LumendeLumine a écrit :Bonjour Florent,
J’ai envie de vous soumettre ce texte qui vient d’un manuel de philosophie thomiste de l’homme. Il rejoint votre pensée sur l’essentiel je crois (en ce qui a trait au néant), tout en apportant la nuance que je considère importante.
1. – L’être est de soi intelligible.
Dire que l’objet de l’intelligence est l’être, c’est dire équivalemment que l’être est l’objet de l’intelligence, ou qu’il est intelligible dans la mesure où il est, plus ou moins selon son degré d’être. Cela n’entraîne pas que n’importe quel être soit proportionné à n’importe quelle intelligence. Par exemple Dieu, qui est l’être pur, parfait, infini, est souverainement intelligible en soi, mais non pas pour nous, car il transcende notre esprit fini.
Par là, on prend position contre le kantisme qui sépare l’être et le phénomène, borne la connaissance aux phénomènes et déclare la chose en soi inconnaissable. Si l’on voulait présenter la position thomiste en termes kantiens, on pourrait la formuler comme ceci : l’être est noumène, mais le noumène est lui-même phénomène à sa manière car il apparaît, non pas aux sens, certes, mais à l’intelligence.
2. – Le néant est impensable en lui-même.
On peut très bien penser le néant, mais non pas en lui-même, seulement comme négation de l’être : soit un néant déterminé ou particulier, comme négation de tel être, soit le néant absolu, comme négation pure et simple de l’être. C’est ce qu’a bien vu Bergson dans sa critique de l’idée de néant (Evolution créatrice, chap. IV). Mais il s’exprime mal en disant qu’il y plus dans l’idée de néant que dans l’idée d’être (être + négation). L’opération intellectuelle est complexe, mais le résultat est négatif.
Par là, nous prenons position contre toutes les philosophies qui considèrent le néant comme antérieur à l’être dans notre connaissance. L’être n’apparaît que sur fond de néant, dit Sartre; ex nihilo omne ens qua ens fit, dit Heidegger, et il ajoute que l’angoisse révèle l’être dans son ensemble parce qu’elle est le sentiment du néant de toutes choses. Pour Saint Thomas, l’être est intelligible par lui-même, et il constitue le fond, l’étoffe de tout le connaissable. Et c’est par rapport à l’être, donc secondairement, qu’on peut concevoir le néant.
3. – L’intelligence humaine peut, en droit, connaître tout ce qui est.
Si bornée, si imparfaite qu’elle soit, l’intelligence n’en est pas moins une intelligence ayant pour objet l’être. En fait, une infinité de choses lui sont inconnues. En fait et en droit, les formes supérieures de l’être, et très spécialement Dieu, lui sont incompréhensibles. Mais il n’y a rien qui lui soit absolument inaccessible. (…)
Cette assertion est posée contre l’agnosticisme. Il est absurde de supposer quelque être radicalement inconnaissable, un être qui ne puisse absolument pas être connu. Donner pour titre à un ouvrage de 200 ou 300 pages : L’inconnaissable, comme a fait Spencer, est tout à fait ridicule.
Mon cher Lumen,
dans la mesure où vous ne citez à chaque fois qu'une partie de mon message en vous faisant fort d'y sélectionner là où sont les passages intéressants et là où ne se trouve que rabâchage redondant (ce qui donne à mes yeux en réalité souvent le résultat - très flagrant cette fois-ci - que vous ne commentez pas les passages que je juge les plus dignes d'intérêt) je vais vous simplifier la tâche sur ce point de votre intervention en étant le plus lapidaire possible.
Vous citez ce passage d'un manuel de philosophie thomiste, pouvez-vous m'en donner les références?
Pour ce qui est du commentaire, je serais bref : c'est l'expression de votre conviction. Il y a du juste et du moins juste. Dans l'ensemble il s'agit d'une tradition dont la pensée est du strict point de vue la raision imprudente selon moi, affirmant plus que l'observation la plus objective et la plus mesurée possible de la réalité permet de dire.
LumendeLumine a écrit :
L’ordre des choses est apte à changer si la possibilité du changement existe. Or elle existe. Donc…
La preuve expérimentale n’est pas nécessaire. La preuve métaphysique suffit, à savoir la possibilité du changement de l’ordre démontre son aptitude à changer. À l'inverse, si l'on nie que cet ordre soit apte à changer, alors on nie qu'il puisse y avoir changement dans cet ordre. La possibilité du changement suppose une capacité à changer. Mais c'est que vous contestez dans le prochain passage et j'y arrive.
Votre investigation logique concernant la réalité et ce que l'on peut en dire est erronée.
L'observation neutre de la réalité ne nous indique que les choses suivantes :
1 - Il existe un ordre des choses : les choses changent, rien de ce dont nous faisons l'expérience n'est immuable.
2 - Cet ordre des choses est celui que nous connaissons depuis toujours.
3 - Rien ne nous garantit de manière absolue que cet ordre restera toujours ainsi.
4 - Nous pouvons dire alors de manière neutre : il n'existe pas de garantie absolue concernant la perpétuation éternelle à l'identique de l'ordre des choses tel que nous le connaissons depuis toujours (même si l'on peut dire également que le fait que cet ordre des choses soit celui que nous connaissons depuis toujours nous rend plus difficile d'imaginer qu'il change un jour et plus plausible qu'il soit l'essence même des choses, même si on ne peut le garantir). Il n'est donc pas impossible d'imaginer que cet ordre des choses puisse changer même si on ne peut pas non plus affirmer qu'il va changer et donc qu'il est possible qu'il change.
Voilà, et c'est tout. On ne peut aller plus loin.
Peut-on dire, comme vous l'affirmez, qu'il y a possibilité du changement de cet ordre des choses et par le fait aptitude à changer de cet ordre des choses?
Non, c'est une faute de logique.
Tout ce que nous savons objectivement de l'ordre des choses c'est que sa stabilité n'est pas garantie de manière absolue mais cela ne revient pas au même que de dire que de fait cet ordre peut changer. Cela revient à dire : que l'on peut imaginer qu'il puisse changer.. Ce n'est qu'une supposition rationnellement acceptable eu égard à nos connaissances, logiquement non contradictoire.
Mais de l'observation dans la réalité d'un état de choses et en même temps du fait que la garantie absolue de cet état de chose n'existe pas on ne peut pas déduire par là même que cet état de chose peut changer, que cette possibilité existe bel et bien.
Démonstration : si l'on observe quelque chose dans la réalité qui est de fait (un état de chose qui perdure depuis toujours ou très longtemps) sans savoir si c'est de droit on ne peut pas en déduire que si l'on ne sait pas si c'est de droit cela veut forcément dire que le fait est par nature instable, "apte à changer" car il ne s'agit que de notre
ignorance concernant ce qui est de droit.
Ce que l'on peut illustrer avec un cas concret : on observe qu'un individu depuis l'âge où nous l'avons connu jusqu'à aujourd'hui s'est toujours comporté de la même manière (par exemple cet individu termine toujours ses phrases par un adverbe). D'autre part nos investigations nous ont permis d'établir que, à ce que nous sachions, il ne souffre pas d'une maladie psychologique ou de quelque autre affection psychique le poussant à agir ainsi. Il s'agit donc d'un fait jusqu'à présent toujours observé mais dont rien ne nous garantit la stabilité absolue. Pouvons-nous déduire du fait qu'il n'y a pas de garantie concernant cette stabilité que le fait observé est par nature instable et qu'il est possible que cela change? Non : cela nous permet, dans l'état de nos connaissances, d'envisager cette possibilité mais pas de l'affirmer. Par exemple : il se pourrait que l'individu en question se soit fait le serment à l'insu de tous d'agir toujours ainsi (pour des raisons qui lui sont propres), et qu'il soit du genre à toujours respecter ses serments. Il serait donc éronné de notre part d'affirmer que cet ordre
peut changer, à partir de la simple constatation du fait que nous n'avons pas de certitude concernant sa stabilité. La non-garantie de la perennité de l'ordre des choses n'implique pas la possibilité effective, l'aptitude à changer réellement de cet ordre des choses. CQFD.
LumendeLumine a écrit :
Nous ne faisons que laisser libre cours à notre imagination pour ce qui est d’essayer de connaître en quoi l’ordre des choses pourrait changer, mais non pas pour le fait de pouvoir changer. C’est une déduction rationnelle qui précède l’activité ici vaine et arbitraire de l’imagination. Le cerveau humain est effectivement essentiellement apte à se transformer en choucroute garnie; mais peu importe que ce soit en choucroute garnie ou autre chose, nous ne pouvons pas le savoir; mais nous pouvons savoir qu’il doit dépendre d’un autre pour exister et que par conséquent son identité actuelle peut être changée.
Nous ne parlons bien entendu pas d’une faculté, d’une « aptitude » comme vous dites, du cerveau humain ou de l’ordre des choses, comme s’il pouvait se changer lui-même en autre chose; ceci n’a aucun sens évidemment. Mais qu’il dépende d’un autre pour exister, et la possibilité d’un changement radical est réelle.
Ce que je vous accorde, c’est que si nous ne savons pas s’il existe par lui-même ou non, alors nous ne savons pas s’il peut changer ou non.
Ce que vous m'accordez finalement c'est que si l'on adhère pas à votre vision des choses, on ne peut pas accepter votre description concernant la nature essentiellement "apte à changer" de l'ordre des choses.
C'est exactement ce que je dis et que j'essaye de vous faire comprendre depuis le départ : les descriptions que vous donnez ne sont pas neutres, elles supposent l'adhèsion à votre philosophie.
Or, au contraire, comme je vous l'ai montré, ma propre manière de décrire les choses est beaucoup plus neutre car elle ne suppose rien que vous ne pouvez pas accepter, qui n'est pas à un certain degré acceptable dans votre propre philosophie.
LumendeLumine a écrit :
C’est une faute logique pour vous qui tenez une position agnostique de vous prononcer sur l’essence des choses. Or c’est bien ce que j’ai cru voir dans votre argumentation. Je n’ai pas à supposer que vous soyez incapable de faire des fautes de logique vous-même; autrement la discussion est impossible.
Une énième fois : je ne me prononce pas sur l'essence des choses, mais sur ce que l'on peut dire de la manière la plus objective, la plus rigoureuse possible concernant l'ordre des choses.
Et c'est une faute de logique de votre part que d'affirmer que parce que je nie que l'on puisse se prononcer de manière catégorique concernant l'aptitude à changer de l'ordre des choses, cela implique forcément que je pense que l'ordre des choses ne peut pas changer.
Vous confondez : l'essence du réel et ce que l'on peut dire avec certitude concernant l'essence du réel.
LumendeLumine a écrit :Il est vrai que l’expression « l’ordre actuel des choses » néglige le fait que ce soit celui que nous avons toujours connu. Et néanmoins je ne vois pas ce que cela change profondément au sens de l’expression. Votre exemple sur le directeur de journal est bon et je le reprendrais à mon compte : qu’il ait été directeur depuis toujours ou seulement temporairement, l’expression « le directeur actuel » est non moins vraie; rien n’empêche qu’il puisse être éventuellement remplacé; et de dire qu’il a toujours été le directeur n’y change rien. C’est une précision qui est vraie, mais inutile à ce point de vue.
Et en fait, elle introduit une confusion en voulant en dire trop; elle ne cerne plus précisément la contingence de l’ordre actuel. Elle la cerne, mais indirectement; pour la retrouver, il faut passer de « l’ordre des choses tel que nous l’avons toujours connu » à « l’ordre actuel » qui est compris dans l’autre pour finalement retrouver dans le terme « actuel » la contingence de l’ordre.
Si le but de rajouter quelque chose à « l’ordre des choses » n’est pas d’en cerner la contingence, alors il vaut mieux ne rien rajouter. Mais si l’on rajoute quelque chose dans ce but, alors autant faire aussi précisément que possible. Votre expression n’est pas fausse, mais elle en dit trop.
Si l’ordre des choses n’est pas contingent, alors autant dire simplement « l’ordre des choses » et ne rien rajouter. S'il est contingent, alors il suffit de dire « l’ordre actuel des choses » pour l'attester.
Vous avez tort de nouveau sous cet angle.
Vous utilisez à présent l'argument de la contingence de l'ordre des choses (après vous être situé uniquement sur le terrain linguistique de manière fort discutable en affirmant que "actuel" signifiait "en ce moment") pour justifier l'emploi de l'expression "l'ordre actuel des choses".
Cet argument ne peut pas valoir à mes yeux car comme je vous l'ai dit on ne peut affirmer de manière absolument neutre que l'ordre des choses est essentiellement contingent. Donc, premier point, cette insistance sur la contingence fondamentale de l'ordre des choses suppose donc l'adhèsion à votre philosophie.
D'autre part l'expression que je préconise : "l'ordre des choses depuis toujours" n'évacue pas la contingence car elle ne dit pas : "l'ordre des choses par nature" ou "l'ordre des choses depuis toujours et qui existera toujours".
Enfin cette expression que je préconise est effectivement plus juste que la vôtre car en n'évacuant pas totalement la contingence de l'ordre des choses elle a le mérite de mettre en évidence ce que votre expression prend bien soin de gommer (et c'est là qu'est justement la ruse ou le piège de votre définition) : le fait incontestable (même par vous) et pas anodin que cet ordre est l'ordre que nous connaissons depuis toujours dans l'univers. Or, à moins d'adhérer à votre philosophie, voilà la seule chose dont nous soyons certains concernant l'ordre des choses et cette information est importante car, pour le dire en langage aristotélicien, d'une totalité empirique on ne peut pas conclure à la nécessité d'une essence, même si elle invite à la conjecturer.
Bref : votre expression rend facile, anodin, "futilise" l'extraordinaire que représenterait ce changement effectif radical de l'ordre des choses, eu égard à ce que nous en connaissons empiriquement aujourd'hui, et en ce seul sens elle est trompeuse.
LumendeLumine a écrit :Je ne vois pas trop à quoi citer l’intégralité de votre message pourrait servir. Je préfère répondre à toutes vos idées sans toutes les reproduire textuellement que de les reproduire textuellement mais sans y répondre, comme vous et ceux qui citent méthodiquement le texte de l’autre font trop souvent.
Votre argument concernant les travers qu'il peut y avoir à tout citer d'un contradicteur est juste, et c'est quelque chose contre quoi on doit lutter
même quand on cite l'intégralité mais elle ne répond pas au reproche que l'on peut vous faire de vous arroger la capacité de choisir dans le texte de l'autre où sont les idées importantes et où l'inutile. Or, d'une part, c'est précisément cette capacité que je vous conteste lorsque je constate tout ce que vous n'avez pas cité de moi dans mon message précédent et où je voyais pour ma part quelquefois des choses essentielles.
D'où mon soupçon à la longue agaçant que vous évitez ce qui vous dérange dans mon texte.
D'autre part, même si je suis sans doute moi-même blâmable comme vous le signalez, la simple courtoisie (si vous n'avez pas été convaincu par la nécessité de citer le texte in extenso, ce qui aurait été bien utile ici) auraît dû me semble-t-il vous y inviter.
LumendeLumine a écrit :Non. Ajouter quelque chose à « l’ordre des choses » n’a pour but que d’en cerner la contingence si elle est réelle; or le terme « actuel » le rend très bien. Quant à dire cet ordre « apte à changer », ce n’est un mauvais emploi du terme que si on parle de cette aptitude comme d’une faculté à se transformer; or ce n’est pas cela dont on parle, mais de la dépendance de cet ordre par rapport à un autre être. Si l’ordre change ce n’est pas qu’il avait la faculté de se changer, mais que dépendant d’un autre il pouvait être changé par cet autre. « L’aptitude à changer » en autant qu’on l’entend en ce sens est un terme correct.
Nous venons de voir que ces manières de décrire la réalité (ce qu'à un moment vous reconnaissez) supposent l'adhésion à votre philosophie. Elles sont potentiellement sources d'équivoque lorsqu'elle mettent en relief un aspect des choses (la contingence de l'ordre des choses) au détriment, absolument occulté, totalement passé sous silence, de la stabilité jusqu'à présent constatable dans cet ordre des choses.
LumendeLumine a écrit :
Vous voulez dire qu’elles ne dépendent pas d’une révélation surnaturelle ou d’une prise de position a priori? Dans ce cas, je réponds non, je ne le reconnais pas. L’étude rationnelle du monde peut conduire à connaître sa contingence et ainsi justifier l’emploi de ces expressions. Ici la foi chrétienne ne fait que confirmer et préciser la raison.
Ce sont, comme vous l'avez reconnu, des propositions qui supposent l'adhésion à votre philosophie. Or, vous savez, que cette philosophie n'est pas universellement partagée. En ce sens vous ne pouvez pas dire que ce soit une description neutre de la réalité, même si vous pensez par ailleurs que c'est une description plus juste de la réalité.
Pour ce qui me concerne évidemment je n'entends pas seulement qu'elles ne sont pas neutres mais qu'elles sont trompeuses.
Elles sont représentatives à mes yeux de cette illusion que les croyants forgent par eux-mêmes de manière subtile, c'est-à-dire à première vue insensible.
Lorsqu'on décrit en effet la réalité à travers l'expression "l'ordre actuel des choses" on croit la décrire de manière neutre, presque scientifique. Pourtant notre discussion, en entrant dans le détail, nous a montré tout ce qu'elle supposait.
Nous en sommes maintenant, après votre argumentation assez peu convaincante (et dont vous mêmes devez sans doute reconnaître les limites) selon laquelle il faudrait entendre le terme "actuel" par "en ce moment précis" (faisant fi à bon marché du fait que le terme "actuel" renvoit inévitablement, au moins dans la langue française, à l'idée de "temporaire", de "pour un moment") à l'idée de la contingence essentielle des choses.
A partir du moment où cette contingence radicale est mise en avant (alors que la stricte observation du réel comme je vous l'ai dit n'invite qu'à reconnaître que cette stabilité n'est pas garantie de manière absolue) alors l'idée d'un changement radical d'ordre des choses devient beaucoup plus facile à admettre et le fait que ce changement constitue un bouleversement absolu tel que rien dans les connaissances empiriques que nous avons de la réalité ne nous permet actuellement de l'anticiper est totalement occulté.
C'est ici que je trouve les observations de philosophes comme Nietzsche ou Jankélévitch fort justes : les croyants, disent-ils, se "payent de mots". Tout ou presque tout dans la croyance religieuse ordinaire a pour but de gommer la radicalité du passage de l'ordre ordinaire de la réalité à l'ordre extra-ordinaire, de manière à rendre plus plausible et presque insensible, allant de soi, ce changement radical.
Ce n'est qu'en rentrant dans le détail, en dévoilant ce que masque la notion de "corps glorieux" par exemple (qui n'a rien à voir avec ce que l'on appelle ordinairement un corps) que l'on se rend compte que derrière les mots usuels ce sont en fait des réalités très différentes et presque antagonistes qui se dissimulent.
D'où, comme je vous le disais, l'importance dans la tradition philosophique qui est la mienne, accordée à l'étude du langage et à ses usages courants.
Lorsqu'on se penche sur ces usages on découvre ce que vous avez dû découvrir par vous-mêmes puisque vous n'avez pas répondu au défi que je vous lançais (et que vous n'aves pas cité..) dans mon dernier post : il est impossible de trouver dans le langage ordinaire des expressions désignant couramment, sans être exemptes de reproche, par le terme "actuel" quelque chose qui constitue en même temps la seule réalité que l'on connaît depuis toujours dans une situation donnée.
Des expressions comme "l'ordre actuel des relations entre un noyau et ses électrons" ou le "processus actuel de la photosynthèse dans la nature" n'ont aucun sens. Il est donc erroné et source d'équivoque d'employer des expressions bâties sur ce modèle.
Ce qui n'est pas la même chose que de dire : "l'ordre que nous connaissons actuellement et depuis toujours entre un noyau et ses électrons [dans des conditions physiques normales bien entendu] n'a pas de garantie métaphysique absolue concernant sa pérennité et donc on peut supposer raisonnablement qu'il puisse un jour changer." Est-ce que vous percevez, mon cher Lumen, la différence entre nos deux descriptions du réel?