Les mensonges des croyants !
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L’athéisme peut être considéré comme une attitude ou une doctrine qui ne conçoit pas l’existence ou affirme l’inexistence de quelque dieu, divinité ou entité surnaturelle que ce soit. C'est une position philosophique qui peut être formulée ainsi : il n'existe rien dans l'Univers qui ressemble de près ou de loin à ce que les croyants appellent un « dieu », ou « Dieu ».
L’athéisme peut être considéré comme une attitude ou une doctrine qui ne conçoit pas l’existence ou affirme l’inexistence de quelque dieu, divinité ou entité surnaturelle que ce soit. C'est une position philosophique qui peut être formulée ainsi : il n'existe rien dans l'Univers qui ressemble de près ou de loin à ce que les croyants appellent un « dieu », ou « Dieu ».
- Marquis de Sade
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Les mensonges des croyants !
Ecrit le 10 août07, 15:34Nom du sujet ironique,
clin d oeil au sujet de Fred Les 3 mensonges de l'atheisme.
Ce sujet est par ailleurs serieux, contrairement aux arguments de *touss touss*
Ce texte a ete ecrit pas un theologien chretien, Adolphe Gesché.
Des arguments interessants que je pense beaucoup d entre nous auront plaisir a repliquer ou justifier, selon nos croyances.
Bonne lecture !
Pourquoi je crois en Dieu
La question de l’existence de Dieu n’est pas une question banale. Elle nous traverse comme une question, nous le sentons bien, qui va en quelque sorte au-delà d’elle-même jusqu’aux confins de notre être, là où s’esquissent les questions du sens et de la destinée.
Le malheur — ou la chance — est qu’il n’est guère facile d’y répondre. Qui donc à écrit que les preuves de Dieu ont ceci de singuler, de ne convaincre que ceux qui croient (et pour qui elles n’ont point été faites) et de ne pas convaincre ceux qui ne croient pas (et auxquels pourtant elles sont destinées)! Peut-être est-ce parce qu’elles manquent un rendez-vous, celui de rencontrer en l’homme un désir de croire ? Mille autres raisons en pourraient être données. Et qui touchent toutes, je pense, à ce goût et à ce frémissement de vie, que la seule raison ne peut atteindre.
Le plus loyal serait peut-être de considérer que l’incroyance comme la croyance nous traversent tous, et que le mieux serait sans doute de s’adresser à l’incroyant qui sommeille en nous et au croyant qu’à certaines heures l’incroyant rencontre en lui. Les hommes, ici, sont tous de très proches parents.
Pour l’heure, j’aimerais prendre un double parti. Le premier, de considérer que la question n’est peut-être pas tant de vouloir, de premier abord, démontrer l’existence de Dieu, que de chercher à voir si Dieu est crédible. C’était le souhait de l’ancienne apologétique, qui parlait de crédibilité, et je trouve le mot fort bien choisi puisqu’il s’agit de la foi : Dieu est-il « croyable » ? Nous donne-t-il des raisons de croire en lui (un peu comme on parle de « raisons de vivre »)? Répondre à une « apologétique » (le mot est-il bien choisi ? Je ne crois pas, mais en avons-nous d’autres ?) du désir, plutôt qu’à une apologétique du besoin ou de la nécessité.
Mon second parti sera de parler ici à la première personne. Mais qu’on s’entende bien. Je ne vais pas faire une sorte de témoignage personnel, ce n’est pas de mise ici. C’est en théologien que je voudrais dire pourquoi je crois en Dieu. Et un théologien est quelqu’un qui a déjà parcouru, de métier, le long chemin théorique des raisons de l’incroyant comme du croyant. Mais aussi, et non moins vrai, le théologien est inséparable de la personne. Si je suis théologien, si je continue de l’être, c’est parce que je crois, parce que je continue à croire, parce que je continue à penser que cette foi en vaut vraiment la peine. Les deux démarches sont imbriquées.
Enfin, je crois encore ceci. C’est que ce « je » est aussi, pour une part, celui de mes lecteurs. Tous, ou presque tous, nous pouvons noue retrouver dans cet itinéraire ; tous, ou presque tous, nous sommes advenus au monde dans la même civilisation ; nous sommes presque tous enfants de la foi chrétienne et nous sommes tous entourés d’incroyants qui nous posent les mêmes questions. Je crois donc que le « je » qui sera employé ici pourra être celui de chacun, à la fois dans son for intérieur et dans les moments où, invité à rendre compte de son espérance, il pourra faire siennes les objections des autres :
« Moi aussi, tu sais, je me pose ces questions et je suis traversé par les objections que tu me dis, car moi aussi je… ». […]
Je ne prétends pas du tout que chaque raison ait le même poids (il s’agit toujours d’ailleurs, en ces matières, de convergence plus que d’unique raison péremptoire). Il est même tout à fait possible que, pour l’un ou l’autre, telle raison n’en soit absolument pas une.
JE CROIS EN DIEU « PARCE QUE » IL Y A DES INCROYANTS
Il est bien évident que le « parce que » doit être ici mis entre guillemets. En faire autrement, ce serait quitter les chemins de la logique la plus élémentaire, étonner par un mensonge plus d’un croyant et vouloir annexer les incroyants. Ce « parce que » n’en est donc pas tout à fait un, mais il voudrait, d’entrée de jeu, élargir le champ de notre réflexion en donnant à entendre que le voisinage de l’incroyance n’est pas oublié et qu’il détermine, pour une part, dans un dialogue tacite ou exprimé, notre situation concrète. C’est peut-être pour cette raison que, bien qu’elle ne constitue évidemment pas une raison de croire et encore moins une première raison de croire, je pense cependant bon d’en parler dès l’entame.
L’existence, la présence d’athées m’apprend d’abord que des hommes peuvent vivre sans croire en Dieu. Ce n’est pas que je ne puisse désirer que tous les hommes partagent notre foi. Mais il s’agit ici d’un fait de civilisation. L’incroyance est un fait. Quelle est son importance ? Il m’apprend que l’affirmation de Dieu n’est pas contraignante. Et si cette affirmation n’est pas contraignante, c’est que je suis libre.
Or cela me met profondément à l’aise : savoir que ma confession de Dieu est (ou est devenue) un choix, en tout cas un acte de liberté. Et même, pour moi, un acte de liberté qui libère. Le fait seul de l’athéisme, de cette possibilité de l’existence humaine, me fait découvrir, comme sur le vif, que la foi en Dieu — on l’a toujours dit dans la tradition catholique — est un acte de liberté, et que ma foi en Dieu n’est pas, et ne peut être, chose nécessaire, qui s’impose et s’inflige.
Dès lors, je vis ma foi comme un acte de ma liberté, qui a, là, trouvé sens. Je sais qu’on peut vivre et penser autrement. J’apprends donc que, si je puis penser comme je pense, ce n’est pas au terme d’une contrainte universelle.
C’est important. Car je veux bien accepter que beaucoup de choses me soient imposées par contrainte, et même par contrainte rationnelle ou logique. Mais que Dieu le soit, cela, me semble-t-il, il me serait difficile de le supporter. Car là, en tout cas, j’aurais l’impression, plus qu’ailleurs, d’une violence. Je suis heureux d’apprendre qu’il n’en est rien. Je le savais peut-être de science théorique. Mais ici, en une sorte de pratique, j’apprends des incroyants que ma foi est libre, qu’elle n’est pas le résultat d’une nécessité, rationnelle ou autre.
Sans les incroyants, je ne le saurais peut-être pas. Je croirais sans doute, dans mon ghetto que Dieu s’impose. Mais il en irait alors comme d’une proposition parmi d’autres et, me sentant alors comme enchaîné et contraint en pareil domaine, j’aurais déjà perdu peut-être goût et plaisir de croire. Je sais aujourd’hui qu’on peut croire au même titre qu’on peut ne pas croire. Voilà, en un premier sens, pourquoi je crois « parce que » il y a les incroyants. Non pas, encore une fois (cela n’a pas de sens et serait même inquiétant), que je ne puisse désirer que tous les hommes arrivent à la foi en Dieu. Mais je désire pour eux aussi le même prescrit de liberté que pour moi-même.
À cet égard, je ne crois pas l’apologétique en défaut lorsqu’elle veut donner des appuis et des confirmations à ma foi. Je la crois, en revanche, hors propos et hors droit, là où elle serait utilisée dans l’intention de forcer à croire. La foi doit rester le plus grand exercice de ma liberté.
Je trouve une deuxième raison à mettre la démarche des incroyants dans le trajet de ma foi. Elle tient à ceci : que les athées sont parfois bien plus exigeants que nous et ont souvent une plus haute idée de Dieu. Certes, ils ne croient pas que Dieu existe, mais ce n’est pas cela qui les empêche d’en avoir une conception souvent plus élevée que celle de notre nonchalance. Ainsi en est-il, par exemple, de leur objection tirée du problème du mal. Leur attente de Dieu est si exigeante, qu’ils ne tolèrent pas qu’on puisse accepter son existence devant pareil scandale.
Ce n’est pas, certes, que nous n’ayons aussi conscience de cette objection. Mais il n’est pas impossible que nous n’y accordions pas une suffisante attention, en sorte que notre innocentement de Dieu par la thèse de la « permission du mal » paraît trop rapide et plein d’ambiguïtés. Peut-on, diraient en substance les incroyants, éliminer cette dure objection par un simple revers de logique et oser tenir pareil discours devant celui qui souffre. En ce sens-là, ils m’apprennent donc à devenir plus attentif et plus exigeant dans la confession de ma foi.
J’ai d’ailleurs l’impression que si les croyants sont plutôt enclins à insister sur l’existence de Dieu (l’infinité de nos preuves en témoigne), les incroyants sont davantage portés à se poser des questions sur la « nature » de Dieu, sur ce qu’il est. Et certes, la ,théologie négative nous a appris la prudence en la matière. Mais l’Évangile et la Révélation ne nous ont-ils donc rien appris sur ce qu’est Dieu ? Plus d’audace, plus de foi, une idée moins facile de Dieu, voilà ce que l’incroyant m’invite à reprendre sur frais nouveaux.
D’autant plus que je puis parfois demander si ce n’est pas mon idée trop paresseuse sur Dieu, l’impression que je donne d’en esquiver les objections qui, pour une part, les empêche de croire en un Dieu qu’ils souhaiteraient peut-être parfois pouvoir reconnaître. Bref, l’incroyant me demande moins de lui démontrer l’existence de Dieu , que de lui dire, de lui montrer (et de lui prouver par ma pratique) en quel Dieu je crois.Notre Dieu est plus que digne d’être cru, mais ma commune façon d’en parler en donne-t-elle toujours l’impression ? Il ne suffit pas de croire en l’existence de Dieu.
Il est une troisième chose que les incroyants m’apprennent. Leur présence révèle qu’il y a aussi de l’incroyant en moi. Il est vrai, d’une certaine manière, qu’il y a « ceux qui croient et ceux qui ne croient pas ». Mais cette distinction est parfois trop commode. La foi et l’incroyance nous traversent tous. La frontière passe en chacun de nous. N’y a-t-il pas bien des incroyants qui se demandent parfois : « Et si c’était vrai » ? Et n’est-il pas juste de reconnaître qu’il y a des moments difficiles où nous sommes, nous, visités par l’inquiétude ou le soupçon ? Il est d’ailleurs très sain qu’il en soit ainsi et que nous en prenions la mesure. Tout cela prouve que tous les hommes se ressemblent. Et, comme croyant, j’apprends à ne pas être un homme arrogant, sans fissures et fanatique.
[…] Croire n’est pas évident, et il est bon de découvrir en nous-même cette blessure, cette écharde. Chez tout homme il y a doute et foi. Je dirais même très clairement que le doute et la foi (ou la foi et le doute) font honneur à deux dimensions, à deux exigeances qui sont en nous — et qui font peut-être même, à leur manière, honneur à Dieu.
Pour ma part, en tout cas, j’oserais dire que si je n’écoute pas l’incroyant, c’est une part de moi-même que je me refuse à entendre ou que je refoule. Ce qui n’a rien de glorieux. J’apprends donc ici des incroyants qu’il y a des objections que je dois avoir l’honnêteté de regarder en face. Et de m’y mesure, si je veux que ma foi soit vraiment croyante. La fragilité de l’homme n’est pas une honte.
C’est que, ne l’oublions pas, Dieu lui-même, notre Dieu en tout cas, s’offre à nous dans cette fragilité. Il refuse de nous faire violence et de nier notre liberté. La grandeur de Dieu est d’avoir osé créer un être qui puisse lui dire oui ou lui dire non, pourvu que ceci se fasse en pleine loyauté. La question de Dieu, et surtout parce que nous la voyons plus comme une question de foi que d’évidence, est une question que le croyant doit sans cesse travailler, pour qu’elle soit toujours, au plus près qu’il est possible à la hauteur de Dieu. « Vous avez raison, nous dit Pierre, de fixer vos regards sur la Parole, comme sur une lampe qui brille en un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour vienne à poindre et que l’Étoile du matin se lève dans vos cœurs » (2P 1.19).
Mais il demande dans le même temps que nous soyons « toujours prêts à rendre compte de l’espérance » qui nous habite (1P 3.15). La foi est offerte au cœur et à l’intelligence de l’homme que nous sommes. Elle est comme cette vigilante petite veilleuse qui scintille dans nos églises, elle se lève du profond de notre nuit, offerte pour que nous en vivions, offerte comme raison de vivre. C’est à cela aussi que m’incite sans cesse l’incroyant : que, sans désemparer, ma foi reste éveillée, demeure scintillante dans mon cœur et que je n’aie de cesse de la ranimer, et parfois même, paradoxalement, au feu de son incroyance.
JE CROIS EN DIEU « PARCE QUE » JE SUIS NÉ DANS UN MILIEU CHRÉTIEN
Très évidemment. Et je ne vois pas pourquoi je me cacherais la chose à moi-même et aux autres. Je pense même qu’iul en est ainsi pratiquement pour nous tous, ou presque. Si j’étais nord-africain ou asiatique (pour autant que cette hypothèse ait un sens métaphysique, mais on comprend le sens heuristique de cette supposition), je serais sans doute, maintenant, musulman ou bouddhiste. Cela me semble faire presque l’ombre d’aucun doute. Et ce serait, je crois (même si l’aveu en est un peu désagréable à notre soif de rationalité), se leurrer et manquer d’honnêteté que de penser, toujours sauf exception, le contraire. Reconnaître cela ne va évidemment pas sans soulever quelques questions, et qui, dans la présence quotidienne aujourd’hui d’autres croyants venus d’autres continents, ne font que s’accentuer.
Tout semble se passer comme si, sauf cas de conversion, on héritait de la seule foi qu’on a pu rencontrer à sa naissance. Montesquieu déjà notait avec malice : « Un chrétien est ordinairement celui qui sait l’histoire de sa secte (un catholique, un calviniste, un luthérien) […]. C’est comme on est espagnol ou français : on est d’une patrie ; mais on ne sait point préférer le bien de cette patrie au sien ». La raison apparaît presque, ici, comme étant dans le même temps une objection. C’est bien pourquoi d’ailleurs, j’ai à nouveau dû recourir aux guillemets du « parce que ». Car comment se pose encore dans ces conditions la réclamation de vérité qui m’anime par ailleurs ?
Je dois donc reconnaître cette situation, sous peine de la pire mauvaise foi. Mais, l’ayant dite et reconnue, je crois aussi pouvoir dire que j’ai assumé cette foi reçue. C’est dire que j’ai trouvé que cette foi chrétienne avait un sens, qu’elle était digne de foi et qu’elle méritait de demeurer dans mon existence. Pourquoi ? Sans dénier le moins du monde la valeur des autres religions (et je veux être très clair sur ce point), je crois en l’excellence et en la valeur du rameau judéo-chrétien.
Ma raison est celle-ci. S’offrent au fond à l’homme deux grandes possibilités. D’une part, la religion ; mais qui a toujours tendance et risque d’élever Dieu à un tel et exclusif sommet, qu’il n’y a plus de place pour l’homme. Il n’y a que Dieu, et l’homme avec ses besoins concrets risque d’être négligé, voire écrasé. D’autre part, s’offre à l’homme l’humanisme, qui est une affirmation exacerbée de l’homme, de l’homme seul, mais qui, lui, a tendance et risque de dénier à l’homme toute ouverture, tout droit à une transcendance. L’homme est comme enfermé en l’homme.
Or, je ne me retrouve personnellement dans aucune de ces deux positions exclusives, alors que je me retrouverais fort bien en toutes deux. Et c’est ici que le christianisme m’apparaît, à moi, comme la religion qui réussit à être à la fois une affirmation radicale de Dieu et une affirmation radicale de l’homme. Le Christ est totalement donné à Dieu et totalement donné à l’homme.
Totalement religieux, filial et totalement humain, fraternel. Passionné par la cause de Dieu et passionné par la cause de l’homme. Cette double passion, qui apparaît normalement comme si contradictoire (se donner entièrement à Dieu ou se donner entièrement aux hommes, sans partage), le Christ me montrer, et le christianisme me dit, qu’elle n’est pas du tout contradictoire, et même que chacune appelle l’autre et l’épaule. Cela me paraît être une si géniale intuition, que c’est peut-être (avec une autre dont je parlerais plus loin) ma raison fondamentale de croire chrétiennement : voir ainsi réunies ces deux aspirations fondamentales et qui apparaissent si souvent en opposition, comme si l’une ne pouvait se gagner que sur la négation de l’autre.
Car, d’une part, il y a en l’homme un désir de transcendance et de dépassement. L’homme, dit Sartre, est fondamentalement désir d’être Dieu. L’homme est désir d’ouverture, et il peut trouver l’expression de ce désir dans l’affirmation de Dieu. Mais qu’en serait-il si cette confession de Dieu devait l’entraîner à se désintéresser de l’homme, de l’autre, du frère ? Or ici on me dit qu’il n’en est rien, bien au contraire. Et que même, sous forme du double commandement, ces deux aspirations sont inséparables.
D’autre part, il y a en l’homme ce désir de traiter l’autre non comme un moyen mais comme une fin (Kant), et cela aussi il peut le trouver dans le christianisme de l’amour, de la charité et de la justice. Mais qu’en serait-il, s’il devait penser que cette affirmation dût entraîner à négliger ou refuser cet immense besoin d’ouverture et d’altitude qui se trouve aussi inscrit en lui. Et voici qu’on me dit qu’il n’en est rien non plus, que du contraire encore une fois, et que chacun de ces attachements fera sa preuve dans la mesure où l’autre l’aura faite aussi.
Je trouve dans cette position géniale du christianisme (et d’autant plus géniale qu’elle n’est pas, comme dans mon discours ici, en forme de raisonnement, mais le résultat, la résultante d’un comportement, celui d’un homme qui a vécu aisni et a pu vivre ainsi) — je trouve dans cette position singulière du christianisme et de l’Évangile, un signe troublant. Un signe extraordinaire de vérité, en quelque sorte index sui [je n’ai pas trouvé le sens de cette expression latine], alors que l’homme est tellement tenté par les positions manichéennes, exclusives et dualistes (du type blanc ou noir, vrai ou faux, etc.)
En m’exprimant ainsi que je viens de la faire, j’ai dit mes raisons personnelles de croire au Dieu des chrétiens. Il me semble que, ce faisant, j’ai, comme je le disais plus haut, montré comment j’ai réassumé la foi que j’avais reçue et que cette « reprise » vaut autant que conversion.
Au fond, le désir (compréhensible) d’une foi que l’on aurait trouvée tout seul, cela existe, mais ce n’est pas le seul chemin. Sartre disait : « Je ne suis pas ce que j’ai fait de moi ; mais je suis ce que j’ai fait de ce qu’on a fait de moi. » C’est vrai : l’homme n’est pas une liberté absolue (« Je ne suis pas ce que j’ai fait de moi ») et toute une hérédité, culturelle comme biologique, pèse sur lui (à cet égard, je suis « ce qu’on a fait de moi »). Mais l’homme est une liberté en situation (qui en vaut bien une autre), et qui est de reprendre en son propre titre un héritage (« je suis ce que je fais de ce qu’on a fait de moi »).
Il bous faut dire adieu, ici, au mythe absolument mythologique de la « table rase ». Celle-ci n’existe tout simplement pas. Personne ne naît sans bagages (Ricoeur) et il n’y a même pas lieu de s’en désoler (Gadamer). Au contraire même, car comment un petit d’homme pourrait-il s’inventer le terreau où il plantera, l’heure venur, sa propre tige. Ce moment sera bien celui d’un acte éminement personnel. Quand un homme né chrétien réassume la foi reçue, il se réinvente au même titre que le converti s’invente. On parle facilement d’incroyant qui devient croyant. Ne pourrait-on, et au même titre, parler ici de croyant qui devient croyant ?
JE CROIS EN DIEU « PARCE QUE » JE SUIS NÉ DANS UN FOYER CROYANT
Cette raison de croire n’est évidemment pas très éloignée de la précédente. Elle offre cependant des contours suffisamment spécifiques pour en justifier la distinction. Ne fût-ce que celle-ci : que l’on peut très bien être né dans un milieu sociologiquement chrétien, mais sans que ce rapport au christianisme aille au-delà d’une appartenance de fait et tout extérieure. Par ailleurs, cette situation couvre un champ plus large que le précédent, dans la mesure où il s’agit ici de la foi croyante et vivante, explicitement tournée vers Dieu, et qui se distingue, plus encore que la situation précédente, de l’athéisme.
Comme plus haut, il me semble que je dois reconnaître ici un fait, sous peine, icii aussi, de n’être pas véridique, à l’égard des autres comme à l’égard de moi-même. Un fait est là : je suis né dans un foyer croyant et pratiquant. Et si je veux faire le même genre d’extrapolation que précédemment, je dirais que si j’étais né dans une famille athée, il est fort probable, sauf exception, que je serais aujourd’hui athée. Et je serais peut-être aujourd’hui professeur de philosophie dans une université non confessionnelle. J’éprouve le besoin, ici aussi, de commencer par cette sorte d’aveu à l’envers.
Comment comprendre alors la vérité personnelle de ma foi ? Ici aussi, je dirais que je crois avoir assumé, et précisément comme valeur personnelle, cette foi déjà pratiquée, même si, en quelque sorte, à la différence d’un converti, je n’ai pas dû la rattraper en chemin. J’ai assumé cette foi reçue, parce que j’ai découvert qu’il y avait et qu’il y a sens à coire en Dieu Le mot « Dieu », que j’ai comparé en tête de ce livre à l’effigie d’une vielle médaille, presque effacée et illisible, mais que l’on devine avoir eu un jour un sens profond dans l’échange de l’homme avec les autres et dans la propre construction de son être — ce mot, j’y ai trouvé sens aussi.
Je dis que cette question de Dieu a pour moi un sens, parce que le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle n’est pas une question idiote. Parce que je crois qu’elle est même tout le contraire. Que c’est éminement une question qui a du sens, et non une question bruyante formulée quelque part par quelques illuminés. C’est une question grosse de sens, et le mot « Dieu » ne m’apparaît pas comme un mot aberrant, ni son expérience et sa pratique comme choses stupides. Je perçois dans cette question de Dieu une manière de poser, ne fut-ce qu’à propos de l’homme, une question extrêmement pertinente et sensée, fondamentalement intelligente et donatrice de sens. Ne serait-ce que parce qu’elle entraîne l’homme à se penser et à se mesurer par le haut, par une transcendance.
Je conçois parfaitement, je l’ai dit plus haut, qu’on puisse ne pas croire en Dieu. Mais je ne conçois pas que la question ouverte par la foi soit une question posée par des fous et dénuée de sens. Poser la question de Dieu, en effet, c’est s’interroger sur le sens ultime de mon existence. Sur le sens du sens.
Car je suis bien persuadé que la réalité peut avoir un sens sans Dieu (un sens qu’on trouve dans telle chose ou que l’on y met). L’amour, le travail, le service, la beauté n’ont pas besoin d’être validés par Dieu pour avoir un sens. Mais, et c’est la conviction qui m’entraine ici, toujours le sens requerra d’avoir du sens.
Car le sens s’use, nous le savons d’expérience presque quotidienne. Certes, « Dieu est », et il n’est pas fonctionnaire au service du sens. Il n’empêche, si sa présence est vécue comme Altérité, elle se manifeste comme ce surcroit de sens qui sauve et préserve. Tel me paraît être ici un des enjeux de l’interrogation religieuse.
Car poser qu’il y a un Dieu — et surtout si c’est un Dieu vers lequel on s’oriente, qui est devant nous plutôt que derrière nous (toute chose semble alors comme bloquée et « expliquée ») —, poser ce Dieu-là me paraît une position éminement sensée. Si Dieu n’est pas une clôture, une fermeture de sens, mais au contraire une orientation, une ouverture, un appel vers toujours plus haut et plus loin, je n’éprouve, qu’on me permette l’expression, aucun sentiment d’imbécillité à orienter ma vie dans la direction de cette question, — et de la réponse qui me semble scintiller (toujours ma petite lampe du santuaire en mon cœur) — qui me semble scintiller dans la question même. Il est ainsi de certaines questions qui comportent et entraînent déjà par elles-mêmes une réponse. […]
Il est bien vrai que si l’on est né en un milieu croyant, on peut s’inquiéter parfois de l’autonomie de sa foi. On rêve, si je puis dire, d’une naissance culturellement « immaculée » ! Mais c’est oublier, une fois de plus, que nous sommes tous nés quelque part et précédés par telle ou telle conception de l’existence.
Or, en anthropologie, actuellement, loin de considérer cette situation comme un malheur ou une malédiction, on la comprend au contraire comme une chance. Nous sommes, nous dit-on, des êtres de culture, enracinés, devant être enracinés (enraci-nés ?) dans une tradition.
Il s’agit même là des conditions de notre identité et de notre liberté. Cette anthropologie va, sur ce point, à l’inverse d’un rationnalisme qui croirait qu’on doit absolument tout découvrir par soi-même et par sa raison.
L’homme s’est toujours préoccupé de sauvegarder son identité. Mais on découvre aujourd’hui que vivre son identité suppose qu’on vive aussi sa nativité, si j’ose dire. L’homme, être culturel, est un être-né. L’homme est un être qui s’identifie en élaborant une tradition, un donné (un don-né). Le nœud de notre identité se joue de manière beaucoup plus « contingente », découvre-t-on aujourd’hui, que dans une sorte d’universalité pure, mirage du rationalisme.
Qu’il le veuille ou non, l’homme est toujours précédé par des réponses. Il n’a pas lieu de s’en épouvanter ; au contraire, il serait sinon désorienté. Et il lui sera toujours loisible, en temps voulu et après patience, d’orienter sa vie autrement. Oui, le croyant que je suis a été précédé par des réponses. Mais je ne m’inquiète pas. Car cette situation me paraît normale et même inévitable, et d’ailleurs positive, puisque c’est avec elle que j’ai pu commencer à me construire.
Et je dirais bien que ce statut de l’antériorité des réponses est particulièrement vrai dans la question religieuse. Mais la découverte que l’on peut y faire, c’est que justement on peut interroger ces réponses, les éprouver, les questionner. Tel est peut-être le statut même de l’homme. Il interroge des réponses, bien plus qu’il ne répond à des questions. Les questions ne naissent-elles même pas à cause de la présence de réponses (et que l’on peut abandonner si on ne les trouve pas dignes ou adéquates) ? L’homme n’entre pas dans la vie, capable tout aussitôt de se déchiffrer. Il a besoin de clés.
Pour ma part, je crois que la plupart des clés proposées par le christianisme permettent à l’homme que je suis de déchiffrer le sens ultime du sens. Et surtout, quand il s’agit d’une personne, d’en vivre.
JE CROIS EN DIEU PARCE QU’IL Y A JÉSUS-CHRIST
On comprendra ici que le parce que ne soit plus mis entre guillemets. À cette nuance près que se trouvent, bien évidemment, des croyants en Dieu qui ne le sont pas pour raison christologiques.
Il y a deux mille ans, a vécu sur cette terre (et peu importe, pour l’instant, son origine et la manière de s’en expliquer*), un homme humainement digne de foi. Cela me paraît indéniable, et n’est d’ailleurs plus contesté par personne. Ce qu’il a fait et ce qu’il a dit n’est pas, salva reverentia, d’un niais ou d’un illuminé, c’est le moins qu’on puisse dire.
Or cet homme a cru en Dieu. Cela m’impressionne. Cet homme, qui n’apparaît pas comme un laissé-pour-compte, comme un angoissé malade de son angoisse, comme un névrosé ou un agité — cet homme, qui par ailleurs a infiniment bien parlé de l’homme, croyait en Dieu. Et il en a parlé comme d’une chose tout à fait sensée pour lui. Il a assumé toute cette foi de l’Ancien Testament qui croit en Dieu, qu’il appelle d’ailleurs son Père.
Jésus, qui n’apparaît point du tout comme un être inquiet en quête d’une consolation ou d’une compensation pour ses bleus à l’âme, a parlé de Dieu paisiblement : « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. » Il en a parlé. Il y a cru. Qu’un homme pareil, aussi digne de foi humainement ; qui a donné tous les gages d’une existence humaine à la fois paisible sur le plan des combats humains et fraternels ; aussi proche de la terre, de ses joies et de ses peines (il n(a rien, par exemple, d’un Tartuffe indigné quand une pécheresse publique vient lui oindre les pierds à la table de Simon) ; qui a affirmé l’homme avec tant d’absoluité (que l’on songe simplement ici à ces guérisons, qui témoignent de son amour de l’homme) — qu’un homme pareil ait aussi confirmé cette autre dimension de l’homme, la dimension de transcendance, considérant donc que ce n’était pas là absurdité, non-sens ou évasion, voilà pour moi encore une raison de croire, et la plus importante, sans doute, avec celle que j’ai dite plus haut.
Je me dis que ce ne peut pas être pour rien qu’il y a cru. Que pour que quelqu’un comme lui en parle (et cela malgré l’inquisition et la condamnation des grands prêtres, malgré le contre-témoignage des titulaires de l’orthodoxie et des notables) et nous confie qu’il s’agit là d’une bonne nouvelle pour l’homme — je me dis que cela mérite vraiment mieux qu’un haussement d’épaule ; que, pour le moins, cela fait question.
Car il n’est pas banal, le Dieu que Jésus atteste. Il aime les pécheurs et partage leur table, au grand scandale des pharisiens. Il faut s’imaginer combien ce comportement, à cette époque, est scandaleux et très exactement tout le contraire du comportement d’un homme religieux. Il accepte que vienne à la table d’hôte qu’il a trouvée chez Simon une prostituée qui vient lui oindre les pieds de ses larmes et d’un coûteux parfum. […] Il rend à la femme lapidée toute sa dignité de femme — et Dieu sait si elle était enfoncée (ce n’est déjà pas rien d’être condamnée par les autres, mais enfin on s’y « habitue ».
Mais qu’elle se condamne elle-même, dans une culpabilité sans fin et nous savons ce que peut être le mépris et la honte de soi). Jésus (et sans aucune concession démagogique : « Ne pêche plus », lui dit-il), la remet debout, la restitue comme femme et lui rouvre les chemins de la vie (« Va »). N’est-ce pas le plus grand miracle de l’évangile ? Et, encore une fois, rappelons-nous en quelle époque cela s’est passé. D’ailleurs, tâchons de réimaginer cette scène se passant dans n’importe laquelle de nos maisons ou de nos réunions !
On n’en finit pas d’être étonné ou réétonné. Le voilà qui fraie avec une Samaritaine, c’est-à-dire avec une hérétique. Songeons seulement à nos attitudes en ce domaine il n’y a pas si longtemps. Les apôtres d’ailleurs en sont étonnés et perplexes. Ce Jésus encore, il accepte la convivialité d’un publicain et en fait l’éloge malgré la réputation et la vindicte dont lui et ceux de son espèce sont l’objet. Il ne tient pas compte du sabbat, dès lors qu’il s’agit de sauver un homme ou une femme et il admet qu’en un jour comme le sabbat, ses disciples ont le droit de « travailler » (éplucher quelques épis de blé !) s’ils ont faim.
Je croirais bien que la théologie chrétienne a reçu sa première formule de cette phrase de libération et d’intelligence : « Le sabbat est fait pour l’homme et non point l’homme pour le sabbat. » Quel étrange comportement aussi (l’un des plus scandaleux sans doute, tel qu’il dût être perçu en ce milieu), que de ne pas hésiter à s’en prendre au temple, lieu sacré par excellence, et où les prêtres croient savoir où se comptabilisent les vrais croyants. Jésus est aussi celui qui va préférer les pauvres (ceux qui ne réussissent pas), et cela, pour autant, sans ressentiment contre les riches et les puissants, à qui certes, d’aventure, il sait dire ce qu’il veut leur dire. Il accepte aussi, à l’occasion, leur invitation, car sa préférence pour les pauvres n’est pas ostentatoire et ne se veut pas une leçon d’édification et le plaisir d’une bonne conscience.
Ce même Jésus toujours — mais il faut multiplier les exemples, tant la chose est frappante, car elle constitue presque toujours la transgression d’interdits religieux — n’hésite pas , quand on lui demande de leur rendre la vie (la fille de Jaïre, le fils de la veuve de Naim, la délicieuse petite fille du Thalita koumi), à toucher des cadavres, alors que la casuistique ne permettait la transgression de ce tabou qu’aux seuls intimes, chargés des funérailles. On songe aussi à l’émotion et à la tendresse de Jésus pour les malades, et cela sans aucune trace de dolorisme. Jésus aime les ennemis, quitte encore à passer donc pour un traître. Et l’on devrait encore parler de son comportement avec les lépreux, avec la Cananéenne, à sa délicatesse à l’égard de la femme hématique, etc.
Jésus a montré un comportement renversant en ce qui concerne les prescriptions « divines » et sacrées. La réaction de ses contemporains et de ses proches en est la preuve. Mais songeons surtout à nos réactions. Au fond, le Dieu qu’annonce Jésus n’est pas du tout le Dieu que nous attendons, le Dieu de nos fantasmes et de nos enfantillages, ni le Dieu « convenable » de nos dignes philosophies. Et Jésus lui-même n’a pas été à l’abri de cette inquiétude et du combat intérieur qui doit traverser tout homme à se voir désavouer par ceux qui ont le droit et le dépôt de l’orthodoxie.
L’angoisse et l’anxiété (pour la première fois de sa vie peut-être) dans le jardin des Oliviers ; son incroyable et terrible cri sur la Croix où il est tenté de se croire abandonné — comme l’indice d’un tourment de qui se demande finalement qui a raison. Mais c’est bien en cette image que Jésus donnait de Dieu (et pour laquelle, c’est indiscutable, il fut mis à mort par les instances officielles), que Dieu se retrouve. Au terme de toute cette agonie […], le Dieu dont Jésus a témoigné manifeste qu’il est bien le vrai Dieu et donne enfin raison à Jésus contre ses persécuteurs et leurs raisons.
Voilà pourquoi je crois en Dieu « à cause de », ou plutôt : grâce à Jésus-Christ. Contre toutes les évidences, il croit en ce Dieu et jusqu’au bout. Il est homme comme nous tous. Et souvent mieux que nous, car son partage avec les hommes est d’une singulière véracité. Mais cela ne le distrait pas de sa foi en Dieu, et d’une foi qui n’est pas banale. Mais qui a tout pour elle parce qu’elle a tout contre elle.
JE CROIS EN DIEU PARCE QUE CETTE FOI ME CONSTRUIT
Je trouve dans la foi en Dieu une dimension fondamentale et radicale de mon existence. Je sais que la foi peut apparaître à certains comme un comportement étrange et étranger, comme venant du dehors de notre humanité, et donc surimposé, comme venant presque en coup de poing. Pour ma part, je crois cette analyse inexacte, même sur le seul plan de l’anthropologie. À y regarder de près, en effet, je me rends compte qu’il s’agit là d’une dimension tout à fait cohérente avec d’autres comportements humains, et qu’on pourrait même la dire, simplement d’un point de vue phénoménologique, comme immanente à notre humanitas.
Prenons le mot « foi » sans lui donner pour l’instant coloration religieuse. Peut-on vivre sans foi ? Oui sans doute sans foi religieuse, mais sans foi tout court ? On doit dire non, ce me semble. On sait que le mot latin fides, j’en ai souvent parlé ailleurs, est un mot dont la racine a donné, en français, des mots comme : fiancés, fiançailles, confiance, confidence, etc. Et que le mot lui-même est entré dans maintes expressions tout à fait profanes, comme : « par ma foi », « je t’en donne ma foi », « sous la foi du serment », « je te donne ma foi de manriage », etc. On pourrait en dire autant du mot latin credere, qui a donné « croire », « créance », « crédit » et qui lui aussi se retrouve dans plusieurs de nos expressions quotidiennes. C’est dire si ces deux mots passent ainsi dans notre vocabulaire de tous les jours, qu’ils expriment et représentent une dimension toute « naturelle » de notre existence.
À vrai dire, aucun homme ne peut vivre sans foi. Il s’agit là d’un existencial de notre être, c’est-à-dire d’une dimension qui nous est constitutive et sans laquelle il serait difficile de nous comprendre. Il n’y a pas de vie sans foi. Si je ne crois à personne, fûtce de manière minimale, je finirai par devenir fou, et très vite, ainsi occupé sans cesse à vouloir tout vérifier par moi-même (depuis mon petit déjeuner dans lequel effectivement mon hôte pourrait avoir versé quelque poison jusqu’au moment de prendre le soir ma voiture, en me disant qu’un étudiant malveillant a pu en desserrer quelques boulons !).
Je ne puis à tout coup m’assurer de tout par moi-même et tout seul. On sait le drame d’un homme qui vit en perpétuelle méfiance. En réalité, croire est aussi inhérent à l’homme que penser, aimer, travailler, jouer, etc. C’est un comportement qui a autant de titres que les autres, et qui par ailleurs permet ce décentrement de soi-même, indispensable à la vie avec autrui.
La foi en Dieu m’apparaît dès lors, et à en rester à une simple approche phénoménologique, comme étant précisément une attitude digne de l’homme, parce que disant, elle aussi, quelque chose de l’homme et sur l’homme. Croire n’est pas plus absurde qu’aimer, vivre, etc. Je ne vois pas, d’entrée de jeu, pourquoi je ferais un complexe sur ce point. Le croyant n’a pas là à devoir toujours se justifier, comme si l’incroyant était seul, lui, dans une attitude évidemment sensée.
Nous avons vu le comportement de Jésus , homme digne de foi s’il en est, me proposant une attitude qui n’a rien d’une folle aberrance, et me parlant d’un Dieu dont les traits n’ont rien d’un être dans lequel je m’aliène : il renvoie, au contraire, à ma liberté et à la capacité de me défaire de tant de faux dieux qui encombrent et abîment ma vie.
Je dirais même que je vois dans la foi — on lui fait souvent objection de créer son objet pour satisfaire un désir ou une insatisfaction [tout comme Dan le pense]— non pas la création de son « objet » (Dieu) ; mais bien plutôt sa découverte, sa manifestation. La foi m’apparaît comme une attitude qui parle, qui dévoile quelque chose de caché, qui dé-couvre. J’aimerais dire, en renversant la célèbre formule de Freud, que la foi n’est pas une illusion, mais bien plutôt une allusion.
Une allusion à quelque chose de très discret, pas toujours très visible ni sensible, mais que nous percevons à de certains moments comme un écho au profond de nous-même, le dévoilant, nous le révélant. La foi est comme une capacité de découverte, que rien d’autre, en mes capacités, ne parvient à atteindre. La foi est une capacité propre. Et même à parler de désir ou de besoin, je ne vois pas la chose a priori suspecte. Que je sache, le besoin d’aimer ou le désir de comprendre ne frappent pas ces deux comportements d’inanité.
Ce besoin ou ce désir manifestent au contraire une réalité qui ne demande qu’à être investie. En ce sens, je n’hésiterais pas à considérer la foi comme inventive : elle découvre, elle trouve. La foi est révélatrice en l’homme d’une dimension propre.
Libre, j’ai prononcé ce mot, libre à moi de ne pas m’y donner, de ne pas le re-connaître, c’est évident. Mais, pour ma part, j’y vois une dimension si radicale de l’existence humaine, que je me sens là en présence d’une trace en moi qui, pour le moins, signale une présence possible, l’existence d’une réalité qui n’a rien de mythique ou d’aliénant.
Ce Dieu de Jésus-Christ, qui précisément ne ressemble pas à ce que j’attendrais naïvement et puérilement d’un Dieu ; ce Dieu de Jésus-Christ qui n’a rien de quelqu’un qui veuille me flatter dans mes fantasmes et mes préjugés ; ce Dieu pour lequel Jésus non seulement a cru devoir parler, mais a cru devoir accepter la mort quand il n’y avait plus rien d’autre à faire devant ceux qui voulaient précisément d’un autre Dieu, à la mesure de leur confort et de leurs assurances ; ce Dieu de Jésus-Christ, qu’on ne peut, comme Dieu commun, loger dans le dictionnaire ou l’encyclopédie de tous nos bon-sens — je ne crois pas qu’on puisse décoder la foi comme frileuse, ou douteuse création d’une compensation à mes désirs défaits.
Comme une lampe témoin (toujours cette image de la petite lampe fragile du sanctuaire), ce que la foi signale, c’est, pour le moins, l’existence (ou la possibilité d’existence) d’une altérité. La foi est ici comme l’indication ou plutôt comme l’indicatif de l’existence possible d’une altérité radicale, c’est-à-dire de cet autre que nous cherchons toujours en autrui, mais qui s’y use aussi à la longue, pour lui comme pour moi. De cet Autre qui a nom ici : l’Autre, l’Autre de l’homme, l’Autre des hommes, de nous tous. Il n’est pas bon que les hommes soient seuls. La foi éveille en moi un écho. C’est-à-dire un accord, un accord frofond, et peut-être d’autant plus difficile à dire, pour cela même.
Alors, et très clairement, je ne parviens pas à croire que mon être profond se trompe si radicalement qu’il aurait ici inventé purement et simplement son objet. « L’être parle », disait Heidegger. Mon être parle, et c’est même peut-être là l’entrée royale dans la vérité, plus parfois que la simple raison. Et certes, je puis me tromper dans toutes les représentations, contours et dénominations. J’accepte que là je puisse me « gourer » (disons le mot) d’un bout à l’autre, « de toute la longueur de l’infini », comme disait Spinoza. Mais non pas fondamentalement. Ce sont d’ailleurs souvent les caricatures et les sottises des représentations qui ont pu conduire au refus ou à la non-reconnaissance. Mais l’être profond parle, il a son éloquence. La foi a son éloquence, comme d’autres voix en moi, pour me parler de ce qui est.
Ce droit de la foi à exprimer quelque chose de vrai sur l’homme, à lui dire une vérité de lui-même, je le trouve aussi imprenable et indéniable que le droit d’autres dimensions ou existentiaux en nous à nous dire quelque chose sur nous-même. C’est cela le droit de la foi. Et je dirais : sa capacité à dévoiler quelque chose de propre ; un langage de l’être, comme d’autres.
Je vois la foi comme capacité spécifique de révéler quelque chose d’insoupçonné par d’autres voies (comme d’ailleurs la foi est incapable a son tour en d’autres domaines, dans la science par exemple, ce n’est que bonne justice). Je vois la foi comme capable de dire, elle aussi, une vérité. Et pourquoi voudrait-on, en ce domaine, faire jouer une autre juridiction de vérité ? Certes, il ne s’agit pas de tomber dans le fidéisme, et l’usage de la raison est ici également inévitable si l’on veut trouver appui. Le Logos garde des droits et devoirs imprescriptibles.
Mais il y a circulation du Logos, il y a en lui plusieurs logos, et le droit de la foi à en être un me paraît incontestable, pourvu qu’il reste en son domaine et se laisse bien sûr interroger par les autres. La foi nous dit quelque chose que ne disent pas les autres instances humaines ? Mais évidemment ! Et il en est toujours et partout ainsi. Pas plus que la grammaire n’est capable de parler des électrons, pas davantage la science physique n’est à même de nous apprendre sur la foi (souf peut-être à lui poser des question pertinentes).
Il est évident que tout objet propre ne peut être décelé par l’accès à la vérité tel qu’il s’impose en un autre domaine. Pourquoi faudrait-il qu’il en fût autrement de la foi ? Et nos difficultés en ce domaine ne font peut-être que prouver ou signaler qu’il s’agit là précisément de quelque chose de si profond, qu’il est difficile d’en parler au clair. Mais qu’il est possible d’écouter, lorsque, nous penchant à la margelle de notre propre puits, du puits de notre être profond, nous entendons le bruissement d’une présence ou d’une parole à nulle autre semblable. Pourquoi pas ? La foi est-elle incapable d’avoir elle aussi son histoire ?
JE CROIS EN DIEU PARCE QUE DIEU EST CE QU’IL EST
L’homme a souvent cherché Dieu dans le cosmos et les étoiles, et pourquoi pas, car la nature est belle ; mais Dieu ne peut cependant se réduire à être le grand horloger du monde, et cette recherche ne lui donne guère visage proche de nous. On le cherche aussi depuis longtemps dans les syllogismes et les raisonnements, et le procédé n’est pas absurde, mais il est si rarement convaincant. Le chrétien ne cesse de chercher Dieu en interrogeant son Christ en tant qu’homme, et c’est voie royale, nous l’avons d’ailleurs déjà parcourue. En ces temps-ci, nous cherchons surtout le visage d’autrui, et la démarche a sa valeur, mais elle expose à des confusions, et, disons-le franchement, autrui est-il toujours cette image de Dieu si lisible qu’on le dit ?
Mais l’on s’est rarement avisé de chercher Dieu chez Dieu. La chose nous paraît inaccessible, mais l’est-elle vraiment ? Après tout, quand on cherche quelqu’un, c’est lui qu’on interroge et chez lui qu’on va. Et puisque, selon la foi chrétienne, nous sommes le temple de Dieu, écouter notre être profond, n’est-ce pas aussi voie royale ? […] N’avons pas peur de ce qu’il y a en nous, et d’y entendre un souffle peut-être ténu mais cependant, oserais-je dire, palpable.
Sur ce point, je dirais que je suis frappé par le fait que l’Écriture m’apparaît comme un grand livre d’histoires qui nous raconte Dieu. Elle pourrait bien, elle aussi, comme tant d’autres livres d’histoires, commencer par l’incantatoire « Il était une fois ». « Il était une fois, Dieu créa le ciel et la terre… » ; « Il était une fois, un ange descendit du ciel et entra dans une maison d’Israël… », etc.
Je dirais très précisément ici que je crois en Dieu parce que cette histoire qui raconte Dieu vient tisser dans ma propre histoire, lui donner un fil de plus, sans la bousculer, mais au contraire un fil de plus, précisément, pour m’y retrouver en moi-même, pour me construire, pour me renouer.
J’insiste sur ce mot d’histoire. Cela, parce que Dieu depuis longtemps, ne m’arrive plus comme une « substance », comme une chose ; ni même, oserais-je dire, comme Quelqu’un qui serait là, là-bas, immobile et à la limite effrayant, cet espion de toutes mes allées et venues, ce Dieu du regard, comme l’a justement dénoncé Sartre, qui ne faisait d’ailleurs que relayer Job.
Il m’apparaît maintenant, et je reprends le paradigme du chemin d’Emmaüs, comme Quelqu’un, oui, mais qui m’accompagne, ou mieux encore, se faufile (toujours l’image du fil et de la trame) dans mon histoire, accompagnant la marche, le rythme même de ma propre histoire et de mon propre cheminement. Sans troubler mon itinéraire, mais en respectant, comme sur le chemin d’Emmaüs, les méandres mêmes de la route et les courbes de mon cheminement.
Je suppose que je me fais bien comprendre. Un Dieu qui, tel Moloch ou un Baal, serait là, surplombant mon histoire et mon être, je crois que, depuis longtemps déjà, j’aurais pris les chemins de l’incroyance et du refus. Ce Dieu du regard, ce Dieu provoquant, ce Dieu « en une fois » si je puis dire, je pense qu’il me conduirait au rejet. Mais un Dieu d’histoire est tout autre chose. Il est un Dieu qui respecte le temps, qui respecte mon temps. Il n’est pas là en une fois et inexorable, mais (nous sommes toujours sur le chemin d’Emmaüs) il admet de se faire oublier parfois ou même méconnaître un temps.
Loin d’être obsédante présence, il est parfois comme absence, car il épouse les hauts et les bas de mon existence et de ses rythmes. Un Dieu qui n’est pas toujours là, au fond, qui sait prendre quelque congé ! Qui est parfois en vacances, et pourquoi pas après tout.
Après six jours, un Dieu qui éprouve le besoin de prendre quelque repos. Un Dieu historique — et c’est bien là un des traits dominants de notre tradition judéo-chrétienne — est un Dieu qui, comme un ami (« Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis »), sait, si j’ose ainsi parler familièrement, « quand il faut et quand il ne faut pas ».Un Dieu qui sait s’adapter et comprendre.
Je vois dans l’histoire ce caractère plus souple, plus mouvant d’une présence de Dieu moins obsédante [que dire du nom de Dieu qui n’apparaît pas une seule fois dans le livre d’Esther !], plus libre, plus accueillante à ce que je suis. Il y a parfois de ces absences momentanées auxquelles on voudrait rendre grâce, car, paradoxalement, elles s’éprouvent comme le signe d’une présence calme et profonde. J’ai le droit d’être ce que je suis, je ne suis pas brûlé par une incandescence. Je crois cette catégorie d’histoire de toute première importance ici.
En somme, qui dit histoire, dit que tout n’est pas dicté ou décidé d’avance. Les choses vont se faire dans un parcours, dans un trajet (Emmaüs) ; j’aurai toujours le temps de respirer (au bord du puits de la Samaritaine) ; j’aurais même le droit de me tromper (Pierre et ses « manques de foi ») ; j’aurai le droit de lutter et de rester debout devant lui (Jacob luttant toute une nuit au gué du Yabboq, et pour cela même choisi par Dieu) ; j’aurai le droit de discuter, et avec intrépidité (Job) ; de crier même jusqu’au bout ma souffrance ou mon hésitation (Jésus).
J’aurais aussi le droit de me remettre, de me reprendre. Comme j’aurai d’ailleurs aussi le temps et le droit de prendre d’autres accents, ceux de l’amour, du bonheur et de l’allégresse (Marie du Magnificat) ; le bonheur de qui se sent appelé et qui compte bien suivre le Christ, se donner à lui sans partage et agir dans sa vie pour son royaume (« Viens, suis-moi »).
Mais tout cela aussi et toujours dans une histoire. Il me semble que Dieu est ainsi exorcisé de toutes sortes de « maléfices » : il ne m’est plus donné d’un coup, « en coup de poing », en coupp de force. Non, il m’est donné au fur et à mesure que je me construis moi-même. Je ne me suis pas fait, on ne m’a pas fait en une fois.
Je crois alors à Dieu tout autrement dans cette perspective. Je me sens libéré, peronnellement, depuis que j’ai cessé de penser que le premier des problèmes à propos de Dieu était celui de son existence, mais qu’il est d’abord de savoir qui il est et comment il m’accompagne (sans nier, bien sûr, l’importance de ce problème de l’existence de Dieu, mais je crois de plus en plus que la question « l’existence de Dieu » est précédée par celle du « ce qu’est Dieu »). Quand le problème de l’existence de Dieu prend une place trop acharnée, on risque les propositions abruptes et trop rapides. Le problème est bien plutôt celui d’une expérience, d’une méditation et d’un agir.
Et le lieu, celui d’une histoire, qui a son temps et où va prendre forme et naissance un Dieu qui, lui aussi, prends du temps (la création, disons-nous si justement, ne s’est pas faite en un jour, et nous rendons-nous compte que nous disons cela de Dieu même !). Dieu a aussi besoin de temps, et il veut offrir et donner à mon histoire la dimension d’une présence qui se mesure.
Mais, du coup, Dieu n’occupe plus une place démesurée. Ceci, je le crois de toute première importance. Quand on dit que Dieu est Tout, qu’il est l’Absolu, qu’il est Infini**, on a souvent et finalement comme mauvaise conscience à ne pas tout lui accorder. On a vite l’impression qu’une vie où Dieu n’est pas toujours explicitement « premier présent », manque de foi. Mais — et je prends le risque conscient de choquer — pourquoi faudrait-il accorder à Dieu une place démesurée ? C’est la maladie de la religion, cet excès ; escès d’autant plus pathologique qu’il ne se réalise pas, et tout simplement parce qu’il est impossible. Ce n’est pas parce que Dieu est (effectivement) le plus grand, qu’il faudrait toujours songer à lui. Il a sa place, fût-elle la première, mais non toute la place […].
Finalement — parlons encore avec une certaine audace — Dieu n’est pas tout dans la vie ! Ce serait parler contre toutes les belles et bonnes choses qu’il nous a données dans la création. Abraham, Jacob, Job ont certes donné première place à Dieu, mais en quelque sorte « avec des bémols ». […] Dieu ne vient pas prendre toute la place dans ma vie et dans mon histoire. Il vient prendre ou plutôt me proposer et m’offrir sa place, mais non pas toute la place. […]
Ne craignons pas de rester hommes devant Dieu, et tels d’ailleurs qu’il nous a toujours voulus, « en ré majeur », comme disait Beethoven de Goethe. Ne nous gâchons pas, comme si Dieu allait s’en trouver embelli. Je crois que quand on a découvert ainsi la place de Dieu dans la vie — et cela n’est possible que si l’on découvre Dieu comme un Dieu au profil historique (et non point comme un Baal) —, quand on a découvert cela, Dieu devient croyable. Il devient une des réalités de mon existence, la plus grande sans doute, mais une d’entre elles « seulement ». Un réalité qui me propose de donner, avec lui et si je le veux, un de ses sens parmi les autres.
Dieu a créé en nous la chaîne. À nous d’y enfiler la trame.
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*Cela relève d’une démarche ultérieure. Il est évident que je crois à la divinité de Jésus. Mais nous le prenons pour l’instant dans son humanité, comme on est en droit de le faire dans une sorte d’épochè apologétique, loin de tout monophysisme.
**Choses très justes, sans aucun doute, à l’intérieur d’un vocabulaire philosophique bien précis, mais qui résonnent avec des risques évidents quand elles tombent dans le vocabulaire ordinaire.
Source: A. Gesché, Dieu, Paris, Cerf, 1994, troisième volume de la série "Dieu pour penser" (qui en compte sept), pp. 125 à 152.
Si vous avez pas le courage ou pas le temps de tout lire, rien ne vous empeche d analyser morceau par morceau.
clin d oeil au sujet de Fred Les 3 mensonges de l'atheisme.
Ce sujet est par ailleurs serieux, contrairement aux arguments de *touss touss*
Ce texte a ete ecrit pas un theologien chretien, Adolphe Gesché.
Des arguments interessants que je pense beaucoup d entre nous auront plaisir a repliquer ou justifier, selon nos croyances.
Bonne lecture !
Pourquoi je crois en Dieu
La question de l’existence de Dieu n’est pas une question banale. Elle nous traverse comme une question, nous le sentons bien, qui va en quelque sorte au-delà d’elle-même jusqu’aux confins de notre être, là où s’esquissent les questions du sens et de la destinée.
Le malheur — ou la chance — est qu’il n’est guère facile d’y répondre. Qui donc à écrit que les preuves de Dieu ont ceci de singuler, de ne convaincre que ceux qui croient (et pour qui elles n’ont point été faites) et de ne pas convaincre ceux qui ne croient pas (et auxquels pourtant elles sont destinées)! Peut-être est-ce parce qu’elles manquent un rendez-vous, celui de rencontrer en l’homme un désir de croire ? Mille autres raisons en pourraient être données. Et qui touchent toutes, je pense, à ce goût et à ce frémissement de vie, que la seule raison ne peut atteindre.
Le plus loyal serait peut-être de considérer que l’incroyance comme la croyance nous traversent tous, et que le mieux serait sans doute de s’adresser à l’incroyant qui sommeille en nous et au croyant qu’à certaines heures l’incroyant rencontre en lui. Les hommes, ici, sont tous de très proches parents.
Pour l’heure, j’aimerais prendre un double parti. Le premier, de considérer que la question n’est peut-être pas tant de vouloir, de premier abord, démontrer l’existence de Dieu, que de chercher à voir si Dieu est crédible. C’était le souhait de l’ancienne apologétique, qui parlait de crédibilité, et je trouve le mot fort bien choisi puisqu’il s’agit de la foi : Dieu est-il « croyable » ? Nous donne-t-il des raisons de croire en lui (un peu comme on parle de « raisons de vivre »)? Répondre à une « apologétique » (le mot est-il bien choisi ? Je ne crois pas, mais en avons-nous d’autres ?) du désir, plutôt qu’à une apologétique du besoin ou de la nécessité.
Mon second parti sera de parler ici à la première personne. Mais qu’on s’entende bien. Je ne vais pas faire une sorte de témoignage personnel, ce n’est pas de mise ici. C’est en théologien que je voudrais dire pourquoi je crois en Dieu. Et un théologien est quelqu’un qui a déjà parcouru, de métier, le long chemin théorique des raisons de l’incroyant comme du croyant. Mais aussi, et non moins vrai, le théologien est inséparable de la personne. Si je suis théologien, si je continue de l’être, c’est parce que je crois, parce que je continue à croire, parce que je continue à penser que cette foi en vaut vraiment la peine. Les deux démarches sont imbriquées.
Enfin, je crois encore ceci. C’est que ce « je » est aussi, pour une part, celui de mes lecteurs. Tous, ou presque tous, nous pouvons noue retrouver dans cet itinéraire ; tous, ou presque tous, nous sommes advenus au monde dans la même civilisation ; nous sommes presque tous enfants de la foi chrétienne et nous sommes tous entourés d’incroyants qui nous posent les mêmes questions. Je crois donc que le « je » qui sera employé ici pourra être celui de chacun, à la fois dans son for intérieur et dans les moments où, invité à rendre compte de son espérance, il pourra faire siennes les objections des autres :
« Moi aussi, tu sais, je me pose ces questions et je suis traversé par les objections que tu me dis, car moi aussi je… ». […]
Je ne prétends pas du tout que chaque raison ait le même poids (il s’agit toujours d’ailleurs, en ces matières, de convergence plus que d’unique raison péremptoire). Il est même tout à fait possible que, pour l’un ou l’autre, telle raison n’en soit absolument pas une.
JE CROIS EN DIEU « PARCE QUE » IL Y A DES INCROYANTS
Il est bien évident que le « parce que » doit être ici mis entre guillemets. En faire autrement, ce serait quitter les chemins de la logique la plus élémentaire, étonner par un mensonge plus d’un croyant et vouloir annexer les incroyants. Ce « parce que » n’en est donc pas tout à fait un, mais il voudrait, d’entrée de jeu, élargir le champ de notre réflexion en donnant à entendre que le voisinage de l’incroyance n’est pas oublié et qu’il détermine, pour une part, dans un dialogue tacite ou exprimé, notre situation concrète. C’est peut-être pour cette raison que, bien qu’elle ne constitue évidemment pas une raison de croire et encore moins une première raison de croire, je pense cependant bon d’en parler dès l’entame.
L’existence, la présence d’athées m’apprend d’abord que des hommes peuvent vivre sans croire en Dieu. Ce n’est pas que je ne puisse désirer que tous les hommes partagent notre foi. Mais il s’agit ici d’un fait de civilisation. L’incroyance est un fait. Quelle est son importance ? Il m’apprend que l’affirmation de Dieu n’est pas contraignante. Et si cette affirmation n’est pas contraignante, c’est que je suis libre.
Or cela me met profondément à l’aise : savoir que ma confession de Dieu est (ou est devenue) un choix, en tout cas un acte de liberté. Et même, pour moi, un acte de liberté qui libère. Le fait seul de l’athéisme, de cette possibilité de l’existence humaine, me fait découvrir, comme sur le vif, que la foi en Dieu — on l’a toujours dit dans la tradition catholique — est un acte de liberté, et que ma foi en Dieu n’est pas, et ne peut être, chose nécessaire, qui s’impose et s’inflige.
Dès lors, je vis ma foi comme un acte de ma liberté, qui a, là, trouvé sens. Je sais qu’on peut vivre et penser autrement. J’apprends donc que, si je puis penser comme je pense, ce n’est pas au terme d’une contrainte universelle.
C’est important. Car je veux bien accepter que beaucoup de choses me soient imposées par contrainte, et même par contrainte rationnelle ou logique. Mais que Dieu le soit, cela, me semble-t-il, il me serait difficile de le supporter. Car là, en tout cas, j’aurais l’impression, plus qu’ailleurs, d’une violence. Je suis heureux d’apprendre qu’il n’en est rien. Je le savais peut-être de science théorique. Mais ici, en une sorte de pratique, j’apprends des incroyants que ma foi est libre, qu’elle n’est pas le résultat d’une nécessité, rationnelle ou autre.
Sans les incroyants, je ne le saurais peut-être pas. Je croirais sans doute, dans mon ghetto que Dieu s’impose. Mais il en irait alors comme d’une proposition parmi d’autres et, me sentant alors comme enchaîné et contraint en pareil domaine, j’aurais déjà perdu peut-être goût et plaisir de croire. Je sais aujourd’hui qu’on peut croire au même titre qu’on peut ne pas croire. Voilà, en un premier sens, pourquoi je crois « parce que » il y a les incroyants. Non pas, encore une fois (cela n’a pas de sens et serait même inquiétant), que je ne puisse désirer que tous les hommes arrivent à la foi en Dieu. Mais je désire pour eux aussi le même prescrit de liberté que pour moi-même.
À cet égard, je ne crois pas l’apologétique en défaut lorsqu’elle veut donner des appuis et des confirmations à ma foi. Je la crois, en revanche, hors propos et hors droit, là où elle serait utilisée dans l’intention de forcer à croire. La foi doit rester le plus grand exercice de ma liberté.
Je trouve une deuxième raison à mettre la démarche des incroyants dans le trajet de ma foi. Elle tient à ceci : que les athées sont parfois bien plus exigeants que nous et ont souvent une plus haute idée de Dieu. Certes, ils ne croient pas que Dieu existe, mais ce n’est pas cela qui les empêche d’en avoir une conception souvent plus élevée que celle de notre nonchalance. Ainsi en est-il, par exemple, de leur objection tirée du problème du mal. Leur attente de Dieu est si exigeante, qu’ils ne tolèrent pas qu’on puisse accepter son existence devant pareil scandale.
Ce n’est pas, certes, que nous n’ayons aussi conscience de cette objection. Mais il n’est pas impossible que nous n’y accordions pas une suffisante attention, en sorte que notre innocentement de Dieu par la thèse de la « permission du mal » paraît trop rapide et plein d’ambiguïtés. Peut-on, diraient en substance les incroyants, éliminer cette dure objection par un simple revers de logique et oser tenir pareil discours devant celui qui souffre. En ce sens-là, ils m’apprennent donc à devenir plus attentif et plus exigeant dans la confession de ma foi.
J’ai d’ailleurs l’impression que si les croyants sont plutôt enclins à insister sur l’existence de Dieu (l’infinité de nos preuves en témoigne), les incroyants sont davantage portés à se poser des questions sur la « nature » de Dieu, sur ce qu’il est. Et certes, la ,théologie négative nous a appris la prudence en la matière. Mais l’Évangile et la Révélation ne nous ont-ils donc rien appris sur ce qu’est Dieu ? Plus d’audace, plus de foi, une idée moins facile de Dieu, voilà ce que l’incroyant m’invite à reprendre sur frais nouveaux.
D’autant plus que je puis parfois demander si ce n’est pas mon idée trop paresseuse sur Dieu, l’impression que je donne d’en esquiver les objections qui, pour une part, les empêche de croire en un Dieu qu’ils souhaiteraient peut-être parfois pouvoir reconnaître. Bref, l’incroyant me demande moins de lui démontrer l’existence de Dieu , que de lui dire, de lui montrer (et de lui prouver par ma pratique) en quel Dieu je crois.Notre Dieu est plus que digne d’être cru, mais ma commune façon d’en parler en donne-t-elle toujours l’impression ? Il ne suffit pas de croire en l’existence de Dieu.
Il est une troisième chose que les incroyants m’apprennent. Leur présence révèle qu’il y a aussi de l’incroyant en moi. Il est vrai, d’une certaine manière, qu’il y a « ceux qui croient et ceux qui ne croient pas ». Mais cette distinction est parfois trop commode. La foi et l’incroyance nous traversent tous. La frontière passe en chacun de nous. N’y a-t-il pas bien des incroyants qui se demandent parfois : « Et si c’était vrai » ? Et n’est-il pas juste de reconnaître qu’il y a des moments difficiles où nous sommes, nous, visités par l’inquiétude ou le soupçon ? Il est d’ailleurs très sain qu’il en soit ainsi et que nous en prenions la mesure. Tout cela prouve que tous les hommes se ressemblent. Et, comme croyant, j’apprends à ne pas être un homme arrogant, sans fissures et fanatique.
[…] Croire n’est pas évident, et il est bon de découvrir en nous-même cette blessure, cette écharde. Chez tout homme il y a doute et foi. Je dirais même très clairement que le doute et la foi (ou la foi et le doute) font honneur à deux dimensions, à deux exigeances qui sont en nous — et qui font peut-être même, à leur manière, honneur à Dieu.
Pour ma part, en tout cas, j’oserais dire que si je n’écoute pas l’incroyant, c’est une part de moi-même que je me refuse à entendre ou que je refoule. Ce qui n’a rien de glorieux. J’apprends donc ici des incroyants qu’il y a des objections que je dois avoir l’honnêteté de regarder en face. Et de m’y mesure, si je veux que ma foi soit vraiment croyante. La fragilité de l’homme n’est pas une honte.
C’est que, ne l’oublions pas, Dieu lui-même, notre Dieu en tout cas, s’offre à nous dans cette fragilité. Il refuse de nous faire violence et de nier notre liberté. La grandeur de Dieu est d’avoir osé créer un être qui puisse lui dire oui ou lui dire non, pourvu que ceci se fasse en pleine loyauté. La question de Dieu, et surtout parce que nous la voyons plus comme une question de foi que d’évidence, est une question que le croyant doit sans cesse travailler, pour qu’elle soit toujours, au plus près qu’il est possible à la hauteur de Dieu. « Vous avez raison, nous dit Pierre, de fixer vos regards sur la Parole, comme sur une lampe qui brille en un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour vienne à poindre et que l’Étoile du matin se lève dans vos cœurs » (2P 1.19).
Mais il demande dans le même temps que nous soyons « toujours prêts à rendre compte de l’espérance » qui nous habite (1P 3.15). La foi est offerte au cœur et à l’intelligence de l’homme que nous sommes. Elle est comme cette vigilante petite veilleuse qui scintille dans nos églises, elle se lève du profond de notre nuit, offerte pour que nous en vivions, offerte comme raison de vivre. C’est à cela aussi que m’incite sans cesse l’incroyant : que, sans désemparer, ma foi reste éveillée, demeure scintillante dans mon cœur et que je n’aie de cesse de la ranimer, et parfois même, paradoxalement, au feu de son incroyance.
JE CROIS EN DIEU « PARCE QUE » JE SUIS NÉ DANS UN MILIEU CHRÉTIEN
Très évidemment. Et je ne vois pas pourquoi je me cacherais la chose à moi-même et aux autres. Je pense même qu’iul en est ainsi pratiquement pour nous tous, ou presque. Si j’étais nord-africain ou asiatique (pour autant que cette hypothèse ait un sens métaphysique, mais on comprend le sens heuristique de cette supposition), je serais sans doute, maintenant, musulman ou bouddhiste. Cela me semble faire presque l’ombre d’aucun doute. Et ce serait, je crois (même si l’aveu en est un peu désagréable à notre soif de rationalité), se leurrer et manquer d’honnêteté que de penser, toujours sauf exception, le contraire. Reconnaître cela ne va évidemment pas sans soulever quelques questions, et qui, dans la présence quotidienne aujourd’hui d’autres croyants venus d’autres continents, ne font que s’accentuer.
Tout semble se passer comme si, sauf cas de conversion, on héritait de la seule foi qu’on a pu rencontrer à sa naissance. Montesquieu déjà notait avec malice : « Un chrétien est ordinairement celui qui sait l’histoire de sa secte (un catholique, un calviniste, un luthérien) […]. C’est comme on est espagnol ou français : on est d’une patrie ; mais on ne sait point préférer le bien de cette patrie au sien ». La raison apparaît presque, ici, comme étant dans le même temps une objection. C’est bien pourquoi d’ailleurs, j’ai à nouveau dû recourir aux guillemets du « parce que ». Car comment se pose encore dans ces conditions la réclamation de vérité qui m’anime par ailleurs ?
Je dois donc reconnaître cette situation, sous peine de la pire mauvaise foi. Mais, l’ayant dite et reconnue, je crois aussi pouvoir dire que j’ai assumé cette foi reçue. C’est dire que j’ai trouvé que cette foi chrétienne avait un sens, qu’elle était digne de foi et qu’elle méritait de demeurer dans mon existence. Pourquoi ? Sans dénier le moins du monde la valeur des autres religions (et je veux être très clair sur ce point), je crois en l’excellence et en la valeur du rameau judéo-chrétien.
Ma raison est celle-ci. S’offrent au fond à l’homme deux grandes possibilités. D’une part, la religion ; mais qui a toujours tendance et risque d’élever Dieu à un tel et exclusif sommet, qu’il n’y a plus de place pour l’homme. Il n’y a que Dieu, et l’homme avec ses besoins concrets risque d’être négligé, voire écrasé. D’autre part, s’offre à l’homme l’humanisme, qui est une affirmation exacerbée de l’homme, de l’homme seul, mais qui, lui, a tendance et risque de dénier à l’homme toute ouverture, tout droit à une transcendance. L’homme est comme enfermé en l’homme.
Or, je ne me retrouve personnellement dans aucune de ces deux positions exclusives, alors que je me retrouverais fort bien en toutes deux. Et c’est ici que le christianisme m’apparaît, à moi, comme la religion qui réussit à être à la fois une affirmation radicale de Dieu et une affirmation radicale de l’homme. Le Christ est totalement donné à Dieu et totalement donné à l’homme.
Totalement religieux, filial et totalement humain, fraternel. Passionné par la cause de Dieu et passionné par la cause de l’homme. Cette double passion, qui apparaît normalement comme si contradictoire (se donner entièrement à Dieu ou se donner entièrement aux hommes, sans partage), le Christ me montrer, et le christianisme me dit, qu’elle n’est pas du tout contradictoire, et même que chacune appelle l’autre et l’épaule. Cela me paraît être une si géniale intuition, que c’est peut-être (avec une autre dont je parlerais plus loin) ma raison fondamentale de croire chrétiennement : voir ainsi réunies ces deux aspirations fondamentales et qui apparaissent si souvent en opposition, comme si l’une ne pouvait se gagner que sur la négation de l’autre.
Car, d’une part, il y a en l’homme un désir de transcendance et de dépassement. L’homme, dit Sartre, est fondamentalement désir d’être Dieu. L’homme est désir d’ouverture, et il peut trouver l’expression de ce désir dans l’affirmation de Dieu. Mais qu’en serait-il si cette confession de Dieu devait l’entraîner à se désintéresser de l’homme, de l’autre, du frère ? Or ici on me dit qu’il n’en est rien, bien au contraire. Et que même, sous forme du double commandement, ces deux aspirations sont inséparables.
D’autre part, il y a en l’homme ce désir de traiter l’autre non comme un moyen mais comme une fin (Kant), et cela aussi il peut le trouver dans le christianisme de l’amour, de la charité et de la justice. Mais qu’en serait-il, s’il devait penser que cette affirmation dût entraîner à négliger ou refuser cet immense besoin d’ouverture et d’altitude qui se trouve aussi inscrit en lui. Et voici qu’on me dit qu’il n’en est rien non plus, que du contraire encore une fois, et que chacun de ces attachements fera sa preuve dans la mesure où l’autre l’aura faite aussi.
Je trouve dans cette position géniale du christianisme (et d’autant plus géniale qu’elle n’est pas, comme dans mon discours ici, en forme de raisonnement, mais le résultat, la résultante d’un comportement, celui d’un homme qui a vécu aisni et a pu vivre ainsi) — je trouve dans cette position singulière du christianisme et de l’Évangile, un signe troublant. Un signe extraordinaire de vérité, en quelque sorte index sui [je n’ai pas trouvé le sens de cette expression latine], alors que l’homme est tellement tenté par les positions manichéennes, exclusives et dualistes (du type blanc ou noir, vrai ou faux, etc.)
En m’exprimant ainsi que je viens de la faire, j’ai dit mes raisons personnelles de croire au Dieu des chrétiens. Il me semble que, ce faisant, j’ai, comme je le disais plus haut, montré comment j’ai réassumé la foi que j’avais reçue et que cette « reprise » vaut autant que conversion.
Au fond, le désir (compréhensible) d’une foi que l’on aurait trouvée tout seul, cela existe, mais ce n’est pas le seul chemin. Sartre disait : « Je ne suis pas ce que j’ai fait de moi ; mais je suis ce que j’ai fait de ce qu’on a fait de moi. » C’est vrai : l’homme n’est pas une liberté absolue (« Je ne suis pas ce que j’ai fait de moi ») et toute une hérédité, culturelle comme biologique, pèse sur lui (à cet égard, je suis « ce qu’on a fait de moi »). Mais l’homme est une liberté en situation (qui en vaut bien une autre), et qui est de reprendre en son propre titre un héritage (« je suis ce que je fais de ce qu’on a fait de moi »).
Il bous faut dire adieu, ici, au mythe absolument mythologique de la « table rase ». Celle-ci n’existe tout simplement pas. Personne ne naît sans bagages (Ricoeur) et il n’y a même pas lieu de s’en désoler (Gadamer). Au contraire même, car comment un petit d’homme pourrait-il s’inventer le terreau où il plantera, l’heure venur, sa propre tige. Ce moment sera bien celui d’un acte éminement personnel. Quand un homme né chrétien réassume la foi reçue, il se réinvente au même titre que le converti s’invente. On parle facilement d’incroyant qui devient croyant. Ne pourrait-on, et au même titre, parler ici de croyant qui devient croyant ?
JE CROIS EN DIEU « PARCE QUE » JE SUIS NÉ DANS UN FOYER CROYANT
Cette raison de croire n’est évidemment pas très éloignée de la précédente. Elle offre cependant des contours suffisamment spécifiques pour en justifier la distinction. Ne fût-ce que celle-ci : que l’on peut très bien être né dans un milieu sociologiquement chrétien, mais sans que ce rapport au christianisme aille au-delà d’une appartenance de fait et tout extérieure. Par ailleurs, cette situation couvre un champ plus large que le précédent, dans la mesure où il s’agit ici de la foi croyante et vivante, explicitement tournée vers Dieu, et qui se distingue, plus encore que la situation précédente, de l’athéisme.
Comme plus haut, il me semble que je dois reconnaître ici un fait, sous peine, icii aussi, de n’être pas véridique, à l’égard des autres comme à l’égard de moi-même. Un fait est là : je suis né dans un foyer croyant et pratiquant. Et si je veux faire le même genre d’extrapolation que précédemment, je dirais que si j’étais né dans une famille athée, il est fort probable, sauf exception, que je serais aujourd’hui athée. Et je serais peut-être aujourd’hui professeur de philosophie dans une université non confessionnelle. J’éprouve le besoin, ici aussi, de commencer par cette sorte d’aveu à l’envers.
Comment comprendre alors la vérité personnelle de ma foi ? Ici aussi, je dirais que je crois avoir assumé, et précisément comme valeur personnelle, cette foi déjà pratiquée, même si, en quelque sorte, à la différence d’un converti, je n’ai pas dû la rattraper en chemin. J’ai assumé cette foi reçue, parce que j’ai découvert qu’il y avait et qu’il y a sens à coire en Dieu Le mot « Dieu », que j’ai comparé en tête de ce livre à l’effigie d’une vielle médaille, presque effacée et illisible, mais que l’on devine avoir eu un jour un sens profond dans l’échange de l’homme avec les autres et dans la propre construction de son être — ce mot, j’y ai trouvé sens aussi.
Je dis que cette question de Dieu a pour moi un sens, parce que le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle n’est pas une question idiote. Parce que je crois qu’elle est même tout le contraire. Que c’est éminement une question qui a du sens, et non une question bruyante formulée quelque part par quelques illuminés. C’est une question grosse de sens, et le mot « Dieu » ne m’apparaît pas comme un mot aberrant, ni son expérience et sa pratique comme choses stupides. Je perçois dans cette question de Dieu une manière de poser, ne fut-ce qu’à propos de l’homme, une question extrêmement pertinente et sensée, fondamentalement intelligente et donatrice de sens. Ne serait-ce que parce qu’elle entraîne l’homme à se penser et à se mesurer par le haut, par une transcendance.
Je conçois parfaitement, je l’ai dit plus haut, qu’on puisse ne pas croire en Dieu. Mais je ne conçois pas que la question ouverte par la foi soit une question posée par des fous et dénuée de sens. Poser la question de Dieu, en effet, c’est s’interroger sur le sens ultime de mon existence. Sur le sens du sens.
Car je suis bien persuadé que la réalité peut avoir un sens sans Dieu (un sens qu’on trouve dans telle chose ou que l’on y met). L’amour, le travail, le service, la beauté n’ont pas besoin d’être validés par Dieu pour avoir un sens. Mais, et c’est la conviction qui m’entraine ici, toujours le sens requerra d’avoir du sens.
Car le sens s’use, nous le savons d’expérience presque quotidienne. Certes, « Dieu est », et il n’est pas fonctionnaire au service du sens. Il n’empêche, si sa présence est vécue comme Altérité, elle se manifeste comme ce surcroit de sens qui sauve et préserve. Tel me paraît être ici un des enjeux de l’interrogation religieuse.
Car poser qu’il y a un Dieu — et surtout si c’est un Dieu vers lequel on s’oriente, qui est devant nous plutôt que derrière nous (toute chose semble alors comme bloquée et « expliquée ») —, poser ce Dieu-là me paraît une position éminement sensée. Si Dieu n’est pas une clôture, une fermeture de sens, mais au contraire une orientation, une ouverture, un appel vers toujours plus haut et plus loin, je n’éprouve, qu’on me permette l’expression, aucun sentiment d’imbécillité à orienter ma vie dans la direction de cette question, — et de la réponse qui me semble scintiller (toujours ma petite lampe du santuaire en mon cœur) — qui me semble scintiller dans la question même. Il est ainsi de certaines questions qui comportent et entraînent déjà par elles-mêmes une réponse. […]
Il est bien vrai que si l’on est né en un milieu croyant, on peut s’inquiéter parfois de l’autonomie de sa foi. On rêve, si je puis dire, d’une naissance culturellement « immaculée » ! Mais c’est oublier, une fois de plus, que nous sommes tous nés quelque part et précédés par telle ou telle conception de l’existence.
Or, en anthropologie, actuellement, loin de considérer cette situation comme un malheur ou une malédiction, on la comprend au contraire comme une chance. Nous sommes, nous dit-on, des êtres de culture, enracinés, devant être enracinés (enraci-nés ?) dans une tradition.
Il s’agit même là des conditions de notre identité et de notre liberté. Cette anthropologie va, sur ce point, à l’inverse d’un rationnalisme qui croirait qu’on doit absolument tout découvrir par soi-même et par sa raison.
L’homme s’est toujours préoccupé de sauvegarder son identité. Mais on découvre aujourd’hui que vivre son identité suppose qu’on vive aussi sa nativité, si j’ose dire. L’homme, être culturel, est un être-né. L’homme est un être qui s’identifie en élaborant une tradition, un donné (un don-né). Le nœud de notre identité se joue de manière beaucoup plus « contingente », découvre-t-on aujourd’hui, que dans une sorte d’universalité pure, mirage du rationalisme.
Qu’il le veuille ou non, l’homme est toujours précédé par des réponses. Il n’a pas lieu de s’en épouvanter ; au contraire, il serait sinon désorienté. Et il lui sera toujours loisible, en temps voulu et après patience, d’orienter sa vie autrement. Oui, le croyant que je suis a été précédé par des réponses. Mais je ne m’inquiète pas. Car cette situation me paraît normale et même inévitable, et d’ailleurs positive, puisque c’est avec elle que j’ai pu commencer à me construire.
Et je dirais bien que ce statut de l’antériorité des réponses est particulièrement vrai dans la question religieuse. Mais la découverte que l’on peut y faire, c’est que justement on peut interroger ces réponses, les éprouver, les questionner. Tel est peut-être le statut même de l’homme. Il interroge des réponses, bien plus qu’il ne répond à des questions. Les questions ne naissent-elles même pas à cause de la présence de réponses (et que l’on peut abandonner si on ne les trouve pas dignes ou adéquates) ? L’homme n’entre pas dans la vie, capable tout aussitôt de se déchiffrer. Il a besoin de clés.
Pour ma part, je crois que la plupart des clés proposées par le christianisme permettent à l’homme que je suis de déchiffrer le sens ultime du sens. Et surtout, quand il s’agit d’une personne, d’en vivre.
JE CROIS EN DIEU PARCE QU’IL Y A JÉSUS-CHRIST
On comprendra ici que le parce que ne soit plus mis entre guillemets. À cette nuance près que se trouvent, bien évidemment, des croyants en Dieu qui ne le sont pas pour raison christologiques.
Il y a deux mille ans, a vécu sur cette terre (et peu importe, pour l’instant, son origine et la manière de s’en expliquer*), un homme humainement digne de foi. Cela me paraît indéniable, et n’est d’ailleurs plus contesté par personne. Ce qu’il a fait et ce qu’il a dit n’est pas, salva reverentia, d’un niais ou d’un illuminé, c’est le moins qu’on puisse dire.
Or cet homme a cru en Dieu. Cela m’impressionne. Cet homme, qui n’apparaît pas comme un laissé-pour-compte, comme un angoissé malade de son angoisse, comme un névrosé ou un agité — cet homme, qui par ailleurs a infiniment bien parlé de l’homme, croyait en Dieu. Et il en a parlé comme d’une chose tout à fait sensée pour lui. Il a assumé toute cette foi de l’Ancien Testament qui croit en Dieu, qu’il appelle d’ailleurs son Père.
Jésus, qui n’apparaît point du tout comme un être inquiet en quête d’une consolation ou d’une compensation pour ses bleus à l’âme, a parlé de Dieu paisiblement : « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. » Il en a parlé. Il y a cru. Qu’un homme pareil, aussi digne de foi humainement ; qui a donné tous les gages d’une existence humaine à la fois paisible sur le plan des combats humains et fraternels ; aussi proche de la terre, de ses joies et de ses peines (il n(a rien, par exemple, d’un Tartuffe indigné quand une pécheresse publique vient lui oindre les pierds à la table de Simon) ; qui a affirmé l’homme avec tant d’absoluité (que l’on songe simplement ici à ces guérisons, qui témoignent de son amour de l’homme) — qu’un homme pareil ait aussi confirmé cette autre dimension de l’homme, la dimension de transcendance, considérant donc que ce n’était pas là absurdité, non-sens ou évasion, voilà pour moi encore une raison de croire, et la plus importante, sans doute, avec celle que j’ai dite plus haut.
Je me dis que ce ne peut pas être pour rien qu’il y a cru. Que pour que quelqu’un comme lui en parle (et cela malgré l’inquisition et la condamnation des grands prêtres, malgré le contre-témoignage des titulaires de l’orthodoxie et des notables) et nous confie qu’il s’agit là d’une bonne nouvelle pour l’homme — je me dis que cela mérite vraiment mieux qu’un haussement d’épaule ; que, pour le moins, cela fait question.
Car il n’est pas banal, le Dieu que Jésus atteste. Il aime les pécheurs et partage leur table, au grand scandale des pharisiens. Il faut s’imaginer combien ce comportement, à cette époque, est scandaleux et très exactement tout le contraire du comportement d’un homme religieux. Il accepte que vienne à la table d’hôte qu’il a trouvée chez Simon une prostituée qui vient lui oindre les pieds de ses larmes et d’un coûteux parfum. […] Il rend à la femme lapidée toute sa dignité de femme — et Dieu sait si elle était enfoncée (ce n’est déjà pas rien d’être condamnée par les autres, mais enfin on s’y « habitue ».
Mais qu’elle se condamne elle-même, dans une culpabilité sans fin et nous savons ce que peut être le mépris et la honte de soi). Jésus (et sans aucune concession démagogique : « Ne pêche plus », lui dit-il), la remet debout, la restitue comme femme et lui rouvre les chemins de la vie (« Va »). N’est-ce pas le plus grand miracle de l’évangile ? Et, encore une fois, rappelons-nous en quelle époque cela s’est passé. D’ailleurs, tâchons de réimaginer cette scène se passant dans n’importe laquelle de nos maisons ou de nos réunions !
On n’en finit pas d’être étonné ou réétonné. Le voilà qui fraie avec une Samaritaine, c’est-à-dire avec une hérétique. Songeons seulement à nos attitudes en ce domaine il n’y a pas si longtemps. Les apôtres d’ailleurs en sont étonnés et perplexes. Ce Jésus encore, il accepte la convivialité d’un publicain et en fait l’éloge malgré la réputation et la vindicte dont lui et ceux de son espèce sont l’objet. Il ne tient pas compte du sabbat, dès lors qu’il s’agit de sauver un homme ou une femme et il admet qu’en un jour comme le sabbat, ses disciples ont le droit de « travailler » (éplucher quelques épis de blé !) s’ils ont faim.
Je croirais bien que la théologie chrétienne a reçu sa première formule de cette phrase de libération et d’intelligence : « Le sabbat est fait pour l’homme et non point l’homme pour le sabbat. » Quel étrange comportement aussi (l’un des plus scandaleux sans doute, tel qu’il dût être perçu en ce milieu), que de ne pas hésiter à s’en prendre au temple, lieu sacré par excellence, et où les prêtres croient savoir où se comptabilisent les vrais croyants. Jésus est aussi celui qui va préférer les pauvres (ceux qui ne réussissent pas), et cela, pour autant, sans ressentiment contre les riches et les puissants, à qui certes, d’aventure, il sait dire ce qu’il veut leur dire. Il accepte aussi, à l’occasion, leur invitation, car sa préférence pour les pauvres n’est pas ostentatoire et ne se veut pas une leçon d’édification et le plaisir d’une bonne conscience.
Ce même Jésus toujours — mais il faut multiplier les exemples, tant la chose est frappante, car elle constitue presque toujours la transgression d’interdits religieux — n’hésite pas , quand on lui demande de leur rendre la vie (la fille de Jaïre, le fils de la veuve de Naim, la délicieuse petite fille du Thalita koumi), à toucher des cadavres, alors que la casuistique ne permettait la transgression de ce tabou qu’aux seuls intimes, chargés des funérailles. On songe aussi à l’émotion et à la tendresse de Jésus pour les malades, et cela sans aucune trace de dolorisme. Jésus aime les ennemis, quitte encore à passer donc pour un traître. Et l’on devrait encore parler de son comportement avec les lépreux, avec la Cananéenne, à sa délicatesse à l’égard de la femme hématique, etc.
Jésus a montré un comportement renversant en ce qui concerne les prescriptions « divines » et sacrées. La réaction de ses contemporains et de ses proches en est la preuve. Mais songeons surtout à nos réactions. Au fond, le Dieu qu’annonce Jésus n’est pas du tout le Dieu que nous attendons, le Dieu de nos fantasmes et de nos enfantillages, ni le Dieu « convenable » de nos dignes philosophies. Et Jésus lui-même n’a pas été à l’abri de cette inquiétude et du combat intérieur qui doit traverser tout homme à se voir désavouer par ceux qui ont le droit et le dépôt de l’orthodoxie.
L’angoisse et l’anxiété (pour la première fois de sa vie peut-être) dans le jardin des Oliviers ; son incroyable et terrible cri sur la Croix où il est tenté de se croire abandonné — comme l’indice d’un tourment de qui se demande finalement qui a raison. Mais c’est bien en cette image que Jésus donnait de Dieu (et pour laquelle, c’est indiscutable, il fut mis à mort par les instances officielles), que Dieu se retrouve. Au terme de toute cette agonie […], le Dieu dont Jésus a témoigné manifeste qu’il est bien le vrai Dieu et donne enfin raison à Jésus contre ses persécuteurs et leurs raisons.
Voilà pourquoi je crois en Dieu « à cause de », ou plutôt : grâce à Jésus-Christ. Contre toutes les évidences, il croit en ce Dieu et jusqu’au bout. Il est homme comme nous tous. Et souvent mieux que nous, car son partage avec les hommes est d’une singulière véracité. Mais cela ne le distrait pas de sa foi en Dieu, et d’une foi qui n’est pas banale. Mais qui a tout pour elle parce qu’elle a tout contre elle.
JE CROIS EN DIEU PARCE QUE CETTE FOI ME CONSTRUIT
Je trouve dans la foi en Dieu une dimension fondamentale et radicale de mon existence. Je sais que la foi peut apparaître à certains comme un comportement étrange et étranger, comme venant du dehors de notre humanité, et donc surimposé, comme venant presque en coup de poing. Pour ma part, je crois cette analyse inexacte, même sur le seul plan de l’anthropologie. À y regarder de près, en effet, je me rends compte qu’il s’agit là d’une dimension tout à fait cohérente avec d’autres comportements humains, et qu’on pourrait même la dire, simplement d’un point de vue phénoménologique, comme immanente à notre humanitas.
Prenons le mot « foi » sans lui donner pour l’instant coloration religieuse. Peut-on vivre sans foi ? Oui sans doute sans foi religieuse, mais sans foi tout court ? On doit dire non, ce me semble. On sait que le mot latin fides, j’en ai souvent parlé ailleurs, est un mot dont la racine a donné, en français, des mots comme : fiancés, fiançailles, confiance, confidence, etc. Et que le mot lui-même est entré dans maintes expressions tout à fait profanes, comme : « par ma foi », « je t’en donne ma foi », « sous la foi du serment », « je te donne ma foi de manriage », etc. On pourrait en dire autant du mot latin credere, qui a donné « croire », « créance », « crédit » et qui lui aussi se retrouve dans plusieurs de nos expressions quotidiennes. C’est dire si ces deux mots passent ainsi dans notre vocabulaire de tous les jours, qu’ils expriment et représentent une dimension toute « naturelle » de notre existence.
À vrai dire, aucun homme ne peut vivre sans foi. Il s’agit là d’un existencial de notre être, c’est-à-dire d’une dimension qui nous est constitutive et sans laquelle il serait difficile de nous comprendre. Il n’y a pas de vie sans foi. Si je ne crois à personne, fûtce de manière minimale, je finirai par devenir fou, et très vite, ainsi occupé sans cesse à vouloir tout vérifier par moi-même (depuis mon petit déjeuner dans lequel effectivement mon hôte pourrait avoir versé quelque poison jusqu’au moment de prendre le soir ma voiture, en me disant qu’un étudiant malveillant a pu en desserrer quelques boulons !).
Je ne puis à tout coup m’assurer de tout par moi-même et tout seul. On sait le drame d’un homme qui vit en perpétuelle méfiance. En réalité, croire est aussi inhérent à l’homme que penser, aimer, travailler, jouer, etc. C’est un comportement qui a autant de titres que les autres, et qui par ailleurs permet ce décentrement de soi-même, indispensable à la vie avec autrui.
La foi en Dieu m’apparaît dès lors, et à en rester à une simple approche phénoménologique, comme étant précisément une attitude digne de l’homme, parce que disant, elle aussi, quelque chose de l’homme et sur l’homme. Croire n’est pas plus absurde qu’aimer, vivre, etc. Je ne vois pas, d’entrée de jeu, pourquoi je ferais un complexe sur ce point. Le croyant n’a pas là à devoir toujours se justifier, comme si l’incroyant était seul, lui, dans une attitude évidemment sensée.
Nous avons vu le comportement de Jésus , homme digne de foi s’il en est, me proposant une attitude qui n’a rien d’une folle aberrance, et me parlant d’un Dieu dont les traits n’ont rien d’un être dans lequel je m’aliène : il renvoie, au contraire, à ma liberté et à la capacité de me défaire de tant de faux dieux qui encombrent et abîment ma vie.
Je dirais même que je vois dans la foi — on lui fait souvent objection de créer son objet pour satisfaire un désir ou une insatisfaction [tout comme Dan le pense]— non pas la création de son « objet » (Dieu) ; mais bien plutôt sa découverte, sa manifestation. La foi m’apparaît comme une attitude qui parle, qui dévoile quelque chose de caché, qui dé-couvre. J’aimerais dire, en renversant la célèbre formule de Freud, que la foi n’est pas une illusion, mais bien plutôt une allusion.
Une allusion à quelque chose de très discret, pas toujours très visible ni sensible, mais que nous percevons à de certains moments comme un écho au profond de nous-même, le dévoilant, nous le révélant. La foi est comme une capacité de découverte, que rien d’autre, en mes capacités, ne parvient à atteindre. La foi est une capacité propre. Et même à parler de désir ou de besoin, je ne vois pas la chose a priori suspecte. Que je sache, le besoin d’aimer ou le désir de comprendre ne frappent pas ces deux comportements d’inanité.
Ce besoin ou ce désir manifestent au contraire une réalité qui ne demande qu’à être investie. En ce sens, je n’hésiterais pas à considérer la foi comme inventive : elle découvre, elle trouve. La foi est révélatrice en l’homme d’une dimension propre.
Libre, j’ai prononcé ce mot, libre à moi de ne pas m’y donner, de ne pas le re-connaître, c’est évident. Mais, pour ma part, j’y vois une dimension si radicale de l’existence humaine, que je me sens là en présence d’une trace en moi qui, pour le moins, signale une présence possible, l’existence d’une réalité qui n’a rien de mythique ou d’aliénant.
Ce Dieu de Jésus-Christ, qui précisément ne ressemble pas à ce que j’attendrais naïvement et puérilement d’un Dieu ; ce Dieu de Jésus-Christ qui n’a rien de quelqu’un qui veuille me flatter dans mes fantasmes et mes préjugés ; ce Dieu pour lequel Jésus non seulement a cru devoir parler, mais a cru devoir accepter la mort quand il n’y avait plus rien d’autre à faire devant ceux qui voulaient précisément d’un autre Dieu, à la mesure de leur confort et de leurs assurances ; ce Dieu de Jésus-Christ, qu’on ne peut, comme Dieu commun, loger dans le dictionnaire ou l’encyclopédie de tous nos bon-sens — je ne crois pas qu’on puisse décoder la foi comme frileuse, ou douteuse création d’une compensation à mes désirs défaits.
Comme une lampe témoin (toujours cette image de la petite lampe fragile du sanctuaire), ce que la foi signale, c’est, pour le moins, l’existence (ou la possibilité d’existence) d’une altérité. La foi est ici comme l’indication ou plutôt comme l’indicatif de l’existence possible d’une altérité radicale, c’est-à-dire de cet autre que nous cherchons toujours en autrui, mais qui s’y use aussi à la longue, pour lui comme pour moi. De cet Autre qui a nom ici : l’Autre, l’Autre de l’homme, l’Autre des hommes, de nous tous. Il n’est pas bon que les hommes soient seuls. La foi éveille en moi un écho. C’est-à-dire un accord, un accord frofond, et peut-être d’autant plus difficile à dire, pour cela même.
Alors, et très clairement, je ne parviens pas à croire que mon être profond se trompe si radicalement qu’il aurait ici inventé purement et simplement son objet. « L’être parle », disait Heidegger. Mon être parle, et c’est même peut-être là l’entrée royale dans la vérité, plus parfois que la simple raison. Et certes, je puis me tromper dans toutes les représentations, contours et dénominations. J’accepte que là je puisse me « gourer » (disons le mot) d’un bout à l’autre, « de toute la longueur de l’infini », comme disait Spinoza. Mais non pas fondamentalement. Ce sont d’ailleurs souvent les caricatures et les sottises des représentations qui ont pu conduire au refus ou à la non-reconnaissance. Mais l’être profond parle, il a son éloquence. La foi a son éloquence, comme d’autres voix en moi, pour me parler de ce qui est.
Ce droit de la foi à exprimer quelque chose de vrai sur l’homme, à lui dire une vérité de lui-même, je le trouve aussi imprenable et indéniable que le droit d’autres dimensions ou existentiaux en nous à nous dire quelque chose sur nous-même. C’est cela le droit de la foi. Et je dirais : sa capacité à dévoiler quelque chose de propre ; un langage de l’être, comme d’autres.
Je vois la foi comme capacité spécifique de révéler quelque chose d’insoupçonné par d’autres voies (comme d’ailleurs la foi est incapable a son tour en d’autres domaines, dans la science par exemple, ce n’est que bonne justice). Je vois la foi comme capable de dire, elle aussi, une vérité. Et pourquoi voudrait-on, en ce domaine, faire jouer une autre juridiction de vérité ? Certes, il ne s’agit pas de tomber dans le fidéisme, et l’usage de la raison est ici également inévitable si l’on veut trouver appui. Le Logos garde des droits et devoirs imprescriptibles.
Mais il y a circulation du Logos, il y a en lui plusieurs logos, et le droit de la foi à en être un me paraît incontestable, pourvu qu’il reste en son domaine et se laisse bien sûr interroger par les autres. La foi nous dit quelque chose que ne disent pas les autres instances humaines ? Mais évidemment ! Et il en est toujours et partout ainsi. Pas plus que la grammaire n’est capable de parler des électrons, pas davantage la science physique n’est à même de nous apprendre sur la foi (souf peut-être à lui poser des question pertinentes).
Il est évident que tout objet propre ne peut être décelé par l’accès à la vérité tel qu’il s’impose en un autre domaine. Pourquoi faudrait-il qu’il en fût autrement de la foi ? Et nos difficultés en ce domaine ne font peut-être que prouver ou signaler qu’il s’agit là précisément de quelque chose de si profond, qu’il est difficile d’en parler au clair. Mais qu’il est possible d’écouter, lorsque, nous penchant à la margelle de notre propre puits, du puits de notre être profond, nous entendons le bruissement d’une présence ou d’une parole à nulle autre semblable. Pourquoi pas ? La foi est-elle incapable d’avoir elle aussi son histoire ?
JE CROIS EN DIEU PARCE QUE DIEU EST CE QU’IL EST
L’homme a souvent cherché Dieu dans le cosmos et les étoiles, et pourquoi pas, car la nature est belle ; mais Dieu ne peut cependant se réduire à être le grand horloger du monde, et cette recherche ne lui donne guère visage proche de nous. On le cherche aussi depuis longtemps dans les syllogismes et les raisonnements, et le procédé n’est pas absurde, mais il est si rarement convaincant. Le chrétien ne cesse de chercher Dieu en interrogeant son Christ en tant qu’homme, et c’est voie royale, nous l’avons d’ailleurs déjà parcourue. En ces temps-ci, nous cherchons surtout le visage d’autrui, et la démarche a sa valeur, mais elle expose à des confusions, et, disons-le franchement, autrui est-il toujours cette image de Dieu si lisible qu’on le dit ?
Mais l’on s’est rarement avisé de chercher Dieu chez Dieu. La chose nous paraît inaccessible, mais l’est-elle vraiment ? Après tout, quand on cherche quelqu’un, c’est lui qu’on interroge et chez lui qu’on va. Et puisque, selon la foi chrétienne, nous sommes le temple de Dieu, écouter notre être profond, n’est-ce pas aussi voie royale ? […] N’avons pas peur de ce qu’il y a en nous, et d’y entendre un souffle peut-être ténu mais cependant, oserais-je dire, palpable.
Sur ce point, je dirais que je suis frappé par le fait que l’Écriture m’apparaît comme un grand livre d’histoires qui nous raconte Dieu. Elle pourrait bien, elle aussi, comme tant d’autres livres d’histoires, commencer par l’incantatoire « Il était une fois ». « Il était une fois, Dieu créa le ciel et la terre… » ; « Il était une fois, un ange descendit du ciel et entra dans une maison d’Israël… », etc.
Je dirais très précisément ici que je crois en Dieu parce que cette histoire qui raconte Dieu vient tisser dans ma propre histoire, lui donner un fil de plus, sans la bousculer, mais au contraire un fil de plus, précisément, pour m’y retrouver en moi-même, pour me construire, pour me renouer.
J’insiste sur ce mot d’histoire. Cela, parce que Dieu depuis longtemps, ne m’arrive plus comme une « substance », comme une chose ; ni même, oserais-je dire, comme Quelqu’un qui serait là, là-bas, immobile et à la limite effrayant, cet espion de toutes mes allées et venues, ce Dieu du regard, comme l’a justement dénoncé Sartre, qui ne faisait d’ailleurs que relayer Job.
Il m’apparaît maintenant, et je reprends le paradigme du chemin d’Emmaüs, comme Quelqu’un, oui, mais qui m’accompagne, ou mieux encore, se faufile (toujours l’image du fil et de la trame) dans mon histoire, accompagnant la marche, le rythme même de ma propre histoire et de mon propre cheminement. Sans troubler mon itinéraire, mais en respectant, comme sur le chemin d’Emmaüs, les méandres mêmes de la route et les courbes de mon cheminement.
Je suppose que je me fais bien comprendre. Un Dieu qui, tel Moloch ou un Baal, serait là, surplombant mon histoire et mon être, je crois que, depuis longtemps déjà, j’aurais pris les chemins de l’incroyance et du refus. Ce Dieu du regard, ce Dieu provoquant, ce Dieu « en une fois » si je puis dire, je pense qu’il me conduirait au rejet. Mais un Dieu d’histoire est tout autre chose. Il est un Dieu qui respecte le temps, qui respecte mon temps. Il n’est pas là en une fois et inexorable, mais (nous sommes toujours sur le chemin d’Emmaüs) il admet de se faire oublier parfois ou même méconnaître un temps.
Loin d’être obsédante présence, il est parfois comme absence, car il épouse les hauts et les bas de mon existence et de ses rythmes. Un Dieu qui n’est pas toujours là, au fond, qui sait prendre quelque congé ! Qui est parfois en vacances, et pourquoi pas après tout.
Après six jours, un Dieu qui éprouve le besoin de prendre quelque repos. Un Dieu historique — et c’est bien là un des traits dominants de notre tradition judéo-chrétienne — est un Dieu qui, comme un ami (« Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis »), sait, si j’ose ainsi parler familièrement, « quand il faut et quand il ne faut pas ».Un Dieu qui sait s’adapter et comprendre.
Je vois dans l’histoire ce caractère plus souple, plus mouvant d’une présence de Dieu moins obsédante [que dire du nom de Dieu qui n’apparaît pas une seule fois dans le livre d’Esther !], plus libre, plus accueillante à ce que je suis. Il y a parfois de ces absences momentanées auxquelles on voudrait rendre grâce, car, paradoxalement, elles s’éprouvent comme le signe d’une présence calme et profonde. J’ai le droit d’être ce que je suis, je ne suis pas brûlé par une incandescence. Je crois cette catégorie d’histoire de toute première importance ici.
En somme, qui dit histoire, dit que tout n’est pas dicté ou décidé d’avance. Les choses vont se faire dans un parcours, dans un trajet (Emmaüs) ; j’aurai toujours le temps de respirer (au bord du puits de la Samaritaine) ; j’aurais même le droit de me tromper (Pierre et ses « manques de foi ») ; j’aurai le droit de lutter et de rester debout devant lui (Jacob luttant toute une nuit au gué du Yabboq, et pour cela même choisi par Dieu) ; j’aurai le droit de discuter, et avec intrépidité (Job) ; de crier même jusqu’au bout ma souffrance ou mon hésitation (Jésus).
J’aurais aussi le droit de me remettre, de me reprendre. Comme j’aurai d’ailleurs aussi le temps et le droit de prendre d’autres accents, ceux de l’amour, du bonheur et de l’allégresse (Marie du Magnificat) ; le bonheur de qui se sent appelé et qui compte bien suivre le Christ, se donner à lui sans partage et agir dans sa vie pour son royaume (« Viens, suis-moi »).
Mais tout cela aussi et toujours dans une histoire. Il me semble que Dieu est ainsi exorcisé de toutes sortes de « maléfices » : il ne m’est plus donné d’un coup, « en coup de poing », en coupp de force. Non, il m’est donné au fur et à mesure que je me construis moi-même. Je ne me suis pas fait, on ne m’a pas fait en une fois.
Je crois alors à Dieu tout autrement dans cette perspective. Je me sens libéré, peronnellement, depuis que j’ai cessé de penser que le premier des problèmes à propos de Dieu était celui de son existence, mais qu’il est d’abord de savoir qui il est et comment il m’accompagne (sans nier, bien sûr, l’importance de ce problème de l’existence de Dieu, mais je crois de plus en plus que la question « l’existence de Dieu » est précédée par celle du « ce qu’est Dieu »). Quand le problème de l’existence de Dieu prend une place trop acharnée, on risque les propositions abruptes et trop rapides. Le problème est bien plutôt celui d’une expérience, d’une méditation et d’un agir.
Et le lieu, celui d’une histoire, qui a son temps et où va prendre forme et naissance un Dieu qui, lui aussi, prends du temps (la création, disons-nous si justement, ne s’est pas faite en un jour, et nous rendons-nous compte que nous disons cela de Dieu même !). Dieu a aussi besoin de temps, et il veut offrir et donner à mon histoire la dimension d’une présence qui se mesure.
Mais, du coup, Dieu n’occupe plus une place démesurée. Ceci, je le crois de toute première importance. Quand on dit que Dieu est Tout, qu’il est l’Absolu, qu’il est Infini**, on a souvent et finalement comme mauvaise conscience à ne pas tout lui accorder. On a vite l’impression qu’une vie où Dieu n’est pas toujours explicitement « premier présent », manque de foi. Mais — et je prends le risque conscient de choquer — pourquoi faudrait-il accorder à Dieu une place démesurée ? C’est la maladie de la religion, cet excès ; escès d’autant plus pathologique qu’il ne se réalise pas, et tout simplement parce qu’il est impossible. Ce n’est pas parce que Dieu est (effectivement) le plus grand, qu’il faudrait toujours songer à lui. Il a sa place, fût-elle la première, mais non toute la place […].
Finalement — parlons encore avec une certaine audace — Dieu n’est pas tout dans la vie ! Ce serait parler contre toutes les belles et bonnes choses qu’il nous a données dans la création. Abraham, Jacob, Job ont certes donné première place à Dieu, mais en quelque sorte « avec des bémols ». […] Dieu ne vient pas prendre toute la place dans ma vie et dans mon histoire. Il vient prendre ou plutôt me proposer et m’offrir sa place, mais non pas toute la place. […]
Ne craignons pas de rester hommes devant Dieu, et tels d’ailleurs qu’il nous a toujours voulus, « en ré majeur », comme disait Beethoven de Goethe. Ne nous gâchons pas, comme si Dieu allait s’en trouver embelli. Je crois que quand on a découvert ainsi la place de Dieu dans la vie — et cela n’est possible que si l’on découvre Dieu comme un Dieu au profil historique (et non point comme un Baal) —, quand on a découvert cela, Dieu devient croyable. Il devient une des réalités de mon existence, la plus grande sans doute, mais une d’entre elles « seulement ». Un réalité qui me propose de donner, avec lui et si je le veux, un de ses sens parmi les autres.
Dieu a créé en nous la chaîne. À nous d’y enfiler la trame.
____________________
*Cela relève d’une démarche ultérieure. Il est évident que je crois à la divinité de Jésus. Mais nous le prenons pour l’instant dans son humanité, comme on est en droit de le faire dans une sorte d’épochè apologétique, loin de tout monophysisme.
**Choses très justes, sans aucun doute, à l’intérieur d’un vocabulaire philosophique bien précis, mais qui résonnent avec des risques évidents quand elles tombent dans le vocabulaire ordinaire.
Source: A. Gesché, Dieu, Paris, Cerf, 1994, troisième volume de la série "Dieu pour penser" (qui en compte sept), pp. 125 à 152.
Si vous avez pas le courage ou pas le temps de tout lire, rien ne vous empeche d analyser morceau par morceau.
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Ecrit le 10 août07, 23:45
Ce propos est une espèce de modèle de fanatisme...Il y a bien assez de fous pour enfiler la trame !
Jusqu'à l'avatar qui fait penser à l'inquisition !
Dommage parce que le texte au-dessus méritait mieux que cette gaminerie d'adolescent tout au plus mal élévé...Si c'est ça être athée, que Dieu soit béni de ce que je ne le suis pas !
Vous nous demandez d'être crédibles comme croyants ? Alors soyez crédibles comme ne l'étant pas !
Ah, au fait wooden machin, ne répond pas à mon post, je ne lirai pas ta réponse...
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Ecrit le 11 août07, 00:47
Mouais... c'est bien parce que c'est toi...
Est-ce que c'est Dieu qui décide ? C'est ce que disent les croyants : il "appelle" et chacun est libre de répondre...
J'ai été athée longtemps. En fait, à un moment, j'ai cédé. La suite a été explosive ! Je ne m'en suis jamais remis ! C'te claque...
Est-ce que c'est Dieu qui décide ? C'est ce que disent les croyants : il "appelle" et chacun est libre de répondre...
J'ai été athée longtemps. En fait, à un moment, j'ai cédé. La suite a été explosive ! Je ne m'en suis jamais remis ! C'te claque...
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Ecrit le 11 août07, 04:44
Sofian a écrit :
Tu t'auto proclames "sage" et tu ne supportes même pas une malheureuse contrepèterie pourtant si évidemment provoquée !
Ta remarque sur mon avatar (quel rapport entre celui qui dit et ce qu'il dit ?) montre que tu as abandonné la raison pour les délices incertains des sentiments et des sensations. Continue comme ça et tu ne seras bientôt d'accord qu'avec toi même.
Pas la peine de nous le dire, on s'en est rendu compte !J'ai été athée longtemps. En fait, à un moment, j'ai cédé. La suite a été explosive ! Je ne m'en suis jamais remis !
Tu t'auto proclames "sage" et tu ne supportes même pas une malheureuse contrepèterie pourtant si évidemment provoquée !
Ta remarque sur mon avatar (quel rapport entre celui qui dit et ce qu'il dit ?) montre que tu as abandonné la raison pour les délices incertains des sentiments et des sensations. Continue comme ça et tu ne seras bientôt d'accord qu'avec toi même.
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Ecrit le 11 août07, 10:45
Sofian a dit :
Mais toujours la même propension chez les croyants à prendre les autres pour des handicapés.
Si ton pseudo n'est pas ton vrai nom, c'est que tu l'as choisi. Tu n'ignores probablement pas que sofia veut dire sagesse. Donc mon assertion avait du sens. A moins que le hasard ou l'ignorance fasse bien les choses...
Quant à la colère ! Les forums ne sont que des débats d'idées aussi anonymes que sans conséquences. Comment veux-tu que ça foute en rogne ? Quand un post suscite l'intérêt c'est déjà beau. Tu es la première personne que je rencontre capable de s'indigner d'une contrepèterie. Je n'aurais jamais cru ça possible !
Ton courroux contre mon avatar (un modeste acteur d'une série TV américaine assez iconoclaste ) est assez rare pour être signalé. Jusqu'à présent, seul quelque dévôt mahométan que j'avais irrité s'était gaussé de lui, lui trouvant une physionomie juste bonne pour la géhenne éternelle.
Tu rejoins donc le club assez fermé dans ce forum de ceux qui jugent les gens sur leur mine.
A moins bien sûr que ton post ne soit qu'une amusante provocation.
Tu as le code ? tant mieux pour toi ! Ca ne m'agace pas du tout.On y trouve tout mais c'est pas pour tout le monde. Faut le mot de passe...
C't'agaçant hein ?
Qui n'aurait jamais vu de feu ne croirait pas qu'il puisse brûler...
Mais toujours la même propension chez les croyants à prendre les autres pour des handicapés.
Si ton pseudo n'est pas ton vrai nom, c'est que tu l'as choisi. Tu n'ignores probablement pas que sofia veut dire sagesse. Donc mon assertion avait du sens. A moins que le hasard ou l'ignorance fasse bien les choses...
Quant à la colère ! Les forums ne sont que des débats d'idées aussi anonymes que sans conséquences. Comment veux-tu que ça foute en rogne ? Quand un post suscite l'intérêt c'est déjà beau. Tu es la première personne que je rencontre capable de s'indigner d'une contrepèterie. Je n'aurais jamais cru ça possible !
Ton courroux contre mon avatar (un modeste acteur d'une série TV américaine assez iconoclaste ) est assez rare pour être signalé. Jusqu'à présent, seul quelque dévôt mahométan que j'avais irrité s'était gaussé de lui, lui trouvant une physionomie juste bonne pour la géhenne éternelle.
Tu rejoins donc le club assez fermé dans ce forum de ceux qui jugent les gens sur leur mine.
A moins bien sûr que ton post ne soit qu'une amusante provocation.
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Ecrit le 11 août07, 19:33
Ni indigné, ni en rogne ni rien de tout ça...C'est juste que vous avez l'habitude de vous moquer en circuit fermé, c'est plus sûr, et que moi, je vous rappelle qu'on est là...
J'ajoute que pour ce qui est de la tolérance, c'est à se taper sur les cuisses.
Quant à Sofian, c'est un nom d'origine Arabe, ne vous déplaise...La sophia s'écrit PH...
J'ajoute que pour ce qui est de la tolérance, c'est à se taper sur les cuisses.
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Ecrit le 12 août07, 03:51
Et bien moi, j'ai beaucoup aime ce texte, notemment la partie sur Jesus. J'ai toujours beaucoup aime cet aspect rock and roll du personnage (dire merde au Temple et aux pretres, ne pas respecter shabbat etc etc). De meme je trouve tres interessante sa facon de percevoir Dieu et sa facon de "croire" en lui.
Bref, le texte reflechi d'un homme reflechi. moi je suis client
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Ecrit le 12 août07, 05:07
Sofian a écrit :
Merci de vouloir être la statue du Commandeur dans ce forum. Nous pataugions dans notre médiocrité. Heureusement pour notre salut, le Chevalier blanc Sofian est arrivé nimbé d'une aura lumineuse et d'une conscience immaculée!
Au moins toi, tu n'as pas de problème de chevilles !
Quant à la tolérance, j'ai toujours fait mienne la phrase : "respectons les hommes pas leurs idées".
Aucune idée n'est respectable en soit. Si tu considères que certaines de tes idées sont intouchables, garde les pour toi. Que fais-tu sur un forum ?
Si tu penses témoigner de la tolérance en écrivant que :
Tu peux dire ce que tu veux dans ce forum, je peux y dire ce que je veux.
Où est l'intolérance ?
En revanche, qualifier quelqu'un d'Inquisiteur fanatique sur la seule foi d'une intention qu'il aurait eu en postant une innocente blague est le fait de quelqu'un qui ignore à la fois ce qu'est l'Inquisition et ce qu'est la tolérance.
Tu n'as, en fait, qu'utilisé assez pauvrement ce faux argument rhétorique qu'on nomme épouvantail.
Dont acte pour l'origine de Sofian. Toutefois, Sophia s'écrit avec un phi et si on était aussi logique que les italiens on l'aurait transcris en f, le son le plus proche.Ni indigné, ni en rogne ni rien de tout ça...C'est juste que vous avez l'habitude de vous moquer en circuit fermé, c'est plus sûr, et que moi, je vous rappelle qu'on est là...
J'ajoute que pour ce qui est de la tolérance, c'est à se taper sur les cuisses.
Quant à Sofian, c'est un nom d'origine Arabe, ne vous déplaise...La sophia s'écrit PH...
Merci de vouloir être la statue du Commandeur dans ce forum. Nous pataugions dans notre médiocrité. Heureusement pour notre salut, le Chevalier blanc Sofian est arrivé nimbé d'une aura lumineuse et d'une conscience immaculée!
Au moins toi, tu n'as pas de problème de chevilles !
Quant à la tolérance, j'ai toujours fait mienne la phrase : "respectons les hommes pas leurs idées".
Aucune idée n'est respectable en soit. Si tu considères que certaines de tes idées sont intouchables, garde les pour toi. Que fais-tu sur un forum ?
Si tu penses témoigner de la tolérance en écrivant que :
est le fait d'un fanatique Inquisiteur (pourquoi pas un tortionnaire nazi ?), tu te trompes.Il y a bien assez de fous pour enfiler la trame !
Tu peux dire ce que tu veux dans ce forum, je peux y dire ce que je veux.
Où est l'intolérance ?
En revanche, qualifier quelqu'un d'Inquisiteur fanatique sur la seule foi d'une intention qu'il aurait eu en postant une innocente blague est le fait de quelqu'un qui ignore à la fois ce qu'est l'Inquisition et ce qu'est la tolérance.
Tu n'as, en fait, qu'utilisé assez pauvrement ce faux argument rhétorique qu'on nomme épouvantail.
L'état de non-pensée est certainement le prochain stade de l'évolution humaine. Tan
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