Bragon a écrit :Je ne comprends pas pourquoi tu t’accroches au cas où cette LOI serait consciente au départ alors que je n’ai fait qu’évoquer ce cas comme possibilité pour immédiatement l’abandonner (provisoirement) et axer ma démonstration sur la seconde l’hypothèse d’apparition progressive de la conscience à postériori, adoptant ainsi le même point de départ que toi.
Relis-toi : « On peut considérer que cette LOI était au départ, quand elle a comblé le néant, consciente, ce qui est possible mais difficile à expliquer. »
C'est le premier moment dans ta démonstration où tu introduis, ex nihilo, l'hypothèse de la conscience, comme si tu voulais absolument qu'elle fasse partie du raisonnement alors qu'elle n'est à aucun moment nécessaire. Je sais bien que c'est pour ne pas la retenir (mais pas non plus pour l'abandonner
), et que nous sommes d'accord sur le fait qu'il est impossible de la faire rentrer de cette façon. Mais je ne peux m'empêcher de souligner qu'elle arrive comme un cheveu sur la soupe, même si ce n'est qu'une simple étape de raisonnement.
Donc, comme la conscience ne rentre pas de cette façon, tu propose une deuxième porte d'entrée : l'apparition progressive de la conscience a posteriori. Ce à quoi je réponds que si elle apparaît a posteriori, elle ne peut pas être cause d'elle-même, et qu'elle est en ce sens très semblable à nous, êtres humains.
Mais tu pense t'en sortir en évoquant la « contrainte de la nécessité », alors que la seule contrainte nécessaire c'est que les choses existent. Comprends-tu ? Il n'est à aucun moment nécessaire que les choses existent de telle façon plutôt que d'une autre, il n'est à aucun moment nécessaire que les lois de la physique soient telles qu'elles sont, il n'est à aucun moment nécessaire que les lois fondamentales de cet univers permettent l'apparition de la vie et de la conscience. Tout ce que nous pouvons dire, c'est que l'univers existe, et que si nous existons, c'est parce que l'univers est tel qu'il est, et que ses lois sont telles qu'elles sont. Mais il n'y a aucune contrainte nécessaire à ce qu'elles soient ainsi, et à ce que nous existions de la façon dont nous existons. La seule contrainte nécessaire, la seule loi suprême, c'est que quelque chose existe. Par la suite, tout ce que nous pouvons dire de ce qui existe se résume à une description, aucunement à une justification.
Bragon a écrit :Je ne comprends pas non plus pourquoi tu refuses d'appeler intelligence, conscience ou esprit, quand je les fait nettement ressortir, est-ce une dénégation systématique ou parlerions-nous des langues différentes?
C'est que je ne vois, dans ce que tu fais ressortir, qu'une intelligence, conscience ou esprit qui n'est pas cause de lui-même. C'est donc une intelligence, conscience ou esprit incomplet, qui ne peut être appelé Dieu. Mais avec qui nous partageons beaucoup de points communs.
Bragon a écrit :On a donc au départ un monde matériel qui apparait ou surgit ou est(peu importe).
Non, pas « peu importe ». La contrainte nécessaire étant l'existence, il ne peut pas ne pas être, donc il ne peut ni surgir ni apparaître. Il EST. Et c'est tout ce que l'on peut en dire.
Bragon a écrit :Ce monde évolue, c’est un FAIT. S’il évolue, disons sans un Dieu qui le pousse et sans se pousser lui-même, c’est qu’il évolue contraint et forcé. Par qui ? Par ce que tu as retenu toi-même : contrainte de nécessité, autrement dit sous l’action de divers facteurs (d'étranges facteurs, mais on verra ça après).
Il évolue contraint et forcé par l'interaction des lois de la physique. Mais rien ne permet d'affirmer que ces lois ne doivent rien au hasard. Rien ne permet d'affirmer que ces lois soient elle-mêmes nécessaires. Or c'est là dessus que repose ta démonstration. Nous n'avons démontré qu'une seule chose, c'est que seule l'existence est nécessaire. Mais le fait d'exister ne contient aucune nécessité à ce que les choses existent de telle façon plutôt qu'une autre.
Bragon a écrit :Or dans ta version, ces facteurs sont d’ordre purement matériel et tu t’es bien gardé d’approfondir ce point. Ta version serait tout à fait valable si nous étions en présence d’une dune qui se dégarnit sous l’effet du vent ou d’un escalier qui s’use sous les semelles. Or l’évolution, ce n’est pas cela. L’évolution fait apparaitre par exemple chez une espèce divers organes, puis s’opère un tri pour éliminer ce qui est inutile et ne garder que ce qui est utile. L’évolution fait apparaitre aussi petit à petit des organes directement utiles sans passer par une opération de tri, comme l’œil par exemple. C’est ce que disent les évolutionnistes qui, pour ne pas déborder de leur office, se gardent, comme toi, de pousser l’investigation plus loin.
Je saute au plafond quand je lis : « L’évolution fait apparaître aussi petit à petit des organes directement utiles sans passer par une opération de tri, comme l’œil par exemple » Comment cela, il n'y aurait pas de tri ? Alors que le tri est le principe même de l'évolution : les individus les moins adaptés disparaissent sans transmettre leur hérédité, alors que les plus performants transmettent leurs gènes. Évidemment c'est un tri qui ne procède pas d'une conscience, et c'est peut-être cela qui te met mal à l'aise. Mais c'est un tri sacrément efficace, que l'on appelle la sélection naturelle.
L'oeil, pour sa part, a évolué à partir de cellules de l'épiderme photosensibles, qui on appris à réagir à la lumière. Il n'y a rien de mystérieux dans ce phénomène, ce n'est que de la physique.
Bragon a écrit :Or cette Loi qui contraint, ce moteur, cette dynamique ou facteurs matériels( tu peux les appeler comme tu veux), cette LOI fait donc bien des choix en sélectionnant, elle fait des choix pour harmoniser et, cerise sur le gâteau, innove en faisant apparaitre yeux, oreilles, cerveaux….. Si cette LOI, qu’on peut continuer à appeler contrainte de nécessité, fait tout ce que je viens de dire n’est pas conscience ou intelligence, alors qu’est-ce que la conscience et l’intelligence ?
Aucune loi, à part l'existence, ne contraint quoi que ce soit indépendamment d'autres lois. Si les particules ont précisément la masse que l'on observe, c'est par interaction entre elles. Et même les constantes fondamentales doivent se mettre à plusieurs pour que la physique soit telle que nous l'observons. La loi dont tu parle, on ne peut l'appeler loi, car elle n'est que le résultat de milliers d'interactions. Elle ne fait pas de sélection, ni de choix, elle n'harmonise rien, car elle n'est pas une intention, elle est juste le produit de tout ce qui existe. Elle est entièrement soumise à ce qui existe, et à ce que ce qui existe soit tel qu'il est.
Bragon a écrit :Je marque ici une pause pour faire remarquer que tu intègres dans ton système cette « contrainte de la nécessité », mais en la vidant de ce qui fait l'essentiel de son contenu, en occultant l’aspect le plus important que je viens de mettre en exergue. C’est un tour de passe-passe, sans lequel tout ton système s’écroule. Tu l'intègres...sans l'intégrer, juste du bout des lèvres.
Mais ce contenu, c'est toi qui l'y a mis, pas moi. J'essaye juste de t'expliquer que ça ne rentre pas, même à coups de marteau.
Bragon a écrit :Très brièvement, résumons ma thèse. 1/Un monde matériel, contraint, apparait. 2/ Ce matériau, évolue progressivement, toujours sous contrainte (pour ne pas parler de Dieu). 3/La même contrainte l’oblige à donner naissance à de nouvelles formes et pas n'importe lesquelles: vie, végétaux, animaux, conscience, intelligence, toutes choses qui n’existaient pas au départ. Au final, on est donc très loin, qualitativement, du point de départ. Un long chemin a été parcouru. Tu peux dire que ce n’est pas une intelligence ou que l’intelligence n’est pas intelligente, libre à toi et même parler de Contrainte intelligente inintelligente ou inconsciemment consciente, je ne peux pas aller plus loin
Je voudrais ajouter ceci (ce n'est pas forcément une contradiction à ce que tu viens d'exposer, mais il faut le prendre en considération) : qu'il y ait des contraintes n'implique en aucune façon que les choses soient entièrement écrites et inévitables. L'univers contient aussi des degrés de liberté. Par ailleurs il ne semble pas rendre facile l'apparition de la vie. On peut dire qu'à grande échelle la vie est inévitable parce que les hasards dont elle dépend, même improbables, finissent par se produire. Mais on ne peut pas dire que sa forme soit prédéterminée, et qu'il existait une loi qui fasse que l'homme apparaissent avec deux bras, une tête, des mains à cinq doigts, et même un mode de pensée propre à son espèce.
Bragon a écrit :Je peux démontrer qu'il y a de l'intelligence, mais pas que l'intelligence est intelligente.
Mais si cette Loi ou contrainte de nécessité est Dieu, pourquoi y a-t-il des erreurs dans l’évolution, le mal et l’injustice dans le monde ? Parce que cette Loi est soumise (c’est normal) à son propre principe, est en bute elle-même à des contraintes, autrement dit cette Loi, ce Dieu n’est pas encore fait, il est lui-même en évolution, il se débat dans ce matériau au sein duquel il est apparu par contrainte et tardivement pour exercer à son tour une contrainte sur ce matériau et le faire bouger, car il bouge !!. Mais comme Dieu ( nous sommes désormais fondés à lui donner ce titre)
Un Dieu qui n'est pas à l'origine du matériau au sein duquel il est apparu est un Dieu bien incomplet et bien imparfait. Il me semble au contraire que nous sommes bien peu fondés à l'appeler Dieu. Sa condition ne serait guère différente de la nôtre, non ?
Bragon a écrit :a atteint déjà un certain niveau de conscience jusqu'à faire apparaitre l’homme conscient, il inspire alors l’homme pour lui demander de pousser à la roue, c'est-à-dire à l’aider à surmonter les contraintes, et c’est l’objet des religions, et c’est ce qui explique que ces religions soient apparues tardivement. Dieu a attendu l’homme pour l’enrôler dans son travail de progression, comme il a enrôlé précédemment d'autres agents ou facteurs pour avancer jusqu'à atteindre l'homme(il y a cumul des acquis). Et les religions n’ont pas tort quand elles disent que les voies du Seigneur sont impénétrables, ce qui signifie que nous ne pouvons pas connaitre le genre de contraintes que Dieu est occupé actuellement à surmonter et que nous devons nous en remettre à ses directives. Si ces dites directives sont parfois mal et diversement interprétées, c’est une autre histoire.
Pfff... Maintenant ton argumentaire ne repose plus sur aucune racine solide, il ne me reste qu'à souffler sur cette conclusion.
Car au bout du compte, tu n'as aucunement trouvé Dieu, mais tu t'es trouvé toi-même. Je trouve cela déjà bien beau.
"Ce que les hommes veulent, en fait, ce n'est pas la connaissance, c'est la certitude."
(Bertrand Russell / 1872-1970 / The listener, 1964)