Le Coran est incréé
Selon le Coran, l'ange Gabriel (Jibraïl) aurait eu pour mission de faire descendre le contenu du Coran céleste et de le transmettre à Mahomet.
« Ceci est, au contraire, un Coran glorieux écrit sur une table gardée ! »
— Le Coran (LXXXV ; 21-22)
« Le Coran est la parole de Dieu révélée à Son prophète et transcrite sur les pages du Livre. »
— Ibn Khaldoun, Le livre des exemples. Muqaddima VI, X
C'est la tradition sunnite exprimée par Ibn Khaldoun. Elle laisse entendre qu'il y a un original dont le Coran matériel est la transcription partielle, le livre mère, Oum El Kittab, évoquée dans le Coran.
Du point de vue ésotérique, le Coran matériel ne serait que la représentation physique, une sorte de réplique, d'un Coran supérieur, occulté aux yeux du profane, un Coran enregistré sur une Table gardée (اللَوْح المَحْفوظ [al-lawḥ al-maḥfūẓ], « la tablette préservée ») (Le Coran LXXXV; 21-22), un livre caché (كِتَاب مَّكْنُون [kitāb mmaknūn], « livre caché ») (Le Coran LVI ; 78) et que le Coran décrit comme « la Mère du Livre » (« mère » doit être pris dans le sens « qui contient », tournure souvent rencontré en arabe)(أَمّ الكِتَاب [umm al-kitāb], « mère du livre ») (Le Coran III ; 7).
« Ha, Mim.
Par le Livre clair !
Oui, nous en avons fait un Coran arabe !
– Peut-être comprendrez-vous –
Il existe auprès de nous, sublime et sage, dans la Mère du Livre. »
— Le Coran (XLIII ; 1-4)
Une querelle théologique a éclaté au IXe siècle entre le mouvement motazilite qui était un ardent défenseur de l'unicité divine et qui donc prêchait le dogme de la création du Coran (Coran créé) pour éviter que ne soit associé quoi que ce soit à Allah aussi connu sous le nom de Ahl al 'aql (les gens de la raison) et le mouvement des ahl al naql (les gens de la transmission), qui prêchaient que le Coran est la parole de Dieu (Coran incréé). Le premier courant fut instrumentalisé sous le califat de al Ma'mun contre le second ce qui conduisit notamment à l'emprisonnement de Ahmed ben Hanbal et le second mouvement prit sa revanche sous le califat de son successeur Jafar al-Mutawakkil qui persécuta les partisans du premier mouvement. Ils disparurent peu de temps après.
Le dogme de l’inimitabilité du Coran
Dans la religion musulmane, le Coran est vu comme parfait (car œuvre divine), et donc absolument inimitable. C'est le dogme de l'inimitabilité du Coran.
Déjà du vivant de Mahomet, Musaylima déclarait recevoir des révélations et rédigeait notamment une "sourate" imitant maladroitement la sourate "L'éléphant". Il récitait : "Ou l'éléphant. Quel éléphant. Qui te dira quel est l'éléphant ? Il a une longue trompe." ibn Kathîr cite cela dans son exégèse du Coran. La sourate l'éléphant approximativement rendu en français est la suivante : « 1. N’es-tu pas témoin de ce que Ton Seigneur a fait des gens avec l’éléphant ? 2. N’a-t-il pas déjoué leur stratagème ? 3.Et envoyé vers eux les oiseaux nommés Abâbîl. 4. Qui leurs lançaient des pierres en argile. 5. Et Il en a fait comme un champ ravagé. ».
Il semble que cette idée ait été développée à partir du 2e siècle de l'histoire de l'islam[14]. Ce dogme concerne autant le contenu que la forme. Et c'est le Coran lui-même qui l'énonce dans plusieurs versets, parmi lesquels le suivant :
« dis : "Si les hommes et les djinns s'unissaient pour produire quelque chose de semblable à ce Coran, ils ne produiraient rien qui lui ressemble, même s'ils s'aidaient mutuellement." »
Le Coran (XVII ; 88)
En d'autres versets (par exemple, II:23, X:38, XI:13), le défi est également lancé, en plusieurs fois, aux plus éloquents des Arabes de forger quelque chose de semblable au Coran. Pourtant, vers 786, sous le règne du Calife abbasside al-Hâdî, quelques lettrés auraient tenté de relever ce défi. Au bout d'un an, ils n'auraient pas pu produire l'équivalent d'une sourate. C'est ce que prédisait les versets suivants :
« Si vous êtes dans le doute au sujet de ce que nous avons révélé à notre serviteur, apportez-nous une sourate semblable à ceci ; appelez vos témoins autres que Dieu, si vous êtes véridiques.
« Si vous ne le faites pas — et vous ne le ferez pas — Craignez le feu. »
Le Coran (II ; 23-24)
Le Coran est œuvre parfaite selon deux versets : "Rien n'y a été oublié" (Le Coran, VI, 38 ; XVI, 91)
Le caractère inimitable du Livre va permettre de fixer la langue arabe, et de développer toute une science du discours et de la rhétorique, surtout avec un certain al-jorjani vers le XIe siècle (cf. dala'il al-i'jaz ou les preuves de l'inimitabilité) ; mais il va aussi contribuer à retarder la traduction du Coran dans d'autres langues.
Selon l'historien Maxime Rodinson, ce dogme de la perfection du style coranique a été mis en cause, y compris dans l'Islam : « il n'a pas manqué d'esprits libres en Islam pour mettre en doute cette incomparabilité du texte coranique. »[15]. Cette perfection serait culturellement ressentie par les musulmans, comme pour tout « texte dont on a été bercé depuis l'enfance ». « La beauté du style coranique a été contestée par ceux qui, pour une raison ou une autre, échappaient à l'envoûtement collectif ». Grand spécialiste des civilisations sémitiques et fin connaisseur de l'arabe, Theodor Nöldeke a écrit un gros article sur les défauts stylistiques du Coran[16].
12 ↑ Interview de Silvia Naef par Sarah Sholl, L'écriture du Coran a été un long cheminement, article paru dans Le Courrier, 10 août 2002 :
[archive]
13↑ Introduction à l'étude coranique par le Centre d'Etudes et de Recherches sur l'Islam (CERSI) [4] [archive]
14↑ Le dilemme de l’approche littéraire du Coran, Nasr Hâmid Abû Zayd., [5] [archive]
15↑ Maxime Rodinson, Mahomet, Essais Seuil, 1994, p.119
16↑ Maxime Rodinson, Mahomet, Essais Seuil, 1994, p.120