d'inquiétude. À chaque étape on voudrait l'empêcher de monter à Jérusalem mais toujours en vain.
La caravane entama la dernière étape du voyage. Quelques disciples de Césarée l'accompagnèrent jusqu'à la ville sainte. Paul trouva un refuge dans la maison d'un ancien disciple du Seigneur nommé Mnason. L'Église officielle de Jérusalem n'a pas offert l'hospitalité au plus grand de ses Apôtres.
Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 03 févr.24, 12:29Troisième voyage missionnaire de Paul
50- Le conseil fatal
Comme il l'avait prévu, Paul trouve à Jérusalem un climat froid et hostile. La garde romaine doit même intervenir pour le soustraire à la colère des zélotes.
Paul et ses compagnons sont probablement arrivés à Jérusalem un peu avant la Pentecôte de l'an 57. Ils apportent les offrandes des frères de Galatie, de Macédoine et de Grèce aux chrétiens de l'Église mère.
La réception de Paul à Jérusalem semble avoir été froide et peu fraternelle. A cette occasion, Luc ne mentionne même pas le nom de la Ville Sainte et il dit simplement : «Il monta et salua la communauté.» Cette Église semblait s'isoler toujours davantage. À Jérusalem, Paul loge chez Mnason, un helléniste venu de Chypre, plutôt que chez les judéo-chrétiens. C’est un fait significatif pour Luc qui parait un peu embarrassé. Il ne mentionne même pas la remise de la collecte. Le climat n’est pas propice à Paul et à son entourage.
C’est la cinquième et dernière fois que l’Apôtre se trouve à Jérusalem depuis sa conversion.
Les zélotes et les terroristes juifs sont maîtres de la rue. Jacques est devenu vieux et n'a plus la force de s'imposer aux convertis du parti pharisien. Dans sa lettre aux Corinthiens, Clément de Rome prétend que «l'envie» fut responsable des malheurs de Paul. Il faut donc croire que Paul ait été victime d'une collaboration entre les Juifs et les Judéo-chrétiens. Les chefs de la communauté chrétienne furent certainement corrects vis-à-vis de Paul, mais ils se trouvèrent paralysés dans leur action par les ennemis de Paul qui détruisaient, dans les Églises, sa réputation.
Les Actes des Apôtres nous racontent les épisodes importants de cette visite à Jérusalem : l’arrivée dans la ville, la rencontre avec les dirigeants de l’Église, les sept jours dans le Temple, l'arrestation par les soldats romains, la comparution devant le Sanhédrin, la tentative d'assassinat, le procès à Césarée, les deux années d’emprisonnement et l'appel à César.
Selon Luc, la rencontre de Paul avec les dirigeants de l’Église de Jérusalem fut brève et décevante. En résumé, ils lui proposèrent ceci :
«Tu vois, frère, combien des milliers de Juifs ont embrassé la foi, et ils sont tous de zélés partisans de la Loi. Or, à ton sujet ils ont entendu dire que, dans ton enseignement, tu pousses les Juifs qui vivent au milieu des païens à la défection vis-à-vis de Moïse, leur disant de ne plus circoncire leurs enfants et de ne plus suivre les coutumes. Que faire donc? Assurément la multitude ne manquera pas de se rassembler, car on apprendra ton arrivée. Fais donc ce que nous allons te dire. Nous avons ici quatre hommes qui sont tenus par un voeu. Emmène-les, joins-toi è eux pour la purification et charge-toi des frais pour qu’ils puissent se faire raser la tête. Ainsi tout le monde saura qu’il n’y a rien de vrai dans ce qu’ils ont entendu dire à ton sujet, mais que tu te conduis toi aussi en observateur de la Loi.» (Actes 21,20-24).
Paul devait donc se réhabiliter en professant, pour ainsi dire publiquement, son appartenance au judaïsme traditionnel ! Il devrait passer sept jours dans le temple, avec des gens qu’il ne connaissait pas, et payer les frais importants reliés à cette purification : pour cinq naziréens, il fallait sacrifier quinze brebis, autant de corbeilles de pain, de gâteaux et de tourteaux, et plusieurs de jarres de vin; à cela venaient s'ajouter les frais de subsistance pendant sept jours. On se souvient que lors de son dernier voyage, Paul avait fait un tel voeu de Naziréat, mais de sa propre initiative. A présent, on l'obligeait à une pénitence publique. Selon les dirigeants, il pourrait ainsi se justifier vis-à-vis les Juifs, mais Paul savait que cette manoeuvre risquait d’être très mal comprise par les chrétiens venus du paganisme.
Paul accepta à contre-coeur la proposition des chefs de l’Église, mais comme le constatera Renan :
«Jamais peut-être, dans sa vie d'apôtre, il ne fit un sacrifice plus considérable à son oeuvre ... Durant ces jours d'humiliation, où, par une faiblesse voulue, il accomplissait avec des gens en haillons un acte de dévotion surannée, il était plus grand que quand il déployait à Corinthe ou à Thessalonique la force et l'indépendance de son génie. »
On accuse Paul d'avoir profané le temple
Les deux parties du Temple. Permettre à un païen de pénétrer dans l'enceinte sacrée au centre c'était la profaner.
Les soldats de Lysias doivent intervenir pour délivrer Paul des griffes des zélotes.
Paul demande à parler à la foule. Il tente en vain de se justifier.
Vers la fin des sept jours au Temple, des juifs d'Asie reconnaissent Paul. La colère les soulève. Ils se saisissent de lui, ameutent la foule :
«Hommes d’Israël, au secours ! Le voici l’individu qui prêche à tous et partout contre notre peuple, contre la Loi et contre ce lieu! Et voilà encore qu’il a introduit des Grecs dans le Temple et profané de lieu saint.». (Actes 21, 28)
Le Temple de Jérusalem était composé de deux parties distinctes : le parvis des gentils où chacun pouvait se rendre et l'enceinte sacrée où seuls les juifs avaient accès. Celle-ci était entourée d’un mur bas composé de pierres qui marquait la limite à ne pas franchir si l'on n'était pas juif. À plusieurs endroits on pouvait lire, en grec et en latin, cet interdit : «Défense à tout étranger de franchir la barrière et de pénétrer dans l'enceinte du sanctuaire. Quiconque aura été pris sera lui-même responsable de la mort qui s'ensuivra.» Voilà qui est catégorique. Paul est non seulement accusé de trahison envers sa religion mais - plus grave encore - d'avoir violé délibérément l'enceinte sacrée en y introduisant des païens. Il est impossible que Paul ait pu commettre une telle provocation. Pour lui le Temple reste un lieu sacré. Mais peut-être a-t-il conduit un compagnon trop près du muret et ses ennemis ont saisi l’occasion pour l’accuser.
De la forteresse, près du mur d’enceinte, les sentinelles romaines ont observé l'incident. Le tribun Lysias se précipite avec ses soldats au bas de l'escalier. Il délivre Paul, et le fait conduire à la citadelle. Le peuple suivait en criant : «À mort !» Pendant tout ce temps, Paul a gardé sa présence d'esprit. Il reste maître de la situation : «Je suis Juif de Tarse en Cilicie, et citoyen d'une ville qui n'est pas sans renom. Je t'en prie; permets-moi de parler au peuple» (Actes 21, 39), demande-t-il au tribun. Question étrange de la part d'un homme qui vient de risquer sa vie. Mais Lysias permet au prisonnier de parler à la foule. Le bruit s'apaise et Paul s’adresse à eux en araméen. Il essaye de démontrer qu’il n’est pas contre le Peuple, la Loi et le Temple, mais son discours ne réussit pas à calmer les cris de haine de la foule.
Pour apaiser quelque peu la passion populaire, l'officier donne alors l’ordre au centurion de mettre Paul «à la question», afin de connaître les raisons de la fureur populaire. L'instrument de supplice était le fouet (flagellum) muni de pointes et de balles de plomb. Paul fut déshabillé, étendu sur le chevalet, et attaché par les poignets et les chevilles. Lorsque le centurion s'approcha pour surveiller l'opération, Paul lui demanda avec calme : «Est-il légal de flageller un citoyen romain, et cela sans jugement.» Les représentants de Rome, avaient un grand respect de celui qui portait le titre de citoyen romain. «Civis Romanus sum», cette parole opérait des miracles! Le centurion se précipita chez le tribun. «Dis-moi, demande ce dernier, tu es citoyen romain? - Certainement» répondit Paul. Le faux usage de ce titre était puni de mort. Personne n'osait donc en abuser. Lysias jeta un regard interrogateur sur Paul : «Moi, j'ai acheté bien cher ce droit de cité.» Paul répliqua : «Et moi, je l'ai de naissance.» Lysias commença à se sentir mal à l'aise. Le droit pénal romain interdisait la question par le fouet au début d'une procédure. On détacha Paul, et on le conduisit dans la forteresse.
50- Le conseil fatal
Comme il l'avait prévu, Paul trouve à Jérusalem un climat froid et hostile. La garde romaine doit même intervenir pour le soustraire à la colère des zélotes.
Paul et ses compagnons sont probablement arrivés à Jérusalem un peu avant la Pentecôte de l'an 57. Ils apportent les offrandes des frères de Galatie, de Macédoine et de Grèce aux chrétiens de l'Église mère.
La réception de Paul à Jérusalem semble avoir été froide et peu fraternelle. A cette occasion, Luc ne mentionne même pas le nom de la Ville Sainte et il dit simplement : «Il monta et salua la communauté.» Cette Église semblait s'isoler toujours davantage. À Jérusalem, Paul loge chez Mnason, un helléniste venu de Chypre, plutôt que chez les judéo-chrétiens. C’est un fait significatif pour Luc qui parait un peu embarrassé. Il ne mentionne même pas la remise de la collecte. Le climat n’est pas propice à Paul et à son entourage.
C’est la cinquième et dernière fois que l’Apôtre se trouve à Jérusalem depuis sa conversion.
Les zélotes et les terroristes juifs sont maîtres de la rue. Jacques est devenu vieux et n'a plus la force de s'imposer aux convertis du parti pharisien. Dans sa lettre aux Corinthiens, Clément de Rome prétend que «l'envie» fut responsable des malheurs de Paul. Il faut donc croire que Paul ait été victime d'une collaboration entre les Juifs et les Judéo-chrétiens. Les chefs de la communauté chrétienne furent certainement corrects vis-à-vis de Paul, mais ils se trouvèrent paralysés dans leur action par les ennemis de Paul qui détruisaient, dans les Églises, sa réputation.
Les Actes des Apôtres nous racontent les épisodes importants de cette visite à Jérusalem : l’arrivée dans la ville, la rencontre avec les dirigeants de l’Église, les sept jours dans le Temple, l'arrestation par les soldats romains, la comparution devant le Sanhédrin, la tentative d'assassinat, le procès à Césarée, les deux années d’emprisonnement et l'appel à César.
Selon Luc, la rencontre de Paul avec les dirigeants de l’Église de Jérusalem fut brève et décevante. En résumé, ils lui proposèrent ceci :
«Tu vois, frère, combien des milliers de Juifs ont embrassé la foi, et ils sont tous de zélés partisans de la Loi. Or, à ton sujet ils ont entendu dire que, dans ton enseignement, tu pousses les Juifs qui vivent au milieu des païens à la défection vis-à-vis de Moïse, leur disant de ne plus circoncire leurs enfants et de ne plus suivre les coutumes. Que faire donc? Assurément la multitude ne manquera pas de se rassembler, car on apprendra ton arrivée. Fais donc ce que nous allons te dire. Nous avons ici quatre hommes qui sont tenus par un voeu. Emmène-les, joins-toi è eux pour la purification et charge-toi des frais pour qu’ils puissent se faire raser la tête. Ainsi tout le monde saura qu’il n’y a rien de vrai dans ce qu’ils ont entendu dire à ton sujet, mais que tu te conduis toi aussi en observateur de la Loi.» (Actes 21,20-24).
Paul devait donc se réhabiliter en professant, pour ainsi dire publiquement, son appartenance au judaïsme traditionnel ! Il devrait passer sept jours dans le temple, avec des gens qu’il ne connaissait pas, et payer les frais importants reliés à cette purification : pour cinq naziréens, il fallait sacrifier quinze brebis, autant de corbeilles de pain, de gâteaux et de tourteaux, et plusieurs de jarres de vin; à cela venaient s'ajouter les frais de subsistance pendant sept jours. On se souvient que lors de son dernier voyage, Paul avait fait un tel voeu de Naziréat, mais de sa propre initiative. A présent, on l'obligeait à une pénitence publique. Selon les dirigeants, il pourrait ainsi se justifier vis-à-vis les Juifs, mais Paul savait que cette manoeuvre risquait d’être très mal comprise par les chrétiens venus du paganisme.
Paul accepta à contre-coeur la proposition des chefs de l’Église, mais comme le constatera Renan :
«Jamais peut-être, dans sa vie d'apôtre, il ne fit un sacrifice plus considérable à son oeuvre ... Durant ces jours d'humiliation, où, par une faiblesse voulue, il accomplissait avec des gens en haillons un acte de dévotion surannée, il était plus grand que quand il déployait à Corinthe ou à Thessalonique la force et l'indépendance de son génie. »
On accuse Paul d'avoir profané le temple
Les deux parties du Temple. Permettre à un païen de pénétrer dans l'enceinte sacrée au centre c'était la profaner.
Les soldats de Lysias doivent intervenir pour délivrer Paul des griffes des zélotes.
Paul demande à parler à la foule. Il tente en vain de se justifier.
Vers la fin des sept jours au Temple, des juifs d'Asie reconnaissent Paul. La colère les soulève. Ils se saisissent de lui, ameutent la foule :
«Hommes d’Israël, au secours ! Le voici l’individu qui prêche à tous et partout contre notre peuple, contre la Loi et contre ce lieu! Et voilà encore qu’il a introduit des Grecs dans le Temple et profané de lieu saint.». (Actes 21, 28)
Le Temple de Jérusalem était composé de deux parties distinctes : le parvis des gentils où chacun pouvait se rendre et l'enceinte sacrée où seuls les juifs avaient accès. Celle-ci était entourée d’un mur bas composé de pierres qui marquait la limite à ne pas franchir si l'on n'était pas juif. À plusieurs endroits on pouvait lire, en grec et en latin, cet interdit : «Défense à tout étranger de franchir la barrière et de pénétrer dans l'enceinte du sanctuaire. Quiconque aura été pris sera lui-même responsable de la mort qui s'ensuivra.» Voilà qui est catégorique. Paul est non seulement accusé de trahison envers sa religion mais - plus grave encore - d'avoir violé délibérément l'enceinte sacrée en y introduisant des païens. Il est impossible que Paul ait pu commettre une telle provocation. Pour lui le Temple reste un lieu sacré. Mais peut-être a-t-il conduit un compagnon trop près du muret et ses ennemis ont saisi l’occasion pour l’accuser.
De la forteresse, près du mur d’enceinte, les sentinelles romaines ont observé l'incident. Le tribun Lysias se précipite avec ses soldats au bas de l'escalier. Il délivre Paul, et le fait conduire à la citadelle. Le peuple suivait en criant : «À mort !» Pendant tout ce temps, Paul a gardé sa présence d'esprit. Il reste maître de la situation : «Je suis Juif de Tarse en Cilicie, et citoyen d'une ville qui n'est pas sans renom. Je t'en prie; permets-moi de parler au peuple» (Actes 21, 39), demande-t-il au tribun. Question étrange de la part d'un homme qui vient de risquer sa vie. Mais Lysias permet au prisonnier de parler à la foule. Le bruit s'apaise et Paul s’adresse à eux en araméen. Il essaye de démontrer qu’il n’est pas contre le Peuple, la Loi et le Temple, mais son discours ne réussit pas à calmer les cris de haine de la foule.
Pour apaiser quelque peu la passion populaire, l'officier donne alors l’ordre au centurion de mettre Paul «à la question», afin de connaître les raisons de la fureur populaire. L'instrument de supplice était le fouet (flagellum) muni de pointes et de balles de plomb. Paul fut déshabillé, étendu sur le chevalet, et attaché par les poignets et les chevilles. Lorsque le centurion s'approcha pour surveiller l'opération, Paul lui demanda avec calme : «Est-il légal de flageller un citoyen romain, et cela sans jugement.» Les représentants de Rome, avaient un grand respect de celui qui portait le titre de citoyen romain. «Civis Romanus sum», cette parole opérait des miracles! Le centurion se précipita chez le tribun. «Dis-moi, demande ce dernier, tu es citoyen romain? - Certainement» répondit Paul. Le faux usage de ce titre était puni de mort. Personne n'osait donc en abuser. Lysias jeta un regard interrogateur sur Paul : «Moi, j'ai acheté bien cher ce droit de cité.» Paul répliqua : «Et moi, je l'ai de naissance.» Lysias commença à se sentir mal à l'aise. Le droit pénal romain interdisait la question par le fouet au début d'une procédure. On détacha Paul, et on le conduisit dans la forteresse.
Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 21 févr.24, 23:0951. Paul devant le Sanhédrin
Le lendemain de l’arrestation de Paul, le tribun Lysias voulut savoir de quoi les Juifs accusaient le prisonnier et il le fit comparaître devant le Sanhédrin. Au début de la rencontre, oublieux de sa dignité et du respect qu’il devait avoir envers l'accusé, «le grand prêtre Ananie ordonna à ses assistants de le frapper sur la bouche». (Actes 23, 2) C’était l’insulte suprême. Paul, qui avait le sang bouillant, cria à Ananie : «C’est Dieu qui te frappera, toi, muraille blanchie. Eh quoi! Tu sièges pour me juger d’après la Loi, et, au mépris de la Loi, tu ordonnes de me frapper!». (Actes 23, 3) Les pharisiens qui avaient perdu tout sens moral approuvèrent l'acte du grand-prêtre, et considérèrent la leçon de Paul comme un sacrilège. L'image de «muraille blanchie» caractérisait bien ce Grand-Prêtre, ce personnage en pleine déchéance, qui essayait de simuler la vertu, l'honnêteté et la droiture, alors qu'intérieurement il était pervers et pourri.
Le sanhédrin
Face au Sanhédrin composée de pharisiens et de sadducéens, dans une intuition subite, Paul utilisa l'avantage que lui offrait la situation, et souleva le problème de la résurrection. Il lança alors cette simple phrase : «Frères, c'est à cause de l'espérance en la résurrection des morts que je suis mis en jugement.» Les Sadducéens éclatèrent de rire et les Pharisiens qui croyaient à la résurrection commencèrent à se disputer avec les Sadducéens. Toute la procédure dégénéra en une dispute théologique, et les deux partis en vinrent aux mains. Certains rabbins respectables se déclarèrent même ouvertement en faveur de Paul. Lysias, le représentant de Rome, qui ne comprenait rien à ce débat théologique et avait peur pour la vie de son prisonnier, appela la garde, et le fit conduire en lieu sûr. «C'est à peine si je l'ai pu arracher de force à leurs mains», écrit-il à ce propos dans sa lettre au gouverneur Félix (manuscrit de Bèze).
Ayant perdu confiance en la justice juive, Paul décide de s'en remettre à la loi et à la puissance de Rome
La situation de Paul était très délicate. Seule, la force militaire des Romains pouvait encore le sauver. Il s'aperçut qu'en raison de la partialité du tribunal, la justice était impossible. C'est alors qu'il prit la résolution de s’en remettre à la justice romaine. Jusqu'à présent, il s'était toujours considéré comme un membre de droit de la race juive, et il s'était soumis à plusieurs reprises à la juridiction juive. Maintenant, voyant qu’il était impossible d’être jugé équitablement chez les Juifs, il va se détacher définitivement de son peuple, politiquement et juridiquement, et il va se soumettre à la loi et à la puissance de Rome.
Le lendemain de la réunion du Sanhédrin, une quarantaine de Zélotes s'engagèrent par voeu à ne plus manger ni boire avant d'avoir assassiné Paul. Ils décidèrent de lui tendre un piège et mirent le Sanhédrin au courant de leur complot en demandant sa participation. A quelle déchéance était parvenu le plus haut tribunal juif! :
«Lorsqu’il fit jour, les Juifs tinrent un conciliabule, où ils s’engagèrent par anathème (c’est-à-dire en appelant sur eux la malédiction divine s’ils manquaient à leur engagement) à ne pas manger ni boire avant d’avoir tué Paul. Ils étaient plus de quarante à avoir fait cette conjuration. Ils allèrent trouver les grands prêtres et les anciens, et leur dirent : «Nous nous sommes engagés par anathème à ne rien prendre avant d’avoir tué Paul. Vous donc maintenant, d’accord avec le Sanhédrin, expliquez au tribun qu’il doit vous l’amener, sous prétexte d’examiner plus à fond son affaire. De notre côté, nous sommes prêts à le tuer avant qu’il n’arrive.» (Actes 23, 12-15)
Heureusement, le service de renseignements des chrétiens était vigilant. Le neveu de Paul fut mis au courant du complot et sa soeur l’envoya porter la nouvelle à la forteresse. Il reçu la permission de voir Paul et lui fit part de la situation. Entendant cela, Paul pria le centurion de faire conduire son neveu immédiatement devant Lysias. C'est ainsi qu’avant de recevoir les délégués du Sanhédrin, le commandant de la forteresse fut mis au courant de l'assassinat prémédité. Le jeune homme lui dit :
«Les Juifs se sont concertés pour te prier d’amener Paul, demain au Sanhédrin, sous prétexte d’enquêter plus à fond sur son cas. Ne vas pas les croire. Plus de quarante d’entre eux le guettent, qui se sont engagés par anathème à ne pas manger ni boire avant de l’avoir tué. (Actes 23, 20)
Le tribun avait dorénavant une raison suffisante pour remettre le procès entre les mains du procureur romain à Césarée et donna l’ordre de transférer le prisonnier à la faveur de la nuit :
«Le tribun appela deux centurions et leur dit : "Tenez-vous prêts à partir pour Césarée, dès la troisième heure de la nuit, deux cents soldats, soixante-dix cavaliers et deux cents hommes d’armes. Qu’on ait aussi des chevaux pour faire monter Paul et le conduire sain et sauf au gouverneur Félix." (Actes 23, 23-24)
Escorté d'une forte garde, Paul est conduit à Césarée.
À l'aube du jour suivant, la petite troupe était rendue à mi-chemin. On s'arrêta à Antipatris, et Paul eut l’occasion de se reposer pendant quelques heures. Tout danger ayant disparu, la majeure partie de l'escorte retourna à Jérusalem et seul le détachement de cavalerie accompagna l'apôtre jusqu'à Césarée.
Le port de Césarée, qui avait reçu son nom de son constructeur Hérode le Grand, en l’honneur de l’empereur César, servait aux Romains de base de ravitaillement et de centre militaire pour la région. La ville abritait une garnison de cinq cohortes et un escadron de cavalerie. Par leurs impôts, les Juifs payaient eux-mêmes l'entretien de ces troupes qui les tenaient en servitude. D'où la haine des Juifs envers cette taxe payée à Rome et la question posée à Jésus : «Doit-on payer le tribut à César?»
Le procureur vivait dans le luxe du palais royal. Les prisonniers de marque étaient conduits au poste de garde de l'état-major, situé dans le palais même. Le capitaine de l'escadron remit au procureur Antoine-Félix le rapport de Lysias, et lui présenta son prisonnier. En présence de Paul, Félix lut à haute voix la lettre de Lysias. Elle était un modèle tout à fait romain de précision, d'objectivité et de clarté se déclarant favorable au prisonnier : il ne s'agissait que d'une affaire religieuse juive. Comme Paul venait de la Cilicie, une province impériale, le tribunal du procureur impérial était compétent en la matière. Félix dit alors à Paul : «Je t'entendrai, quand tes accusateurs seront arrivés, eux aussi. Et il le fit garder dans le prétoire d’Hérode». (Actes 23, 35)
Le lendemain de l’arrestation de Paul, le tribun Lysias voulut savoir de quoi les Juifs accusaient le prisonnier et il le fit comparaître devant le Sanhédrin. Au début de la rencontre, oublieux de sa dignité et du respect qu’il devait avoir envers l'accusé, «le grand prêtre Ananie ordonna à ses assistants de le frapper sur la bouche». (Actes 23, 2) C’était l’insulte suprême. Paul, qui avait le sang bouillant, cria à Ananie : «C’est Dieu qui te frappera, toi, muraille blanchie. Eh quoi! Tu sièges pour me juger d’après la Loi, et, au mépris de la Loi, tu ordonnes de me frapper!». (Actes 23, 3) Les pharisiens qui avaient perdu tout sens moral approuvèrent l'acte du grand-prêtre, et considérèrent la leçon de Paul comme un sacrilège. L'image de «muraille blanchie» caractérisait bien ce Grand-Prêtre, ce personnage en pleine déchéance, qui essayait de simuler la vertu, l'honnêteté et la droiture, alors qu'intérieurement il était pervers et pourri.
Le sanhédrin
Face au Sanhédrin composée de pharisiens et de sadducéens, dans une intuition subite, Paul utilisa l'avantage que lui offrait la situation, et souleva le problème de la résurrection. Il lança alors cette simple phrase : «Frères, c'est à cause de l'espérance en la résurrection des morts que je suis mis en jugement.» Les Sadducéens éclatèrent de rire et les Pharisiens qui croyaient à la résurrection commencèrent à se disputer avec les Sadducéens. Toute la procédure dégénéra en une dispute théologique, et les deux partis en vinrent aux mains. Certains rabbins respectables se déclarèrent même ouvertement en faveur de Paul. Lysias, le représentant de Rome, qui ne comprenait rien à ce débat théologique et avait peur pour la vie de son prisonnier, appela la garde, et le fit conduire en lieu sûr. «C'est à peine si je l'ai pu arracher de force à leurs mains», écrit-il à ce propos dans sa lettre au gouverneur Félix (manuscrit de Bèze).
Ayant perdu confiance en la justice juive, Paul décide de s'en remettre à la loi et à la puissance de Rome
La situation de Paul était très délicate. Seule, la force militaire des Romains pouvait encore le sauver. Il s'aperçut qu'en raison de la partialité du tribunal, la justice était impossible. C'est alors qu'il prit la résolution de s’en remettre à la justice romaine. Jusqu'à présent, il s'était toujours considéré comme un membre de droit de la race juive, et il s'était soumis à plusieurs reprises à la juridiction juive. Maintenant, voyant qu’il était impossible d’être jugé équitablement chez les Juifs, il va se détacher définitivement de son peuple, politiquement et juridiquement, et il va se soumettre à la loi et à la puissance de Rome.
Le lendemain de la réunion du Sanhédrin, une quarantaine de Zélotes s'engagèrent par voeu à ne plus manger ni boire avant d'avoir assassiné Paul. Ils décidèrent de lui tendre un piège et mirent le Sanhédrin au courant de leur complot en demandant sa participation. A quelle déchéance était parvenu le plus haut tribunal juif! :
«Lorsqu’il fit jour, les Juifs tinrent un conciliabule, où ils s’engagèrent par anathème (c’est-à-dire en appelant sur eux la malédiction divine s’ils manquaient à leur engagement) à ne pas manger ni boire avant d’avoir tué Paul. Ils étaient plus de quarante à avoir fait cette conjuration. Ils allèrent trouver les grands prêtres et les anciens, et leur dirent : «Nous nous sommes engagés par anathème à ne rien prendre avant d’avoir tué Paul. Vous donc maintenant, d’accord avec le Sanhédrin, expliquez au tribun qu’il doit vous l’amener, sous prétexte d’examiner plus à fond son affaire. De notre côté, nous sommes prêts à le tuer avant qu’il n’arrive.» (Actes 23, 12-15)
Heureusement, le service de renseignements des chrétiens était vigilant. Le neveu de Paul fut mis au courant du complot et sa soeur l’envoya porter la nouvelle à la forteresse. Il reçu la permission de voir Paul et lui fit part de la situation. Entendant cela, Paul pria le centurion de faire conduire son neveu immédiatement devant Lysias. C'est ainsi qu’avant de recevoir les délégués du Sanhédrin, le commandant de la forteresse fut mis au courant de l'assassinat prémédité. Le jeune homme lui dit :
«Les Juifs se sont concertés pour te prier d’amener Paul, demain au Sanhédrin, sous prétexte d’enquêter plus à fond sur son cas. Ne vas pas les croire. Plus de quarante d’entre eux le guettent, qui se sont engagés par anathème à ne pas manger ni boire avant de l’avoir tué. (Actes 23, 20)
Le tribun avait dorénavant une raison suffisante pour remettre le procès entre les mains du procureur romain à Césarée et donna l’ordre de transférer le prisonnier à la faveur de la nuit :
«Le tribun appela deux centurions et leur dit : "Tenez-vous prêts à partir pour Césarée, dès la troisième heure de la nuit, deux cents soldats, soixante-dix cavaliers et deux cents hommes d’armes. Qu’on ait aussi des chevaux pour faire monter Paul et le conduire sain et sauf au gouverneur Félix." (Actes 23, 23-24)
Escorté d'une forte garde, Paul est conduit à Césarée.
À l'aube du jour suivant, la petite troupe était rendue à mi-chemin. On s'arrêta à Antipatris, et Paul eut l’occasion de se reposer pendant quelques heures. Tout danger ayant disparu, la majeure partie de l'escorte retourna à Jérusalem et seul le détachement de cavalerie accompagna l'apôtre jusqu'à Césarée.
Le port de Césarée, qui avait reçu son nom de son constructeur Hérode le Grand, en l’honneur de l’empereur César, servait aux Romains de base de ravitaillement et de centre militaire pour la région. La ville abritait une garnison de cinq cohortes et un escadron de cavalerie. Par leurs impôts, les Juifs payaient eux-mêmes l'entretien de ces troupes qui les tenaient en servitude. D'où la haine des Juifs envers cette taxe payée à Rome et la question posée à Jésus : «Doit-on payer le tribut à César?»
Le procureur vivait dans le luxe du palais royal. Les prisonniers de marque étaient conduits au poste de garde de l'état-major, situé dans le palais même. Le capitaine de l'escadron remit au procureur Antoine-Félix le rapport de Lysias, et lui présenta son prisonnier. En présence de Paul, Félix lut à haute voix la lettre de Lysias. Elle était un modèle tout à fait romain de précision, d'objectivité et de clarté se déclarant favorable au prisonnier : il ne s'agissait que d'une affaire religieuse juive. Comme Paul venait de la Cilicie, une province impériale, le tribunal du procureur impérial était compétent en la matière. Félix dit alors à Paul : «Je t'entendrai, quand tes accusateurs seront arrivés, eux aussi. Et il le fit garder dans le prétoire d’Hérode». (Actes 23, 35)
Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 03 avr.24, 20:1552. Captivité à Césarée
Le port de Césarée, où Paul sera emprisonné, avait une longue histoire. Au 4e siècle avant notre ère, le roi de Sidon construisit un premier port très modeste et un petit village qui prit le nom de Tour de Strabon. En 63, Pompée accorda l’autonomie au village et, sept ans plus tard, l'empereur Auguste en fit don à Hérode le Grand qui découvrit là un chantier à sa mesure. D'immenses travaux firent surgir de la mer une jetée à l'arrière de laquelle fut creusé un port de trente-deux mètres de profondeur, «plus spacieux que le Pirée», qui mettait les bateaux à l'abri de toutes les tempêtes. Il fallut douze années pour terminer les travaux du port et de la ville. Hérode en fit sa capitale avec son palais tout en marbre blanc qui était une véritable merveille.
Aujourd’hui, les sables et les siècles ont englouti la ville et une bonne partie du port. En 1946, des fouilles archéologiques ont retrouvé les remparts élevés par Saint Louis au temps des croisades (13e s.) et les restes de la ville d'Hérode, avec son hippodrome et son théâtre. Dans les ruines du théâtre, on a découvert une inscription précisant qu’il avait été dédié à l’empereur Tibère par le «prefaectus Pontius Pilatus». C’est le plus ancien document épigraphique concernant Ponce Pilate.
Quand Paul pénètre dans la ville, le palais d'Hérode est devenu la résidence officielle des procureurs romains de Judée. Antonius Félix, un esclave affranchi par l'empereur Claude, est alors en poste depuis l’an 52. Il est dépeint par Tacite comme étant «cruel et débauché, exerçant le pouvoir royal avec une âme d'esclave». Pallas, son frère, fut le favori tout-puissant et le premier ministre de l’empereur Claude, de même que celui de Néron, au début de son règne. Grâce à lui, Félix fit une brillante carrière. La grande considération dont jouissait Pallas, à Rome, lui assurait l'impunité.
L’incarcération de Paul à Césarée durera deux longues années, période monotone pour un homme qui avait été en mouvement continue depuis plusieurs années! Quelques jours après son arrivée à Césarée, le grand-prêtre Ananie se présenta entouré d'un groupe d'anciens et d'un avocat romain, un débutant dont l’inexpérience éclate au tout début du plaidoyer. Le grand-prêtre eut peine à retenir un sourire, en entendant son avocat utiliser une flatterie lourde et maladroite. Selon l’avocat, grâce à Félix, le pays jouissait d'une paix profonde; sa prévoyance avait rétabli l'ordre dans la nation. C'est pourquoi les Juifs lui devaient une grande reconnaissance. En réalité, Félix était l’un des procureurs les plus détestés qu'avait connu le pays. Les Juifs le lui montrèrent d'ailleurs, deux ans plus tard, en l'accusant d'avoir massacré à Césarée plusieurs de leurs compatriotes et d’avoir mal conduit les affaires publiques, ce qui provoqua son rappel par Néron.
Sous l’influence des Sadducéens, on porta contre Paul des accusations sur le plan politique : Paul, serait un révolutionnaire dangereux, coupable de sédition, chef d'une secte non autorisée, d’une «religio illicita». Enfin, il aurait profané le Temple de Jérusalem en y introduisant un non-Juif. Chacun de ces délits était passible de la peine de mort.
Félix avait assez d'expérience pour voir clair dans le jeu de «l’honorable grand prêtre» et des membres du Sanhédrin. Il se tourna vers Paul, curieux d’entendre ce qu'il dirait. Celui-ci parla avec sagesse et ramena la situation sur le terrain du droit religieux. «Voilà de nombreuses années que tu as cette nation sous ta juridiction; aussi est-ce avec confiance que je plaiderai ma cause.» Paul laisse ainsi sous-entendre : «Tu les connais bien!». Et alors il réfute l'accusation point par point, en insistant sur le fait qu'il n'est pas infidèle à la religion de ses pères qui professent la foi messianique. Son approche religieuse, contrairement à celle des Sadducéens, se situe sur le terrain de la Loi et des Prophètes. Son enseignement sur la résurrection est celle du judaïsme, religion protégée par l'État; donc on ne peut lui reprocher de favoriser une «religion illicite». Il s’agit donc de divergences à l'intérieur des frontières de la religion juive, ce qui n’intéresse pas les Romains.
Ce plaidoyer est la première apologie officielle du christianisme devant le pouvoir de Rome.
Les chrétiens du premier siècle adopteront ce point de vue et l’utiliseront pendant de longues années. Pour les tribunaux romains, la différence essentielle entre le judaïsme et le christianisme n'existait pas encore. Ce n'est que plus tard, à la fin du règne de Néron, que les Juifs commenceront à accuser le fondateur du christianisme d’avoir été crucifié «parce qu’il était opposé à César». La justice romaine acceptera alors la différence entre les deux religions et ce point de vue juridique sera reçu définitivement par l’empereur Domitien qui déclenchera les grandes persécutions.
À la suite de la rencontre avec la Sanhédrin, Félix donna ordre de rendre l'emprisonnement de Paul aussi supportable que possible (custodia militaris). Il sera gardé dans la prison du palais mais, sa captivité sera sans dureté inutile. Ses fidèles pourront le visiter et prendre soin de lui.
Paul espérait qu’après un certain temps la pression de Jérusalem prendrait fin et qu’il serait libéré. Or toutes les informations qui parvenaient à Félix prouvaient que la situation de Paul préoccupait toujours les juifs purs et durs ainsi que les Judéo-chrétiens. Il semble y avoir eu une alliance malsaine entre ces deux groupes très différents. Les rapports étroits entre le grand prêtre et Jacques, le frère de Jésus, permettent d'en venir à cette conclusion. De temps à autre, Félix faisait à Paul de légères allusions à une rançon. Derrière le soi-disant intérêt religieux, se cachait la cupidité, si caractéristique de nombreux serviteurs de l’État.
La détention à Césarée durait déjà depuis deux ans et la situation de Paul n'aurait pas changé si, en raison d'un incident sanglant, les événements ne s'étaient précipités. Césarée était une ville où Juifs et Grecs jouissaient des mêmes droits. Il y avait cependant souvent des affrontements entre les deux groupes. Au cours d'une mêlée, les Grecs furent battus et Félix intervint pour ordonner aux Juifs d'évacuer la rue. Sur leur refus, la cohorte passa à l'attaque, provoqua un massacre et brûla plusieurs maisons juives. Leur cri de révolte parvint jusqu'à Rome, où ils jouissaient d'une grande influence. Dans ses Antiquités, Flavius Josèphe dénonce la mauvaise administration et l’antisémitisme de Félix. Cette fois, il avait dépassé les bornes. Pallas parvient à lui sauver la vie, mais en 60, il fut remplacé par Porcius Festus.
Ajouté 1 heure 6 minutes 40 secondes après :
Emprisonnement de Paul à Jérusalem, à Césarée et à Rome.
53 - «Caesarem appello!» - «J’en appelle à César!»
Le nouveau procureur Porcius Festus, arrivé à Césarée au début de l'automne 60, descendait d'une famille de Tusculum près de Rome et faisait partie de l'ancienne noblesse. On louait sa fermeté, sa droiture et sa conscience professionnelle. Après trois jours à Césarée, il monta à Jérusalem, pour prendre contact avec les autorités juives et y organiser une session de tribunal, afin de liquider les procès arriérés. À cette occasion, le nouveau grand-prêtre Ismaël ben Phabi, nommé par Hérode Agrippa II, accompagné de nombreux membres du Sanhédrin, vinrent le rencontrer. Au sein de cet organisme juif, il existait une compétition féroce entre les diverses familles pour l’obtention de la plus haute dignité du pays. La corruption généralisée faisait du ravage. Dans un texte talmudique, on peut lire : «Malheur à moi à cause de la maison d’Ismaël ben Phabi, malheur à moi à cause de sa violence. Ils sont grands-prêtres, leurs fils sont trésoriers, leur beaux-fils gardiens du Temple, et leurs valets fustigent le peuple.»
Lors de cette première rencontre, Portius Festus se rendit compte que les deux dernières années n'avaient pas apaisé la haine du Sanhédrin envers Paul. On exigeait, comme preuve de la bonne volonté du procureur, la remise de l'Apôtre entre les mains du tribunal religieux de Jérusalem : «Ils sollicitaient comme une faveur que Paul fut transféré à Jérusalem; ils préparaient un guet-apens pour le tuer en chemin». (Actes 25, 3) Cependant Festus n'était pas aussi inexpérimenté qu'on le croyait. Il répondit au Sanhédrin que Paul devait rester en prison à Césarée : «Que ceux d’entre vous qui ont qualité descendent avec moi et, si cet homme est coupable en quelque manière, qu’ils le mettent en accusation» (Actes 25, 6)
Dix jours plus tard, une nouvelle rencontre eut lieu à Césarée. Ce fut pour Festus un spectacle dégoutant d’être confronté à une foule fanatique qui hurlait des menaces, injuriait le prisonnier et exigeait sa mort. Paul déclara alors : «Je n'ai commis de délit ni contre la Loi des juifs, ni contre le Temple, ni contre l'empereur.» (Actes 25, 8) Festus lui demanda : «Veux-tu monter à Jérusalem pour y être jugé là-dessus en ma présence?» Avec rapidité, Paul évita le piège tendu par le Sanhédrin : «Je suis devant le tribunal de César; c'est là que je dois être jugé. Je n’ai fait aucun tort aux Juifs, tu le sais très bien toi-même. Mais si je suis réellement coupable, si j’ai commis quelque crime qui mérite la mort, je ne refuse pas de mourir. Si, par contre, il n’y a rien de fondé dans les accusations de ces gens-là contre moi, nul n’a le droit de me céder à eux. J’en appelle à César.» (Actes 25, 10-11)
Il s’agissait d’un véritable coup de théâtre ! La délibération qui a suivi a du être turbulente et orageuse. Quand le conseil reprend place, le procureur tranche : «Tu en appelles à César : tu iras devant César.»
Le droit romain connaissait, depuis l’empereur Auguste, la possibilité d'un appel pendant la procédure, et non pas comme chez nous, après le jugement. Cet appel n'empêchait pas seulement la condamnation, mais aussi l'acquittement du condamné. Un citoyen romain avait toujours et partout le droit d’être jugé par un tribunal impérial. «Caesarem appello!», deux mots magiques. Cette cour de justice suprême inspirait la plus haute confiance. Dès qu'un citoyen romain prononçait ces paroles, tous les tribunaux du monde perdaient immédiatement leur compétence. Il s'agissait donc maintenant de faire conduire Paul à Rome, sous escorte militaire. Le procureur devait donner au prisonnier une lettre explicative de son cas.
Festus fut aidé en cela par l'arrivée d’Hérode Agrippa II, roi de la Palestine du Nord, qui vint quelques jours plus tard, avec sa soeur Bérénice, faire une visite de courtoisie au nouveau procureur. Agrippa avait une grande influence à Rome. Il avait d’ailleurs contribué à la nomination de celui-ci au poste de procureur. Plus que n'importe qui, il était capable d'assister Festus de ses conseils, dans cette affaire compliquée. De naissance, il était Juif, mais Romain par son éducation et sa culture. Sur les monnaies, il se faisait appeler «Philocaesar-Philoromanos » c'est-à-dire ami de César et ami des Romains. Dans un but politique, il avait fait des études sur la religion juive, et partout on le considérait comme expert en la matière. Il était le représentant du judaïsme de cette époque. C’est lui qui nommait le grand-prêtre et contrôlait le trésor du Temple, deux responsabilités très lucratives.
Le roi Agrippa se faisait accompagner partout de sa célèbre soeur Bérénice, qui avait abandonné son mari, le très riche potentat cilicien Polémon. Depuis, les deux régnaient ensemble comme roi et reine, ce qui donnait lieu à toutes sortes de rumeurs. À Césarée, leur soeur Drusille avait été, quelques mois auparavant, la maîtresse du lieu et, 16 ans plus tôt, leur père était mort des suites d'une terrible maladie. C'est la seule dynastie de l'histoire, dont les représentants se soient trouvés en relation étroite avec Jésus: l’arrière-grand-père fut le meurtrier des enfants innocents de Bethléem, le grand-oncle l'assassin de Jean-Baptiste; le père l'égorgeur de l’apôtre Jacques et le persécuteur de Pierre.
Festus considérait Paul comme un fanatique religieux, d’où son exclamation : «Tu es fou Paul, ton grand savoir te fait perdre la tête». Avec une grande politesse, Paul lui répond : «Je ne suis pas fou, très excellent Festus, mais je parle un langage de vérité et de bon sens. Car il est instruit de ces choses, le roi Agrippa, auquel je m’adresse en toute assurance, persuadé que rien ne lui est étranger. Car ce n’est pas dans un coin ignoré que cela s’est passé.» (Actes 26, 24-26)
Agrippa dit alors à Festus : «On aurait pu relâcher cet homme, s'il n'en avait pas appelé à César.» (Actes 26, 32) Le procureur composa un compte rendu favorable à Paul, ce qui contribuera beaucoup à son acquittement par Néron, deux ans plus tard à Rome.
Ajouté 4 heures 52 minutes 14 secondes après :
54. De Césarée à Malte
Après la rencontre avec le Sanhédrin, le procureur Festus décida d’envoyer Paul à Rome avant la «saison de la mer close», avant que la navigation ne soit interdite.
Paul et d'autres prisonniers furent placés sous la garde du centurion Julius, de la cohorte Augusta, l'une des cinq cohortes cantonnées dans le port de Césarée. Julius était bienveillant à l'égard de Paul et il permit à ce dernier de se faire accompagner de ses trois amis : Luc, Aristarque et Timothée. Seuls les prisonniers de marque obtenaient parfois une telle permission. Dans le texte, Luc utilise de nouveau le fameux «nous», signifiant ainsi qu’il faisait partie du voyage.
Arrivés à Sidon, le centurion permit à Paul de visiter la communauté chrétienne. Au port de Myre, on changea de bateau et les passagers montèrent à bord d'un grand navire de la flotte égyptienne affectée au transport du blé. Le bateau contourna avec difficulté l'île de Rhodes, et finit par aborder à Bons-Ports, en Crète. Luc nous dit que la fête du Yom Kippour était passée, ce qui veut dire que c’était l'époque des tempêtes suivant l'équinoxe d'automne.
On réunit un conseil pour décider si l’on devait reprendre la mer ou si, au contraire il était préférable de passer l'hiver là où on se trouvait. Paul, «le citoyen romain», bien que prisonnier, fut admis à cette réunion. Il déconseilla fortement de poursuivre le voyage : «Mes amis, je vois que la navigation n’ira pas sans péril et sans grave dommage non seulement pour la cargaison et le navire, mais même pour nos personnes» (Ac 27, 10). On courait de grands risques en s’aventurant sur la mer en cette période de tempêtes. Malgré ses réticences, la décision fut prise de poursuivre le voyage et de quitter l’abri de Beaux-Ports sur la côte sud de la Grèce. Ce que Paul avait prévu arriva. Une violente tempête se déchaîna et tous les passagers crurent qu’ils seraient engloutis par les flots.
Le bateau secoué par un ouragan du nord-est partit à la dérive vers la petite île de Cauda. Au troisième jour de tempête, toute la cargaison a dû être jetée à la mer afin de manoeuvrer plus facilement. On ne voyait rien, ni le soleil, ni les étoiles, ni la côte, et l'espoir de survie était bien mince. Dans cette situation désespérée, Paul rassura tout le monde : «Je vous invite à avoir bon courage, car aucun de nous y laissera la vie, le navire seul sera perdu. Cette nuit en effet m’est apparu un ange du Dieu auquel j’appartiens et que je sers, et il m’a dit : «Sois sans crainte, Paul, il faut que tu comparaisses devant César, et voici que Dieu t’accorde la vie de tous ceux qui naviguent avec toi. Courage donc, mes amis! Je me fie à Dieu de ce qu’il en sera comme il m’a dit». (Actes 27, 22-24)
Pendant quatorze jours et quatorze nuits, les voyageurs furent ballottés sur la mer que les Anciens appelaient «l'Adria», entre la Grèce et la Sicile. Soudain, après ces longs jours de tempête, vers le milieu de la nuit, un matelot s’écria : «Terre ! La terre est proche». À travers les mugissements des eaux, il avait entendu le grondement des vagues se brisant contre des écueils. Rapidement, on jeta la sonde et, afin d’arrêter le navire dans sa course folle et l'empêcher de se briser sur un écueil, on laissa filer les ancres.
Pour les matelots embauchés au hasard - hommes de toutes provenances : bagnards échappés de prison, esclaves en fuite, désoeuvrés sans travail, révoltés, mécontents, aventuriers -, le navire et la vie des voyageurs importaient peu. Dans l'obscurité, Paul entendit un chuchotement et un bruit suspect. Un groupe de matelots tentait de descendre la chaloupe de sauvetage, pour se sauver en abandonnant les passagers à leur destin. Paul se précipita chez le centurion, et lui fit part des intentions de l'équipage : «Si ceux-là ne restent pas sur le vaisseau, vous ne pouvez être sauvés». Aussitôt Julius donna ordre à ses soldats de couper les amarres de la chaloupe. C'est ainsi qu'on assura l'union des forces, si indispensable au salut de tous.
Le jour venu, on ne parvient pas à reconnaître la terre qui apparaissait à l’horizon. Ayant repéré une petite baie, les matelots laissèrent glisser le bateau jusque sur la plage. Le vent le poussa sur un banc de sable et le bateau se disloqua sous les vagues de la mer. Les soldats qui étaient responsables des prisonniers en cas d'évasion, eurent un instant l’intention de les tuer afin que nul ne puisse s’échapper, mais le centurion, qui voulait sauver Paul, s'y opposa et ordonna à ceux qui savaient nager de gagner la terre. Les autres n'avaient qu'à s'accrocher à des épaves flottantes. Tous abordèrent sains et saufs.
Ils s'étaient échoués sur l’île de Malte. Les gens de l’île firent bon accueil aux naufragés et allumèrent un grand feu afin de sécher et de réchauffer ces hommes épuisés par quatorze jours de lutte contre la mer déchaînée. Paul avait ramassé une brassée de bois mort et la jetait dans le feu lorsque la chaleur en fit sortir une vipère qui s'accrochait à sa main. À la vue du reptile, les habitants de l'île, qui n'ignoraient pas le statut de prisonnier de Paul, se disaient les uns aux autres: «Pour sûr, c’est un assassin que cet homme : il vient d’échapper à la mer, et la vengeance divine ne lui permet pas de vivre.» (Actes 28, 4). Mais l'Apôtre, secouant la main, jeta la vipère dans le feu, sans faire attention à la morsure dont il avait été l'objet. Les Maltais s'attendaient à le voir tomber mort, mais après une longue attente, ils constatèrent qu'il ne lui arrivait rien d'anormal.
Près du lieu du naufrage, certaines terres appartenaient au gouverneur de l'île, Publius. Paul et ses compagnons furent reçus chez lui pendant trois jours et traités comme des invités de marque. Le père de Publius était malade. Paul lui imposa les mains et le guérit. Suite à cette guérison de nombreux malades vinrent demander à l'Apôtre de les guérir à leur tour, ce qu'il fit volontiers.
Avant de s’échouer sur Malte, le bateau avait parcouru près de huit cent cinquante kilomètres depuis le départ de Crète. Une fois sur l’île, il fallut attendre plus de trois mois, c’est-à-dire jusqu’au printemps, avant de repartir.
Les pieux Maltais croient encore aujourd’hui, que ce fut grâce à la prière de saint Paul que les serpents venimeux ont disparu de leur île. De nos jours encore, le 10 février, ils célèbrent avec ferveur la «Fête du naufrage».
Le port de Césarée, où Paul sera emprisonné, avait une longue histoire. Au 4e siècle avant notre ère, le roi de Sidon construisit un premier port très modeste et un petit village qui prit le nom de Tour de Strabon. En 63, Pompée accorda l’autonomie au village et, sept ans plus tard, l'empereur Auguste en fit don à Hérode le Grand qui découvrit là un chantier à sa mesure. D'immenses travaux firent surgir de la mer une jetée à l'arrière de laquelle fut creusé un port de trente-deux mètres de profondeur, «plus spacieux que le Pirée», qui mettait les bateaux à l'abri de toutes les tempêtes. Il fallut douze années pour terminer les travaux du port et de la ville. Hérode en fit sa capitale avec son palais tout en marbre blanc qui était une véritable merveille.
Aujourd’hui, les sables et les siècles ont englouti la ville et une bonne partie du port. En 1946, des fouilles archéologiques ont retrouvé les remparts élevés par Saint Louis au temps des croisades (13e s.) et les restes de la ville d'Hérode, avec son hippodrome et son théâtre. Dans les ruines du théâtre, on a découvert une inscription précisant qu’il avait été dédié à l’empereur Tibère par le «prefaectus Pontius Pilatus». C’est le plus ancien document épigraphique concernant Ponce Pilate.
Quand Paul pénètre dans la ville, le palais d'Hérode est devenu la résidence officielle des procureurs romains de Judée. Antonius Félix, un esclave affranchi par l'empereur Claude, est alors en poste depuis l’an 52. Il est dépeint par Tacite comme étant «cruel et débauché, exerçant le pouvoir royal avec une âme d'esclave». Pallas, son frère, fut le favori tout-puissant et le premier ministre de l’empereur Claude, de même que celui de Néron, au début de son règne. Grâce à lui, Félix fit une brillante carrière. La grande considération dont jouissait Pallas, à Rome, lui assurait l'impunité.
L’incarcération de Paul à Césarée durera deux longues années, période monotone pour un homme qui avait été en mouvement continue depuis plusieurs années! Quelques jours après son arrivée à Césarée, le grand-prêtre Ananie se présenta entouré d'un groupe d'anciens et d'un avocat romain, un débutant dont l’inexpérience éclate au tout début du plaidoyer. Le grand-prêtre eut peine à retenir un sourire, en entendant son avocat utiliser une flatterie lourde et maladroite. Selon l’avocat, grâce à Félix, le pays jouissait d'une paix profonde; sa prévoyance avait rétabli l'ordre dans la nation. C'est pourquoi les Juifs lui devaient une grande reconnaissance. En réalité, Félix était l’un des procureurs les plus détestés qu'avait connu le pays. Les Juifs le lui montrèrent d'ailleurs, deux ans plus tard, en l'accusant d'avoir massacré à Césarée plusieurs de leurs compatriotes et d’avoir mal conduit les affaires publiques, ce qui provoqua son rappel par Néron.
Sous l’influence des Sadducéens, on porta contre Paul des accusations sur le plan politique : Paul, serait un révolutionnaire dangereux, coupable de sédition, chef d'une secte non autorisée, d’une «religio illicita». Enfin, il aurait profané le Temple de Jérusalem en y introduisant un non-Juif. Chacun de ces délits était passible de la peine de mort.
Félix avait assez d'expérience pour voir clair dans le jeu de «l’honorable grand prêtre» et des membres du Sanhédrin. Il se tourna vers Paul, curieux d’entendre ce qu'il dirait. Celui-ci parla avec sagesse et ramena la situation sur le terrain du droit religieux. «Voilà de nombreuses années que tu as cette nation sous ta juridiction; aussi est-ce avec confiance que je plaiderai ma cause.» Paul laisse ainsi sous-entendre : «Tu les connais bien!». Et alors il réfute l'accusation point par point, en insistant sur le fait qu'il n'est pas infidèle à la religion de ses pères qui professent la foi messianique. Son approche religieuse, contrairement à celle des Sadducéens, se situe sur le terrain de la Loi et des Prophètes. Son enseignement sur la résurrection est celle du judaïsme, religion protégée par l'État; donc on ne peut lui reprocher de favoriser une «religion illicite». Il s’agit donc de divergences à l'intérieur des frontières de la religion juive, ce qui n’intéresse pas les Romains.
Ce plaidoyer est la première apologie officielle du christianisme devant le pouvoir de Rome.
Les chrétiens du premier siècle adopteront ce point de vue et l’utiliseront pendant de longues années. Pour les tribunaux romains, la différence essentielle entre le judaïsme et le christianisme n'existait pas encore. Ce n'est que plus tard, à la fin du règne de Néron, que les Juifs commenceront à accuser le fondateur du christianisme d’avoir été crucifié «parce qu’il était opposé à César». La justice romaine acceptera alors la différence entre les deux religions et ce point de vue juridique sera reçu définitivement par l’empereur Domitien qui déclenchera les grandes persécutions.
À la suite de la rencontre avec la Sanhédrin, Félix donna ordre de rendre l'emprisonnement de Paul aussi supportable que possible (custodia militaris). Il sera gardé dans la prison du palais mais, sa captivité sera sans dureté inutile. Ses fidèles pourront le visiter et prendre soin de lui.
Paul espérait qu’après un certain temps la pression de Jérusalem prendrait fin et qu’il serait libéré. Or toutes les informations qui parvenaient à Félix prouvaient que la situation de Paul préoccupait toujours les juifs purs et durs ainsi que les Judéo-chrétiens. Il semble y avoir eu une alliance malsaine entre ces deux groupes très différents. Les rapports étroits entre le grand prêtre et Jacques, le frère de Jésus, permettent d'en venir à cette conclusion. De temps à autre, Félix faisait à Paul de légères allusions à une rançon. Derrière le soi-disant intérêt religieux, se cachait la cupidité, si caractéristique de nombreux serviteurs de l’État.
La détention à Césarée durait déjà depuis deux ans et la situation de Paul n'aurait pas changé si, en raison d'un incident sanglant, les événements ne s'étaient précipités. Césarée était une ville où Juifs et Grecs jouissaient des mêmes droits. Il y avait cependant souvent des affrontements entre les deux groupes. Au cours d'une mêlée, les Grecs furent battus et Félix intervint pour ordonner aux Juifs d'évacuer la rue. Sur leur refus, la cohorte passa à l'attaque, provoqua un massacre et brûla plusieurs maisons juives. Leur cri de révolte parvint jusqu'à Rome, où ils jouissaient d'une grande influence. Dans ses Antiquités, Flavius Josèphe dénonce la mauvaise administration et l’antisémitisme de Félix. Cette fois, il avait dépassé les bornes. Pallas parvient à lui sauver la vie, mais en 60, il fut remplacé par Porcius Festus.
Ajouté 1 heure 6 minutes 40 secondes après :
Emprisonnement de Paul à Jérusalem, à Césarée et à Rome.
53 - «Caesarem appello!» - «J’en appelle à César!»
Le nouveau procureur Porcius Festus, arrivé à Césarée au début de l'automne 60, descendait d'une famille de Tusculum près de Rome et faisait partie de l'ancienne noblesse. On louait sa fermeté, sa droiture et sa conscience professionnelle. Après trois jours à Césarée, il monta à Jérusalem, pour prendre contact avec les autorités juives et y organiser une session de tribunal, afin de liquider les procès arriérés. À cette occasion, le nouveau grand-prêtre Ismaël ben Phabi, nommé par Hérode Agrippa II, accompagné de nombreux membres du Sanhédrin, vinrent le rencontrer. Au sein de cet organisme juif, il existait une compétition féroce entre les diverses familles pour l’obtention de la plus haute dignité du pays. La corruption généralisée faisait du ravage. Dans un texte talmudique, on peut lire : «Malheur à moi à cause de la maison d’Ismaël ben Phabi, malheur à moi à cause de sa violence. Ils sont grands-prêtres, leurs fils sont trésoriers, leur beaux-fils gardiens du Temple, et leurs valets fustigent le peuple.»
Lors de cette première rencontre, Portius Festus se rendit compte que les deux dernières années n'avaient pas apaisé la haine du Sanhédrin envers Paul. On exigeait, comme preuve de la bonne volonté du procureur, la remise de l'Apôtre entre les mains du tribunal religieux de Jérusalem : «Ils sollicitaient comme une faveur que Paul fut transféré à Jérusalem; ils préparaient un guet-apens pour le tuer en chemin». (Actes 25, 3) Cependant Festus n'était pas aussi inexpérimenté qu'on le croyait. Il répondit au Sanhédrin que Paul devait rester en prison à Césarée : «Que ceux d’entre vous qui ont qualité descendent avec moi et, si cet homme est coupable en quelque manière, qu’ils le mettent en accusation» (Actes 25, 6)
Dix jours plus tard, une nouvelle rencontre eut lieu à Césarée. Ce fut pour Festus un spectacle dégoutant d’être confronté à une foule fanatique qui hurlait des menaces, injuriait le prisonnier et exigeait sa mort. Paul déclara alors : «Je n'ai commis de délit ni contre la Loi des juifs, ni contre le Temple, ni contre l'empereur.» (Actes 25, 8) Festus lui demanda : «Veux-tu monter à Jérusalem pour y être jugé là-dessus en ma présence?» Avec rapidité, Paul évita le piège tendu par le Sanhédrin : «Je suis devant le tribunal de César; c'est là que je dois être jugé. Je n’ai fait aucun tort aux Juifs, tu le sais très bien toi-même. Mais si je suis réellement coupable, si j’ai commis quelque crime qui mérite la mort, je ne refuse pas de mourir. Si, par contre, il n’y a rien de fondé dans les accusations de ces gens-là contre moi, nul n’a le droit de me céder à eux. J’en appelle à César.» (Actes 25, 10-11)
Il s’agissait d’un véritable coup de théâtre ! La délibération qui a suivi a du être turbulente et orageuse. Quand le conseil reprend place, le procureur tranche : «Tu en appelles à César : tu iras devant César.»
Le droit romain connaissait, depuis l’empereur Auguste, la possibilité d'un appel pendant la procédure, et non pas comme chez nous, après le jugement. Cet appel n'empêchait pas seulement la condamnation, mais aussi l'acquittement du condamné. Un citoyen romain avait toujours et partout le droit d’être jugé par un tribunal impérial. «Caesarem appello!», deux mots magiques. Cette cour de justice suprême inspirait la plus haute confiance. Dès qu'un citoyen romain prononçait ces paroles, tous les tribunaux du monde perdaient immédiatement leur compétence. Il s'agissait donc maintenant de faire conduire Paul à Rome, sous escorte militaire. Le procureur devait donner au prisonnier une lettre explicative de son cas.
Festus fut aidé en cela par l'arrivée d’Hérode Agrippa II, roi de la Palestine du Nord, qui vint quelques jours plus tard, avec sa soeur Bérénice, faire une visite de courtoisie au nouveau procureur. Agrippa avait une grande influence à Rome. Il avait d’ailleurs contribué à la nomination de celui-ci au poste de procureur. Plus que n'importe qui, il était capable d'assister Festus de ses conseils, dans cette affaire compliquée. De naissance, il était Juif, mais Romain par son éducation et sa culture. Sur les monnaies, il se faisait appeler «Philocaesar-Philoromanos » c'est-à-dire ami de César et ami des Romains. Dans un but politique, il avait fait des études sur la religion juive, et partout on le considérait comme expert en la matière. Il était le représentant du judaïsme de cette époque. C’est lui qui nommait le grand-prêtre et contrôlait le trésor du Temple, deux responsabilités très lucratives.
Le roi Agrippa se faisait accompagner partout de sa célèbre soeur Bérénice, qui avait abandonné son mari, le très riche potentat cilicien Polémon. Depuis, les deux régnaient ensemble comme roi et reine, ce qui donnait lieu à toutes sortes de rumeurs. À Césarée, leur soeur Drusille avait été, quelques mois auparavant, la maîtresse du lieu et, 16 ans plus tôt, leur père était mort des suites d'une terrible maladie. C'est la seule dynastie de l'histoire, dont les représentants se soient trouvés en relation étroite avec Jésus: l’arrière-grand-père fut le meurtrier des enfants innocents de Bethléem, le grand-oncle l'assassin de Jean-Baptiste; le père l'égorgeur de l’apôtre Jacques et le persécuteur de Pierre.
Festus considérait Paul comme un fanatique religieux, d’où son exclamation : «Tu es fou Paul, ton grand savoir te fait perdre la tête». Avec une grande politesse, Paul lui répond : «Je ne suis pas fou, très excellent Festus, mais je parle un langage de vérité et de bon sens. Car il est instruit de ces choses, le roi Agrippa, auquel je m’adresse en toute assurance, persuadé que rien ne lui est étranger. Car ce n’est pas dans un coin ignoré que cela s’est passé.» (Actes 26, 24-26)
Agrippa dit alors à Festus : «On aurait pu relâcher cet homme, s'il n'en avait pas appelé à César.» (Actes 26, 32) Le procureur composa un compte rendu favorable à Paul, ce qui contribuera beaucoup à son acquittement par Néron, deux ans plus tard à Rome.
Ajouté 4 heures 52 minutes 14 secondes après :
54. De Césarée à Malte
Après la rencontre avec le Sanhédrin, le procureur Festus décida d’envoyer Paul à Rome avant la «saison de la mer close», avant que la navigation ne soit interdite.
Paul et d'autres prisonniers furent placés sous la garde du centurion Julius, de la cohorte Augusta, l'une des cinq cohortes cantonnées dans le port de Césarée. Julius était bienveillant à l'égard de Paul et il permit à ce dernier de se faire accompagner de ses trois amis : Luc, Aristarque et Timothée. Seuls les prisonniers de marque obtenaient parfois une telle permission. Dans le texte, Luc utilise de nouveau le fameux «nous», signifiant ainsi qu’il faisait partie du voyage.
Arrivés à Sidon, le centurion permit à Paul de visiter la communauté chrétienne. Au port de Myre, on changea de bateau et les passagers montèrent à bord d'un grand navire de la flotte égyptienne affectée au transport du blé. Le bateau contourna avec difficulté l'île de Rhodes, et finit par aborder à Bons-Ports, en Crète. Luc nous dit que la fête du Yom Kippour était passée, ce qui veut dire que c’était l'époque des tempêtes suivant l'équinoxe d'automne.
On réunit un conseil pour décider si l’on devait reprendre la mer ou si, au contraire il était préférable de passer l'hiver là où on se trouvait. Paul, «le citoyen romain», bien que prisonnier, fut admis à cette réunion. Il déconseilla fortement de poursuivre le voyage : «Mes amis, je vois que la navigation n’ira pas sans péril et sans grave dommage non seulement pour la cargaison et le navire, mais même pour nos personnes» (Ac 27, 10). On courait de grands risques en s’aventurant sur la mer en cette période de tempêtes. Malgré ses réticences, la décision fut prise de poursuivre le voyage et de quitter l’abri de Beaux-Ports sur la côte sud de la Grèce. Ce que Paul avait prévu arriva. Une violente tempête se déchaîna et tous les passagers crurent qu’ils seraient engloutis par les flots.
Le bateau secoué par un ouragan du nord-est partit à la dérive vers la petite île de Cauda. Au troisième jour de tempête, toute la cargaison a dû être jetée à la mer afin de manoeuvrer plus facilement. On ne voyait rien, ni le soleil, ni les étoiles, ni la côte, et l'espoir de survie était bien mince. Dans cette situation désespérée, Paul rassura tout le monde : «Je vous invite à avoir bon courage, car aucun de nous y laissera la vie, le navire seul sera perdu. Cette nuit en effet m’est apparu un ange du Dieu auquel j’appartiens et que je sers, et il m’a dit : «Sois sans crainte, Paul, il faut que tu comparaisses devant César, et voici que Dieu t’accorde la vie de tous ceux qui naviguent avec toi. Courage donc, mes amis! Je me fie à Dieu de ce qu’il en sera comme il m’a dit». (Actes 27, 22-24)
Pendant quatorze jours et quatorze nuits, les voyageurs furent ballottés sur la mer que les Anciens appelaient «l'Adria», entre la Grèce et la Sicile. Soudain, après ces longs jours de tempête, vers le milieu de la nuit, un matelot s’écria : «Terre ! La terre est proche». À travers les mugissements des eaux, il avait entendu le grondement des vagues se brisant contre des écueils. Rapidement, on jeta la sonde et, afin d’arrêter le navire dans sa course folle et l'empêcher de se briser sur un écueil, on laissa filer les ancres.
Pour les matelots embauchés au hasard - hommes de toutes provenances : bagnards échappés de prison, esclaves en fuite, désoeuvrés sans travail, révoltés, mécontents, aventuriers -, le navire et la vie des voyageurs importaient peu. Dans l'obscurité, Paul entendit un chuchotement et un bruit suspect. Un groupe de matelots tentait de descendre la chaloupe de sauvetage, pour se sauver en abandonnant les passagers à leur destin. Paul se précipita chez le centurion, et lui fit part des intentions de l'équipage : «Si ceux-là ne restent pas sur le vaisseau, vous ne pouvez être sauvés». Aussitôt Julius donna ordre à ses soldats de couper les amarres de la chaloupe. C'est ainsi qu'on assura l'union des forces, si indispensable au salut de tous.
Le jour venu, on ne parvient pas à reconnaître la terre qui apparaissait à l’horizon. Ayant repéré une petite baie, les matelots laissèrent glisser le bateau jusque sur la plage. Le vent le poussa sur un banc de sable et le bateau se disloqua sous les vagues de la mer. Les soldats qui étaient responsables des prisonniers en cas d'évasion, eurent un instant l’intention de les tuer afin que nul ne puisse s’échapper, mais le centurion, qui voulait sauver Paul, s'y opposa et ordonna à ceux qui savaient nager de gagner la terre. Les autres n'avaient qu'à s'accrocher à des épaves flottantes. Tous abordèrent sains et saufs.
Ils s'étaient échoués sur l’île de Malte. Les gens de l’île firent bon accueil aux naufragés et allumèrent un grand feu afin de sécher et de réchauffer ces hommes épuisés par quatorze jours de lutte contre la mer déchaînée. Paul avait ramassé une brassée de bois mort et la jetait dans le feu lorsque la chaleur en fit sortir une vipère qui s'accrochait à sa main. À la vue du reptile, les habitants de l'île, qui n'ignoraient pas le statut de prisonnier de Paul, se disaient les uns aux autres: «Pour sûr, c’est un assassin que cet homme : il vient d’échapper à la mer, et la vengeance divine ne lui permet pas de vivre.» (Actes 28, 4). Mais l'Apôtre, secouant la main, jeta la vipère dans le feu, sans faire attention à la morsure dont il avait été l'objet. Les Maltais s'attendaient à le voir tomber mort, mais après une longue attente, ils constatèrent qu'il ne lui arrivait rien d'anormal.
Près du lieu du naufrage, certaines terres appartenaient au gouverneur de l'île, Publius. Paul et ses compagnons furent reçus chez lui pendant trois jours et traités comme des invités de marque. Le père de Publius était malade. Paul lui imposa les mains et le guérit. Suite à cette guérison de nombreux malades vinrent demander à l'Apôtre de les guérir à leur tour, ce qu'il fit volontiers.
Avant de s’échouer sur Malte, le bateau avait parcouru près de huit cent cinquante kilomètres depuis le départ de Crète. Une fois sur l’île, il fallut attendre plus de trois mois, c’est-à-dire jusqu’au printemps, avant de repartir.
Les pieux Maltais croient encore aujourd’hui, que ce fut grâce à la prière de saint Paul que les serpents venimeux ont disparu de leur île. De nos jours encore, le 10 février, ils célèbrent avec ferveur la «Fête du naufrage».
Re: A la recherche de Paul
Ecrit le 06 avr.24, 07:5655. De Malte à Rome
Après avoir passé l’hiver à Malte, l’équipage et les passagers qui s’étaient échoués sur l’île trois mois plus tôt s’embarquent sur le navire «le Castor et Pollux», en partance pour Pouzzoles, dans le golfe de Naples. Ils s’arrêtent pendant trois jours à Syracuse. De là, après une escale à Rhegium (Reggio di Calabria), à la pointe extrême de la botte d'Italie, ils atteignent Pouzzoles. Pendant que le navire approche du port, les passagers peuvent admirer longuement le Vésuve fumant. Deux ans plus tard, en 63, une grande partie de la ville de Pozzoles sera détruite par le volcan. On procéda à quelques reconstructions, mais lors de la grande éruption du 24 août 79, une couche épaisse de lave brûlante recouvrira les villes voisines de Pompéi et d’Herculanum. La vie s’arrêta brusquement et ces villes restèrent figées sous les cendres volcaniques pendant des siècles.
Pouzzoles était un port très achalandé : marchands de blé, esclaves au travail, chantiers de toutes sortes, entrepôts et hangars pleins de marchandise, animaux exotiques - lions, panthères, tigres, etc. – destinés aux prochains jeux de Pouzzoles et de Rome. Certains compagnons de captivité de Paul seront condamnés à ces jeux sanglants de l'arène, destinés à amuser les Romains.
Les passagers du Castor et Pollux resteront à Pouzzoles pendant une semaine. Julius permit à Paul de demeurer chez les chrétiens de la ville où il put se remettre d'un voyage long et exténuant. Ce temps de repos permis d’avertir l’Église de Rome de l'arrivée de l'Apôtre.
À partir de Pouzzoles, les voyageurs de Césarée continuent à pied, à travers une région souvent marécageuse et pleine de moustiques. Pour rejoindre Rome en passant par Capoue, il fallait parcourir plus de deux cent cinquante kilomètres. On empruntait d'abord la Via Campana jusqu’à Capoue pour prendre ensuite la Via Appia, la plus vieille Voie romaine, ouverte en 312 av. J.-C.
À partir du 4e siècle, pour des raisons stratégiques, les Romains dotèrent l’Empire d’un réseau routier important. Ils construisirent des routes dans l’ensemble du monde romain. Au temps de Paul, plus de 350 routes couvraient une distance de 80 000 km. À chaque «mille» (1472 mètres), on érigeait un «milliaire», borne de pierre haute d’environ un mètre, indiquant les distances entre deux villes. Il n’existait alors aucun transport public et chacun, selon sa condition sociale, choisissait son mode de locomotion. La plupart des voyageurs circulaient à pied en se regroupant pour affronter les dangers du trajet, en particulier les attaques de bêtes sauvages et les pièges de troupes de brigands qui faisaient la loi dans les régions isolées. Les gens qui en avaient le moyen voyageaient en voiture ou à cheval.
C'est sur la Voie appienne, à soixante kilomètres de Rome, que Paul eut l’agréable surprise de rencontrer la première délégation de la communauté romaine. Aquila et Priscille étaient peut-être parmi ces chrétiens venus au-devant du groupe de prisonniers. Puisque Marc mentionne, dans son évangile, les deux fils de Simon de Cyrène, Alexandre et Rufus, comme étant des personnages bien connus à Rome, et que Paul leur adresse une salutation spéciale dans sa lettre aux Romains, il nous est permis de croire qu’ils étaient du nombre des envoyés. Les membres de cette délégation accompagneront Paul et ses compagnons pendant les derniers jours du voyage.
Sur les hauteurs de Velitrae (Velletri), lieu d'origine de la maison impériale de César Auguste, les voyageurs foulèrent le sol des Monts Albains. Selon les Actes apocryphes, on passa la dernière nuit à Aricia. Ils atteignirent ensuite le Latium, nom qu'on ne peut prononcer sans une émotion profonde. De cette terre aride sortit le génie latin de Rome qui, en s'alliant à la culture de la Grèce et à celle du christianisme, devait créer la civilisation de l'Occident. Paul était le porteur de la pensée chrétienne et l'artisan de l'alliance des trois cultures qui devaient s’unir pour donner naissance à notre propre culture.
Le groupe longea les lacs de Nemi et d'Albano, entourés d’élégantes villas. Non loin de là, on pouvait voir la résidence de Sénèque, ce noble homme d'État qui, quelques années plus tard, devait se couper les veines sur l'ordre de Néron. La Campagna romana, avec son caractère mélancolique, s'étendait sous leurs yeux. C'était un lieu de combats, un cimetière de peuples, une terre de lutte et de combat. Le long de la Voie Appia, tous purent contempler l’aqueduc de Claude récemment achevé et les magnifiques tombeaux qui longeaient la voie romaine.
Arrivés aux «Trois Tavernes», un deuxième groupe, de caractère plus officiel, composé sans doute de chefs de l'Église de Rome, attendait l’Apôtre des Nations :
«Les frères de Rome, informés de notre arrivée, vinrent à notre rencontre jusqu’au Forum d’Appius et aux Trois Tavernes.» (Actes 28, 15)
Julius et toute la caravane furent les témoins de ces salutations solennelles. Leur respect vis-à-vis l’illustre prisonnier grandissait de jour en jour.
C'est par la porte Capena qu'ils pénétrèrent dans la ville de Rome. On est tout près du Circus Maximus et des palais impériaux. Voilà donc que les longs voyages de Paul l'avaient conduit au centre du monde. Enchaîné et au milieu d'autres prisonniers, il entre dans la ville de Rome.
Après avoir passé l’hiver à Malte, l’équipage et les passagers qui s’étaient échoués sur l’île trois mois plus tôt s’embarquent sur le navire «le Castor et Pollux», en partance pour Pouzzoles, dans le golfe de Naples. Ils s’arrêtent pendant trois jours à Syracuse. De là, après une escale à Rhegium (Reggio di Calabria), à la pointe extrême de la botte d'Italie, ils atteignent Pouzzoles. Pendant que le navire approche du port, les passagers peuvent admirer longuement le Vésuve fumant. Deux ans plus tard, en 63, une grande partie de la ville de Pozzoles sera détruite par le volcan. On procéda à quelques reconstructions, mais lors de la grande éruption du 24 août 79, une couche épaisse de lave brûlante recouvrira les villes voisines de Pompéi et d’Herculanum. La vie s’arrêta brusquement et ces villes restèrent figées sous les cendres volcaniques pendant des siècles.
Pouzzoles était un port très achalandé : marchands de blé, esclaves au travail, chantiers de toutes sortes, entrepôts et hangars pleins de marchandise, animaux exotiques - lions, panthères, tigres, etc. – destinés aux prochains jeux de Pouzzoles et de Rome. Certains compagnons de captivité de Paul seront condamnés à ces jeux sanglants de l'arène, destinés à amuser les Romains.
Les passagers du Castor et Pollux resteront à Pouzzoles pendant une semaine. Julius permit à Paul de demeurer chez les chrétiens de la ville où il put se remettre d'un voyage long et exténuant. Ce temps de repos permis d’avertir l’Église de Rome de l'arrivée de l'Apôtre.
À partir de Pouzzoles, les voyageurs de Césarée continuent à pied, à travers une région souvent marécageuse et pleine de moustiques. Pour rejoindre Rome en passant par Capoue, il fallait parcourir plus de deux cent cinquante kilomètres. On empruntait d'abord la Via Campana jusqu’à Capoue pour prendre ensuite la Via Appia, la plus vieille Voie romaine, ouverte en 312 av. J.-C.
À partir du 4e siècle, pour des raisons stratégiques, les Romains dotèrent l’Empire d’un réseau routier important. Ils construisirent des routes dans l’ensemble du monde romain. Au temps de Paul, plus de 350 routes couvraient une distance de 80 000 km. À chaque «mille» (1472 mètres), on érigeait un «milliaire», borne de pierre haute d’environ un mètre, indiquant les distances entre deux villes. Il n’existait alors aucun transport public et chacun, selon sa condition sociale, choisissait son mode de locomotion. La plupart des voyageurs circulaient à pied en se regroupant pour affronter les dangers du trajet, en particulier les attaques de bêtes sauvages et les pièges de troupes de brigands qui faisaient la loi dans les régions isolées. Les gens qui en avaient le moyen voyageaient en voiture ou à cheval.
C'est sur la Voie appienne, à soixante kilomètres de Rome, que Paul eut l’agréable surprise de rencontrer la première délégation de la communauté romaine. Aquila et Priscille étaient peut-être parmi ces chrétiens venus au-devant du groupe de prisonniers. Puisque Marc mentionne, dans son évangile, les deux fils de Simon de Cyrène, Alexandre et Rufus, comme étant des personnages bien connus à Rome, et que Paul leur adresse une salutation spéciale dans sa lettre aux Romains, il nous est permis de croire qu’ils étaient du nombre des envoyés. Les membres de cette délégation accompagneront Paul et ses compagnons pendant les derniers jours du voyage.
Sur les hauteurs de Velitrae (Velletri), lieu d'origine de la maison impériale de César Auguste, les voyageurs foulèrent le sol des Monts Albains. Selon les Actes apocryphes, on passa la dernière nuit à Aricia. Ils atteignirent ensuite le Latium, nom qu'on ne peut prononcer sans une émotion profonde. De cette terre aride sortit le génie latin de Rome qui, en s'alliant à la culture de la Grèce et à celle du christianisme, devait créer la civilisation de l'Occident. Paul était le porteur de la pensée chrétienne et l'artisan de l'alliance des trois cultures qui devaient s’unir pour donner naissance à notre propre culture.
Le groupe longea les lacs de Nemi et d'Albano, entourés d’élégantes villas. Non loin de là, on pouvait voir la résidence de Sénèque, ce noble homme d'État qui, quelques années plus tard, devait se couper les veines sur l'ordre de Néron. La Campagna romana, avec son caractère mélancolique, s'étendait sous leurs yeux. C'était un lieu de combats, un cimetière de peuples, une terre de lutte et de combat. Le long de la Voie Appia, tous purent contempler l’aqueduc de Claude récemment achevé et les magnifiques tombeaux qui longeaient la voie romaine.
Arrivés aux «Trois Tavernes», un deuxième groupe, de caractère plus officiel, composé sans doute de chefs de l'Église de Rome, attendait l’Apôtre des Nations :
«Les frères de Rome, informés de notre arrivée, vinrent à notre rencontre jusqu’au Forum d’Appius et aux Trois Tavernes.» (Actes 28, 15)
Julius et toute la caravane furent les témoins de ces salutations solennelles. Leur respect vis-à-vis l’illustre prisonnier grandissait de jour en jour.
C'est par la porte Capena qu'ils pénétrèrent dans la ville de Rome. On est tout près du Circus Maximus et des palais impériaux. Voilà donc que les longs voyages de Paul l'avaient conduit au centre du monde. Enchaîné et au milieu d'autres prisonniers, il entre dans la ville de Rome.
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