Extrait :
Je suis curieuse de savoir ce qu'en pensent les croyants.La connerie ne s'est jamais aussi insolemment affichée qu'en ce glorieux début du millénaire troisième, et sous sa forme la plus triomphale : la religion.
Je n'ai pas suivi dans tous ses prolongements l'affaire des caricatures sacrilèges. Ce que j'ai pu en lire, en voir et en entendre suffit néamoins à confirmer ce que j'avais noté depuis le début, à savoir que, s'il fut beaucoup parlé d'islam, de christianisme, de judaïsme, voire de bouddhisme pour ne pas faire de jaloux, il y eut par contre une catégorie de citoyens que, délibérément ou non, on laissa de côté. Je veux dire, peut-être l'avez-vous deviné, les athées.
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Il fut beaucoup parlé de tolérance mutuelle, de respect de l'"autre", mais presque jamais ne fut prononcé le mot essentiel, celui de "sacré". C'est pourtant là que gît le piège de l'incompréhension. Ce qui est sacré transcende tout, pour quiconque partage une certaine foi. C'est la forme évoluée du tabou primitif. Qui ne partage pas cette fois ne respect pas, ne comprend même pas, la terrible importance du sacré.
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Les athées sont toujours et partout tenus en vague de suspicion. Ne pas croire a quelque chose d'anormal, de forcé, en un mot : de provocateur. Alors que ce sont les croyants, les anormaux. Croire dénote une faiblesse de l'epsrit qui confine à la maladie mentale. C'est le résultat de la peur de la mort, de l'incompréhension de l'Univers, du besoin d'un père responsable à prier et à blasphémer, et surtout à la soumission à ce qui se fait là où le hasard vous a fait naître. Un chrétien ne naît pas chez mes musulmans, un juif chez les bouddhistes. C'est à se demander comment ils peuvent être aussi fervents sans s'inquiéter de ce qu'il en serait de leur foi s'ils étaient nés de l'autre côté de la rue, ou de la frontière. On ne tient pas assez compte de l'importance de l'instinct grégaire en matière de foi, autrement dit du conformisme.
L'homme sain dans sa tête n'a pas besoin des béquilles de la religion. Or c'est lui qu'on tient pour un asocial, quand ce n'est pas pour un amoral, une espèce de pervers. Et si l'on m'objecte que, aussi loin qu'on explore l'Histoire, il y a toujours eu des religions, je réponds que l'homme est né avec la trouille au ventre, cette trouille qui empêche de voir clair.
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