Falenn a écrit :La question n'est pas que ce soit inconcevable ou absurde, mais observable. A-t-on déjà constaté ce phénomène ? Non.
Les physiciens, qui émettent l'hypothèse du commencement de la matière, violent les règles arithmétiques fondamentales en supposant que "0 x X = 1" et le X n'étant rien lui-même.
Du point de vue de la science expérimentale, vous avez raison. La science expérimentale a pour objet notre Univers: elle ne saurait aller plus loin, à moins d'inclure d'autres objets "extra-universels" dans son univers d'étude, à moins d'élargir sa définition d' "Univers", quoi! Après tout, il y eut une époque où l'on appelait l'Amérique le "Nouveau MONDE", il y eut une époque où l'on appelait les autres planètes "d'autres mondes". Une théorie des multi-univers, ce ne serait rien de nouveau en ce sens: un élargissement de notre définition de "monde", de ce qui est accessible à l'observation et à la spéculation.
Quand les Grecs, avec Aristote, et plus tard les Pères de l'Église, ont cru pouvoir déduire rationnellement, à partir du monde observable, l'existence d'un Être extérieur à tout notre Univers, aussi grand soit-il, l'existence d'un Être qui serait la cause de tout cet Univers, de chacune de ses perfections, ce n'était pas en fonction de la théorie du Big Bang.
À ce moment de l'évolution de la pensée, ils ont dit: le monde n'est manifestement pas sa propre existence, sa propre raison d'être: il doit reposer, de façon
actuelle,
présente et
continuelle sur Celui qui possède l'existence en propre, qui est son propre être et qui ainsi est seul apte à soutenir dans l'être ce qui est contingent, ce qui n'existe pas nécessairement, ce qui est essentiellement changeant et limité.
Le raisonnement que j'ai donc fait valoir ne présente pas Dieu comme la première d'une série horizontale de causes dans le temps; Dieu n'est pas T=0. L'Univers est
actuellement contingent; il ne se suffit pas à lui-même, non pas parce qu'il n'est pas infini, mais parce qu'il est en devenir, infini ou pas; et infini ou pas, il doit reposer sur l'Être même pour exister.
Tout ce questionnement sur les premiers instants de l'Univers sont des questions très compliquées et passionnantes, surtout pour des astrophysiciens qualifiés, ce que je ne suis pas. Mais comprenez bien qu'on n'est pas plus proche de Dieu à T=10^-43s qu'aujourd'hui en ce magnifique 30 juin 2006 après Jésus-Christ. Dieu n'est pas une entité physique précédant la naissance de l'Univers; il ne peut donc être remplacé par un multivers car il ne joue pas ce rôle: il joue un rôle beaucoup plus fondamental. Je vois qu'un débat
métaphysique tourne à un débat
physique: c'est une attitude fort compréhensible pour nos esprits modernes peu habitués à ce genre de considérations.
Je vais dire bien sincèrement avec vous, Falenn, qu'un "créationnisme scientifique", c'est-à-dire, au sens moderne, un créationnisme "physique", un créationnisme qui veut que Dieu=T=0, est une confusion ridicule. Mais en le dénonçant face à mes arguments, n'êtes-vous pas tombé dans la même confusion?
J'avoue avoir versé, dans mon dernier message, dans cette digression passionnante, sujet qui a fait mes lectures favorites quelques années durant. Mais redressons le cap. Réduire Dieu à une "première cause", c'est n'avoir rien compris à l'argument par la contingence. C'est prétendre, au contraire, qu'il suffise que Dieu donne l'étincelle initiale, pour qu'ensuite l'Univers continue de lui-même, autosuffisant, déterministe ou non (c'est un autre débat)
. C'est en fait nier subtilement la majeure:
D'aucune chose dans l'Univers l'existence n'est nécessaire.
On ne parle pas ici de leur configuration propre, de leur forme, de la manière dont ils sont arrangés, aucune considération physique donc;on parle du simple fait d'être: ce qui change n'existe pas par soi-même, mais par un autre, constamment, actuellement.
Falenn a écrit :OUF ! (immense "ouf" de soulagement). J'ai cru être l'unique adepte de la non-création.
Et nous voilà replongés dans les affres du temps (l'avant big bang).
D'un point de vue strictement philosophique, que l'Univers soit infini ou non ne change rien au débat. Comme j'ai cru assez bien l'exprimer dans mon dernier message: "..., la cause première ne se situe pas à une extrémité du temps, disparaissant avec cette extrémité dans le cas d'un univers infini; elle se situe en dehors du temps, comme la source de l'existence actuelle, perpétuelle, de l'Univers. "
C'est là en même temps ma réponse à ceci:
Crovax a écrit :Il faudrait donc prouver que Dieu, toujours avec la même définition, nous a créé directement plutôt que de créer les conditions initiales qui, après un certain nombre d'intermédiaires, nous ont engendré.
C'est justement ce que l'argument par la contingence démontre: il ne présente pas Dieu autrement que comme le Créateur actuel de l'Univers, l'absolu sur lequel est basé tout relatif.
Prenons un exemple. Vous connaissez peut-être les règles du "jeu"
Life, qui font en sorte qu'un agencement relativement simple de carrés donne lieu, par itératios successives, à des formes complexes. Si vous ne les connaissez pas, allez faire une recherche sur "The Game of Life", ou mieux, sur le phénomène de l'émergence. Le "jeu" a reçu ce nom du fait qu'à un phénomène similaire peut être attribué l'apparition de la vie et de toute la complexité de l'Univers, à partir de règles physiques extrêmement simples.
Dans une perspective matérialiste, ou de "créationnisme scientifique", Dieu, ou un quelconque facteur physique antérieur, ne fait qu'établir les règles du "jeu": le reste arrive tout seul.
Dans la perspective aristotélicienne, ou du "réalisme modéré", Dieu est chacun des pixels de l'écran qui allument les petits carrés; il est le soutien, la base de l'existence de tout ce système: toute cette organisation ne se soutient pas elle-même dans l'existence mais elle est générée par cet ordinateur. Sans électricité, sans mémoire vive, sans moniteur, rien n'arriverait. Quoique d'un certain point de vue, tout cela arrive par soi-même, suivant ses propres règles, d'un autre point de vue, plus fondamental, tout cela est soutenu, permis et généré par des causes antérieures et d'un autre ordre. C'est une comparaison, sur le plan physique, de ce qui arrive sur le plan métaphysique, donc de l'être, à notre Univers.