Bouguereau (W.), Putto's Kiss - after 'First Kiss'
On peut lire (chez Luther, par exemple) que la Grâce est un don : que c'est une chose offerte gratuitement. Qui entend grauitement pense immédiatement "sans condition" mais paradoxalement, est prêchée toute une attitude, un ordre, une morale, un type de vie, etc. et on parle d'obtention de la grâce comme sous certaines conditions.
Chez Augustin, ceux qui cassent sous les coups des épreuves sont les méchants et ne connaîtront rien de la Cité de Dieu, c'est-à-dire de la Grâce ; au feu, l'or rutille et la paille fume, etc. Chez Luther, c'est "la justification par la seule foi" et c'est le prix à payer pour une Grâce pourtant gratuite. C'est un paradoxe qui n'a aucun accent kierkegaardien, c'est un paradoxe assez vain. Il dérange.
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Ce que je pense alors de la Grâce est tout autre : si elle est effectivement gratuitement offerte, ou bien elle nous a été offerte, ou bien elle nous est offerte (soit éternellement, soit en chaque instant), ou bien elle nous sera offerte. Tout le travail, notre travail réside dans le fait d'ouvrir les yeux (si elle est déjà là ou si elle est là en chaque instant), de l'accueillir (bras ouverts à l'instar du Christ) de s'y préparer (si elle est à venir).
De ce point de vue, il est assez clair que le démoniaque c'est "se faire esclave", c'est "garder les yeux fermés", c'est y être aveugle : "je suis sourd et aveugle, voici ma perdition". Ce n'est pas Dieu ni moins la Grâce qui divorce du méchant, c'est bien plutôt le contraire. En même temps, il ne peut pas en divorcer, il détourne seulement son regard ou il ferme les yeux.
Il s'agit d'une conception amorale de la Grâce (la Grâce offerte à tout un chacun) : même Satan pourrait être sauvé.
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Comme le dit Monseigneur Perrier, la demande du Pater Panem nostrum quotidianum da nobis hodie [donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien] peut renvoyer à la Manne, à l'Eucharistie, à la Grâce, etc.
Ça rejoint la thèse de la Grâce offerte en chaque instant : la Grâce quotidienne (j'adore me citer moi-même). Encore faut-il participer à ce projet, comme dit l'évêque. Demander, c'est participer, c'est entre autres choses une réalité du Pater[...] Encore faut-il s'ouvrir - ouvrir les bras - pour l'accueillir / pour la cueillir.Moi-même a écrit :[...]si elle est effectivement gratuitement offerte, ou bien elle nous a été offerte, ou bien elle nous est offerte (soit éternellement, soit en chaque instant) etc.