Ces femmes qui ont découvert un autre chemin de l’immigration clandestine
Hayat, Fouzia et Ilham sont trois Casablancaises à Tanger. Ce qu’elles font ? Elles attendent le feu vert pour pouvoir enfin traverser le Détroit. Elles font partie d’un groupe de plus de 60 jeunes femmes, toutes de Casablanca. La plus âgée d’entre elles a 30 ans. Le point commun chez toutes ces personnes, c’est qu’elles fréquentaient les mêmes cabarets d’un coin chaud bien connu des Casablancais.
Deux de leurs copines ont eu la chance de passer de l’autre côté de la rive méditerranéenne.
L’une est depuis trois ans et demi en Italie et l’autre en France. Elles représentent pour celles « coincées ici » leur seule planche de salut. Les deux MRE ont attendu de bien s’installer avant de commencer un trafic des plus payants : « J’ai été contactée par un ami au Maroc qui m’a proposé d’utiliser mon passeport et mon certificat de résidence à faire passer des filles. Il m’a proposé 40.000 DH par personne », nous confie par téléphone la résidente en Italie. Ses conditions ont été simples : « que ça soit d’abord mes amies qui en bénéficient et qu’elles passent ou pas je reçois mon du ». Elle ne craint rien puisque selon elle, « je peux déclarer que mes papiers m’ont été volés à n’importe quel moment. D’ailleurs les gars au Maroc m’informent du déroulement des choses. Et puis ici je suis couverte par mon travail ». Ces papiers, passeport marocain, carte de séjour et carte de prise en charge médicale circulent depuis 6 mois entre Torino, Nîmes et Tanger.
« je n’ai rien à perdre, je préfère risquer la prison et réitérer ma tentative de partir que de rester ici »Trente six sur les soixante sont déjà sous d’autres cieux. Hayat, la Casablancaise comme on la surnomme dans un pub à Tanger, n’a pas été très chanceuse dans sa première tentative. « J’ai été parmi les toutes premières, je n’ai payé que 60.000 DH à un contact ici mais j’ai été refoulée à l’aéroport en Italie », raconte-t-elle les larmes aux yeux. Tous les détails étaient ficelés, sa photo figurait sur le passeport falsifié, sur la carte de séjour enfin sur toutes les pièces justificatives, elle avait même passé deux mois à se griller au soleil pour bronzer et avoir le même teint que son « substitut ». Son billet en main, Hayat a pris l’avion vers la « délivrance », comme elle aime appeler l’Europe.
Le seul hic, c’est qu’elle ne connaît pas un traître mot d’italien alors qu’elle était censée avoir vécu trois ans en Italie. Vous imaginez bien qu’une fois arrivée à la frontière italienne, elle ne pouvait comprendre ce qu’on lui disait, ce qui est absurde pour les autorités italiennes. Hayat travaille actuellement comme serveuse en attendant de partir pour la France.
Elle travaille d’arrache-pied de jour conne de nuit pour réunir encore une fois la fameuse somme de 60.000 DH. « Au moins avec les Français je n’aurais pas de problèmes, je me débrouille avec leur langue », nous dit-elle avec beaucoup d’assurance. Pour Ilham et Fouzia, le topo est autre depuis que le contrôle des autorités est plus ardu, les receleurs leur ont conseillé d’attendre un peu. Elles vont passer prochainement par les frontières espagnoles, une par Tanger et l’autre fera le déplacement à Nador.
Le tarif est beaucoup plus élevé pour elles.
Elles ont payé 80.000 DH parce qu’elles n’ont pas la chance d’avoir été proches des propriétaires des passeports. Leurs contacts sont différents, Ilham nous confie que chaque jour une personne différente l’appelle sur son téléphone portable (acheté pour l’occasion avec une puce volée à Derb Ghallef) et lui donne un indice pour pouvoir la reconnaître dans un lieu public.
Chacune son histoire, chacune ses malheurs, mais le plus impressionnant chez ces candidates à l’immigration clandestine, c’est qu’elles ne craignent même pas d’être prises par les autorités.
Leur réplique est la même, « je n’ai rien à perdre, je préfère risquer la prison et réitérer ma tentative de partir que de rester ici ».
Fatima-Zohra H. Alaoui - Le Matin
ces femmes marocaines qui émigrent par désespoir
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