Reprenons donc notre discussion :
Patrick a écrit :Mais que cette Société ne s'avise de recourir àJean 1 pourprouver sa doctrine quiest un dualisme logique qui refuse le mot. En effet, la traduction des TJ, et c'est bien de quoi nous parlons ici, oblige à croire en Dieu et en dieu. ILs sont donc bien dualistes et c'est pourquoi ils ont quitté de facto le monde chrétien
Que penses-tu Patrick de ce qu'explique
Le Nouveau Vocabulaire Biblique, p. 441:
"
En s'appuyant sans doute sur un hymne préchrétien, l'auteur, ignorant le concept de préexistence éternelle, dit du logos qu'il était là au commencement de la Création. Il habitait alors la dimension de Dieu et, selon la traduction littérale du verset 1c: il "était dieu". Le texte est précis. Il omet l'article devant le mot "dieu", alors que la ligne précédente le contenait: "Elle [la parole] était, en commencement, vers le Dieu". Il est donc difficile de traduire exactement le verset 1c. L'auteur veut dire que le logos faisait partie de la réalité divine, sans être le Dieu suprême. "Divin" est trop faible, "Dieu" est trop fort. Le mot "dieu", avec la minuscule, cherche à rendre la pensée."
Origène avait-il "quitté de facto le monde chrétien" quand il écrivit son commentaire sur la lettre de Jean?
"[Jean]
ajoute l'article au [mot]
Logos, mais au nom " Dieu " il l'ajoute seulement quelques fois. Il emploie l'article, quand le nom " Dieu " se réfère à la cause incréée de toutes choses, et l'omet quand le Logos est appelé " Dieu " (...) Comme le Dieu qui est au-dessus de tout est " Dieu " avec l'article, non sans l'article, ainsi " le Logos [avec l'article]
" est la source de cette raison (Logos [sans l'article]
) qui habite dans chaque créature raisonnable (...) le premier-né de toute création, qui est le premier à être avec Dieu, et à attirer à lui-même la divinité, est un être d'un rang plus élevé que les autres dieux à côté de Lui, desquels Dieu est le Dieu, comme c'est écrit: " Le Dieu des dieux, le Seigneur, a parlé et a appelé la terre " (...) Le vrai Dieu, ainsi, est " Le Dieu ", et ceux qui sont formés après Lui sont des dieux, images de Lui, le prototype. Mais, encore une fois, l'image archétypale de toutes ces images est la Parole de [le] Dieu, qui fût au commencement, et qui en étant avec Dieu est en tout temps Dieu, non possédant cela [le fait d'être Dieu]
d'elle-même, mais à cause de son existence avec le Père, non en continuant d'être Dieu (...) si ce n'est en restant toujours dans une contemplation ininterrompue des profondeurs du Père –
Commentaire sur l'Évangile de Jean; Livre II, 2
Comme je l'ai déjà expliqué, les Juifs qualifiaient les anges de "dieux". Ils n'étaient pas pour autant polythéistes. En Psaume 97:7, nous lisons: "
Prosternez-vous devant lui, tous les dieux " (
Bible de Jérusalem). La
Septante met " anges " à la place de " dieux " (comparer avec Hébreux 1:6). En Psaume 8:5, nous lisons: "
A peine le fis-tu moindre qu'un dieu ". Paul citera ce passage, à partir de la
Septante, pour l'appliquer au Christ: "
Tu l'as un moment abaissé au dessous des anges " (Hébreux 2:7; c'est moi qui souligne).
Pourquoi les anges sont-ils qualifiés de " dieux "? C'est parce qu'ils sont de condition, ou de nature, divine, étant des êtres spirituels
'puissants' (selon le sens étymologique du mot
'dieu'). C'est pourquoi, en Jean 1:1, la tournure qu'emploie l'apôtre, à propos de la 'Parole', peut, à juste titre, souligner la condition ou la nature divine de Jésus, lorsqu'il se trouvait avec Dieu, au commencement, sans pour autant l'identifier à Dieu, ou en faire son égal.
Par ailleurs, Jean 1:18 parle du "dieu unique-engendré" qui est "tourné vers le sein du Père" (
Bible de Jérusalem), c'est à dire dans une position de choix, privilégiée. Ce texte parle bien de
Dieu, le Père, et du
dieu-unique engendré, le Fils, comme de deux personnes distinctes.
Patrick a écrit :Pour terminer avec le Jésus de Jean:
""... C'est pourquoi je vous ai dit que ous mourrez dans vos péchés, car si vous ne croyez pas que Moi JE SUIS, vous mourrez dans vos péchés."
(Jean 8:24)
C'est bien Jésus qui parle.
Les majuscules sont de moi car il est assez évident que Jésus fait référence au JE SUIS d'Exode 20, càd au tétragramme ineffable YHWH.
Dur dur d'être TJ.
Non Patrick, ce n'est pas "dur dur d'être TJ". Premièrement, ce n'est pas à Exode 20 que l'on réfère généralement l'expression "JE SUIS" rencontrée en Jean 8:24. Cette expression se retrouve en Exode 3:14 où des versions de la Bible rendent l'hébreu
èhièh ashèr èhièh par "Je suis qui Je suis". Ensuite, comme je l'ai déjà expliqué sur mon site, le verbe
hayah, ici à la première personne du singulier (אהיה), est à
l'inaccompli, ce qui traduit le caractère
inachevé de l'action. Autrement dit, cela signifie que Dieu se présente comme Celui qui est en train de venir (ou viendra ) à l'existence, Celui qui est en train de devenir (ou deviendra). En effet, c'est le verbe
hayah à l'accompli qui aurait traduit l'idée même que Dieu existe, à savoir: "je suis venu à l'existence" (hébreu accompli
hayîtî), donc "je suis", "j'existe". Or, ce n'est pas à l'accompli que se trouve ce verbe en Exode 3:14, mais à
l'inaccompli, traduisant une action en cours d'achèvement, ou à venir.
Dans son ouvrage,
Le Pentateuque et les Prophètes, J. Hertz explique que dans l'expression "
je suis celui qui suis (...) l'accent est mis sur la manifestation active de l'existence de Dieu (...) Beaucoup suivent aujourd'hui Rashi [célèbre exégète biblique et talmudique français du Moyen Âge] en traduisant cette phrase par 'je serai ce que je serai'"
Maintenant, Jean 8:24 a été rédigé en grec, et non en hébreu. On a donc fait le lien entre le 'ego eimi' ("je suis") dans ce passage, et la manière dont la
Septante a rendu l'expression
èhièh ashèr èhièh d'Exode 3:14. On y lit en effet "
ego eimi ho ôn", qui se traduit littéralement "
Je suis l'Etant [ou l'Existant]". Toutefois, là encore, la référence du "ego eimi" de Jean 8:24 à l'expression similaire que nous trouvons dans le texte d'Exode 3:14 dans la
Septante, n'est nullement fondée. En effet, ce n'est pas l'expression
ego eimi ("je suis") que les traducteurs Juifs ont utilisée pour désigner Dieu, mais plutôt
'ho ôn' ("l'Etant", "Celui qui est"):
"
L'Etant [grec
ho ôn, et non
ego eïmi]
m'a envoyé vers vous ..." - Exode 3:14;
Septante.
Pour les deux raisons que je viens d'évoquer, il n'est pas possible d'associer les paroles de Jésus en Jean 8:24 avec celles que nous trouvons en Exode 3:14, tant dans le texte hébreu que grec.
Par ailleurs, l'expression 'ego eimi' qui signifie littéralement "je suis", se traduit bien souvent en fonction du contexte littéraire. Par exemple, en Jean 9:9, un homme qui venait d'être guéri de sa cécité par Jésus, s'exclama: "
C'est bien moi " [grec:
ego eimi] –
TOB. Comparer également, dans plusieurs traductions, Marc 13:6; Luc 21:8; Jean 4:26; 6:20; 18:5 où
ego eimi est employé dans le même sens. Comme l'explique J. H. Thayer dans son lexique, "
la formule ego eimi (je suis lui), fréquente dans les Évangiles, spécialement celui de Jean, doit avoir son prédicat [je suis lui ou je le suis] sous-entendu mentalement, d'autant plus que cela est évident de par le contexte. " –
The New Thayer's Greek English Lexicon of the New Testament, p. 177.
Le contexte littéraire de Jean 8:24 montre à l'évidence que Jésus ne s'identifiait pas à son Père:
"
Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme, alors vous connaîtrez ce que je suis [grec: ego eimi], et que je ne fais rien de moi-même, mais que je parle selon ce que le Père m'a enseigné. Celui qui m'a envoyé est avec moi; il ne m'a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui est agréable" - Jean 8:28,29;
Segond, 1910.
Bien cordialement,
Didier