Tguiot a écrit : 1. Il faut arriver à établir un parallèle étroit entre la machine qu'on souhaite améliorer et un être vivant. Il faut donc pouvoir établir un certain nombre de dimensions, caractéristiques susceptibles d'être transformées, lesquelles choisir? toutes? quelques-unes? Dans un micro-ondes: inclut-on la forme? les dimensions physiques? la forme et taille du grillage pour la cage de Faraday? La puissance des ondes? Leur fréquence? L'emplacement de la source? Mono- ou multisources? Emplacement du transfo?
Il faut introduire la mutation minimale de chaque caractéristique.
Il faut déterminer des critères permettant la sélection. Comment évaluer l'efficacité d'un micro-ondes? Température d'un litre d'eau après 1minute d'exposition? Temps nécessaire pour atteindre telle température? Sur quel matériau? Puissance utilisée?
Bonjour Tguiot, je pense que sur ce point, tu as toi-même donné la réponse. Il y a deux façons de concevoir l’utilité de telles applications :
- soit dans un but commercial et lucratif en disposant ainsi d’une nouvelle méthode d’innovation, qui plus est certainement bien moins coûteuse que les bureaux d’étude et les départements recherche et développent actuels.
- soit dans un but scientifique pour vérifier la capacité des processus darwiniens à faire évoluer un état X vers des formes de plusieurs ordres de grandeur plus complexes que X.
Dans les deux cas, le meilleur moyen de parvenir à ses fins est d’imiter de façon la plus précise possible les mécanismes darwiniens. Il me semble donc qu’il faille intégrer l’appareil le plus globalement et le plus précisément possible. Donc effectivement, il faut utiliser tout ce qui a permis de fabriquer l’appareil, tout ce que ses plans décrivent, de sa taille et sa forme aux matériaux utilisés en passant par les caratctéristiques des ondes, de la source etc.
Quant aux critères d’efficacité, on peut facilement en imaginer un certain nombre : rapidité et harmonisation du chauffage (je veux cuire mon poulet en deux secondes et qu’il ne soit pas cramé à l’extérieur et cru à l’intérieur), nombre de fonctions de l’appareil (grill, programmateur automatique, prévision de la météo à trois jours, distributeur de pétards etc.), hergonomie, facilité d’utilisation (écran tactile, commandes vocales ou par la simple pensée), mise en réseau avec les autres appareils de la maison à commencer par l’ordinateur (je veux que mon poulet soit cuit pour le début du feuilleton TV) etc.
Tguiot a écrit : 2. Temps de computation. Il est sans doute vrai que si l'on souhaite tirer le meilleur parti de l'approche évolutionniste, il faut un modèle le plus complet possible. Il n'est pas dit qu'avec un tel modèle, le millier de générations puisse se calculer en un temps relativement court! Plus la complexité d'un modèle est grande, plus les temps de calculs sont longs.
Heureusement, nos ordinateurs sont de plus en plus puissants.
Oui, là aussi tu as donné la réponse : comme nos ordinateurs sont déjà très puissants en le seront de plus en plus (c’est la loi de Murphy je crois ?), on peut donc effectuer en une journée l’équivalent de milliers d’années de mutations dans la nature (voire bien plus) ; ajouté au fait que la sélection humaine va beaucoup plus vite que la sélection naturelle puisqu’elle est dirigée (d’un facteur d’au moins un pour mille).
Je pense que là, c’est un faux problème.
Tguiot a écrit : 3. C'est surtout ici que je tiens à mettre l'accent: l'approche évolutionniste est une approche heuristique! Quelle pourrait bien être la justification d'une approche heuristique lorsque l'optimalité est calculable de façon tout à fait classique? Les mathématiques offrent de puissants outils de calculs d'optimaux, et il n'est nul besoin de recourir à d'autres méthodes.
L’intérêt est tout simplement que les calculs d’optimaux n’ont jamais permis d’innovation. Avec des calculs d’optimaux, on peut certes complexifier un état X, mais en aucun cas innover d’un état X à un état de plusieurs ordres de grandeurs (ne serait-ce que d’un seul) plus grands que X.
Bref, si l’on n’avait jamais eu d’approche « heuristique » (j’ai dû aller chercher dans le dico) par le passé, nous n’aurions toujours pas inventé la maîtrise du feu…
L’innovation humaine EST en majeure partie une approche heuristique (naissance du moteur à explosion, de l’ordinateur, d’internet etc.)
Le résultat des tentatives effectuées par le passé dans l’application des mécanismes darwiniens a donc permis de montrer qu’un algorithme génétique ne pouvait pas non plus innover d’un état X à un état de plusieurs ordres de grandeurs plus grands que X. Pour en revenir au sujet de départ, c’est là que réside tout le problème du darwinisme. Nous en revenons à la différence fondamentale entre un simple algorithme génétique et un algorithme de contrôle optimal comme celui de Dawkins où l’on connaît déjà le but à atteindre (la phrase de Shakespeare en l’occurrence).
Tguiot a écrit : Je me souviens de cette vidéo où Dawkins présentait justement un algo génétique évolutionniste pour calculer une forme d'aile permettant de répartir au mieux les flux d'air. D'un point de vue ingénierie, c'est un résultat connu par des calculs tout à fait traditionnels depuis un bout de temps. Il s'agissait de voir si l'évolution était capable de trouver la solution également. Alors il a mis des bouts d'aile ensemble, reliés par un joint permettant de contrôler l'angle entre un bout et le bout suivant. Il disposait d'une table des angles, et les valeurs pouvaient muter aléatoirement (dans un certain range). Ils faisaient alors des tests sur le résultat de plusieurs descendants mutés (en mesurant par exemple la vitesse de l'air et la présence de vortex) et ne gardaient que ceux qui faisant les meilleurs scores. En répétant l'opération, ils sont arrivés finalement (je ne pourrais pas te dire le nombre de générations) au même résultat que les ingénieurs avec leur calcul. C'est cool, ça montre que le principe est pas mauvais, mais tout de même quand on peut faire plus simple...
Mais sinon, dans des cas où l'approche heuristique est nécessaire parce que justement c'est le calcul "standard" des optima qui est impossible, alors on peut avoir recours à plusieurs méthodes. Celle incluant les principes évolutifs me plaît beaucoup, mais ce n'est pas une panacée du tout.
Je crois que si tu te renseignes, tu trouveras des exemples d'application industrielle où on inclut les mécanismes évolutifs.
Oui, si l’on reste dans un même état, si l’on ne cherche qu’à produire une aile (plus performante) à partir d’une aile, un algorithme génétique fonctionne… mais comme tu le dis très bien, nous savons déjà faire bien plus simple : nos ordinateurs sont déjà assez puissants pour produire en quelques jours des millions de générations d’un objet complexe.
Par contre, il est un domaine de plus en plus utilisé dans la recherche et le développement industriel (et notamment dans le domaine des énergies renouvelables) qui est de s’inspirer ce que fait la nature. L’exemple du Stade Olympique (qui imite un nid d’abeilles) de Pékin en est un, et il me semble que l’aéronautique n’a pas manqué d’imiter justement les profils d’ailes de certains oiseaux pour les reproduire sur les avions. Les exemples sont innombrables.
Je me permets de recopier ci-dessous un post que j’ai envoyé hier mais qui est passé à la trape parce que complètement noyé dans le flot des considérations extra-scientifiques des jumeaux Pat.
Tom Nisciant a écrit :Pour ce qui est des cafards, espèces réputée pour ses impressionnantes résistances aux contraintes, leur ressemblance avec des fossiles vieux de 100 MA est-elle une surprise ?
Non, monsieur.
On peut aisément considérer qu'ils ont acquis une forme stable, efficace, adaptée, résistante et par voie de conséquence : persistante.
Je suis d’accord : si les cafards n’ont plus évolué, c’est effectivement certainement parce qu’ils ont atteint une forme stable et énergétiquement favorable. Une forme correspondant à une structure sous jacente déterminée par les lois de la physique. Donc une des formes dont le nombre total pouvant exister est fini, comme pour les atomes.
Alors si les cafards ont atteint cette sorte d’archétype, si cette forme était inévitable du fait de sa prédestination due aux lois de la physique (comme pour les cristaux de neige par exemple qui auront toujours six branches), veux-tu bien m’expliquer ce que vient faire le hasard là-dedans ?
Tom Nisciant a écrit :Toutefois rien ne nous prouve que les cafards actuels partagent avec leurs ancêtres autre chose que leur organisation générale ; en effet les fossiles de 100MA se prêtent mal aux analyses moléculaires. Les gènes des cafards actuels ont fort bien pu évoluer de manière considérable sans révolutionner la forme de leur corps. Nul ne prétend que "capacité de muter" soit égal à "capacité d'évoluer", les facteurs de l'environnement, et notamment les phénomènes de compétition, sont cruciaux.
Si, selon le darwinisme il y a évidemment équivalence entre « capacité à évoluer » et « capacité à muter » puisque selon la théorie, le hasard des mutations est l’un des deux seuls facteurs déterminant l’évolution (l’autre étant la sélection). Cependant il s’agit de différencier deux types de mutations (bien illustrées par la théorie de Gould) :
- Les micromutations qui se produisent en permanence au sein de toutes les espèces sans en modifier le phénotype, sans que cela produise un changement d’espèce : les moustiques sont devenus résistant au DDT tout en demeurant des moustiques, les bactéries pathogènes sont devenues résistantes aux antibiotiques tout en demeurant des bactéries, Homo Sapiens grandit et perd ses poils tout en demeurant Homo Sapiens etc. Les phénomènes darwiniens expliquent parfaitement les micromutations et je n’ai absolument rien à redire là-dessus. Les micromutations sont de façon logique proportionnelles à la fréquence de mutation. En ce qui les concerne donc, « capacité à évoluer » correspond à « capacité à muter ».
- Les macromutations (non reconnues par le darwinisme) qui, elles, sont des « sauts » d’une espèce à la suivante. C’est là que le hasard et la sélection sont impuissant à rendre compte du phénomène. C’est là que les algorythmes génétiques sont loin d’égaler les prouesses de l’évolution. C’est là qu’il existe des « chaînons manquants », et pour cause ! Comment passer d’un invertébré à un poisson ? Comment passer d’un singe à un homme ? Gould affirme dans « Le pouce du panda » qu’il y a eu pour de telles transitions de véritables sauts, c’est-à-dire des modifications se produisant en une génération. Et c’est là qu’interviennent les lois de la physique avec leurs formes archétypales. On passe d’une forme incontournable à une autre. « Capacité à évoluer » n’a là plus rien à voir avec « capacité à muter ».
Ainsi les cafards ont certainement subi nombre de micromutations depuis 100 millions d’années, mais pas une seule macromutation.
Tom Nisciant a écrit : Je considère qu'un argument aussi creux montre la faible compréhension des principes de base. C'est l'attaque du type : « Si l'homme descend du singe, pourquoi il y a encore des singes ? », en un peu plus... évolué.
L’argument de l’incompétence, de l’incompréhension, revient souvent chez les défenseurs du darwinisme. Cependant, l’ « argument creux » que je cite et que tu dénonces ne provient pas de moi mais de Pierre-Paul Grassé qui est l’un des plus grands zoologiste du XXe siècle.
Pour Pierre-Paul Grassé, « l’orthosélection, imaginée par Plate, n’est pas de mise, car elle ne peut fonctionner que si les mutations se produisent selon un certain ordre, ce qu’on n’observe jamais. » Ainsi dit-il à propos de l’ouvrage Horses de George Gaylord Simpson, que son auteur « fait de l’orthogenèse comme M. Jourdain faisait de la prose, sans le savoir. » Dans L’Evolution du Vivant (1973), il tente de mettre en lumière des phénomènes positifs non en faveur de l’orthogenèse, mais bien plutôt en faveur de ce qu'il appelle l'« évolution orientée ». En effet, pour lui l'évolution n'est pas dirigée dans un sens précis, encore moins programmée, elle est buissonnante et en quelque sorte expérimentale : elle trouve son chemin en tatonant.
L’émergence des Mammifères constitue pour Grassé le meilleur exemple d’évolution orientée. Elle montre qu’il existe des tendances évolutives majeures et que le hasard et la sélection naturelle ne sont pas seuls responsables du transformisme.
Les critiques adressées par Pierre-Paul Grassé à l'encontre du néo-darwinisme se sont régulièrement révélées pertinentes (elles furent par exemple entérinées par la théorie de Kimura sur les mutations neutres).
http://fr.wikipedia.org/wiki/Orthogen%C3%A8se
Tom Nisciant a écrit : Quand à l'idée d'une orientation de l'évolution... Le principe anthropique ne peut convaincre que ceux qui sont convaincus avant même que de le comprendre.
Les nombreuses extinctions, les formes extravagantes de certaines espèces disparues ou encore vivantes sont là pour nous montrer que la nature est capable de tout et n'importe quoi. Si la systématique ne cesse de revoir sa manière de classer les espèces, c'est bien parce que l'évolution est touffue, imprévisibles, surprenante.
Tu considères donc qu’il est plus probable que les premiers mammifères qui ressemblaient à des souris puissent se transformer en fauves et en hominidés plutôt qu’ils se retransforment en reptiles thériodontes dont ils viennent juste d’être issus ? Eh bien pas moi.
Puisqu’il est prouvé que :
- Le carbone est de très loin le meilleur atome pour élaborer des systèmes complexes.
- L’eau est de très loin le liquide le mieux adapté à la vie basée sur le carbone.
- Le bicarbonate est de très loin le meilleur tampon pour la vie à base de carbone.
- La seule région du spectre de la lumière du Soleil qui puisse traverser non seulement l’atmosphère, mais également l’eau, est celle qui est la plus utile pour la vie,
tu considères donc que toutes ces « coïncidences » sont le fait du hasard ? Eh bien pas moi.
S’agissant des « formes extravagantes de certaines espèces disparues ou encore vivantes » que tu évoques, considères-tu Néanderthal comme une de ces formes extravagantes ? Les fleurs peut-être, elles qui sont si fragiles (mais tellement belles) ? Ou peut-être les reptiles thériodontes qui étaient dotés d’une double articulation de la mâchoire qui ne leur servait à rien mais qui fût indispensable plus tard à la formation de l’oreille interne des mamifères (argument sur lequel je ne t’ai pas entendu répondre d’ailleurs) ?
De quelles « formes extravagantes » parles-tu ?
Non mon cher, la nature nest pas « capable de tout et n'importe quoi » si, chose avec laquelle tu m’as dit être d’accord, les formes possibles du vivant sont déterminées par les lois de la physique, donc d’un nombre fini.
Tom Nisciant a écrit : Si un dessein (intelligent qui plus est) était à l'oeuvre, les biologistes auraient moins de boulot !
L’intelligent deseign est une variation du créationnisme qui n’a donc rien à voir avec l’évolutionnisme. Où as-tu vu que je défendais une telle position ? Il est inutile de te prêter à ce genre d’allusion douteuse.
Même en considérant l'émergence de l'espèce humaine très improbable, il n'en reste pas moins que l'événement a eu lieu. Contrairement à ce qu’affirmait Jacques Monod (« Le hasard et la nécessité »), l’univers était bien « gros » de la vie puisqu’elle est apparue. Toute la question est de savoir quelle était la probabilité que cette « grossesse » soit menée à son terme.
Hors, en considérant par exemple les fabuleuses « coïncidences » indépendantes les unes des autres concernant le carbone, l’eau, le bicarbonate et le soleil dont je t’ai fait part (sans parler de la valeur des constantes de couplage entre les quatre forces qui « tombe » parfaitement bien, ou encore la valeur de la densité initiale de l’univers par rapport à sa vitesse d’expansion), il est en effet loin d’être illogique de penser que tout était fait à la base pour favoriser l’apparition de la vie, puis d’êtres conscients d’eux-mêmes, non ?
A ce moment-là, l’idée d’un « régleur » en amont du big bang se fait non pas a priori, mais a posteriori. Pourquoi une telle hypothèse, en dehors de toute considération culturelle, te paraît-elle aussi horrible ? Pourquoi l’hypothèse du hasard-tout-puissant (ma foi pas si crédible que cela) est-elle plus douce à tes oreilles ?
Tguiot a écrit : Au fait, pauline, à propos des ouvrages vulgarisateurs qui répondent à tes questions, je crois que tu pourras trouver ton compte dans les ouvrages de Gould. Je ne les ai pas lus moi-même, mais j'ai lu des compte-rendus qui semblent correspondre à ce que tu recherches.
Gould est le théoricien des macromutations dont je fais état plus haut. Pour défendre le darwinisme, je crains qu’il faille trouver mieux.
Tguiot a écrit :Et à part ça, je me demandais aussi si tu avais des alternatives à proposer par rapport aux évolutions pour lesquelles l'explication néodarwinienne ne te satisfait pas. Par exemple, pour le cou de la girafe, que proposes-tu qui explique autant et plus que l'explication néodarwinienne?
L’explication de Denton alliée à celle de Gould concernant des sauts d’une espèce à la suivante en une génération (macromutation) pour passer d’une structure sous jacente (déterminée par les lois de la physique) à une autre, d’une forme énergétiquement stable à une autre, d’un archétype à un autre n’est-elle pas bien plus explicative que le hasard et la sélection (qui demeurent indispensables pour les micromutations sans modification du phénotype) ?
Ainsi les choses me paraîssent-elles bien plus crédibles ainsi :
- les mécanismes darwiniens pour les micromutations (pas de changement du phénotype, pas de changement d’espèce),
- les mécanismes de Gould et Denton pour les macromutations (changement de phénotype, changement d’espèce).