Loi Judaique, Loi Islamique : Pourquoi des differences ?

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Le dialogue interreligieux est une forme organisée de dialogue entre des religions ou spiritualités différentes. Ultérieurement, la religion a considéré l'autre comme n'étant pas la vérité révélée. C'est ainsi que les premiers contacts entre l'islam et le christianisme furent souvent difficiles, et donnèrent lieu à des guerres impitoyables comme les croisades.
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rayaan

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Loi Judaique, Loi Islamique : Pourquoi des differences ?

Ecrit le 31 mai13, 02:19

Message par rayaan »

Un message que j'ai reçu :

Étant un étudiant en religion, j'ai pu constater que le Coran se présente comme confirmateur des Ecritures bibliques révélées par Dieu avant lui. Voici les textes coraniques relatifs à cette affirmation sans équivoque : "Dieu t'a envoyé le livre contenant la vérité (le Coran) et qui confirme les Écritures qui l'ont précédé. Avant lui il fit descendre la Torah et l'Évangile pour servir de direction aux hommes. Il a fait descendre le livre de la Distinction (le Coran)" (Coran 3:5) ; "Et sur toi (Muhammad) Nous avons fait descendre le Livre (le Coran) avec la vérité, pour confirmer le Livre qui était là avant lui et pour prévaloir sur lui. Juge donc parmi eux d'après ce que Dieu a fait descendre !" (Coran 5:48).

Toutefois, ce qui me pose problème c'est que je me rends compte qu'ensuite le Coran, au lieu de confirmer les Écrits de la Bible hébraïque comme il serait censé le faire d'après ses propres affirmations, fournit des éléments qui diffèrent de ces Ecrits, et ce à propos de plusieurs points. N'est-ce pas étrange que le Coran dise confirmer la Bible hébraïque puis la contredise ? A quelle conclusion pensez-vous que je devrais normalement en arriver en constatant un tel état de choses dans le Coran ? C'est pourquoi je dis que le Coran n'est qu'une monumentale contradiction !

Évidemment, vous arriverez toujours avec cet argument pitoyable qui consiste à dire que la Bible a été modifiée au cours des siècles. Mais c'est un argument sans aucun fondement, car vous n'avez aucune preuve de ce que vous avancez. Alors, ne venez pas me raconter d'histoires en me disant que le Coran confirme les "grands principes" des livres précédents, alors qu'il n'en fait absolument rien !

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Réponse :

La réponse, en résumé, est en deux parties...

D'une part ceux des livres d'origine divine qui composent la Bible hébraïque ne sont plus intégralement authentiques. Non pas qu'ils aient été falsifiés, mais qu'ils n'ont pas pu être préservés intégralement dans leur authenticité. Seule une partie d'eux est restée authentique.

D'autre part, même cette partie authentique, les musulmans ne s'y réfèrent pas pour en extraire des croyances ou des normes à appliquer dans leur vie, puisque la teneur de ces livres a été abrogée, étant donné qu'ils constituent des révélations antérieures. Par contre, ils s'y réfèrent pour les récits historiques, du moment que ceux-ci ne contredisent pas ce que le Coran ou la Sunna disent...

Explications détaillées de cette synthèse ci-après...

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Quelques versets coraniques sur le sujet :

Dieu dit : "Il [= Dieu] a fait descendre sur toi le livre [= le Coran] avec la vérité, qui déclare véridique l'Écriture qui l'a précédé. Avant lui [= le Coran], Il a fait descendre la Torah et l'Évangile pour servir de direction aux hommes. [Ensuite] Il a fait descendre le livre de la Distinction [= le Coran]" (Coran 3/2).

Dieu dit aussi : "Et sur toi [ô Muhammad] Nous avons fait descendre le Livre avec la vérité [= le Coran], qui déclare véridique l'Ecriture avant lui et qui prévaut sur elle. Juge donc parmi eux d'après ce que Dieu a fait descendre" (Coran 5/48).

Dieu dit encore : "Comment te demandent-ils d'être arbitre alors qu'ils ont auprès d'eux la Torah, dans laquelle se trouve le jugement de Dieu, puis se détournent après cela ?" (Coran 5/43)

Dieu dit : "Puis, lorsque la vérité leur est venue de Notre part, ils ont dit : "Si [au moins] il [= Muhammad] avait reçu la même chose que Moïse !" [Mais] n'ont-ils pas, auparavant, rejeté la croyance en ce que Moïse a reçu ? Ils ont dit [du Coran et de la Torah] : "Deux magies se soutenant !" et dit : "Nous ne croyons en aucun (des deux) !". Dis-leur : "Si vous êtes véridiques, apportez donc une Ecriture venant de Dieu qui soit meilleur guide que ces deux-là, et je la suivrai." Mais s'ils ne répondent pas, sache que c'est seulement leurs désirs qu'ils suivent. Et qui est plus égaré que celui qui suit ses désirs sans (se référer à) une direction de la part de Dieu ?" (Coran 28/48-50).

Dieu dit encore : "Malheur, donc, à ceux qui écrivent de leurs mains l'écriture, puis disent : "Cela provient de Dieu", afin d'acquérir par cela un petit prix. Malheur à eux, donc, à cause de ce que leurs mains ont écrit, et malheur à eux à cause de ce qu'ils (en) acquièrent" (2/79).

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Avant-propos :

Le Coran parle de l'Ecriture révélée avant lui ("kitâb").
Le Coran cite nommément la Torah ("Tawrâh"), les Psaumes ("Zabûr"), l'Evangile ("Injîl").
Le Coran parle aussi d'une prophétie présente dans l'Ecriture ("Kitâb") (Coran 17/4) : il s'agit, d'après les recherches de Cheikh Syôhârwî, des Ecritures dites "Neviim" : les passages relatfs à cette prophétie sont dans Isaïe, Jérémie, Ezéchiel et Zacharie (il s'agit d'un autre Zacharie que le père de Jean-Baptiste) (cf. Qassas ul-qur'ân 3/88-91).

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Qu'est-ce que la Torah ?

La "Torah" signifie "Loi", ou plutôt "Enseignement" : c'est le nom donné à ce qui est appelé le "Livre de Moïse", lui-même composé de cinq livres : la Genèse, l'Exode, le Lévitique, le Deutéronome, les Nombres.

Il est à noter que parfois le terme "Torah" désigne non pas seulement "le livre de Moïse" mais un ensemble de livres :
– "la Torah" proprement dite,
– les 8 livres dits "Neviim" ("les prophètes") : Josué, Juges, Samuel, Rois, Isaïe, Jérémie, Ezéchiel ; et les Douze prophètes (les catholiques, avec quelques différences quant aux livres, nomment la première partie des Neviim : "les Livres Historiques", et la seconde partie : "les Livres Prophétiques"),
– les 11 livres dits "Ketouvim" ("les livres") : les Psaumes, le Cantique des Cantiques, Ecclésiaste, Lamentations, Esther, Daniel, Esdras, Chroniques (les catholiques nomment ces livres – avec quelques différences – "les Livres poétiques").
Cet ensemble de livres est désigné sous le nom de "Tanak" (mot formé par la première lettre de chacun de ces groupes de livres : T, N et K).

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1) Qu'est-ce que le Coran déclare véridique dans ces Ecritures ?

Le Coran déclare donc que la Torah, les Psaumes ainsi que d'autres Ecritures ont été révélés par Dieu à des prophètes ; et il affirme que lui, le Coran, "déclare véridique l'Ecriture l'ayant précédé".

Mais de quoi parle-t-il exactement, quand il dit cela ?

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– 1.1) Quand le Coran déclare véridique ces Ecritures, de quoi parle-t-il exactement ?

Quand le Coran "déclare véridique" – c'est-à-dire relevant du message de Dieu destiné à l'orientation des hommes – Torah, Neviim et Ketouvim, il parle seulement de la partie originelle de ces Ecritures, toujours présente dans ces Livres religieux : il s'agit de :
– la Parole de Dieu que Celui-ci a révélé à ces messagers et qui est consignée dans ces Ecritures,
– ainsi que les paroles et des actes que ces messagers ont réellement dites et faites en tant que voie à suivre par leurs disciples et qui sont relatés dans ces Ecritures.

Comment pouvons-nous, nous musulmans, dites-vous, affirmer qu'il se trouve dans le texte actuel de la Tanak des éléments qui ne se trouvaient pas dans le texte révélé par Dieu à ceux de Ses prophètes aux noms de qui ces livres se rattachent ?

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– 1.2) En effet, comment, nous musulmans, pouvons-nous dire que toute la Tanak n'est pas authentique ?

En voici une preuve très simple : le 34ème chapitre du Deutéronome ne peut pas relever de ce que Dieu a révélé à Moïse, puisque y sont relatés… la mort de Moïse et l'endroit où il fut inhumé. C'est forcément un homme postérieur qui a relaté cet événement, et son témoignage a été intégré au texte dit "Torah".

Une autre preuve : selon le texte de la Genèse, Noé eut son fils Sem (ainsi que ses autres fils Cham et Japhet) à l'âge de 500 ans (3/32) ; Sem eut son fils Arpakshad à l'âge de 100 ans (11/10) ; Arpakshad eut son fils Shélah à l'âge de 35 ans (11/12) ; Shélah eut son fils Eber à l'âge de 30 ans (11/14) ; Eber eut son fils Pèleg à l'âge de 34 ans (11/16) ; Pèleg eut son fils Réou à l'âge de 30 ans (11/18) ; Réou eut son fils Seroug à l'âge de 32 ans (11/20) ; Seroug eut son fils Nahor à l'âge de 30 ans (11/24) ; Nahor eut son fils Tèrah à l'âge de 29 ans (11/24) ; Tèrah eut son fils Abram (Abraham) à l'âge de 70 ans (11/26).
Noé avait donc 500 ans quand Sem lui naquit. Or Noé vécut en tout 950 ans (Genèse 9/29). Et Noé vécut encore 350 ans après le Déluge (9/28). Celui-ci se produisit donc quand il était âgé de 600 ans, et Sem avait alors 100 ans. Or ce fut à cet âge-là que Sem eut son fils Arpakshad, et Noé avait donc 600 ans (ce qui est d'ailleurs spécifié en Genèse 7/11). Si on additionne les chiffres qui suivent jusqu'à la naissance de Abraham, on trouve 290. Ceci revient à dire que quand Abraham naquit, Noé était encore vivant et âgé de 890 ans, et que lorsque Noé mourut à l'âge de 950 ans, Abraham était âgé de 60 ans !

Un exemple de contradictions : "A l'époque de la vieillesse de Salomon, ses femmes détournèrent son cœur vers d'autres dieux ; et son cœur ne fut plus intègre à l'égard du Seigneur, son Dieu, contrairement à ce qu'avait été le cœur de David son père. Salomon suivit Astarté, déesse des Sidoniens, et Milkôm, l'abomination des Ammonites. Salomon fit ce qui est mal aux yeux du Seigneur et il ne suivit pas pleinement le Seigneur comme David, son père. C'est alors que Salomon bâtit sur la montagne qui est en face de Jérusalem un haut lieu pour Kemosh, l'abomination de Moab, et aussi pour Molek, l'abomination des fils d'Ammon. Il en fit autant pour les dieux de toutes ses femmes étrangères : elles offraient de l'encens et des sacrifices à leurs dieux" (1 Rois 11/4-8). Or ce passage s'accorde très mal avec cet autre : "Cette demande de Salomon plut au Seigneur. Dieu lui dit : "Puisque tu as demandé cela (…), voici, j'agis selon tes paroles : je te donne un cœur sage et perspicace, de telle sorte qu'il n'y a eu personne comme toi avant toi, et qu'après toi il n'y aura personne comme toi parmi les rois" (1 Rois 3/10-13). Ce dernier passage relate de Dieu de grandes éloges de Salomon ; Dieu n'aurait-Il donc pas su ce qui allait se passer lors de la vieillesse de Salomon ?

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– 1.3) Quelle est la cause de la présence de tels éléments, de toute évidence non-authentiques, dans la Tanak ?

– De nombreux ulémas pensent que les erreurs et contradictions existant dans le texte actuel de ces Ecritures sont dues à des actes délibérés de falsification de ces Ecritures.

– Personnellement je penche vers l'explication de Ibn Khaldûn. Il écrit : "Quant à ce qui est dit que leurs savants ont modifié des passages de la Torah conformément à leurs intérêts religieux, Ibn Abbâs a dit, d'après ce que al-Bukhârî a rapporté de lui dans son Sahîh : "Ceci est peu probable". Il a dit en substance : "A Dieu ne plaise qu'une nation parmi les nations falsifie volontairement le livre qu'elle a reçu, révélé à son prophète !" Il a dit : "C'est par une interprétation erronée ("ta'wîl") (de certains passages) de leur part qu'il y a modification [du sens de certaines parties du message donné par Dieu] [et non par une falsification délibérée du texte même]." Va dans le sens de ces propos (de Ibn Abbâs) la parole de Dieu qui dit : "alors qu'auprès d'eux se trouve la Torah dans laquelle se trouve le jugement de Dieu" : s'ils avaient modifié les mots de la Torah, il n'y aurait pas "auprès d'eux la Torah dans laquelle se trouve le jugement de Dieu". (…) Par contre, une modification des mots a pu se produire de façon involontaire, par manque de rigueur, ou par des copistes ne sachant pas parfaitement écrire. Ceci est possible. D'autant plus que leur royaume a été détruit et que leur groupe a été dispersé en différents horizons. (...)" (Târîkh Ibn Khaldûn, 2/7-8).
Ibn Khaldûn fait apparemment allusion, ici, à la destruction du royaume de Juda par Nabuchodonosor en - 587 : il s'agit en effet d'un tournant dans l'histoire des fils d'Israël et dans la conservation de leurs Ecritures : plus tard, ceux-ci tentèrent de reconstituer le texte.
Par contre, ce que Ibn Khaldûn attribue ici à Ibn Abbâs sur la foi de al-Bukhârî, cela est certes présent dans le Jâmi' Sahîh de al-Bukhârî (kitâb ut-tahwîd, bâb 55), mais est-ce réellement Ibn Abbâs qui a dit cela ou est-ce quelqu'un d'autre, cela a été discuté par Ibn Hajar (cf. Fat'h ul-bârî 13/641-642).

Didier Hamoneau écrit de même : "La Torah actuelle est le témoin d'un long martyr et d'une immense catastrophe spirituelle, ainsi que la preuve de l'héroïsme de croyants face au désastre. Ceux-ci sauvèrent grâce à Dieu l'essentiel de la Torah, mais elle avait définitivement perdu de sa pureté originelle." "Cette version actuelle de la Torah doit donc être regardée comme un écho d'une parole divine au milieu d'une œuvre certes humaine mais pathétique et héroïque, en raison du sang pur versé et surtout parce que nous savons qu'au milieu des paroles humaines siègent les Paroles de Dieu ; il est vrai qu'il n'est pas toujours aisé de les distinguer" (d'après La Torah, l'Evangile, le Coran, pp. 55-56).

– A cela, les musulmans tenants de l'autre avis opposent un : "Que faites-vous alors du verset coranique "فَوَيْلٌ لِّلَّذِينَ يَكْتُبُونَ الْكِتَابَ بِأَيْدِيهِمْ ثُمَّ يَقُولُونَ هَذَا مِنْ عِندِ اللّهِ لِيَشْتَرُواْ بِهِ ثَمَناً قَلِيلاً فَوَيْلٌ لَّهُم مِّمَّا كَتَبَتْ أَيْدِيهِمْ وَوَيْلٌ لَّهُمْ مِّمَّا يَكْسِبُونَ" : "Malheur, donc, à ceux qui écrivent de leurs mains un livre, puis le présentent comme venant de Dieu, pour en tirer un petit prix. Malheur à eux, donc, à cause de ce que leurs mains ont écrit, et malheur à eux à cause de ce qu'ils (en) acquièrent" (Coran 2/79), qui montre qu'il y a bien eu altération volontaire ?"

– La réponse est que ce verset n'indique pas explicitement (qat'iyy ud-dalâla) qu'il s'agit de l'ensemble des Ecritures antérieures : en effet, as-Suddî pense qu'il s'agissait de cas localisés, en Arabie [et peut-être ailleurs aussi] : "وقال السدي: كان ناس من اليهود كتبوا كتابًا من عندهم، يبيعونه من العرب، ويحدثونهم أنه من عند الله، ليأخذوا به ثمنًا قليلا" (Tafsîr ut-Tabarî ; Tafsîr Ibn Kathîr). Et c'est bien parce que ce verset n'est pas explicite sur ce point que certains ulémas, dont Shâh Waliyyullâh, ont pu avoir l'avis qu'ils ont à propos de l'authenticité des Ecritures antérieures (voir Al-Fawz ul-kabîr, p. 29).

Comme l'a écrit Ibn Taymiyya (et tant d'autres personnes), le grand tournant dans l'histoire de la conservation de ces Ecritures se situe lors de la destruction de Jérusalem par les Babyloniens puis de l'entreprise menée par Ezra (Al-Jawâb us-sahîh 1/310). C'est en - 587 précisément que les Fils d'Israël connaissent la grande catastrophe : l'armée de Nabuchodonosor vainc l'Etat de Juda, le Sanctuaire de Jérusalem est détruit, les fils d'Israël habitant Juda sont pour la plupart déportés. Ce n'est que 50 ans plus tard, en - 538, avec la victoire des Perses sur les Babyloniens que les choses changent (c'est notamment ici que se fera remarquer la justice de Cyrus II, qui, d'après l'avis auquel va notre préférence, est "Dhu-l-Qarnayn"). Didier Hamoneau écrit qu'après cette catastrophe, le texte des Ecritures originelles ne subsiste plus que sous forme de différents documents dispersés auprès des uns et des autres (La Torah, l'Evangile, le Coran). C'est ensuite, dans un laps de temps qui va de la seconde moitié du Vème siècle aux premières années du IVème siècle avant J.-C., que le grand scribe Ezra (ou Esdras) fait une synthèse de différents documents historiographiques et juridiques que des israélites possèdent. Cela donne la Torah (Pentateuque) que nous connaissons (c'est ce qui vaudra d'ailleurs à Ezra le surnom de "second Moïse").

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– 1.4) Quelle est la part de l'authentique et du non-authentique dans la Tanak ?

– Certains ulémas comme Ibn Hazm pensent que la quasi-totalité (mu'zam) des textes actuels de la Torah, des Psaumes et d'autres Livres révélés n'est pas le message authentique laissé par les prophètes qui les avaient communiqués. Et que la part demeurée authentique dans les livres présents aujourd'hui auprès des juifs est très minime. ("Layssat hiya-l-latî bi aydîhim, bal hâdhihî muharrafa kulluhâ, siwâ qalîlin minhâ") (on peut lire à ce sujet Al-Fissal, Ibn Hazm, 1/229, 237.)

– Mais l'avis qui semble pertinent est celui de ces autres ulémas qui disent que les Ecritures dont la plupart des juifs et des chrétiens d'aujourd'hui disposent et qu'ils présentent sous les noms de "Torah, Neviim et Ketouvim" renferment une partie conséquente des Ecritures originelles, telles que communiquées par les prophètes en question, tandis que la partie non-authentique est :
--- la majeure partie mais non pas la quasi-totalité,
--- une partie conséquente mais qui ne constitue pas la majeure partie,
--- une partie moindre que la partie qui est demeurée authentique (Ibn Taymiyya a donné préférence à ce dernier avis : Al-Jawâb us-sahîh, 1/319-320).
(Waqa'a-t-taghyîru fî juz'in minhâ faqat : fî aktharihâ ghayr-il-mu'zam / fî kathîrin minhâ ghayr-il-akthar / fî qalîlin minhâ : d'après Fat'h ul-bârî 13/642.)

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– 1.5) Contrairement à ce que vous affirmez, les musulmans ne sont pas les seuls à dire que le texte biblique actuel est une harmonisation de sources plurielles : des érudits chrétiens et des auteurs juifs eux-mêmes l'affirment :

Voici ce qu'on peut lire dans les premières pages de la Bible de Jérusalem (édition de 2000) (il s'agit de la traduction de la Bible réalisée sous la direction de la très catholique Ecole biblique de Jérusalem) : "L'analyse de la forme définitive des textes – la seule à laquelle nous ayons accès – montre que l'unification rédactionnelle a beaucoup apporté à la formulation définitive" (p. 16). "… on préfère aujourd'hui parler de deux traditions dont l'ensemble a été élaboré d'une manière progressive, si bien que l'on peut trouver des passages très tardifs au milieu de passages beaucoup plus anciens" (p. 17).

Les commentateurs chrétiens de la Traduction Œcuménique de la Bible (TOB) écrivent à propos des livres de l'Ancien Testament que "avant de recevoir leur forme définitive", ils "ont circulé assez longtemps dans le public et portent les traces des réactions suscitées par les lecteurs, sous forme de retouches, d'annotations, voire de refontes plus ou moins importantes" (Traduction Œcuménique de la Bible, édition de 1975, pp. 10-11, cité dans Moïse et Pharaon, les Hébreux en Egypte, pp. 34-35).

Les commentateurs de la Bible de Jérusalem écrivent, à propos du passage parlant des Nephilim (Genèse 6/1-4) : "L'auteur semble utiliser une tradition populaire à caractère mythologique" (p. 26).
A propos du récit de la tour de Babel : "Récit fait de l'amalgame de plusieurs traditions" (p. 32).
A propos de la mention de la mort de Moïse à la fin du Deutéronome : "Ces chapitres forment une sorte de conclusion générale à l'ensemble du Pentateuque ; ils regroupent des éléments d'origine et d'âge divers, qui ont été rattachés au corps du Dt lors de la dernière rédaction" (p. 310).
A propos de la mention des Philistins en Genèse 21/32-34, 26/1-8 et en Exode 13/7, les auteurs écrivent qu'il s'agit d'"une anticipation" (p. 344) : le fait est qu'en ce qui concerne la période que ces passages intéressent, les Philistins ne sont pas encore installés dans la région qui est rattachée à leur nom : l'auteur du texte a donc désigné un événement qui s'est déroulé sur le littoral de Palestine des siècles avant lui en utilisant la périphrase en usage en son temps à lui ("pays des Philistins") : c'est ce qu'on appelle un anachronisme.
La même chose peut être dite – mais cela, les commentateurs de la Bible de Jérusalem ne l'ont pas écrit – à propos du passage où on lit que Joseph installa son père et ses frères "dans la meilleure région, la terre de Ramsès" (Genèse 47/11) : l'écrivain a relaté cet événement de l'époque de Joseph (XVIIème siècle avant J.-C.) mais a, pour désigner la région d'Egypte où il s'est déroulé, employé le nom de Ramsès, pharaon de l'époque de Moïse (XIIIème siècle avant J.-C.).
Pour en revenir aux notes des commentateurs de la Bible de Jérusalem : à propos des chapitres 10 et 11 du Livre de Josué : "Ces chapitres diffèrent des précédents et ne s'accordent pas avec d'autres passages du livre ni avec Jg 1, où il apparaît que la conquête fut lente et que chaque tribu eut une action indépendante" (p. 338).
A propos de certains événements présentés par le Livre des juges : "Vue théologique qui ne correspond qu'imparfaitement à l'histoire. A la base du livre, il y a des récits indépendants dont la relation chronologique est établie arbitrairement" (p. 366).

Voici encore ce qu'on peut lire en introduction au livre de Jérémie dans la Traduction Œcuménique de la Bible : "En plus, l'exégète sera attentif au fait que les ch. 1-25 contiennent, à côté des oracles poétiques, d'une authenticité à toute épreuve, un très grand nombre de passages rédigés dans une prose qui rappelle celle des éditeurs deutéronomistes des livres historiques. Ces passages représentent probablement des oracles de Jérémie retravaillés par des éditeurs postérieurs. Au début de l'exil existaient donc de nombreux livrets, feuillets et recueils épars, et en plus, probablement, quelques traditions orales relatives à Jérémie. Ce sera un rédacteur anonyme, très certainement "deutéronomiste", qui réunira tous ces matériaux en un seul volume" (TOB, édition de 1997, p. 554).
Sur Esdras et Néhémie : "La rédaction actuelle de ces livres laisse plusieurs problèmes historiques encore ouverts. Le premier problèmeconcerne l'interruption de la reconstruction du temple (Esd 4). D'après le texte, cette interruption fut ordonnée par Artaxerxès (465-424) à la suite des plaintes des gens du pays opposés aux Juifs (Esd 4.6-24). Or, la chronologie rend impossible un tel événement. En effet, la construction du temple fut achevée la 6è année de Darius, vers l'an 515 (Esd 6.15). Le passage Esd 4.6-24 concerne des événements de l'époque d'Artaxerxès, c'est-à-dire au moins 50 à 60 ans plus tard. Le rédacteur final du livre semble avoir confondu ces données. Plus complexe encore est le second problème : celui de la chronologie de l'activité d'Esdras et de Néhémie à Jérusalem. L'ordre chronologique actuel du récit parle de l'arrivée d'Esdras la 7è années d'Artaxerxès (Esd 7.7), puis de l'arrivée de Néhémie la 20è année d'un roi du même nom (Ne 2.1). Ensuite, Esdras réapparaît, puis Néhémie, dans un étonnant chassé-croisé. Ne faut-il pas plutôt situer l'activité d'Esdras lors de la seconde venue de Néhémie à Jérusalem ? Au lieu de la 7è année d'Artaxerxès, il faudrait lire alors la 27è ou la 37è année (soit vers 438 ou 428). Ou mieux encore, ne faut-il pas considérer toute l'activité de Néhémie comme antérieure à celle d'Esdras : ce dernier ne serait alors arrivé à Jérusalem que la 7è année du roi Artaxerxès II (et non Artaxerxès I), vers 398-397. Le problème n'a pas encore trouvé de solution satisfaisante" (TOB, édition de 1997, p. 1095).

Max Dimont, l'auteur juif bien connu, écrit de même : "There are two versions of many, many other events, as the perceptive reader of Old Testament may have noticed. Are we dealing with two versions of the same story, or with two different stories merged into one ?" (Jews, God and History, New American Library, 2nd edition, p. 28). "The final fusion of the Five Books of Moses, called the Pentateuch, occurred around 450 B.C. – in other words, not until eight to sixteen hundred years after some of the events narrated in them took place. Is it not reasonable to suppose that in that period of time [i. e. before 450 B.C.], before there were any written records, many changes and alterations must have occurred as the stories and legends were handed down orally from generation to generation ?" (Ibid., p. 31). Décrivant cette entreprise de fusion s'étant déroulée vers la moitié du 5ème siècle avant J.C., Dimont écrit : "As a second move toward forging a national religious and spiritual Jewish character, Ezra and Nehemia decided not only to revise the Book of Deuteronomy but to add to it four other Books of Moses. Under their direction, priest and scholar labored diligently to fuse the most important of the divergent Mosaic documents, including the Deuteronomy of Josiah, into the five books of the Pentateuch, namely, Genesis, Exodus, Leviticus, Numbers, and Deuteronomy. All Five Books of Moses were now made divine. From here on, no deletions, changes or additions to the Pentateuch could be made, nor have any been made" (Ibid., p. 63).

Encore faut-il noter que, de ce corpus établi par Ezra, différentes versions vont circuler au cours des siècles qui vont suivre. Il y aura bientôt ainsi :
– la version hébraïque ;
– la version de la Septante, en langue grecque ;
– la version samaritaine ;
– les Targums (= traductions) araméens (comme le Targum d'Onkelos) ;
– les versions syriaques.
Ces versions ne divergent certes pas sur l'essentiel, mais présentent quand même des différences quant à certains chiffres (les âges des patriarches) et certains noms de lieux. A lui seul, le texte hébraïque connaît, au Ier siècle de l'ère chrétienne, différentes versions légèrement différentes : c'est en l'an 90 après J.-C. que des savants juifs fixent la norme. L'introduction de la Traduction Oecuménique de la Bible relate que ces savants "avaient constaté que les manuscrits dont ils disposaient n'étaient pas strictement identiques. Pour remédier à cet inconvénient, ils établirent un texte officiel, en procédant par comparaison de quelques manuscrits existants. Après quoi ils firent détruire les manuscrits non conformes au texte qu'ils avaient retenu. En 1947 cependant on a retrouvé près de la mer Morte quelques manuscrits antérieurs au travail des Docteurs de la Loi (les textes de Qumrân). D'autre part le Pentateuque samaritain, de même que certaines versions anciennes, version grecque dite des Septante, certaines versions araméennes ou Targoums, attestent un état du texte plus ancien. On a pu constater que les différences avec le texte traditionnel étaient pour la plupart de faible portée. Mais dans certains cas ces formes plus anciennes du texte proposent un sens plus clair" (Traduction œcuménique de la Bible, édition de 1997, p. 13).

En tout état de cause, le texte hébraïque officiel, fixé par des érudits juifs en l'an 90 de l'ère chrétienne, sera transmis de génération en génération. C'est ce texte qui sera utilisé par Jérôme pour la traduction latine, qu'adoptera l'Eglise catholique, pendant que les Eglises orthodoxes, elles, continueront à utiliser le texte grec de la Septante malgré ses légères différences avec le texte hébraïque fixé en 90.
Ce dernier sera donc retransmis entre les différentes générations de juifs tel qu'il aura été fixé en 90. Suivant cette retransmission, une édition en 1524 sera faite par Jacob Ben Hayyim à Venise qui deviendra l'édition de référence ; c'est elle que, aujourd'hui encore, toutes les bibles hébraïques suivent. Par la suite, au XIXeme siècle, on a retrouvé dans une synagogue du Caire, un ancien exemplaire de la Torah (Pentateuque et non Tanak) hébraïque massorétique, qui a été daté du IXème siècle après J.-C..

(A ce texte de la Torah – ici dans le sens de Pentateuque – s'ajouteront d'autres textes, que nous avons déjà évoqués :
– les Neviim, qui contiennent le récit et la relation des propos de prophètes envoyés aux fils d'Israël ;
– les Ketouvim, qui sont constitués de recueils de prières psalmiques et de chroniques.)

La question qui se pose ici concerne les documents que Ezra harmonisa : quels sont ces documents ? D'où les tenait-il ?

Il semble qu'il se soit agi de différentes traditions que possédaient différents groupes chez les fils d'Israël revenus de l'exil. C'est bien pourquoi les commentateurs de la Bible de Jérusalem, de même que Max Dimont, parlent d'une fusion entre deux documents à l'origine distincts.

Ce qu'il faut également relever c'est que le texte que, au XIIIème siècle avant J.-C., le prophète Moïse reçut comme Paroles de Dieu sur le Mont Sinaï semble avoir été beaucoup plus court que l'ensemble du texte nommé aujourd'hui "Torah" : ce texte avait pu être gravé sur quelques tablettes de pierre (cf. Livre de Josué 8/32) ; il semble donc qu'au fil du temps, à ce texte gravé sur pierre, furent ajoutés les propos de Moïse ainsi que les jugements qu'il rendit entre les Fils d'Israël au cours de son parcours à leurs côtés ; la Torah a ensuite reçu aussi le récit du déroulement de la mission de Moïse aussi – c'est ce qui explique qu'on y trouve aussi mention de sa mort –, et même plus : les origines du monde, les généalogies de Abraham, etc.

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– 1.6) Résumé de la position musulmane à propos des textes actuels de la Tanak :

Ce que l'on peut donc dire c'est que (sans encore parler de l'authenticité de ces éléments par rapport à ce qui avait été originellement dit et fait) les Ecritures qui sont nommées "Tanak" sont constituées actuellement d'un ensemble d'écrits où se retrouvent mélangés :
– a) les Paroles de Dieu dont Il a révélé le contenu et les mots à certains de Ses Messagers : ainsi en est-il du contenu originel des tablettes de pierre reçues par Moïse ;
– b) les Paroles de Dieu qu'Il a inspirées à Ses Prophètes et que ceux-ci ont retransmises à ceux au milieu de qui ils vivaient : relèvent de cette catégorie les passages des Ecritures où on lit, insérées au milieu de la relation des propos du prophète : "Ainsi parle Dieu : ..." (Jérémie 10/2) ; "Parole qui fut adressée à Jérémie de la part de Dieu : ..." (Jérémie 11/1) ;
– c) les propos (paroles ou jugements) et les actes de Messagers et de Prophètes de Dieu, de même que le récit du déroulement de leur mission : "Pashehur frappa le prophète Jérémie, puit le mit au carcan..." (Jérémie 20/2) ;
– d) les règlements prononcés par certains grands juristes parmi les Fils d'Israël ;
– e) des chroniques.

C'est comme si le musulman disposait d'un livre où on aurait complètement mélangé des données issues des ouvrages islamiques suivants :
– a) le Coran (qui est constitué uniquement de la Parole de Dieu qu'Il a tranmise, sens comme mots, à Muhammad) ;
– b) des Hadîths qudsî, ces paroles que le Prophète a reçues quant à leur sens mais non leurs mots de la part de Dieu, et qu'il a retransmises ; ces paroles sont relatées dans les recueils de Hadîths tels que Sahîh ul-Bukhârî, Sahîh Muslim, Sunan Abî Dâoûd, Sunan ut-Tirmidhî, Sunan Ibn Mâja, etc. (qui sont des recueils de ces Hadîths, relatés par les témoins directs, avec une chaîne de transmission jusqu'à l'auteur du recueil) ;
– c) des Hadîths nabawî (propos, actes et approbations du Prophète Muhammad), tels qu'ils sont relatés dans Sahîh ul-Bukhârî, Sahîh Muslim, Sunan Abî Dâoûd, Sunan ut-Tirmidhî, Sunan Ibn Mâja, etc. ;
– c') Sîrat Ibn Hishâm, Al-Maghâzî (qui sont des récits du déroulement de la vie du Prophète Muhammad) ;
– d) des déductions juridiques et des jugements rendus par des juristes de haut renom (comme az-Zuhrî, etc.), tels que ceux que al-Bukhârî cite sans chaîne de transmission pour commenter certains Hadîths ;
– e) Tarîkh ur-russul wa-l-mulûk de Ibn Jarîr at-Tabarî, Al-Bidâya wa-n-nihâya de Ibn Kathîr (qui sont des chroniques).

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2) Abrogation des messages précédents : "Considérer véridique" n'implique pas "se référer à" :

Un second point qu'il est important de rappeler ici est qu'il ne faut pas confondre :
– le fait de "déclarer véridique" les Ecritures antérieures ("tasdîquhâ") (dans le sens que nous avons vu jusqu'ici, c'est-à-dire la partie de ces Ecritures qui est authentique),
– et le fait de "déclarer toujours applicable" le contenu de ces Ecritures et donc de "s'y référer" ("al-i'tissâm bihâ").

Certes, le Coran n'a jamais déclaré être venu abroger une croyance dont il est prouvé de façon authentique qu'un message de Dieu précédent l'avait révélée (le Coran a pu apporter des éléments de croyance qui n'étaient pas mentionnés dans un ou plusieurs messages précédents ; mais cela constitue un enseignement supplémentaire et plus complet, et non une abrogation). Par contre le Coran enseigne également que la Loi qu'il apporte abroge l'applicabilité des Lois apportées par les Ecritures – même authentiques – l'ayant précédé. Voilà la seconde cause qui explique les différences existant entre certaines données du Coran et celles d'Ecritures précédentes.

La Loi que le Coran apporte :
– contient donc certaines règles similaires à celles contenues dans les Lois précédentes (sans qu'il fasse nécessairement référence à ces Lois) : par exemple l'interdiction du porc ;
– mais contient aussi d'autres règles différentes de celles contenues dans les Lois précédentes que, elles, il modifie (par exemple lui a interdit complètement la consommation d'alcool), ou il abroge explicitement (par exemple l'interdiction de consommer certaines graisses), ou encore il abroge implicitement, parce qu'il n'en parle pas et que le principe fondamental est la permission originelle (par exemple l'interdiction de faire cuire l'agneau dans le lait de sa mère) ;
– contient enfin des règles absentes des Lois précédentes, parce que son message est à vocation universelle (comme la règle de dhimma, protection des non-musulmans résidents d'un pays musulman).

Ces deux particularités – impossibilité d'établir l'authenticité et abrogation de certaines règles – font que le Coran déclare aussi que le musulman ne peut pas aller puiser aux sources des Ecritures antérieures les croyances et les règles qu'il considèrera valables. C'est ce que nous allons voir dans le point suivant…

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3) Le Coran et son complément, la Sunna, sont les deux textes de référence pour le musulman…

Le point 1 (l'impossibilité d'établir l'authenticité de chaque partie du texte biblique) et le point 2 (l'abrogation, par Dieu, de certaines règles révélées par Lui-même dans l'ancien texte) font que si d'une part le Coran dit qu'il vient "déclarer véridiques" ("tasdîq") les Ecritures révélées avant lui, il dit aussi d'autre part qu'il vient "prévaloir" ("haymana") sur elles : "Et sur toi [ô Muhammad] Nous avons fait descendre le Livre avec la vérité [il s'agit du Coran], qui déclare véridique l'Ecriture avant lui et qui prévaut sur elle" (Coran 5/48). Le Coran prévaut sur elles non pas dans le sens où il va les détruire, appeler à les détruire, empêcher juifs et chrétiens de les posséder, ou encore forcer juifs et chrétiens à se convertir à son message à lui, mais simplement dans le sens où il affirme que :
– étant le dernier message de Dieu, ses enseignements constituent les enseignements désormais agréés par Dieu (c'est que nous avons vu plus haut dans le point 2 : "Abrogation") ;
– lui sera intégralement préservé dans son authenticité originelle, tel que Dieu l'a révélé (Coran 15/9).

Dès lors, pour le musulman, les données que les Ecritures révélées avant le Coran contiennent peuvent être rangées en 2 catégories (cf. Fat'h ul-bârî 13/408) :
– a) les croyances et normes (ahkâm) ;
– b) les récits historiques, les descriptions et noms de lieux géographiques, et autres données de ce genre ; les données de cette seconde catégorie peuvent à leur tour être classées en 3 sous-catégories (cf. Fat'h ul-bârî 8/214, Al-Fissal 1/241) :
--- b.a) celles qui contredisent de façon formelle ce que mentionnent le Coran et / ou la Sunna ;
--- b.b) celles qui sont les mêmes que celles que mentionnent le Coran et / ou la Sunna ;
--- b.c) enfin celles que le Coran et / ou la Sunna n'approuvent ni ne contredisent.

Pour ce qui est de la catégorie a (croyances – aqâ'ïd – et règles – ahkâm : obligations, interdictions, licite et illicite –), le musulman l'appréhende de la façon suivante :
– si des points de croyances présents dans les Ecritures antérieures contredisent un point de croyances présent dans les Ecritures islamiques (Coran et Sunna), alors (étant donné qu'il n'y a jamais eu abrogation entre les différents messages de différents prophètes à propos des croyances) il considère que ce qu'avait dit le prophète antérieur a été mal compris et / ou mal retransmis ;
– et si ce sont des règles qui sont différentes entre les Ecritures Antérieures et les Ecritures islamiques, alors le musulman ne se prononce pas (lâ yussadiqu wa lâ yukaddhibu kawnahâ minallâh) : il est possible que ce qu'avait dit le prophète antérieur a été mal compris et / ou mal retransmis, comme il est possible qu'il y ait eu abrogation.
En tout état de cause, le musulman n'ira en aucun cas chercher ses croyances ou ses normes dans les textes bibliques : il considère que la seule source possible pour cela est constituée des textes du Coran et de la Sunna, avec la règle première de la permission originelle – dans le domaine de la vie quotidienne – et du non rajout d'actes – dans le domaine de culte. Si éventuellement il cite des données de ce genre, c'est uniquement pour mentionner ce que sont les choses chez les juifs ou chez les chrétiens.

Pour ce qui est des catégories b.a, b.b et b.c, le musulman les considère de la façon suivante :
– bien évidemment, il délaisse les données de la catégorie b.a et approuve celles de la catégorie b.b ;
– quant à la catégorie b.c, le musulman suit à son sujet ce que le Prophète Muhammad a formulé ainsi : "Il n'y a pas de mal à ce que vous racontiez (ce que vous tenez) des Fils d'Israël" (al-Bukhârî, 3274) et : "Ce que les Fils d'Israël vous racontent, ne dites pas que cela est vrai, et ne dites pas non plus que cela est faux. Dites (simplement) : "Nous croyons en Dieu et en ses Prophètes"…" (Abû Dâoûd, 3644, voir aussi al-Bukhârî, 4215). Pour le musulman, du moment que les textes du Coran et de la Sunna ne spécifient pas le contraire, les données historiques et géographiques issues d'Ecritures antérieures peuvent être citées, même si les textes du Coran et de la Sunna ne les confirment pas non plus. Cependant ces données ne doivent en aucun cas être présentées ni considérées comme étant des données du Coran et de la Sunna. De même, le musulman se doit de garder à l'esprit – suivant en cela l'instruction du Prophète – qu'on ne sait pas lesquelles de ces données proviennent d'une révélation divine et lesquelles n'en proviennent pas (lâ yussadiqu wa lâ yukaddhibu kawnahâ minallâh).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

Source : http://www.maison-islam.com/articles/?p=397

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