Bonjour à toutes et à tous,
spin a écrit : ↑09 févr.24, 10:28
Au moins Jung parle bien de doute pour lui-même, indépendamment des relations avec autrui.
Douter de soi-même est de bonne pratique, me semble-t-il... Et je ne vois pas pourquoi ce serait source de vulnérabilité.
L'idée du lien entre doute et fanatisme suggère que si un partisan convaincu d'une religion ou d'une idéologie n'est pas du tout fanatique alors il faut s'attendre à ce qu'il ne connaisse pas le doute.
Or j'ai l'impression que ne laisser aucune place au doute ne constitue pas un garde-fou face au risque de devenir fanatique.
D'abord, il me semble que tout un chacun doit douter de ses propres capacités cognitives :
"
Mes certitudes indubitables ne sont-elles pas le fruit de mes problèmes psychologiques ?" (qui n'en a pas, consciemment ou inconsciemment ?)
"
Mes certitudes indubitables ne sont-elles pas le fruit de mon ignorance ?" (qui sait tout ?)
"
Mes certitudes indubitables ne sont-elles pas le fruit d'une subtile erreur de raisonnement qui m'échappe parce que je ne suis pas si intelligente que ça ?" (par ex. on connaît de tas de démonstrations mathématiques fausses qui ont résisté longtemps à la critique)
Je soupçonne plutôt que le fait de
ne pas douter de soi soit une bonne porte d'entrée au fanatisme.
spin a écrit :
Au moins Jung parle bien de doute pour lui-même, indépendamment des relations avec autrui.
Le doute du fanatique serait alors dans l'ordre du relationnel, ce doute est fragilité : j
e crains que l'autre n'ébranle mon édifice et qu'ainsi l'effondrement prouve non pas seulement que j'ai tort (ça peut arriver...) mais que je me suis trompée sur un sujet d'une extrême importance et que j'ai persévéré dans l'erreur avant d'en être délivrée.
Je note que les "apostats" divers que j'ai pu rencontrer sont la plupart d'une extrême sévérité à l'égard de leurs anciennes certitudes ainsi que vis à vis de la "communauté" (formelle ou non) qu'ils ont quitté. J'y vois une tentative désespérée pour redorer son blason en affirmant d'une part que l'on ne s'est pas trompé
mais qu'on a été trompé, et d'autre part que le temps d'aveuglement est fini puisque l'on jette une regard décillé sur ce moment d'égarement dont on est la victime, heureusement désormais guérie.
Je vois souvent ces "apostats" déployer une grande énergie à faire le procès de l'idéologie à laquelle ils ont cédé au lieu de simplement tourner la page.
spin a écrit :Le mot même de "sceptique", donc le principe de privilégier le doute quand on n'a pas accès à la certitude (edit : selon Pyrrhon inventeur du concept), est couramment détourné aujourd'hui, jusqu'à prendre le sens de "fanatique de l'incrédulité" par rapport à ceci ou cela, à tout ce qui pourrait déstabiliser une certitude matérialiste.
Il est impossible de douter de tout ce qui n'est pas certain. Tout le monde vit en usant des principe d'induction, de généralisation, d'analogie qui ne peuvent fonder aucune certitude mais au mieux seulement des probabilités.
spin a écrit :Mais quand même, je crois que l'Islam, même s'il ne produit pas que du fanatisme et n'est pas la seule religion à en produire, en produit plus que toutes les autres religions réunies.
Peut-être je m'égare, mais l'Histoire regorge d'horreurs commises collectivement par des gens nourries d'évidences grossières et non pas animées de cyniques calculs.
Si je m'engage dans la Stasi de la RDA par conviction que le communisme est l'avenir de l'humanité, suis-je fanatique ?
L'histoire du colonialisme français nous montre des tas de gens assurés de leur bon droit, absolument certains qu'ils participent à une bonne œuvre, songeant même être à la pointe de la lucidité vis à vis des rares détracteurs ou détractrices. Cette triste histoire prouve que la religion a souvent été un adjuvant mais que les leaders laïcs voire anticléricaux ont, eux aussi, théorisé cette pratique comme louable.
Les laïcs convaincus qu'ils apportent la civilisation et qu'ils combattent l'obscurantisme des cultures autochtones sont-ils fanatiques ?
Est-ce que "fanatique" ne serait pas qu'un anathème de plus qu'on ne peut attribuer qu'à l'autre ? Un peu comme "islamophobe" ?
Je pense que le
fanatique se distingue du
militant acharné par le fait qu'à partir d'un seuil il n'accepte plus ni le débat ni la contradiction.
Ce peut être sans violence, car il y a des tas de procédés pour disqualifier le contradicteur.
Mais grande est la tentation de peser sur la liberté d'expression...
Très cordialement
votre sœur
pauline