Qu'est ce que la logique pour Vous ?

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quintessence

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Ecrit le 13 oct.06, 07:13

Message par quintessence »

je vous conseille d'arrété la philosophie et la logique , je vous conseille le coran et la sounnat et de consacré votres temps a les étudiers.

LumendeLumine

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Ecrit le 13 oct.06, 07:28

Message par LumendeLumine »

Bonjour Florent!
Florent51 a écrit :Pure hypothèse.
C'est l'explication la plus vraisemblable que je connaisse. Vous avez mieux?
Florent51 a écrit :Vous affirmez qu'il ne s'agit pas d'une destruction de la réalité mais d'une transformation, cela ne change rien quant au caractère capricieux concernant la date de cette transformation.
Ma réponse n'était pas "il ne s'agit pas d'une destruction mais d'une transformation", mais bien: 1. Le capricieux change constamment d'idée; or Dieu ne change pas d'idée puisqu'il agit conformément à la fin qu'il poursuit tant par la conservation actuelle des choses que par le renouvellement qu'il opérera à la fin des temps. 2. Agir par caprice est signe d'imperfection et ne convient aucunement à Dieu, source de toute perfection.
Florent51 a écrit :Allons, allons!!
Si ma bicoque qui fuit de partout (image réaliste du monde) est remplacée par un palais alors la phrase qui dit "ma maison telle que je la connaissais a cessé d'exister" est juste. La promotion dans l'être ne change rien au caractère radical de la transformation.
Il me semble que ce sur quoi Nietzsche base sa critique est la possibilité réelle du retour au néant de toutes choses. Or il y a loin entre une transformation radicale, allant vers le plus et non vers le moins, et une destruction complète. Finalement la critique s'en trouve largement amoindrie. On en reste avec ce que la chrétienté a toujours admis: la fragilité du monde actuel, que je vous concédais volontiers. Néanmoins, avec le "caprice divin" et l'annihilation de toutes choses en moins, je ne vois pas ce que Nietzsche apporte qu'on ne savait pas déjà.
Florent51 a écrit :C'est en lisant ce genre de passage mon cher Lumen que je me demande si vous ne faîtes pas preuve d'une certaine mauvaise foi. Je n'ai pas dit en effet "disparition du réel" mais "disparition du réel tel que je le connais", ça change tout et je demande bien comment vous avez pu ne pas prendre en compte cette précision
Vous ne pouvez pas déduire d'une "disparition du réel en tant que c'est celui que nous connaissons" une attaque contre la valeur du réel mais seulement contre l'ordre actuel des choses. Or c'est bien une attaque contre la valeur du réel que vous tentez de faire dire à la théologie chrétienne. À quoi bon tout ce blabla sur le néant si ce n'est pas du réel en tant que tel mais seulement de l'ordre actuel des choses que vous voulez parlez? C'est vous qui jouez avec les mots pour tenter de faire à la théologie ce qu'elle ne dit pas. Elle ne parle aucunement d'une disparition du réel, mais de l'ordre actuel des choses; appelez ça "réel tel que je le connais" si vous voulez, mais n'allez pas pas sortir de là une attaque contre la valeur réelle des choses, qui les "dépossède de leur réalité" comme c'est bien l'argument de Nietzsche.
Florent51 a écrit :La phrase "il n'y a plus ni maris ni femmes" signifiait (puisque je dois choquer votre pudeur allons-y), non pas que monsieur et madame ont disparu mais qu'ils n'entretiennent plus ce genre de relations qui caractérisent un couple réel : relations charnels et possibilités d'enfantement. Vous prenez le terme "sexué" dans un sens qui ne choquerait guère la moral élisabéthenne : si le corps humain n'a de caractère sexué que ce qu'un petit garçon et une petite fille de 8 ans peuvent nous en révéler, vous avez dû oublier quelque chose en chemin, cette sexuation indique autre chose que la simple différence des genres concernant les adultes réels. Ne vous payez donc pas de mots, comme dirait Nietzsche!
Vous pourtant bien utilisé le terme "asexué", qui signifie absence de la différenciation masculin/féminin.

Non, il n'y aura pas de relation sexuelles parce que ce mode d'union apparaîtra pauvre et inutile en comparaison à celui que nous connaîtrons; et il n'y aura pas davantage de procréation puisque tous les humains que Dieu aura voulu créer auront été créés.

Néanmoins la sexualité est essentiellement plus que la relation sexuelle; elle créé l'altérité au sein de l'espèce, le sens du don de soi, la variété des psychologies; et il n'y a pas de raison que ceci disparaisse dans la vie éternelle.
Florent51 a écrit :Le problème pour définir l'être humain n'est pas de savoir ce que l'être humain souhaite mais ce qu'il est. Point.

Un corps imputrescible n'est pas ce que nous appelons un corps, ce que nous savons être un corps. Point.
Et pourtant il y a bel et bien contradiction, dans la nature humaine, entre ce qui la fait et ce qui la détruit, et il faut donc distinguer, sous peine d'identifier des contradictoires, ce qui est essentiellement propre à l'homme et ce qui n'est qu'attribut accidentel lié à des conditions d'existence mauvaises.

Les corps sont tous corruptibles mais la corruptibilité n'est pas ce qui fait les corps, mais ce qui les détruit; elle ne saurait donc être un attribut essentiel des corps, car alors ce fait les corps serait sous le même rapport ce qui les détruit, ce qui est absurde. La souffrance va dans le même ordre d'idées puisqu'elle associée à la corruptibilité.

Avoir recours aux lois physiques ne résout pas la contradiction et n'explique rien; bien sûr tout se déroule en accord avec les lois physiques, mais qu'est-ce que cela change au problème? Les lois physiques elles-mêmes révèlent leur imperfection interne, puisqu'elles entraînent des contradictoires.

Dans cette optique, oui, je trouve ma métaphore du 33 tours tout à fait appropriée. C'est la structure même du 33 tours qui entraîne et la musique et l'interférence; l'un et l'autre sont produits par les mêmes lois physiques et pourtant l'un est essentiel et l'autre accidentel.
Florent51 a écrit :La physique parle s'agissant du commencement de l'univers de la "singularité initiale" ce qui peut être compris comme la somme de toutes les singularités.
Et alors?
Florent51 a écrit :De plus : vous me reprochiez de faire reposer mon raisonnement sur des hypothèses, sur un grand "peut-être" et n'est-ce pas précisément ce que vous faîtes ici en essayant de rejeter à tout prix la comparaison que je fais entre l'impossibilité de penser le commencement du réel et le commencement du temps ou de l'espace?
Je la rejette d'emblée et je n'ai pas besoin de la physique pour prouver que vous avez tort; vous confondez l'objet de l'intellect qui donne son sens au mot "réel": l'être, et les cadres expérimentaux dans lesquels l'intelligence s'exerce: le temps et l'espace.
Néanmoins il se trouve que la physique vous donne tort également; elle envisage bien un commencement du temps et de l'espace, mais pas du tout un commencement du réel. On ne peut donc pas dire que le commencement du temps et de l'espace est impensable, puisqu'il fait l'objet de théorie scientifiques.
Florent51 a écrit : Je vais finir par trouver agaçant ses réitérations perpétuelles des mêmes remarques sans avoir jamais essayé de prendre en compte les contre-remarques que je vous ai faîtes.
Je vous ai dit que certes la science ne parle pas d'un "commencement du réel" mais qu'elle parle encore moins d'un "univers qui aurait été tiré du néant".
Et alors? Cela vous permet-il pour autant de mettre sur le même plan commencement du réel et commencement du temps ou de l'espace? Non, et c'est uniquement ce que j'entendais montrer ici, par cet argument particulier. Votre contre-remarque n'a pas sa place dans le fil de la conversation.

Je ne voulais bien évidemment pas montrer en faisant appel à la science qu'une création ex nihilo était envisageable; ce n'était pas la question. Ce n'est pas mêlant les arguments les uns avec les autres que vous allez vous en sortir.
Florent51 a écrit :Ce que je conteste c'est précisément la validité de cet "universel" une fois que vous l'avez abstrait du terreau où il prend son sens c'est-à-dire la réalité concrète.
Lorsque vous dites réalité concrète j'imagine que vous entendez les cadres expérimentaux que nous connaissons et non pas la réalité en tant que telle, comme vous l'aviez précisé ailleurs. Or si on ne peut pas faire sortir une notion des cadres expérimentaux où on la constate, alors on ne peut pas abstraire. L'abstraction n'a plus de sens. Abstraire, c'est précisément sortir du cas-par-cas, de l'expérience. Somme toute je ne vois pas comment pouvez dire ne pas nier la capacité d'abstraction de l'intelligence si vous ne lui permettez pas de sortir des cadres de l'expérience.

Ce qui ne sort pas des cadres de l'expérience c'est ce qui est essentiellement lié à l'expérience, c'est-à-dire les sens. Si l'intelligence est elle aussi essentiellement liée à l'expérience, alors elle ne distingue pas formellement des sens, ce qui constitue la base de l'agnosticisme contemporain. Soit donc elle n'existe pas (empirisme), soit elle ne fournit que des cadres à priori, sans lien essentiel avec le réel en tant que tel, arbitrairement. (idéalisme)

Mais si elle a un lien essentiel avec le réel en tant que tel, d'où elle dégage ses notions a posteriori, alors il n'y aucune objection à pouvoir sortir des cadres de l'expérience, par conséquent affirmer, ce qui est évident, qu'un commencement absolu de toutes choses est impossible, qu'un être existant par soi est requis pour expliquer l'existence de ce qui dépend d'autre chose que de soi pour exister.

Même dans une optique idéaliste, un tel commencement est rigoureusement absurde, et n'est tenu pour possible que parce le lien entre l'intelligence et la réalité n'existe plus, par conséquent on ne saurait dire avec certitude que ce qui est contradictoire est nécessairement faux.
Néanmoins on ne peut pas donner sens à un tel commencement, qui peut être aussi bien commencement que non-commencement, réel que non-réel, vrai que faux, en même temps et sous le même rapport. Celui qui penserait voir dans un contradictoire une explication se leurre; il a déjà, avec son postulat de la négation de l'intelligence, renoncer à expliquer quoi que ce soit avec certitude. Et ce, même dans le cadre de l'expérience, puisque l'expérience ne nous fournit pas les raisons d'être des phénomènes qui s'y déroulent. Pour les connaître, il faudrait que l'intelligence puisse atteindre à l'intime des choses; or on l'élèverait par-là au-dessus de l'expérience, l'autorisant à en sortir et à démontrer l'existence de Dieu, ce qu'il faut à tout prix éviter ! :wink: Demeurons donc dans l'absurdité monumentale et généralisée, puisque c'est la position la plus raisonnable et prudente, celle où les grands penseurs depuis Descartes nous ont amenés. :lol:

Florent51

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Ecrit le 13 oct.06, 09:54

Message par Florent51 »

LumendeLumine a écrit :Bonjour Florent!
Mon cher Lumen,

Il me semble qu'il serait grand temps d'exercer un "méta-discours" concernant notre discussion. Moi qui accorde une tellement grande importance à la raison, je finis effectivement par être frustré par notre conversation. Il est bien clair que nous avons dit et redit nos positions. Il ne sert à rien d'espérer naïvement que l'autre revienne sur ce qu'il a déjà patiemment étayé. D'où vient alors cette récurrence des arguments et cette impossibilité de s'entendre? Si la raison était univoque est-ce que cela ne devrait pas être impossible? Evidemment il est très difficile d'avouer à soi-même son parti-pris. Personnellement j'ai l'impression d'être assez objectif mais il est très clair que je ne suis pas forcément le meilleur juge de moi-même.

Je vais malgré tout vous parler franchement ici comme je l'ai fait depuis le début. Il me semble (mais évidemment je suis tout à fait conscient que vous pensez sans doute sincèrement le contraire et j'attends votre réflexion là dessus) qu'effectivement c'est vous qui utilisez mal votre raison (vous ne pouviez pas vous attendre à une autre opinion de ma part) quand bien même vous êtes intelligent. Il me semble en effet que le mot essentiel dans ce sujet ô combien complexe est celui de prudence et que vous (et la pensée que vous représentez) n'en faîtes pas suffisamment montre. C'est ici que je dirai que vous n'êtes pas suffisamment honnête avec la logique, avec ce qu'elle nous permet de dire et de ne pas dire.

D'abord le premier point, incontestable, réside dans le fait que la position que vous défendez est plus forte, plus radicale que la mienne. Selon votre position en effet le réel ne PEUT PAS avoir commencé, c'est une chose impossible car contradictoire. Ma position est moins rigide : comme je vous l'ai expliqué je ne pose pas avec assurance qu'il a commencé et je reconnais que vous pouvez fort bien avoir raison. Sur ce point donc le radicalisme dont vous faîtes preuve me paraît une hypothèse plus difficile à soutenir que la mienne. Ce caractère tranché de votre position va de pair me semble-t-il avec (ne le prenez pas mal car j'ai moi-même ce défaut mais il me semble - il me semble - qu'il est un peu moins marqué chez moi, du fait précisément peut-être de la plus grande souplesse de ma thèse) ce qu'il faut bien appeler quelques fois, de votre part, un discours un peu professoral, sentencieux ("l'intelligence peut penser ceci pas cela", "vous confondez imagination et abstraction", etc) dont je me demande parfois s'il n'est pas un brin excessif voire ridicule (pas vous mais cette manière de découper le réel selon les pointillés, en détaillant ici ou là avec l'oeil de Dieu telle ou telle catégorie, qui n'est pas la même que sa voisine, comme si vous y lisiez à livre ouvert).. Bref il me semble pour faire une petite analyse de votre style au pied levé que cette certitude dans le ton de votre discours est indissociable de la radicalité de votre thèse ; pour que ce discours puisse passer il faut qu'il soit dit d'un ton sans réplique, ex cathedra, car ce qu'il soutient je l'ai dit est fort.

Sur le fond ce qui m'étonne c'est que vous-mêmes vous reconnaissez que nous ne pouvons pas penser le commencement du réel quand bien même nous le voudrions. Vous ajoutez que ce commencement est non seulement impensable mais contradictoire. Ce discours qui dit l'impossibilité de ce qui est en soi contradictoire est cohérent si les lois de l'être que nous connaissons sont bel et bien l'alpha et l'oméga de la réalité, la parfaite intelligibilité du réel. Or il me semble que cette concordance entre la réalité et les lois logiques est justement plutôt l'objet d'un pari qu'une certitude. Pour reprendre ce que dit Kant : nous ne pourrions savoir avec certitude que les lois de la logique correspondent au réel que si nous étions capable en quelque sorte de sortir de nous-mêmes, de notre esprit, et de constater cet accord. Mais la position qui est la nôtre est plus inconfortable car à part précisément notre raison nous n'avons rien qui nous dise, qui nous assure que la réalité se plira bien aux lois de la logique dont nous la croyons, dont nous la voulons solidaire. Et c'est pourquoi je continue à penser que malgré la pertinence et la cohérence de votre vision du monde celle-ci pêche par excès d'imprudence.

Je réponds brièvement à vos remarques mais sur ce plan nous savons déjà que l'essentiel a été dit.
LumendeLumine a écrit :C'est l'explication la plus vraisemblable que je connaisse. Vous avez mieux?
Je reconnais que dans la "logique" chrétienne on peut effectivement tordre son esprit jusqu'à penser que la double nature de Jésus autorise ce genre d'accrobaties (si l'on était irrévérencieux on dirait de "schizophrénie") : ce que sait une partie l'autre ne le sait pas (donc un peu sous la forme : ce que fait ma main droite..).
J'aimerais par contre vous poser une question plus intéressante sur ce point litigieux (et dont vous aurez compris que je n'y vois qu'un jeu intellectuel) : la théologie catholique affirme-t-elle que par contre le saint-esprit connaît cette date? Si oui sur quoi se base-t-elle pour l'affirmer? Si non vous voyez par vous-mêmes les redoutables problèmes de cohérence que cela pose.. Et mon idée de caprice ne serait peut-être pas si éloignée..
LumendeLumine a écrit : Ma réponse n'était pas "il ne s'agit pas d'une destruction mais d'une transformation", mais bien: 1. Le capricieux change constamment d'idée; or Dieu ne change pas d'idée puisqu'il agit conformément à la fin qu'il poursuit tant par la conservation actuelle des choses que par le renouvellement qu'il opérera à la fin des temps. 2. Agir par caprice est signe d'imperfection et ne convient aucunement à Dieu, source de toute perfection.
1. Ne jouons pas sur les mots : une unique décision que l'on prend dans le secret de soi-même d'une action que l'on fera ultérieurement sans informer autrui du résultat de cette décision ni des raisons qui ont motivé cette décision, voilà qui peut constituer une définition tout à fait valable du mot "caprice".
2. Cet argument par la perfection divine n'a évidemment aucun sens pour un non-croyant, enfin!! L'invoquer comme valable universellement est une faute de logique et vous auriez certainement dû préciser "selon la théologie catholique" ou "selon moi".
LumendeLumine a écrit :Il me semble que ce sur quoi Nietzsche base sa critique est la possibilité réelle du retour au néant de toutes choses. Or il y a loin entre une transformation radicale, allant vers le plus et non vers le moins, et une destruction complète. Finalement la critique s'en trouve largement amoindrie. On en reste avec ce que la chrétienté a toujours admis: la fragilité du monde actuel, que je vous concédais volontiers. Néanmoins, avec le "caprice divin" et l'annihilation de toutes choses en moins, je ne vois pas ce que Nietzsche apporte qu'on ne savait pas déjà.
En fait c'est plutôt de Feuerbach qu'il s'agit ici, Nietzsche aurait vu dans cette simple interrogation sur la possibilité du retour au néant de toutes choses non pas tant un problème de logique qu'un signe de maladie, de faiblesse du raisonnement.
Sur le fond c'est quand même une question de logique (je suis plus feuerbachien que nietzschéen au moins ici) : si votre vieille bâtisse qui prend l'eau est soudainement (par des moyens dont nous n'avons guère d'idée..) transformée en palais (pour reprendre votre expression), qu'est-ce qui vous garantit que vous pouvez encore continuer à user du même terme pour la désigner? Voilà une question passionante pour la philosophie anglo-saxonne du langage.
Dire "ma vieille bâtisse croulante a été transformé en palais" n'est pas plus ni moins logique que de dire : "ma vieille bâtisse croulante a disparu et on lui a substitué un palais"..
Donc lorsque je dis avec Feuerbach que la fragilité de notre monde tel que nous le connaissons est radicale dans la théologie chrétienne c'est tout à fait juste car on peut très bien employer d'un point de vue logique cette formulation : "l'ancien monde intrinsèquement imparfait dans les lois qui le constituaient (cataclysmes, tremblements de terre..) a disparu et on lui a substitué un nouveau monde sans imperfection". Et peu importe que la théologie catholique dise que l'univers n'a fait ainsi que recouvrer sa vraie nature : le hiatus entre une des versions et l'autre est tel, tellement radical, que l'on peut dire qu'une des versions (l'imparfaite) a disparu pour laisser place (ou laisser revenir) l'autre version (celle qui est parfaite). Il y a bien insécurité ontologique complète et fragilité radicale du réel tel que nous le connaissons. Et d'un caprice on passe à l'autre.
LumendeLumine a écrit : Vous ne pouvez pas déduire d'une "disparition du réel en tant que c'est celui que nous connaissons" une attaque contre la valeur du réel mais seulement contre l'ordre actuel des choses. Or c'est bien une attaque contre la valeur du réel que vous tentez de faire dire à la théologie chrétienne. À quoi bon tout ce blabla sur le néant si ce n'est pas du réel en tant que tel mais seulement de l'ordre actuel des choses que vous voulez parlez? C'est vous qui jouez avec les mots pour tenter de faire à la théologie ce qu'elle ne dit pas. Elle ne parle aucunement d'une disparition du réel, mais de l'ordre actuel des choses; appelez ça "réel tel que je le connais" si vous voulez, mais n'allez pas pas sortir de là une attaque contre la valeur réelle des choses, qui les "dépossède de leur réalité" comme c'est bien l'argument de Nietzsche.
Réponse habile de votre part. Mais comme souvent elle témoigne plutôt selon moi de la profondeur en vous de votre vision des choses qui vous laisse rarement la possibilité de supposer que les autres n'ont pas forcément la même.
Pour pouvoir désigner avec certitude "le monde tel que nous le connaissons" par l'expression "l'ordre actuel des choses" il faudrait que nous sachions avec certitude qu'un "autre ordre" est possible. Or c'est ce dont nous n'avons aucun indice, au contraire : l'ordre actuel des choses est celui que nous avons toujours connu et il serait donc plus exacte de le désigner comme "l'ordre que nous connaissons depuis toujours des choses". Vous voyez donc bien, par la logique, que l'expression par laquelle vous voulez désigner la réalité et que vous voulez substituer à celle que je donnais suppose précisément ce qu'il s'agit de démontrer : que le réel tel que nous le connaissons n'est qu'un réel en sursis, en attente de parachèvement. Votre réponse est encore une fois plus un pari, qu'une démonstration.
LumendeLumine a écrit :Vous pourtant bien utilisé le terme "asexué", qui signifie absence de la différenciation masculin/féminin.

Non, il n'y aura pas de relation sexuelles parce que ce mode d'union apparaîtra pauvre et inutile en comparaison à celui que nous connaîtrons; et il n'y aura pas davantage de procréation puisque tous les humains que Dieu aura voulu créer auront été créés.

Néanmoins la sexualité est essentiellement plus que la relation sexuelle; elle créé l'altérité au sein de l'espèce, le sens du don de soi, la variété des psychologies; et il n'y a pas de raison que ceci disparaisse dans la vie éternelle.
Je sais fort bien que la pensée catholique va jusqu'à imaginer que la chasteté du prêtre est une forme de sexualité, peut-être même sa forme la plus accomplie, position de surplomb et d'exemple à partir de laquelle le prêtre n'aurait aucun problème finalement à donner des conseils, à recevoir les confessions sur ce sujet et à guider sur la bonne voie les couples mariés qui se confient à lui.. Ne cherchons pas à savoir ce qu'aurait pensé Nietzsche de cela! Perversion de la raison?
LumendeLumine a écrit :Et pourtant il y a bel et bien contradiction, dans la nature humaine, entre ce qui la fait et ce qui la détruit, et il faut donc distinguer, sous peine d'identifier des contradictoires, ce qui est essentiellement propre à l'homme et ce qui n'est qu'attribut accidentel lié à des conditions d'existence mauvaises.
La mort de l'individu peut être liée à des conditions d'existence mauvaise mais la mortalité elle-même ne l'est pas.
LumendeLumine a écrit :Les corps sont tous corruptibles mais la corruptibilité n'est pas ce qui fait les corps, mais ce qui les détruit; elle ne saurait donc être un attribut essentiel des corps, car alors ce fait les corps serait sous le même rapport ce qui les détruit, ce qui est absurde. La souffrance va dans le même ordre d'idées puisqu'elle associée à la corruptibilité.
Je crois parfois rêver en vous lisant.. La corruptibilité n'est pas un "attribut essentiel des corps" et pourtant nous ne connaissons pas de corps qui ne soit pas corruptible.. Cherchez l'erreur...
LumendeLumine a écrit :Avoir recours aux lois physiques ne résout pas la contradiction et n'explique rien; bien sûr tout se déroule en accord avec les lois physiques, mais qu'est-ce que cela change au problème? Les lois physiques elles-mêmes révèlent leur imperfection interne, puisqu'elles entraînent des contradictoires.
C'est votre anthropomorphisme qui prête aux lois physiques la notion "d'imperfection". Un tremblement de terre qui peut faire des millions de morts n'a aucune imperfection ou faute morale en lui-même : il ne fait qu'exprimer le processus naturel qui a créé la terre et continue de la modeler. Votre vision des choses...
LumendeLumine a écrit :Dans cette optique, oui, je trouve ma métaphore du 33 tours tout à fait appropriée. C'est la structure même du 33 tours qui entraîne et la musique et l'interférence; l'un et l'autre sont produits par les mêmes lois physiques et pourtant l'un est essentiel et l'autre accidentel.
Dans la mesure où je constate que vos métaphores ont pour qualité essentielle d'anthropomorphiser le réel et de le déprécier je vous conseillerais plutôt de vous en méfier..

Tout le reste de votre message, question du commencement du monde, savoir si on peut parler de "commencement du réel", si on peut le distinguer du commencement de l'espace et du temps, manière de comprendre la notion d'abstraction et ce qu'il faut entendre par intelligibilité du réel, tout cela a déjà été discuté et rediscuté et n'ayant plus aucun doute et pas de zones d'ombre concernant ce que vous affirmez je peux raisonnablement supposer que c'est le cas de votre côté concernant mes positions, et ne constatant pas d'arguments inédits dans vos répliques (mais dîtes-le moi, si cela m'avait échappé) à mes positions déjà connues, il est donc inutile de s'y appesantir une fois encore

LumendeLumine

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Ecrit le 14 oct.06, 10:31

Message par LumendeLumine »

Salut Florent,

Je pense bien en effet que la raison est la même chez tous les humains parce qu'elle a pour objet la même réalité. L'un de nous se trompe dans ses positions et ne voit pas encore clairement pourquoi.

Vous dites que je ne fais pas montre d'assez de prudence, en refusant absolument la possibilité d'un commencement absolu du réel. C'est selon vous une position plus rigide.

Je pense que ce refus absolu de la possibilité réelle de l'absurde (car un commencement absolu du réel est absurde, vous ne le démentez pas) est la condition sine qua none pour que l'exercice de l'intelligence ait un sens, une portée réelle. En ouvrant la porte à l'absurde vous fermez celle de la relation entre l'intelligence et le réel en soi, pour ne conserver que celle du réel en tant qu'il est accessible à l'expérience, le réel sensible, c'est-à-dire finalement l'empirique. Par là vous niez l'intelligence en tant que faculté formellement distincte des sens et vous n'avez d'autre choix que d'appeler ses jugements soit des illusions (c'est la conclusion de Hume), soit des a priori (c'est la conclusion de Kant) impossibles à vérifier.

Chaque fois que je vous sors cette réflexion, vous m'accusez de me répéter sans raison. Et pourtant c'est là le noeud du problème, et là la raison pour laquelle je ne vous suis pas dans votre agnosticisme. Et pourtant aussi vous avez fourni une réponse très intéressante en reprenant Kant dans votre dernier message:

"nous ne pourrions savoir avec certitude que les lois de la logique correspondent au réel que si nous étions capable en quelque sorte de sortir de nous-mêmes, de notre esprit, et de constater cet accord."

Que c'est bien dit. C'est là vraiment, parfaitement formulé, le fondement de l'agnosticisme et là où je ne vous suivrai pas. Je crois en effet, et c'est le premier postulat de la philosophie réaliste, qu'en quelque sorte nous pouvons sortir de nous-même pour atteindre les choses, et que cette sortie de soi, cette rencontre avec le réel tel qu'il est, c'est l'activité de l'intelligence, c'est sa relation avec l'être des choses que nous présentent les sens.

Au contraire l'intelligence pour Kant n'est pas en contact avec le réel, mais avec ses propres idées; l'idée, et non pas la chose, est l'objet connu. L'idée n'est donc plus une relation entre l'intelligence et l'objet, mais elle prend la place de l'objet comme un nouvel objet, un objet secondaire. Du coup il est impossible de savoir si l'idée a vraiment un lien avec l'objet primaire; du coup il est impossible de savoir quoi que ce soit du réel en tant que tel puisque l'intelligence n'est pas en contact avec lui, mais seulement avec ses idées qui sont peut-être illusoires, qui sont des a priori, et qu'on associe arbitrairement à l'expérience.

Vous pensez tenir avec Kant une position plus modérée. Eh bien en fait c'est une position extrême, parce qu'elle nie tout lien entre l'intelligence et le réel. Il y a eu dans l'histoire de la philosophie à ce sujet trois grands courants: le réalisme absolu, le réalisme modéré, et le nominalisme. Le réalisme absolu, avec Parménide, Platon et Spinoza prétend que l'intelligence est en contact avec le réel en soi de façon directe et a priori, sans passer par les sens. Le réalisme modéré, avec Aristote et l'École, prétend que l'intelligence est en contact avec le réel, mais seulement celui que lui présentent les sens; c'est donc a posteriori qu'elle le connaît. Finalement le nominalisme, avec Héraclite, Hume, Kant et les modernistes en général, nie toute relation entre l'intelligence et le réel, pour ne garder que celui des sens.

Le réalisme absolu prétend pouvoir prouver l'existence de Dieu a priori; il défend l'argument ontologique. Il dit inutile une preuve a posteriori de Dieu puisque ce dernier est connu directement en soi.

Le réalisme modéré réfute l'argument ontologique et reconnaît la nécessité de prouver l'existence de Dieu a posteriori, à partir du monde connu. Puisque les lois du réel ne nous sont accessibles qu'à partir du monde sensible, il faut partir de ce monde pour aller à Dieu.

Finalement le nominalisme n'accepte aucune preuve de l'existence de Dieu car vu que l'intelligence n'est pas la fonction du réel, ce qu'elle dit, même si c'est parfaitement logique, ne nous oblige pas à admettre la réalité de quoi que ce soit.

Qui donc tient la position modérée, et qui la position extrême? Vous n'êtes pas conscient de ce qu'implique d'ouvrir la porte à l'absurde. En mathématiques, quand on passe des nombres réels au nombres complexes en admettant l'absurdité "i au carré = -1", on perd toute notion de grandeur. Vous essayez d'ouvrir la porte trop grand, alors elle se referme dans l'autre sens. Finalement celui qui a la porte la plus grande ouverte, c'est le réalisme modéré.
Florent51 a écrit :J'aimerais par contre vous poser une question plus intéressante sur ce point litigieux (et dont vous aurez compris que je n'y vois qu'un jeu intellectuel) : la théologie catholique affirme-t-elle que par contre le saint-esprit connaît cette date? Si oui sur quoi se base-t-elle pour l'affirmer? Si non vous voyez par vous-mêmes les redoutables problèmes de cohérence que cela pose.. Et mon idée de caprice ne serait peut-être pas si éloignée..
Je ne sais pas trop pourquoi vous me posez ce genre de "colle". Voulez-vous vraiment connaître la réponse? Et à quoi bon? Bien sûr, l'Esprit-Saint connaît le jour et l'heure. À savoir comment il faut interpréter la parole du Christ "Seul le Père connaît le jour et l'heure", je ne connais pas la réponse, quoiqu'elle doit être donnée quelque part dans Thomas d'Aquin ou Augustin. Cherchez par vous-même si cela vous intéresse: http://www.jesusmarie.com/
Florent51 a écrit :1. Ne jouons pas sur les mots : une unique décision que l'on prend dans le secret de soi-même d'une action que l'on fera ultérieurement sans informer autrui du résultat de cette décision ni des raisons qui ont motivé cette décision, voilà qui peut constituer une définition tout à fait valable du mot "caprice".
Il est faux que nous ignorons les raisons de la fin du monde et ce qui s'y déroulera. Ou alors si nous ignorons ces raisons parce qu'il n'y a pas eu de révélation d'après vous, alors comment savons-nous qu'il y aura une fin du monde, et pourquoi en critiquez-vous l'idée? Qui est ce Dieu qui ne se révèle pas, et qu'a-t-il de commun avec Celui dont parle la théologie chrétienne? Votre critique si elle se rapporte à un Dieu dont nous ne savons rien n'a rien à voir avec la théologie catholique et par conséquent elle ne porte pas. Deuxièmement le capricieux ce n'est pas celui qui tient ses actions secrètes, c'est celui qui change d'idée sans raison, prenez donc votre dictionnaire!
Florent51 a écrit :2. Cet argument par la perfection divine n'a évidemment aucun sens pour un non-croyant, enfin!! L'invoquer comme valable universellement est une faute de logique et vous auriez certainement dû préciser "selon la théologie catholique" ou "selon moi".
Je n'avais pas besoin de le préciser puisque c'est de la théologie catholique que vous vous parler. En supposant que Dieu soit imparfait vous vous éloignez beaucoup de la théologie catholique et votre critique ne porte plus. Mais dans la théologie catholique, puisque c'est elle que vous critiquez, la décision de la fin du monde ne peut être un caprice puisque 1. Dieu s'est révélé et nous a fait connaître sa volonté et 2. Il est souverainement parfait. La critique ne porte donc pas, sinon sur une religion imaginaire avec un Dieu bien étrange.
Florent51 a écrit :Dire "ma vieille bâtisse croulante a été transformé en palais" n'est pas plus ni moins logique que de dire : "ma vieille bâtisse croulante a disparu et on lui a substitué un palais"..
Donc lorsque je dis avec Feuerbach que la fragilité de notre monde tel que nous le connaissons est radicale dans la théologie chrétienne c'est tout à fait juste car on peut très bien employer d'un point de vue logique cette formulation : "l'ancien monde intrinsèquement imparfait dans les lois qui le constituaient (cataclysmes, tremblements de terre..) a disparu et on lui a substitué un nouveau monde sans imperfection".
Il est vrai que le renouvellement de toutes choses est une création nouvelle et par conséquent il n'y a pas une continuité au sens propre entre notre monde et le monde à venir. Néanmoins il y a une continuité virtuelle parce que le monde à venir sera essentiellement semblable à celui que connaissons. L'ancien monde est imparfait, mais pas intrinsèquement mauvais; il est intrinsèquement bon et accidentellement (par la faute d'Adam et Ève) le mal s'est introduit en lui. Le nouveau monde est donc semblable à l'ancien pour ce qui est de l'essentiel: sa bonté; et dissemblable pour ce qui est de l'accidental: le mal qui s'y trouve.

Par conséquent il faut admettre que oui le monde tel que nous le connaissons est fragile et appelé à disparaître, mais pas que celui à venir est un pur opposé à celui que nous connaissions, comme vous l'avanciez.
Vous en revenez seulement à ce que je vous concède déjà depuis bien longtemps, et vous perdez de vue vos propres objections!
Florent51 a écrit :Pour pouvoir désigner avec certitude "le monde tel que nous le connaissons" par l'expression "l'ordre actuel des choses" il faudrait que nous sachions avec certitude qu'un "autre ordre" est possible. Or c'est ce dont nous n'avons aucun indice, au contraire : l'ordre actuel des choses est celui que nous avons toujours connu et il serait donc plus exacte de le désigner comme "l'ordre que nous connaissons depuis toujours des choses".
Alors donc vous refusez rigoureusement la possibilité qu'un Univers différent du nôtre puisse exister, ou aurait pu exister. Là, c'est vous qui faites un fixisme sur le monde que nous connaissons et qui fermez imprudemment la porte à des possibilités, et sans raison.
Mais si vous acceptez la possibilité d'un ordre des choses différent de celui que nous connaissons, ce qui va de soi me semble-t-il (vous acceptez bien un contradictoire tel un commencement absolu, pourquoi n'accepteriez pas un ordre simplement différent et non-contradictoire), alors l'expression "l'ordre actuel des choses" convient. Et c'est bien cet ordre en tant que c'est celui-ci en particulier qui est remis en question par la fin des temps, et non la réalité comme telle englobant virtuellement tous les possibles.

De toute manière, l'ordre actuel des choses change constamment dans une certaine mesure puisque partout il y a du mouvement quantitatif et qualitatif. Promenez votre regard sur le monde à deux instants différents de son histoire, et ce n'est pas tout à fait le même à chaque fois. C'est donc bien que l'ordre actuel des choses n'est pas le seul possible, n'ayant en lui-même, manifestement, pas grand-chose de stable.
Florent51 a écrit :Je sais fort bien que la pensée catholique va jusqu'à imaginer que la chasteté du prêtre est une forme de sexualité, peut-être même sa forme la plus accomplie, position de surplomb et d'exemple à partir de laquelle le prêtre n'aurait aucun problème finalement à donner des conseils, à recevoir les confessions sur ce sujet et à guider sur la bonne voie les couples mariés qui se confient à lui.. Ne cherchons pas à savoir ce qu'aurait pensé Nietzsche de cela! Perversion de la raison?
Mais je m'en fous de ce que Nietzsche aurait pensé de cela! Et vous qu'en pensez-vous?
Florent51 a écrit :La mort de l'individu peut être liée à des conditions d'existence mauvaise mais la mortalité elle-même ne l'est pas.
La mort peut très bien aussi survenir naturellement, on "meurt de sa belle mort" comme on dit; et pourtant ce processus s'oppose à la nature de l'individu puisqu'il la dissout. Nous ne connaissons pas de corps qui ne soit pas corruptible, et pourtant nous ne pouvons pas dire que la corruptibilité en soit un attribut essentiel, puisque elle s'oppose à ce qu'ils sont, elle s'oppose à leur essence. L'essence serait non-essence, ce qui est contradictoire.

Je n'antropomorphise nullement en prêtant une imperfection aux lois physiques: elle produisent bien des résultats contradictoires, permettant la vie et la détruisant. Tout agent agit pour une fin, or ce qui produit des effets contradictoires n'atteint pas toujours la fin qu'il poursuit. On peut donc bien parler d'imperfection.
Ce n'est pas prêter aux forces inconscientes une intention ou une volonté qu'elles n'ont pas; nous sommes conscient de la fin pour laquelle nous agissons et nous pouvons la déterminer librement, ce qui ne veut pas dire que les êtres inconscients, parce qu'ils ne sont pas conscients ni libres, n'agissent pas pour des fins déterminées. En effet ils produisent des effets déterminés; or ce ne serait pas le cas si l'effet n'était pas virtuellement dans la cause efficiente; or ce qui fait que l'effet est virtuellement dans la cause efficiente, c'est ce que nous appelons cause finale; c'est la cause qui a raison de fin, qui motive l'agir.
Florent51 a écrit :Tout le reste de votre message, question du commencement du monde, savoir si on peut parler de "commencement du réel", si on peut le distinguer du commencement de l'espace et du temps, manière de comprendre la notion d'abstraction et ce qu'il faut entendre par intelligibilité du réel, tout cela a déjà été discuté et rediscuté et n'ayant plus aucun doute et pas de zones d'ombre concernant ce que vous affirmez je peux raisonnablement supposer que c'est le cas de votre côté concernant mes positions, et ne constatant pas d'arguments inédits dans vos répliques (mais dîtes-le moi, si cela m'avait échappé) à mes positions déjà connues, il est donc inutile de s'y appesantir une fois encore
Si je me répète c'est bien que je ne vois pas comment vous prétendez vous sortir du problème de la relation de l'intelligence au réel et la distinction de l'intelligence d'avec les sens.

Je vous pose donc les questions suivantes:

L'intelligence a-t-elle une relation non pas avec le phénomène mais avec l'être des choses?

D'où viennent les idées?

Lorsque nous disons qu'une chose est cause de l'autre, voulons-nous dire que nous lui attribuons arbitrairement la catégorie de cause ou qu'elle est réellement responsable de l'existence de l'autre?

Azrael

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Ecrit le 14 oct.06, 11:38

Message par Azrael »

quintessence a écrit :je vous conseille d'arrété la philosophie et la logique , je vous conseille le coran et la sounnat et de consacré votres temps a les étudiers.
"Arrêtez d'être logique, devenez musulman."

J'adore. :lol:

Florent51

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Ecrit le 16 oct.06, 22:07

Message par Florent51 »

LumendeLumine a écrit :Salut Florent,

Je pense bien en effet que la raison est la même chez tous les humains parce qu'elle a pour objet la même réalité. L'un de nous se trompe dans ses positions et ne voit pas encore clairement pourquoi.

Vous dites que je ne fais pas montre d'assez de prudence, en refusant absolument la possibilité d'un commencement absolu du réel. C'est selon vous une position plus rigide.

Je pense que ce refus absolu de la possibilité réelle de l'absurde (car un commencement absolu du réel est absurde, vous ne le démentez pas) est la condition sine qua none pour que l'exercice de l'intelligence ait un sens, une portée réelle. En ouvrant la porte à l'absurde vous fermez celle de la relation entre l'intelligence et le réel en soi, pour ne conserver que celle du réel en tant qu'il est accessible à l'expérience, le réel sensible, c'est-à-dire finalement l'empirique. Par là vous niez l'intelligence en tant que faculté formellement distincte des sens et vous n'avez d'autre choix que d'appeler ses jugements soit des illusions (c'est la conclusion de Hume), soit des a priori (c'est la conclusion de Kant) impossibles à vérifier.

Chaque fois que je vous sors cette réflexion, vous m'accusez de me répéter sans raison. Et pourtant c'est là le noeud du problème, et là la raison pour laquelle je ne vous suis pas dans votre agnosticisme. Et pourtant aussi vous avez fourni une réponse très intéressante en reprenant Kant dans votre dernier message:

"nous ne pourrions savoir avec certitude que les lois de la logique correspondent au réel que si nous étions capable en quelque sorte de sortir de nous-mêmes, de notre esprit, et de constater cet accord."

Que c'est bien dit. C'est là vraiment, parfaitement formulé, le fondement de l'agnosticisme et là où je ne vous suivrai pas. Je crois en effet, et c'est le premier postulat de la philosophie réaliste, qu'en quelque sorte nous pouvons sortir de nous-même pour atteindre les choses, et que cette sortie de soi, cette rencontre avec le réel tel qu'il est, c'est l'activité de l'intelligence, c'est sa relation avec l'être des choses que nous présentent les sens.

Au contraire l'intelligence pour Kant n'est pas en contact avec le réel, mais avec ses propres idées; l'idée, et non pas la chose, est l'objet connu. L'idée n'est donc plus une relation entre l'intelligence et l'objet, mais elle prend la place de l'objet comme un nouvel objet, un objet secondaire. Du coup il est impossible de savoir si l'idée a vraiment un lien avec l'objet primaire; du coup il est impossible de savoir quoi que ce soit du réel en tant que tel puisque l'intelligence n'est pas en contact avec lui, mais seulement avec ses idées qui sont peut-être illusoires, qui sont des a priori, et qu'on associe arbitrairement à l'expérience.
Salut Lumen,

Je ne dirais pas exactement que le "commencement du réel est absurde" je dirais qu'il excède les capacités de notre raisonnement. Je comprends très bien que dans votre manière de penser "absurde" signifie "sans valeur" et donc je ne voudrais pas vous enfoncer davantage dans votre préjugé en abondant dans votre sens.
Il faudrait être plus logique et dire, ce sur quoi je suis d'accord : que l'univers lui-même, que le réel lui-même est possiblement absurde au sens de la philosophie de l'absurde, c'est-à-dire qu'il n'a pas forcément de justification concernant son existence qui satisfasse notre raison.
Il est, voilà ce que l'on peut dire : et ni nous ne pouvons penser son commencement ni nous ne pouvons dire avec certitude qu'il a un but. "Pourquoi y a-t-il de l'être plutôt que rien?", peut-être pour rien..
LumendeLumine a écrit : Vous pensez tenir avec Kant une position plus modérée. Eh bien en fait c'est une position extrême, parce qu'elle nie tout lien entre l'intelligence et le réel. Il y a eu dans l'histoire de la philosophie à ce sujet trois grands courants: le réalisme absolu, le réalisme modéré, et le nominalisme. Le réalisme absolu, avec Parménide, Platon et Spinoza prétend que l'intelligence est en contact avec le réel en soi de façon directe et a priori, sans passer par les sens. Le réalisme modéré, avec Aristote et l'École, prétend que l'intelligence est en contact avec le réel, mais seulement celui que lui présentent les sens; c'est donc a posteriori qu'elle le connaît. Finalement le nominalisme, avec Héraclite, Hume, Kant et les modernistes en général, nie toute relation entre l'intelligence et le réel, pour ne garder que celui des sens.

Le réalisme absolu prétend pouvoir prouver l'existence de Dieu a priori; il défend l'argument ontologique. Il dit inutile une preuve a posteriori de Dieu puisque ce dernier est connu directement en soi.

Le réalisme modéré réfute l'argument ontologique et reconnaît la nécessité de prouver l'existence de Dieu a posteriori, à partir du monde connu. Puisque les lois du réel ne nous sont accessibles qu'à partir du monde sensible, il faut partir de ce monde pour aller à Dieu.

Finalement le nominalisme n'accepte aucune preuve de l'existence de Dieu car vu que l'intelligence n'est pas la fonction du réel, ce qu'elle dit, même si c'est parfaitement logique, ne nous oblige pas à admettre la réalité de quoi que ce soit.

Qui donc tient la position modérée, et qui la position extrême? Vous n'êtes pas conscient de ce qu'implique d'ouvrir la porte à l'absurde. En mathématiques, quand on passe des nombres réels au nombres complexes en admettant l'absurdité "i au carré = -1", on perd toute notion de grandeur. Vous essayez d'ouvrir la porte trop grand, alors elle se referme dans l'autre sens. Finalement celui qui a la porte la plus grande ouverte, c'est le réalisme modéré.
Votre reconstruction de l'histoire de la philosophie permet à votre pensée de se glisser entre deux conceptions et de paraître ainsi le juste milieu de la réflexion.. Je m'étonne qu'un garçon aussi intelligent que vous puisse croire à ce genre de schéma alors que chacun sait que les systèmes de pensée pourraient être présentés d'autres manières selon l'angle choisi et l'effet recherché : au sommet s'il s'agit d'un tableau ascendant chargé de mettre en évidence la proximité de tel système de pensée avec la vérité, au milieu dans ce cas, en bas s'il s'agit de mettre en évidence l'éloignement de la déraison, tout cela n'est qu'astuce de présentation.

Sur le fond cela ne change rien au fait que votre thèse (le commencement du réel ne peut pas avoir lieu) est plus radicale que la mienne (votre interprétation est peut-être vraie mais elle est peut-être fausse). Cette radicalité ne signifie d'ailleurs pas que vous ayez tort mais simplement que cette position est plus difficile à défendre.
LumendeLumine a écrit : Je ne sais pas trop pourquoi vous me posez ce genre de "colle". Voulez-vous vraiment connaître la réponse? Et à quoi bon? Bien sûr, l'Esprit-Saint connaît le jour et l'heure. À savoir comment il faut interpréter la parole du Christ "Seul le Père connaît le jour et l'heure", je ne connais pas la réponse, quoiqu'elle doit être donnée quelque part dans Thomas d'Aquin ou Augustin. Cherchez par vous-même si cela vous intéresse: http://www.jesusmarie.com/
J'aurais voulu une réponse qui m'évite de rechercher moi-même. Vous dîtes bien sûr l'Esprit saint connaît le jour et l'heure, sur quoi vous appuye-vous pour l'affirmer?
LumendeLumine a écrit : Il est faux que nous ignorons les raisons de la fin du monde et ce qui s'y déroulera. Ou alors si nous ignorons ces raisons parce qu'il n'y a pas eu de révélation d'après vous, alors comment savons-nous qu'il y aura une fin du monde, et pourquoi en critiquez-vous l'idée? Qui est ce Dieu qui ne se révèle pas, et qu'a-t-il de commun avec Celui dont parle la théologie chrétienne? Votre critique si elle se rapporte à un Dieu dont nous ne savons rien n'a rien à voir avec la théologie catholique et par conséquent elle ne porte pas. Deuxièmement le capricieux ce n'est pas celui qui tient ses actions secrètes, c'est celui qui change d'idée sans raison, prenez donc votre dictionnaire!
C'est à ce genre de passage mon cher Lumen que je me demande parfois si vous êtes de bonne foi ou si vous prenez réellement le temps de réfléchir à ce que j'ai dit.
Vous confondez allégrement ici le fait que la révélation nous dise qu'il y aura une fin du monde et le fait qu'elle tait absolument les raisons de la date et du jour précis de la Fin.
Cette dissimulation à la fois du jour et de l'heure et des raisons qui motivent cette décision précise (ce jour-là, à cette heure-là) laisse effectivement grande ouverte la possibilité d'interpréter cette décision non motivée par des raisons explicites comme un caprice.
Le "caprice" auquel je fais référence c'est celui de l'enfant qui décide tout à coup, sans raisons apparentes, sans motifs rationnels, qu'il veut une glace au chocolat hic et nunc, ne faîtes pas semblant de ne pas comprendre ni de ne pas connaître cette définition.

LumendeLumine a écrit : Je n'avais pas besoin de le préciser puisque c'est de la théologie catholique que vous vous parler. En supposant que Dieu soit imparfait vous vous éloignez beaucoup de la théologie catholique et votre critique ne porte plus. Mais dans la théologie catholique, puisque c'est elle que vous critiquez, la décision de la fin du monde ne peut être un caprice puisque 1. Dieu s'est révélé et nous a fait connaître sa volonté et 2. Il est souverainement parfait. La critique ne porte donc pas, sinon sur une religion imaginaire avec un Dieu bien étrange.
Mais enfin c'est incroyable : vous ne comprenez pas ce que je veux dire?
Je vous disais qu'il ne sert à rien d'utiliser l'argument de la perfection divine pour écarter mon interprétation de sa décision arbitraire du jour et de l'heure comme un caprice puisque je ne suis pas croyant!
Pourquoi devrais-je accepter les interprétations que la religion donne de Dieu? Je peux très bien affirmer que sur ce point je vois mieux ce qui est en jeu dans le discours religieux que l'interprétation qu'en donne la religion, ce n'est nullement impossible, et sur cette vision des choses votre conception religieuse n'a pas de prise. Je ne vous force pas à admettre que j'ai raison, mais de grâce soyons logique : ne me répondez pas avec des arguments que précisement je conteste. Par contre la forme valable de votre réplique pourrait être : vous pouvez avoir cette vision des choses mais en tous les cas ce n'est pas celle de la religion qui exclue l'idée de caprice de l'essence divine eu égard à sa perfection dans la pensée catholique. Là je comprends le sens, mais ça ne décide nullement de la valeur de votre conception ni de la mienne, c'est à chacun de réfléchir au cas et de voir si l'interprétation que je donne peut paraître juste ou pas.

LumendeLumine a écrit :Il est vrai que le renouvellement de toutes choses est une création nouvelle et par conséquent il n'y a pas une continuité au sens propre entre notre monde et le monde à venir. Néanmoins il y a une continuité virtuelle parce que le monde à venir sera essentiellement semblable à celui que connaissons. L'ancien monde est imparfait, mais pas intrinsèquement mauvais; il est intrinsèquement bon et accidentellement (par la faute d'Adam et Ève) le mal s'est introduit en lui. Le nouveau monde est donc semblable à l'ancien pour ce qui est de l'essentiel: sa bonté; et dissemblable pour ce qui est de l'accidental: le mal qui s'y trouve.

Par conséquent il faut admettre que oui le monde tel que nous le connaissons est fragile et appelé à disparaître, mais pas que celui à venir est un pur opposé à celui que nous connaissions, comme vous l'avanciez.
Vous en revenez seulement à ce que je vous concède déjà depuis bien longtemps, et vous perdez de vue vos propres objections!
C'est précisément cette conception des choses que vous exposez ici qui me paraît typique de cette regrettable pensée métaphysique incapable de se confronter au réel tel qu'il est. Vous comprenez bien que votre conception selon laquelle le réel tel qu'il nous apparaît (avec ses beautés et ses laideurs) ne présente pas la vraie nature du réel n'a aucun caractère de validité pour moi.
C'est précisément lorsque j'entends ce genre de discours que je réalise à quel point les croyants se bercent de doux rêves. Si le monde à venir que vous décrivez n'est pas un "pur opposé" du réel actuel alors il s'en rapproche furieusement. Votre conception des choses me fait penser à ces images idylliques que distribuent les Témoins de Jéovah pour illustrer leur vision du monde à venir et où l'on voit des enfants jouant dans de vertes prairies en toute innocence et sans danger avec des lions et des tigres. Si cette image ne représente pas le contraire de ce que nous savons être le réel alors je ne sais pas ce que signifie ce "contraire". De même votre vision d'une terre débarassée des cataclysmes qui sont constitutifs de sa nature même (comme l'histoire de sa formation nous le montre en rapport avec sa structure : un noyau de plasma, une croûte terrestre agitée de remous, la formation des continents étant due à cette incessante agtivité géologique) me sidère par son caractère, excusez-moi de le dire ainsi, enfantin.. Comment des adultes peuvent se bercer de telles illusions non pas tant contradictoires que naïves c'est ce qui me dépasse!
LumendeLumine a écrit : Alors donc vous refusez rigoureusement la possibilité qu'un Univers différent du nôtre puisse exister, ou aurait pu exister. Là, c'est vous qui faites un fixisme sur le monde que nous connaissons et qui fermez imprudemment la porte à des possibilités, et sans raison.
Mais si vous acceptez la possibilité d'un ordre des choses différent de celui que nous connaissons, ce qui va de soi me semble-t-il (vous acceptez bien un contradictoire tel un commencement absolu, pourquoi n'accepteriez pas un ordre simplement différent et non-contradictoire), alors l'expression "l'ordre actuel des choses" convient. Et c'est bien cet ordre en tant que c'est celui-ci en particulier qui est remis en question par la fin des temps, et non la réalité comme telle englobant virtuellement tous les possibles.
Soyons logique : si je laisse effectivement la possibilité ouverte d'un autre monde possible je ne peux pas en même temps accepter l'expression que vous utilisez pour qualifier la réalité ("l'ordre actuel des choses") car c'est avaliser (et non pas laisser en suspens) le fait que l'ordre que nous connaissons depuis toujours des choses n'est que "l'ordre actuel des choses". Il n'y a que dans votre vision des choses où cette évidence va de soi que cette appellation vous paraît aller sans difficulté. Pour ma part je me garderais bien (même si j'en laisse la possibilité ouverte mais qu'elle me paraît très improbable) de qualifier ainsi la réalité, ce qui serait selon moi une forme d'imprudence intellectuelle. C'est l'imprudence dont font typiquement preuve les croyants lorsqu'ils emploient à répétition et sans sourciller cette expression ("l'ordre actuel des choses") croyant ainsi décrire adéquatement la réalité alors qu'il ne font qu'incarner une hypothèse.
LumendeLumine a écrit :De toute manière, l'ordre actuel des choses change constamment dans une certaine mesure puisque partout il y a du mouvement quantitatif et qualitatif. Promenez votre regard sur le monde à deux instants différents de son histoire, et ce n'est pas tout à fait le même à chaque fois. C'est donc bien que l'ordre actuel des choses n'est pas le seul possible, n'ayant en lui-même, manifestement, pas grand-chose de stable.
Nouvelle erreur de logique : si "l'ordre actuel des choses" "change constamment" comme vous le dîtes c'est bien parceque le changement et le devenir constitue sa nature même. Or l'univers que vous nous promettez c'est justement un univers où ce genre de changement permanent des choses n'aura plus lieu. Comment l'appelez autrement que son contraire?
Si l'univers tel que je le connais a bien comme nature de changer constamment c'est donc qu'il exclue (et non pas, c'est votre faute de logique, qu'il conduit vers) un univers où le changement est aboli.
LumendeLumine a écrit : Mais je m'en fous de ce que Nietzsche aurait pensé de cela! Et vous qu'en pensez-vous?
Comme Nietzsche : perversion de la raison. Je le citais en fait de manière rhétorique ici.
LumendeLumine a écrit : La mort peut très bien aussi survenir naturellement, on "meurt de sa belle mort" comme on dit; et pourtant ce processus s'oppose à la nature de l'individu puisqu'il la dissout. Nous ne connaissons pas de corps qui ne soit pas corruptible, et pourtant nous ne pouvons pas dire que la corruptibilité en soit un attribut essentiel, puisque elle s'oppose à ce qu'ils sont, elle s'oppose à leur essence. L'essence serait non-essence, ce qui est contradictoire.
Ce que vous dîtes est absurde : où avez-vous que l'essence d'un corps comprend ce principe : "ce corps doit vivre éternellement"? Tout nous montre que c'est plutôt le contraire et si votre logique va jusqu'à penser contre toute évidence que l'essence d'un corps est de vivre pour toujours alors c'est bien la preuve que cette logique est vide.
LumendeLumine a écrit :Je n'antropomorphise nullement en prêtant une imperfection aux lois physiques: elle produisent bien des résultats contradictoires, permettant la vie et la détruisant. Tout agent agit pour une fin, or ce qui produit des effets contradictoires n'atteint pas toujours la fin qu'il poursuit. On peut donc bien parler d'imperfection.
Ce n'est pas prêter aux forces inconscientes une intention ou une volonté qu'elles n'ont pas; nous sommes conscient de la fin pour laquelle nous agissons et nous pouvons la déterminer librement, ce qui ne veut pas dire que les êtres inconscients, parce qu'ils ne sont pas conscients ni libres, n'agissent pas pour des fins déterminées. En effet ils produisent des effets déterminés; or ce ne serait pas le cas si l'effet n'était pas virtuellement dans la cause efficiente; or ce qui fait que l'effet est virtuellement dans la cause efficiente, c'est ce que nous appelons cause finale; c'est la cause qui a raison de fin, qui motive l'agir.
Le processus de la vie est un processus dynamique comme nous le montre la biologie. Penser la vie avec à la main la table des catégories et les axiomes de la métaphysiques n'a strictement aucun sens.
LumendeLumine a écrit : Si je me répète c'est bien que je ne vois pas comment vous prétendez vous sortir du problème de la relation de l'intelligence au réel et la distinction de l'intelligence d'avec les sens.

Je vous pose donc les questions suivantes:

L'intelligence a-t-elle une relation non pas avec le phénomène mais avec l'être des choses?

D'où viennent les idées?

Lorsque nous disons qu'une chose est cause de l'autre, voulons-nous dire que nous lui attribuons arbitrairement la catégorie de cause ou qu'elle est réellement responsable de l'existence de l'autre?
Je veux bien répondre à vos questions mais dans la mesure où j'y suspecte une dimension pédagogique je crains que vous ne profitiez de mes réponses pour m'infliger une nouvelle leçon de votre métaphysique chimérique. Inutile mon cher Lumen, j'ai déjà suivi votre séminaire.

L'intelligence doit se guider sur le réel, c'est-à-dire sur ce qui nous apparaît, tout autre attitude ne conduit qu'à des chimères.

Les idées nous viennent de la nature de notre cerveau qui est construit, comme au fond celui de tout animal, pour maîtriser au mieux son environnement.

Votre dernière question fait réapparaître cette notion controversée d'existence dont je vous ai déjà dit que vous la pensiez fort mal...
Je vais quand même essayer de vous réponse : l'univers est, le réel est, les choses sont. Premier point. Une cause est ce qui organise ce réel de manière à produire une nouvelle organisation de ce réel, mais l'être est toujours déjà là, une cause ne donne pas l'être à son effet. Deuxième point. Nous ne savons pas la cause ultime de ce réel, de cet être et comme je vous l'ai déjà démontré mille fois, notre raison n'est pas en mesure de le penser. Dernier point.

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Ecrit le 17 oct.06, 06:07

Message par LumendeLumine »

Bonjour Florent.
Florent51 a écrit :Il faudrait être plus logique et dire, ce sur quoi je suis d'accord : que l'univers lui-même, que le réel lui-même est possiblement absurde au sens de la philosophie de l'absurde, c'est-à-dire qu'il n'a pas forcément de justification concernant son existence qui satisfasse notre raison.
Il est, voilà ce que l'on peut dire : et ni nous ne pouvons penser son commencement ni nous ne pouvons dire avec certitude qu'il a un but. "Pourquoi y a-t-il de l'être plutôt que rien?", peut-être pour rien..
Si l'Univers lui-même est peut-être absurde, s'il n'a pas forcément de raison d'être, alors nous ne pouvons pas davantage être certain qu'il est, tout court; puisque l'absurde est réellement possible, et est peut-être au fondement de l'Univers, alors peut-être l'être est-il non-être, peut-être l'Univers est-il non-Univers, peut-être n'existe-t-il pas mais existe-t-il en même temps.

Si vous niez en effet la valeur réelle de principe de raison d'être alors je ne vois pas pourquoi vous maintiendriez celle du principe d'identité ou de non-contradiction. Pour affirmer l'une et l'autre il faut soutenir une relation de l'intelligence à l'être; pour nier l'un ou l'autre il faut nier une relation de l'intelligence à l'être.

Or nier le principe d'identité ou de non-contradiction c'est se condamner au mutisme, puisqu'affirmer revient à nier et nier à affirmer.
Florent51 a écrit :Votre reconstruction de l'histoire de la philosophie permet à votre pensée de se glisser entre deux conceptions et de paraître ainsi le juste milieu de la réflexion.. Je m'étonne qu'un garçon aussi intelligent que vous puisse croire à ce genre de schéma alors que chacun sait que les systèmes de pensée pourraient être présentés d'autres manières selon l'angle choisi et l'effet recherché : au sommet s'il s'agit d'un tableau ascendant chargé de mettre en évidence la proximité de tel système de pensée avec la vérité, au milieu dans ce cas, en bas s'il s'agit de mettre en évidence l'éloignement de la déraison, tout cela n'est qu'astuce de présentation.
Eh bien, s'il y a une présentation plus objective des solutions au problème de la connaissance, j'aimerais la connaître. Je me suis bien douté que ce schéma n'était peut-être pas le seul; et néanmoins on ne m'en a jamais présenté d'autre. À ce que je sache, le réalisme modéré tient le milieu entre les philosophies tenant l'expérience pour essentiellement illusoire, et celles tenant l'intelligence pour essentiellement illusoire. Cette controverse date de Héraclite et Parménide et elle a trouvé sa solution dans Platon et puis finalement Aristote; la solution réaliste est développée encore par Thomas d'Aquin. Les Modernes depuis Descartes, ne font en général que reprendre les arguments d'Héraclite et en revenir à un empirisme de fait.

Si, ma position est plus difficile à défendre, parce que contrairement au nominalisme elle n'est pas simpliste, elle ne condamne d'emblée aucune dimension de la connaissance, mais tente de les concilier au mieux en respectant à chacune sa spécificité.
Florent51 a écrit :C'est à ce genre de passage mon cher Lumen que je me demande parfois si vous êtes de bonne foi ou si vous prenez réellement le temps de réfléchir à ce que j'ai dit.
Vous confondez allégrement ici le fait que la révélation nous dise qu'il y aura une fin du monde et le fait qu'elle tait absolument les raisons de la date et du jour précis de la Fin.
Cette dissimulation à la fois du jour et de l'heure et des raisons qui motivent cette décision précise (ce jour-là, à cette heure-là) laisse effectivement grande ouverte la possibilité d'interpréter cette décision non motivée par des raisons explicites comme un caprice.
Que nous ne connaissons pas le jour et l'heure ne signifie pas que nous ne puissions en connaître les raisons. Et ce, pour les arguments que j'ai déjà invoqué et que vous ne tenez pas en compte: 1. Agir sans raison est signe d'imperfection or Dieu est toute perfection, dans ce contexte chrétien que vous critiquez; 2. Dieu a clairement révélé son plan sur l'Homme et à moins qu'il ne mente, ce qui est inconcevable à cause de 1, il ne saurait agir en opposition à ce plan; la fin du monde arrivera pour la même raison que la création, que les prophètes, que la venue du Messie, que l'Église; afin que nous Le connaissions et participions à sa Vie.

En ce sens, la date et le jour précis sont sans importance; nous savons que quoiqu'il arrive, Dieu agit conformément à la fin qu'il poursuit, telle que la connaissons tant par la théologie surnaturelle que par la théologie naturelle; et qu'étant souverainement parfait il ne saurait se tromper ou nous tromper.
Florent51 a écrit :Je vous disais qu'il ne sert à rien d'utiliser l'argument de la perfection divine pour écarter mon interprétation de sa décision arbitraire du jour et de l'heure comme un caprice puisque je ne suis pas croyant!
Pourquoi devrais-je accepter les interprétations que la religion donne de Dieu? Je peux très bien affirmer que sur ce point je vois mieux ce qui est en jeu dans le discours religieux que l'interprétation qu'en donne la religion, ce n'est nullement impossible, et sur cette vision des choses votre conception religieuse n'a pas de prise. Je ne vous force pas à admettre que j'ai raison, mais de grâce soyons logique : ne me répondez pas avec des arguments que précisement je conteste. Par contre la forme valable de votre réplique pourrait être : vous pouvez avoir cette vision des choses mais en tous les cas ce n'est pas celle de la religion qui exclue l'idée de caprice de l'essence divine eu égard à sa perfection dans la pensée catholique.
À moins que vous puissiez démontrer contre la religion chrétienne que Dieu est imparfait, ce dont je doute fort, je ne vois pas ce qui vous autorise à invoquer son imperfection.

Votre démarche est clairement sophiste: prendre certains éléments d'une doctrine (disons la fin du monde), en remplacer certains par ceux de votre invention (que Dieu puisse être imparfait et la décider arbitrairement), et dire que le tout ne fonctionne pas! Il ne fonctionne pas, mais qu'est-ce que ça peut nous faire? C'est votre vision des choses, vous avez le droit de l'avoir, mais à moins de démontrer qu'effectivement Dieu puisse être imparfait, elle n'intéresse personne d'autre que vous: elle ne porte pas contre la doctrine chrétienne.
Florent51 a écrit :Vous comprenez bien que votre conception selon laquelle le réel tel qu'il nous apparaît (avec ses beautés et ses laideurs) ne présente pas la vraie nature du réel n'a aucun caractère de validité pour moi.
C'est précisément lorsque j'entends ce genre de discours que je réalise à quel point les croyants se bercent de doux rêves. Si le monde à venir que vous décrivez n'est pas un "pur opposé" du réel actuel alors il s'en rapproche furieusement. Votre conception des choses me fait penser à ces images idylliques que distribuent les Témoins de Jéovah pour illustrer leur vision du monde à venir et où l'on voit des enfants jouant dans de vertes prairies en toute innocence et sans danger avec des lions et des tigres. Si cette image ne représente pas le contraire de ce que nous savons être le réel alors je ne sais pas ce que signifie ce "contraire". De même votre vision d'une terre débarassée des cataclysmes qui sont constitutifs de sa nature même (comme l'histoire de sa formation nous le montre en rapport avec sa structure : un noyau de plasma, une croûte terrestre agitée de remous, la formation des continents étant due à cette incessante agtivité géologique) me sidère par son caractère, excusez-moi de le dire ainsi, enfantin.. Comment des adultes peuvent se bercer de telles illusions non pas tant contradictoires que naïves c'est ce qui me dépasse!
Je comprends bien que vous pensiez autrement que moi; autrement, je ne prendrais pas la peine de discuter avec vous.
À quoi ressemblera le monde à venir? Je n'en ai pas d'image convenable, et je conviens tout à fait que les représentations que nous pouvons en faire paraissent naïves, puisqu'elles se basent sur notre monde où le mal est bien enraciné et fait partie intégrante de l'ordre des choses (accidentellement cependant).

Mais l'argument n'est pas probant puisqu'il n'accuse que les limites de l'imagination et pas la cohérence du concept. Les oppositions que vous relevez entre le monde actuel et celui à venir ne font pas de ce dernier un opposé comme tel pour les raisons que j'ai invoquées.
Florent51 a écrit :Pour ma part je me garderais bien (même si j'en laisse la possibilité ouverte mais qu'elle me paraît très improbable) de qualifier ainsi la réalité, ce qui serait selon moi une forme d'imprudence intellectuelle. C'est l'imprudence dont font typiquement preuve les croyants lorsqu'ils emploient à répétition et sans sourciller cette expression ("l'ordre actuel des choses") croyant ainsi décrire adéquatement la réalité alors qu'il ne font qu'incarner une hypothèse.
Comment ne serait-ce pas que l'ordre actuel des choses, s'il n'est qu'un parmi une multitude de possibles? Vous en laissez la possibilité ouverte, et c'est la possibilité même qui justifie l'emploi du terme. "Actuel", pris absolument, réfère à "possible", et il convient donc de qualifier l'ordre des choses comme "actuel" en opposition à tous les "possibles".
Bien entendu pour les chrétiens, la force du terme "actuel" est renforcée par la venue certaine de la fin des temps; ce n'est plus seulement une possibilité mais une certitude.
Florent51 a écrit :Nouvelle erreur de logique : si "l'ordre actuel des choses" "change constamment" comme vous le dîtes c'est bien parceque le changement et le devenir constitue sa nature même. Or l'univers que vous nous promettez c'est justement un univers où ce genre de changement permanent des choses n'aura plus lieu. Comment l'appelez autrement que son contraire?
Le devenir ne peut constituer la nature de rien du tout parce que le devenir suppose l'être; pour qu'il y ait changement il faut un sujet du changement, qui lui reste identique à lui-même. S'il n'y a rien qui est alors il n'y a rien qui change. La nature de l'Univers et de l'ordre des choses c'est de l'être, et ensuite le devenir s'y greffe, parce que dans cet Univers manifestement des choses sont en puissance; l'Univers, quoiqu'il soit en acte, a la possibilité de changer, recèle des puissances, des nouvelles capacités à être.

Tout ce qu'on peut dire c'est que par nature l'ordre actuel des choses est essentiellement apte à changer, et non qu'il est essentiellement changement. Or qu'il soit apte à changer implique qu'il puisse différer à tel ou tel moment de son histoire.
Florent51 a écrit :Comme Nietzsche : perversion de la raison.
Et pour quelle raison?
Florent51 a écrit : Ce que vous dîtes est absurde : où avez-vous que l'essence d'un corps comprend ce principe : "ce corps doit vivre éternellement"? Tout nous montre que c'est plutôt le contraire et si votre logique va jusqu'à penser contre toute évidence que l'essence d'un corps est de vivre pour toujours alors c'est bien la preuve que cette logique est vide.
L'essence d'un corps ne comprend pas le principe: "ce corps doit vivre éternellement"; mais l'essence se définit comme ce qui fait qu'une chose est cette chose, qu'elle est telle qu'elle est. Or la corruptibilité est responsable de l'opposé: c'est qui fait disparaître la chose en tant qu'elle est cette chose, elle ruine l'essence. On ne saurait donc identifier la corruptibilité à l'essence des choses, ce serait identifier des opposés. La corruptibilité est bien dans les choses, mais comme un accident, c'est-à-dire comme n'appartenant pas à leur essence.
Florent51 a écrit :Le processus de la vie est un processus dynamique comme nous le montre la biologie. Penser la vie avec à la main la table des catégories et les axiomes de la métaphysiques n'a strictement aucun sens.
Je ne comprends pas le sens de votre argument. Comme si la métaphysique ne concernait par définition rien de dynamique? Comme si les premiers principes de la raison ne s'appliquaient qu'à des êtres immobiles? Tout ceci est sans fondement et nébuleux.

Je vous posais les questions suivantes non pas avec une intention pédagogique, sinon sur moi-même, mais bien pour vous obliger à clarifier votre point de vue et à me permettre ainsi de comprendre ce que vous voulez dire:

"L'intelligence a-t-elle une relation non pas avec le phénomène mais avec l'être des choses?"

R.: L'intelligence doit se guider sur le réel, c'est-à-dire sur ce qui nous apparaît, tout autre attitude ne conduit qu'à des chimères.

Il me semble que vous pouvez constater par vous-mêmes que vous ne répondez pas à la question. Vous employez le terme "réel" pour éviter la distinction entre l'être et le phénomène; mais pourtant quand vous dites ensuite "ce qui nous apparaît", il me semble que vous voulez bien parler du phénomène. Est-ce le cas?

"D'où viennent les idées? "

R.: Les idées nous viennent de la nature de notre cerveau qui est construit, comme au fond celui de tout animal, pour maîtriser au mieux son environnement.

Donc ce sont des a priori, et on peut se fonder sur le mécanisme de la sélection naturelle pour affirmer qu'elles sont favorables à la survie.
Ceci n'écarte pas la possibilité que ce que la sélection naturelle ait instillé en nous comme idées et cadres a priori n'ait rien à voir avec le réel tel qu'il est.
Cela change radicalement la définition de connaître; connaître, ce n'est plus savoir ce qu'il en est des choses, c'est un mécanisme nécessaire à la survie et sans lien nécessaire avec le réel. Par conséquent nous sommes des êtres fermés sur nous-mêmes, seulement en contact avec le réel que par nos sens.

"Lorsque nous disons qu'une chose est cause de l'autre, voulons-nous dire que nous lui attribuons arbitrairement la catégorie de cause ou qu'elle est réellement responsable de l'existence de l'autre?"

R.: "Votre dernière question fait réapparaître cette notion controversée d'existence dont je vous ai déjà dit que vous la pensiez fort mal...
Je vais quand même essayer de vous réponse : l'univers est, le réel est, les choses sont. Premier point. Une cause est ce qui organise ce réel de manière à produire une nouvelle organisation de ce réel, mais l'être est toujours déjà là, une cause ne donne pas l'être à son effet. Deuxième point. Nous ne savons pas la cause ultime de ce réel, de cet être et comme je vous l'ai déjà démontré mille fois, notre raison n'est pas en mesure de le penser. Dernier point.
"

Je n'ai aucune difficulté à vous concéder le premier point, quoique je me demande sur quoi vous vous basez pour l'affirmer avec autant de certitude, puisque la connaissance selon vous n'est pas une relation de l'intelligence à l'être des choses mais une série de cadres donnés par l'évolution.
Par contre je conteste entièrement votre deuxième point. Dire que la cause qui engendre une automobile, par exemple, ne lui donne pas l'être, c'est dire que l'automobile n'existe pas en tant que telle, mais seulement les atomes qui la constituent; que l'être, finalement, c'est la matière. C'est la théorie de Démocrite. C'est dire finalement que tout ce qui existe maintenant a toujours existé, puisque la quantité de matière demeure la même; qu'un arbre n'est pas essentiellement plus que les atomes qui le constituent; que l'activité des êtres et leur nature ne sont que des représentations sans valeur réelle et qu'en fait il n'y a rien de plus que des atomes.

Outre que cette théorie se fonde sur une physique dépassée considérant l'atome comme une particule de matière solide et indivisible, ce qui est à l'origine de sa confusion avec l'être, elle dissout toute nature et toute activité, paralysant encore une fois l'exercice de l'intellect qui a priori ne connaît pas les atomes mais les êtres concrets qu'ils constituent. Elle est intenable aujourd'hui devant les théories physiques qui montre bien que le monde microscopique est essentiellement formé de vide et de mouvement, et on ne saurait dès lors le confondre avec l'être. Démocrite n'aurait pas fait cette erreur s'il avait vécu aujourd'hui.

On voit également qu'ici vous vous contredisez en soutenant, d'une part, que l'Univers est essentiellement devenir (comme vous le disiez plus haut); et d'autre part que tout devenir n'est qu'apparence puisque ce qui est c'est la matière, corpuscules parfaitement immuables et statiques; il n'y a que des déplacements locaux où la matière ne subit que des changements extrinsèques. (Voir "Le Thomisme, Chapitre III")

Quant à votre dernier point, c'est votre position générale réitérée, et si vous en avez vraiment donné la démonstration et que je n'y ai pas donné de réponse satisfaite, montrez ou et quoi s'il-vous-plaît. Je sais pertinemment que vous avez fourni plusieurs arguments en faveur de votre thèse; et je considère avoir répondu à tous. Lorsque vous vous retranchez derrière vos précédentes affirmations, ce que vous avez fait quelques fois depuis le début de la discssion j'ai l'impression de discuter avec un mur, comme si je ne vous avais rien répondu, ou comme si vous n'aviez pas entendu ma réplique.
Modifié en dernier par LumendeLumine le 17 oct.06, 07:49, modifié 2 fois.

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Ecrit le 17 oct.06, 07:34

Message par LumendeLumine »

J'ai oublié de répondre à une question que vous posiez, Florent, j'y réponds maintenant:
Florent51 a écrit :J'aurais voulu une réponse qui m'évite de rechercher moi-même. Vous dîtes bien sûr l'Esprit saint connaît le jour et l'heure, sur quoi vous appuye-vous pour l'affirmer?
Sur le fait qu'il est de même nature que les deux autres personnes divines, et qu'en raison de cette même nature il est omniscient, par conséquent il connaît aussi le jour de l'heure.

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Ecrit le 17 oct.06, 08:28

Message par Florent51 »

LumendeLumine a écrit : Sur le fait qu'il est de même nature que les deux autres personnes divines, et qu'en raison de cette même nature il est omniscient, par conséquent il connaît aussi le jour de l'heure.
Je ne suis pas certain que l'on puisse dire cela. La phrase de Jésus dit : "seul le Père le sait".
Votre raisonnement par l'essence est déjà par lui-même délicat puisque le Fils lui aussi participe de cette essence. Vous avez répondu en émettant une hypothèse le concernant (la double nature expliquerait cette ignorance - uniquement de Jésus en tant que sauveur) mais cette hypothèse s'appuit-elle sur des textes précis? Et s'il est vrai que le Saint-Esprit le sait aussi y a-t-il autre chose que votre raisonnement pour soutenir cette position. Merci de votre réponse.

Florent51

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Ecrit le 17 oct.06, 09:40

Message par Florent51 »

LumendeLumine a écrit :Bonjour Florent.

Si l'Univers lui-même est peut-être absurde, s'il n'a pas forcément de raison d'être, alors nous ne pouvons pas davantage être certain qu'il est, tout court; puisque l'absurde est réellement possible, et est peut-être au fondement de l'Univers, alors peut-être l'être est-il non-être, peut-être l'Univers est-il non-Univers, peut-être n'existe-t-il pas mais existe-t-il en même temps.
Je vais essayer de vous répondre de la manière la plus brève possible car je vais vous avouer que je vous trouve à certains égards de réelle mauvaise foi. Je sens dans beaucoup de vos propos davantage une volonté de "l'emporter" dans la discussion qu'une recherche de la vérité et qu'un respect de la position de l'adversaire. Et je trouve cela à la fois de plus en plus apparent et de plus en plus regrettable.

Exemple : vous confondez ici délibérément raison d'être et être de manière scandaleuse. Une action peut bien ne pas avoir de raison d'être (acte gratuit, hasard) et être quand même.
Ai-je nié un seul moment que l'univers était? Bien sûr que non : c'est l'évidence logique : s'il n'était pas nous ne pourrions discuter de rien, puisqu'il n'y aurait rien à discuter et personne pour le faire. Ce que je vous dis depuis le départ c'est que concernant ce cas particulier que constitue le non-être, le néant et le problème du commencement de l'univers, là notre raison n'est pas suffisante car elle ne peut penser que de l'être. Mais ça ne veut pas dire que la logique n'a pas de sens, et je crois d'ailleurs lui être fidèle beaucoup plus que vous-mêmes.
LumendeLumine a écrit :Si vous niez en effet la valeur réelle de principe de raison d'être alors je ne vois pas pourquoi vous maintiendriez celle du principe d'identité ou de non-contradiction. Pour affirmer l'une et l'autre il faut soutenir une relation de l'intelligence à l'être; pour nier l'un ou l'autre il faut nier une relation de l'intelligence à l'être.

Or nier le principe d'identité ou de non-contradiction c'est se condamner au mutisme, puisqu'affirmer revient à nier et nier à affirmer.
Le principe d'identité et celui de non-contradiction sont valables concernant les entités particulières qui tombent sous notre analyse : une même chose ne peut pas être et ne pas être en même temps sous le même rapport au même endroit. Mais il ne s'ensuit pas de cela que le terme "non-être" puisse être substantivé et avoir un sens. Donc le problème autour duquel nous parlons s'agissant du commencement possible du réel excède les catégories intellectuelles dont nous disposons. Je ne reviendrai pas sur ce point, est-ce clair?
LumendeLumine a écrit :Eh bien, s'il y a une présentation plus objective des solutions au problème de la connaissance, j'aimerais la connaître. Je me suis bien douté que ce schéma n'était peut-être pas le seul; et néanmoins on ne m'en a jamais présenté d'autre. À ce que je sache, le réalisme modéré tient le milieu entre les philosophies tenant l'expérience pour essentiellement illusoire, et celles tenant l'intelligence pour essentiellement illusoire. Cette controverse date de Héraclite et Parménide et elle a trouvé sa solution dans Platon et puis finalement Aristote; la solution réaliste est développée encore par Thomas d'Aquin. Les Modernes depuis Descartes, ne font en général que reprendre les arguments d'Héraclite et en revenir à un empirisme de fait.

Si, ma position est plus difficile à défendre, parce que contrairement au nominalisme elle n'est pas simpliste, elle ne condamne d'emblée aucune dimension de la connaissance, mais tente de les concilier au mieux en respectant à chacune sa spécificité.
Conciliez, conciliez...
LumendeLumine a écrit :Que nous ne connaissons pas le jour et l'heure ne signifie pas que nous ne puissions en connaître les raisons. Et ce, pour les arguments que j'ai déjà invoqué et que vous ne tenez pas en compte: 1. Agir sans raison est signe d'imperfection or Dieu est toute perfection, dans ce contexte chrétien que vous critiquez; 2. Dieu a clairement révélé son plan sur l'Homme et à moins qu'il ne mente, ce qui est inconcevable à cause de 1, il ne saurait agir en opposition à ce plan; la fin du monde arrivera pour la même raison que la création, que les prophètes, que la venue du Messie, que l'Église; afin que nous Le connaissions et participions à sa Vie.
Manque de rigueur dans le raisonnement : la première phrase que j'ai souligné parle des raisons s'agissant du jour et de l'heure (c'est-à-dire de la détermination de la date) ; la dernière parle des raisons s'agissant du fait en général de la fin du monde. L'objet dont vous traitez à changer entre les deux. Voilà ce qui m'agace au plus haut point.
LumendeLumine a écrit :En ce sens, la date et le jour précis sont sans importance; nous savons que quoiqu'il arrive, Dieu agit conformément à la fin qu'il poursuit, telle que la connaissons tant par la théologie surnaturelle que par la théologie naturelle; et qu'étant souverainement parfait il ne saurait se tromper ou nous tromper.
Amen.
LumendeLumine a écrit :À moins que vous puissiez démontrer contre la religion chrétienne que Dieu est imparfait, ce dont je doute fort, je ne vois pas ce qui vous autorise à invoquer son imperfection.

Votre démarche est clairement sophiste: prendre certains éléments d'une doctrine (disons la fin du monde), en remplacer certains par ceux de votre invention (que Dieu puisse être imparfait et la décider arbitrairement), et dire que le tout ne fonctionne pas! Il ne fonctionne pas, mais qu'est-ce que ça peut nous faire? C'est votre vision des choses, vous avez le droit de l'avoir, mais à moins de démontrer qu'effectivement Dieu puisse être imparfait, elle n'intéresse personne d'autre que vous: elle ne porte pas contre la doctrine chrétienne.
A ce stade du raisonnement je vous avoue que je ne sais pas s'il faut en rire ou en pleurer : vous me soumettez le problème de "démontrer qu'effectivement Dieu puisse être imparfait"... pour justifier mon raisonnement.
Vous voulez certainement que je vous démontre auparavent ce qui serait dans la logique des choses son existence. Là mon pauvre Lumen ma réaction est la suivante : je suis effondré.
LumendeLumine a écrit :Je comprends bien que vous pensiez autrement que moi; autrement, je ne prendrais pas la peine de discuter avec vous.
À quoi ressemblera le monde à venir? Je n'en ai pas d'image convenable, et je conviens tout à fait que les représentations que nous pouvons en faire paraissent naïves, puisqu'elles se basent sur notre monde où le mal est bien enraciné et fait partie intégrante de l'ordre des choses (accidentellement cependant).

Mais l'argument n'est pas probant puisqu'il n'accuse que les limites de l'imagination et pas la cohérence du concept. Les oppositions que vous relevez entre le monde actuel et celui à venir ne font pas de ce dernier un opposé comme tel pour les raisons que j'ai invoquées.
Une terre que vous continuez à appeler "terre" mais qui n'a plus aucune des caractéristiques géologiques qui forment cette terre et dont nous savons qu'elles forment toutes les planètes telluriques comme la nôtre n'est qu'une chimère. Accrochez-vous à votre rêve s'il vous plaît, faîtes marcher votre "imagination" mais n'invoquez pas la raison ici!
LumendeLumine a écrit :Comment ne serait-ce pas que l'ordre actuel des choses, s'il n'est qu'un parmi une multitude de possibles? Vous en laissez la possibilité ouverte, et c'est la possibilité même qui justifie l'emploi du terme. "Actuel", pris absolument, réfère à "possible", et il convient donc de qualifier l'ordre des choses comme "actuel" en opposition à tous les "possibles".
Bien entendu pour les chrétiens, la force du terme "actuel" est renforcée par la venue certaine de la fin des temps; ce n'est plus seulement une possibilité mais une certitude.
Nouveau manque de rigueur : la possibilité dont nous parlions c'était que l'ordre des choses que nous connaissons ne soit que "l'ordre actuel des choses" (c'est-à-dire l'ordre temporaire des choses) mais nous ne discutions pas d'une "multitude de possibles". En introduisant cet élément nouveau vous changez la nature du raisonnement et j'ai l'impression que si nous continuions à discuter pendant des mois il me faudrait souvent pointer ce genre de manque de rigueur dans votre raisonnement...

Et encore une fois vous n'avez pas compris ce que vous ai déjà dit : non, le terme "actuel" ne peut pas être employé de manière neutre car il sous entend par lui-même le caractère temporaire de l'ordre des choses. Or depuis que le monde est monde et que nous pouvons le connaître ce sont les mêmes principes (et notamment la structure géologique de la terre) qui le font tels que nous le connaissons. Dire "l'ordre actuel des choses" ce n'est pas décrire de manière neutre le réel : comme je vous l'ai dit, et il me semble que c'est suffisamment claire pour que je n'y revienne pas, l'expression adéquate (et vous ne pouvez la discuter celle-là car elle n'ajoute rien) serait "l'ordre des choses que nous connaissons depuis toujours".

Vous jouez peut-être sur les mots en laissant sans doute entendre qu'actuel ferait référence à "en acte" mais vous savez comme moi l'ambiguïté du terme "actuel" (signifiant au même degré "temporaire") et c'est la raison pour laquelle on ne peut l'admettre.
LumendeLumine a écrit :Le devenir ne peut constituer la nature de rien du tout parce que le devenir suppose l'être; pour qu'il y ait changement il faut un sujet du changement, qui lui reste identique à lui-même. S'il n'y a rien qui est alors il n'y a rien qui change. La nature de l'Univers et de l'ordre des choses c'est de l'être, et ensuite le devenir s'y greffe, parce que dans cet Univers manifestement des choses sont en puissance; l'Univers, quoiqu'il soit en acte, a la possibilité de changer, recèle des puissances, des nouvelles capacités à être.

Tout ce qu'on peut dire c'est que par nature l'ordre actuel des choses est essentiellement apte à changer, et non qu'il est essentiellement changement. Or qu'il soit apte à changer implique qu'il puisse différer à tel ou tel moment de son histoire.
Non c'est un mensonge caractérisé de votre part. On ne peut pas dire que "par nature l'ordre actuel des choses est essentiellement apte à changer" car nous avons toujours connu le même ordre des choses. Lorsque j'insiste sur la notion de changement, de devenir (ce qui vous permet ici de monter sur vos grands chevaux métaphysiques sans être attentif au sens du propos), je veux dire que ce qui caractérise notre univers c'est que les choses sont dans un changement permanent ("on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve", tout le monde a compris cela depuis Héraclite) et que ce que vous promettez vous c'est un monde fixe où les choses ne changeront plus : plus de vieillesse, plus de naissances ni d'adolescence, donc effectivement plus de changement ni pour les êtres ni pour les choses.
C'est l'erreur logique la plus profonde (ou la mauvaise foi la plus totale) que de dire le sophisme suivant : puisque les choses changent en permanence cela montre que l'ordre des choses peut changer. Non, c'est plutôt l'inverse : l'ordre des choses est que les choses continuent de changer et le fait que les choses ne changent plus constitue une inversion de l'ordre des choses dont nous n'avons aucune idée, que certainement la nature des choses que nous connaissons depuis toujours ne nous annonce pas et qu'elle nous prévient plutôt d'imaginer au contraire.
LumendeLumine a écrit :Et pour quelle raison?
Pour la raison qu'être vierge ne signifie pas pouvoir parler en expert de la sexualité
LumendeLumine a écrit :L'essence d'un corps ne comprend pas le principe: "ce corps doit vivre éternellement"; mais l'essence se définit comme ce qui fait qu'une chose est cette chose, qu'elle est telle qu'elle est. Or la corruptibilité est responsable de l'opposé: c'est qui fait disparaître la chose en tant qu'elle est cette chose, elle ruine l'essence. On ne saurait donc identifier la corruptibilité à l'essence des choses, ce serait identifier des opposés. La corruptibilité est bien dans les choses, mais comme un accident, c'est-à-dire comme n'appartenant pas à leur essence.
L'essence d'un corps est un mot de métaphysicien éthéré. Quand on parle d'un corps vivant on peut évoquer son essence c'est-à-dire son ADN, son programme interne. Or tout semble prouver aujourd'hui que la sénescence et la mortalité sont inscrites dans le code du vivant lui-même, de tou vivant. Tout votre raisonnement consistant à dire contre toute évidence et expérience que l'essence d'un corps serait de rester éternellement le même ne repose que sur du vide - du néant?
LumendeLumine a écrit :Je ne comprends pas le sens de votre argument. Comme si la métaphysique ne concernait par définition rien de dynamique? Comme si les premiers principes de la raison ne s'appliquaient qu'à des êtres immobiles? Tout ceci est sans fondement et nébuleux.
Le raisonnement sur les corps en tant qu'entités abstraites n'a aucun sens lorsqu'on parle d'un corps vivant et que l'on cherche à connaîtres ses caractéristiques.
LumendeLumine a écrit :Je vous posais les questions suivantes non pas avec une intention pédagogique, sinon sur moi-même, mais bien pour vous obliger à clarifier votre point de vue et à me permettre ainsi de comprendre ce que vous voulez dire:

"L'intelligence a-t-elle une relation non pas avec le phénomène mais avec l'être des choses?"

R.: L'intelligence doit se guider sur le réel, c'est-à-dire sur ce qui nous apparaît, tout autre attitude ne conduit qu'à des chimères.

Il me semble que vous pouvez constater par vous-mêmes que vous ne répondez pas à la question. Vous employez le terme "réel" pour éviter la distinction entre l'être et le phénomène; mais pourtant quand vous dites ensuite "ce qui nous apparaît", il me semble que vous voulez bien parler du phénomène. Est-ce le cas?
Je ne réponds pas à la question tout en y répondant mais ce caractère scolaire est agaçant. Pour être clair : l'intelligence connaît les phénomènes mais je ne pense pas qu'il y ait forcément des noumènes inconnaissables à la manière kantienne. En tous les cas cette réflexion de métaphysicien ne sous sert pas à connaître la "réalité" telle qu'elle est ou du moins telle qu'elle nous apparaît.
LumendeLumine a écrit : "D'où viennent les idées? "

R.: Les idées nous viennent de la nature de notre cerveau qui est construit, comme au fond celui de tout animal, pour maîtriser au mieux son environnement.

Donc ce sont des a priori, et on peut se fonder sur le mécanisme de la sélection naturelle pour affirmer qu'elles sont favorables à la survie.
Ceci n'écarte pas la possibilité que ce que la sélection naturelle ait instillé en nous comme idées et cadres a priori n'ait rien à voir avec le réel tel qu'il est.
Cela change radicalement la définition de connaître; connaître, ce n'est plus savoir ce qu'il en est des choses, c'est un mécanisme nécessaire à la survie et sans lien nécessaire avec le réel. Par conséquent nous sommes des êtres fermés sur nous-mêmes, seulement en contact avec le réel que par nos sens.
Je vous l'ai dit : on ne peut pas sortir de son esprit pour savoir si ce que pense notre esprit est conforme à la structure même du réel ou pas.
LumendeLumine a écrit :"Lorsque nous disons qu'une chose est cause de l'autre, voulons-nous dire que nous lui attribuons arbitrairement la catégorie de cause ou qu'elle est réellement responsable de l'existence de l'autre?"

R.: "Votre dernière question fait réapparaître cette notion controversée d'existence dont je vous ai déjà dit que vous la pensiez fort mal...
Je vais quand même essayer de vous réponse : l'univers est, le réel est, les choses sont. Premier point. Une cause est ce qui organise ce réel de manière à produire une nouvelle organisation de ce réel, mais l'être est toujours déjà là, une cause ne donne pas l'être à son effet. Deuxième point. Nous ne savons pas la cause ultime de ce réel, de cet être et comme je vous l'ai déjà démontré mille fois, notre raison n'est pas en mesure de le penser. Dernier point.
"

Je n'ai aucune difficulté à vous concéder le premier point, quoique je me demande sur quoi vous vous basez pour l'affirmer avec autant de certitude, puisque la connaissance selon vous n'est pas une relation de l'intelligence à l'être des choses mais une série de cadres donnés par l'évolution.
Par contre je conteste entièrement votre deuxième point. Dire que la cause qui engendre une automobile, par exemple, ne lui donne pas l'être, c'est dire que l'automobile n'existe pas en tant que telle, mais seulement les atomes qui la constituent; que l'être, finalement, c'est la matière. C'est la théorie de Démocrite. C'est dire finalement que tout ce qui existe maintenant a toujours existé, puisque la quantité de matière demeure la même; qu'un arbre n'est pas essentiellement plus que les atomes qui le constituent; que l'activité des êtres et leur nature ne sont que des représentations sans valeur réelle et qu'en fait il n'y a rien de plus que des atomes.

Outre que cette théorie se fonde sur une physique dépassée considérant l'atome comme une particule de matière solide et indivisible, ce qui est à l'origine de sa confusion avec l'être, elle dissout toute nature et toute activité, paralysant encore une fois l'exercice de l'intellect qui a priori ne connaît pas les atomes mais les êtres concrets qu'ils constituent. Elle est intenable aujourd'hui devant les théories physiques qui montre bien que le monde microscopique est essentiellement formé de vide et de mouvement, et on ne saurait dès lors le confondre avec l'être. Démocrite n'aurait pas fait cette erreur s'il avait vécu aujourd'hui.
Où voyez-vous que j'utilise le mot "atome"? Parlez de quarks, de bosons, de quantas de matière si ça vous chante!
La physique moderne nous dit que le monde est formé d'énergie organisant toute la matière (qui n'est que de l'énergie elle-même) selon quatre forces. Une cause est ce qui exerce une de ses forces pour configurer de manière différente l'énergie de l'univers. Il n'y a nul apport "d'être" extérieur à l'univers, nul besoin de supposer une addition quelconque de quoi que ce soit à ce que je viens de vous décrire.
LumendeLumine a écrit :On voit également qu'ici vous vous contredisez en soutenant, d'une part, que l'Univers est essentiellement devenir (comme vous le disiez plus haut); et d'autre part que tout devenir n'est qu'apparence puisque ce qui est c'est la matière, corpuscules parfaitement immuables et statiques; il n'y a que des déplacements locaux où la matière ne subit que des changements extrinsèques. (Voir "Le Thomisme, Chapitre III")
L'univers est.
L'ordre des choses dans l'univers est depuis toujours que les choses changent, évoluent.
Cette évolution se fait avec la même quantité de matière depuis toujours : les atomes qui nous constituent sont nés d'assemblages de matière dans les étoiles il y a des millions d'années.
Tout discours autre que celui-ci sur la nature des choses est inadéquat.
LumendeLumine a écrit : Quant à votre dernier point, c'est votre position générale réitérée, et si vous en avez vraiment donné la démonstration et que je n'y ai pas donné de réponse satisfaite, montrez ou et quoi s'il-vous-plaît. Je sais pertinemment que vous avez fourni plusieurs arguments en faveur de votre thèse; et je considère avoir répondu à tous. Lorsque vous vous retranchez derrière vos précédentes affirmations, ce que vous avez fait quelques fois depuis le début de la discssion j'ai l'impression de discuter avec un mur, comme si je ne vous avais rien répondu, ou comme si vous n'aviez pas entendu ma réplique.
Ce dernier point constitue la réitération sans argument nouveau de votre position. Nous connaissons chacun l'une et l'autre (du moins nous devrions nous efforcer de bien comprendre celle de l'autre). Vous aves donné des arguments pour défendre votre position et il me semble les avoir réfuté un par un en montrant qu'ils n'attaquent en rien la solidité de la position agnostique. Lorsque vous réitérez votre critique de ce que je dis sans apporter aucun élément nouveau il me semble avoir affaire à un mur.
Pour le dire clairement et de manière différente pour finir : au cour de cette discussion j'ai appris pas mal de choses sur votre conception de la réalité. J'ai été sensible à la logique de votre argumentation et à la cohérence de la "philosophie réaliste". Sur le fond néanmoins elle me paraît imprudente (utilisant de manière inconsidérée des entités sans valeur épistémologique une fois substantivées). Il me semble de plus, quel que soit le plaisir que j'ai pris à cette discussion, que ma position se trouve renforcé à mes propres yeux à la fin de ce débat et il me paraît (c'est ma position personnelle) que vous ne pouvez tenir l'ensemble de la vôtre que par à la fois manque de prudence dans le raisonnement et parfois erreur de logique.
Peut-être votre position s'est-elle au contraire trouvée renforcée à vos propres yeux, très bien.
Pour ma part je pense que la raison ne va que dans un sens et que vous avez globalement tort par manque de fidélité à ce que la logique stricte nous permet de dire sur le monde.
Nous devrions franchement continuer à discuter sur des sujets plus théologiques qui m'intéressent aussi beaucoup.

LumendeLumine

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Ecrit le 18 oct.06, 07:10

Message par LumendeLumine »

Bonjour Florent,
Florent51 a écrit :Je vais essayer de vous répondre de la manière la plus brève possible car je vais vous avouer que je vous trouve à certains égards de réelle mauvaise foi. Je sens dans beaucoup de vos propos davantage une volonté de "l'emporter" dans la discussion qu'une recherche de la vérité et qu'un respect de la position de l'adversaire. Et je trouve cela à la fois de plus en plus apparent et de plus en plus regrettable.
Ce genre de remarque, c'est de la rhétorique. Plutôt que de me supposer de mauvaise foi, pourquoi ne pas penser que je me trompe tout simplement dans mes arguments et me montrer où sont les sophismes? Votre position je vous l'ai montré ne me semble guère cohérente et pourtant je ne vous ai jamais soupçonné de mauvaise foi. Si vous n'avez pas le temps ou le désir de me répondre plus en détail vous n'avez pas besoin d'invoquer ce genre de prétexte tout à fait gratuit et impossible à prouver ou à réfuter. Je pourrais vous accuser si je le voulais de la même chose, et vous seriez bien en mal de me montrer que j'ai tort. Mais à quoi bon, et qu'en sais-je au juste? Demeurons s'il-vous-plaît dans l'objectif.
Florent51 a écrit :Exemple : vous confondez ici délibérément raison d'être et être de manière scandaleuse. Une action peut bien ne pas avoir de raison d'être (acte gratuit, hasard) et être quand même.
Je ne les confonds nullement mais je les mets sur le même plan car découlant d'une même épistémologie. Accepter l'un revient donc à accepter l'autre, non pas parce que les deux sont identiques, mais parce que le principe par lequel on accepte l'autre doit faire accepter l'autre. Que vous soyez d'accord ou non avec cet argument laisse intacte la distinction que je fais entre les deux et je ne vois pas pourquoi vous m'accusez de délibérément identifier l'un à l'autre.

Deuxièmement toute chose a forcément sa raison d'être et les exemples que vous donnez sont insuffisants. Un acte gratuit est un acte déterminé librement sans aucune contrainte; mais sa raison d'être est dans la liberté qui l'a choisi. Il n'arrive pas sans raison puisqu'il est déterminé par une liberté. De toute manière agir gratuitement ne signifie pas ne pas agir en vue d'une fin; c'est agir pour le bien que constitue la gratuité.
Quant à un acte accidentel, il s'explique par les déterminations essentielles de ce qui l'a produit; on tombe sur un trésor en creusant une tombe, mais l'emplacement du trésor et vouloir creuser une tombe constituent la raison d'être de la découverte du trésor, qui n'est sans raison que sous le rapport de la volonté de celui qui creuse, mais pas absolument sans raison. On voit bien en effet que si le trésor n'avait pas été là ou qu'on aurait pas creusé, on n'aurait pas trouvé de trésor; la découverte, quoique fortuite, a ses raisons d'être.
De même lorsque deux agents se rencontrent dans l'Univers sans que se rencontrer soit une tendance propre à leur nature; la direction de chacun a sa raison d'être (dans la cause du mouvement), et la rencontre fortuite a pour raison d'être ces mouvements déterminés.
Somme toute le hasard ne se conçoit qu'en relation avec l'essentiel; il trouve dans l'essentiel sa raison d'être.
Il n'y a donc rien qui arrive sans raison d'être, pas de rencontres accidentelles sans mouvements déterminés, pas de découvertes fortuites sans quelque chose de déterminé et quelqu'un agissant de façon déterminée; le hasard est la rencontre fortuite d'agents qui agissent pour un fin.
Florent51 a écrit :Ai-je nié un seul moment que l'univers était? Bien sûr que non : c'est l'évidence logique : s'il n'était pas nous ne pourrions discuter de rien, puisqu'il n'y aurait rien à discuter et personne pour le faire.
Que quelque chose existe ne peut en aucun cas, même pas en ce qui vous paraît évident, se démontrer par la logique a priori; il faut entrer en contact avec ce quelque chose d'une manière où d'une autre. En vous suivant, on réhabiliterait l'argument ontologique, l'existence de Dieu serait prouvée, et je n'aurais rien à faire ici. Même le cogito de Descartes implique une relation de l'intelligence à l'être, ici à son propre être par réflexion; sinon, on ne pourrait être certain qu'être, ce n'est pas ne pas être; que "je pense" ne signifie pas "je ne pense pas", que "donc je suis" ne signifie pas "donc je ne suis pas".
On en revient au problème de la relation de l'intelligence à l'être des choses. Vous ne vous en sortez pas, quoique vous en disiez.
Florent51 a écrit :Ce que je vous dis depuis le départ c'est que concernant ce cas particulier que constitue le non-être, le néant et le problème du commencement de l'univers, là notre raison n'est pas suffisante car elle ne peut penser que de l'être.
Si l'intelligence peut vraiment penser l'être, alors elle sait qu'il n'y a rien en-dehors; ce qui serait en-dehors serait, mais ne serait pas puisqu'en-dehors de l'être. La notion d'être même exclut logiquement un passage absolu, sans raison d'être, de rien à quelque chose, puisque rien, étant en-dehors de l'être, n'est pas; par conséquent le soi-disant passage non plus. Affirmer ne fût-ce que la possibilité d'un commencement de l'être c'est se contredire, puisque c'est dire que ce qui est peut en même temps ne pas être, ce qui n'a aucun sens; c'est une faute de logique.

Vous croyez vous en sortir en affirmant que la notion d'être se limite aux objets concrets donnés à l'expérience, et qu'en-dehors de cela il ne faut rien affirmer; mais alors ce n'est plus la notion d'être, puisque la notion d'être dépasse l'expérience par définition; même si quelque chose est en-dehors de l'expérience, cette chose est, c'est inclu dans la condition. Rien ne peut être inaccessible à l'expérience sans au moins être, autrement, il est inutile d'en parler; si ce qui est inaccessible à l'expérience n'est pas, alors il n'y a tout de même rien en-dehors de l'expérience qui ne soit pas.
Finalement c'est bien nier le sens de la notion d'être que vous faites, notion par laquelle l'intelligence exprime tous ses jugements. Vous la remplacez par un "être" empirique: être, c'est correspondre à toutes sortes d'images tirées de l'expérience, ou à une catégorie a priori du cerveau applicable seulement dans le domaine de l'expérience. Dans les deux cas, être perd son sens premier et simple, qui exprime l'existence, l'identité, l'unité. Or alors rien ne prouve que ceci "l'Univers est" implique son existence réelle et objective.
Florent51 a écrit :Manque de rigueur dans le raisonnement : la première phrase que j'ai souligné parle des raisons s'agissant du jour et de l'heure (c'est-à-dire de la détermination de la date) ; la dernière parle des raisons s'agissant du fait en général de la fin du monde. L'objet dont vous traitez à changer entre les deux. Voilà ce qui m'agace au plus haut point.
Je ne pense pas avoir manqué de rigueur puisque la fin du monde en tant que telle, hic et nunc, implique une date et une heure précise. Mais puisque vous y tenez, soyons précis: "Dieu a clairement révélé son plan sur l'Homme et à moins qu'il ne mente, ce qui est inconcevable à cause de 1, il ne saurait agir en opposition à ce plan; la date et l'heure de la fin du monde seront déterminée en fonction de la même raison que la création, que les prophètes, que la venue du Messie, que l'Église; afin que nous Le connaissions et participions à sa Vie"

Vous auriez pu aisément le déduire vous-même. La chose a dû me sembler trop évidente pour que je l'explicite.
Florent51 a écrit :Amen.
...
Florent51 a écrit :A ce stade du raisonnement je vous avoue que je ne sais pas s'il faut en rire ou en pleurer : vous me soumettez le problème de "démontrer qu'effectivement Dieu puisse être imparfait"... pour justifier mon raisonnement.
Vous voulez certainement que je vous démontre auparavent ce qui serait dans la logique des choses son existence. Là mon pauvre Lumen ma réaction est la suivante : je suis effondré.
Je vais vous aider un peu. Puisque vous soutenez que nous ne pouvons rien savoir de Dieu, je ne vois pas pourquoi dans cette optique Dieu ne pourrait pas être imparfait. En ce sens, vous n'avez qu'à prouver votre agnosticisme pour prouver que Dieu puisse être imparfait, et avoir menti dans la Révélation, ce qui serait néanmoins très peu crédible et très peu probable, mais pas absolument impossible.

Mais apparemment ce n'est pas ce genre de raisonnement que vous voulez faire: vous essayez de vous placer du point de vue de la doctrine chrétienne et montrer qu'en elle-même elle est incohérente, elle fait dépendre le monde d'un caprice, etc. Mais à ce moment-là, vous ne pouvez pas arbitrairement décider d'invoquer la fausseté d'un de ses fondements, telles la souveraine perfection de Dieu; alors la critique ne porte plus, puisqu'elle se voulait une critique interne de la religion et qu'elle est obligée d'en sortir pour se justifier.

Si la doctrine chrétienne est logique, alors vous devez en attaquer les fondements; si elle n'est pas logique, alors il vous suffit d'en dénoncer les incohérences. Mais vous ne pouvez pas essayer de montrer une incohérence sous prétexte que vous refusez a priori un fondement; c'est sophiste, tout simplement, puisque c'est démontrer sans démontrer.
Florent51 a écrit :Une terre que vous continuez à appeler "terre" mais qui n'a plus aucune des caractéristiques géologiques qui forment cette terre et dont nous savons qu'elles forment toutes les planètes telluriques comme la nôtre n'est qu'une chimère. Accrochez-vous à votre rêve s'il vous plaît, faîtes marcher votre "imagination" mais n'invoquez pas la raison ici!
C'est justement l'imagination qui ne marche pas; c'est ce que vous montrez. Impossible de se représenter le monde à venir en se basant sur le monde actuel. Néanmoins il y a beaucoup de bon dans le monde actuel et pas que des évènements destructeurs! Pour l'essentiel, nous serons toujours humains, toujours faits d'une âme et d'un corps, toujours vivants, toujours capables de relation, de bonheur, d'aimer; mais que le monde à venir ressemble physiquement à notre terre, qu'en savons-nous? Il y a encore du bon dans ce monde; la lumière et la chaleur en quantité adéquate, la diversité de la nourriture, des êtres vivants, etc. Comment cela sera-t-il sauvegardé, comment cela sera-t-il dépassé, qu'en sais-je? D'une manière ou d'une autre. La raison l'ignore, l'imagination ne peut le concevoir. L'impossibilité est du côté de l'imagination, pas de la raison.
Florent51 a écrit :Nouveau manque de rigueur : la possibilité dont nous parlions c'était que l'ordre des choses que nous connaissons ne soit que "l'ordre actuel des choses" (c'est-à-dire l'ordre temporaire des choses) mais nous ne discutions pas d'une "multitude de possibles".
Je vous rappelle que tout cet argument a commencé avec ceci de votre part:
Florent51 a écrit :Pour pouvoir désigner avec certitude "le monde tel que nous le connaissons" par l'expression "l'ordre actuel des choses" il faudrait que nous sachions avec certitude qu'un "autre ordre" est possible.
Or vous me le concédez:
Florent51 a écrit :Si je laisse effectivement la possibilité ouverte d'un autre monde possible, ...
et vous vous expliquez ainsi:
Florent51 a écrit :...je ne peux pas en même temps accepter l'expression que vous utilisez pour qualifier la réalité ("l'ordre actuel des choses") car c'est avaliser (et non pas laisser en suspens) le fait que l'ordre que nous connaissons depuis toujours des choses n'est que "l'ordre actuel des choses".
Or il suffit, aussi improbable que ce soit, pour ne pas disqualifier l'expression "l'ordre actuel des choses", que cet ordre ne soit pas le seul possible, qu'il puisse prendre fin et laisser place à un autre. On n'a pas besoin d'être certain que ceci doive arriver, mais la simple possibilité enlève à cet ordre toute vraie stabilité.
Autre chose: sur quoi basez-vous cette "improbabilité"? (je réponds ici à vos arguments) Sur le fait que jusqu'à maintenant ce ne ce soit pas produit? On peut aisément répliquer que si ça s'était produit ça ne pourrait plus se reproduire; cet ordre ne peut disparaître qu'une fois. Sur l'absence de tout indice appuyant un tel renversement? On peut aisément répliquer que pas davantage d'indices n'appuient une stabilité réelle. La possibilité reste ouverte, 50/50, ce qui est largement suffisant pour qualifier cet ordre d' "actuel".

Finalement on ne voit pas ce qui, dans une optique agnostique, garantit quoi que ce soit quant à l'avenir de ce monde. Vous devriez être bien plus inquiet de ce qui peut lui arriver que le chrétien qui sait qu'il est dans la main de Dieu, et que Dieu est bon.
Florent51 a écrit :Pour la raison qu'être vierge ne signifie pas pouvoir parler en expert de la sexualité
Pas plus qu'être marié, d'ailleurs. Je ne vois pas trop ce que vous entendez montrer par là.
Florent51 a écrit :Le raisonnement sur les corps en tant qu'entités abstraites n'a aucun sens lorsqu'on parle d'un corps vivant et que l'on cherche à connaîtres ses caractéristiques.
Pourquoi?
Florent51 a écrit :L'essence d'un corps est un mot de métaphysicien éthéré. Quand on parle d'un corps vivant on peut évoquer son essence c'est-à-dire son ADN, son programme interne. Or tout semble prouver aujourd'hui que la sénescence et la mortalité sont inscrites dans le code du vivant lui-même, de tou vivant. Tout votre raisonnement consistant à dire contre toute évidence et expérience que l'essence d'un corps serait de rester éternellement le même ne repose que sur du vide - du néant?
Que la corruptibilité soit inscrite dans la structure physique d'un être n'y change rien; il y a bel et bien contradiction au sein de cet être, non pas d'un point de vue physique où tout se décrit par les mêmes lois, mais d'un point de vue plus simple et plus profond, à savoir: que ce qui entraîne sa vie entraîne sa mort, deux actions contradictoires, et par conséquent il y a imperfection. N'en discutez pas si vous voulez rester au niveau de la description physique; ce n'est pas de cela que je veux parler. Ou qualifiez les notions de base de la métaphysique d'éthérées si cela vous chante. Elles ne sont pas pour autant fausses, et d'ailleurs, on ne cesse de les utiliser que quand on entre dans un laboratoire de chimie, où il faut se limiter à la description physique, à la mathématisation du phénomène. De là à expliquer et à comprendre le sens des changements, l'équation chimique ne suffira pas. Du reste, si vous ne voulez vraiment pas parler métaphysique, je ne vous y force pas. Il est évident que ce n'est pas d'un point de vue physique qu'on peut montrer si l'ordre à venir sera oui ou non un "pur opposé" à celui que nous connaissons; la notion même d' "opposé" requiert une abstraction plus profonde. Si vous ne voulez pas parler métaphysique alors abandonnez vos arguments métaphysiques; à moins de prouver physiquement que le monde à venir serait un "pur opposé à l'actuel", ce qui vous mériterait probablement le prix Nobel de physique! Sertillanges dans "La philosophie de Thomas d'Aquin" montre suffisamment la pertinence absolue de la métaphysique, et le scientifique quand il enlève ses oeillères expérimentales se remet à parler en termes de causes finales et efficientes, d'essence et d'existence.
Florent51 a écrit :Je ne réponds pas à la question tout en y répondant mais ce caractère scolaire est agaçant. Pour être clair : l'intelligence connaît les phénomènes mais je ne pense pas qu'il y ait forcément des noumènes inconnaissables à la manière kantienne. En tous les cas cette réflexion de métaphysicien ne sous sert pas à connaître la "réalité" telle qu'elle est ou du moins telle qu'elle nous apparaît.
Cette réflexion nous sert à définir ce que signifie "connaître la réalité".

Donc l'intelligence selon vous connaît les phénomènes. C'est tout ce que je voulais savoir et c'est bien ce que je pensais et ce que je conteste depuis le début de la discussion.

Il faut bien accepter que si seul le phénomène est connu, alors jamais la chose comme telle; elle est peut-être définie dans l'esprit par des cadres a priori qui décortiquent le phénomène, mais rien ne dit que ce découpage est conforme à la réalité. Vous le dites vous-même:

"on ne peut pas sortir de son esprit pour savoir si ce que pense notre esprit est conforme à la structure même du réel ou pas. "

Et par conséquent on ne peut rien savoir avec certitude sur quoi que ce soit, même pas dans le domaine de l'expérience! Car que ce soit dans le domaine de l'expérience ou en-dehors, l'objet est inaccessible, il n'y a que le phénomène qui est connu! Tout ce que nous connaissons c'est nos propres idées qui viennent de nous-mêmes et non de la réalité objective, comme vous l'affirmez vous-même.

Alors comment pouvez-vous affirmez exister vous-même? Ou que l'Univers existe? Vous n'en savez rien. Rien n'oblige à ce que derrière le phénomène il y ait un objet réel qui le produise; ceci n'est évident que pour le réalisme et non le nominalisme. N'atteignant pas l'être des choses, même pas de nous-même puisqu'il faudrait s'atteindre objectivement par réflexion, nous ne pouvons utiliser ce verbe: être. Or, c'est se condamner au mutisme.
Florent51 a écrit :Où voyez-vous que j'utilise le mot "atome"? Parlez de quarks, de bosons, de quantas de matière si ça vous chante!
La physique moderne nous dit que le monde est formé d'énergie organisant toute la matière (qui n'est que de l'énergie elle-même) selon quatre forces. Une cause est ce qui exerce une de ses forces pour configurer de manière différente l'énergie de l'univers. Il n'y a nul apport "d'être" extérieur à l'univers, nul besoin de supposer une addition quelconque de quoi que ce soit à ce que je viens de vous décrire.
Qu'on parle d'atomes ou de quantas d'énergie, comme vous le dites vous-mêmes (et c'est singulièrement ironique), cela ne change rien au fond; identifier l'être aux éléments fondamentaux de la matière (atomes ou peu importe) attire tous les problèmes que j'ai cités. En quelque sorte, vous vous êtes répondu à vous-même.
Florent51 a écrit :Ce dernier point constitue la réitération sans argument nouveau de votre position. Nous connaissons chacun l'une et l'autre (du moins nous devrions nous efforcer de bien comprendre celle de l'autre). Vous aves donné des arguments pour défendre votre position et il me semble les avoir réfuté un par un en montrant qu'ils n'attaquent en rien la solidité de la position agnostique. Lorsque vous réitérez votre critique de ce que je dis sans apporter aucun élément nouveau il me semble avoir affaire à un mur.
Mais où ai-je réitéré ma position dans le texte que vous citez? Vous répétez ce que je dis presque mot à mot; on dirait que le texte que vous citez de moi est sans lien avec votre réplique. Ici je ne vous comprends pas du tout.

Vous voulez clore ce débat, et pourtant il reste encore quelques questions ouvertes... je crains qu'il continue encore quelques temps, à moins que l'un de nous se taise subitement dans le dialogue, sans raison.
Florent51 a écrit : Je ne suis pas certain que l'on puisse dire cela. La phrase de Jésus dit : "seul le Père le sait".
Votre raisonnement par l'essence est déjà par lui-même délicat puisque le Fils lui aussi participe de cette essence. Vous avez répondu en émettant une hypothèse le concernant (la double nature expliquerait cette ignorance - uniquement de Jésus en tant que sauveur) mais cette hypothèse s'appuit-elle sur des textes précis? Et s'il est vrai que le Saint-Esprit le sait aussi y a-t-il autre chose que votre raisonnement pour soutenir cette position. Merci de votre réponse.
Après avoir tenté de produire une réponse, je suis allé dénicher l'article de la Somme à ce sujet, et il est cent fois meilleur que ce que j'avais trouvé, bien entendu. Donc je vous le donne ici tel quel et c'est la meilleure réponse que je connaisse à votre question.

ARTICLE 2: Dans le Verbe, l'âme du Christ a-t-elle connu toutes choses?

Objections: 1. On lit en S. Marc (13, 32) " Personne, ni les anges dans le ciel, ni le Fils ne connaît ce jour, si ce n'est le Père. " L'âme du Christ ne connaît donc pas toutes choses dans le Verbe.

(...)

En sens contraire, quand l'Apocalypse (5,12) dit: " L'Agneau immolé est digne de recevoir divinité et sagesse ", la Glose interprète ce dernier mot comme signifiant la connaissance de toutes choses.

Réponse: Quand on se demande si le Christ a connu toutes choses dans le Verbe, on peut l'entendre au sens propre de tout ce qui est, a été ou sera fait, dit ou pensé par qui que ce soit, en n'importe quel temps. En ce sens, l'âme du Christ connaît toutes choses dans le Verbe. L'intelligence créée, en effet, si elle ne connaît pas absolument tout dans le Verbe, saisit cependant d'autant plus de choses qu'elle connaît le Verbe plus parfaitement. Et chaque intelligence bienheureuse connaît dans le Verbe tout ce qui a rapport à elle-même. Or, toutes choses ont rapport d'une certaine manière au Christ et à sa dignité, car toutes choses lui sont soumises. Il est " le juge universel constitué par Dieu, parce qu'il est Fils de l'homme ", dit S. Jean (5,27). C'est pourquoi l'âme du Christ connaît dans le Verbe toutes les réalités, à quelque moment qu'elles existent, et même les pensées des hommes, dont il est le juge. Aussi cette parole de S. Jean (2, 25): " Il savait ce qu'il y avait dans l'homme ". peut s'entendre non seulement de sa science divine, mais aussi de cette science que son âme possédait dans la vision du Verbe.
Par ailleurs, on peut prendre " toutes choses " en un sens plus large, englobant non seulement tout ce qui existe en acte, à n'importe quelle époque, mais même tout ce qui est en puissance et ne sera jamais amené à l'acte. De telles choses n'ont d'existence que dans la puissance divine. En ce sens, l'âme du Christ ne connaît pas toutes choses dans le Verbe. Il lui faudrait en effet comprendre tout ce que Dieu peut faire, en d'autres termes comprendre la puissance divine et par suite l'essence divine elle-même. La puissance d'un être se détermine en effet par la connaissance de tout ce qu'il peut faire.
Pourtant s'il s'agit de tout ce qui est non pas seulement dans la puissance divine, mais aussi dans la puissance de la créature, l'âme du Christ connaît toutes choses dans le Verbe. Car elle comprend en lui l'essence de toute créature, et par conséquent la puissance, la vertu et tout ce qui est au pouvoir de la créature.

Solutions: 1. Arius et Eunomius ont appliqué ce texte non pas à la science de l'âme du Christ, dont ils n'admettaient pas l'exigence mais à la connaissance divine du Fils, prétendant qu'il était sous ce rapport inférieur au Père. Cette doctrine est inadmissible, car " par le Verbe toutes choses ont été faites ", dit S. Jean (1, 3), et parmi elles également tous les temps. Or, rien n'a été fait par le Verbe qui fût ignoré de lui.
On doit donc dire que, dans ce cas, ignorer le jour et l'heure du jugement signifie ne pas le faire connaître. Interrogé en effet à ce sujet par ses Apôtres, le Christ n'a rien voulu leur révéler. C'est ainsi qu'en sens contraire nous lisons dans la Genèse (22, 12): " Maintenant j'ai connu que tu crains Dieu ", ce qui signifie: j'ai fait connaître que tu crains Dieu. On dit que le Père connaît le jour du jugement, parce qu'il communique cette connaissance au Fils. Dès lors cette expression: " si ce n'est le Père ", signifie précisément que le Fils connaît le jour du jugement, non seulement selon sa nature divine, mais même selon sa nature humaine. Comme le montre en effet S. Jean Chrysostome," s'il a été donné au Christ homme de savoir de quelle manière il devait juger, à plus forte raison devait-il connaître l'époque du jugement, qui est une chose moins importante ".
Origène il est vrai, entend ce texte du corps du Christ, qui est l’Église et qui ignore cette époque. D'autres enfin disent qu'il faut l'entendre du fils adoptif de Dieu et non de son Fils par nature.

Florent51

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Ecrit le 18 oct.06, 22:58

Message par Florent51 »

Mon cher Lumen,

S'il vous paraît intéressant de continuer cette discussion pourquoi pas.. Mais je crains que vous ne soyez déçu par le résultat si d'aventure votre intention était de me convertir à votre point de vue. Quoi qu'il en soit je veux bien répondre à votre dernier message, intéressant certes autant qu'agaçant car j'y ai repéré de nouveau ce qui me paraît être de votre part des fautes de logique et des sophismes, mais j'ai noté (chose que j'ai déjà constaté) que vous n'avez pas commenté certains points de mon propre message qui me paraissent pourtant dignes d'attention et que je reproduis ci-dessous. Pourrais-je vous demander de les commenter et ensuite je vous donnerai mon sentiment général sur votre post?

Florent51 a écrit : Le principe d'identité et celui de non-contradiction sont valables concernant les entités particulières qui tombent sous notre analyse : une même chose ne peut pas être et ne pas être en même temps sous le même rapport au même endroit. Mais il ne s'ensuit pas de cela que le terme "non-être" puisse être substantivé et avoir un sens. Donc le problème autour duquel nous parlons s'agissant du commencement possible du réel excède les catégories intellectuelles dont nous disposons. Je ne reviendrai pas sur ce point, est-ce clair?



Et encore une fois vous n'avez pas compris ce que vous ai déjà dit : non, le terme "actuel" ne peut pas être employé de manière neutre car il sous entend par lui-même le caractère temporaire de l'ordre des choses. Or depuis que le monde est monde et que nous pouvons le connaître ce sont les mêmes principes (et notamment la structure géologique de la terre) qui le font tels que nous le connaissons. Dire "l'ordre actuel des choses" ce n'est pas décrire de manière neutre le réel : comme je vous l'ai dit, et il me semble que c'est suffisamment claire pour que je n'y revienne pas, l'expression adéquate (et vous ne pouvez la discuter celle-là car elle n'ajoute rien) serait "l'ordre des choses que nous connaissons depuis toujours".

Vous jouez peut-être sur les mots en laissant sans doute entendre qu'actuel ferait référence à "en acte" mais vous savez comme moi l'ambiguïté du terme "actuel" (signifiant au même degré "temporaire") et c'est la raison pour laquelle on ne peut l'admettre.
Florent51 a écrit : Non c'est un mensonge caractérisé de votre part. On ne peut pas dire que "par nature l'ordre actuel des choses est essentiellement apte à changer" car nous avons toujours connu le même ordre des choses. Lorsque j'insiste sur la notion de changement, de devenir (ce qui vous permet ici de monter sur vos grands chevaux métaphysiques sans être attentif au sens du propos), je veux dire que ce qui caractérise notre univers c'est que les choses sont dans un changement permanent ("on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve", tout le monde a compris cela depuis Héraclite) et que ce que vous promettez vous c'est un monde fixe où les choses ne changeront plus : plus de vieillesse, plus de naissances ni d'adolescence, donc effectivement plus de changement ni pour les êtres ni pour les choses.
C'est l'erreur logique la plus profonde (ou la mauvaise foi la plus totale) que de dire le sophisme suivant : puisque les choses changent en permanence cela montre que l'ordre des choses peut changer. Non, c'est plutôt l'inverse : l'ordre des choses est que les choses continuent de changer et le fait que les choses ne changent plus constitue une inversion de l'ordre des choses dont nous n'avons aucune idée, que certainement la nature des choses que nous connaissons depuis toujours ne nous annonce pas et qu'elle nous prévient plutôt d'imaginer au contraire.



L'univers est.
L'ordre des choses dans l'univers est depuis toujours que les choses changent, évoluent.
Cette évolution se fait avec la même quantité de matière depuis toujours : les atomes qui nous constituent sont nés d'assemblages de matière dans les étoiles il y a des millions d'années.
Tout discours autre que celui-ci sur la nature des choses est inadéquat.


Pour le dire clairement et de manière différente pour finir : au cour de cette discussion j'ai appris pas mal de choses sur votre conception de la réalité. J'ai été sensible à la logique de votre argumentation et à la cohérence de la "philosophie réaliste". Sur le fond néanmoins elle me paraît imprudente (utilisant de manière inconsidérée des entités sans valeur épistémologique une fois substantivées). Il me semble de plus, quel que soit le plaisir que j'ai pris à cette discussion, que ma position se trouve renforcé à mes propres yeux à la fin de ce débat et il me paraît (c'est ma position personnelle) que vous ne pouvez tenir l'ensemble de la vôtre que par à la fois manque de prudence dans le raisonnement et parfois erreur de logique.
Peut-être votre position s'est-elle au contraire trouvée renforcée à vos propres yeux, très bien.
Pour ma part je pense que la raison ne va que dans un sens et que vous avez globalement tort par manque de fidélité à ce que la logique stricte nous permet de dire sur le monde.
Nous devrions franchement continuer à discuter sur des sujets plus théologiques qui m'intéressent aussi beaucoup.

LumendeLumine

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Ecrit le 19 oct.06, 04:22

Message par LumendeLumine »

Bonjour Florent,

merci de me faire remarquer ce que j'ai oublié dans votre texte. Je me défends bien de toute négligence mais ma dernière réponse m'a demandé deux heures et j'ai dû sauter des passages sans m'en rendre compte. Néanmoins je remarque en lisant ce que vous me soumettez que j'y ai en fait souvent répondu sans citer tous les textes qui s'y rapportent, puisque vous reprenez souvent les mêmes idées.
Florent51 a écrit :Le principe d'identité et celui de non-contradiction sont valables concernant les entités particulières qui tombent sous notre analyse : une même chose ne peut pas être et ne pas être en même temps sous le même rapport au même endroit. Mais il ne s'ensuit pas de cela que le terme "non-être" puisse être substantivé et avoir un sens. Donc le problème autour duquel nous parlons s'agissant du commencement possible du réel excède les catégories intellectuelles dont nous disposons. Je ne reviendrai pas sur ce point, est-ce clair?
Je ne sais pas pourquoi vous ajoutez "au même endroit" à la définition du principe d'identité; à mon avis c'est à cause de votre notion toute empirique de l' "être". Il est vrai que l'on dit "en même temps", ce qui fait référence au temps; néanmoins "au même endroit" fait référence à un objet physique dans l'espace et prive le principe d'identité de sa valeur logique. En effet blanc ne peut être noir en même temps et sous le même rapport; mais au même endroit, qu'est-ce que cela signifie dans le cas d'une couleur? La couleur en tant que telle n'est pas dans un lieu particulier. En tant qu'elle est dans des objets concrets, elle est en plusieurs lieux particuliers en même temps, et il faut donc en faire abstraction. En ajoutant "au même endroit" au principe d'identité, il me semble que la logique et les mathématiques s'en trouvent fondamentalement lésées; à tel point que je me demande comment elles sont encore possibles. Quant à la métaphysique, n'en parlons pas.

Vous passez à côté, il me semble, de l'origine même de ce principe; il découle de la notion d'être. L'être, par définition, est opposé au non-être; c'est la première chose que nous constatons dans les choses; que le fait qu'elles soient est radicalement opposé à celui qu'elles ne soient pas; il y a là quelque chose de suprêmement évident et qui constitue immédiatement, d'emblée, la première loi de la pensée: ce qui est, est; ce qui n'est pas, n'est pas; impossible qu'une chose soit et ne soit pas en même temps et sous le même rapport.

Cela rejoint ce que j'ai dit dans mon dernier message:
Si l'intelligence peut vraiment penser l'être, alors elle sait qu'il n'y a rien en-dehors; ce qui serait en-dehors serait, mais ne serait pas puisqu'en-dehors de l'être. La notion d'être même exclut logiquement un passage absolu, sans raison d'être, de rien à quelque chose, puisque rien, étant en-dehors de l'être, n'est pas; par conséquent le soi-disant passage non plus. Affirmer ne fût-ce que la possibilité d'un commencement de l'être c'est se contredire, puisque c'est dire que ce qui est peut en même temps ne pas être, ce qui n'a aucun sens; c'est une faute de logique.

Vous croyez vous en sortir en affirmant que la notion d'être se limite aux objets concrets donnés à l'expérience, et qu'en-dehors de cela il ne faut rien affirmer; mais alors ce n'est plus la notion d'être, puisque la notion d'être dépasse l'expérience par définition; même si quelque chose est en-dehors de l'expérience, cette chose est, c'est inclu dans la condition. Rien ne peut être inaccessible à l'expérience sans au moins être, autrement, il est inutile d'en parler; si ce qui est inaccessible à l'expérience n'est pas, alors il n'y a tout de même rien en-dehors de l'expérience qui ne soit pas.
Finalement c'est bien nier le sens de la notion d'être que vous faites, notion par laquelle l'intelligence exprime tous ses jugements. Vous la remplacez par un "être" empirique: être, c'est correspondre à toutes sortes d'images tirées de l'expérience, ou à une catégorie a priori du cerveau applicable seulement dans le domaine de l'expérience. Dans les deux cas, être perd son sens premier et simple, qui exprime l'existence, l'identité, l'unité. Or alors rien ne prouve que ceci "l'Univers est" implique son existence réelle et objective.
Florent51 a écrit :Non c'est un mensonge caractérisé de votre part. On ne peut pas dire que "par nature l'ordre actuel des choses est essentiellement apte à changer" car nous avons toujours connu le même ordre des choses. Lorsque j'insiste sur la notion de changement, de devenir (ce qui vous permet ici de monter sur vos grands chevaux métaphysiques sans être attentif au sens du propos), je veux dire que ce qui caractérise notre univers c'est que les choses sont dans un changement permanent ("on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve", tout le monde a compris cela depuis Héraclite) et que ce que vous promettez vous c'est un monde fixe où les choses ne changeront plus : plus de vieillesse, plus de naissances ni d'adolescence, donc effectivement plus de changement ni pour les êtres ni pour les choses.
C'est l'erreur logique la plus profonde (ou la mauvaise foi la plus totale) que de dire le sophisme suivant : puisque les choses changent en permanence cela montre que l'ordre des choses peut changer. Non, c'est plutôt l'inverse : l'ordre des choses est que les choses continuent de changer et le fait que les choses ne changent plus constitue une inversion de l'ordre des choses dont nous n'avons aucune idée, que certainement la nature des choses que nous connaissons depuis toujours ne nous annonce pas et qu'elle nous prévient plutôt d'imaginer au contraire.
Les grands chevaux métaphysiques sont importants parce qu'ils nous permettent de comprendre que le changement n'est pas un plus mais un moins, pris absolument; pris relativement, pour ce qui est limité, le changement peut le rendre plus grand, d'où la valorisation que nous faisons du changement; mais pris absolument, le changement accuse une déficience dans l'être: et ceci est plus exact et encore bien plus connu que le mot d'Héraclite qui absolutise le devenir: "on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve". En effet d'une certaine manière il a raison, et d'une certaine manière il a tort, puisque il est évident que le fleuve actuel n'est pas radicalement différent du fleuve d'hier; il est en quelque sorte autre et en quelque sorte le même. L'être qui change est un être composé, qui sous un aspect demeure le même (puissance) et sous l'autre change (l'acte).
Pris absolument donc, le changement accuse la limite de tout composé d'acte et de puissance; pris relativement, il permet d'atteindre sa perfection; mais si cette perfection est atteinte, à quoi sert le changement? Le changement n'est bon que dans un monde déficient, mais pas dans un monde parfait; et de fait, tout bon changement est un changement qui tend vers le plus parfait; mais le plus parfait atteint, le changement ne peut être que mauvais.
Ce n'est donc pas un moins par rapport au monde actuel que le monde à venir soit sans devenir, mais un plus.

Ceci dit, je comprends bien le sens de votre objection: le monde tel que nous le connaissons est changeant, le devenir est partie intégrante de ce qu'il est. Mais vous ne pouvez pas conclure par là qu'un nouvel ordre où il n'y aurait plus de devenir soit opposé à l'actuel; pour cela il faudrait non seulement que le monde que nous connaissons recèle un certain devenir, mais qu'il soit essentiellement devenir; c'est la thèse d'Héraclite, plus proche de nous c'est celle de Bergson. Je suis obligé de réfuter la thèse d'un point de vue métaphysique, parce que l'opposition que vous faites ressortir ne peut être vraie que de ce point de vue et en se basant sur elle. Dans la philosophie classique, comme je viens de l'expliquer, il n'y a rien d'opposé, rien d'essentiellement opposé du moins, entre un monde composé d'acte et de puissance où il y a du devenir, et un monde composé d'acte et de puissance où il n'y a pas de devenir. Il y a au contraire plus, et plus n'est pas opposé.
Florent51 a écrit :C'est l'erreur logique la plus profonde (ou la mauvaise foi la plus totale) que de dire le sophisme suivant : puisque les choses changent en permanence cela montre que l'ordre des choses peut changer.
Je serais prêt à vous l'accorder mais je crains que vous ne l'entendiez pas comme je l'entends. Votre expression "changer en permanence", parce que vous soulignez cette permanence, a des relents de théorie du devenir absolu comme Héraclite, et je pense bien que ce que vous voulez dire c'est que comme toute chose est essentiellement devenir dans ce monde, un monde sans devenir serait essentiellement opposé. Or que toute chose est essentiellement devenir est sans consistance comme je l'ai expliqué dans mon dernier message; pour qu'il y ait du changement il faut de l'être, et donc on n'évite pas la distinction, absolument nécessaire, entre puissance et acte. Par là on ne peut plus dire que le monde est essentiellement devenir et votre opposition s'évanouit.
Je vous l'accorderais en ce sens que le type de changement que l'on observe est toujours sans proportion avec le changement radical du type fin du monde, et qu'à première vue il paraît improbable de supposer la vraisemblance d'un tel évènement. Et pourtant d'un point de vue métaphysique, une fois la distinction faite entre acte et puissance, on voit assez rapidement qu'il doit exister un Acte Pur d'où dépend tout composé tel le monde que nous connaissons; et la possibilité revient au galop.
Florent51 a écrit :L'univers est.
L'ordre des choses dans l'univers est depuis toujours que les choses changent, évoluent.
Cette évolution se fait avec la même quantité de matière depuis toujours : les atomes qui nous constituent sont nés d'assemblages de matière dans les étoiles il y a des millions d'années.
Tout discours autre que celui-ci sur la nature des choses est inadéquat.
Tout discours autre que physique, quoi. Or la physique ne parle pas de l'être, et ne nous permet pas de fonder vraiment le sens d'une affirmation telle "l'univers est"; ou "il n'y a rien d'autre que des atomes qui se déplacent localement"; par son approche purement expériementale elle s'interdit d'expliquer; elle se borne de plus en plus à décrire, à mathématiser. La physique n'emploie pas un mot comme "nature" ou "existence"; par quoi les définirait-elle? Elle les suppose, elle les enrichit par ses expériences; elle ne les fonde pas.
Puisque quoi qu'on dise, on ne peut pas faire disparaître la métaphysique; si on veut l'éliminer, alors en fait on la remplace par la physique; ce qui donne presque invariablement un matérialisme sinon de jure, au moins de fait, une théorie du type mécaniciste dont Démocrite est le premier représentant.

Pour ce qui est des commentaires que vous faites sur notre discussion; je sens bien que vous souhaitez ne pas la prolonger encore indûment; moi aussi d'ailleurs. Vous faites des commentaires généraux sur ma position philosophique, manque de prudence etc., je les connais mais je considère que c'est la seule position capable de ne pas condamner unilatéralement tout un pan de la connaissance; soit sensible, soit intellectuelle; c'est la position de synthèse, l'achèvement de la pensée grecque et le fondement de la pensée occidentale, qui depuis Descartes s'enlise dans des schèmes contradictoires où les subtils distinguo de l'École n'ont plus leur place. Vous avez beau jeu de dire qu'il donne à l'intelligence un rôle plus grand que vous ne lui donnez, que par rapport à vous il va plus loin, même trop loin; et pourtant je serais curieux de savoir le sens exact des termes "prudence" et raisonnable" dans une philosophie nominaliste, une philosophie qui affirme ne pas connaître l'être de quoi que ce soit.
Je pense que le réalisme thomiste est toujours plus moderne que les théories en vogue aujourd'hui; car le matérialisme a bel et bien, dans l'Histoire de la philosophie, précédé les synthèses platonicienne et aristotélicienne; les matérialismes modernes ne font que reprendre les vieux arguments périmés d'Héraclite, de Démocrite et des Sophistes sans tenter de comprendre, ce qui est difficile pour nos esprits cartésiens j'en conviens, la complexe et lumineuse synthèse aristotélico-thomiste.

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Ecrit le 20 oct.06, 01:28

Message par Florent51 »

LumendeLumine a écrit :Bonjour Florent,

merci de me faire remarquer ce que j'ai oublié dans votre texte. Je me défends bien de toute négligence mais ma dernière réponse m'a demandé deux heures et j'ai dû sauter des passages sans m'en rendre compte. Néanmoins je remarque en lisant ce que vous me soumettez que j'y ai en fait souvent répondu sans citer tous les textes qui s'y rapportent, puisque vous reprenez souvent les mêmes idées.
Je ne sais pas pourquoi vous ajoutez "au même endroit" à la définition du principe d'identité; à mon avis c'est à cause de votre notion toute empirique de l' "être". Il est vrai que l'on dit "en même temps", ce qui fait référence au temps; néanmoins "au même endroit" fait référence à un objet physique dans l'espace et prive le principe d'identité de sa valeur logique. En effet blanc ne peut être noir en même temps et sous le même rapport; mais au même endroit, qu'est-ce que cela signifie dans le cas d'une couleur? La couleur en tant que telle n'est pas dans un lieu particulier. En tant qu'elle est dans des objets concrets, elle est en plusieurs lieux particuliers en même temps, et il faut donc en faire abstraction. En ajoutant "au même endroit" au principe d'identité, il me semble que la logique et les mathématiques s'en trouvent fondamentalement lésées; à tel point que je me demande comment elles sont encore possibles. Quant à la métaphysique, n'en parlons pas.

Vous passez à côté, il me semble, de l'origine même de ce principe; il découle de la notion d'être. L'être, par définition, est opposé au non-être; c'est la première chose que nous constatons dans les choses; que le fait qu'elles soient est radicalement opposé à celui qu'elles ne soient pas; il y a là quelque chose de suprêmement évident et qui constitue immédiatement, d'emblée, la première loi de la pensée: ce qui est, est; ce qui n'est pas, n'est pas; impossible qu'une chose soit et ne soit pas en même temps et sous le même rapport.

Cela rejoint ce que j'ai dit dans mon dernier message:
Mon cher Lumen,

Je suis perplexe... Je vous avais demandé de commenter certains passages de mon message que vous aviez laissé de côté et vous l'avez fait de bonne grâce ce dont je vous remercie.
Cependant je suis très étonné de constater que le passage de moi que vous citez n'est pas cité correctement. Vous avez visiblement pris soin de remettre en format normal ce que j'avais bien pris soin de mettre en gras afin de diriger votre attention vers ce passage à commenter. Or c'est justement, après manipulation de mon texte, celui que vous ne commentez pas...
Que dois-je en conclure? Comment aurait-il fallu que je signale ce qu'il m'intéressait de voir commenté de votre part?

Votre long commentaire sur "au même endroit" n'a guère d'intérêt, portant sur un détail, et si vous voulez je vous le concède volontiers. C'est effectivement ce que vous aviez en partie déjà traité et vous avez beau jeu de le rappeler...

Dois-je en conclure (acte manqué ou volontaire) que vous reconnaissez ici implicitement la justesse de mon analyse concernant la vacuité de la notion de "non-être" prise sous sa forme substantivée? Préférant ne pas vous demander une nouvelle fois de commenter ce passage je m'accorde le droit de le supposer..
LumendeLumine a écrit : Les grands chevaux métaphysiques sont importants parce qu'ils nous permettent de comprendre que le changement n'est pas un plus mais un moins, pris absolument; pris relativement, pour ce qui est limité, le changement peut le rendre plus grand, d'où la valorisation que nous faisons du changement; mais pris absolument, le changement accuse une déficience dans l'être: et ceci est plus exact et encore bien plus connu que le mot d'Héraclite qui absolutise le devenir: "on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve". En effet d'une certaine manière il a raison, et d'une certaine manière il a tort, puisque il est évident que le fleuve actuel n'est pas radicalement différent du fleuve d'hier; il est en quelque sorte autre et en quelque sorte le même. L'être qui change est un être composé, qui sous un aspect demeure le même (puissance) et sous l'autre change (l'acte).
Pris absolument donc, le changement accuse la limite de tout composé d'acte et de puissance; pris relativement, il permet d'atteindre sa perfection; mais si cette perfection est atteinte, à quoi sert le changement? Le changement n'est bon que dans un monde déficient, mais pas dans un monde parfait; et de fait, tout bon changement est un changement qui tend vers le plus parfait; mais le plus parfait atteint, le changement ne peut être que mauvais.
Ce n'est donc pas un moins par rapport au monde actuel que le monde à venir soit sans devenir, mais un plus.

Ceci dit, je comprends bien le sens de votre objection: le monde tel que nous le connaissons est changeant, le devenir est partie intégrante de ce qu'il est. Mais vous ne pouvez pas conclure par là qu'un nouvel ordre où il n'y aurait plus de devenir soit opposé à l'actuel; pour cela il faudrait non seulement que le monde que nous connaissons recèle un certain devenir, mais qu'il soit essentiellement devenir; c'est la thèse d'Héraclite, plus proche de nous c'est celle de Bergson. Je suis obligé de réfuter la thèse d'un point de vue métaphysique, parce que l'opposition que vous faites ressortir ne peut être vraie que de ce point de vue et en se basant sur elle. Dans la philosophie classique, comme je viens de l'expliquer, il n'y a rien d'opposé, rien d'essentiellement opposé du moins, entre un monde composé d'acte et de puissance où il y a du devenir, et un monde composé d'acte et de puissance où il n'y a pas de devenir. Il y a au contraire plus, et plus n'est pas opposé.
La question n'est pas là. Vos analyses sur le "plus" et le "moins" qu'il y aurait dans l'absence de changement et dans le changement n'est pas le problème (même si évidemment je conteste au passage toute cette métaphysique qui n'a comme fondement que le refus du changement permanent et donc de la réalité telle qu'elle nous la connaissons).

Mon argumentation ne reposait pas une seconde (je vous défie de trouver cela dans ce que j'ai dit) sur l'idée que le monde que nous connaissons est "essentiellement devenir" ni qu'un autre ordre des choses serait impossible.

Ce que je faisais c'était réfuter le sophisme que vous produisiez : "par nature l'ordre actuel des choses est essentiellement apte à changer". Ce sophisme reposait sur votre démonstration selon laquelle le fait que les choses changent en permanence devait nous inviter à penser le changement que vous annonciez (voir discussion précédente sur ce point).

On peut noter ici que c'est vous qui invoquez une référence à l'essence du monde, ce qui n'est pas mon cas.
Ma réfutation n'a nullement besoin d'invoquer une essence du monde contraire à ce que vous dîtes et où le monde serait "essentiellement devenir". Elle a juste besoin de montrer la confusion que vous faîtes entre 1) le fait que les choses changent en permanence et 2) le fait que l'ordre des choses change en permanence.

Ceci est la clé de compréhension de votre sophisme que je démontais : l'"ordre actuel" des choses tel que nous le connaissons (et que nous avons toujours connu) est le changement permanent (que ce changement soit essentiel ou contingent). L'observation de ce changement permanent ne peut pas nous conduire à penser que ce changement mènera vers un état du monde où celui-ci ne changera plus, sauf précisément à confondre la capacité de changer en permanence des choses avec la capacité de changer en permanence de l'ordre des choses (ce dont nous ne savons rien). Donc votre phrase "par nature l'ordre actuel des choses est essentiellement apte à changer" ne peut pas être tirée de l'observation du réel et ne peut se comprendre que eu égard à la confusion que vous entretenez et que je dénonçais entre le changement dans les choses et le changement dans l'ordre des choses.

Ce qui ne veut pas dire (et bien sûr votre supposition de ce que je pouvais penser concernant "l'essence du devenir" était à ce sujet non seulement erronée mais logiquement inepte comme je vais vous le montrer dans mon commentaire suivant) que l'ordre des choses ne puisse pas changer, comme vous l'affirmez : mais ce n'est qu'une pure hypothèse et nullement ce que l'on peut tirer de l'observation de l'ordre des choses (qui par son changement permanent au contraire nous rend plutôt difficile l'imagination - mais cela reste une possibilité - d'un changement radical - et que l'on peut bien dire "opposé", où ce qui changeait en permanence ne changera plus jamais).

Je crois mon cher Lumen que sur ce point au moins le débat est clair.
LumendeLumine a écrit : Je serais prêt à vous l'accorder mais je crains que vous ne l'entendiez pas comme je l'entends. Votre expression "changer en permanence", parce que vous soulignez cette permanence, a des relents de théorie du devenir absolu comme Héraclite, et je pense bien que ce que vous voulez dire c'est que comme toute chose est essentiellement devenir dans ce monde, un monde sans devenir serait essentiellement opposé. Or que toute chose est essentiellement devenir est sans consistance comme je l'ai expliqué dans mon dernier message; pour qu'il y ait du changement il faut de l'être, et donc on n'évite pas la distinction, absolument nécessaire, entre puissance et acte. Par là on ne peut plus dire que le monde est essentiellement devenir et votre opposition s'évanouit.
Je vous l'accorderais en ce sens que le type de changement que l'on observe est toujours sans proportion avec le changement radical du type fin du monde, et qu'à première vue il paraît improbable de supposer la vraisemblance d'un tel évènement. Et pourtant d'un point de vue métaphysique, une fois la distinction faite entre acte et puissance, on voit assez rapidement qu'il doit exister un Acte Pur d'où dépend tout composé tel le monde que nous connaissons; et la possibilité revient au galop.
C'est ici mon cher Lumen qu'il va falloir vous mettre d'accord avec vous-mêmes concernant la logique avec laquelle vous pensez mes propres affirmations.

Vous ne pouvez pas raisonnablement m'accuser précédemment (ce qui est vrai et que j'affirme) de tenir la proposition que la raison ne connaît que le phénomène et donc pas la nature profonde des choses et m'accuser cette fois-ci de concevoir le monde comme "essentiellement devenir"..

La simple logique aurait dû vous amener à penser que cette supposition me concernant ne pouvait pas être la bonne.

A partir du moment où vous comprenez par la logique que votre objection ne peut pas se tenir votre contestation de ce que je dénonçais comme un sophisme n'a plus de valeur.

Votre phrase "Je vous l'accorderais en ce sens que..." me réconcilie toutefois avec la raison car elle me montre qu'elle est universelle et que chez un être intelligent comme vous l'êtes (je dis ça sans vous flatter, rasurez-vous, vos sophismes sont encore nombreux), si l'on met de côté votre métaphysique "réaliste", ce que je considérerai à bon droit de votre part comme un demi-aveu prouve qu'il y a une force contraignante de la logique.
LumendeLumine a écrit : Tout discours autre que physique, quoi. Or la physique ne parle pas de l'être, et ne nous permet pas de fonder vraiment le sens d'une affirmation telle "l'univers est"; ou "il n'y a rien d'autre que des atomes qui se déplacent localement"; par son approche purement expériementale elle s'interdit d'expliquer; elle se borne de plus en plus à décrire, à mathématiser. La physique n'emploie pas un mot comme "nature" ou "existence"; par quoi les définirait-elle? Elle les suppose, elle les enrichit par ses expériences; elle ne les fonde pas.
Puisque quoi qu'on dise, on ne peut pas faire disparaître la métaphysique; si on veut l'éliminer, alors en fait on la remplace par la physique; ce qui donne presque invariablement un matérialisme sinon de jure, au moins de fait, une théorie du type mécaniciste dont Démocrite est le premier représentant.
Dans l'ensemble c'est assez vrai. En un sens la métaphysique est inexpugnable : on en fait toujours un minimum, ne serait-ce qu'en entrant dans des considérations pour en limiter la portée.
LumendeLumine a écrit : Pour ce qui est des commentaires que vous faites sur notre discussion; je sens bien que vous souhaitez ne pas la prolonger encore indûment; moi aussi d'ailleurs. Vous faites des commentaires généraux sur ma position philosophique, manque de prudence etc., je les connais mais je considère que c'est la seule position capable de ne pas condamner unilatéralement tout un pan de la connaissance; soit sensible, soit intellectuelle; c'est la position de synthèse, l'achèvement de la pensée grecque et le fondement de la pensée occidentale, qui depuis Descartes s'enlise dans des schèmes contradictoires où les subtils distinguo de l'École n'ont plus leur place. Vous avez beau jeu de dire qu'il donne à l'intelligence un rôle plus grand que vous ne lui donnez, que par rapport à vous il va plus loin, même trop loin; et pourtant je serais curieux de savoir le sens exact des termes "prudence" et raisonnable" dans une philosophie nominaliste, une philosophie qui affirme ne pas connaître l'être de quoi que ce soit.
Je pense que le réalisme thomiste est toujours plus moderne que les théories en vogue aujourd'hui; car le matérialisme a bel et bien, dans l'Histoire de la philosophie, précédé les synthèses platonicienne et aristotélicienne; les matérialismes modernes ne font que reprendre les vieux arguments périmés d'Héraclite, de Démocrite et des Sophistes sans tenter de comprendre, ce qui est difficile pour nos esprits cartésiens j'en conviens, la complexe et lumineuse synthèse aristotélico-thomiste.
Votre commentaire nous montre clairement que derrière la discussion que nous menons il y a bien autre chose que des "arguments" comme cela pourrait être le cas dans une discussion simplement technique.

Chacun de nos arguments est relié à une vision globale du monde. D'où la manière dont nous bétonnons et défendons bec et ongle chacune de nos affirmations car "perdre" sur l'une ou donner l'impression de "perdre" sur l'une c'est semble-t-il risquer d'emporter la validité globale de notre position, qui se targue précisément de reposer sur la logique et la juste et claire vision des choses.

Peut-être (mais c'est ce que je ne crois pas profondément) nos deux visions sont-elles irréfutables l'une par l'autre. En ce sens on pourrait penser (toutes proportions gardées) à ce que dit Nietzsche concernant Pascal : il n'y a aucun doute pour Nietzsche que Pascal est intelligent. Mais ce que ne voit pas Pascal c'est selon Nietzsche que sa vision des choses n'est pas plus vraie ou plus juste qu'une autre mais qu'elle repose en dernier recours sur son propre tempérament, sur son "idiosyncrasie". Et c'est peut-être aussi ce que ne voit pas Nietzsche concernant sa propre vision des choses...

Il y aurait ainsi des visions du monde logicisables à loisir mais reposant en dernière instance sur le tempérament, l'inclination profonde des natures de chacun. Et en ce sens aucune vision du monde ne pourrait réellement réfuter l'autre, les arguments ne portant pas puisque ne constituant que la couche externe d'un phénomène plus profond engageant toute la personne et son rapport global au monde.

C'est une hypothèse. Mais vous avez compris que même si elle me séduit par certains aspects je ne pense pas vraiment cela.. La logique est quand même (et je ne crois pas que ce soit juste une illusion de mon tempérament) me semble-t-il univoque, pour peu que l'on se guide le plus possible sur elle et qu'on ne déroge pas à ce qu'elle nous permet d'affirmer avec certitude (ou avec un degré assez élevé de certitude) sur le monde.

Je n'oublie pas votre message précédent mais je crains beaucoup qu'il ne répète ce que nous avons déjà dit de multiples manières. Je m'y attèle dès que j'en ai le temps, ce qui ne vous empêche pas bien sûr de répondre à celui-ci si cela vous dit.

Florent51

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Ecrit le 22 oct.06, 00:57

Message par Florent51 »

LumendeLumine a écrit :Après avoir tenté de produire une réponse, je suis allé dénicher l'article de la Somme à ce sujet, et il est cent fois meilleur que ce que j'avais trouvé, bien entendu. Donc je vous le donne ici tel quel et c'est la meilleure réponse que je connaisse à votre question.

ARTICLE 2: Dans le Verbe, l'âme du Christ a-t-elle connu toutes choses?

Objections: 1. On lit en S. Marc (13, 32) " Personne, ni les anges dans le ciel, ni le Fils ne connaît ce jour, si ce n'est le Père. " L'âme du Christ ne connaît donc pas toutes choses dans le Verbe.

(...)

En sens contraire, quand l'Apocalypse (5,12) dit: " L'Agneau immolé est digne de recevoir divinité et sagesse ", la Glose interprète ce dernier mot comme signifiant la connaissance de toutes choses.

Réponse: Quand on se demande si le Christ a connu toutes choses dans le Verbe, on peut l'entendre au sens propre de tout ce qui est, a été ou sera fait, dit ou pensé par qui que ce soit, en n'importe quel temps. En ce sens, l'âme du Christ connaît toutes choses dans le Verbe. L'intelligence créée, en effet, si elle ne connaît pas absolument tout dans le Verbe, saisit cependant d'autant plus de choses qu'elle connaît le Verbe plus parfaitement. Et chaque intelligence bienheureuse connaît dans le Verbe tout ce qui a rapport à elle-même. Or, toutes choses ont rapport d'une certaine manière au Christ et à sa dignité, car toutes choses lui sont soumises. Il est " le juge universel constitué par Dieu, parce qu'il est Fils de l'homme ", dit S. Jean (5,27). C'est pourquoi l'âme du Christ connaît dans le Verbe toutes les réalités, à quelque moment qu'elles existent, et même les pensées des hommes, dont il est le juge. Aussi cette parole de S. Jean (2, 25): " Il savait ce qu'il y avait dans l'homme ". peut s'entendre non seulement de sa science divine, mais aussi de cette science que son âme possédait dans la vision du Verbe.
Par ailleurs, on peut prendre " toutes choses " en un sens plus large, englobant non seulement tout ce qui existe en acte, à n'importe quelle époque, mais même tout ce qui est en puissance et ne sera jamais amené à l'acte. De telles choses n'ont d'existence que dans la puissance divine. En ce sens, l'âme du Christ ne connaît pas toutes choses dans le Verbe. Il lui faudrait en effet comprendre tout ce que Dieu peut faire, en d'autres termes comprendre la puissance divine et par suite l'essence divine elle-même. La puissance d'un être se détermine en effet par la connaissance de tout ce qu'il peut faire.
Pourtant s'il s'agit de tout ce qui est non pas seulement dans la puissance divine, mais aussi dans la puissance de la créature, l'âme du Christ connaît toutes choses dans le Verbe. Car elle comprend en lui l'essence de toute créature, et par conséquent la puissance, la vertu et tout ce qui est au pouvoir de la créature.

Solutions: 1. Arius et Eunomius ont appliqué ce texte non pas à la science de l'âme du Christ, dont ils n'admettaient pas l'exigence mais à la connaissance divine du Fils, prétendant qu'il était sous ce rapport inférieur au Père. Cette doctrine est inadmissible, car " par le Verbe toutes choses ont été faites ", dit S. Jean (1, 3), et parmi elles également tous les temps. Or, rien n'a été fait par le Verbe qui fût ignoré de lui.
On doit donc dire que, dans ce cas, ignorer le jour et l'heure du jugement signifie ne pas le faire connaître. Interrogé en effet à ce sujet par ses Apôtres, le Christ n'a rien voulu leur révéler. C'est ainsi qu'en sens contraire nous lisons dans la Genèse (22, 12): " Maintenant j'ai connu que tu crains Dieu ", ce qui signifie: j'ai fait connaître que tu crains Dieu. On dit que le Père connaît le jour du jugement, parce qu'il communique cette connaissance au Fils. Dès lors cette expression: " si ce n'est le Père ", signifie précisément que le Fils connaît le jour du jugement, non seulement selon sa nature divine, mais même selon sa nature humaine. Comme le montre en effet S. Jean Chrysostome," s'il a été donné au Christ homme de savoir de quelle manière il devait juger, à plus forte raison devait-il connaître l'époque du jugement, qui est une chose moins importante ".
Origène il est vrai, entend ce texte du corps du Christ, qui est l’Église et qui ignore cette époque. D'autres enfin disent qu'il faut l'entendre du fils adoptif de Dieu et non de son Fils par nature.
La phrase que j'ai souligné me paraît difficile à admettre. Tel quel le texte ne laisse pas du tout entendre ça. Quand on lit honnêtement la phrase de Jésus il est quasiment impossible de lui prêter ce sens.
On peut bien sûr prendre l'hypothèse divine concernant Jésus (celle de la religion catholique) et par des contorsions assez invraisemblables (comme celle que vous venez de citer) on peut essayer de retomber sur ses pieds. Cette analyse du texte serait évidemment inadmissible s'agissant d'un autre texte de l'antiquité puisqu'on faire dire à l'expression "si ce n'est le Père" exactement le contraire de ce qu'elle dit littéralement.

Ou bien on peut prendre l'hypothèse humaine s'agissant de Jésus et se dire que sa phrase ne correspond pas vraiment à la doctrine catholique, notamment par le fait qu'à aucun moment la question de la connaissance du Saint-Esprit concernant le jour et l'heure n'est abordée. Et sur cette question vous ne m'avez pas donné de réponse.

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