( Avec son accord )
...Parce que ça intéresse peut être quelqu'un.
( Et aussi parce que ça me gène de lui avoir fait taper toutes ces longues réponses rien que pour moi ... Ah , la morale ! )
Marcel a écrit :Il y a une question qui me turlupine depuis un certain temps :
Est il plus facile de tuer un être humain pour un athée ou pour un croyant ?
Pour quelles raisons les croyants (athées ) le font (ne le font pas) ?
Ca rentre dans le cadre de tes recherches il me semble...
J'ai un peu peur de la réponse !
Cova Florian a écrit : Ok ! Toutes ces questions sont en débat, et je ne peux donner que mon opinion sur le sujet. Néanmoins je m'appuierai 1) sur des évidences, 2) sur des données empiriques.
Déjà, je ne vais pas répondre exactement à la question. Vous m'avez demandé quelles sont les RAISONS pour lesquelles les humains ne tuent pas leurs semblables. Je vous dirais quelles sont d'après moi les CAUSES qui font qu'ils ne les tuent pas. Les RAISONS sont les motifs explicites et conscients que les individus peuvent donner eux-mêmes à leurs actions. Les RAISONS sont ainsi un sous-ensemble des CAUSES. Mais il peut exister des CAUSES à nos actions qui ne sont pas conscientes et ne sont donc pas des RAISONS. Savoir quelles CAUSES sont vraiment des RAISONS nécessiterait de lire les pensées des gens (ou du moins de leur demander directement).
Je commence donc ma liste :
1) CAUSES EVOLUTIVES : il existe aujourd'hui parmi les chercheurs un consensus selon lequel une part de notre morale aurait pour source des sentiments moraux innés. Note : innés signifie qu'ils sont en nous en vertu de notre bagage génétique, pas que l'enfant les a dès la naissance (comme les poils de la barbe par exemple). Il existe diverses preuves du rôle des émotions dans le jugement moral. L'une de ces preuves est l'observation des psychopathes, qui montrent un large déficit dans toutes les émotions qui concernent autrui (pitié, empathie). Ces théories prédisent également qu'il sera plus facile de tuer/gruger quelqu'un que nous connaissons mieux ou qui est extérieur à notre groupe social (un "sale bougnoule" par exemple, pour peu que l'on se sente un "vrai français")
2) EDUCATION : l'éducation peut venir conforter (ou pas) les sentiments moraux des individus (les développer ou les inhiber)
3) PRESSION SOCIALE : dans la plupart des sociétés, le meurtre est puni sévèrement. N'est-ce pas une bonne raison pour ne pas le commettre ?
4) AVANTAGES SOCIAUX : et puis même s'il n'y avait pas de punition, l'autre peut être utile. Mieux vaut ne pas buter ses investissements.
Ca c'est ce qui est commun à tout le monde. Maintenant il existe des raisons spécifiques aux croyants :
5 et 6) PUNITION et RECOMPENSE DIVINES
Du coup, on pourrait dire que les croyants ont plus de raisons de ne pas tuer. Mais ce n'est pas évident. Tout part de nos émotions de base et de la façon dont l'éducation joue avec elle. La plupart des gens (d'après mon expérience), qu'ils soient athées, agnostiques ou croyants, font de ces émotions des vérités objectives qui existent indépendamment d'eux (la morale devient alors quelque chose d'objectif). Chez les croyants, la morale devient la parole divine (objective). Mais alors la parole divine est investi de toute l'importance qu'a la morale. Du coup, pour peu que l'on manipule la parole divine, le croyant peut croire qu'il s'est trompé et qu'il a le droit de tuer dans certains cas (genre "inquisition"). Celui qui fait de la morale quelque chose d'objectif sans pour autant en faire la parole divine ne remet pas ses croyances entre les mains d'une entité fictive. Il n'a donc pas la pression de la carotte et du bâton, mais en revanche, il ne remet pas ses croyances entre les mains d'une autorité censée mieux savoir que lui ce qui est bien ou mal, et est donc moins susceptible d'être manipulé.
Les croyants pensent toujours que "sans Dieu tout est permis". C'est parce que comme la majorité des hommes, ils projettent leur émotions en-dehors d'eux et veulent y voir des vérités "objectives" (il est OBJECTIVEMENT mal de tuer). Le croyant (de par son éducation) a été habitué à le projeter dans la parole divine. Il est donc persuadé que détruire la parole divine, c'est détruire tout vérité morale, et donc la morale.
Mais tout cela, je le répète, n'est pas parole d'évangile. Il faudra encore des années et des années de tests pour confirmer / infirmer tout cela
Marcel a écrit : Ok !
Quelques idées (un peu en vrac désolé)
Les sentiments moraux innés:
Il y en a certainement chez l'homme,
mais à quoi sont ils dus, comment ont ils été crées au cours de l'évolution?
Je crois que tout doit venir de la faculté "d'auto protection" de la vie, qui a dû s'organiser pour ne pas s'autodétruire en tant que vie d'abord, puis espèce, puis race, puis groupe ethnique , social, etc..
Et tout cela en s'auto détruisant un peu quand même, puisque sur cette planète, seuls les végétaux peuvent créer de la matière vivante à partir de matière non vivante.
Du coup , on pourrait appeler " bien" tout ce qui est bon pour
notre personne/famille/groupe social/.../espèce humaine/Vie
Dans ces conditions, est ce que la morale est qque chose d'objectif ?
( En tant que structure abstraite de règles de comportement de la Vie)
J'avoue que je n'en sais rien.
Cova Florian a écrit :Les croyants pensent toujours que "sans Dieu tout est permis"
Marcel a écrit :Finalement ça doit être effrayant pour un croyant d'avoir affaire à un athée, car il s'imagine que celui ci n'a pas accès à la morale!
Et un athée peut aussi s'imaginer qu'un croyant qui cesse de croire deviendrait instantanément un monstre !
D'autre part est ce qu'on tue vraiment si on croit à une vie après la mort ? ...Un athée donnera à cette vie une valeur infinie, alors qu'un croyant, non.
Cova Florian a écrit :Savoir quelles CAUSES sont vraiment des RAISONS nécessiterait de lire les pensées des gens (ou du moins de leur demander directement).
Marcel a écrit :Oui et c'est un peu pour ça que je pense que ça mériterait un enquête !
Si vous voulez , on peut mettre cette discussion sur le forum, non ?
Marcel a écrit :Quelques commentaires en vrac :
Les sentiments moraux innés:
Il y en a certainement chez l'homme,
mais à quoi sont ils dus, comment ont ils été crées au cours de l'évolution?
Je crois que tout doit venir de la faculté "d'auto protection" de la vie, qui a dû s'organiser pour ne pas s'autodétruire en tant que vie d'abord, puis espèce, puis race, puis groupe ethnique , social, etc..
Et tout cela en s'auto détruisant un peu quand même, puisque sur cette planète, seuls les végétaux peuvent créer de la matière vivante à partir de matière non vivante.
Du coup , on pourrait appeler " bien" tout ce qui est bon pour
notre personne/famille/groupe social/.../espèce humaine/Vie
Cova Florian a écrit : Personnellement, les derniers développements de la biologie (tels que je les comprend, bien sûr) m'empêchent de vous suivre sur le terrain des "facultés de la vie". Vous parlez de la vie comme quelque chose. Personnellement, pour moi la vie en tant que telle n'existe pas : il s'agit uniquement d'un certain état de la matière. Il n'y a donc pas de mystérieuse faculté d'autoprotection de la vie (pour moi, hein, je ne voudrais pas être trop dogmatique).
Marcel a écrit :
Oui oui , d'accord, moi aussi je pense que la vie est un état de la matière
( Appelons cet état "Vie" pour simplifier ).
Mais tout est parti de presque rien : une proto cellule( ou autre chose) qui n'avait comme unique faculté que celle de l'auto reproduction. ( C'est déja pas mal.)
Partant de là, cette structure n'a pu perdurer que si elle avait un "programme interne" lui permettant de ne pas se détruire elle même ou de se faire détruire par l'environnement ou par une autre structure différente.
D'ailleurs inutile d'aller chercher ici la main de Dieu, l'évolution explique très bien les choses : Les structures n'ayant pas ces facultés ont disparu.
Ce "programme interne" existe évidemment toujours, il a peut être subi des évolutions, et il explique que nous ayons un instinct de conservation.
Peut être explique t il aussi la morale ???!!
( Enfin c'est ce que je pense, hein , je n'y étais pas !)
Cova Florian a écrit :
Si l'on se place sur le terrain de l'évolution, répondre à la question "quelle est l'origine des sentiments moraux" revient à se poser la question : "en quoi un gène qui produit des sentiments moraux a-t-il plus de chances de se répandre dans la population que d'autres ?". Le problème peut être à son tour divisé en deux problèmes : un simple et un compliqué.
LE PROBLEME SIMPLE porte sur les sentiments moraux intrafamiliaux (ex : l'instinct maternel). La réponse dans ce cas là est simple. Imaginez un individu I qui prend soin de ses enfants et un individu J qui les laisse crever. Les gènes de I (altruistes) se répandront dans la population car ses enfants survivront. Les gènes de J (égoïstes) ne se répandront jamais. De telles considérations expliquent l'organisation des sociétés d'abeilles et de fourmis où elles sont toutes soeurs : chaque individu qui se sacrifie pour la communauté maximise paradoxalement les chances que ses gènes soient répandus parce que 1) ses soeurs ont les mêmes gènes, 2) de toute façon seule la Reine peut se reproduire.
LE PROBLEME COMPLIQUE porte sur l'altruisme envers des individus qui ne sont pas des membres de notre famille dans les sociétés humaines qui ne sont pas des sociétés de "frères" et de "soeurs". L'altruisme parait contradictoire avec l'évolution. Celui qui se sacrifie pour les autres a moins de chance, semble-t-il, de survivre pour se reproduire que l'égoïste. Il existe plusieurs théories pour expliquer l'altruisme, néanmoins.
Je ne vous en exposerai qu'une, que je considère personnellement être la meilleure. Pour commencer, il faut distinguer parmi les espèces celles qui vivent en troupeau et celles qui vivent en coalition. Un troupeau est une juxtaposition d'individus regroupés ensembles par le hasard. Une coalition est un rassemblement d'individus qui se sont choisis les uns les autres. Il est évident que les hommes forment des coalitions. Pour survivre, mieux vaut faire partie d'une coalition. Mais les coalitions auront tendance à recruter plus les candidats honnêtes - et il devient donc payant d'être honnête.
Cette théorie s’inspire des observations d’Amotz Zahavi et de sa théorie du « signal honnête ». Amotz Zahavi s’est penché de manière approfondie sur les mœurs d’un petit oiseau du désert répondant au doux nom de cratérope écaillé. Cet oiseau présente des particularités étonnantes. Il vit au sein de groupes où les individus nourrissent collectivement les jeunes, montent la garde et s’approchent parfois en nombre d’un prédateur pour tenter de le faire reculer en l’impressionnant. Le côté spectaculaire de l’histoire, c’est que les individus sont en compétition pour réaliser ces belles actions : ce sera à qui se sacrifiera le plus pour le bien des autres (par exemple : à qui s’approchera le plus du prédateur). D’où énigme : comment un tel comportement, apparemment contre-productif pour l’individu, a-t-il pu être sélectionné plutôt que celui qui consiste à laisser les autres se sacrifier ?
La réponse se trouve dans l’environnement : chaque groupe de cratérope habite au sein d’un buisson. Le buisson est un élément vital pour le cratérope : Zahavi estime que la durée de vie d’un cratérope au sein d’un buisson est de 60 ans, et de deux ans au-dehors. Or, les groupes chassent du buisson les individus qui n’appartiennent pas au groupe. Il est donc vital d’appartenir à un groupe. Si maintenant l’on imagine que les individus ont évolué au fur et à mesure pour n’accepter dans leur « club » que les individus les plus coopératifs, on comprend comme « l’altruisme » peut évoluer. En réponse à l’évolution de la sélection, il faut évoluer dans une direction qui pousse l’individu à être le plus altruiste possible, ce qui augmente sa chance d’être pris dans un groupe, ce qui multiplie par 30 ses chances de survie.
Dans ce cas, il est plus payant d'être honnête. Remarquez cela ne signifie pas que les individus n'agissent jamais sans arrière pensée. Au contraire : ils ont un désir d'aider les autres pour aider les autres, pas par calcul. Néanmoins, du point de vue de la Nature, cet altruisme a une utilité. (C'est comme le sexe : les animaux font le sexe pour le sexe, mais du point évolutif, le sexe n'a d'intérêt que pour la reproduction).
Marcel a écrit :Oui, et comme les sociétés humaines sont encore plus compliquées que le cratéropte, il y a sûrement des raisons à l'altruisme qui nous échappent encore !
Marcel a écrit :Dans ces conditions, est ce que la morale est qque chose d'objectif ?
Cova Florian a écrit :Vaste question. Ma réponse personnelle serait que non : il y a nos sentiments innés et notre éducation. D'ailleurs je ne vois pas ce que serait une morale "objective" : où serait-elle écrite ? dans le monde des Idées platoniciennes ? dans la parole divine ?
Mais ce n'est que mon opinion.
Marcel a écrit :Si vous voulez , on peut mettre cette discussion sur le forum, non ?
Cova Florian a écrit :Comme vous voulez !