Noonalepsyne a écrit :
Et où la mémoire visuelle se situe-t-elle ?
Si tu me réponds où elle se situe dans ton cerveau, tu ne répondrais pas à ma question, car tu parlerais alors de ou des zones où se produisent les phénomènes physico-chimiques qui conditionnent et sont à l'origine de cette image mentale, et non de cette "image" elle-même.
- Ce que j'essaye de te faire comprendre, c'est que ce qui se présente dans ta sphère subjective, cette "image" de pomme pour reprendre cet exemple, tu ne la trouveras nulle par dans ton cerveau. Ce n'est donc pas là quelle se situe et qu'il faut la rechercher, même si un jour, je suis sûr qu'à partir de l'enregistrement de l'activité cérébrale d'un individu, il sera tout à fait possible de récréer, sur un écran par exemple, ce qu'il visualise dans son esprit. Mais là encore, ce qu'il visualise et que nous pourrons visualiser sur un écran, nous ne pourrons le faire que parce que nous en formerons nous-mêmes une image mentale consciente. (Mais attention! Je ne dis pas par là que nous inventons l'univers. Ceci serait très éloigné de la vision que j'ai des choses.)
Noonalepsyne a écrit :
En fait, tu es en train de me dire : « C'est énigmatique que des phénomènes bio-électriques nous permettent de reconstituer une image en 3D dans notre tête ». C'est bien cela ?
Comment te l'expliquer... Ces phénomènes bio-électriques liés à la perception, la mémorisation, le souvenir (etc.) sont bien connus maintenant. Ce ne sont pas eux qui sont énigmatiques. Ces processus bio-électriques interviennent
objectivement dans le traitement des informations provenant des organes des sens, et de celles liées aux mémoires engrammées, afin de constituer
les éléments d'une représentation mentale. Les éléments seulement! Ce qui est énigmatique, c'est que ces images ou autres représentations, soient mentales, autrement dit
subjectives. Quand tu visualises la "pomme" de l'exercice, cette "pomme" n'apparaît pas quelque part dans ta tête. On pourrait t'ouvrir le crâne, on ne l'y verrait jamais comme toi tu la vois. C'est qu'il y a bien une dimension purement subjective,
irréductible.
- Autre chose, on pourrait très facilement imaginer qu'un cerveau puisse très bien faire tout ce qu'il fait: réagir, penser, évaluer, (etc.) sans qu'il soit besoin de cette dimension mentale dont je parle. C'est ce que tu fais je pense. Mais pour moi, c'est un peu faire l'impasse de nos vécus les plus directs, car je suppose que tu possèdes comme moi, une dimension subjective qui me fait voir en toi autre chose qu'un simple mécanisme bio-physique, objectif au sens fort. Il est a mon sens concevable de réaliser un jour un ordinateur capable de toutes nos fonctions cognitives, voir avec des mécanismes ressemblant à des émotions. Cela dit, je vois mal comment imaginer qu'il soit doté par là même, d'une quelconque vraie subjectivité, dans le sens où il aurait comme nous une "dimension mentale" ou conscience. S'il pourra très certainement imaginer une "pomme" qui lui soit propre, dans le sens où elle serait formée à partir de ses mémoires propres, il n'en aura jamais la conscience. Il faut plus pour être conscient.
Noonalepsyne a écrit :De même, aurais-tu pu remplacer dans ton questionnement l'image de la pomme par une odeur de poulet rôti, par la sensation de plonger sa main dans l'eau ou d'entendre précisément, toujours dans ta tête, les notes d'une mélodie connue ?
Oui tout à fait, j'aurais pu remplacer par tout ce que tu dis, cela ne change rien.
Noonalepsyne a écrit :Je ne vois toujours pas ce qu'il y a d'énigmatique là-dedans, puisque les informations provenant des différents sens arrivent déjà sous forme de signaux bio-électriques au cerveau. Lorsque tu regardes une pomme (une vraie), tu n'as pas l'image de pomme qui arrive, projetée au fond de ta boîte crânienne... Elle se forme sur la rétine mais à partir de là, des cellules photosensibles jouent le rôle de capteurs et convertissent les longueurs d'onde en influx nerveux, lequel est envoyé au cerveau par les nerfs. C'est le cerveau (les neurones) qui reconstitue des données cohérentes (couleurs, perspective, aspect de la peau de la pomme, odeur...) par association à partir des multiples influx nerveux qui lui sont envoyés.
Il se forme une "image" sur la rétine, parce que toi comme moi nous nous le représentons comme tel. Mais, dans la réalité en soi (à condition qu'il existe une réalité indépendante de la perception), les choses ne sont sans doute pas ainsi. Cela dit, oui, tout ce que tu dis là est conforme à ce qui se passe
si nous l'observions... On revient donc toujours à l'acte d'observer et à ce qui lui est propre...
- Tu dis que c'est le cerveau (neurones) qui reconstitue les couleurs (etc.)...
Parlons des couleurs, sons, odeurs, saveurs et sensations tactiles! Si ce sont bien des perceptions cohérentes et correspondent à l'évidence aux données extérieures (ce avec quoi je suis parfaitement d'accord), existe-t'il pour autant quoique ce soit de tel en réalité? Autrement dit, les couleurs, sons, odeurs, saveurs et sensations tactiles existent-elles réellement dans la nature? La réponse est bien sûr que non! Elles sont purement subjectives et propres à nous, comme d'ailleurs toutes nos perceptions et représentations (mentales).
Noonalepsyne a écrit :Il peut aussi stocker ces informations et les remobiliser plus tard (souvenir de la pomme). Je peux très bien m'imaginer une pomme dans ma tête, ou même posée sur la table devant moi alors qu'elle est nue, c'est la capacité de remobiliser ces souvenirs d'informations sur la forme de la pomme, sa couleur, son aspect, son poids qui me permet de le faire.
Oui bien sûr, mais cela n'explique pas le fait que tu en perçoives quelque chose en tant que sujet conscient. (Note bien que quand je parle de sujet conscient, ou de dimension subjective je ne parle pas du "moi" ou de l'identité psychologique, je parle de la conscience elle-même en tant qu'apparence.)
Noonalepsyne a écrit :Maintenant que j'ai développé, parlons-nous de la même chose ?
Je pense que non, mais après ces précisions de ma part, peut-être verras-tu le réel problème que pose la conscience subjective.
La réalité est toujours beaucoup plus riche et complexe que ce que l'on peut percevoir, se représenter, concevoir, croire ou comprendre.
Nous ne savons pas ce que nous ne savons pas.
Humilité !
Toute expérience vécue résulte de choix. Et tout choix produit sont lot d'expériences vécues.
Sagesse !