Fyne a écrit : pourquoi la matière ne serait elle pas elle même incréée?
Cette question est essentielle et, et à mon sens, liée à la démonstration de l'existence de Dieu. Comme je te le disais précédemment, je vais essayer, donc, avec courage et ténacité, de te montrer la cohérence de cette démonstration. Tes remarques me seront utiles pour continuer mes travaux de recherche. Merci d'avance.
Tentative d’une démonstration de l’existence de Dieu
1) Il faut partir d’un constat vérifiable par l’utilisation des sens et du jugement de tout être humain qui regarde et réfléchit sur le monde qui l’entoure : « Il y a autour de moi des êtres qui existent. » (d'ailleurs, à mon avis, seule, la négation de cette évidence (ce que fait un pur idéaliste), peut empêcher d'aboutir à la conclusion)
Mais si l’on pousse un peu la réflexion sur l’observation attentive de l’existence de tous ces êtres, un problème se pose. Tous ces êtres sont limités, bougent, ont commencé, finissent un jour, sont causés, sont contingents, sont organisés de telle ou telle manière, sont plus ou moins perfectionnés. Mais où est le problème, se dit celui qui n’a pas l’œil métaphysicien ? Qui peine à s’extraire suffisamment de la réalité sensible, ou qui reste dans le monde des idées sans les confronter au réel ?
2) Il s’agit à ce niveau de faire une analyse assez fine du réel qui nous entoure et confronter ce réel à sa logique interne. Posons quelques bases pour y voir clair.
Tout le monde admet que : « ce qui est, est » et « ce qui n’est pas, n’est pas ». Pour faire simple : A = A et nonA = nonA (c’est à la base de tous les théorèmes et de toutes réflexions scientifiques un peu construites. C’est même très utile pour acheter du pain, sinon ça se passe mal avec son boulanger). Ensuite, à ce principe premier et fondamental, il y a comme un corollaire immédiat qui est : « on ne peut pas être et ne pas être sous le même rapport ». Toujours pour faire simple : A est différent de nonA (très utile pour rendre la monnaie)
Il va de soi qu’il est impossible de démontrer ces deux principes, qu’on appelle d’ailleurs principes premiers en logique. Ils constituent la loi interne de tout être, quel qu’il soit. Sans eux, ce n’est même plus la peine de discuter de quoi que ce soit avec qui que ce soit. Il n’y a plus rien à comprendre et plus rien à dire. A quoi donc vont nous servir ces deux principes indispensables à la pensée humaine, et inscrits dans l’être-même des choses ?
3) Et bien voilà ! Tous les êtres qui nous entourent existent, ont un acte d’être, sont de l’être : ils sont !… mais avec des limites de toutes sortes... Et savez-vous ce qu’est fondamentalement une limite ? C’est un être qui a une frontière où au-delà de celle-ci, il cesse d’être, il n’est plus lui-même, il n’existe plus. Cesser d’être, c’est ne plus être, c’est n’être pas. Une limite est donc une sorte de non-être relatif à l’existence de cet être particulier. Une limite, c’est une sorte de manque d’être, un arrêt à l’existence, un "trou" dans l’acte d’être. Et pourtant, toute limite est essentielle aux êtres limités car cela leur permet de pouvoir commencer, finir, bouger, être causé, ne pas être nécessaire, être organisé de telle ou telle manière et pas d’une autre, être plus ou moins complexe et différent des autres êtres. Et chaque être limité possède sa propre limite. Il s’agit bien de sa limite. Si ce n’était pas la sienne, il serait sans limite, donc illimité.
On est tellement peu habitué à ce degré d’abstraction, à scruter les lois fondamentales de l’être et des êtres limités, qu’arrivé jusque là, on a encore un peu de mal à voir l’énormité du problème. On a peut-être le nez trop sur l’objet à étudier, faisant nous-mêmes parti du monde des êtres limités.
Donc, nous sommes entourés d’existants limités qui sont composés d’un acte d’être et de limites, c’est-à-dire, d’être relatif et de non-être relatif. Mais là, ça ne va pas du tout, je vous assure ! L’être et le non-être, même relatif, ne peuvent pas « cohabiter ». Une composition d’être et de non-être, même relatif l’un à l’autre, est rigoureusement impossible en rigueu de terme. On ne peut pas être et ne pas être sous le même rapport. Mais catastrophe, car c’est le cas de tous les êtres limités qui nous entourent. Alors comment expliquer l’existence des êtres limités qui peuplent l’univers et sortir de ce paradoxe, comment rendre compte de la cohérence interne des êtres apparemment contradictoires, ayant en eux-mêmes, un principe d’être relatif et un principe de non-être relatif :
- qui se meuvent vers une autre réalité que la précédente, n’ayant pas tout l’être en eux-memes. Si un seul être avait tout, cet être n’aurait pas besoin de changer
- qui sont causés par un autre être. Si un seul être était vraiment l’être, il n’aurait pas besoin d’être causé.
- qui auraient pu ne pas exister. Si un seul être avait l’être en plénitude, il serait nécessaire.
- qui sont organisés de telle ou telle manière. Si un seul être avait en lui tous les principes d’organisation c’est lui qui organiserait tous ces êtres organisés.
- qui sont plus ou moins complexes. Si un seul être était parfait, il aurait en lui toutes les complexités
4) Comment sortir de ce paradoxe existentiel ? Et bien, il existe une et une seule possibilité pour rendre compte d’un réel apparemment contradictoire en lui-même, et réussir à lui donner une cohérence interne et justifier la réalité de l’existence du monde qui nous entoure.
Tout devient possible, si tous les êtres limités et apparemment contradictoires dans leur acte d’exister, participent à l’existence d’un être total, parfait, absolu, infini, premier moteur immobile, acte pur d’être. Cet être que l’on peut appeler "Dieu" donnerait alors l’être et leur nature à tous les existants, limités et les maintiendrait dans l’existence par sa toute-puissance (c’est d’ailleurs cela la vraie notion de création quand on l’attribue à Dieu. La création dans ce sens est une relation de dépendance, et non un changement ou un mouvement).
L’existence de Dieu, en tant qu’ÊTRE PARFAIT, INFINI, SANS COMMENCEMENT NI FIN, ETERNEL est la seule solution logique qui permet de rendre compte du paradoxe des êtres limités composés d’être relatif et de non-être relatif.
Il est donc avéré par l’intelligence, par un raisonnement rigoureux, que l’être humain peut découvrir l’existence de Dieu. Mais là, s’arrête la recherche humaine. Si l’homme veut en savoir plus sur Dieu, sur ce qu’il est en profondeur et ce qu’il attend de nous, il faudra une révélation extérieure à l’homme que seul ce Dieu ainsi défini plus haut pourrait lui-même donner. Adhérer à cette révélation divine passée au crible du cœur et de la raison, c’est là que commence ce qu’on appelle la foi.
5) Remarquons que la démonstration de l’Existence de Dieu n’est pas un point de la foi et n’est pas nécessaire pour croire en Dieu.
En poussant plus loin la réflexion à partir de la Révélation chrétienne, on peut découvrir que Dieu ne peut être qu’un Dieu personnel (un sujet intelligent et personnel est plus parfait qu’une force aveugle et impersonnelle) et ne peut être que l’Amour infini qui se donne infiniment (l’Etre =l’Amour). Plus j’aime (au sens le plus fort) de l’amour, plus j’existe. L’Evangile redit cela admirablement mieux et en toute simplicité, pour les sages et les petits. Tout devient encore plus cohérent dans l’explication du pourquoi de la nature humaine et de l’univers, si on met en place la Trinité, le péché originel, l’incarnation, la rédemption et les fins dernières. Mais c’est une autre histoire…
Sur ce, j'attends ton retour.
Bien amicalement
tom