Kahina, merci de me répondre :
Il faut comparer ta version du verset 24.31 avec d’autres versions du Coran, même la version de
justeabdel est déjà sensiblement différente de la tienne. Comparons :
1. Version
kahina (oumma.com): « aux garçons impubères qui ignorent tout des parties cachées des femmes »
2. Version de
justeabdel : « ou garçons encore ignorants de l'intimité des femmes »
3. Version
Monneret : « ou aux garçons impubères » ;
4. Version
Grosjean : « ou aux impubères »
Ma première remarque porte donc sur le fait que tu utilises une version périphrasée du Coran. Une version périphrasée est une version où on traduit un mot en arabe par toute une phrase en français (dans ton cas 1 mot arabe = 8 mots en français). C’est une pratique discutable car elle peut cacher des choix doctrinaux. Ces choix doctrinaux devraient toujours être explicités et ces périphrases devraient être signalées en
italique ou [entre crochets] au risque de tromper les lecteurs.
Non, Muhammad n’a littéralement pas parlé des «
parties cachées des femmes » ce qui serait une indication précise, mais seulement de garçons impubères, c'est-à-dire qui n’ont pas développé leurs caractères sexuels secondaires. C’est complètement différent. Je dis donc bien que les mots : les «
parties cachées des femmes »
ne sont pas du tout écrit dans le Coran au verset 24.31. Toute interprétation à partir de cet
addition de la traduction est abusive.
Mais la question n’est pas là :
-
Triple X a posé une question : musulmanes pourquoi portez-vous le voile (tête) ?
- Pour ma part, je suis intéressé à connaître toutes les traditions qui sont venues expliquer et, pratiquement, compléter le Coran après la mort de Muhammad. J’aimerais avoir la citation des hadith en entier, par exemple celui de
Asma Bînt Mirthad que tu cites et que je n’ai pas trouvée sur le net. Je ne conteste pas, j’essaie simplement de comprendre la
mécanique intellectuelle qui a mené de ce verset à un obligation étendue et qui est considérée comme une norme indiscutable par la plupart des musulmans pratiquants, par ex au Maroc où j’ai un peu travaillé.
Il y a la question de savoir effectivement ce que sont les
atours de la femme. Je crois qu’en bonne pratique exégétique, il faudrait se référer au Coran lui-même pour expliquer ce terme et non à un dictionnaire quelconque 15 siècles plus tard. A la rigueur on pourrait recourir à des textes contemporains de Muhammad. Il y a là encore un risque de faire un commentaire qui soit une
addition par rapport au contenu intrinsèque du Coran. C’est une pratique à éviter, parce que manquant de rigueur.
Le commentaire de Monneret (Les Grands Thèmes du Coran. Préface de la Mosquée de Paris) sur ce verset 24.31 est le suivant : « le voile,
hijâb doit cacher la poitrine et les atours des femmes … ». Cette note suggère que le mot hijâb figure dans ce verset, ce qui n’est pas le cas. Ce mot figure au verset 33.53.
Ce commentaire
assez orienté renvoie au
cadre de la discussion sur le voile islamique. Ce cadre est défini limitativement dans le Coran, comme je l’ai dit plus haut, par trois occurrences, au total 10 versets : 33. 53-55 (dans ces versets, le mot est
hijâb au sens de rideau ou tenture), 33.57-61 (dans ces versets le mot est :
jilbâb au sens de jellaba, kaftan ou mante) et 34.30-31 (dans ces versets, le mot est :
khimâr, au sens de voile sur le décolleté). Je répète que le mot cheveu (
sha'ar) n'existe pas dans le Coran, donc aucune prescription de se couvrir les cheveux ne peut y figurer. L’interprétation rigoureuse de cet ensemble de trois occurrences serait facile si on retrouvait le même mot dans les trois versets, mais ce n'est pas le cas : chaque verset emploie un mot différent. Interprétation difficile, donc. On comprend que les juristes aient voulu
tout niveler, mais c’est pour des raisons doctrinales tirés de considérations étrangères à ces 10 versets et
non à partir du contenu intrinsèque de ces 10 versets. Ce contenu intrinsèque, à première vue, se limite à des règles de bienséance et de pudeur bien ordinaires : protéger des regards par des rideaux les femmes de Muhammad, rabattre les pans du kaftan (probablement sur les jambes) et mettre un voile sur les seins. Pas de quoi en faire une
branche de la foi islamique … sauf
additions de la Sunna et du au texte du Coran.
J’ai ces 10 versets sous les yeux. Le première occurrence concerne les appartements de Muhammad et l'ordre s'adresse aux invités ... qui ne doivent pas essayer d'épouser ses femmes après lui. Pour les deux autres occurrencs, il est excessif de dire que Muhammad a donné un ordre ou a fait une prescription définitive ; Muhammad donne un injoction ou un conseil dont l'autorité n'est pas explicitée – sauf pour ses propres femmes, bien entendu. Pas de mot
cheveux, donc même pas de conseil de se couvrir la tête !
Pour finir je cite M. Ralph Stehly, Professeur d’histoire des religions de l’Université Marc Bloch de Strasbourg dit ceci en substance : « la tenue vestimentaire en islam repose plus sur une tradition sociale qui se transmet de génération en génération que sur des textes sacrés explicites. Le Coran en parle très peu. Il faut chercher dans les ouvrages de la Sunna ou dans les manuels de fiqh. Les manuels de fiqh (charia) ont beaucoup de mal à justifier leurs conceptions vestimentaires ou leur conception de la décence par des textes sacrés explicites. Source :
http://stehly.chez-alice.fr/foipraxis.htm.
En un mot, le problème est que le texte du Coran n’est pas explicite et qu’il a fallu le compléter, c'est-à-dire que la Sunna a rendu cohérents les 10 versets – ci-dessus-
alors qu’ils ne le sont pas dans le Coran. Maintenant est-ce que les musulmans modernes peuvent revoir (réviser) ce qui a été lié par les premières générations après Muhammad – tout en respectant le Coran ?