Ovadia Yossef est mort

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samuell

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Ovadia Yossef est mort

Ecrit le 07 oct.13, 19:35

Message par samuell »

Il est difficile, à l'extérieur d'Israël et du monde juif, de mesurer l'influence dont jouissait Ovadia Yossef, chef spirituel du parti ultraorthodoxe séfarade Shass, décédé, lundi 7 octobre, à l'âge de 93 ans, et enterré le même jour en présence de dizaines de milliers de fidèles, de représentants du monde politique israélien et d'obligés de tous bords. C'est peu dire que le "Rav" (rabbin) Yossef avait acquis un ascendant dépassant largement sa vocation d'autorité incontestée dans l'interprétation de la Torah.
Il avait peu à peu acquis un rôle de faiseur de rois, au fur et à mesure que le parti qu'il avait fondé en 1984, Shass, devenait un allié incontournable des coalitions gouvernementales, de droite comme de gauche. Créé en réaction à l'ostracisme dont souffraient les séfarades (juifs orientaux) de la part des institutions religieuses ashkénazes (juifs d'Europe de l'est) et ultraorthodoxes, Shass avait pour ambition de combattre l'injustice et les discriminations historiques dont ont longtemps pâti les séfarades, et il a parfaitement réussi dans cette mission.

Personnalité charismatique, il était entouré d'une cour d'admirateurs qui filtraient les nombreux visiteurs venus recueillir sa bénédiction et son soutien, à commencer par les ministres et le premier d'entre eux, Benyamin Nétanyahou. Ovadia Yossef accordait son appui en fonction des circonstances politiques, et ne refusait pas les donations aux institutions religieuses séfarades, lesquelles ont retrouvé ces dernières années un équilibre financier.

Auteur prolifique connu pour sa grande connaissance de la halacha (la loi juive), cet ancien président du grand tribunal rabbinique du Caire, qui était né à Bagdad, est devenu grand rabbin de Tel-Aviv en 1968, puis grand rabbin séfarade d'Israël en 1973, fonction qu'il exercera pendant dix ans. C'est en cette qualité qu'il prendra quelques décisions rabbiniques marquantes, comme la reconnaissance de la judaïté des juifs éthiopiens, ce qui permettra leur émigration en Israël.

DES PROPOS SUR LES FEMMES OU LA SHOAH TRÈS CONTROVERSÉS

A la suite de la guerre du Kippour, en 1973, il prononcera un jugement permettant aux épouses des soldats tués pendant le conflit de se remarier après plusieurs années de veuvage. En 1990, alors que le gouvernement de coalition mêlant le parti travailliste et le Likoud (droite) était divisé sur la question du retrait des territoires palestiniens, le "Rav" estimera que, dans le judaïsme, la protection de la vie humaine est primordiale, ce qui était une manière de se prononcer en faveur d'un accord de paix avec les Palestiniens. Il confirmera cette position en 1993 en demandant aux députés Shas à la Knesset (Parlement israélien) de ne pas voter contre les accords d'Oslo.

Des veillées de prière avaient lieu depuis un mois à travers Israël pour le rétablissement d'Ovadia Yossef – ici des ultraorthodoxes réagissant après l'annonce de la mort du rabbin Ovadia Yossef, le 7 octobre.
Cette ligne politique s'est cependant nettement inversée au cours des dix dernières années, Shass s'ancrant à droite et devenant un des hérauts du camp nationaliste. Quant à son chef spirituel, il a plus d'une fois fait naître la polémique par ses jugements provocateurs, foncièrement conservateurs et misogynes. Son affirmation selon laquelle les six millions de juifs disparus au cours de la Shoah sont morts parce qu'ils avaient des âmes de pécheurs avait fait scandale, de même que ses propos sur les "Arabes qui pullulent dans la Vieille ville de Jérusalem comme des fourmis" ou son jugement selon lequel "une femme sans fils ne vaut rien".

En août 2012, Ovadia Yossef, dont les sermons hebdomadaires dans une synagogue de Jérusalem étaient retransmis dans nombre de communautés juives à travers le monde, avait assuré que les juifs devaient prier pour l'anéantissement de l'Iran. La disparition de son guide spirituel va poser un difficile problème de succession à Shas, parti qui est en perte de vitesse depuis qu'il a été écarté de la coalition gouvernementale (ainsi que l'autre parti ultraorthodoxe ashkénaze, Judaïsme unifié de la Torah) formée par M. Nétanyahou après les élections de janvier 2013.

Le parti est divisé entre plusieurs responsables, tels le rabbin Shlomo Amar, Aryeh Deri, président de Shass, Yitzhak Yossef, fils du guide spirituel, qui est devenu en juillet grand rabbin (séfarade) d'Israël, et enfin Shalom Cohen. Si le sort de l'âpre bataille interne qui va s'engager est incertain, une chose est sûre : son successeur ne disposera pas avant longtemps de l'influence spirituelle et politique d'Ovadia Yossef.

Laurent Zecchini (Jérusalem, correspondant)
Journaliste au Monde

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