Mécanique quantique
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Re: Mécanique quantique
Ecrit le 18 sept.14, 10:30Voici un texte plus récent de Bernard d'Espagnat, long mais très dans le sujet:
1 / Physique et Réalité, une introduction à la question
Il est banal de dire que le développement de la physique durant les trois derniers siècles a fait évoluer nos idées et jusqu'aux concepts par lesquels nous les exprimons. Une remarque si générale ne surprendra, bien sûr, personne. C'est à mesure que nous prenons connaissance de l'ampleur de l'évolution en question que notre étonnement, peu à peu, perce, croît, prend consistance, et cela jusqu'à revêtir, quand nous en savons assez long, la forme d'un aveu de grave désorientation. En fin de compte, veux-je dire, nous nous voyons contraint de reconnaître que nombre de nos évidences en apparence les plus claires, de celles sur lesquelles nous fondons notre vue normale des choses, ne sont guère plus que d'utiles recettes mnémotechniques. Qu'en tant qu'évidences premières elles sont à mettre au rancart. Par quoi les remplacerons-nous ? Question difficile qui, je me hâte de le dire, sera, dans ce fascicule, débattue mais non résolue. Que l'on se rassure cependant. En dépit — si ce n'est à cause — de cela, la physique se développe de façon enrichissante. En tout cas, l'état de perplexité dans laquelle elle plonge, depuis un siècle, les gens qui la pratiquent et cherchent à penser ne l'empêche aucunement d'avancer à pas de géants dans le domaine qui, au sens le
plus strict, est le sien propre : celui du prédictif d'observations.
Pour expliciter l'évolution dont je viens de marquer toute l'étendue j'en distinguerai trois moments : l'échec du « réalisme proche » ou « mécanicisme cartésien », celui, récent, de l'idée de localité, entraînant la crise de l'atomisme et enfin la grande question, posée d'une manière précise et insistante par la physique elle-même, qui est celle de savoir ce à quoi se rapportent la physique et
jusqu'à notre expérience de tous les jours. Cette dernière question est philosophique et l’on ne s'étonnera donc pas qu'elle suscite différentes réponses, même en provenance de personnes compétentes en la matière. Je précise que celle que je décrirai est la mienne propre et qu'elle n'engage que moi.
1- Échec du mécanicisme cartésien.
Sur ce premier point, je peux me permettre d'être bref. C'est certes à juste titre que l'on crédite Descartes d'avoir, l'un des tout premiers avec Galilée, introduit les mathématiques dans la physique et les autres sciences. Mais l'idée ne lui est pas venue qu'il était possible de fonder sur elles des concepts physiques entièrement nouveaux. La liste qu'il dresse (dans les Principes de la philosophie)
des « notions claires et distinctes qui peuvent être en notre entendement touchant les choses matérielles » ne comporte que celles « des figures, des grandeurs et des mouvements, et des règles suivant lesquelles ces trois choses peuvent être diversifiées l'une par l'autre », et il nous dit expressément qu'il faut « que toute la connaissance que les hommes peuvent avoir de la nature [soit]
tirée de cela seul ». Cette conception, qu'on appelle le mécanicisme, revient, on le voit, à considérer que, du moins dans le domaine de « l'étendue », autrement dit de la matière, tout, en fin de compte, est descriptible au moyen des concepts de la liste en question, dont on remarque tout de suite que tous ses éléments sont des concepts familiers, des concepts dont, depuis la nuit des temps, l'homme a toujours disposé.
Je note, en passant, que la plupart de nos collègues des autres sciences, biologie, géologie etc., en sont plus ou moins restés à ce stade : et cela simplement du fait que le mécanicisme est pour eux, un très bon modèle — par exemple : il résulte de la mécanique quantique elle-même que les grosses molécules se comportent plus ou moins, en apparence, comme les pièces d'un jeu de lego. Mais nous, physiciens, nous savons depuis longtemps que notre science elle-même nous oblige à dépasser le cadre des concepts familiers. Pensons à Einstein, à l'équivalence masse-énergie, au tenseur de courbure etc. Sur le plan expérimental, pensons au processus de création de particules — ou de paires particules-antiparticules — dans les chocs à haute énergie. Le phénomène est observé et, certes, la théorie le maîtrise d'une manière satisfaisante. Mais c'est un fait que les diverses manière que celle-ci a de le décrire — que ce soit par la théorie des champs, par celle de la « mer de Dirac » ou par la « théorie des positrons » de Richard Feynman, — font toutes appel à des concepts non familiers, débordant du cadre du mécanicisme.
2 - La réfutation du principe de localité.
Imaginons un psychanalyste de fantaisie ayant affaire à un très grand nombre de couples et qui opérerait comme suit. Il enverrait les hommes à la cave, les femmes au grenier, empêchant de ce fait, dès ce moment, toute communication au sein des couples, et il chargerait deux assistants d'interroger, l'un les premiers, l'autre les secondes. À tous, la même question serait posée et les assistants noteraient, chaque fois, nom de famille et réponse. Supposons que la question soit de celles dont la réponse — à donner par « oui » ou par « non » — n'est pas dictée de façon patente par les faits : opinion politique, par exemple. Imaginons, enfin, qu'à la fin de l'opération les assistants, en comparant leurs notes, constatent une corrélation parfaite entre les réponses données par les couples : quel que soit le nom X, si M. X a répondu « oui », Mine X a répondu « oui » et si M. X a répondu « non », son épouse, elle aussi, a répondu « non ». Cette parfaite corrélation ne peut être le fruit du hasard, mais elle est susceptible d'une explication évidente. Il suffit d'admettre que, dès avant leur séparation, mari et femme s'étaient, au sein de chaque couple, formés une opinion commune concernant le sujet de la question posée.
En physique, on conçoit aisément des montages expérimentaux induisant des phénomènes de corrélation à distance similaires, en apparence, à celui de cet apologue. On utilise à cet effet des sources de paires de particules, les deux éléments de chacune des paires étant envoyés dans deux directions opposées et étant soumis, à grande distance, à des mesures. Si ces événements-mesures sont suffisamment éloignés dans l'espace et proches dans le temps l'un de l'autre on s'estime fondé à juger que, tout comme dans l'apologue qu'on vient de voir, il n'y a entre eux aucune connexion causale directe, ce que l'on exprime en disant qu'un « principe de localité » est satisfait. Si, entre les résultats obtenus, on constate une corrélation, on tend donc à lui donner une explication toute simple, calquée sur celle qui marche si bien dans l'apologue : autrement dit, une explication, primo, réaliste — les particules et leurs propriétés sont conçues comme existant indépendamment de la connaissance qu'on peut en avoir — et, secondo, conforme, je le répète, au « principe de localité » — autrement dit, fondée sur une corrélation supposée exister entre paramètres attachés aux particules elles-mêmes, tout comme, dans l'apologue, l'explication est fondée sur l'identité des opinions politiques des deux éléments d'un même couple. Et c'est effectivement là une vue des choses que, jusqu'à il y a une trentaine d'années, un philosophe eût encore pu, très légitimement, soutenir.
Mais aujourd'hui, comme Jean Bricmont nous l'expliquera grâce au théorème de Bell1 et aux expériences associées, telles celles faites à Orsay par le groupe d'Alain Aspect2, on sait de façon sûre que cette explication est fausse. Ou, pour dire la même chose en d'autres termes, on sait que, dans le domaine des idées fondamentales, toute théorie « réaliste, locale » entre nécessairement en contradiction avec certains faits expérimentaux observés. Comme notre vision classique du monde s'inscrivait, précisément, dans le cadre d'une conception « réaliste » et « locale » (absence de relations causales directes entre événements suffisamment éloignés dans l'espace et proches dans le temps, potentiels d'interaction diminuant tous avec la distance etc.), la découverte de John Bell est d'une importance considérable. En particulier, elle a pour conséquence de grandement restreindre la portée philosophique de la théorie atomique. Celle-ci, en effet, apparaissait comme l'exemple par excellence d'une théorie réaliste, locale et, en tant que telle, la non-localité la réfute. Elle demeure valable, bien entendu, mais seulement à titre de modèle utile : non pas une approximation mais plutôt une manière, pratique dans bien des cas, de symboliser le déroulement des phénomènes. Notons enfin que la non-localité, qui manifestement serait très difficile à expliquer dans le cadre de la mécanique classique, est, en revanche pleinement compatible avec la mécanique quantique ; de fait, son existence fut même suggérée par celle-ci, par le biais d'un formalisme mathématique que je n'ai pas le temps de développer.
3- Le problème de l'objet de la physique.
La physique fournit les assises explicatives, sinon de l'ensemble de notre expérience, du moins de toute celle qui concerne, en gros, le règne inanimé. Une affirmation aussi vague — quasiment une définition — est peu sujette à objection, du moins aussi longtemps que l'on prend l'expression « notre expérience » en son sens authentique, celui de quelque chose qui se rapporte à nous. Mais, bien entendu, de la physique — associée aux autres sciences — nous attendons, généralement, beaucoup plus. Nous espérons d'elle qu'elle nous décrive le monde tel qu'il est ou tout au moins qu'elle vienne à notre secours dans notre effort pour le connaître. Certes, nous savons déjà que cette description, elle ne pourra pas la couler dans le moule du mécanicisme cartésien. Mais à l'heure actuelle nous sommes, en général intellectuellement disposés à écarter, si cela s’avère nécessaire, les étroites limites de celui-ci. De fait, sous l'inspiration de la théorie électromagnétique, de la relativité générale etc., il s'est développé, chez les physiciens en tout cas, une conception de la connaissance que, par référence à l'Einstein de l'âge mûr, on pourrait appeler l'einsteinisme. L'einsteinisme est l'idée que la réalité en soi est structurée et que, grâce aux mathématiques, qui fournissent — enfin ! — les bons concepts, cette réalité est connaissable. La présentation suivante en a été donnée par Einstein lui-même.
Il y a quelque chose comme « l'état réel » d'un système physique, état qui existe objectivement, indépendamment de toute observation ou mesure et qui peut en principe être décrit par les moyens d'expression de la physique [Quels moyens d'expression, et par conséquent quels concepts fondamentaux sont à utiliser à cet égard (points matériels, champs, moyens de détermination encore à inventer), ceci, à mon avis, est actuellement inconnu]. En raison de sa nature « métaphysique », cette thèse concernant la réalité n'a pas le sens d'un énoncé clair en soi. Elle a seulement le caractère d'un programme [...]. Elle est, il est vrai, arbitraire du point de vue logique. Mais la laisse-t-on choir que c'est alors une rude affaire que d'échapper au solipsisme.
Albert Einstein (dans Louis de Broglie, physicien et penseur, Albin Michel 1953)
Il est indéniable que cet einsteinisme représente déjà un très grand changement — et un progrès immense — par rapport au mécanicisme cartésien. Je vais cependant tenter de montrer que l'einsteinisme n'est pas, malgré tout, le « fin mot de l'histoire » et qu'il faut, lui aussi, le dépasser. Pour cela j'ai trois arguments, de portées d'ailleurs assez inégales.
Premier argument. La sous-détermination de la théorie par l'expérience.
Considérons, par exemple, la théorie des particules. Durant ce dernier demi-siècle, elle a suscité trois principales ébauches de représentations du monde. Il s'agit, dans « l'ordre d'entrée en scène », de celles émanant de la théorie de la mer de Dirac, de la théorie quantique des champs et de la méthodologie de Feynman. Ces trois constructions théoriques prévoient les mêmes résultats d'observation. Il n'existe aucune expérience susceptible de les départager. Aussi, dans l'exercice de notre travail de prédiction d'observations, sautons-nous fort allègrement, nous physiciens, de l'une à l'autre, considérant qu'il s'agit de versions plus ou moins générales mais équivalentes d'une même théorie fondamentale. Il n'en est pas moins vrai que, comme les personnes qui les connaissent peuvent immédiatement le constater, les représentations de la réalité suggérées par les concepts propres à chacune de ces théories sont extrêmement différentes et manifestement incompatibles.
Il y a là une difficulté pour l'einsteinisme car celui-ci a les caractères d'une ontologie. Comme il ressort clairement de la citation précédente, l'einsteinisme vise à découvrir les vrais concepts : ceux qui correspondent vraiment à ce qui est. Or, on a ici trois descriptions que, même si chacun de nous a, sur la base de ce qu'il fait dans son travail, ses préférences, il est impossible de discriminer objectivement par un recours à l'expérience. C'est là un premier argument en faveur d'un dépassement du réalisme physique, y compris sous sa forme « einsteinienne ».
Deuxième argument. L'objectivité faible
Cet argument se fonde sur la mécanique quantique et sur le rôle essentiel que ses principes premiers jouent aujourd'hui en physique. Il repose sur le fait que, telle que nous l'enseignons et l'utilisons, la mécanique quantique est une théorie à objectivité seulement « faible ».
Ce que j'entends par là requiert explication. La science est objective, nous en convenons tous. Mais quand on a affirmé cela on n'a pas encore tout dit car, même en science, le mot est utilisé en deux sens différents. Indéniablement, la plupart des assertions scientifiques ont une forme qui permet de les interpréter — à tort ou à raison — comme nous renseignant sur des attributs, éventuellement contingents, de la chose étudiée elle-même. Les énoncés du type « deux corps ayant telle et telle masse et situés à telle et telle distance l'un de l'autre s'attirent selon telle et telle force » et, plus généralement, tous les énoncés fondamentaux de la physique classique — à l'exception, curieusement, de ceux de la mécanique statistique — sont de ce type. Je dis qu'ils sont « fortement objectifs » pour les distinguer d'énoncés d'un type différent et qui pourtant sont eux aussi considérés comme objectifs. Il s'agit de ceux qu'on exprime sous la forme de règles universelles de prévision d'observation. De ceux-ci nous dirons qu'ils sont à objectivité seulement faible3. Contrairement à ceux à objectivité forte ils nous mettent nous-mêmes en jeu, mais ils sont valables pour n'importe qui, dans n'importe quelle situation, et c'est pour cela qu'ils sont objectifs.
Or, je le répète, certains des principes de la mécanique quantique que l'on considère comme fondamentaux sont à objectivité seulement faible dans le sens qui vient d'être dit. C'est en particulier le cas de la fameuse règle de Born, qui donne la probabilité d'obtenir un certain résultat quand on mesure telle ou telle grandeur. En ce qui concerne, par exemple, les mesures de position, la règle en question nous informe que la quantité à considérer est IY(x, y, z) size=150]I[/size]², le carré du module de la fonction d'onde en un point (x, y, z). IY (x, y, z)I² est donc une probabilité. Mais probabilité de quoi ? En français, l'usage est de l'appeler « probabilité de présence » — sous-entendu au point (x, y, z) — mais l'expression est trompeuse. Elle paraît signifier que, à chaque instant, les coordonnées x, y et z de la particule ont une valeur déterminée mais inconnue, peut-être même inconnaissable. Or si cette idée était juste il serait difficile de ne pas en inférer que, dans une expérience de fentes de Young, chaque particule passe par une fente et une seule. Mais, d'autre part, il est bien clair qu'une telle description du phénomène est incompatible avec l'explication des franges fournie par la mécanique quantique « orthodoxe » — sans variables cachées explicitement introduites dans la théorie —, car cette explication se fonde sur l'idée que chaque élément de l'entité composant le faisceau passe à la fois par les deux fentes.
L'expression anglaise pour qualifier le IY(x, y, z)I², « probability to be found » — probabilité d'être trouvée — est, par conséquent, dans la mécanique quantique orthodoxe, la seule acceptable et doit être prise au sens littéral. Cette mécanique ne se soucie pas de nous faire savoir si une particule est à un certain moment ici ou là, ou avec quelle probabilité elle s'y trouve. Contrairement à la physique classique, elle ne postule même pas implicitement que la question possède un sens. Elle nous informe seulement de la probabilité que nous avons de trouver ici ou là la particule si nous la cherchons à cet endroit. Au reste, la conclusion est la même quelle que soit la grandeur physique à laquelle on s'intéresse, qu'elle soit ou non de la nature d'une position. En effet, le formalisme comporte une formule — que l'on peut appeler « règle de Born généralisée » — qui, étant données une grandeur physique et la liste des valeurs qu'on peut lui trouver, fournit la probabilité que nous avons d'obtenir, lors d'une mesure de cette grandeur, telle de ces valeurs plutôt qu'une des autres. Et il se trouve que si, naïvement, on voulait interpréter ceci en posant que la grandeur en question avait déjà, avant toute mesure, la valeur en question — avec une certaine probabilité — le formalisme quantique déboucherait sur des prédictions erronées concernant d'autres mesures possibles. On est ainsi conduit à considérer que ce qui est fondamental dans la mécanique quantique « orthodoxe » ce n'est pas le descriptif, c'est le prédictif d'observation.
Il est vrai que l'on pourrait se demander si cette conclusion n'est pas abusivement circonstancielle. Si elle ne procède pas tout simplement du fait — contingent — que les physiciens du début du XXe siècle qui mirent la mécanique quantique sur pied se trouvaient être plus intéressés par les règles prédictives d'observations que par la description de la réalité. Rappelons-nous, en effet, que l'avènement de la mécanique quantique a coïncidé avec la grande époque du positivisme logique c’est-à-dire d'une philosophie qui soutenait que n'a de sens que l'observable. Certes les prédictions de la mécanique quantique n'ont jamais été infirmées par les faits, mais, vu les fréquentes « sous- déterminations des théories par l'expérience », on peut s'attendre à ce qu'il existe d'autres théories fournissant les mêmes prédictions et a priori il est concevable qu'il y en ait parmi elles qui soient à la fois ontologiquement interprétables et scientifiquement convaincantes, ce qui sauverait le réalisme physique, au moins dans sa version « einsteinienne ».
Alors, y en a-t-il ? C'est relativement à ce point que les participants à notre groupe ne nourrissent pas tous la même opinion. Et cela même si tous sont d'accord pour rejeter une présentation encore assez courante de la mécanique quantique qui, laissant dans le vague les points délicats plus haut rapidement décrits, donne à croire que le formalisme mathématique de cette mécanique serait, sans adjonctions ni modifications, susceptible d'une interprétation descriptive, donc réaliste. En fait, la réponse à la question posée dépend de façon cruciale de ce qu'on entend par la condition, ci-dessus imposée à toute théorie, d'être « scientifiquement convaincante ». Si, pour les besoins de l'argumentation, on écarte momentanément cette condition, la réponse à la question ici posée est sans équivoque et elle est « oui ». Louis de Broglie, en 1927, a proposé une théorie à variables « cachées »4, plus tard redécouverte et grandement généralisée par David Bohm5, qui, effectivement, au moins dans le cadre non-relativiste, retrouve, en droit, toutes les prédictions observables de la mécanique quantique « orthodoxe », tout en étant objectivement interprétable. Jean Bricmont, tout à l'heure, nous en développera les mérites. En vérité, ceux-ci sont grands. En effet, comme on le verra, la théorie est entièrement cohérente et, du fait, précisément, qu'elle est ontologiquement interprétable, elle fournit des phénomènes une explication qui satisfait pleinement l'esprit. D'un autre côté, comme Michel Bitbol le fera sans doute valoir, si l'explication en question nous séduit, c'est peut-être pour une raison plus formelle qu'il ne semble au premier abord. En effet, si elle est bien du type de celles auxquelles le mécanicisme cartésien nous a habitués, en revanche, contrairement à ces dernières, « les structures descriptives qu'elle greffe sur le formalisme prédictif de la mécanique quantique sont [...] telles qu'elles impliquent d'elles-mêmes l'inaccessibilité à l'expérimentation »6. Par ailleurs, pour qu'une adhésion à la théorie dont il s'agit ne soit pas une régression, il faudrait que les formes les plus élaborées de la théorie dite « des particules » — je pense ici à la théorie des champs, à ses développements selon les techniques feynmaniennes, aux symétries internes, aux supersymétries, aux supercordes etc. — soient reformulables dans son cadre, ce qui peut apparaître comme un programme à l'ambition démesurée.
Sont-ce là des raisons de considérer que la théorie en question et d'autres modèles similaires ne sont pas scientifiquement convaincantsÊ? Comme beaucoup, je le pense. Mais plusieurs des interventions qui suivront nous permettront de nous former une vue plus détaillée et plus précise des tenants et aboutissants de cette question-là. Pour l'heure, disons seulement que, en tout cas, les données que je viens de rappeler révèlent ce qui, dans la mécanique quantique, est véritablement solide. Elles montrent que ce n'est pas sa sous-jacente ontologie — qui reste problématique, comme on le voit ! — mais bien l'ensemble de ses règles de prévision d'observations.
4- Une pseudo-ontologie.
Je le répète : la théorie de Louis de Broglie et David Bohm n'est, à mes yeux comme à ceux de la majorité des physiciens, pas scientifiquement convaincante. Reste, encore une fois, qu'elle est pleinement cohérente. Elle vise explicitement le réalisme — l'ontologiquement interprétable — et elle l'atteint. À l'autre extrémité de l'éventail philosophique on trouve une autre théorie conceptuellement cohérente. C'est l'interprétation de Copenhague lorsque celle-ci est comprise comme assignant à la physique le rôle de décrire, non du tout la réalité, mais bien l'ensemble de l'expérience humaine communicable. D'un autre côté, il est de fait qu'à tort ou à raison la plupart des physiciens restent attachés à la visée réaliste. Comme, en même temps, ils sont tous impressionnés à juste titre par les succès de la mécanique quantique et qu'ils le furent longtemps par le prestige qui en rejaillissait sur les fondateurs de celle-ci, ils se sont trouvés, sans toujours s'en apercevoir, dans une position conceptuelle fausse. Certains ont tenté d'en sortir et en particulier beaucoup de physiciens dits fort improprement « des particules » — dont la discipline est entièrement fondée sur les grandes idées de Feynman — paraissent s'être construit, à partir de ces dernières, une sorte de pseudo-ontologie de remplacement. Je n'entrerai ici, bien sûr, dans aucun détail de calcul. Je dirai donc seulement qu'à mon avis il s'agit là, en fait d'une illusion. Selon moi, celle-ci se rattache directement à ce que je notais tout à l'heure concernant l'impropriété du terme « probabilité de présence » qui renvoie faussement à une réalité en soi. Feynman lui-même a souvent souligné combien il est difficile d'interpréter la physique quantique en termes réalistes. Mais en même temps il répugnait à discuter de tels sujets, qu'il semble avoir tenu pour « dangereusement » philosophiques. Aussi trouva-t-il une manière ingénieuse de court-circuiter la difficulté7.
En bref, il introduisit la notion d’ « amplitude de probabilité d'arriver à un point donné B », et cela même quand B est un « point intermédiaire », où aucune mesure n'est faite et où aucune interaction n'a lieu. Certes, il insista sur le fait qu'il s'agissait là d'amplitudes et non de probabilités. Il n'empêche qu'en glissant dans son texte le verbe « arriver » il escamota le noeud conceptuellement essentiel de l'affaire. En effet, ce verbe, comme le verbe « être », a une connotation éminemment réaliste. Lorsqu'il s'agit d'un « point intermédiaire », ou bien l'emploi de ce verbe signifie que la particule y arrive véritablement — ce qui, « amplitude » ou pas « amplitude », empêcherait les effets quantiques de se produire — ou bien il n'a pas d'autre sens que celui de permettre la formulation rapide et imagée de ce qui n'est en fait qu'une pure et simple recette de calcul. Étant donné que les effets quantiques sont bien là, c'est cette seconde réponse qui, ici, est la bonne et l'on voit donc que la physique feynmanienne des particules — tout comme la mécanique quantique dont elle n'altère en rien les grands principes — est à caractère essentiellement prédictif — j'entends : « prédictif d'observations » — et non descriptif On peut, cependant, ne pas être nettement conscient du fait que le verbe « arriver » est ici employé dans une acception qui n'est pas l'acception courante, et ce fait peut amener à faussement croire à la possibilité d'une interprétation réaliste de la physique des particules. C'est l'erreur ainsi engendrée que je désigne ici par l'expression « pseudoontologie».
5- L'universalité quantique.
Il y a un siècle, la physique classique pouvait être considérée comme fournissant une assise conceptuelle aux autres sciences et paraissait donc susceptible de devenir, avec le temps, le fondement d'une explication complète de l'ensemble des phénomènes. Mais cette idée a dû être abandonnée puisque la physique classique a émis des prédictions fausses au sein de ce qui, en principe, constituait le coeur même de son sujet, à savoir la structure intime de la matière. Par contraste, la mécanique quantique n'a, dans aucun domaine, jamais fourni de prédictions observationnelles contredites par l'expérience, alors qu'elle est au centre des disciplines les plus diverses. Il résulte de cela que, s'il est, aujourd'hui, une théorie universelle, celle-ci ne paraît pouvoir être que la mécanique quantique ou, plus précisément, les lois générales de cette mécanique, autrement dit les grandes règles prédictives d'observation dont il vient d'être question.
Reste cependant à savoir si c'est bien le cas. Bien entendu, une condition que toute théorie candidate au rôle de théorie universelle doit nécessairement remplir est celle de la généralité. De ce point de vue, la mécanique quantique est pleinement satisfaisante puisque, édifiée en premier lieu en tant que théorie des atomes et des molécules, elle s'est progressivement avérée pertinente dans tous les domaines de pointe de la physique. En faveur de son universalité, c'est là un argument de poids, mais qui, bien entendu, ne convainc pas à lui tout seul, Tout naturellement nous sommes donc tentés de le compléter par un autre, qui consiste tout simplement à remarquer que tout, dans le monde matériel, apparaît comme étant constitué d'atomes, que ceux-ci sont eux-mêmes constitués de particules et de champs, et que la théorie quantique est précisément celle qui rend compte du comportement des particules et des champs. Dès lors, tend-on à conclure, cette théorie est nécessairement universelle, en ce sens, au moins, que ses lois s'appliquent à tout.
En fait, la non-localité et l'objectivité faible de la mécanique quantique se conjuguent pour affaiblir la portée de cet argument ; la première en jetant le discrédit sur l'idée même de constitution du réel en parties, la seconde en nous révélant que de toute manière la physique ne nous fournit pas de véritables descriptions de « ce qui est ». En outre, la formulation « orthodoxe » de la mécanique quantique, celle de Bohr et de l'École de Copenhague, se fondait expressément sur la prise en considération des instruments de la mesure et sur l'idée que, en dépit du fait qu'ils sont « constitués d'atomes », ceux-ci, du simple fait qu'ils sont utilisés comme instruments, doivent être traités par la mécanique classique ; ce qui a conduit le grand physicien russe L. Landau — soviétique mais néanmoins proche, en idées, de Bohr — à écrire sa phrase célèbre : « La mécanique quantique a besoin de la physique classique pour sa propre formulation ».
Aujourd'hui, toutefois, nombre de physiciens quantiques voient les choses différemment. Cela tient à ce que la communauté physicienne a depuis peu réalisé le rôle très important de la décohérence. Schématiquement, il s'agit du fait que, les niveaux d'énergie des systèmes macroscopiques étant extrêmement proches les uns des autres, d'infimes perturbations peuvent les affecter, de sorte que, dans des conditions normales, ces systèmes ne peuvent pas être considérés comme vraiment isolés de leur environnement. Ils sont nécessairement enchevêtrés — au sens quantique — avec lui, ce qui fait qu'on ne saurait attribuer à chacun d'eux une fonction d'onde et que, même, on ne peut, en toute rigueur, penser chacun comme constituant une entité — une sorte d' « être en soi » — individualisée8. D'une certaine manière c'est nous qui, sous l'effet de notre équipement sensori-moteur et conceptuel, les séparons intellectuellement et pragmatiquement de l'environnement en question et faisons abstraction de celui-ci. Or cette opération d'abstraction, faite instinctivement dans la vie courante, nous savons maintenant l'effectuer, dans le cadre de la mécanique quantique, par le calcul, et en tirer les conséquences. Il se trouve que celles-ci sont pertinentes relativement à la question qui nous intéresse.
En effet on a pu montrer — je pense ici, en particulier, à certains travaux de Roland Omnès9 — qu'en ce qui concerne les systèmes macroscopiques se trouvant dans des conditions non exceptionnelles ces conséquences sont que les prévisions observationnelles concernant ces systèmes — prévisions qu'on obtient d'habitude en se servant de la mécanique classique — peuvent se déduire dans le détail des règles prévisionnelles de la mécanique quantique. En d'autres termes, il a été montré que, des règles de prédiction quantiques conçues comme universelles, découle l'apparence d'un monde classique. En faveur de l'universalité de la mécanique quantique c'est là, en définitive, un argument d'un très grand poids, même si, comme vous le voyez, la décohérence ne fournit aucunement une justification de l'ontologie classique, celle du réalisme naïf, qui considère les objets comme des choses en soi. C'est pourquoi je parle d’ « apparences ». Mais des apparences valables pour tous ne sont elles pas, en science, tout aussi bonnes — voire meilleures ! — que des « réalités en soi » ?
Notons enfin que la notion de décohérence et la thèse de l'universalité des lois quantiques reçoivent l'une et l'autre un appui remarquable en provenance des expériences du groupe Haroche10. Très grosso modo, on peut dire, en effet, que ces physiciens ont opéré la déconnexion temporaire d'un objet macroscopique — en fait : mésoscopique — et de son environnement, ont constaté que l'objet jouit alors de propriétés typiquement quantiques, et ont observé qu'en un temps très court, mais fini et même mesurable, il reprend son aspect « classique », sa connexion avec l'environnement s'étant d'elle-même rétablie. Il est clair que si le monde — ou notre appréhension de celui-ci — était régi par deux systèmes distincts de lois fondamentales, l'un, quantique, s'appliquant aux systèmes microscopiques et l'autre, classique, aux systèmes macroscopiques ou tout au moins à la très grande majorité de ceux-ci, ces résultats ne seraient guère compréhensibles. Cette expérience constitue donc un argument difficilement contournable, me semble-t-il, en faveur de l'idée que les lois prédictives d'observation qui constituent le noyau dur de la mécanique quantique sont universelles.
L'ensemble des données que j'ai rappelées me conduit à des conclusions bien définies que je présenterai brièvement comme suit. Il est clair qu'au cours de leur histoire — ou, disons plutôt, de leur préhistoire — les hommes se sont construit des concepts utiles à leur existence. Et il est clair aussi qu'une des questions « brûlantes » qui se posent à qui cherche la vérité est : « devons-nous juger que ces concepts correspondent au réel — à ce qui « vraiment est » — ou qu'ils sont, tout au moins, une bonne approximation du réel ? »
Le fameux principe « ça marche, donc c'est vrai » suggère puissamment la réponse « oui ». Mais nous savons que ce principe n'a rien d'une règle absolue et même que, en science, il est souvent mis en défaut. En fait, il me semble indéniable que, compte tenu des données en question, la réponse, bien au contraire, est nettement « non ». On l'a vu : si vraiment il s'agit d'approcher le réel — « en soi », « ultime », qualifions-le comme on voudra —, les concepts familiers, ceux du mécanicisme, ne fournissent même pas une bonne approximation ; et, contrairement aux espérances einsteiniennes, ceux qu'on forge à partir des mathématiques, pour féconds qu'ils soient, ne sont pas, eux non plus, qualifiés pour tenir ce rôle. C'est pourquoi, en une sorte de retour — mais impliquant d'essentielles modifications — au mythe platonicien de la caverne, je parle, pour ma part, de « réel voilé ».
6- Coup d'oeil sur la suite
D'un autre côté, non-localité et décohérence sont des notions récentes. Il est normal que leurs interprétations soulèvent encore des difficultés et que leurs implications suscitent des débats. Des débats qui, au reste, ne font qu'alimenter des controverses plus générales portant sur les rapports entre physique quantique et réalité et qui débouchent quasi inévitablement sur des prises de positions relatives à cette notion elle-même.
Les communications qui suivent, même si elles ne couvrent pas l'ensemble des points de vue, en donneront une vue instructive. En gros, François Lurçat, interprétant Niels Bohr dans une perspective husserlienne, y défend l'idée d’ « ontologies régionales ». Basarab Nicolescu y prône celle de « niveaux de réalité » comprise conformément à un moment de la pensée de Heisenberg. Jean Bricmont, plus « réaliste » encore que ces deux physiciens, estime, lui, comme le pensait aussi John Bell, que le seul but valable à assigner à la physique est d'expliquer notre expérience en construisant une théorie ontologiquement interprétable, telle celle de Bohm, et cela, en en acceptant l'étrangeté, qu'il prend même soin d'expliciter. Dans l'esprit de l'approche pragmatico-transcendentale qu'il a exposée par ailleurs, Michel Bitbol lui objecte que de telles théories sont vides de contenu empirique. Enfin, se fondant sur la mécanique quantique, Hervé Zwirn nous donne des raisons de conclure que le vrai but — le but accessible — de la physique est de rendre compte des éléments de l'expérience humaine possible ; et il nous indique comment faire en sorte que la décohérence serve au mieux à cette fin.
Tel est le surprenant — mais fascinant — panorama que dessinent les textes qui suivent. Ce serait une démission que d'y voir un encouragement à un facile relativisme. Ces positions diverses — certaines, même, opposées, — sont toutes étayées par de valables arguments, dont aucun n'a recours à un quelconque ésotérisme. Il faut donc qu'il y en ait une qui soit plus robuste que les autres... et, pour ma part, on l'a peut-être deviné, j'ai mon idée à ce sujet. Il sied toutefois que, dans ce fascicule, échanges et débats aient, si l'on ose dire, le « dernier mot ».
1 - J.S.Bell, Physics 1, 195 (1964) ; « Speakable and Unspeakable » in Quantum Mechanics,
Cambridge University Press, London, 1987.
2 A. Aspect, P. Grangier et G. Roger, Physical Review Letters 49, p. 91 (1982) ; A. Aspect,
J. Dalibard et G. Roger, Physical Review Letters 49, p. 1804 (1982).
3 B. d’Espagnat, Le réel voilé, Fayard, 1994.
4 L. de Broglie, Journal de Physique 5, p. 225 (1927).
5 D.Bohm, Physical Review 85, p. 165, p. 180 (1952)
6 M.Bitbol, L'aveuglante proximité du réel, Flammarion, 1998.
7 R.P.Feynman, Physical Review, 76, p. 749, p. 769 (1949)
8 H.Zeh, Foundations of Physics, 3, p. 109 (1973) ; D.Giulini, E.Joos, C.Kiefer, J.Kupsch,
I.-O.Stamatescu, et H.D.Zeh, Decoherence and the Appearance of a Classical World in Quantum
Theory. Springer Verlag, 1996
9 R.Omnès, The Interpretation of Quantum Mechanics, Princeton University Press, 1994.
10 M.Brune, E.Hagley, J.Dreyer, X.Maîître, A.Mali, C.Wunderlich, J.M.Raimond et S.Haroche,
Physical Review Letters, 77, 4887 (1996).
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1 / Physique et Réalité, une introduction à la question
Il est banal de dire que le développement de la physique durant les trois derniers siècles a fait évoluer nos idées et jusqu'aux concepts par lesquels nous les exprimons. Une remarque si générale ne surprendra, bien sûr, personne. C'est à mesure que nous prenons connaissance de l'ampleur de l'évolution en question que notre étonnement, peu à peu, perce, croît, prend consistance, et cela jusqu'à revêtir, quand nous en savons assez long, la forme d'un aveu de grave désorientation. En fin de compte, veux-je dire, nous nous voyons contraint de reconnaître que nombre de nos évidences en apparence les plus claires, de celles sur lesquelles nous fondons notre vue normale des choses, ne sont guère plus que d'utiles recettes mnémotechniques. Qu'en tant qu'évidences premières elles sont à mettre au rancart. Par quoi les remplacerons-nous ? Question difficile qui, je me hâte de le dire, sera, dans ce fascicule, débattue mais non résolue. Que l'on se rassure cependant. En dépit — si ce n'est à cause — de cela, la physique se développe de façon enrichissante. En tout cas, l'état de perplexité dans laquelle elle plonge, depuis un siècle, les gens qui la pratiquent et cherchent à penser ne l'empêche aucunement d'avancer à pas de géants dans le domaine qui, au sens le
plus strict, est le sien propre : celui du prédictif d'observations.
Pour expliciter l'évolution dont je viens de marquer toute l'étendue j'en distinguerai trois moments : l'échec du « réalisme proche » ou « mécanicisme cartésien », celui, récent, de l'idée de localité, entraînant la crise de l'atomisme et enfin la grande question, posée d'une manière précise et insistante par la physique elle-même, qui est celle de savoir ce à quoi se rapportent la physique et
jusqu'à notre expérience de tous les jours. Cette dernière question est philosophique et l’on ne s'étonnera donc pas qu'elle suscite différentes réponses, même en provenance de personnes compétentes en la matière. Je précise que celle que je décrirai est la mienne propre et qu'elle n'engage que moi.
1- Échec du mécanicisme cartésien.
Sur ce premier point, je peux me permettre d'être bref. C'est certes à juste titre que l'on crédite Descartes d'avoir, l'un des tout premiers avec Galilée, introduit les mathématiques dans la physique et les autres sciences. Mais l'idée ne lui est pas venue qu'il était possible de fonder sur elles des concepts physiques entièrement nouveaux. La liste qu'il dresse (dans les Principes de la philosophie)
des « notions claires et distinctes qui peuvent être en notre entendement touchant les choses matérielles » ne comporte que celles « des figures, des grandeurs et des mouvements, et des règles suivant lesquelles ces trois choses peuvent être diversifiées l'une par l'autre », et il nous dit expressément qu'il faut « que toute la connaissance que les hommes peuvent avoir de la nature [soit]
tirée de cela seul ». Cette conception, qu'on appelle le mécanicisme, revient, on le voit, à considérer que, du moins dans le domaine de « l'étendue », autrement dit de la matière, tout, en fin de compte, est descriptible au moyen des concepts de la liste en question, dont on remarque tout de suite que tous ses éléments sont des concepts familiers, des concepts dont, depuis la nuit des temps, l'homme a toujours disposé.
Je note, en passant, que la plupart de nos collègues des autres sciences, biologie, géologie etc., en sont plus ou moins restés à ce stade : et cela simplement du fait que le mécanicisme est pour eux, un très bon modèle — par exemple : il résulte de la mécanique quantique elle-même que les grosses molécules se comportent plus ou moins, en apparence, comme les pièces d'un jeu de lego. Mais nous, physiciens, nous savons depuis longtemps que notre science elle-même nous oblige à dépasser le cadre des concepts familiers. Pensons à Einstein, à l'équivalence masse-énergie, au tenseur de courbure etc. Sur le plan expérimental, pensons au processus de création de particules — ou de paires particules-antiparticules — dans les chocs à haute énergie. Le phénomène est observé et, certes, la théorie le maîtrise d'une manière satisfaisante. Mais c'est un fait que les diverses manière que celle-ci a de le décrire — que ce soit par la théorie des champs, par celle de la « mer de Dirac » ou par la « théorie des positrons » de Richard Feynman, — font toutes appel à des concepts non familiers, débordant du cadre du mécanicisme.
2 - La réfutation du principe de localité.
Imaginons un psychanalyste de fantaisie ayant affaire à un très grand nombre de couples et qui opérerait comme suit. Il enverrait les hommes à la cave, les femmes au grenier, empêchant de ce fait, dès ce moment, toute communication au sein des couples, et il chargerait deux assistants d'interroger, l'un les premiers, l'autre les secondes. À tous, la même question serait posée et les assistants noteraient, chaque fois, nom de famille et réponse. Supposons que la question soit de celles dont la réponse — à donner par « oui » ou par « non » — n'est pas dictée de façon patente par les faits : opinion politique, par exemple. Imaginons, enfin, qu'à la fin de l'opération les assistants, en comparant leurs notes, constatent une corrélation parfaite entre les réponses données par les couples : quel que soit le nom X, si M. X a répondu « oui », Mine X a répondu « oui » et si M. X a répondu « non », son épouse, elle aussi, a répondu « non ». Cette parfaite corrélation ne peut être le fruit du hasard, mais elle est susceptible d'une explication évidente. Il suffit d'admettre que, dès avant leur séparation, mari et femme s'étaient, au sein de chaque couple, formés une opinion commune concernant le sujet de la question posée.
En physique, on conçoit aisément des montages expérimentaux induisant des phénomènes de corrélation à distance similaires, en apparence, à celui de cet apologue. On utilise à cet effet des sources de paires de particules, les deux éléments de chacune des paires étant envoyés dans deux directions opposées et étant soumis, à grande distance, à des mesures. Si ces événements-mesures sont suffisamment éloignés dans l'espace et proches dans le temps l'un de l'autre on s'estime fondé à juger que, tout comme dans l'apologue qu'on vient de voir, il n'y a entre eux aucune connexion causale directe, ce que l'on exprime en disant qu'un « principe de localité » est satisfait. Si, entre les résultats obtenus, on constate une corrélation, on tend donc à lui donner une explication toute simple, calquée sur celle qui marche si bien dans l'apologue : autrement dit, une explication, primo, réaliste — les particules et leurs propriétés sont conçues comme existant indépendamment de la connaissance qu'on peut en avoir — et, secondo, conforme, je le répète, au « principe de localité » — autrement dit, fondée sur une corrélation supposée exister entre paramètres attachés aux particules elles-mêmes, tout comme, dans l'apologue, l'explication est fondée sur l'identité des opinions politiques des deux éléments d'un même couple. Et c'est effectivement là une vue des choses que, jusqu'à il y a une trentaine d'années, un philosophe eût encore pu, très légitimement, soutenir.
Mais aujourd'hui, comme Jean Bricmont nous l'expliquera grâce au théorème de Bell1 et aux expériences associées, telles celles faites à Orsay par le groupe d'Alain Aspect2, on sait de façon sûre que cette explication est fausse. Ou, pour dire la même chose en d'autres termes, on sait que, dans le domaine des idées fondamentales, toute théorie « réaliste, locale » entre nécessairement en contradiction avec certains faits expérimentaux observés. Comme notre vision classique du monde s'inscrivait, précisément, dans le cadre d'une conception « réaliste » et « locale » (absence de relations causales directes entre événements suffisamment éloignés dans l'espace et proches dans le temps, potentiels d'interaction diminuant tous avec la distance etc.), la découverte de John Bell est d'une importance considérable. En particulier, elle a pour conséquence de grandement restreindre la portée philosophique de la théorie atomique. Celle-ci, en effet, apparaissait comme l'exemple par excellence d'une théorie réaliste, locale et, en tant que telle, la non-localité la réfute. Elle demeure valable, bien entendu, mais seulement à titre de modèle utile : non pas une approximation mais plutôt une manière, pratique dans bien des cas, de symboliser le déroulement des phénomènes. Notons enfin que la non-localité, qui manifestement serait très difficile à expliquer dans le cadre de la mécanique classique, est, en revanche pleinement compatible avec la mécanique quantique ; de fait, son existence fut même suggérée par celle-ci, par le biais d'un formalisme mathématique que je n'ai pas le temps de développer.
3- Le problème de l'objet de la physique.
La physique fournit les assises explicatives, sinon de l'ensemble de notre expérience, du moins de toute celle qui concerne, en gros, le règne inanimé. Une affirmation aussi vague — quasiment une définition — est peu sujette à objection, du moins aussi longtemps que l'on prend l'expression « notre expérience » en son sens authentique, celui de quelque chose qui se rapporte à nous. Mais, bien entendu, de la physique — associée aux autres sciences — nous attendons, généralement, beaucoup plus. Nous espérons d'elle qu'elle nous décrive le monde tel qu'il est ou tout au moins qu'elle vienne à notre secours dans notre effort pour le connaître. Certes, nous savons déjà que cette description, elle ne pourra pas la couler dans le moule du mécanicisme cartésien. Mais à l'heure actuelle nous sommes, en général intellectuellement disposés à écarter, si cela s’avère nécessaire, les étroites limites de celui-ci. De fait, sous l'inspiration de la théorie électromagnétique, de la relativité générale etc., il s'est développé, chez les physiciens en tout cas, une conception de la connaissance que, par référence à l'Einstein de l'âge mûr, on pourrait appeler l'einsteinisme. L'einsteinisme est l'idée que la réalité en soi est structurée et que, grâce aux mathématiques, qui fournissent — enfin ! — les bons concepts, cette réalité est connaissable. La présentation suivante en a été donnée par Einstein lui-même.
Il y a quelque chose comme « l'état réel » d'un système physique, état qui existe objectivement, indépendamment de toute observation ou mesure et qui peut en principe être décrit par les moyens d'expression de la physique [Quels moyens d'expression, et par conséquent quels concepts fondamentaux sont à utiliser à cet égard (points matériels, champs, moyens de détermination encore à inventer), ceci, à mon avis, est actuellement inconnu]. En raison de sa nature « métaphysique », cette thèse concernant la réalité n'a pas le sens d'un énoncé clair en soi. Elle a seulement le caractère d'un programme [...]. Elle est, il est vrai, arbitraire du point de vue logique. Mais la laisse-t-on choir que c'est alors une rude affaire que d'échapper au solipsisme.
Albert Einstein (dans Louis de Broglie, physicien et penseur, Albin Michel 1953)
Il est indéniable que cet einsteinisme représente déjà un très grand changement — et un progrès immense — par rapport au mécanicisme cartésien. Je vais cependant tenter de montrer que l'einsteinisme n'est pas, malgré tout, le « fin mot de l'histoire » et qu'il faut, lui aussi, le dépasser. Pour cela j'ai trois arguments, de portées d'ailleurs assez inégales.
Premier argument. La sous-détermination de la théorie par l'expérience.
Considérons, par exemple, la théorie des particules. Durant ce dernier demi-siècle, elle a suscité trois principales ébauches de représentations du monde. Il s'agit, dans « l'ordre d'entrée en scène », de celles émanant de la théorie de la mer de Dirac, de la théorie quantique des champs et de la méthodologie de Feynman. Ces trois constructions théoriques prévoient les mêmes résultats d'observation. Il n'existe aucune expérience susceptible de les départager. Aussi, dans l'exercice de notre travail de prédiction d'observations, sautons-nous fort allègrement, nous physiciens, de l'une à l'autre, considérant qu'il s'agit de versions plus ou moins générales mais équivalentes d'une même théorie fondamentale. Il n'en est pas moins vrai que, comme les personnes qui les connaissent peuvent immédiatement le constater, les représentations de la réalité suggérées par les concepts propres à chacune de ces théories sont extrêmement différentes et manifestement incompatibles.
Il y a là une difficulté pour l'einsteinisme car celui-ci a les caractères d'une ontologie. Comme il ressort clairement de la citation précédente, l'einsteinisme vise à découvrir les vrais concepts : ceux qui correspondent vraiment à ce qui est. Or, on a ici trois descriptions que, même si chacun de nous a, sur la base de ce qu'il fait dans son travail, ses préférences, il est impossible de discriminer objectivement par un recours à l'expérience. C'est là un premier argument en faveur d'un dépassement du réalisme physique, y compris sous sa forme « einsteinienne ».
Deuxième argument. L'objectivité faible
Cet argument se fonde sur la mécanique quantique et sur le rôle essentiel que ses principes premiers jouent aujourd'hui en physique. Il repose sur le fait que, telle que nous l'enseignons et l'utilisons, la mécanique quantique est une théorie à objectivité seulement « faible ».
Ce que j'entends par là requiert explication. La science est objective, nous en convenons tous. Mais quand on a affirmé cela on n'a pas encore tout dit car, même en science, le mot est utilisé en deux sens différents. Indéniablement, la plupart des assertions scientifiques ont une forme qui permet de les interpréter — à tort ou à raison — comme nous renseignant sur des attributs, éventuellement contingents, de la chose étudiée elle-même. Les énoncés du type « deux corps ayant telle et telle masse et situés à telle et telle distance l'un de l'autre s'attirent selon telle et telle force » et, plus généralement, tous les énoncés fondamentaux de la physique classique — à l'exception, curieusement, de ceux de la mécanique statistique — sont de ce type. Je dis qu'ils sont « fortement objectifs » pour les distinguer d'énoncés d'un type différent et qui pourtant sont eux aussi considérés comme objectifs. Il s'agit de ceux qu'on exprime sous la forme de règles universelles de prévision d'observation. De ceux-ci nous dirons qu'ils sont à objectivité seulement faible3. Contrairement à ceux à objectivité forte ils nous mettent nous-mêmes en jeu, mais ils sont valables pour n'importe qui, dans n'importe quelle situation, et c'est pour cela qu'ils sont objectifs.
Or, je le répète, certains des principes de la mécanique quantique que l'on considère comme fondamentaux sont à objectivité seulement faible dans le sens qui vient d'être dit. C'est en particulier le cas de la fameuse règle de Born, qui donne la probabilité d'obtenir un certain résultat quand on mesure telle ou telle grandeur. En ce qui concerne, par exemple, les mesures de position, la règle en question nous informe que la quantité à considérer est IY(x, y, z) size=150]I[/size]², le carré du module de la fonction d'onde en un point (x, y, z). IY (x, y, z)I² est donc une probabilité. Mais probabilité de quoi ? En français, l'usage est de l'appeler « probabilité de présence » — sous-entendu au point (x, y, z) — mais l'expression est trompeuse. Elle paraît signifier que, à chaque instant, les coordonnées x, y et z de la particule ont une valeur déterminée mais inconnue, peut-être même inconnaissable. Or si cette idée était juste il serait difficile de ne pas en inférer que, dans une expérience de fentes de Young, chaque particule passe par une fente et une seule. Mais, d'autre part, il est bien clair qu'une telle description du phénomène est incompatible avec l'explication des franges fournie par la mécanique quantique « orthodoxe » — sans variables cachées explicitement introduites dans la théorie —, car cette explication se fonde sur l'idée que chaque élément de l'entité composant le faisceau passe à la fois par les deux fentes.
L'expression anglaise pour qualifier le IY(x, y, z)I², « probability to be found » — probabilité d'être trouvée — est, par conséquent, dans la mécanique quantique orthodoxe, la seule acceptable et doit être prise au sens littéral. Cette mécanique ne se soucie pas de nous faire savoir si une particule est à un certain moment ici ou là, ou avec quelle probabilité elle s'y trouve. Contrairement à la physique classique, elle ne postule même pas implicitement que la question possède un sens. Elle nous informe seulement de la probabilité que nous avons de trouver ici ou là la particule si nous la cherchons à cet endroit. Au reste, la conclusion est la même quelle que soit la grandeur physique à laquelle on s'intéresse, qu'elle soit ou non de la nature d'une position. En effet, le formalisme comporte une formule — que l'on peut appeler « règle de Born généralisée » — qui, étant données une grandeur physique et la liste des valeurs qu'on peut lui trouver, fournit la probabilité que nous avons d'obtenir, lors d'une mesure de cette grandeur, telle de ces valeurs plutôt qu'une des autres. Et il se trouve que si, naïvement, on voulait interpréter ceci en posant que la grandeur en question avait déjà, avant toute mesure, la valeur en question — avec une certaine probabilité — le formalisme quantique déboucherait sur des prédictions erronées concernant d'autres mesures possibles. On est ainsi conduit à considérer que ce qui est fondamental dans la mécanique quantique « orthodoxe » ce n'est pas le descriptif, c'est le prédictif d'observation.
Il est vrai que l'on pourrait se demander si cette conclusion n'est pas abusivement circonstancielle. Si elle ne procède pas tout simplement du fait — contingent — que les physiciens du début du XXe siècle qui mirent la mécanique quantique sur pied se trouvaient être plus intéressés par les règles prédictives d'observations que par la description de la réalité. Rappelons-nous, en effet, que l'avènement de la mécanique quantique a coïncidé avec la grande époque du positivisme logique c’est-à-dire d'une philosophie qui soutenait que n'a de sens que l'observable. Certes les prédictions de la mécanique quantique n'ont jamais été infirmées par les faits, mais, vu les fréquentes « sous- déterminations des théories par l'expérience », on peut s'attendre à ce qu'il existe d'autres théories fournissant les mêmes prédictions et a priori il est concevable qu'il y en ait parmi elles qui soient à la fois ontologiquement interprétables et scientifiquement convaincantes, ce qui sauverait le réalisme physique, au moins dans sa version « einsteinienne ».
Alors, y en a-t-il ? C'est relativement à ce point que les participants à notre groupe ne nourrissent pas tous la même opinion. Et cela même si tous sont d'accord pour rejeter une présentation encore assez courante de la mécanique quantique qui, laissant dans le vague les points délicats plus haut rapidement décrits, donne à croire que le formalisme mathématique de cette mécanique serait, sans adjonctions ni modifications, susceptible d'une interprétation descriptive, donc réaliste. En fait, la réponse à la question posée dépend de façon cruciale de ce qu'on entend par la condition, ci-dessus imposée à toute théorie, d'être « scientifiquement convaincante ». Si, pour les besoins de l'argumentation, on écarte momentanément cette condition, la réponse à la question ici posée est sans équivoque et elle est « oui ». Louis de Broglie, en 1927, a proposé une théorie à variables « cachées »4, plus tard redécouverte et grandement généralisée par David Bohm5, qui, effectivement, au moins dans le cadre non-relativiste, retrouve, en droit, toutes les prédictions observables de la mécanique quantique « orthodoxe », tout en étant objectivement interprétable. Jean Bricmont, tout à l'heure, nous en développera les mérites. En vérité, ceux-ci sont grands. En effet, comme on le verra, la théorie est entièrement cohérente et, du fait, précisément, qu'elle est ontologiquement interprétable, elle fournit des phénomènes une explication qui satisfait pleinement l'esprit. D'un autre côté, comme Michel Bitbol le fera sans doute valoir, si l'explication en question nous séduit, c'est peut-être pour une raison plus formelle qu'il ne semble au premier abord. En effet, si elle est bien du type de celles auxquelles le mécanicisme cartésien nous a habitués, en revanche, contrairement à ces dernières, « les structures descriptives qu'elle greffe sur le formalisme prédictif de la mécanique quantique sont [...] telles qu'elles impliquent d'elles-mêmes l'inaccessibilité à l'expérimentation »6. Par ailleurs, pour qu'une adhésion à la théorie dont il s'agit ne soit pas une régression, il faudrait que les formes les plus élaborées de la théorie dite « des particules » — je pense ici à la théorie des champs, à ses développements selon les techniques feynmaniennes, aux symétries internes, aux supersymétries, aux supercordes etc. — soient reformulables dans son cadre, ce qui peut apparaître comme un programme à l'ambition démesurée.
Sont-ce là des raisons de considérer que la théorie en question et d'autres modèles similaires ne sont pas scientifiquement convaincantsÊ? Comme beaucoup, je le pense. Mais plusieurs des interventions qui suivront nous permettront de nous former une vue plus détaillée et plus précise des tenants et aboutissants de cette question-là. Pour l'heure, disons seulement que, en tout cas, les données que je viens de rappeler révèlent ce qui, dans la mécanique quantique, est véritablement solide. Elles montrent que ce n'est pas sa sous-jacente ontologie — qui reste problématique, comme on le voit ! — mais bien l'ensemble de ses règles de prévision d'observations.
4- Une pseudo-ontologie.
Je le répète : la théorie de Louis de Broglie et David Bohm n'est, à mes yeux comme à ceux de la majorité des physiciens, pas scientifiquement convaincante. Reste, encore une fois, qu'elle est pleinement cohérente. Elle vise explicitement le réalisme — l'ontologiquement interprétable — et elle l'atteint. À l'autre extrémité de l'éventail philosophique on trouve une autre théorie conceptuellement cohérente. C'est l'interprétation de Copenhague lorsque celle-ci est comprise comme assignant à la physique le rôle de décrire, non du tout la réalité, mais bien l'ensemble de l'expérience humaine communicable. D'un autre côté, il est de fait qu'à tort ou à raison la plupart des physiciens restent attachés à la visée réaliste. Comme, en même temps, ils sont tous impressionnés à juste titre par les succès de la mécanique quantique et qu'ils le furent longtemps par le prestige qui en rejaillissait sur les fondateurs de celle-ci, ils se sont trouvés, sans toujours s'en apercevoir, dans une position conceptuelle fausse. Certains ont tenté d'en sortir et en particulier beaucoup de physiciens dits fort improprement « des particules » — dont la discipline est entièrement fondée sur les grandes idées de Feynman — paraissent s'être construit, à partir de ces dernières, une sorte de pseudo-ontologie de remplacement. Je n'entrerai ici, bien sûr, dans aucun détail de calcul. Je dirai donc seulement qu'à mon avis il s'agit là, en fait d'une illusion. Selon moi, celle-ci se rattache directement à ce que je notais tout à l'heure concernant l'impropriété du terme « probabilité de présence » qui renvoie faussement à une réalité en soi. Feynman lui-même a souvent souligné combien il est difficile d'interpréter la physique quantique en termes réalistes. Mais en même temps il répugnait à discuter de tels sujets, qu'il semble avoir tenu pour « dangereusement » philosophiques. Aussi trouva-t-il une manière ingénieuse de court-circuiter la difficulté7.
En bref, il introduisit la notion d’ « amplitude de probabilité d'arriver à un point donné B », et cela même quand B est un « point intermédiaire », où aucune mesure n'est faite et où aucune interaction n'a lieu. Certes, il insista sur le fait qu'il s'agissait là d'amplitudes et non de probabilités. Il n'empêche qu'en glissant dans son texte le verbe « arriver » il escamota le noeud conceptuellement essentiel de l'affaire. En effet, ce verbe, comme le verbe « être », a une connotation éminemment réaliste. Lorsqu'il s'agit d'un « point intermédiaire », ou bien l'emploi de ce verbe signifie que la particule y arrive véritablement — ce qui, « amplitude » ou pas « amplitude », empêcherait les effets quantiques de se produire — ou bien il n'a pas d'autre sens que celui de permettre la formulation rapide et imagée de ce qui n'est en fait qu'une pure et simple recette de calcul. Étant donné que les effets quantiques sont bien là, c'est cette seconde réponse qui, ici, est la bonne et l'on voit donc que la physique feynmanienne des particules — tout comme la mécanique quantique dont elle n'altère en rien les grands principes — est à caractère essentiellement prédictif — j'entends : « prédictif d'observations » — et non descriptif On peut, cependant, ne pas être nettement conscient du fait que le verbe « arriver » est ici employé dans une acception qui n'est pas l'acception courante, et ce fait peut amener à faussement croire à la possibilité d'une interprétation réaliste de la physique des particules. C'est l'erreur ainsi engendrée que je désigne ici par l'expression « pseudoontologie».
5- L'universalité quantique.
Il y a un siècle, la physique classique pouvait être considérée comme fournissant une assise conceptuelle aux autres sciences et paraissait donc susceptible de devenir, avec le temps, le fondement d'une explication complète de l'ensemble des phénomènes. Mais cette idée a dû être abandonnée puisque la physique classique a émis des prédictions fausses au sein de ce qui, en principe, constituait le coeur même de son sujet, à savoir la structure intime de la matière. Par contraste, la mécanique quantique n'a, dans aucun domaine, jamais fourni de prédictions observationnelles contredites par l'expérience, alors qu'elle est au centre des disciplines les plus diverses. Il résulte de cela que, s'il est, aujourd'hui, une théorie universelle, celle-ci ne paraît pouvoir être que la mécanique quantique ou, plus précisément, les lois générales de cette mécanique, autrement dit les grandes règles prédictives d'observation dont il vient d'être question.
Reste cependant à savoir si c'est bien le cas. Bien entendu, une condition que toute théorie candidate au rôle de théorie universelle doit nécessairement remplir est celle de la généralité. De ce point de vue, la mécanique quantique est pleinement satisfaisante puisque, édifiée en premier lieu en tant que théorie des atomes et des molécules, elle s'est progressivement avérée pertinente dans tous les domaines de pointe de la physique. En faveur de son universalité, c'est là un argument de poids, mais qui, bien entendu, ne convainc pas à lui tout seul, Tout naturellement nous sommes donc tentés de le compléter par un autre, qui consiste tout simplement à remarquer que tout, dans le monde matériel, apparaît comme étant constitué d'atomes, que ceux-ci sont eux-mêmes constitués de particules et de champs, et que la théorie quantique est précisément celle qui rend compte du comportement des particules et des champs. Dès lors, tend-on à conclure, cette théorie est nécessairement universelle, en ce sens, au moins, que ses lois s'appliquent à tout.
En fait, la non-localité et l'objectivité faible de la mécanique quantique se conjuguent pour affaiblir la portée de cet argument ; la première en jetant le discrédit sur l'idée même de constitution du réel en parties, la seconde en nous révélant que de toute manière la physique ne nous fournit pas de véritables descriptions de « ce qui est ». En outre, la formulation « orthodoxe » de la mécanique quantique, celle de Bohr et de l'École de Copenhague, se fondait expressément sur la prise en considération des instruments de la mesure et sur l'idée que, en dépit du fait qu'ils sont « constitués d'atomes », ceux-ci, du simple fait qu'ils sont utilisés comme instruments, doivent être traités par la mécanique classique ; ce qui a conduit le grand physicien russe L. Landau — soviétique mais néanmoins proche, en idées, de Bohr — à écrire sa phrase célèbre : « La mécanique quantique a besoin de la physique classique pour sa propre formulation ».
Aujourd'hui, toutefois, nombre de physiciens quantiques voient les choses différemment. Cela tient à ce que la communauté physicienne a depuis peu réalisé le rôle très important de la décohérence. Schématiquement, il s'agit du fait que, les niveaux d'énergie des systèmes macroscopiques étant extrêmement proches les uns des autres, d'infimes perturbations peuvent les affecter, de sorte que, dans des conditions normales, ces systèmes ne peuvent pas être considérés comme vraiment isolés de leur environnement. Ils sont nécessairement enchevêtrés — au sens quantique — avec lui, ce qui fait qu'on ne saurait attribuer à chacun d'eux une fonction d'onde et que, même, on ne peut, en toute rigueur, penser chacun comme constituant une entité — une sorte d' « être en soi » — individualisée8. D'une certaine manière c'est nous qui, sous l'effet de notre équipement sensori-moteur et conceptuel, les séparons intellectuellement et pragmatiquement de l'environnement en question et faisons abstraction de celui-ci. Or cette opération d'abstraction, faite instinctivement dans la vie courante, nous savons maintenant l'effectuer, dans le cadre de la mécanique quantique, par le calcul, et en tirer les conséquences. Il se trouve que celles-ci sont pertinentes relativement à la question qui nous intéresse.
En effet on a pu montrer — je pense ici, en particulier, à certains travaux de Roland Omnès9 — qu'en ce qui concerne les systèmes macroscopiques se trouvant dans des conditions non exceptionnelles ces conséquences sont que les prévisions observationnelles concernant ces systèmes — prévisions qu'on obtient d'habitude en se servant de la mécanique classique — peuvent se déduire dans le détail des règles prévisionnelles de la mécanique quantique. En d'autres termes, il a été montré que, des règles de prédiction quantiques conçues comme universelles, découle l'apparence d'un monde classique. En faveur de l'universalité de la mécanique quantique c'est là, en définitive, un argument d'un très grand poids, même si, comme vous le voyez, la décohérence ne fournit aucunement une justification de l'ontologie classique, celle du réalisme naïf, qui considère les objets comme des choses en soi. C'est pourquoi je parle d’ « apparences ». Mais des apparences valables pour tous ne sont elles pas, en science, tout aussi bonnes — voire meilleures ! — que des « réalités en soi » ?
Notons enfin que la notion de décohérence et la thèse de l'universalité des lois quantiques reçoivent l'une et l'autre un appui remarquable en provenance des expériences du groupe Haroche10. Très grosso modo, on peut dire, en effet, que ces physiciens ont opéré la déconnexion temporaire d'un objet macroscopique — en fait : mésoscopique — et de son environnement, ont constaté que l'objet jouit alors de propriétés typiquement quantiques, et ont observé qu'en un temps très court, mais fini et même mesurable, il reprend son aspect « classique », sa connexion avec l'environnement s'étant d'elle-même rétablie. Il est clair que si le monde — ou notre appréhension de celui-ci — était régi par deux systèmes distincts de lois fondamentales, l'un, quantique, s'appliquant aux systèmes microscopiques et l'autre, classique, aux systèmes macroscopiques ou tout au moins à la très grande majorité de ceux-ci, ces résultats ne seraient guère compréhensibles. Cette expérience constitue donc un argument difficilement contournable, me semble-t-il, en faveur de l'idée que les lois prédictives d'observation qui constituent le noyau dur de la mécanique quantique sont universelles.
L'ensemble des données que j'ai rappelées me conduit à des conclusions bien définies que je présenterai brièvement comme suit. Il est clair qu'au cours de leur histoire — ou, disons plutôt, de leur préhistoire — les hommes se sont construit des concepts utiles à leur existence. Et il est clair aussi qu'une des questions « brûlantes » qui se posent à qui cherche la vérité est : « devons-nous juger que ces concepts correspondent au réel — à ce qui « vraiment est » — ou qu'ils sont, tout au moins, une bonne approximation du réel ? »
Le fameux principe « ça marche, donc c'est vrai » suggère puissamment la réponse « oui ». Mais nous savons que ce principe n'a rien d'une règle absolue et même que, en science, il est souvent mis en défaut. En fait, il me semble indéniable que, compte tenu des données en question, la réponse, bien au contraire, est nettement « non ». On l'a vu : si vraiment il s'agit d'approcher le réel — « en soi », « ultime », qualifions-le comme on voudra —, les concepts familiers, ceux du mécanicisme, ne fournissent même pas une bonne approximation ; et, contrairement aux espérances einsteiniennes, ceux qu'on forge à partir des mathématiques, pour féconds qu'ils soient, ne sont pas, eux non plus, qualifiés pour tenir ce rôle. C'est pourquoi, en une sorte de retour — mais impliquant d'essentielles modifications — au mythe platonicien de la caverne, je parle, pour ma part, de « réel voilé ».
6- Coup d'oeil sur la suite
D'un autre côté, non-localité et décohérence sont des notions récentes. Il est normal que leurs interprétations soulèvent encore des difficultés et que leurs implications suscitent des débats. Des débats qui, au reste, ne font qu'alimenter des controverses plus générales portant sur les rapports entre physique quantique et réalité et qui débouchent quasi inévitablement sur des prises de positions relatives à cette notion elle-même.
Les communications qui suivent, même si elles ne couvrent pas l'ensemble des points de vue, en donneront une vue instructive. En gros, François Lurçat, interprétant Niels Bohr dans une perspective husserlienne, y défend l'idée d’ « ontologies régionales ». Basarab Nicolescu y prône celle de « niveaux de réalité » comprise conformément à un moment de la pensée de Heisenberg. Jean Bricmont, plus « réaliste » encore que ces deux physiciens, estime, lui, comme le pensait aussi John Bell, que le seul but valable à assigner à la physique est d'expliquer notre expérience en construisant une théorie ontologiquement interprétable, telle celle de Bohm, et cela, en en acceptant l'étrangeté, qu'il prend même soin d'expliciter. Dans l'esprit de l'approche pragmatico-transcendentale qu'il a exposée par ailleurs, Michel Bitbol lui objecte que de telles théories sont vides de contenu empirique. Enfin, se fondant sur la mécanique quantique, Hervé Zwirn nous donne des raisons de conclure que le vrai but — le but accessible — de la physique est de rendre compte des éléments de l'expérience humaine possible ; et il nous indique comment faire en sorte que la décohérence serve au mieux à cette fin.
Tel est le surprenant — mais fascinant — panorama que dessinent les textes qui suivent. Ce serait une démission que d'y voir un encouragement à un facile relativisme. Ces positions diverses — certaines, même, opposées, — sont toutes étayées par de valables arguments, dont aucun n'a recours à un quelconque ésotérisme. Il faut donc qu'il y en ait une qui soit plus robuste que les autres... et, pour ma part, on l'a peut-être deviné, j'ai mon idée à ce sujet. Il sied toutefois que, dans ce fascicule, échanges et débats aient, si l'on ose dire, le « dernier mot ».
1 - J.S.Bell, Physics 1, 195 (1964) ; « Speakable and Unspeakable » in Quantum Mechanics,
Cambridge University Press, London, 1987.
2 A. Aspect, P. Grangier et G. Roger, Physical Review Letters 49, p. 91 (1982) ; A. Aspect,
J. Dalibard et G. Roger, Physical Review Letters 49, p. 1804 (1982).
3 B. d’Espagnat, Le réel voilé, Fayard, 1994.
4 L. de Broglie, Journal de Physique 5, p. 225 (1927).
5 D.Bohm, Physical Review 85, p. 165, p. 180 (1952)
6 M.Bitbol, L'aveuglante proximité du réel, Flammarion, 1998.
7 R.P.Feynman, Physical Review, 76, p. 749, p. 769 (1949)
8 H.Zeh, Foundations of Physics, 3, p. 109 (1973) ; D.Giulini, E.Joos, C.Kiefer, J.Kupsch,
I.-O.Stamatescu, et H.D.Zeh, Decoherence and the Appearance of a Classical World in Quantum
Theory. Springer Verlag, 1996
9 R.Omnès, The Interpretation of Quantum Mechanics, Princeton University Press, 1994.
10 M.Brune, E.Hagley, J.Dreyer, X.Maîître, A.Mali, C.Wunderlich, J.M.Raimond et S.Haroche,
Physical Review Letters, 77, 4887 (1996).
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La réalité est toujours beaucoup plus riche et complexe que ce que l'on peut percevoir, se représenter, concevoir, croire ou comprendre.
Nous ne savons pas ce que nous ne savons pas.
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Toute expérience vécue résulte de choix. Et tout choix produit sont lot d'expériences vécues.
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Re: Mécanique quantique
Ecrit le 18 sept.14, 10:35@j'm'interroge.
Faites moi plaisir, apprenez à penser par vous-même. On dirait un endoctriné...
Une forêt sans arbres c'est possible? Si c'est vrai c'est qu'on est dans le champ.
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Re: Mécanique quantique
Ecrit le 18 sept.14, 10:37Inti, tu ne fais pas le poids face à un Bernard d'Espagnat ok?
Alors écrase maintenant!
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Re: Mécanique quantique
Ecrit le 18 sept.14, 10:38La science ce n'est pas pour les pantins comme toi.
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Re: Mécanique quantique
Ecrit le 18 sept.14, 10:39Je ne fais pas le poids devant Moïse non plus...alors?
Et ne jouez pas le rouleau compresseur. Pensez par vous même.
Laissez Difool juger de mes réflexions. Et arrêtez de polluer le fil.
J'avais prévu votre venue...
Et ne jouez pas le rouleau compresseur. Pensez par vous même.
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D'autres diront que c'est une sphère de la science pour initiés seulement et se feront un devoir de rappeler tout dissident à l'ordre.
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Re: Mécanique quantique
Ecrit le 18 sept.14, 10:52Tu ne fais pas la différence entre science et religion et tu voudrais m'imposer ton matérialisme métaphysique?
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Re: Mécanique quantique
Ecrit le 18 sept.14, 10:56Et toi tu es un prétentieux, tu crois avoir un avis pertinent sur tout, alors qu'en matière de science physique notamment, tu en es resté à la vision classique de Newton, et encore...
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Re: Mécanique quantique
Ecrit le 18 sept.14, 12:07Faudrait laisser un peu de place à Difool. Mais pendant que je vous ai sous la main, je vous ferai remarquer que si il y a un endroit où on pourrait ramener l'existence d'une métaphysique, c'est-à-dire d'une essence sans substance c'est bien au sein de la MQ. Des lois qui échapperaient à "une réalité en soi". Une belle invitation au "paranormal". Dieu serait plus quantique que classique? Tout ça pour dire que l'opposition quantique vs relativité est le prolongement d'une dichotomie psychique, anthropocentrique. L'incertitude nous appartient mais on peut en faire un principe si vous voulez. Un principe anthropique, ontologique ou créationniste.
La matière se fout bien de la manière dont on se la représente.Cette dichotomie accommodante demeure arbitraire et strictement le fruit d'une subjectivité humaine. Les particules subatomiques et les interactions fondamentales, peu importe l'échelle macro ou micro, ne font pas de distinction. Elles s'exécutent et se comportent en fonction des lois qui les régissent. Il n'y a aucune subjectivité à proprement parlé dans leurs comportements à part un axe, un sens emprunté, une direction plutôt qu'une autre. Elles composent la matière et se comportent selon le niveau d'organisation atteint sans éprouver le besoin, comme nous le faisons artificiellement, d'opérer un schisme entre deux modélisations d'une seule et même réalité, un seul état de fait cosmique. Une particule élémentaire se comporte selon des liaisons probables et possibles. Comme si une particule élémentaire avait besoin de notre observation et constat pour adopter un comportement qui lui est inné ou donné!!!
Le temps c'est de la matière (déterminé) en mouvement (indéterminé). Le déterminé, c'est ce qui a lieu ou a eu lieu alors que l'indéterminé serait ce qui n'a pas encore eu lieu et qui cherche le lieu de sa réalisation ou de sa réalité dans le cadre de lois physiques relativement constantes. Action et interaction. Une interdépendance sans corps constitués est une forêt sans arbre. Une forêt sans arbres est un champ désert. Les éléments constitutifs forment le tout. (y)Ai -je raison? C'est une réflexion...
Je pense que la science aurait besoin d'un renfort philosophique, la philosophie des sciences n'étant plus suffisante en ce début de 21 ième siècle.
La matière se fout bien de la manière dont on se la représente.Cette dichotomie accommodante demeure arbitraire et strictement le fruit d'une subjectivité humaine. Les particules subatomiques et les interactions fondamentales, peu importe l'échelle macro ou micro, ne font pas de distinction. Elles s'exécutent et se comportent en fonction des lois qui les régissent. Il n'y a aucune subjectivité à proprement parlé dans leurs comportements à part un axe, un sens emprunté, une direction plutôt qu'une autre. Elles composent la matière et se comportent selon le niveau d'organisation atteint sans éprouver le besoin, comme nous le faisons artificiellement, d'opérer un schisme entre deux modélisations d'une seule et même réalité, un seul état de fait cosmique. Une particule élémentaire se comporte selon des liaisons probables et possibles. Comme si une particule élémentaire avait besoin de notre observation et constat pour adopter un comportement qui lui est inné ou donné!!!
Le temps c'est de la matière (déterminé) en mouvement (indéterminé). Le déterminé, c'est ce qui a lieu ou a eu lieu alors que l'indéterminé serait ce qui n'a pas encore eu lieu et qui cherche le lieu de sa réalisation ou de sa réalité dans le cadre de lois physiques relativement constantes. Action et interaction. Une interdépendance sans corps constitués est une forêt sans arbre. Une forêt sans arbres est un champ désert. Les éléments constitutifs forment le tout. (y)Ai -je raison? C'est une réflexion...
Je pense que la science aurait besoin d'un renfort philosophique, la philosophie des sciences n'étant plus suffisante en ce début de 21 ième siècle.
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Re: Mécanique quantique
Ecrit le 18 sept.14, 20:18La philosophie devrait être enseignée en faculté de sciences. Les littéraires sont dépassés.
Un littéraire qui parle de MQ et qui n'a par ailleurs aucune compétence dans les sciences, cela donne des textes d'une arrogance incroyable remplis d'erreurs, des verbiages sans queue ni tête.
Et tu donnes dans la psychologie maintenant?
En philo comme en science, si tu n'as pas la rigueur tu n'entreras pas. C'est bien pour cela que tu reviens à notre cher forum des religions, toi qui confonds philosophie, science et religion.
Tu ne présentes aucune vision construite et cohérente, tu viens juste ici nous saturer avec tes sophismes, nous imposer tes dogmes arrêtés. Mais à peu près personne n'est dupe.
Un littéraire qui parle de MQ et qui n'a par ailleurs aucune compétence dans les sciences, cela donne des textes d'une arrogance incroyable remplis d'erreurs, des verbiages sans queue ni tête.
Et tu donnes dans la psychologie maintenant?
En philo comme en science, si tu n'as pas la rigueur tu n'entreras pas. C'est bien pour cela que tu reviens à notre cher forum des religions, toi qui confonds philosophie, science et religion.
Tu ne présentes aucune vision construite et cohérente, tu viens juste ici nous saturer avec tes sophismes, nous imposer tes dogmes arrêtés. Mais à peu près personne n'est dupe.
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Re: Mécanique quantique
Ecrit le 18 sept.14, 20:23L'incertitude en mécanique quantique, cela n'a rien à voir avec ne pas connaître avec précision les positions et les vitesses d'abeilles dans un essaim...
Quelle Intignorance!
Quelle Intignorance!
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Re: Mécanique quantique
Ecrit le 19 sept.14, 03:37Bah! De deux choses l'une; soit je n'ai pas le niveau soit c'est vous. D'ailleurs on discute et on peut repenser le cadre ou des idées selon la question de départ sans avoir l'attitude d'un écolier devant son petit catéchisme. Seriez -vous un apôtre de la science?J'm'interroge a écrit :Quelle Intignorance!
D'autre part ce que vous nous avez offert en guise d'argumentaire est un beau gros crachat livresque. Faites-moi plaisir: apprenez un peu à penser par vous-même.
Vous voyez dans la MQ une confirmation de votre crédo surréaliste voulant que le constat donne sens (objectivise) au fait. Que le fait n'existe pas en dehors de la conscience. Maintenant je vois d'où vient votre vice logique.
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Re: Mécanique quantique
Ecrit le 19 sept.14, 08:32Mes propos n'ont rien d'un crédo surréaliste. Et puisque tu n'es pas capable de montrer quoi ils le seraient, la bienséance voudrait que tu te taises.
De plus, ce que je dis ici depuis le début, les sommités en la question le concède aussi. Donc contrairement à ce que tu dis, mon "crachat livresque"(ce sont tes mots) est un vrai argument de poids devant lequel tu devrais jouer petit.
Et au lieu que de parler de mon vice logique en me déformant, amène moi plutôt des arguments, car pour l'instant je ne vois dans tes lignes que de la dérision, de la présomption et de la malhonnêteté.
De plus, ce que je dis ici depuis le début, les sommités en la question le concède aussi. Donc contrairement à ce que tu dis, mon "crachat livresque"(ce sont tes mots) est un vrai argument de poids devant lequel tu devrais jouer petit.
Et au lieu que de parler de mon vice logique en me déformant, amène moi plutôt des arguments, car pour l'instant je ne vois dans tes lignes que de la dérision, de la présomption et de la malhonnêteté.
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- indian
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Re: Mécanique quantique
Ecrit le 19 sept.14, 08:39Qu'ils sont beaux vos mots...
bon weekend..
D
bon weekend..
D
Unir l'humanité. Un seul Dieu. Les grandes religions de Dieu. Femmes, hommes sont égaux. Tous les préjugés sont destructeurs et doivent être abandonnés. Chercher la vérité par nous-mêmes. La science et la religion en harmonie. Nos problèmes économiques sont liés à des problèmes spirituels. La famille et son unité sont très importantes.
Re: Mécanique quantique
Ecrit le 19 sept.14, 09:55"Les mots qu'on reçoit sont comme des parfums qu'on respire".indian a écrit :Qu'ils sont beaux vos mots...
J'aime bien cette façon que vous avez de vous draper " de la morale du bien". Malheureusement ce désir profond pour la conciliation ne vous permet pas de toujours discerner ou discriminer un "sens moral" qui pourrait contrevenir à tout bon sens humain.
Et je m'en voudrais de rester hors sujet quantique. Jouons au scrabble. Prenons le mot atomique. Les lettres sont pêle-mêle et elles sont des éléments constitutifs, des particules fondamentales isolées du mot. Mais par la force des liaisons et combinaisons voilà que les lettres s'organisent et forment un mot décrivant une réalité. Une particule élémentaire est, je le pense, un déterminisme en puissance, un "matériau structurel". Comprendre tous les comportements et axes d'orientation empruntés par la physique est un énorme défi pour toute théorie de la connaissance.
Merci d'avoir participé à cette discussion Indian.
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