Du mardi 1er au jeudi 3 octobre, le pape réunit le conseil de huit cardinaux institué pour l’« aider dans le gouvernement de l’Église universelle ».
1. UN CHANGEMENT D’ATTITUDE
« La première réforme doit être celle de la manière d’être », a indiqué le pape François dans son entretien aux revues jésuites publié le 19 septembre , situant « les réformes structurelles ou organisationnelles (…) dans un deuxième temps ». Cette première étape, le pape l’a commencée dès le soir et les jours suivants son élection du 13 mars, à travers une multitude de gestes de simplicité et d’humilité, d’emblée très remarqués pour leur authenticité et inébranlablement répétés depuis. Tel le 17 septembre, où, assistant à une messe d’ordination dans la basilique Saint-Pierre sans la présider ni concélébrer, le pape se fait petit pour donner un modèle de comportement pastoral. « La manière de vivre doit traduire la spiritualité de l’Église », comprend le P. Patrick Valdrini, vice-recteur de l’Université pontificale du Latran, pour qui le nouveau pape pose d’abord un « modèle en interne ».
L’attention manifestée en priorité aux plus démunis aux cours de ses premiers déplacements, au Brésil et en Italie (Lampedusa et la Sardaigne), comme encore vendredi prochain à Assise, concourt aussi à diffuser ce changement d’attitude. Tout comme l’accent mis, à travers ses interventions, sur la présentation de l’Église d’abord comme Mère pleine de miséricorde, se faisant proche sans arrogance et, telle une maison chaleureuse, dialoguant avec tous.
Avec une insistance sur la place du « peuple de Dieu » et sur « l’égalité, aux yeux de Dieu, du dernier baptisé au pape ». À ce titre, selon une source italienne proche du Vatican, un abandon de l’usage des termes « Sa Sainteté », « Éminence » ou « Excellence » pourrait être annoncé à Assise, en guise de symbole d’une autre manière d’être.
L’idée traduit, en tout cas, l’état d’esprit que cherche à insuffler le pape François, d’abord à l’intérieur du Vatican. Par petites touches, ou plutôt piques, glissées dans ses homélies matinales, dont de larges extraits sont relayés au quotidien. « On ne fait pas la connaissance de Jésus en première classe », a-t-il lancé mercredi dernier, après avoir, une semaine auparavant, tancé les « évêques-voyageurs ». Plusieurs homélies récentes ont dénoncé les méfaits des commérages et de la médisance, comme encore samedi dernier devant les gendarmes du Vatican.
« Ceci est clairement destiné au personnel, qui assiste à tour de rôle à sa messe du matin », a bien compris un membre de la Curie, observant les craintes et les résistances au sein du Vatican.
Car le changement d’attitude qu’incarne le pape François s’accompagne, en même temps, d’une nette affirmation de son autorité directe, comme dans l’actuelle vague de nominations.
2. UN CHANGEMENT D’ORGANISATION
Même s’il les situe « dans un deuxième temps », des « réformes structurelles ou organisationnelles » sont bien envisagées par le pape François, qui a toutefois mis en garde, hier matin, contre une « Église du fonctionnalisme, bien organisée ». Les avis des experts concordent : les dicastères, équivalents des ministères dans un gouvernement, sont estimés trop nombreux et cloisonnés. Si les grandes Congrégations (pour le clergé, la doctrine de la foi, l’évangélisation des peuples…) devraient être maintenues, une fusion de plusieurs conseils pontificaux, dont les champs de compétence parfois se superposent (laïcs, familles…), est largement attendue. Tout comme le rapprochement de certaines commissions pontificales jugées redondantes, qui donnera aussi l’occasion de revoir leur composition.
« Il y a un fort désir de rationaliser la Curie », a admis le cardinal Maradiaga avant la rencontre de ce jour. « Les décisions doivent être transparentes et vérifiables, et cela requiert une administration efficace », a renchéri le cardinal Reinhard Marx, autre figure du « G8 », dans un entretien à l’hebdomadaire Die Zeit.
À cette fin, le pape a aussi créé, durant l’été, deux commissions d’experts : l’une dédiée à la banque du Vatican, l’Institut pour les œuvres de religion (IOR), qui, pour la première fois, publie mardi 1er octobre son rapport annuel (pour l’exercice 2012), l’autre aux structures économiques du Vatican. « Ils n’ont pas tardé à nous réclamer plein de documents », indique un haut responsable d’un établissement pontifical. À l’IOR, une firme américaine épluche actuellement les comptes des 18 900 clients de la banque, dont le pape n’écarte pas une fermeture pure et simple.
L’exigence de coordination et de surveillance des administrations du Saint-Siège pourrait aussi conduire à la création d’un « modérateur de la Curie ». Le nom du cardinal Giuseppe Bertello, autre membre du « G8 », est évoqué pour ce poste, qui accompagnerait un rétrécissement du champ de compétences du secrétaire d’État, devenu au fil des pontificats un vice-pape. « Le pape François ne veut pas de numéro deux mais plusieurs numéros trois », résume Marco Tossati.
Au-delà de la Curie romaine, la réorganisation devrait toucher l’Église entière par une plus large collégialité, qu’exprime déjà ce « G8 ». Du champ serait laissé à la consultation des conférences épiscopales. Le secrétariat général du Synode au sein de la Curie serait plus affirmé. Le pape veut s’inspirer des orthodoxes et de leur « tradition de la synodalité ».
Le potentiel des laïcs est aussi en discussion. « Certains catholiques pensent encore qu’un prêtre doit être présent pour que l’Église fonctionne. C’est absurde ! », déclare le cardinal Marx dans Die Zeit. Lorsqu’il était cardinal, Jorge Bergoglio confiait son admiration pour les communautés chrétiennes au Japon restées sans prêtres durant plus de deux cents ans mais où les « laïcs avaient pu vivre leur mission apostolique ».
3. D’AUTRES CHANGEMENTS MIS EN CHANTIER
« Ce sera un pontificat de gouvernement et non de Magistère », avait prédit un canoniste argentin après l’élection du pape François. Mais ce dernier a remis sous les projecteurs plusieurs débats de fond animant l’Église. Le premier, à l’ordre du jour des travaux des huit cardinaux, porte sur la place des divorcés remariés et la nullité des mariages, que le pape a évoqués dans son entretien aux revues jésuites et dans l’avion, au retour des JMJ de Rio, le 29 juillet.
Deux interventions médiatiques au cours desquelles il a aussi invité à « élaborer une théologie approfondie du féminin » et à « réfléchir sur la place précise des femmes, aussi là où s’exerce l’autorité dans les différents domaines de l’Église ».
De son côté, le nouveau secrétaire d’État, Mgr Pietro Parolin, a rouvert la discussion sur l’obligation de célibat des prêtres. Par ailleurs, le pape latino-américain a laissé se manifester un meilleur accueil de la théologie de la libération, mise au ban sous Jean-Paul II.
La rencontre de ces trois jours ouvrira donc une vaste série de consultations. Elle ne donnera lieu à aucune « conclusions ni décisions éclatantes », a prévenu, hier, le P. Federico Lombardi, porte-parole du Saint-Siège. « Il y a toujours besoin de temps pour poser les bases d’un changement vrai et efficace », explique le pape, selon qui, aussi, « personne n’échappe à la solitude des décisions ».
Sébastien Maillard, à Rome
« G8 » pour réformer l’Église
« G8 » pour réformer l’Église
Ecrit le 30 sept.13, 19:03-
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