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Il est des œuvres musicales, théâtrales, picturales, architecturales, comme il est des rencontres, des paroles, des événements dont le pouvoir transformant n’agit que dans la durée, parfois même la longue durée. On sort de la pièce, du concert, du repas sans savoir quoi en penser ou en dire. On sait que ce n’était ni insignifiant ni bouleversant. On est juste un peu «décalé», parfois de manière infinitésimale, par rapport à «avant». Expériences à effets lents qui n’opèrent que par diffusion progressive et modification initialement imperceptible. Le socle de notre existence à légèrement bougé mais d’une manière qui s’avérera fondatrice.
Les émotions n’y ont pas la même texture que celles des moments du banal ou de l’exceptionnel. La vie quotidienne nous habitue et risque de nous endormir à coup d’émotivité insipide, sans contenu, superficielle, qui tente de meubler l’ennui tout en nous sécurisant. La justification rationnelle, voire religieuse, de la résignation à une vie non vécue par les individus vidés d’eux-même que nous devenons alors est une forme radicale de barbarie mortifère. A l’inverse de cette atonie émotive, l’émotion de l’événement transformant à long terme, comme on parle d’un vin long en bouche, déconstruit les fausses sécurités et certitudes pour nous aider à être et à naître. C’est là qu’est la culture au sens le plus profond du terme.
Mais pour entrer dans les bénéfices de ces rencontres avec cet humain que la beauté révèle, que la rencontre rend accessible et qui nous travaille au racines de nos êtres, il faut apprendre à renoncer. Certains événements sont vécus dans l’émotion intense et l’impact profond : illumination, conversion, enthousiasme, inspiration, mais aussi trauma, sidération, panique, terreur. Ceux dont nous parlons réclament l’acceptation, le consentement à l’intensité faible, à l’imperceptible avec même cette note de fadeur et d’ennui qui marquent le décalage, l’impréparation où ils nous ont trouvés. Mis en chantier, c’est la patience, l’exaspération parfois, et comme un caillou dans la chaussure qui nous accompagne dans la maturation, le déplacement des plaques tectoniques de nos personnalités.
L’enjeu, que l’on pressent dans cette beauté voilée de certaines œuvres, la présence impossible à circonscrire de certaines personnes rencontrées, la bifurcation lente et incontrôlable qu’opèrent cet instant de souffrance ou de joie fugace, c’est la naissance à nous même. Il y a dans nos vie du chirurgical et du révolutionnaire, des maturations progressives et profondes, et puis cet imprévu qui s’installe et nous fait, dans la demi teinte, passer du chaos qu’il engendre à l’évidence et la paix. Cet oxygène nouveau qui fait la respiration plus profonde c’est, en langage d’évangile, la grâce ou le Souffle de Dieu qui traverse nos bronches, nos artères pour mieux affleurer à l’épiderme des nos existences.
POSTÉ PAR SAMUEL ROUVILLOIS LE 1 SEPTEMBRE 2013
Emotion profonde
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Ecrit le 09 oct.13, 10:29-
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