L'œuf ou la poule ??? "Bis"
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:29http://www.scienceetfoi.com/les-genomes ... -textes-1/
Rappelons ce que nous avons vu dans les derniers billets de cette série : la spéciation commence quand une barrière au flux d’allèles surgit et sépare une population en deux. Une fois que les deux populations ne peuvent plus échanger d’allèles (ou ne le font qu’à un taux réduit), des différences s’accumulent dans les deux populations alors qu’elles ne communiquent plus entre elles. De plus, nous avons vu que l’effet de fondation peut lancer ce processus, puisqu’il peut conduire à des différences lors de la séparation. Une fois que deux populations sont séparées et ont cessé de se reproduire entre elles, les nouveaux allèles qui surviennent dans une population ne seront pas étendus à l’autre, ce qui amène à des différences croissantes avec le temps.
Ce qu’il nous faut souligner ici, c’est que lorsque la spéciation commence, elle part d’une population ancestrale commune. Cela signifie que deux populations, au début, ont des génomes (presque) identiques. En effet, seuls les quelques gènes qui ont des fréquences d’allèles différentes dues à l’échantillonnage imparfait lors de la séparation des populations seront différents au début. A partir de ce point de départ, les deux populations commenceront à progressivement accumuler des différences – mais ces différences seront minuscules. Le patron général sera de façon prédominante celui de séquences identiques, contenant un petit nombre de différences.
Une analogie : les génomes sont comme des textes anciens.
Peut-être qu’une analogie pourrait aider. Avant l’invention de l’imprimerie, les manuscrits du monde ancien étaient copiés par des scribes. Bien qu’un bon scribe fût capable de donner une copie presque exacte, de petites erreurs de copie étaient inévitables. Ces changements, cependant, n’étaient pas assez significatifs pour empêcher la reconnaissance des copies – la vaste majorité du texte était correcte. Une fois qu’une copie était faite (contenant les petites erreurs), elle servait souvent de modèle à d’autres copies. Dans ce cas, les erreurs étaient copiées, puisque que le prochain scribe essayait aussi de copier le manuscrit aussi fidèlement que possible (même si à son tour, il pouvait introduire de nouvelles erreurs).
Le génome peut être pensé comme un “texte” transmis par des copies et, possiblement, avec des erreurs de copie. Cependant, comme pour toute analogie, il y a d’importantes différences. Si les scribes humains interagissent avec la signification du texte qu’ils copient, ce n’est pas le cas des « scribes » du génome – des enzymes qui copient les séquences d’ADN fondées sur l’appariement de monomères. Cela signifie que si des erreurs faites par des scribes humains tendent à préserver une certaine signification (même s’il s’agit d’une signification altérée), les enzymes qui répliquent l’ADN ne vérifient pas si la signification (c’est-à-dire la fonction) est préservée pendant la copie. (La vérification fonctionnelle d’une séquence d’ADN viendra plus tard, alors que cet organisme particulier se développe (ou pas) et se reproduit (ou pas). En d’autres termes, la sélection naturelle est la vérification de la « signification » d’une séquence d’ADN.
Pour continuer l’analogie, nous pourrions considérer le génome d’un organisme comme un livre, avec des chapitres, des paragraphes et des phrases. Pour un génome, les « chapitres » seraient les séquences de chromosomes ; les paragraphes seraient les gènes ; et les phrases seraient les sous-éléments des gènes. Nous pourrions aussi considérer les éditions d’un livre comme un événement de réplication. Par exemple, considérons deux éditions indépendantes du même manuscrit. Elles seraient, bien sûr, presque identiques – mais supposons que les deux éditions aient des fautes de frappe spécifiques qui n’altèrent pas beaucoup la signification du texte, et passant ainsi inaperçues des éditeurs : dans la première édition à la page 14, et dans la seconde, à la page 23 :
génomes1
Supposons maintenant que le manuscrit original est perdu, et que la troisième édition est composée d’après une copie de la première édition. Cette nouvelle édition aurait la faute de frappe à la page 14, et n’importe quelle nouvelle faute de frappe (par exemple, à la page 8) :
genome2
Imaginons maintenant qu’une sixième édition, auparavant inconnue, est découverte. Cette édition possède la même faute de frappe sur les pages 14 et 3 que l’on trouve dans la quatrième édition, ainsi qu’une faute de frappe unique, que l’on n’a pas encore vue dans les autres éditions, sur la page 5.
Il existe plusieurs explications possibles de la provenance de la sixième édition, l’une d’entre elles étant plus probable que les autres. Dans l’ordre croissant de probabilité, certaines options sont :
La “sixième édition” est en fait un livre écrit par un autre auteur qui n’est pas la copie du manuscrit original duquel les cinq éditions sont des copies.
La sixième édition est une copie directe du manuscrit original, mais l’éditeur a fait indépendamment des autres manuscrits les mêmes erreurs, en y ajoutant l’erreur de la page 5.
La sixième édition est une copie directe de la première édition, mais l’éditeur a fait indépendamment des autres manuscrits les mêmes erreurs ainsi qu’une nouvelle erreur sur la page 5.
La sixième édition est une copie directe de la quatrième édition, mais l’éditeur a fait une nouvelle erreur à la page 5 en copiant.
Il va de soi que la première option ne serait pas considérée sérieusement par les spécialistes, étant donné le texte quasiment identique partagé entre l’édition découverte et les autres éditions connues. La deuxième option requiert que deux événements rares (des fautes de frappe) soient arrivés indépendamment l’un de l’autre, deux fois, dans deux éditions. En tant que telle, elle est moins probable que la troisième option, qui ne requiert qu’un seul événement rare, qui serait arrivé deux fois indépendamment l’un de l’autre. La quatrième option est bien sûr la meilleure, parce qu’elle ne requiert pas que deux événements rares arrivent deux fois dans des copies indépendantes. Dans ce scénario, ce qui explique les caractéristiques de la sixième édition c’est qu’elle est une copie (imparfaite) de la quatrième édition :
genome3
En termes scientifiques, cette option est la plus probable, ou la plus parcimonieuse : elle offre une explication de la provenance de la sixième édition avec le nombre le plus faible d’événements.
Retour à la biologie
Considérons maintenant les événements de la spéciation à la lumière de notre analogie. Lors de la séparation, les deux populations ont des « livres » quasiment identiques (les génomes). Alors que les lignages font leur chemin séparément, les « fautes de frappe » (les mutations) peuvent arriver dans des gènes ensuite transmis aux descendants de ce lignage, comme nous l’avons vu dans le cas des fautes de frappe qui s’accumulaient dans les textes copiés :
genome4
Si des événements de spéciation produisaient effectivement les espèces A-D à partir d’une population ancestrale commune, nous nous attendrions à voir leurs génomes montrer certaines caractéristiques lorsqu’ils sont comparés. D’abord, la séquence et la structure générales du génome devraient être hautement similaires – elles devraient être des versions du même livre, avec des chapitres, des paragraphes d’un texte partagé dans le même ordre. Ensuite, les différences entre elles devraient suivre un certain schéma. Les espèces C et D par exemple, devraient partager certaines caractéristiques qui seraient le résultat de leur ancêtre commun (l’espèce A) plus récent que celui qu’ils partagent avec l’espèce B. Dans ce simple diagramme, par exemple, les espèces C et D auraient une mutation identique dans le gène 1, et l’explication la plus parcimonieuse serait qu’elles l’ont toutes les deux héritées d’un ancêtre commun (l’espèce A). Cette explication est plus probable que celle qui avance que les deux espèces possèdent la même mutation, arrivées indépendamment l’une de l’autre, au même endroit, dans les deux génomes.
Plus généralement, l’hypothèse de l’ancêtre commun fait des prédictions spécifiques sur le schéma qu’on devrait observer en examinant les génomes. Dans le billet prochain, nous verrons à quel point ces prédictions tiennent la route lorsqu’on examine des données génomiques dans un groupe proposé d’espèces parentes.
Rappelons ce que nous avons vu dans les derniers billets de cette série : la spéciation commence quand une barrière au flux d’allèles surgit et sépare une population en deux. Une fois que les deux populations ne peuvent plus échanger d’allèles (ou ne le font qu’à un taux réduit), des différences s’accumulent dans les deux populations alors qu’elles ne communiquent plus entre elles. De plus, nous avons vu que l’effet de fondation peut lancer ce processus, puisqu’il peut conduire à des différences lors de la séparation. Une fois que deux populations sont séparées et ont cessé de se reproduire entre elles, les nouveaux allèles qui surviennent dans une population ne seront pas étendus à l’autre, ce qui amène à des différences croissantes avec le temps.
Ce qu’il nous faut souligner ici, c’est que lorsque la spéciation commence, elle part d’une population ancestrale commune. Cela signifie que deux populations, au début, ont des génomes (presque) identiques. En effet, seuls les quelques gènes qui ont des fréquences d’allèles différentes dues à l’échantillonnage imparfait lors de la séparation des populations seront différents au début. A partir de ce point de départ, les deux populations commenceront à progressivement accumuler des différences – mais ces différences seront minuscules. Le patron général sera de façon prédominante celui de séquences identiques, contenant un petit nombre de différences.
Une analogie : les génomes sont comme des textes anciens.
Peut-être qu’une analogie pourrait aider. Avant l’invention de l’imprimerie, les manuscrits du monde ancien étaient copiés par des scribes. Bien qu’un bon scribe fût capable de donner une copie presque exacte, de petites erreurs de copie étaient inévitables. Ces changements, cependant, n’étaient pas assez significatifs pour empêcher la reconnaissance des copies – la vaste majorité du texte était correcte. Une fois qu’une copie était faite (contenant les petites erreurs), elle servait souvent de modèle à d’autres copies. Dans ce cas, les erreurs étaient copiées, puisque que le prochain scribe essayait aussi de copier le manuscrit aussi fidèlement que possible (même si à son tour, il pouvait introduire de nouvelles erreurs).
Le génome peut être pensé comme un “texte” transmis par des copies et, possiblement, avec des erreurs de copie. Cependant, comme pour toute analogie, il y a d’importantes différences. Si les scribes humains interagissent avec la signification du texte qu’ils copient, ce n’est pas le cas des « scribes » du génome – des enzymes qui copient les séquences d’ADN fondées sur l’appariement de monomères. Cela signifie que si des erreurs faites par des scribes humains tendent à préserver une certaine signification (même s’il s’agit d’une signification altérée), les enzymes qui répliquent l’ADN ne vérifient pas si la signification (c’est-à-dire la fonction) est préservée pendant la copie. (La vérification fonctionnelle d’une séquence d’ADN viendra plus tard, alors que cet organisme particulier se développe (ou pas) et se reproduit (ou pas). En d’autres termes, la sélection naturelle est la vérification de la « signification » d’une séquence d’ADN.
Pour continuer l’analogie, nous pourrions considérer le génome d’un organisme comme un livre, avec des chapitres, des paragraphes et des phrases. Pour un génome, les « chapitres » seraient les séquences de chromosomes ; les paragraphes seraient les gènes ; et les phrases seraient les sous-éléments des gènes. Nous pourrions aussi considérer les éditions d’un livre comme un événement de réplication. Par exemple, considérons deux éditions indépendantes du même manuscrit. Elles seraient, bien sûr, presque identiques – mais supposons que les deux éditions aient des fautes de frappe spécifiques qui n’altèrent pas beaucoup la signification du texte, et passant ainsi inaperçues des éditeurs : dans la première édition à la page 14, et dans la seconde, à la page 23 :
génomes1
Supposons maintenant que le manuscrit original est perdu, et que la troisième édition est composée d’après une copie de la première édition. Cette nouvelle édition aurait la faute de frappe à la page 14, et n’importe quelle nouvelle faute de frappe (par exemple, à la page 8) :
genome2
Imaginons maintenant qu’une sixième édition, auparavant inconnue, est découverte. Cette édition possède la même faute de frappe sur les pages 14 et 3 que l’on trouve dans la quatrième édition, ainsi qu’une faute de frappe unique, que l’on n’a pas encore vue dans les autres éditions, sur la page 5.
Il existe plusieurs explications possibles de la provenance de la sixième édition, l’une d’entre elles étant plus probable que les autres. Dans l’ordre croissant de probabilité, certaines options sont :
La “sixième édition” est en fait un livre écrit par un autre auteur qui n’est pas la copie du manuscrit original duquel les cinq éditions sont des copies.
La sixième édition est une copie directe du manuscrit original, mais l’éditeur a fait indépendamment des autres manuscrits les mêmes erreurs, en y ajoutant l’erreur de la page 5.
La sixième édition est une copie directe de la première édition, mais l’éditeur a fait indépendamment des autres manuscrits les mêmes erreurs ainsi qu’une nouvelle erreur sur la page 5.
La sixième édition est une copie directe de la quatrième édition, mais l’éditeur a fait une nouvelle erreur à la page 5 en copiant.
Il va de soi que la première option ne serait pas considérée sérieusement par les spécialistes, étant donné le texte quasiment identique partagé entre l’édition découverte et les autres éditions connues. La deuxième option requiert que deux événements rares (des fautes de frappe) soient arrivés indépendamment l’un de l’autre, deux fois, dans deux éditions. En tant que telle, elle est moins probable que la troisième option, qui ne requiert qu’un seul événement rare, qui serait arrivé deux fois indépendamment l’un de l’autre. La quatrième option est bien sûr la meilleure, parce qu’elle ne requiert pas que deux événements rares arrivent deux fois dans des copies indépendantes. Dans ce scénario, ce qui explique les caractéristiques de la sixième édition c’est qu’elle est une copie (imparfaite) de la quatrième édition :
genome3
En termes scientifiques, cette option est la plus probable, ou la plus parcimonieuse : elle offre une explication de la provenance de la sixième édition avec le nombre le plus faible d’événements.
Retour à la biologie
Considérons maintenant les événements de la spéciation à la lumière de notre analogie. Lors de la séparation, les deux populations ont des « livres » quasiment identiques (les génomes). Alors que les lignages font leur chemin séparément, les « fautes de frappe » (les mutations) peuvent arriver dans des gènes ensuite transmis aux descendants de ce lignage, comme nous l’avons vu dans le cas des fautes de frappe qui s’accumulaient dans les textes copiés :
genome4
Si des événements de spéciation produisaient effectivement les espèces A-D à partir d’une population ancestrale commune, nous nous attendrions à voir leurs génomes montrer certaines caractéristiques lorsqu’ils sont comparés. D’abord, la séquence et la structure générales du génome devraient être hautement similaires – elles devraient être des versions du même livre, avec des chapitres, des paragraphes d’un texte partagé dans le même ordre. Ensuite, les différences entre elles devraient suivre un certain schéma. Les espèces C et D par exemple, devraient partager certaines caractéristiques qui seraient le résultat de leur ancêtre commun (l’espèce A) plus récent que celui qu’ils partagent avec l’espèce B. Dans ce simple diagramme, par exemple, les espèces C et D auraient une mutation identique dans le gène 1, et l’explication la plus parcimonieuse serait qu’elles l’ont toutes les deux héritées d’un ancêtre commun (l’espèce A). Cette explication est plus probable que celle qui avance que les deux espèces possèdent la même mutation, arrivées indépendamment l’une de l’autre, au même endroit, dans les deux génomes.
Plus généralement, l’hypothèse de l’ancêtre commun fait des prédictions spécifiques sur le schéma qu’on devrait observer en examinant les génomes. Dans le billet prochain, nous verrons à quel point ces prédictions tiennent la route lorsqu’on examine des données génomiques dans un groupe proposé d’espèces parentes.
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:29http://www.scienceetfoi.com/les-genomes ... anciens-3/
Rappel – comparaison des génomes à des textes.
Dans les deux derniers billets de cette série, nous avons vu quelles caractéristiques nous nous attendrions à observer dans des espèces similaires si elles descendaient d’une population ancestrale commune. En nous appuyant sur notre analogie de la « copie de livre », voici ce que nous attendons :
Des “chapitres” et des “paragraphes” dans le même ordre : des espèces proches devraient avoir de grands blocs de séquence d’ADN dans le même ordre. Ces blocs peuvent être la copie de chromosomes tout entiers. Même si certains réarrangements sont présents, le patron global des deux génomes devrait correspondre.
Des “phrases” et des “mots” qui correspondent. Au niveau de gènes individuels, nous devrions voir qu’ils utilisent une séquence ADN identique (ou presque), même lorsqu’il n’y a aucune nécessité biologique pour cette identité.
Certaines “fautes de frappe” peuvent être partagées par les textes : si les changements de séquence (mutations) existent, nous devrions nous attendre à les voir partagés dans plusieurs exemples (s’ils sont copiés d’un ancêtre commun) ou uniques dans d’autres (si ce sont de nouvelles mutations qui sont apparues après la séparation des deux espèces).
En résumé, on s’attend à ce que les génomes des espèces qui partagent une population ancestrale commune récente ressemblent à des copies légèrement modifiées. Comme nous l’avons déjà vu, cette attente à été largement comblée lorsqu’on a comparé différentes espèces de mouches à fruits. Maintenant que nous avons compris cela, nous pouvons explorer la possibilité que notre espèce soit apparue par des événements de spéciation en faisant les mêmes types de comparaisons avec d’autres espèces.
Comparaison des génomes du primate au niveau des “chapitres”
La première ligne d’évidence en faveur de l’idée que les humains auraient un ancêtre commun avec d’autres formes de vie est assez direct : il y a d’autres espèces qui ont un génome quasiment identique au nôtre, chez des grands singes comme les chimpanzés, les gorilles, et les orang-outans. Par comparaison à notre « livre », les « livres » de ces espèces correspondent au niveau du chapitre et du paragraphe : les trois espèces ont des séquences ADN qui contiennent les mêmes gènes dans le même ordre que le nôtre. Il y a des différences subtiles, bien sûr, comme des blocs de séquence qui sont réarrangés du fait que des chromosomes ont cassé ou fusionné , comme on s’y attendait ; mais le patron général est clair. La correspondance à grande échelle de notre génome et des génomes des grands singes est connue depuis les années 1970, lorsque des chercheurs ont commencé à comparer la structure physique des chromosomes du singe et de l’humain en utilisant le microscope optique. Pour les humains et les chimpanzés, la plupart des chromosomes correspondent précisément. En d’autres termes, les deux génomes apparaissent exactement comme on le prédirait s’ils étaient des copies légèrement modifiées d’un génome ancestral récent. (Pour ceux qui seraient intéressés de voir le patron entier des génomes d’humain, de chimpanzé, de gorille et d’orang-outan, vous pouvez vous référer à l’article de Yunis et Prakash paru en 1982 .)
Malgré l’identité évidente qui existe entre la structure de notre génome et celle des grands singes, les différences devraient être celles qui peuvent survenir par des mécanismes connus si l’existence d’un ancêtre commun est une interprétation correcte. Par exemple, certains chromosomes humains ont une région de leur séquence qui ne s’aligne pas à la séquence qui correspond dans le chromosome des chimpanzés. Lorsque ces chromosomes sont colorés par un colorant qui se fixe sur l’ADN et sont examinés sous un microscope, le colorant produit des patrons en bande qui permettent aux séquences d’ADN d’être comparées au niveau d’organisation des « chapitres » :
I 1
(Image redessinée à partir de Yunis and Prakash, 1982).
Sur la longueur, les chromosomes correspondent en majorité, à part la région entourée en rouge. Un examen plus approfondi cependant révèle que même à l’intérieur de cette région, il y a une correspondance – mais que la séquence est renversée entre les deux chromosomes. Ce patron est expliqué par ce qu’on appelle un événement d’inversion du chromosome – un type de mutation où l’ADN se casse et se rattache à deux endroits pour « retourner » la section d’un chromosome :
I 2
Ces types de mutation sont plutôt communs et ont été observés de nombreuses fois dans des organismes de laboratoire et chez des humains (où un individu aura une telle mutation sur l’un de ses chromosomes). Tant que les lieux de cassure de l’inversion ne détruisent pas un gène nécessaire ou ne créent pas un autre problème, ces types de mutation sont relativement inoffensifs pour l’individu qui les porte. Quand on compare les génomes de l’humain et du chimpanzé, plusieurs chromosomes présentent ces inversions, et celles-ci contribuent aux différences subtiles entre les deux génomes.
La plus grande différence qui existe entre les humains et les grands singes au niveau d’organisation du chromosome est une correspondance entre un chromosome du génome humain (le deuxième) et deux chromosomes plus petits chez les grands singes :
I 3
(Image redessinée à partir de Yunis and Prakash, 1982).
C’est cette différence qui donne un nombre différent de chromosomes aux humains et aux chimpanzés : les humains ont 23 paires de chromosomes (46 en tout) alors que les chimpanzés en ont 24 (48 en tout). Ce patron suggère immédiatement deux possibilités, si les humains et les chimpanzés partagent effectivement une population ancestrale commune. La première option est qu’un chromosome se soit cassé et séparé en deux chromosomes dans un lignage mais pas dans l’autre. La seconde est que deux chromosomes plus petits aient fusionné pour ne former plus qu’un dans un des lignages. En se rappelant notre analogie de la « faute de frappe », nous pouvons représenter ces deux options comme des événements uniques qui altèrent un « texte » original. Dans la première option, la population originale a 46 chromosomes, et le lignage qui conduit aux chimpanzés a un événement de cassure d’un chromosome.
I 4
Selon la deuxième option, la population d’origine a 48 chromosomes et il y a eu un événement de fusion sur le lignage qui conduit aux humains :
I 5
Les deux types d’événements sont possibles. Comme nous l’avons vu quand nous avons examiné des fautes de frappe dans des livres copiés, la façon la plus facile de déterminer le texte original est d’observer autant de copies que possible. Les autres grands singes (gorilles et orang-outans) ont aussi les deux chromosomes plus petits (48 au total), ce qui suggère que c’est là la structure d’origine qui était présente dans la population ancestrale commune des humains et des singes. Pour expliquer le patron par des événements de cassure de chromosome, cet événement rare aurait dû arriver de façon répétée dans plusieurs lignages exactement au même endroit :
I 6
Dès lors, l’explication la plus économique est que le deuxième chromosome humain résulte d’un événement de fusion. Peut-être vous rappelez-vous avoir regardé des films de cellules qui se divisent en classe de biologie au lycée, avec l’image des chromosomes qu’elles entraînent. Ces chromosomes se séparent vers les pôles de la cellule qui se divise en utilisant une séquence ADN spéciale qu’on appelle un centromère. Cette séquence permet à la machinerie cellulaire d’attraper le chromosome et de l’entraîner.
Cette observation fait une prédiction : si le deuxième chromosome humain est effectivement le résultat d’une fusion entre deux chromosomes plus petits, il aurait eu deux centromères immédiatement après l’événement de fusion. L’un des centromères aurait probablement été rendu non fonctionnel par la mutation peu après, puisqu’en avoir deux serait redondant. Le deuxième chromosome humain n’a qu’un centromère actif, qui s’aligne avec le centromère du plus petit des deux chromosomes du chimpanzé. Quand le projet du génome a séquencé le deuxième chromosome humain, on a trouvé les résidus d’un second centromère précisément à l’endroit où on l’aurait prédit si ces chromosomes étaient en fait des copies modifiées :
D’ailleurs en passant, nous savons aussi que cet événement de fusion précède l’origine de notre espèce, puisque la fusion du deuxième chromosome est aussi présente chez les hominidés Denisova, une espèce plus proche de nous que celle des chimpanzés. Cela indique que l’événement de fusion est une « faute de frappe » partagée par nous et d’autres espèces proches. Des travaux récents ont documenté de manière détaillée les événements qui ont formé cette région de notre génome pour ceux qui désirent plus d’informations.
En résumé
Dans l’ensemble, ce que nous observons en comparant la structure globale du génome humain à à la structure des génomes des autres primates, c’est que
(a) ces génomes ont effectivement les caractéristiques qu’on prédirait s’ils étaient les copies d’un génome ancestral commun et
(b) les différences que nous observons peuvent être facilement expliquées par des mécanismes bien connus.
Ces observations soutiennent fortement l’hypothèse selon laquelle notre espèce a émergé par un processus d’évolution. Dans le prochain billet, nous examinerons le niveau du « chapitre » de l’organisation du génome pour voir si la séquence détaillée de gènes individuels soutient aussi cette hypothèse.
Rappel – comparaison des génomes à des textes.
Dans les deux derniers billets de cette série, nous avons vu quelles caractéristiques nous nous attendrions à observer dans des espèces similaires si elles descendaient d’une population ancestrale commune. En nous appuyant sur notre analogie de la « copie de livre », voici ce que nous attendons :
Des “chapitres” et des “paragraphes” dans le même ordre : des espèces proches devraient avoir de grands blocs de séquence d’ADN dans le même ordre. Ces blocs peuvent être la copie de chromosomes tout entiers. Même si certains réarrangements sont présents, le patron global des deux génomes devrait correspondre.
Des “phrases” et des “mots” qui correspondent. Au niveau de gènes individuels, nous devrions voir qu’ils utilisent une séquence ADN identique (ou presque), même lorsqu’il n’y a aucune nécessité biologique pour cette identité.
Certaines “fautes de frappe” peuvent être partagées par les textes : si les changements de séquence (mutations) existent, nous devrions nous attendre à les voir partagés dans plusieurs exemples (s’ils sont copiés d’un ancêtre commun) ou uniques dans d’autres (si ce sont de nouvelles mutations qui sont apparues après la séparation des deux espèces).
En résumé, on s’attend à ce que les génomes des espèces qui partagent une population ancestrale commune récente ressemblent à des copies légèrement modifiées. Comme nous l’avons déjà vu, cette attente à été largement comblée lorsqu’on a comparé différentes espèces de mouches à fruits. Maintenant que nous avons compris cela, nous pouvons explorer la possibilité que notre espèce soit apparue par des événements de spéciation en faisant les mêmes types de comparaisons avec d’autres espèces.
Comparaison des génomes du primate au niveau des “chapitres”
La première ligne d’évidence en faveur de l’idée que les humains auraient un ancêtre commun avec d’autres formes de vie est assez direct : il y a d’autres espèces qui ont un génome quasiment identique au nôtre, chez des grands singes comme les chimpanzés, les gorilles, et les orang-outans. Par comparaison à notre « livre », les « livres » de ces espèces correspondent au niveau du chapitre et du paragraphe : les trois espèces ont des séquences ADN qui contiennent les mêmes gènes dans le même ordre que le nôtre. Il y a des différences subtiles, bien sûr, comme des blocs de séquence qui sont réarrangés du fait que des chromosomes ont cassé ou fusionné , comme on s’y attendait ; mais le patron général est clair. La correspondance à grande échelle de notre génome et des génomes des grands singes est connue depuis les années 1970, lorsque des chercheurs ont commencé à comparer la structure physique des chromosomes du singe et de l’humain en utilisant le microscope optique. Pour les humains et les chimpanzés, la plupart des chromosomes correspondent précisément. En d’autres termes, les deux génomes apparaissent exactement comme on le prédirait s’ils étaient des copies légèrement modifiées d’un génome ancestral récent. (Pour ceux qui seraient intéressés de voir le patron entier des génomes d’humain, de chimpanzé, de gorille et d’orang-outan, vous pouvez vous référer à l’article de Yunis et Prakash paru en 1982 .)
Malgré l’identité évidente qui existe entre la structure de notre génome et celle des grands singes, les différences devraient être celles qui peuvent survenir par des mécanismes connus si l’existence d’un ancêtre commun est une interprétation correcte. Par exemple, certains chromosomes humains ont une région de leur séquence qui ne s’aligne pas à la séquence qui correspond dans le chromosome des chimpanzés. Lorsque ces chromosomes sont colorés par un colorant qui se fixe sur l’ADN et sont examinés sous un microscope, le colorant produit des patrons en bande qui permettent aux séquences d’ADN d’être comparées au niveau d’organisation des « chapitres » :
I 1
(Image redessinée à partir de Yunis and Prakash, 1982).
Sur la longueur, les chromosomes correspondent en majorité, à part la région entourée en rouge. Un examen plus approfondi cependant révèle que même à l’intérieur de cette région, il y a une correspondance – mais que la séquence est renversée entre les deux chromosomes. Ce patron est expliqué par ce qu’on appelle un événement d’inversion du chromosome – un type de mutation où l’ADN se casse et se rattache à deux endroits pour « retourner » la section d’un chromosome :
I 2
Ces types de mutation sont plutôt communs et ont été observés de nombreuses fois dans des organismes de laboratoire et chez des humains (où un individu aura une telle mutation sur l’un de ses chromosomes). Tant que les lieux de cassure de l’inversion ne détruisent pas un gène nécessaire ou ne créent pas un autre problème, ces types de mutation sont relativement inoffensifs pour l’individu qui les porte. Quand on compare les génomes de l’humain et du chimpanzé, plusieurs chromosomes présentent ces inversions, et celles-ci contribuent aux différences subtiles entre les deux génomes.
La plus grande différence qui existe entre les humains et les grands singes au niveau d’organisation du chromosome est une correspondance entre un chromosome du génome humain (le deuxième) et deux chromosomes plus petits chez les grands singes :
I 3
(Image redessinée à partir de Yunis and Prakash, 1982).
C’est cette différence qui donne un nombre différent de chromosomes aux humains et aux chimpanzés : les humains ont 23 paires de chromosomes (46 en tout) alors que les chimpanzés en ont 24 (48 en tout). Ce patron suggère immédiatement deux possibilités, si les humains et les chimpanzés partagent effectivement une population ancestrale commune. La première option est qu’un chromosome se soit cassé et séparé en deux chromosomes dans un lignage mais pas dans l’autre. La seconde est que deux chromosomes plus petits aient fusionné pour ne former plus qu’un dans un des lignages. En se rappelant notre analogie de la « faute de frappe », nous pouvons représenter ces deux options comme des événements uniques qui altèrent un « texte » original. Dans la première option, la population originale a 46 chromosomes, et le lignage qui conduit aux chimpanzés a un événement de cassure d’un chromosome.
I 4
Selon la deuxième option, la population d’origine a 48 chromosomes et il y a eu un événement de fusion sur le lignage qui conduit aux humains :
I 5
Les deux types d’événements sont possibles. Comme nous l’avons vu quand nous avons examiné des fautes de frappe dans des livres copiés, la façon la plus facile de déterminer le texte original est d’observer autant de copies que possible. Les autres grands singes (gorilles et orang-outans) ont aussi les deux chromosomes plus petits (48 au total), ce qui suggère que c’est là la structure d’origine qui était présente dans la population ancestrale commune des humains et des singes. Pour expliquer le patron par des événements de cassure de chromosome, cet événement rare aurait dû arriver de façon répétée dans plusieurs lignages exactement au même endroit :
I 6
Dès lors, l’explication la plus économique est que le deuxième chromosome humain résulte d’un événement de fusion. Peut-être vous rappelez-vous avoir regardé des films de cellules qui se divisent en classe de biologie au lycée, avec l’image des chromosomes qu’elles entraînent. Ces chromosomes se séparent vers les pôles de la cellule qui se divise en utilisant une séquence ADN spéciale qu’on appelle un centromère. Cette séquence permet à la machinerie cellulaire d’attraper le chromosome et de l’entraîner.
Cette observation fait une prédiction : si le deuxième chromosome humain est effectivement le résultat d’une fusion entre deux chromosomes plus petits, il aurait eu deux centromères immédiatement après l’événement de fusion. L’un des centromères aurait probablement été rendu non fonctionnel par la mutation peu après, puisqu’en avoir deux serait redondant. Le deuxième chromosome humain n’a qu’un centromère actif, qui s’aligne avec le centromère du plus petit des deux chromosomes du chimpanzé. Quand le projet du génome a séquencé le deuxième chromosome humain, on a trouvé les résidus d’un second centromère précisément à l’endroit où on l’aurait prédit si ces chromosomes étaient en fait des copies modifiées :
D’ailleurs en passant, nous savons aussi que cet événement de fusion précède l’origine de notre espèce, puisque la fusion du deuxième chromosome est aussi présente chez les hominidés Denisova, une espèce plus proche de nous que celle des chimpanzés. Cela indique que l’événement de fusion est une « faute de frappe » partagée par nous et d’autres espèces proches. Des travaux récents ont documenté de manière détaillée les événements qui ont formé cette région de notre génome pour ceux qui désirent plus d’informations.
En résumé
Dans l’ensemble, ce que nous observons en comparant la structure globale du génome humain à à la structure des génomes des autres primates, c’est que
(a) ces génomes ont effectivement les caractéristiques qu’on prédirait s’ils étaient les copies d’un génome ancestral commun et
(b) les différences que nous observons peuvent être facilement expliquées par des mécanismes bien connus.
Ces observations soutiennent fortement l’hypothèse selon laquelle notre espèce a émergé par un processus d’évolution. Dans le prochain billet, nous examinerons le niveau du « chapitre » de l’organisation du génome pour voir si la séquence détaillée de gènes individuels soutient aussi cette hypothèse.
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:30http://www.scienceetfoi.com/le-genome-c ... -ancien-4/
Le génome comparé à un texte ancien (4)
Dans le billet précédent, nous avons vu qu’à une large échelle d’organisation, le génome humain a les caractères qu’il devrait avoir s’il partageait un ancêtre avec d’autres grands singes. En continuant avec notre analogie du « livre », nous comparons maintenant ces textes à un niveau un peu plus détaillé : celui des phrases et des mots.
Comparaison des génomes au niveau des “phrases”
Dans un billet précédent, nous avons comparé les séquences ADN d’un gène que l’on trouve dans plusieurs espèces de drosophiles. De telles comparaisons sont aussi possibles en utilisant les séquences ADN de mammifères (humains et autres primates), et le patron qu’ils produisent est désormais familier :
1
[p1]
Comme nous l’avons vu dans les séquences des drosophiles, ce gène est quasiment identique dans un certain nombre d’espèces. Typiquement, la séquence humaine et les séquences de trois autres primates (chimpanzés, gorilles et orang-outans) ne diffèrent que par quelques nucléotides (tout au plus 4 sur les 90 sont différents). De plus, comme nous l’avons vu auparavant, aucun besoin biologique ne rend cette identité nécessaire – en fait, même dans la petite région de ce gène, il y a plus de 53 millions façons différentes de coder la même séquence d’acides aminés ! Et pour aller encore plus loin, ce gène n’a pas particulièrement besoin, biologiquement, d’avoir exactement la même séquence d’acides aminés que l’on voit partagée par les primates. Dans d’autres organismes (comme ceux des chiens et des loups), une séquence un peu différente accomplit la même tâche.
Bien entendu, il n’est pas possible de montrer des alignements d’ADN trop longs sous ce format. Ce petit segment de gène, cependant, est représentatif des gènes (et même de génomes entiers) des primates. Une comparaison détaillée de toutes les séquences de gènes entre les humains et les chimpanzés, par exemple, révèle qu’elles sont identiques à 99,4% sur 1.85×107 (18 millions) nucléotides. Notez que les régions du génome qui codent les gènes sont une toute petite minorité des séquences du génome – les humains et les chimpanzés ont plus de 3,0×109 (3 milliards) de nucléotides dans leur génome. Parmi ces 3 milliards de nucléotides, 2,7 milliards d’entre eux s’alignent les uns aux autres, avec une différence de seulement 1,23%. Bref, quand on compare les séquences d’ADN des humains et des autres primates, on voit exactement le patron que l’on aurait prédit si l’on suppose un ancêtre commun – un patron consistant, avec quelques modifications d’un génome ancestral.
A la recherche de fautes de frappe
Dans un billet précédent, nous avons vu comment la réplication de l’ADN est un processus très précis, mais non parfait. Ces deux caractéristiques de la réplication de l’ADN signifient que des mutations peuvent affecter des gènes lorsqu’ils sont copiés, et que des copies futures faites à partir d’un modèle muté transmettront fidèlement cette mutation (du moins jusqu’à une seconde mutation au même endroit). Cela signifie que les séquences du gène peuvent persister dans les génomes encore longtemps après leur mutation si cette mutation ne fait pas perdre la fonction en question. (Si une mutation est désavantageuse, alors la sélection naturelle aura tendance à l’éliminer de la population, comme nous l’avons déjà vu.)
Regardons l’exemple d’un gène qui code pour une enzyme (L-gulonolactone oxidase, ou “GULO”) intervenant dans la synthèse de la vitamine C chez les mammifères. La plupart des mammifères fabriquent leur propre vitamine C à partir d’autres éléments de leur alimentation, et le gène GULO est nécessaire dans la dernière étape du processus qui convertit un précurseur de vitamine C en produit final. Comme nous l’avons vu pour d’autres gènes, la séquence de ce gène est conservée entre les mammifères – il a une séquence quasiment identique, maintenue à travers la sélection naturelle. Par exemple, une part de ce gène chez la vache (Bos taurus), le chien (Canis lupus) et le rat (Rattus norvegicus) a la séquence suivante (avec des différences par rapport à la séquencede la vache, surlignées en noir) :
2
Dans ces trois espèces, ce gène est fonctionnel, et toutes trois peuvent fabriquer leur propre vitamine C sans l’obtenir directement de leur alimentation.
Les humains, bien entendu, ne peuvent pas fabriquer leur propre vitamine C – nous attrapons le scorbut si nous n’obtenons pas de vitamine C de notre alimentation. Cette situation atypique (pour les mammifères) est partagée par d’autres grands singes, et pour la même raison. Bien que ces espèces aient une partie de la séquence ADN du gène GULO, celle-ci contient de nombreuses mutations qui rendent le gène incapable de produire une enzyme fonctionnelle. La même région du gène GULO montrée dans la figure ci-dessus a les séquences suivantes chez les humains, les chimpanzés et les orang-outans (cette fois avec des différences par rapport à la séquence humaine, surlignées en noir) :
3
Une fois de plus on remarque que les séquences des primates sont quasiment identiques. Une nouvelle caractéristique à noter ici, cependant, c’est que ces trois copies du gène GULO ne sont pas fonctionnelles en partie parce qu’elles ont une délétion – un nucléotide en moins (surligné en jaune dans les séquences des primates). Cette délétion est identique chez les trois espèces, ajoutant une preuve à l’hypothèse de la « faute de frappe partagée » et copiée d’un premier texte – ou en termes biologiques, une délétion arrivée un jour chez l’ancêtre commun des humains, des chimpanzés et des orang-outans, ensuite héritée par les trois espèces. Les chiens, les vaches et les rats, cependant, ont bifurqué du lignage qui a conduit aux primates avant que cet événement de délétion ait eu lieu :
4
La perte de la fonction GULO ne semble pas avoir été un désavantage sélectif pour les primates à cette époque – probablement parce qu’ils avaient un régime alimentaire riche en vitamine C. En effet, même pour des humains, cette perte n’est pas un problème sérieux à moins que l’on ne se trouve sans source de vitamine C pour une période prolongée.
Le nez sait
Aussi intéressant que soit l’exemple du GULO (et c’est un exemple que j’ai déjà discuté plus en détail dans un autre contexte), ce n’est qu’un exemple de mutation partagée et identique parmi beaucoup d’autres que l’on trouve dans le génome humain et d’autres primates. Une étude qui a examiné en détail les mutations partagées par les primates s’est intéressée aux mutations dans les gènes consacrés au sens olfactif. Ces gènes codent pour des protéines que l’on trouve dans la membrane de cellules de l’épithélium nasal des mammifères, et que l’on appelle les récepteurs olfactifs. Les récepteurs olfactifs s’attachent aux éléments présents dans l’air, changent de forme lors du processus, et signalent ce changement au système nerveux produisant ainsi le sens olfactif.
Les nombreux récepteurs olfactifs qui agissent de concert sont ce qui donne à un parfum donné ses caractéristiques distinctives. Chez les mammifères, les gènes des récepteurs olfactifs constituent une part disproportionnée de leur génome, probablement parce que de tels gènes sont utiles pour trouver de la nourriture, un partenaire et en général pour percevoir son environnement. Malgré leur utilité, ces gènes peuvent aussi mutés et être perdus ; et en effet, le génome humain montre que notre espèce en a perdu plusieurs à cause de la mutation. Comme pour le gène GULO, cependant, ces séquences défectueuses de gène olfactif persistent sous une forme reconnaissable. Ce qui est plus important pour nous, cependant, c’est le patron que ces gènes mutés forment lorsqu’on les compare à des génomes d’autres primates. Comme nous l’avons introduit avec notre analogie du livre copié, nous nous attendons à trouver des fautes de frappe partagées entre les textes, et d’autres uniques à une édition. Pour les gènes olfactifs défectueux, nous observons précisément ces deux catégories : des mutations partagées, et des mutations uniques :
5
Comme vous pouvez le voir sur le diagramme ci-dessus, les humains partagent plus de gènes olfactifs identiques avec les chimpanzés, moins avec les gorilles et encore moins avec les orang-outans. Des 12 mutations qui sont identiques entre les humains et les chimpanzés, 9 sont aussi identiques avec les gorilles, et 6 avec les orang-outans. Ces mutations partagées et le patron que l’on trouve sont expliqués facilement par l’existence d’un ancêtre commun, comme indiqué en rouge dans le diagramme. Les mutations uniques à une espèce donnée sont aussi facilement expliquées comme survenant dans des populations séparées (en bleu).
Il est important de noter aussi ce que nous ne voyons pas lorsqu’on compare ces mutations entre les primates. Nous n’observons pas de mutations identiques entre les humains et les gorilles, par exemple, sans les trouver chez les chimpanzés. Cela est se comprend si la population ancestrale commune aux humains et aux gorilles est aussi celle aux humains, aux gorilles et aux chimpanzés. De même, si nous observons des mutations identiques partagées entre les humains et les orang-outans, nous pouvons prédire avec confiance que nous les observerons aussi chez les gorilles et les chimpanzés ; et de fait, nous les observons. Ce patron de mutations partagées est précisément celui que l’on prédirait s’il était produit par un ancêtre commun.
De multiples lignes d’évidence, une conclusion
Dans le prochain billet de cette série, nous reviendrons sur tout cela pour voir comment les multiples lignes d’évidence génomique pour l’évolution humaine forment un patron cohérent.
[p1]C’est normalement Canis lupus
Le génome comparé à un texte ancien (4)
Dans le billet précédent, nous avons vu qu’à une large échelle d’organisation, le génome humain a les caractères qu’il devrait avoir s’il partageait un ancêtre avec d’autres grands singes. En continuant avec notre analogie du « livre », nous comparons maintenant ces textes à un niveau un peu plus détaillé : celui des phrases et des mots.
Comparaison des génomes au niveau des “phrases”
Dans un billet précédent, nous avons comparé les séquences ADN d’un gène que l’on trouve dans plusieurs espèces de drosophiles. De telles comparaisons sont aussi possibles en utilisant les séquences ADN de mammifères (humains et autres primates), et le patron qu’ils produisent est désormais familier :
1
[p1]
Comme nous l’avons vu dans les séquences des drosophiles, ce gène est quasiment identique dans un certain nombre d’espèces. Typiquement, la séquence humaine et les séquences de trois autres primates (chimpanzés, gorilles et orang-outans) ne diffèrent que par quelques nucléotides (tout au plus 4 sur les 90 sont différents). De plus, comme nous l’avons vu auparavant, aucun besoin biologique ne rend cette identité nécessaire – en fait, même dans la petite région de ce gène, il y a plus de 53 millions façons différentes de coder la même séquence d’acides aminés ! Et pour aller encore plus loin, ce gène n’a pas particulièrement besoin, biologiquement, d’avoir exactement la même séquence d’acides aminés que l’on voit partagée par les primates. Dans d’autres organismes (comme ceux des chiens et des loups), une séquence un peu différente accomplit la même tâche.
Bien entendu, il n’est pas possible de montrer des alignements d’ADN trop longs sous ce format. Ce petit segment de gène, cependant, est représentatif des gènes (et même de génomes entiers) des primates. Une comparaison détaillée de toutes les séquences de gènes entre les humains et les chimpanzés, par exemple, révèle qu’elles sont identiques à 99,4% sur 1.85×107 (18 millions) nucléotides. Notez que les régions du génome qui codent les gènes sont une toute petite minorité des séquences du génome – les humains et les chimpanzés ont plus de 3,0×109 (3 milliards) de nucléotides dans leur génome. Parmi ces 3 milliards de nucléotides, 2,7 milliards d’entre eux s’alignent les uns aux autres, avec une différence de seulement 1,23%. Bref, quand on compare les séquences d’ADN des humains et des autres primates, on voit exactement le patron que l’on aurait prédit si l’on suppose un ancêtre commun – un patron consistant, avec quelques modifications d’un génome ancestral.
A la recherche de fautes de frappe
Dans un billet précédent, nous avons vu comment la réplication de l’ADN est un processus très précis, mais non parfait. Ces deux caractéristiques de la réplication de l’ADN signifient que des mutations peuvent affecter des gènes lorsqu’ils sont copiés, et que des copies futures faites à partir d’un modèle muté transmettront fidèlement cette mutation (du moins jusqu’à une seconde mutation au même endroit). Cela signifie que les séquences du gène peuvent persister dans les génomes encore longtemps après leur mutation si cette mutation ne fait pas perdre la fonction en question. (Si une mutation est désavantageuse, alors la sélection naturelle aura tendance à l’éliminer de la population, comme nous l’avons déjà vu.)
Regardons l’exemple d’un gène qui code pour une enzyme (L-gulonolactone oxidase, ou “GULO”) intervenant dans la synthèse de la vitamine C chez les mammifères. La plupart des mammifères fabriquent leur propre vitamine C à partir d’autres éléments de leur alimentation, et le gène GULO est nécessaire dans la dernière étape du processus qui convertit un précurseur de vitamine C en produit final. Comme nous l’avons vu pour d’autres gènes, la séquence de ce gène est conservée entre les mammifères – il a une séquence quasiment identique, maintenue à travers la sélection naturelle. Par exemple, une part de ce gène chez la vache (Bos taurus), le chien (Canis lupus) et le rat (Rattus norvegicus) a la séquence suivante (avec des différences par rapport à la séquencede la vache, surlignées en noir) :
2
Dans ces trois espèces, ce gène est fonctionnel, et toutes trois peuvent fabriquer leur propre vitamine C sans l’obtenir directement de leur alimentation.
Les humains, bien entendu, ne peuvent pas fabriquer leur propre vitamine C – nous attrapons le scorbut si nous n’obtenons pas de vitamine C de notre alimentation. Cette situation atypique (pour les mammifères) est partagée par d’autres grands singes, et pour la même raison. Bien que ces espèces aient une partie de la séquence ADN du gène GULO, celle-ci contient de nombreuses mutations qui rendent le gène incapable de produire une enzyme fonctionnelle. La même région du gène GULO montrée dans la figure ci-dessus a les séquences suivantes chez les humains, les chimpanzés et les orang-outans (cette fois avec des différences par rapport à la séquence humaine, surlignées en noir) :
3
Une fois de plus on remarque que les séquences des primates sont quasiment identiques. Une nouvelle caractéristique à noter ici, cependant, c’est que ces trois copies du gène GULO ne sont pas fonctionnelles en partie parce qu’elles ont une délétion – un nucléotide en moins (surligné en jaune dans les séquences des primates). Cette délétion est identique chez les trois espèces, ajoutant une preuve à l’hypothèse de la « faute de frappe partagée » et copiée d’un premier texte – ou en termes biologiques, une délétion arrivée un jour chez l’ancêtre commun des humains, des chimpanzés et des orang-outans, ensuite héritée par les trois espèces. Les chiens, les vaches et les rats, cependant, ont bifurqué du lignage qui a conduit aux primates avant que cet événement de délétion ait eu lieu :
4
La perte de la fonction GULO ne semble pas avoir été un désavantage sélectif pour les primates à cette époque – probablement parce qu’ils avaient un régime alimentaire riche en vitamine C. En effet, même pour des humains, cette perte n’est pas un problème sérieux à moins que l’on ne se trouve sans source de vitamine C pour une période prolongée.
Le nez sait
Aussi intéressant que soit l’exemple du GULO (et c’est un exemple que j’ai déjà discuté plus en détail dans un autre contexte), ce n’est qu’un exemple de mutation partagée et identique parmi beaucoup d’autres que l’on trouve dans le génome humain et d’autres primates. Une étude qui a examiné en détail les mutations partagées par les primates s’est intéressée aux mutations dans les gènes consacrés au sens olfactif. Ces gènes codent pour des protéines que l’on trouve dans la membrane de cellules de l’épithélium nasal des mammifères, et que l’on appelle les récepteurs olfactifs. Les récepteurs olfactifs s’attachent aux éléments présents dans l’air, changent de forme lors du processus, et signalent ce changement au système nerveux produisant ainsi le sens olfactif.
Les nombreux récepteurs olfactifs qui agissent de concert sont ce qui donne à un parfum donné ses caractéristiques distinctives. Chez les mammifères, les gènes des récepteurs olfactifs constituent une part disproportionnée de leur génome, probablement parce que de tels gènes sont utiles pour trouver de la nourriture, un partenaire et en général pour percevoir son environnement. Malgré leur utilité, ces gènes peuvent aussi mutés et être perdus ; et en effet, le génome humain montre que notre espèce en a perdu plusieurs à cause de la mutation. Comme pour le gène GULO, cependant, ces séquences défectueuses de gène olfactif persistent sous une forme reconnaissable. Ce qui est plus important pour nous, cependant, c’est le patron que ces gènes mutés forment lorsqu’on les compare à des génomes d’autres primates. Comme nous l’avons introduit avec notre analogie du livre copié, nous nous attendons à trouver des fautes de frappe partagées entre les textes, et d’autres uniques à une édition. Pour les gènes olfactifs défectueux, nous observons précisément ces deux catégories : des mutations partagées, et des mutations uniques :
5
Comme vous pouvez le voir sur le diagramme ci-dessus, les humains partagent plus de gènes olfactifs identiques avec les chimpanzés, moins avec les gorilles et encore moins avec les orang-outans. Des 12 mutations qui sont identiques entre les humains et les chimpanzés, 9 sont aussi identiques avec les gorilles, et 6 avec les orang-outans. Ces mutations partagées et le patron que l’on trouve sont expliqués facilement par l’existence d’un ancêtre commun, comme indiqué en rouge dans le diagramme. Les mutations uniques à une espèce donnée sont aussi facilement expliquées comme survenant dans des populations séparées (en bleu).
Il est important de noter aussi ce que nous ne voyons pas lorsqu’on compare ces mutations entre les primates. Nous n’observons pas de mutations identiques entre les humains et les gorilles, par exemple, sans les trouver chez les chimpanzés. Cela est se comprend si la population ancestrale commune aux humains et aux gorilles est aussi celle aux humains, aux gorilles et aux chimpanzés. De même, si nous observons des mutations identiques partagées entre les humains et les orang-outans, nous pouvons prédire avec confiance que nous les observerons aussi chez les gorilles et les chimpanzés ; et de fait, nous les observons. Ce patron de mutations partagées est précisément celui que l’on prédirait s’il était produit par un ancêtre commun.
De multiples lignes d’évidence, une conclusion
Dans le prochain billet de cette série, nous reviendrons sur tout cela pour voir comment les multiples lignes d’évidence génomique pour l’évolution humaine forment un patron cohérent.
[p1]C’est normalement Canis lupus
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
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[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
- Ptitech
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:30http://www.scienceetfoi.com/le-genome-c ... -ancien-5/
Les génomes comparés à des textes copiés : rattacher le tout ensemble.
Lors des derniers billets de cette série, nous avons examiné les patrons généraux que l’on observe lorsqu’on compare les génomes d’espèces distinctes. Nous avons vu que le patron que nous observons est parfaitement cohérent dans les espèces qui partagent un ancêtre commun – et que leurs génomes sont des copies modifiées de ce qui a été autrefois le génome de leur population ancestrale. Ce que nous n’avons pas encore vu, en revanche, c’est que les lignes d’évidence que nous avons examinées – comparaisons des structures des génomes, séquences de gènes fonctionnels, mutations spécifiques conduisant à des gènes désactivés – forment un patron cohérent. Une bonne théorie se construit sur la cohésion d’une multiplicité de lignes d’évidence indépendantes, et la génomique comparative soutient très fortement la théorie de l’évolution.
D’abord, les “fautes de frappe” partagées.
Revenons à l’exemple des récepteurs olfactifs désactivés que nous avons vu dans notre dernier billet. En nous fondant sur ce petit ensemble de gènes défectueux, nous avons construit « l’arbre généalogique » des humains, chimpanzés, gorilles, et orang-outans :
génome 5 1
Proposer un arbre généalogique d’espèces parentes – ou pour introduire un terme technique, une phylogénie – est une façon graphique à la fois (a) de représenter un grand ensemble de données et (b) de proposer une hypothèse sur l’histoire de ces données. Dans cet ensemble de données, nous avons deux catégories de caractéristiques à expliquer : les mutations identiques chez plus d’une espèce, et les mutations uniques à une seule espèce. Comme nous l’avons montré auparavant, le phylogénie ci-dessus correspond très bien aux données ; les patrons des événements partagés et des événements uniques sont représentés par la même phylogénie. Les événements partagés arrivent une fois, dans l’ancêtre commun, et les événements uniques arrivent une fois que les deux espèces se sont séparées.
L’hypothèse que cette phylogénie propose, c’est que les histoires de ces quatre espèces sont partagées ou séparées en proportions différentes. Par exemple, les humains et les chimpanzés auraient l’histoire partagée la plus longue de ces quatre espèces (surlignée en jaune), et par comparaison des histoires séparées plus courtes (surlignées en bleu et rouge) :
genome 5 2
Les humains et les gorilles, cependant, auraient une histoire partagée plus courte (et une histoire séparée plus longue) sur la même période de temps :
genome 5 3
Enfin, les orang-outans et les humains auraient une histoire partagée encore plus courte que celles des autres primates, et une histoire séparée plus longue :
genome 5 4
Donc à partir de cet ensemble relativement petit de données (une poignée de mutations partagées par quelques gènes) nous avons une hypothèse détaillée des espèces qui partagent le plus une histoire commune – une hypothèse que nous pouvons tester en utilisant d’autres lignes d’évidence.
Des fautes de frappe aux phrases.
Maintenant que nous avons utilisé un petit ensemble des « fautes de frappe partagées » que l’on trouve dans ces quatre génomes pour assembler une phylogénie, nous pouvons considérer ce que cette phylogénie prédirait en comparant les séquences de gènes individuels chez ces quatre espèces. La clé, c’est la partie d’histoire que deux espèces partagent dans une phylogénie – alors que ce qui deviendra plus tard deux espèces n’est encore qu’une population, avec un génome commun. Elles auront la même séquence pour tout gène donné (aux variations à l’intérieur de la population près). Plus l’histoire que deux espèces partagent est longue, plus nous nous attendrons à voir les séquences de leurs gènes similaires. Plus leur histoire séparée est longue, plus nous nous attendrons à voir des gènes différents, à cause d’événements mutationnels qui arrivent dans la partie de la phylogénie de leur « histoire séparée ».
Grâce à la séquence du génome de l’orang-outan en 2011 et du gorille en 2012, nous pouvons désormais estimer cette prédiction en utilisant un très large ensemble de données pour les quatre espèces. Les séquences de l’homme et du chimpanzé sont quasiment identiques statistiquement (identiques à 98,6%) ; celles de l’humain et du gorille un peu moins (identiques à 98,3%) ; et celles des humains et des orang-outans encore moins (identiques à 96,6%). Ces résultats correspondent au patron prédit :
genome 5 5
En d’autres termes, utiliser de longues séquences d’un génome pour assembler une phylogénie de ces espèces produit la même phylogénie que celle que produisent les données des mutations partagées. Le patron requis par les données de mutations partagées (un petit ensemble des séquences ADN de ces espèces) est aussi celui qui explique le mieux l’identité globale du génome que l’on observe.
Des phrases aux chapitres
Avec les données de mutations partagées et les données de la séquence globale soutenant la même phylogénie, nous pouvons aller plus loin et tester cette hypothèse en utilisant la structure du génome – l’organisation spatiale des gènes sur les chromosomes, ou « chapitres » pour reprendre notre analogie du livre copié. Pour ce qui est des données des mutations partagées, les similitudes et différences que nous observons devraient être soit des caractéristiques partagées (du patron prédit) soit des caractéristiques uniques (survenues dans une espèce une fois, et qui l’ont séparée des autres). Globalement, lorsqu’on compare la structure des chromosomes des quatre espèces, les résultats répondent à nos attentes. Lorsque nous comparons la structure des chromosomes, celle des humains est plus similaire à celle des chimpanzés, un peu moins à celle des gorilles, et encore moins à celle des orang-outans, comme attendu. Pour illustrer ce patron d’un exemple spécifique, revenons à la différence structurelle majeure du chromosome entre les humains et les grands singes, l’événement de fusion qui a conduit au chromosome humain numéro 2. Comme nous l’avons déjà montré, le chromosome fusionné est présent dans les humains mais pas chez les chimpanzés, ni les gorilles, ni les orang-outans, ce qui signifie que cet évènement s’est produit après la séparation du lignage humain de celui du chimpanzé. Un examen plus précis de cette région chez les gorilles et les orang-outans révèle une différence de plus : une partie de cette région est inversée dans les génomes de l’humain et du chimpanzé (encadrée en rouge) quand on les compare avec la région équivalente chez les gorilles et les orang-outans (encadrée en bleu) :
genome 5 6
Les humains sont plus similaires aux chimpanzés (la plupart des régions correspondent), et le sont moins aux autres singes, comme on s’y attendait. Les différences que l’on voit sont aussi facilement représentées sur la phylogénie formée par les autres lignes d’évidence. Puisque l’événement d’inversion est commun aux humains et aux chimpanzés (mais il n’est pas présent chez les autres espèces), il a probablement eu lieu dans la population commune des humains et des chimpanzés après s’être séparée du lignage qui a conduit aux gorilles. L’événement de fusion aurait lieu plus tard, sur le lignage qui a conduit aux humains (et comme nous l’avons vu, il serait partagé aussi par d’autres espèces de parenté plus proche que les grands singes avec les humains.) Comme nous nous y attendons, la phylogénie prédite en utilisant seulement les données structurelles des chromosomes correspond à la phylogénie prédite par d’autres lignes d’évidence :
genome 5 7
En résumé
Comme nous l’avons vu au début de cette série, une bonne théorie (au sens scientifique du terme) est une théorie qui est soutenue par une multiplicité de lignes d’évidence et qui fait des prédictions exactes. Grâce à l’avènement de la génomique comparative moderne, la théorie de l’évolution s’est révélée plus robuste que ce que Darwin aurait imaginé. Nous pouvons dire avec confiance que nous partageons des ancêtres avec d’autres espèces et que cette conclusion n’est pas prête de changer, alors même que l’on a de nouvelles informations.
Dans le prochain billet de cette série, nous tournerons notre attention vers les caractéristiques qui ne correspondent pas parfaitement aux phylogénies prédites. Loin d’être un problème (comme les opposants à l’évolution le prétendent souvent), ces caractéristiques sont une source riche d’information qui révèle plus encore notre passé.
Les génomes comparés à des textes copiés : rattacher le tout ensemble.
Lors des derniers billets de cette série, nous avons examiné les patrons généraux que l’on observe lorsqu’on compare les génomes d’espèces distinctes. Nous avons vu que le patron que nous observons est parfaitement cohérent dans les espèces qui partagent un ancêtre commun – et que leurs génomes sont des copies modifiées de ce qui a été autrefois le génome de leur population ancestrale. Ce que nous n’avons pas encore vu, en revanche, c’est que les lignes d’évidence que nous avons examinées – comparaisons des structures des génomes, séquences de gènes fonctionnels, mutations spécifiques conduisant à des gènes désactivés – forment un patron cohérent. Une bonne théorie se construit sur la cohésion d’une multiplicité de lignes d’évidence indépendantes, et la génomique comparative soutient très fortement la théorie de l’évolution.
D’abord, les “fautes de frappe” partagées.
Revenons à l’exemple des récepteurs olfactifs désactivés que nous avons vu dans notre dernier billet. En nous fondant sur ce petit ensemble de gènes défectueux, nous avons construit « l’arbre généalogique » des humains, chimpanzés, gorilles, et orang-outans :
génome 5 1
Proposer un arbre généalogique d’espèces parentes – ou pour introduire un terme technique, une phylogénie – est une façon graphique à la fois (a) de représenter un grand ensemble de données et (b) de proposer une hypothèse sur l’histoire de ces données. Dans cet ensemble de données, nous avons deux catégories de caractéristiques à expliquer : les mutations identiques chez plus d’une espèce, et les mutations uniques à une seule espèce. Comme nous l’avons montré auparavant, le phylogénie ci-dessus correspond très bien aux données ; les patrons des événements partagés et des événements uniques sont représentés par la même phylogénie. Les événements partagés arrivent une fois, dans l’ancêtre commun, et les événements uniques arrivent une fois que les deux espèces se sont séparées.
L’hypothèse que cette phylogénie propose, c’est que les histoires de ces quatre espèces sont partagées ou séparées en proportions différentes. Par exemple, les humains et les chimpanzés auraient l’histoire partagée la plus longue de ces quatre espèces (surlignée en jaune), et par comparaison des histoires séparées plus courtes (surlignées en bleu et rouge) :
genome 5 2
Les humains et les gorilles, cependant, auraient une histoire partagée plus courte (et une histoire séparée plus longue) sur la même période de temps :
genome 5 3
Enfin, les orang-outans et les humains auraient une histoire partagée encore plus courte que celles des autres primates, et une histoire séparée plus longue :
genome 5 4
Donc à partir de cet ensemble relativement petit de données (une poignée de mutations partagées par quelques gènes) nous avons une hypothèse détaillée des espèces qui partagent le plus une histoire commune – une hypothèse que nous pouvons tester en utilisant d’autres lignes d’évidence.
Des fautes de frappe aux phrases.
Maintenant que nous avons utilisé un petit ensemble des « fautes de frappe partagées » que l’on trouve dans ces quatre génomes pour assembler une phylogénie, nous pouvons considérer ce que cette phylogénie prédirait en comparant les séquences de gènes individuels chez ces quatre espèces. La clé, c’est la partie d’histoire que deux espèces partagent dans une phylogénie – alors que ce qui deviendra plus tard deux espèces n’est encore qu’une population, avec un génome commun. Elles auront la même séquence pour tout gène donné (aux variations à l’intérieur de la population près). Plus l’histoire que deux espèces partagent est longue, plus nous nous attendrons à voir les séquences de leurs gènes similaires. Plus leur histoire séparée est longue, plus nous nous attendrons à voir des gènes différents, à cause d’événements mutationnels qui arrivent dans la partie de la phylogénie de leur « histoire séparée ».
Grâce à la séquence du génome de l’orang-outan en 2011 et du gorille en 2012, nous pouvons désormais estimer cette prédiction en utilisant un très large ensemble de données pour les quatre espèces. Les séquences de l’homme et du chimpanzé sont quasiment identiques statistiquement (identiques à 98,6%) ; celles de l’humain et du gorille un peu moins (identiques à 98,3%) ; et celles des humains et des orang-outans encore moins (identiques à 96,6%). Ces résultats correspondent au patron prédit :
genome 5 5
En d’autres termes, utiliser de longues séquences d’un génome pour assembler une phylogénie de ces espèces produit la même phylogénie que celle que produisent les données des mutations partagées. Le patron requis par les données de mutations partagées (un petit ensemble des séquences ADN de ces espèces) est aussi celui qui explique le mieux l’identité globale du génome que l’on observe.
Des phrases aux chapitres
Avec les données de mutations partagées et les données de la séquence globale soutenant la même phylogénie, nous pouvons aller plus loin et tester cette hypothèse en utilisant la structure du génome – l’organisation spatiale des gènes sur les chromosomes, ou « chapitres » pour reprendre notre analogie du livre copié. Pour ce qui est des données des mutations partagées, les similitudes et différences que nous observons devraient être soit des caractéristiques partagées (du patron prédit) soit des caractéristiques uniques (survenues dans une espèce une fois, et qui l’ont séparée des autres). Globalement, lorsqu’on compare la structure des chromosomes des quatre espèces, les résultats répondent à nos attentes. Lorsque nous comparons la structure des chromosomes, celle des humains est plus similaire à celle des chimpanzés, un peu moins à celle des gorilles, et encore moins à celle des orang-outans, comme attendu. Pour illustrer ce patron d’un exemple spécifique, revenons à la différence structurelle majeure du chromosome entre les humains et les grands singes, l’événement de fusion qui a conduit au chromosome humain numéro 2. Comme nous l’avons déjà montré, le chromosome fusionné est présent dans les humains mais pas chez les chimpanzés, ni les gorilles, ni les orang-outans, ce qui signifie que cet évènement s’est produit après la séparation du lignage humain de celui du chimpanzé. Un examen plus précis de cette région chez les gorilles et les orang-outans révèle une différence de plus : une partie de cette région est inversée dans les génomes de l’humain et du chimpanzé (encadrée en rouge) quand on les compare avec la région équivalente chez les gorilles et les orang-outans (encadrée en bleu) :
genome 5 6
Les humains sont plus similaires aux chimpanzés (la plupart des régions correspondent), et le sont moins aux autres singes, comme on s’y attendait. Les différences que l’on voit sont aussi facilement représentées sur la phylogénie formée par les autres lignes d’évidence. Puisque l’événement d’inversion est commun aux humains et aux chimpanzés (mais il n’est pas présent chez les autres espèces), il a probablement eu lieu dans la population commune des humains et des chimpanzés après s’être séparée du lignage qui a conduit aux gorilles. L’événement de fusion aurait lieu plus tard, sur le lignage qui a conduit aux humains (et comme nous l’avons vu, il serait partagé aussi par d’autres espèces de parenté plus proche que les grands singes avec les humains.) Comme nous nous y attendons, la phylogénie prédite en utilisant seulement les données structurelles des chromosomes correspond à la phylogénie prédite par d’autres lignes d’évidence :
genome 5 7
En résumé
Comme nous l’avons vu au début de cette série, une bonne théorie (au sens scientifique du terme) est une théorie qui est soutenue par une multiplicité de lignes d’évidence et qui fait des prédictions exactes. Grâce à l’avènement de la génomique comparative moderne, la théorie de l’évolution s’est révélée plus robuste que ce que Darwin aurait imaginé. Nous pouvons dire avec confiance que nous partageons des ancêtres avec d’autres espèces et que cette conclusion n’est pas prête de changer, alors même que l’on a de nouvelles informations.
Dans le prochain billet de cette série, nous tournerons notre attention vers les caractéristiques qui ne correspondent pas parfaitement aux phylogénies prédites. Loin d’être un problème (comme les opposants à l’évolution le prétendent souvent), ces caractéristiques sont une source riche d’information qui révèle plus encore notre passé.
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:31http://www.scienceetfoi.com/les-arbres- ... -de-genes/
Dans les derniers billets de cette série, nous avons examiné le patron global que l’on voit en comparant des génomes proches les uns des autres, et nous avons vu que les données multiples forment le même arbre généalogique ou phylogénie. Dans ce billet, nous allons chercher à comprendre plus profondément les phylogénies et plus particulièrement dans quelle mesure nous nous attendons à ce que certaines caractéristiques des génomes entrent en contradiction avec leurs arbres généalogiques.
Mais d’abord, une brève parenthèse : ce sujet est compliqué, il sera peut-être difficile à comprendre au début. Pourtant, si vous êtes arrivés jusqu’ici dans cette série, vous avez déjà les outils nécessaires pour comprendre et avec un effort, vous pourrez comprendre plus profondément qu’avant les génomes parents. Si ce sujet particulier reste tout de même obscur, ne vous inquiétez pas – le reste de cette série ne dépendra pas de la compréhension de ce point plus subtil. N’hésitez pas à poser des questions dans les commentaires si certaines choses ne sont pas claires.
Arbres généalogiques des espèces.
Revenons à un exemple qui nous est maintenant familier, celui des humains, des chimpanzés et des gorilles :
1
On appelle aussi les phylogénies des “arbres généalogiques des espèces” puisque “arbre généalogique” est un autre nom pour phylogénie. Un arbre généalogique des espèces nous montre un patron global des espèces qui ont partagé un ancêtre commun il y a plus ou moins longtemps. En d’autres termes, comme nous l’avons dit dans le dernier billet de cette série, une phylogénie est une mesure de l’histoire partagée et distincte de deux espèces. Plus les deux espèces partagent une histoire commune, plus on s’attend à ce que, en moyenne, elles soient similaires. Les humains et les chimpanzés, par exemple, continuent à partager une histoire pendant plusieurs millions d’années après s’être séparés de la population commune aux gorilles. Cette histoire commune est ce qui, en moyenne, rend les génomes de l’humain et du chimpanzé plus similaires l’un à l’autre qu’au génome du gorille. Les gènes individuels (et leurs allèles) peuvent avoir une histoire différente à l’intérieur des espèces alors qu’elles se séparent. Pour ce type d’analyse, nous devons examiner des phylogénies de gènes individuels, ce qu’on appelle des « arbres généalogiques génétiques ».
Arbres généalogiques génétiques
Si vous vous rappelez les billets précédents qui expliquaient comment la variation (d’allèles) survenait par la mutation, on peut comprendre intuitivement que les principes qui sont utilisés pour regrouper des espèces en une phylogénie puissent aussi être utilisés pour regrouper des allèles d’un gène en une phylogénie. Par exemple, regardez la séquence ADN de trois allèles du même gène, que nous pouvons représenter par les allèles jaune, rouge et bleu (les boîtes colorées). Les différences de séquences qui distinguent ces allèles sont les lettres surlignées en rouge :
2
En utilisant les mêmes principes que pour les espèces, nous pouvons expliquer l’origine de ces trois allèles par deux événements de mutation (en postulant que l’allèle jaune est l’état ancestral) :
3
Donc à l’intérieur d’une population, nous pouvons reconstruire l’histoire de l’allèle d’un gène individuel en utilisant les mêmes méthodes que celles appliquées précédemment à des espèces entières.
La spéciation accompagnée d’une variation génétique (ou pas)
Donc la mutation produit constamment de nouveaux allèles (de nouvelles variations) à l’intérieur des populations, et des processus tels que la sélection naturelle et la dérive génétique contribuent soit à augmenter soit à diminuer la fréquence des allèles dans les populations au cours du temps. Nous avons passé du temps à expliquer comment les événements de spéciation, à commencer par les populations qui se séparent et se différencient de plus en plus au cours du temps, conduisent à la formation d’espèces distinctes. Il nous reste à rassembler ces idées : à considérer ce qui pourrait arriver à la variation (aux allèles) dans une population alors qu’elle traverse un événement de spéciation.Pour cela, cherchons nos allèles hypothétiques à travers les événements de spéciation qui ont conduit aux humains, aux chimpanzés et aux gorilles.
Cet arbre généalogique des espèces a les populations suivantes : la population ancestrale commune aux trois espèces, désignée par (H,G,C) pour (Humain, Gorille, Chimpanzé) ; la population ancestrale commune aux humains et aux chimpanzés (H,C), et les lignages qui ont conduit aux espèces d’aujourd’hui après le dernier événement de spéciation sur la phylogénie (H), (G), (C) :
4
Il est important de garder à l’esprit qu’une seule ligne sur la phylogénie correspond à une population, et que les populations peuvent avoir des variations génétiques. Plaçons nos trois allèles dans la population (H,G,C) :
5
Nous sommes désormais prêts à explorer comment ces allèles seront hérités (ou pas) à travers les événements de spéciation. Une première possibilité est directe : chacun des trois allèles est hérité par une espèce différente. Cette possibilité s’appelle « tri complet des lignages ».. Si cela est possible, ce n’est pas du tout certain surtout si des plusieurs évènements de spéciation se produisent sur une courte période de temps. On peut ainsi avoir maintien des différents allèles, maintien d’un polymorphisme dit ancestral, dans les différents lignages. Il peut y avoir perte d’allèles dans chaque lignée via la sélection naturelle ou la dérive génétique qui peut conduire à une phylogénie « discordante » avec celle des espèces. C’est ce qu’on appelle le « le tri incomplet des lignages», et pour un grand génome, il est évident qu’au moins certains gènes manifesteront ce phénomène.
Distribution incomplète dans le lignage
La première difficulté que rencontreront les trois allèles pour se distribuer complètement dans les lignages sera l’événement de spéciation qui sépare les lignages (H,C) et (G). Vous vous rappellez que c’est un exemple de l’effet fondateur – un échantillon sélectionné par hasard qui peut exclure des allèles d’une nouvelle sous-population par chance :
6
Examinons un scénario possible à partir de l’événement de spéciation entre (H,C) et (G). Dans le lignage (G), les allèles jaune et bleu sont perdus au cours du temps. Lors de l’événement de spéciation qui sépare (H) et (C), les allèles jaune et bleu vont dans les deux lignages, mais dans le lignage (C), l’allèle jaune est perdu plus tard. De même, l’allèle bleu est perdu plus tard dans le lignage (H) :
7
Pour ce gène particulier, nous avons donc le patron suivant :
8
Enfin, nous voyons le problème : l’arbre généalogique génétique pour ces allèles entre en contradiction avec l’arbre généalogique des espèces. Rappelez-vous que dans l’arbre généalogique génétique, les allèles rouge et bleu sont plus proches qu’avec l’allèle jaune :
9
Dans l’arbre généalogique des espèces, cependant, les deux espèces parentes les plus proches (les chimpanzés et les humains) n’ont pas les allèles les plus proches, elles ont des allèles qui présentent le plus de différences.
Maintenant que nous avons travaillé cet exemple, la raison derrière ce décalage (espérons-le) est claire : il n’y a aucune garantie que les allèles se distribuent dans un lignage pour correspondre au patron global des espèces. Si un gène varie dans une population qui traverse un événement de spéciation, on s’attend à ce que parfois il soit assorti avec un patron qui ne correspond pas à celui des espèces ; dans certains cas, il aura un arbre généalogique génétique qui sera « discordant » avec l’arbre généalogique des espèces. Pour une population qui a des milliers de gènes avec de multiples allèles, il est évident que certains allèles formeront un patron discordant. Loin d’être un problème pour la théorie de l’évolution, les arbres généalogiques discordants sont prédits par elle. Ce serait un problème si nous ne les observions pas ; mais de fait, nous les observons, et comme nous le verrons la prochaine fois, nous les observons précisément dans le patron qui correspond à ce à quoi l’on s’attend en se basant sur les arbres généalogiques des espèces.
Dans le prochain billet de cette série, nous verrons comment les arbres généalogiques génétiques discordants peuvent être utilisés pour déterminer une autre caractéristique qui intéresse les scientifiques : les tailles de population des lignages sur une phylogénie.
Dans les derniers billets de cette série, nous avons examiné le patron global que l’on voit en comparant des génomes proches les uns des autres, et nous avons vu que les données multiples forment le même arbre généalogique ou phylogénie. Dans ce billet, nous allons chercher à comprendre plus profondément les phylogénies et plus particulièrement dans quelle mesure nous nous attendons à ce que certaines caractéristiques des génomes entrent en contradiction avec leurs arbres généalogiques.
Mais d’abord, une brève parenthèse : ce sujet est compliqué, il sera peut-être difficile à comprendre au début. Pourtant, si vous êtes arrivés jusqu’ici dans cette série, vous avez déjà les outils nécessaires pour comprendre et avec un effort, vous pourrez comprendre plus profondément qu’avant les génomes parents. Si ce sujet particulier reste tout de même obscur, ne vous inquiétez pas – le reste de cette série ne dépendra pas de la compréhension de ce point plus subtil. N’hésitez pas à poser des questions dans les commentaires si certaines choses ne sont pas claires.
Arbres généalogiques des espèces.
Revenons à un exemple qui nous est maintenant familier, celui des humains, des chimpanzés et des gorilles :
1
On appelle aussi les phylogénies des “arbres généalogiques des espèces” puisque “arbre généalogique” est un autre nom pour phylogénie. Un arbre généalogique des espèces nous montre un patron global des espèces qui ont partagé un ancêtre commun il y a plus ou moins longtemps. En d’autres termes, comme nous l’avons dit dans le dernier billet de cette série, une phylogénie est une mesure de l’histoire partagée et distincte de deux espèces. Plus les deux espèces partagent une histoire commune, plus on s’attend à ce que, en moyenne, elles soient similaires. Les humains et les chimpanzés, par exemple, continuent à partager une histoire pendant plusieurs millions d’années après s’être séparés de la population commune aux gorilles. Cette histoire commune est ce qui, en moyenne, rend les génomes de l’humain et du chimpanzé plus similaires l’un à l’autre qu’au génome du gorille. Les gènes individuels (et leurs allèles) peuvent avoir une histoire différente à l’intérieur des espèces alors qu’elles se séparent. Pour ce type d’analyse, nous devons examiner des phylogénies de gènes individuels, ce qu’on appelle des « arbres généalogiques génétiques ».
Arbres généalogiques génétiques
Si vous vous rappelez les billets précédents qui expliquaient comment la variation (d’allèles) survenait par la mutation, on peut comprendre intuitivement que les principes qui sont utilisés pour regrouper des espèces en une phylogénie puissent aussi être utilisés pour regrouper des allèles d’un gène en une phylogénie. Par exemple, regardez la séquence ADN de trois allèles du même gène, que nous pouvons représenter par les allèles jaune, rouge et bleu (les boîtes colorées). Les différences de séquences qui distinguent ces allèles sont les lettres surlignées en rouge :
2
En utilisant les mêmes principes que pour les espèces, nous pouvons expliquer l’origine de ces trois allèles par deux événements de mutation (en postulant que l’allèle jaune est l’état ancestral) :
3
Donc à l’intérieur d’une population, nous pouvons reconstruire l’histoire de l’allèle d’un gène individuel en utilisant les mêmes méthodes que celles appliquées précédemment à des espèces entières.
La spéciation accompagnée d’une variation génétique (ou pas)
Donc la mutation produit constamment de nouveaux allèles (de nouvelles variations) à l’intérieur des populations, et des processus tels que la sélection naturelle et la dérive génétique contribuent soit à augmenter soit à diminuer la fréquence des allèles dans les populations au cours du temps. Nous avons passé du temps à expliquer comment les événements de spéciation, à commencer par les populations qui se séparent et se différencient de plus en plus au cours du temps, conduisent à la formation d’espèces distinctes. Il nous reste à rassembler ces idées : à considérer ce qui pourrait arriver à la variation (aux allèles) dans une population alors qu’elle traverse un événement de spéciation.Pour cela, cherchons nos allèles hypothétiques à travers les événements de spéciation qui ont conduit aux humains, aux chimpanzés et aux gorilles.
Cet arbre généalogique des espèces a les populations suivantes : la population ancestrale commune aux trois espèces, désignée par (H,G,C) pour (Humain, Gorille, Chimpanzé) ; la population ancestrale commune aux humains et aux chimpanzés (H,C), et les lignages qui ont conduit aux espèces d’aujourd’hui après le dernier événement de spéciation sur la phylogénie (H), (G), (C) :
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Il est important de garder à l’esprit qu’une seule ligne sur la phylogénie correspond à une population, et que les populations peuvent avoir des variations génétiques. Plaçons nos trois allèles dans la population (H,G,C) :
5
Nous sommes désormais prêts à explorer comment ces allèles seront hérités (ou pas) à travers les événements de spéciation. Une première possibilité est directe : chacun des trois allèles est hérité par une espèce différente. Cette possibilité s’appelle « tri complet des lignages ».. Si cela est possible, ce n’est pas du tout certain surtout si des plusieurs évènements de spéciation se produisent sur une courte période de temps. On peut ainsi avoir maintien des différents allèles, maintien d’un polymorphisme dit ancestral, dans les différents lignages. Il peut y avoir perte d’allèles dans chaque lignée via la sélection naturelle ou la dérive génétique qui peut conduire à une phylogénie « discordante » avec celle des espèces. C’est ce qu’on appelle le « le tri incomplet des lignages», et pour un grand génome, il est évident qu’au moins certains gènes manifesteront ce phénomène.
Distribution incomplète dans le lignage
La première difficulté que rencontreront les trois allèles pour se distribuer complètement dans les lignages sera l’événement de spéciation qui sépare les lignages (H,C) et (G). Vous vous rappellez que c’est un exemple de l’effet fondateur – un échantillon sélectionné par hasard qui peut exclure des allèles d’une nouvelle sous-population par chance :
6
Examinons un scénario possible à partir de l’événement de spéciation entre (H,C) et (G). Dans le lignage (G), les allèles jaune et bleu sont perdus au cours du temps. Lors de l’événement de spéciation qui sépare (H) et (C), les allèles jaune et bleu vont dans les deux lignages, mais dans le lignage (C), l’allèle jaune est perdu plus tard. De même, l’allèle bleu est perdu plus tard dans le lignage (H) :
7
Pour ce gène particulier, nous avons donc le patron suivant :
8
Enfin, nous voyons le problème : l’arbre généalogique génétique pour ces allèles entre en contradiction avec l’arbre généalogique des espèces. Rappelez-vous que dans l’arbre généalogique génétique, les allèles rouge et bleu sont plus proches qu’avec l’allèle jaune :
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Dans l’arbre généalogique des espèces, cependant, les deux espèces parentes les plus proches (les chimpanzés et les humains) n’ont pas les allèles les plus proches, elles ont des allèles qui présentent le plus de différences.
Maintenant que nous avons travaillé cet exemple, la raison derrière ce décalage (espérons-le) est claire : il n’y a aucune garantie que les allèles se distribuent dans un lignage pour correspondre au patron global des espèces. Si un gène varie dans une population qui traverse un événement de spéciation, on s’attend à ce que parfois il soit assorti avec un patron qui ne correspond pas à celui des espèces ; dans certains cas, il aura un arbre généalogique génétique qui sera « discordant » avec l’arbre généalogique des espèces. Pour une population qui a des milliers de gènes avec de multiples allèles, il est évident que certains allèles formeront un patron discordant. Loin d’être un problème pour la théorie de l’évolution, les arbres généalogiques discordants sont prédits par elle. Ce serait un problème si nous ne les observions pas ; mais de fait, nous les observons, et comme nous le verrons la prochaine fois, nous les observons précisément dans le patron qui correspond à ce à quoi l’on s’attend en se basant sur les arbres généalogiques des espèces.
Dans le prochain billet de cette série, nous verrons comment les arbres généalogiques génétiques discordants peuvent être utilisés pour déterminer une autre caractéristique qui intéresse les scientifiques : les tailles de population des lignages sur une phylogénie.
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:31http://www.scienceetfoi.com/tri-de-lign ... ncestrale/
Tri de lignage incomplet et taille d’une population ancestrale
Dans le dernier billet de cette série, nous avons introduit le (difficile) concept de l’arbre généalogique génétique discordant avec un arbre généalogique des espèces à cause d’un tri de lignées incomplet (TLI). Dans ce billet, nous examinerons l’une des implications intéressantes du TLI – son utilisation pour estimer la taille d’une population – avant de continuer sur d’autres sujets. (Encore une fois, si ce sujet semble trop difficile, n’hésitez pas à le mettre de côté avec le billet précédent ; les billets suivants de cette série ne dépendront pas de la compréhension de cette question.)
Nous pouvons utiliser le TLI pour mesurer la taille d’une population parce que les arbres discordants nous donnent une façon de mesurer le nombre d’allèles présents dans une population ancestrale (ce qui peut ensuite être utilisé pour estimer le nombre d’individus dans cette population). Avant d’en arriver aux détails, cependant, revoyons brièvement dans quelle mesure la spéciation est un phénomène qui se passe à l’échelle de la population.
Nous avons vu dans les billets précédents de cette série que les événements de spéciation commencent lorsque deux populations deviennent génétiquement isolées l’une de l’autre (soit complètement, soit partiellement). Cela a pour conséquence une divergence de la moyenne des caractéristiques des deux populations, ce qui peut conduire par la suite et à long terme à une spéciation. Ce qu’il nous faut souligner ici, c’est que les deux populations sont des populations – un groupe d’organismes d’une même espèce qui se reproduisent entre eux. Comme nous l’avons vu, les populations sont capables de transmettre une diversité génétique bien plus importante qu’un individu : là où un individu ne peut porter que deux allèles d’un gène donné, une population peut en maintenir des centaines voire des milliers.
Arbres discordants – une fenêtre ouverte sur le passé.
En gardant cela à l’esprit, nous pouvons revenir à notre réflexion sur le tri de lignées incomplet et sur les arbres généalogiques génétiques discordants avec un arbre généalogique des espèces qui en résultent. L’exemple que nous avons utilisé montrait des gorilles et des chimpanzés possédant des allèles plus proches, tandis que l’allèle humain était plus éloigné :
Nous avons ensuite décrit un exemple de tri de lignage incomplet où les gorilles et les chimpanzés héritent des allèles les plus proches et les humains d’allèles plus éloignés :
7
Nous sommes désormais prêts à voir ce que nous pouvons inférer de ce patron, et ce qu’il nous dit de la population ancestrale commune (H,G,C). D’abord, ce patron nous dit que les allèles bleu et rouge étaient présents avant la séparation des lignages du chimpanzé et du gorille. Puisque nous savons grâce à l’arbre généalogique des espèces que la population ancestrale commune (gorille/chimpanzé) correspond à la population ancestrale commune (H,G,C), cela confirme que les allèles bleu et rouge faisaient partie de la variation que cette population a maintenu. La deuxième chose à remarquer, c’est que l’allèle jaune est plus ancestral ; en d’autres termes, il a moins de mutations que les allèles rouge et bleu. Cela signifie que l’allèle jaune est plus vieux que les allèles rouge ou bleu. Cela place l’allèle jaune avant l’événement de spéciation (G) / (H,C) sur la phylogénie. De plus, puisque les humains ont l’allèle jaune, il doit avoir été présent dans la population ancestrale commune (H,C) au moment où elle s’est séparée du lignage (G). Si nous rassemblons ces deux informations, cela signifie que l’allèle jaune était aussi présent dans la population (H,G,C). En l’absence de nouvelles mutations (qui sont exclues dans ces analyses) ce patron ne peut être produit que par la présence des trois allèles dans la population (H,G,C). Bien que les espèces d’aujourd’hui ne possèdent chacune qu’un allèle, on peut inférer que leur population ancestrale partagée avait les trois.
Les arbres généalogiques génétiques discordants sont donc une fenêtre ouverte sur le passé qui révèle la diversité génétique d’une population ancestrale, c’est-à-dire le nombre d’allèles qu’elle maintenait pour une région donnée du génome. En comparant de larges sections des données du génome des humains, des chimpanzés et des gorilles, il est possible d’avoir une estimation exacte de la taille de la population ancestrale (H,G,C) (environ 50000 individus). Cette mesure, que l’on appelle la taille effective de la population (notée Ne), est la taille de la population dont on a besoin pour transmettre la quantité observée de variation génétique d’une population ancestrale à aujourd’hui. Le lignage commun ancestral humain/chimpanzé (H,C), estimé par l’usage des mêmes méthodes, aurait aussi eu environ 50000 individus dans son histoire.
Test du modèle avec une espèce en plus : le génome de l’orang-outan.
La séquence du génome de l’orang-outan (terminée en 2011) a donné aux chercheurs l’opportunité de vérifier ces estimations en utilisant un ensemble de données en plus. Le lignage de l’orang-outan se détache de la phylogénie primate d’une population ancestrale commune (la population (H,O,G,C), « O » désignant l’orang-outan), reste donc la population ancestrale (H,G,C), qui passera par la spéciation plus tard :
4
En utilisant des estimations faites pour les tailles des populations (H,G,C) et (H,C), les chercheurs ont pu prédire qu’une petite fraction des génomes de l’humain et de l’orang-outan seraient plus proches, c’est-à-dire que le tri de lignées incomplet devrait avoir produit de rares régions du génome dans lesquelles les allèles de l’humain et de l’orang-outan sont plus similaires qu’avec ceux d’autres primates. La valeur attendue de telles régions correspondantes de (H,O) est petite (environ 1.2%) lorsqu’on la compare à la valeur prédite pour les régions correspondantes de (H,G) (environ 25%), en grande partie parce que les humains, les chimpanzés et les gorilles sont passés par la spéciation dans une période temporelle relativement courte, alors que le temps passé entre la divergence de l’orang-outan et celle du gorille est plus long. La fraction de notre génome qui correspond de plus près au génome de l’orang-outan est d’environ 0.8%, un résultat remarquablement proche de la valeur prédite, et cohérent avec les valeurs Ne estimées pour les populations (H,G,C) et (H,C) dans des travaux antécédents. En d’autres termes, lorsqu’on compare les génomes de primates, nous voyons un patron de tri de lignées incomplet, conforme à l’attendu : notre génome correspond à celui des chimpanzés le plus fréquemment, puis à celui du gorille, puis à celui de l’orang-outan. (Soit dit en passant, il est formellement possible qu’une fois que le génome du gibbon aura été séquencé et analysé, il y ait une trace de tri de lignées incomplet pour donner des regroupements des allèles (humain, gibbon), mais il est probable que cette fraction du génome soit trop petite pour être détectée avec fiabilité, puisque les gibbons se détachent de l’arbre des primates bien avant les orang-outans).
En résumé, et pour la suite.
Loin d’être un « problème » pour l’ancêtre commun, le tri de lignées incomplet est une conséquence attendue de populations qui passent par des événements de spéciation, et une fenêtre ouverte sur leur diversité génétique passée. Le résultat final dans une phylogénie, comme nous l’avons vu, est un sous-ensemble de caractéristiques qui ont un arbre généalogique discordant avec l’arbre généalogique des espèces. Dans le prochain billet de cette série, nous explorerons un autre phénomène que révèlent les patrons contradictoires avec un arbre généalogique des espèces: l’évolution convergente.
Pour en savoir plus, lectures complémentaires.
Hobolth A, et al., (2007). Genomic Relationships and Speciation Times of Human, Chimpanzee, and Gorilla Inferred from a Coalescent Hidden Markov Model. PLoS Genet 3(2): e7 (source)
Holboth A., et al. (2011). Incomplete lineage sorting patterns among human, chimpanzee, and orangutan suggest recent orangutan speciation and widespread selection. Genome Research. 2011 March; 21(3) 349. (source)
Tri de lignage incomplet et taille d’une population ancestrale
Dans le dernier billet de cette série, nous avons introduit le (difficile) concept de l’arbre généalogique génétique discordant avec un arbre généalogique des espèces à cause d’un tri de lignées incomplet (TLI). Dans ce billet, nous examinerons l’une des implications intéressantes du TLI – son utilisation pour estimer la taille d’une population – avant de continuer sur d’autres sujets. (Encore une fois, si ce sujet semble trop difficile, n’hésitez pas à le mettre de côté avec le billet précédent ; les billets suivants de cette série ne dépendront pas de la compréhension de cette question.)
Nous pouvons utiliser le TLI pour mesurer la taille d’une population parce que les arbres discordants nous donnent une façon de mesurer le nombre d’allèles présents dans une population ancestrale (ce qui peut ensuite être utilisé pour estimer le nombre d’individus dans cette population). Avant d’en arriver aux détails, cependant, revoyons brièvement dans quelle mesure la spéciation est un phénomène qui se passe à l’échelle de la population.
Nous avons vu dans les billets précédents de cette série que les événements de spéciation commencent lorsque deux populations deviennent génétiquement isolées l’une de l’autre (soit complètement, soit partiellement). Cela a pour conséquence une divergence de la moyenne des caractéristiques des deux populations, ce qui peut conduire par la suite et à long terme à une spéciation. Ce qu’il nous faut souligner ici, c’est que les deux populations sont des populations – un groupe d’organismes d’une même espèce qui se reproduisent entre eux. Comme nous l’avons vu, les populations sont capables de transmettre une diversité génétique bien plus importante qu’un individu : là où un individu ne peut porter que deux allèles d’un gène donné, une population peut en maintenir des centaines voire des milliers.
Arbres discordants – une fenêtre ouverte sur le passé.
En gardant cela à l’esprit, nous pouvons revenir à notre réflexion sur le tri de lignées incomplet et sur les arbres généalogiques génétiques discordants avec un arbre généalogique des espèces qui en résultent. L’exemple que nous avons utilisé montrait des gorilles et des chimpanzés possédant des allèles plus proches, tandis que l’allèle humain était plus éloigné :
Nous avons ensuite décrit un exemple de tri de lignage incomplet où les gorilles et les chimpanzés héritent des allèles les plus proches et les humains d’allèles plus éloignés :
7
Nous sommes désormais prêts à voir ce que nous pouvons inférer de ce patron, et ce qu’il nous dit de la population ancestrale commune (H,G,C). D’abord, ce patron nous dit que les allèles bleu et rouge étaient présents avant la séparation des lignages du chimpanzé et du gorille. Puisque nous savons grâce à l’arbre généalogique des espèces que la population ancestrale commune (gorille/chimpanzé) correspond à la population ancestrale commune (H,G,C), cela confirme que les allèles bleu et rouge faisaient partie de la variation que cette population a maintenu. La deuxième chose à remarquer, c’est que l’allèle jaune est plus ancestral ; en d’autres termes, il a moins de mutations que les allèles rouge et bleu. Cela signifie que l’allèle jaune est plus vieux que les allèles rouge ou bleu. Cela place l’allèle jaune avant l’événement de spéciation (G) / (H,C) sur la phylogénie. De plus, puisque les humains ont l’allèle jaune, il doit avoir été présent dans la population ancestrale commune (H,C) au moment où elle s’est séparée du lignage (G). Si nous rassemblons ces deux informations, cela signifie que l’allèle jaune était aussi présent dans la population (H,G,C). En l’absence de nouvelles mutations (qui sont exclues dans ces analyses) ce patron ne peut être produit que par la présence des trois allèles dans la population (H,G,C). Bien que les espèces d’aujourd’hui ne possèdent chacune qu’un allèle, on peut inférer que leur population ancestrale partagée avait les trois.
Les arbres généalogiques génétiques discordants sont donc une fenêtre ouverte sur le passé qui révèle la diversité génétique d’une population ancestrale, c’est-à-dire le nombre d’allèles qu’elle maintenait pour une région donnée du génome. En comparant de larges sections des données du génome des humains, des chimpanzés et des gorilles, il est possible d’avoir une estimation exacte de la taille de la population ancestrale (H,G,C) (environ 50000 individus). Cette mesure, que l’on appelle la taille effective de la population (notée Ne), est la taille de la population dont on a besoin pour transmettre la quantité observée de variation génétique d’une population ancestrale à aujourd’hui. Le lignage commun ancestral humain/chimpanzé (H,C), estimé par l’usage des mêmes méthodes, aurait aussi eu environ 50000 individus dans son histoire.
Test du modèle avec une espèce en plus : le génome de l’orang-outan.
La séquence du génome de l’orang-outan (terminée en 2011) a donné aux chercheurs l’opportunité de vérifier ces estimations en utilisant un ensemble de données en plus. Le lignage de l’orang-outan se détache de la phylogénie primate d’une population ancestrale commune (la population (H,O,G,C), « O » désignant l’orang-outan), reste donc la population ancestrale (H,G,C), qui passera par la spéciation plus tard :
4
En utilisant des estimations faites pour les tailles des populations (H,G,C) et (H,C), les chercheurs ont pu prédire qu’une petite fraction des génomes de l’humain et de l’orang-outan seraient plus proches, c’est-à-dire que le tri de lignées incomplet devrait avoir produit de rares régions du génome dans lesquelles les allèles de l’humain et de l’orang-outan sont plus similaires qu’avec ceux d’autres primates. La valeur attendue de telles régions correspondantes de (H,O) est petite (environ 1.2%) lorsqu’on la compare à la valeur prédite pour les régions correspondantes de (H,G) (environ 25%), en grande partie parce que les humains, les chimpanzés et les gorilles sont passés par la spéciation dans une période temporelle relativement courte, alors que le temps passé entre la divergence de l’orang-outan et celle du gorille est plus long. La fraction de notre génome qui correspond de plus près au génome de l’orang-outan est d’environ 0.8%, un résultat remarquablement proche de la valeur prédite, et cohérent avec les valeurs Ne estimées pour les populations (H,G,C) et (H,C) dans des travaux antécédents. En d’autres termes, lorsqu’on compare les génomes de primates, nous voyons un patron de tri de lignées incomplet, conforme à l’attendu : notre génome correspond à celui des chimpanzés le plus fréquemment, puis à celui du gorille, puis à celui de l’orang-outan. (Soit dit en passant, il est formellement possible qu’une fois que le génome du gibbon aura été séquencé et analysé, il y ait une trace de tri de lignées incomplet pour donner des regroupements des allèles (humain, gibbon), mais il est probable que cette fraction du génome soit trop petite pour être détectée avec fiabilité, puisque les gibbons se détachent de l’arbre des primates bien avant les orang-outans).
En résumé, et pour la suite.
Loin d’être un « problème » pour l’ancêtre commun, le tri de lignées incomplet est une conséquence attendue de populations qui passent par des événements de spéciation, et une fenêtre ouverte sur leur diversité génétique passée. Le résultat final dans une phylogénie, comme nous l’avons vu, est un sous-ensemble de caractéristiques qui ont un arbre généalogique discordant avec l’arbre généalogique des espèces. Dans le prochain billet de cette série, nous explorerons un autre phénomène que révèlent les patrons contradictoires avec un arbre généalogique des espèces: l’évolution convergente.
Pour en savoir plus, lectures complémentaires.
Hobolth A, et al., (2007). Genomic Relationships and Speciation Times of Human, Chimpanzee, and Gorilla Inferred from a Coalescent Hidden Markov Model. PLoS Genet 3(2): e7 (source)
Holboth A., et al. (2011). Incomplete lineage sorting patterns among human, chimpanzee, and orangutan suggest recent orangutan speciation and widespread selection. Genome Research. 2011 March; 21(3) 349. (source)
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
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- Ptitech
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:32http://www.scienceetfoi.com/une-introdu ... evolutive/
Dans les derniers billets de cette série, nous avons introduit l’idée que des caractéristiques individuelles (comme les séquences d’un gène individuel) peuvent ne pas toujours correspondre à la phylogénie, ou arbre généalogique des espèces pour un groupe d’organismes apparentés. Le tri de lignéess incomplet en est une cause, des similitudes qui surviennent par des événements indépendants en sont une autre. De telles caractéristiques auraient l’apparence superficielle d’avoir été héritées d’un ancêtre commun, mais seraient en fait des exemples d’homoplasie : des caractéristiques partagées entre des espèces qui n’ont pas été héritées d’un ancêtre commun.
Oiseaux et plumes
Le vol actif chez les oiseaux et certains mammifères (comme les chauves-souris) est un exemple classique d’homoplasie. L’arbre généalogique des espèces des oiseaux, des chauves-souris et des mammifères qui ne volent pas (par exemple les souris) nous montre que toutes les espèces de mammifères sont bien plus proches entre elles qu’avec les oiseaux. Afin d’expliquer la caractéristique du vol actif partagée par les chauves-souris et les oiseaux, il faut donc recourir au modèle de l’homoplasie, et les comprendre comme des événements indépendants qui surviennent sur deux lignages séparés :
1
Population ancestrale commune, Bats= chauve souris, Mice=souris, bird=oiseau
L’autre explication possible, que le vol actif est homologue entre les chauves-souris et les oiseaux (et est ainsi présent chez leur dernier ancêtre commun), supposerait que tous les mammifères sauf les chauves-souris auraient perdu cette capacité (pour ne rien dire des séquences ADN qui soutiennent l’arbre généalogique des espèces ci-dessus). Au-delà de cette évidence, il y a aussi de bonnes raisons de penser que le vol actif est survenu indépendamment chez les chauves-souris et les oiseaux en comparant leur anatomie. Les oiseaux utilisent des plumes attachées tout au long de leurs membres supérieurs pour décoller. Par contraste, les chauves-souris utilisent une membrane pour former leurs ailes, et cette membrane est attachée entre leurs doigts ainsi qu’à leur corps :
2
Image sources: Bat | Bird
Les deux solutions fonctionnent bien, mais lorsque nous divisons la caractéristique étendue de « vol actif » en ses éléments, nous voyons que si ce caractère dans son ensemble est convergent, les éléments sous-jacents ne le sont pas. Cette observation soutient que le vol actif des oiseaux et des mammifères est survenu séparément.
Homoplasie et homologie
Comment une simple homoplasie d’une séquence ADN peut survenir en utilisant une phylogénie peut être illustré. Supposons que trois espèces ont la séquence suivante pour une portion du même gène :
3
En se basant sur ces seules données, la phylogénie la plus simple (la plus parcimonieuse) serait comme suit :
4
En se basant sur ces données, on inférerait que la séquence ancestrale est “TCATCC” et la branche de la phylogénie qui conduirait à l’espèce A aurait eu une mutation pour expliquer la différence au niveau de la séquence. En l’absence d’autres indices, cette phylogénie serait la plus appropriée pour ces données.
Cette image bien ordonnée, cependant, pourrait être dérangée par d’autres données, des données qui démontrent que le simple arbre généalogique des espèces que nous avons dessiné ci-dessus est en fait inexact. Dans ce cas, nous devons ordonner les séquences ci-dessus dans un arbre généalogique des espèces différent, ce qui signifie que nous devrons expliquer le patron en utilisant plus qu’un événement de mutation. Examinons un exemple hypothétique pour en montrer le processus.
Supposons que les données des séquences de plusieurs centaines de gènes additionnels sont comparées pour ces trois espèces ainsi que pour un certain nombre d’autres espèces apparentées qu’on ne montre pas sur notre arbre. Supposons aussi que ces données soutiennent fortement un autre arbre que celui que nous avons généré : dans la vaste majorité des cas, les données soutiennent un arbre sur lequel les espèces A et B sont apparentées de près, et l’espèce C apparentée de bien plus loin. Cela nous « forcerait » à redessiner l’arbre généalogique des espèces comme suit, en plaçant nos courtes séquences en un patron différent aux côtés de leurs espèces :
5
Supposons également que les données de la séquence ADN pour la séquence de ce gène particulier indiquent avec les espèces additionnelles qui ne sont pas montrées sur notre arbre généalogique des espèces que la séquence ancestrale avait un « T » en deuxième position et non un « C » :
6
Il nous faut maintenant rendre compte pour les trois espèces de notre arbre du fait qu’elles n’ont pas une séquence ancestrale en seconde position, ainsi que comprendre les événements mutationnels qui ont conduit au patron que nous voyons ici. Vous noterez que nous sommes toujours contraints de proposer l’explication la plus parcimonieuse pour l’ensemble de ces données, mais pour ce gène particulier, nous sommes forcés d’invoquer des événements mutationnels multiples pour correspondre au patron de l’arbre généalogique des espèces. Nous faisons ce choix, cependant, parce que ce serait encore plus improbable que des événements mutationnels aient formé le patron de centaines d’autres séquences de gène de façon coordonnée ; et ces autres séquences soutiennent cette version de l’arbre généalogique des espèces.
Si vous essayez de « résoudre » l’arbre généalogique génétique en ajoutant des événements mutationnels à l’arbre généalogique des espèces, vous vous rendrez vite compte qu’au moins trois événements mutationnels sont nécessaires pour produire le patron observé. D’autres solutions utilisent plus de trois événements mutationnels, mais elles sont des explications moins probables. L’une des solutions possibles est exposée ci-dessous :
7
Sur la branche de la phylogénie qui conduit aux espèces A et B, une mutation (T à G) précède la divergence des espèces A / B (représentée par la barre rouge). Une seconde mutation a lieu ensuite sur le lignage qui conduit à l’espèce B, et change le G en même position en C (représentée par une barre bleue). Indépendamment de cela, le lignage qui conduit à l’espèce C a aussi une mutation sur cette position, qui change le T ancestral en C (représentée aussi par une barre bleue). Le résultat final est que deux séquences (dans les espèces B et C) sont devenues identiques, alors qu’aucune n’a hérité du « C » en seconde position de leur ancêtre commun. En d’autres termes, elles sont arrivées à la même « destination » à partir de points de départs différents, ou ont « convergé » en une séquence commune. On appelle ce phénomène évolution convergente. Pour ces deux espèces, le « C » en seconde position n’est pas homologue (une similitude héritée d’un ancêtre commun) mais plutôt une homoplasie, c’est-à-dire une similitude qui résulte d’événements indépendants sur deux lignages.
Une homoplasie peut être aussi simple qu’un changement de monomères d’ADN (c’est le cas dans cet exemple) ou aussi complexe qu’une réorganisation indépendante de systèmes multiples composés de nombreux gènes et membres du corps qui convergent sur une solution (c’est le cas du vol actif d’oiseaux et de chauves-souris). Dans les deux cas, cependant, nous pouvons déterminer qu’elles sont survenues par des événements indépendants sur des lignages séparés parce que ces caractéristiques ne correspondent pas à des événements uniques sur des arbres généalogiques des espèces.
Le pouvoir de la convergence
Puisque les homoplasies sont comme des marqueurs qui indiquent les événements évolutifs répétés, chercher des homoplasies dans les arbres généalogiques des espèces est utile pour tester des hypothèses sur la reproductibilité de l’évolution, ou sur la fréquence à laquelle des espèces convergent sur des solutions similaires. Il se trouve que l’évolution se répète beaucoup pour nombreux traits généraux. Il existe de nombreux exemples d’innovations répétées et indépendantes au cours de l’histoire évolutive, et nous en examinerons quelques uns dans les billets à venir :
Forme aérodynamique du corps : les formes aérodynamiques du corps de ceux qui ont une vie aquatique comme les poissons, les ichtyosaures, les baleines, les phoques et les oiseaux plongeurs (les pingouins) sont toutes des adaptations indépendantes et convergentes à la vie aquatique.
Vol actif : en plus des oiseaux et des chauves-souris, le vol actif a aussi évolué indépendamment chez les insectes et les ptérodactyles.
Echolocalisation : certains mammifères comme les chauves-souris et les baleines ont indépendamment développé des systèmes qui leur permettent de localiser de la nourriture à travers la détection des échos du son qu’ils génèrent sur les structures et les proies de leur environnement.
Yeux camérulaires : l’évolution répétée des yeux camérulaires (des yeux qui utilisent une lentille) est l’un des exemples les plus frappants de l’évolution convergente. Les yeux camérulaires ont évolué indépendamment chez les cnidaires (certaines méduses), les céphalopodes (comme les calmars et les pieuvres) et les vertébrés (oiseaux, mammifères).
Il faut noter que ces exemples répandus de convergence sont tous formés par l’environnement physique des organismes en question : la perception de la lumières (les yeux), la possibilité de voler dans les airs (les ailes), ou de se déplacer efficacement dans l’eau (corps aérodynamique). On pourrait s’attendre à ce que la présence fixe de ces caractéristiques environnementales conduise à l’adaptation de nombreuses espèces.
Plus profondément
Dans le prochain billet de cette série, nous examinerons de plus près certains exemples de l’évolution convergente au niveau moléculaire, et verrons que dans certains cas, il y a en fait une homologie qui se tapit loin dessous certains événements convergents.
Dans les derniers billets de cette série, nous avons introduit l’idée que des caractéristiques individuelles (comme les séquences d’un gène individuel) peuvent ne pas toujours correspondre à la phylogénie, ou arbre généalogique des espèces pour un groupe d’organismes apparentés. Le tri de lignéess incomplet en est une cause, des similitudes qui surviennent par des événements indépendants en sont une autre. De telles caractéristiques auraient l’apparence superficielle d’avoir été héritées d’un ancêtre commun, mais seraient en fait des exemples d’homoplasie : des caractéristiques partagées entre des espèces qui n’ont pas été héritées d’un ancêtre commun.
Oiseaux et plumes
Le vol actif chez les oiseaux et certains mammifères (comme les chauves-souris) est un exemple classique d’homoplasie. L’arbre généalogique des espèces des oiseaux, des chauves-souris et des mammifères qui ne volent pas (par exemple les souris) nous montre que toutes les espèces de mammifères sont bien plus proches entre elles qu’avec les oiseaux. Afin d’expliquer la caractéristique du vol actif partagée par les chauves-souris et les oiseaux, il faut donc recourir au modèle de l’homoplasie, et les comprendre comme des événements indépendants qui surviennent sur deux lignages séparés :
1
Population ancestrale commune, Bats= chauve souris, Mice=souris, bird=oiseau
L’autre explication possible, que le vol actif est homologue entre les chauves-souris et les oiseaux (et est ainsi présent chez leur dernier ancêtre commun), supposerait que tous les mammifères sauf les chauves-souris auraient perdu cette capacité (pour ne rien dire des séquences ADN qui soutiennent l’arbre généalogique des espèces ci-dessus). Au-delà de cette évidence, il y a aussi de bonnes raisons de penser que le vol actif est survenu indépendamment chez les chauves-souris et les oiseaux en comparant leur anatomie. Les oiseaux utilisent des plumes attachées tout au long de leurs membres supérieurs pour décoller. Par contraste, les chauves-souris utilisent une membrane pour former leurs ailes, et cette membrane est attachée entre leurs doigts ainsi qu’à leur corps :
2
Image sources: Bat | Bird
Les deux solutions fonctionnent bien, mais lorsque nous divisons la caractéristique étendue de « vol actif » en ses éléments, nous voyons que si ce caractère dans son ensemble est convergent, les éléments sous-jacents ne le sont pas. Cette observation soutient que le vol actif des oiseaux et des mammifères est survenu séparément.
Homoplasie et homologie
Comment une simple homoplasie d’une séquence ADN peut survenir en utilisant une phylogénie peut être illustré. Supposons que trois espèces ont la séquence suivante pour une portion du même gène :
3
En se basant sur ces seules données, la phylogénie la plus simple (la plus parcimonieuse) serait comme suit :
4
En se basant sur ces données, on inférerait que la séquence ancestrale est “TCATCC” et la branche de la phylogénie qui conduirait à l’espèce A aurait eu une mutation pour expliquer la différence au niveau de la séquence. En l’absence d’autres indices, cette phylogénie serait la plus appropriée pour ces données.
Cette image bien ordonnée, cependant, pourrait être dérangée par d’autres données, des données qui démontrent que le simple arbre généalogique des espèces que nous avons dessiné ci-dessus est en fait inexact. Dans ce cas, nous devons ordonner les séquences ci-dessus dans un arbre généalogique des espèces différent, ce qui signifie que nous devrons expliquer le patron en utilisant plus qu’un événement de mutation. Examinons un exemple hypothétique pour en montrer le processus.
Supposons que les données des séquences de plusieurs centaines de gènes additionnels sont comparées pour ces trois espèces ainsi que pour un certain nombre d’autres espèces apparentées qu’on ne montre pas sur notre arbre. Supposons aussi que ces données soutiennent fortement un autre arbre que celui que nous avons généré : dans la vaste majorité des cas, les données soutiennent un arbre sur lequel les espèces A et B sont apparentées de près, et l’espèce C apparentée de bien plus loin. Cela nous « forcerait » à redessiner l’arbre généalogique des espèces comme suit, en plaçant nos courtes séquences en un patron différent aux côtés de leurs espèces :
5
Supposons également que les données de la séquence ADN pour la séquence de ce gène particulier indiquent avec les espèces additionnelles qui ne sont pas montrées sur notre arbre généalogique des espèces que la séquence ancestrale avait un « T » en deuxième position et non un « C » :
6
Il nous faut maintenant rendre compte pour les trois espèces de notre arbre du fait qu’elles n’ont pas une séquence ancestrale en seconde position, ainsi que comprendre les événements mutationnels qui ont conduit au patron que nous voyons ici. Vous noterez que nous sommes toujours contraints de proposer l’explication la plus parcimonieuse pour l’ensemble de ces données, mais pour ce gène particulier, nous sommes forcés d’invoquer des événements mutationnels multiples pour correspondre au patron de l’arbre généalogique des espèces. Nous faisons ce choix, cependant, parce que ce serait encore plus improbable que des événements mutationnels aient formé le patron de centaines d’autres séquences de gène de façon coordonnée ; et ces autres séquences soutiennent cette version de l’arbre généalogique des espèces.
Si vous essayez de « résoudre » l’arbre généalogique génétique en ajoutant des événements mutationnels à l’arbre généalogique des espèces, vous vous rendrez vite compte qu’au moins trois événements mutationnels sont nécessaires pour produire le patron observé. D’autres solutions utilisent plus de trois événements mutationnels, mais elles sont des explications moins probables. L’une des solutions possibles est exposée ci-dessous :
7
Sur la branche de la phylogénie qui conduit aux espèces A et B, une mutation (T à G) précède la divergence des espèces A / B (représentée par la barre rouge). Une seconde mutation a lieu ensuite sur le lignage qui conduit à l’espèce B, et change le G en même position en C (représentée par une barre bleue). Indépendamment de cela, le lignage qui conduit à l’espèce C a aussi une mutation sur cette position, qui change le T ancestral en C (représentée aussi par une barre bleue). Le résultat final est que deux séquences (dans les espèces B et C) sont devenues identiques, alors qu’aucune n’a hérité du « C » en seconde position de leur ancêtre commun. En d’autres termes, elles sont arrivées à la même « destination » à partir de points de départs différents, ou ont « convergé » en une séquence commune. On appelle ce phénomène évolution convergente. Pour ces deux espèces, le « C » en seconde position n’est pas homologue (une similitude héritée d’un ancêtre commun) mais plutôt une homoplasie, c’est-à-dire une similitude qui résulte d’événements indépendants sur deux lignages.
Une homoplasie peut être aussi simple qu’un changement de monomères d’ADN (c’est le cas dans cet exemple) ou aussi complexe qu’une réorganisation indépendante de systèmes multiples composés de nombreux gènes et membres du corps qui convergent sur une solution (c’est le cas du vol actif d’oiseaux et de chauves-souris). Dans les deux cas, cependant, nous pouvons déterminer qu’elles sont survenues par des événements indépendants sur des lignages séparés parce que ces caractéristiques ne correspondent pas à des événements uniques sur des arbres généalogiques des espèces.
Le pouvoir de la convergence
Puisque les homoplasies sont comme des marqueurs qui indiquent les événements évolutifs répétés, chercher des homoplasies dans les arbres généalogiques des espèces est utile pour tester des hypothèses sur la reproductibilité de l’évolution, ou sur la fréquence à laquelle des espèces convergent sur des solutions similaires. Il se trouve que l’évolution se répète beaucoup pour nombreux traits généraux. Il existe de nombreux exemples d’innovations répétées et indépendantes au cours de l’histoire évolutive, et nous en examinerons quelques uns dans les billets à venir :
Forme aérodynamique du corps : les formes aérodynamiques du corps de ceux qui ont une vie aquatique comme les poissons, les ichtyosaures, les baleines, les phoques et les oiseaux plongeurs (les pingouins) sont toutes des adaptations indépendantes et convergentes à la vie aquatique.
Vol actif : en plus des oiseaux et des chauves-souris, le vol actif a aussi évolué indépendamment chez les insectes et les ptérodactyles.
Echolocalisation : certains mammifères comme les chauves-souris et les baleines ont indépendamment développé des systèmes qui leur permettent de localiser de la nourriture à travers la détection des échos du son qu’ils génèrent sur les structures et les proies de leur environnement.
Yeux camérulaires : l’évolution répétée des yeux camérulaires (des yeux qui utilisent une lentille) est l’un des exemples les plus frappants de l’évolution convergente. Les yeux camérulaires ont évolué indépendamment chez les cnidaires (certaines méduses), les céphalopodes (comme les calmars et les pieuvres) et les vertébrés (oiseaux, mammifères).
Il faut noter que ces exemples répandus de convergence sont tous formés par l’environnement physique des organismes en question : la perception de la lumières (les yeux), la possibilité de voler dans les airs (les ailes), ou de se déplacer efficacement dans l’eau (corps aérodynamique). On pourrait s’attendre à ce que la présence fixe de ces caractéristiques environnementales conduise à l’adaptation de nombreuses espèces.
Plus profondément
Dans le prochain billet de cette série, nous examinerons de plus près certains exemples de l’évolution convergente au niveau moléculaire, et verrons que dans certains cas, il y a en fait une homologie qui se tapit loin dessous certains événements convergents.
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
- Ptitech
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:32http://www.scienceetfoi.com/evolution-c ... -profonde/
Dans le dernier billet de cette série, nous avons introduit le concept d’homoplasie : une similitude de forme dans deux lignages qui survient par des événements indépendants. Nous avons vu la dernière fois l’exemple du vol actif des oiseaux et des chauves-souris obtenu de façon indépendante par une convergence évolutive, les chauves-souris ayant des ailes faites de membranes et les oiseaux, de plumes. Puisque la dernière population ancestrale commune des oiseaux et des chauves-souris n’avait pas de vol actif, c’est un bon exemple d’homoplasie survenue par une convergence évolutive.
Sous cet événement de convergence, cependant, il y a une connexion plus profonde. Les chauves-souris et les oiseaux sont des tétrapodes, c’est-à-dire des organismes avec quatre membres et une colonne vertébrale. La structure corporelle du tétrapode était déjà une caractéristique de leur dernière population ancestrale commune, et a été maintenue dans les deux lignages. En tant que telles, lorsqu’on les considère strictement comme des membres antérieurs, les ailes des chauves-souris et celles des oiseaux sont des structures homologues. Chez les oiseaux comme chez les chauves-souris, les membres antérieurs ont été formés par la sélection naturelle pour le vol de différentes façons, mais le point de départ pour les deux était une structure homologue. En d’autres termes, sous l’événement de convergence du vol actif des chauves-souris et des oiseaux se trouve une homologie plus profonde : le membre sur lequel les deux lignages ont indépendamment construit une aile. Pour le représenter sur une phylogénie, nous placerions la structure corporelle du tétrapode avant la divergence de tous les tétrapodes, et ferions du vol actif deux événements différents sur les lignages appropriés :
11
Des événements de convergence sous-tendus par des homologies plus profondes forment un patron qui est vu de temps à autres dans l’évolution. En fait, ces homologies plus profondes augmentent les chances que des événements de convergence arrivent, puisqu’elles donnent une base commune que des lignages séparés peuvent utiliser pour des innovations indépendantes. Pour les chauves-souris et les oiseaux, les adaptations qui ont conduit au vol étaient possibles parce que les deux lignages avaient des membres antérieurs qui pouvaient être modifiés au cours du temps d’une fonction à une autre. Si cet exemple est au niveau anatomique, ces espèces de « prédispositions » et les événements de convergence qui en surviennent peuvent également être observés au niveau moléculaire.
Les yeux.
Comme nous l’avons mentionné dans le dernier billet de cette série, les yeux camérulaires sont l’un des exemples les plus frappants de l’évolution convergente, puisqu’ils sont apparus indépendamment dans plusieurs lignages (les exemples les plus courants sont les vertébrés, les céphalopodes comme les pieuvres et les calamars, et certaines méduses). Les yeux camérulaires ont une couche cellulaire sensible à la lumière (la rétine) ainsi qu’une lentille qui concentre la lumière sur la rétine. Expliquer la distribution des yeux camérulaires chez ces trois groupes implique d’invoquer trois événements de convergence sur leur phylogénie (les « cnidaires » sont le groupe dans lequel on trouve les méduses) :
12
A première vue, il semble absolument improbable que trois lignages apparentés de façon très distante convergent indépendamment à une structure aussi remarquable que celle des yeux camérulaires. Il se trouve, cependant, qu’une homologie clé entre les trois groupes en a augmenté les probabilités : les molécules qui jouent le rôle de détecteurs de lumière.
Dans sa forme la plus basique, la sensation de l’environnement extérieur requiert de l’environnement qu’il induise un changement dans les cellules. Ainsi, la sensation de la lumière requiert un changement induit par la lumière d’un certain type. Les molécules clés de cette fonction dans les trois groupes ci-dessus sont des protéines que l’on appelle des opsines et leurs compagnons chimiques, les rétinals .Chaque protéine opsine a un rétinal, qui lui est lié, et ils jouent ensemble le rôle d’un détecteur de lumière. Les rétinals changent de forme lorsqu’ils interagissent avec la lumière (c’est-à-dire lorsqu’ils absorbent un photon, représenté par un gamma dans le diagramme ci-dessous). Ce changement altère à son tour la forme de l’opsine attachée au rétinal :
13
Source: http://en.wikipedia.org/wiki/File:Retin ... dTrans.svg
Le changement de forme de l’opsine affecte le flux de la charge électrique dans les cellules responsables de la sensation de la lumière, et ces changements de la charge électrique sont ce que le cerveau perçoit et interprète comme la « lumière ».
Le système opsine/rétinal de détection de lumière est très répandu ; en fait, tous les animaux qui peuvent détecter la lumière utilisent ces molécules comme base physique, qu’ils aient des yeux camérulaires ou d’autres types d’yeux (les yeux composés par exemple, ou de simples ensembles de cellules sensibles à la lumière). C’est une preuve solide que le système opsine/rétinal précède la divergence des trois groupes que nous considérons :
14
Une fois que nous savons cela, nous voyons que le développement des yeux camérulaires dans ces lignages n’est pas si improbable qu’on l’aurait pensé au départ. Dans les trois cas, ces lignages ont construit un œil camérulaire autour d’un système moléculaire détecteur de lumière préexistant. Les yeux camérulaires en tant que tels sont convergents, mais ils sont basés sur une homologie sous-jacente plus profonde qui a augmenté les probabilités de leur apparition par des modifications successives d’un système ancestral. Et comme nous l’avons vu pour les ailes d’un oiseau et d’une chauve-souris, il y a des différences entre les yeux camérulaires de ces lignages qui soutiennent l’hypothèse que ce sont les résultats d’événements de convergence (l’exemple le plus connu étant le nerf des yeux des vertébrés et celui des céphalopodes qui ont une orientation différente).
L’entendre c’est le croire.
On peut voir un second exemple de la “prédisposition moléculaire” conduisant à la convergence dans la mécanique moléculaire qui sous-tend une forme de perception sensorielle différente : celle des ultrasons par l’audition, requise pour l’écholocalisation chez les chauves-souris et les cétacés à dents. Les deux groupes utilisent une écholocalisation à haute fréquence pour naviguer et chercher une proie dans un environnement où la perception visuelle est limitée voire impossible. Il y a de fortes preuves qui montrent que le développement de l’écholocalisation chez ces deux groupes de mammifères très divergents est dû à l’évolution convergente ; il n’y a pas d’autre mammifère apparenté de plus près à l’un de ces deux groupes qui ait une telle capacité.
La base cellulaire/moléculaire qui détecte les sons chez les mammifères est un ensemble de cellules dans l’oreille prolongées par des extensions qui ressemblent à des cheveux (que l’on appelle cils cellulaires), qui vibrent en réponse à différentes longueurs d’onde de son. Les cils cellulaires changent aussi de longueur et de propriétés vibratoires en réponse à des stimuli auditifs différents. Les vibrations sont utilisées pour changer le flux de la charge électrique de ces cellules, conduisant finalement des signaux au système nerveux, que le cerveau perçoit comme des sons. Tous les mammifères utilisent une protéine que l’on appelle prestine dans leur système auditif. La prestine est une « protéine moteur » qui peut changer la forme d’une cellule en déplaçant les structures internes ; et les mammifères l’utilisent pour modifier les cils cellulaires en réponse au son.
On sait que le système cil cellulaire/prestine précède tous les mammifères, donc il n’est pas surprenant que les cétacés à dents et les chauves-souris utilisent ce système pour entendre. Ce qui est intéressant, cependant, c’est que la prestine ait été formée dans ces deux groupes de manière indépendante par la sélection naturelle pour entendre les sons à haute fréquence (les ultrasons), plus utile pour l’écholocalisation. De fait, sur une phylogénie restreinte aux séquences de prestine, celles des chauves-souris et celles des cétacés à dent semblent être les plus proches, ce qui est en forte contradiction avec l’arbre généalogique des espèces des chauves-souris et des cétacés. Un examen plus approfondi, cependant, montre que ces frappantes similitudes sont le résultat d’une convergence évolutive, et non d’un ancêtre commun plus récent. Dans les deux cas, la protéine de prestine pouvait s’accorder aux longueurs d’ondes ultrasoniques, et des événements mutationnels similaires (mais non identiques) ont été sélectionnés dans les deux lignages en cours de route, ce qui est un exemple de plus d’une « profonde homologie » favorisant des événements de convergence indépendants.
En résumé : l’évolution comme processus non hasardeux.
Une mauvaise conception de l’évolution que je rencontre souvent, c’est qu’elle est surtout un processus hasardeux, principalement influencé par des événements aléatoires. Si nous avons déjà montré que l’évolution a un élément non-hasardeux fort (la sélection naturelle), notre propos sur la convergence évolutive démontre un peu plus que l’évolution peut se répéter de façon importante. Lorsque la sélection naturelle affecte des groupes apparentés de loin d’une façon similaire, nous observons souvent des résultats similaires. Ceux-ci sont dans de nombreux cas favorisés par une histoire (homologie) et atteints par des voies similaires mais non identiques (ce qui démontre que la contingence et la chance sont également présentes). L’évolution est ainsi un équilibre entre événements contingents (des mutations et d’autres événements dus à la chance), et événements non-contingents (la sélection, la convergence évolutive).
Dans le prochain billet de cette série, nous reviendrons à l’écholocalisation des chauves-souris pour explorer la façon dont l’évolution d’une espèce peut être contrainte par celle d’une autre espèce qui a une relation proche avec elle, un phénomène que l’on nomme la coévolution.
Dans le dernier billet de cette série, nous avons introduit le concept d’homoplasie : une similitude de forme dans deux lignages qui survient par des événements indépendants. Nous avons vu la dernière fois l’exemple du vol actif des oiseaux et des chauves-souris obtenu de façon indépendante par une convergence évolutive, les chauves-souris ayant des ailes faites de membranes et les oiseaux, de plumes. Puisque la dernière population ancestrale commune des oiseaux et des chauves-souris n’avait pas de vol actif, c’est un bon exemple d’homoplasie survenue par une convergence évolutive.
Sous cet événement de convergence, cependant, il y a une connexion plus profonde. Les chauves-souris et les oiseaux sont des tétrapodes, c’est-à-dire des organismes avec quatre membres et une colonne vertébrale. La structure corporelle du tétrapode était déjà une caractéristique de leur dernière population ancestrale commune, et a été maintenue dans les deux lignages. En tant que telles, lorsqu’on les considère strictement comme des membres antérieurs, les ailes des chauves-souris et celles des oiseaux sont des structures homologues. Chez les oiseaux comme chez les chauves-souris, les membres antérieurs ont été formés par la sélection naturelle pour le vol de différentes façons, mais le point de départ pour les deux était une structure homologue. En d’autres termes, sous l’événement de convergence du vol actif des chauves-souris et des oiseaux se trouve une homologie plus profonde : le membre sur lequel les deux lignages ont indépendamment construit une aile. Pour le représenter sur une phylogénie, nous placerions la structure corporelle du tétrapode avant la divergence de tous les tétrapodes, et ferions du vol actif deux événements différents sur les lignages appropriés :
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Des événements de convergence sous-tendus par des homologies plus profondes forment un patron qui est vu de temps à autres dans l’évolution. En fait, ces homologies plus profondes augmentent les chances que des événements de convergence arrivent, puisqu’elles donnent une base commune que des lignages séparés peuvent utiliser pour des innovations indépendantes. Pour les chauves-souris et les oiseaux, les adaptations qui ont conduit au vol étaient possibles parce que les deux lignages avaient des membres antérieurs qui pouvaient être modifiés au cours du temps d’une fonction à une autre. Si cet exemple est au niveau anatomique, ces espèces de « prédispositions » et les événements de convergence qui en surviennent peuvent également être observés au niveau moléculaire.
Les yeux.
Comme nous l’avons mentionné dans le dernier billet de cette série, les yeux camérulaires sont l’un des exemples les plus frappants de l’évolution convergente, puisqu’ils sont apparus indépendamment dans plusieurs lignages (les exemples les plus courants sont les vertébrés, les céphalopodes comme les pieuvres et les calamars, et certaines méduses). Les yeux camérulaires ont une couche cellulaire sensible à la lumière (la rétine) ainsi qu’une lentille qui concentre la lumière sur la rétine. Expliquer la distribution des yeux camérulaires chez ces trois groupes implique d’invoquer trois événements de convergence sur leur phylogénie (les « cnidaires » sont le groupe dans lequel on trouve les méduses) :
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A première vue, il semble absolument improbable que trois lignages apparentés de façon très distante convergent indépendamment à une structure aussi remarquable que celle des yeux camérulaires. Il se trouve, cependant, qu’une homologie clé entre les trois groupes en a augmenté les probabilités : les molécules qui jouent le rôle de détecteurs de lumière.
Dans sa forme la plus basique, la sensation de l’environnement extérieur requiert de l’environnement qu’il induise un changement dans les cellules. Ainsi, la sensation de la lumière requiert un changement induit par la lumière d’un certain type. Les molécules clés de cette fonction dans les trois groupes ci-dessus sont des protéines que l’on appelle des opsines et leurs compagnons chimiques, les rétinals .Chaque protéine opsine a un rétinal, qui lui est lié, et ils jouent ensemble le rôle d’un détecteur de lumière. Les rétinals changent de forme lorsqu’ils interagissent avec la lumière (c’est-à-dire lorsqu’ils absorbent un photon, représenté par un gamma dans le diagramme ci-dessous). Ce changement altère à son tour la forme de l’opsine attachée au rétinal :
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Source: http://en.wikipedia.org/wiki/File:Retin ... dTrans.svg
Le changement de forme de l’opsine affecte le flux de la charge électrique dans les cellules responsables de la sensation de la lumière, et ces changements de la charge électrique sont ce que le cerveau perçoit et interprète comme la « lumière ».
Le système opsine/rétinal de détection de lumière est très répandu ; en fait, tous les animaux qui peuvent détecter la lumière utilisent ces molécules comme base physique, qu’ils aient des yeux camérulaires ou d’autres types d’yeux (les yeux composés par exemple, ou de simples ensembles de cellules sensibles à la lumière). C’est une preuve solide que le système opsine/rétinal précède la divergence des trois groupes que nous considérons :
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Une fois que nous savons cela, nous voyons que le développement des yeux camérulaires dans ces lignages n’est pas si improbable qu’on l’aurait pensé au départ. Dans les trois cas, ces lignages ont construit un œil camérulaire autour d’un système moléculaire détecteur de lumière préexistant. Les yeux camérulaires en tant que tels sont convergents, mais ils sont basés sur une homologie sous-jacente plus profonde qui a augmenté les probabilités de leur apparition par des modifications successives d’un système ancestral. Et comme nous l’avons vu pour les ailes d’un oiseau et d’une chauve-souris, il y a des différences entre les yeux camérulaires de ces lignages qui soutiennent l’hypothèse que ce sont les résultats d’événements de convergence (l’exemple le plus connu étant le nerf des yeux des vertébrés et celui des céphalopodes qui ont une orientation différente).
L’entendre c’est le croire.
On peut voir un second exemple de la “prédisposition moléculaire” conduisant à la convergence dans la mécanique moléculaire qui sous-tend une forme de perception sensorielle différente : celle des ultrasons par l’audition, requise pour l’écholocalisation chez les chauves-souris et les cétacés à dents. Les deux groupes utilisent une écholocalisation à haute fréquence pour naviguer et chercher une proie dans un environnement où la perception visuelle est limitée voire impossible. Il y a de fortes preuves qui montrent que le développement de l’écholocalisation chez ces deux groupes de mammifères très divergents est dû à l’évolution convergente ; il n’y a pas d’autre mammifère apparenté de plus près à l’un de ces deux groupes qui ait une telle capacité.
La base cellulaire/moléculaire qui détecte les sons chez les mammifères est un ensemble de cellules dans l’oreille prolongées par des extensions qui ressemblent à des cheveux (que l’on appelle cils cellulaires), qui vibrent en réponse à différentes longueurs d’onde de son. Les cils cellulaires changent aussi de longueur et de propriétés vibratoires en réponse à des stimuli auditifs différents. Les vibrations sont utilisées pour changer le flux de la charge électrique de ces cellules, conduisant finalement des signaux au système nerveux, que le cerveau perçoit comme des sons. Tous les mammifères utilisent une protéine que l’on appelle prestine dans leur système auditif. La prestine est une « protéine moteur » qui peut changer la forme d’une cellule en déplaçant les structures internes ; et les mammifères l’utilisent pour modifier les cils cellulaires en réponse au son.
On sait que le système cil cellulaire/prestine précède tous les mammifères, donc il n’est pas surprenant que les cétacés à dents et les chauves-souris utilisent ce système pour entendre. Ce qui est intéressant, cependant, c’est que la prestine ait été formée dans ces deux groupes de manière indépendante par la sélection naturelle pour entendre les sons à haute fréquence (les ultrasons), plus utile pour l’écholocalisation. De fait, sur une phylogénie restreinte aux séquences de prestine, celles des chauves-souris et celles des cétacés à dent semblent être les plus proches, ce qui est en forte contradiction avec l’arbre généalogique des espèces des chauves-souris et des cétacés. Un examen plus approfondi, cependant, montre que ces frappantes similitudes sont le résultat d’une convergence évolutive, et non d’un ancêtre commun plus récent. Dans les deux cas, la protéine de prestine pouvait s’accorder aux longueurs d’ondes ultrasoniques, et des événements mutationnels similaires (mais non identiques) ont été sélectionnés dans les deux lignages en cours de route, ce qui est un exemple de plus d’une « profonde homologie » favorisant des événements de convergence indépendants.
En résumé : l’évolution comme processus non hasardeux.
Une mauvaise conception de l’évolution que je rencontre souvent, c’est qu’elle est surtout un processus hasardeux, principalement influencé par des événements aléatoires. Si nous avons déjà montré que l’évolution a un élément non-hasardeux fort (la sélection naturelle), notre propos sur la convergence évolutive démontre un peu plus que l’évolution peut se répéter de façon importante. Lorsque la sélection naturelle affecte des groupes apparentés de loin d’une façon similaire, nous observons souvent des résultats similaires. Ceux-ci sont dans de nombreux cas favorisés par une histoire (homologie) et atteints par des voies similaires mais non identiques (ce qui démontre que la contingence et la chance sont également présentes). L’évolution est ainsi un équilibre entre événements contingents (des mutations et d’autres événements dus à la chance), et événements non-contingents (la sélection, la convergence évolutive).
Dans le prochain billet de cette série, nous reviendrons à l’écholocalisation des chauves-souris pour explorer la façon dont l’évolution d’une espèce peut être contrainte par celle d’une autre espèce qui a une relation proche avec elle, un phénomène que l’on nomme la coévolution.
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:32http://www.scienceetfoi.com/coevolution ... eur-proie/
Dans le dernier billet de cette série, nous avons examiné l’évolution convergente et l’écholocalisation chez certaines chauves-souris et cétacés à dents. L’écholocalisation permet aux chauves-souris d’accéder à une source de nourriture riche (les insectes) à un moment de la journée où il y a peu de prédateurs mais de nombreuses proies (puisque de nombreux insectes sont plus actifs la nuit pour la même raison : il y a moins de prédateurs nocturnes). Alors que les chauves-souris ont gagné lentement la capacité d’écholocaliser et de chasser la nuit, on peut s’attendre à ce que cette innovation affecte l’évolution de leurs proies. Toute variation chez une population proie avantageuse pour résister à la prédation serait sélectionnée, augmenterait en fréquence au cours du temps, et contribuerait à un changement des caractéristiques moyennes de l’espèce de la proie. Cette évolution des caractéristiques des proies sélectionnerait ensuite une variation chez les chauves-souris, et ainsi de suite, liant effectivement le prédateur et sa proie en une relation où chacun agit sur l’autre comme une force sélective majeure. Une telle relation est un exemple de la coévolution, c’est-à-dire une relation proche entre deux espèces où chacune influe sur l’évolution de l’autre. Pour les prédateurs et les proies, on peut imaginer leur coévolution comme une « course à l’armement », la prédation améliorant ses armes et la proie améliorant ses défenses.
(Soit dit en passant, il est important de noter que dans de nombreux cas, une relation coévolutive longue, stable et type « course à l’armement » ne se forme pas entre les prédateurs et les proies. En ce cas, il peut en résulter l’extinction de l’une des deux espèces, et d’après les fossiles que l’on a retrouvés, l’extinction est une caractéristique très commune de la biodiversité sur des temps longs. Les espèces des prédateurs comme celles des proies peuvent s’éteindre, relâchant leurs « partenaires » de leur influence coévolutive. Les relations coévolutives que nous observons sont donc suffisamment stables pour avoir persisté un certain temps.)
La chauve-souris contre le papillon de nuit
Etant donnée l’efficacité de l’écholocalisation pour attraper des insectes nocturnes, il n’est pas surprenant qu’il y ait plusieurs adaptations dans des espèces d’insectes différentes qui améliorent leurs chances d’éviter d’être mangés par des chauves-souris. L’adaptation la plus basique est un moyen par lequel les insectes peuvent entendre les fréquences ultrasoniques que les chauves-souris utilisent pour l’écholocalisation. Ces organes sensoriels, que l’on appelle les membranes tympaniques, sont composés d’une membrane qui vibre en réponse aux ondes sonores et de cellules associées du système nerveux qui convertissent les ondes en charges électriques potentielles perçues comme du son par le cerveau de l’insecte.
Puisque même une capacité rudimentaire à détecter le son ultrasonique serait clairement un avantage sélectif face à un prédateur qui peut écholocaliser, il n’est pas particulièrement surprenant que les membranes tympaniques qui peuvent détecter les fréquences ultrasoniques soient survenues de façon indépendante de nombreuses fois dans des lignées distinctes d’insectes (ce qui donne un autre exemple étendu de l’évolution convergente). Les membranes tympaniques peuvent être plutôt simples : une petite membrane et quelques cellules associées du système nerveux, ce qui donne de la crédibilité à l’idée qu’elles aient évolué encore et encore.
Au-delà de la simple capacité à entendre l’approche d’une chauve-souris, les insectes possèdent une série d’adaptations couplées à la détection des fréquences ultrasoniques. Dans de nombreux cas, les patrons de vol erratique (comme les plongeons, les boucles, et même la chute libre) sont déclenchés par la détection de chauves-souris qui écholocalisent à proximité. Détecter les signaux plus faibles de chauves-souris plus distantes produit souvent un mécanisme de survie plus basique : s’éloigner de la source du son. Dans les deux cas, la sélection naturelle qui agit sur la variation à l’intérieur des populations des insectes est la source probable de ces adaptations ; alors que les chauves-souris ont commencé à utiliser l’écholocalisation pour chasser les insectes, les insectes qui possédaient la variation qui réduisait les chances de la réussite de la prédation se sont reproduits à plus grande vitesse, affinant ces réponses au cours du temps pour former ce que nous observons aujourd’hui.
21
Prédateur et proie : le papillon de nuit Bertholdia trigonia combat l’écholocalisation de la chauve-souris en produisant un son ultrasonique. (Image source: bat / moth)
Le papillon de nuit contre la chauve-souris
Certains papillons de nuit ont développé un mécanisme innovant en défense contre les chauves-souris qui écholocalisent : ils utilisent leurs membranes tympaniques pour produire des sons ultrasoniques en réponse à la détection des cris ultrasoniques des chauves-souris. Chez certaines espèces de papillons de nuit, cette réponse acoustique prévient les chauves-souris qu’ils sont toxiques et inappropriés à la consommation. Puisque les chauves-souris peuvent apprendre à éviter de tels papillons de nuit, on comprend que les espèces toxiques de papillons de nuit signalent leur présence pour ne pas être pris pour des espèces comestibles. Puisque des couleurs vives et autres démonstrations visibles (comme on les trouve sur d’autres insectes toxiques) ne peuvent être utilisées pour avertir les prédateurs la nuit, des sons caractéristiques sont employés à la place. Pour accomplir cela, le papillon de nuit fait vibrer sa membrane tympanique pour produire des ondes ultrasoniques que la chauve-souris entendra (puisque les chauves-souris écoutent ces mêmes fréquences pour l’écholocalisation). Les chauves-souris finissent par associer cette signature acoustique du papillon de nuit à leur goût toxique et non comestible, et évitent par la suite les autres papillons de nuit qui produisent le même son. En moyenne, les papillons de nuit qui produisent ce son éviteront avec plus de probabilité la prédation des chauves-souris (bien que certains membres de l’espèce des papillons de nuit doivent payer le prix ultime pour l’éducation des chauves-souris naïves).
Le papillon de nuit Bertholdia trigonia utilise cette approche et l’élève à un autre niveau. Non seulement il émet un bruit ultrasonique en réponse à l’approche d’une chauve-souris, mais en plus il interfère directement avec la capacité de la chauve-souris à écholocaliser. Les papillons de nuit qui ne font qu’utiliser un son pour avertir de leur toxicité émettent des signaux dans un patron qui ne produit pas d’interférence avec l’écholocalisation de la chauve-souris, mais le Bertholdia émet des explosions ultrasoniques qui provoquent une saturation. Des travaux récents sur ces papillons de nuit et leurs prédateurs chauves-souris ont distingué l’effet d’avertissement et l’effet de saturation en utilisant des chauves-souris habituées aux papillons de nuit et les poursuivant activement comme proie. La capacité des chauves-souris concentrées sur la capture des papillons de nuit était entravée quand les papillons de nuit étaient capables d’explosions ultrasoniques. Souvent, les chauves-souris perdaient le papillon de nuit dans les dernières étapes de leur attaque et revenaient au « mode recherche » au lieu de capturer le papillon de nuit. Les papillons de nuit incapables d’utiliser des contre-mesures ultrasoniques (à cause d’une ablation chirurgicale de leurs membranes tympaniques) étaient par comparaison des proies faciles. Cet exemple d’interférence active avec un prédateur qui écholocalise est jusqu’ici le seul que l’on connaisse dans la nature et représente un exemple frappant d’un trait formé par la coévolution. Une hypothèse actuelle est que le signal « de saturation » était à l’origine un signal d’avertissement, puisqu’avertir et/ou saturer ne sont pas des effets mutuellement exclusifs pour la signature acoustique d’une espèce ancestrale de papillons de nuit, surtout si cette espèce n’était pas toxique à tous les prédateurs potentiels.
Devant cette innovation, la balle est maintenant dans le camp des chauves-souris, pour ainsi dire, et les chauves-souris qui possèdent la variation qui leur permet de capturer ces papillons de nuit plus efficacement pourront laisser plus de descendants que les individus qui ne l’ont pas.
Dans le prochain billet de cette série, nous explorerons un type de relation encore plus intime entre les espèces : celle qui existe entre les parasites et leurs hôtes.
Dans le dernier billet de cette série, nous avons examiné l’évolution convergente et l’écholocalisation chez certaines chauves-souris et cétacés à dents. L’écholocalisation permet aux chauves-souris d’accéder à une source de nourriture riche (les insectes) à un moment de la journée où il y a peu de prédateurs mais de nombreuses proies (puisque de nombreux insectes sont plus actifs la nuit pour la même raison : il y a moins de prédateurs nocturnes). Alors que les chauves-souris ont gagné lentement la capacité d’écholocaliser et de chasser la nuit, on peut s’attendre à ce que cette innovation affecte l’évolution de leurs proies. Toute variation chez une population proie avantageuse pour résister à la prédation serait sélectionnée, augmenterait en fréquence au cours du temps, et contribuerait à un changement des caractéristiques moyennes de l’espèce de la proie. Cette évolution des caractéristiques des proies sélectionnerait ensuite une variation chez les chauves-souris, et ainsi de suite, liant effectivement le prédateur et sa proie en une relation où chacun agit sur l’autre comme une force sélective majeure. Une telle relation est un exemple de la coévolution, c’est-à-dire une relation proche entre deux espèces où chacune influe sur l’évolution de l’autre. Pour les prédateurs et les proies, on peut imaginer leur coévolution comme une « course à l’armement », la prédation améliorant ses armes et la proie améliorant ses défenses.
(Soit dit en passant, il est important de noter que dans de nombreux cas, une relation coévolutive longue, stable et type « course à l’armement » ne se forme pas entre les prédateurs et les proies. En ce cas, il peut en résulter l’extinction de l’une des deux espèces, et d’après les fossiles que l’on a retrouvés, l’extinction est une caractéristique très commune de la biodiversité sur des temps longs. Les espèces des prédateurs comme celles des proies peuvent s’éteindre, relâchant leurs « partenaires » de leur influence coévolutive. Les relations coévolutives que nous observons sont donc suffisamment stables pour avoir persisté un certain temps.)
La chauve-souris contre le papillon de nuit
Etant donnée l’efficacité de l’écholocalisation pour attraper des insectes nocturnes, il n’est pas surprenant qu’il y ait plusieurs adaptations dans des espèces d’insectes différentes qui améliorent leurs chances d’éviter d’être mangés par des chauves-souris. L’adaptation la plus basique est un moyen par lequel les insectes peuvent entendre les fréquences ultrasoniques que les chauves-souris utilisent pour l’écholocalisation. Ces organes sensoriels, que l’on appelle les membranes tympaniques, sont composés d’une membrane qui vibre en réponse aux ondes sonores et de cellules associées du système nerveux qui convertissent les ondes en charges électriques potentielles perçues comme du son par le cerveau de l’insecte.
Puisque même une capacité rudimentaire à détecter le son ultrasonique serait clairement un avantage sélectif face à un prédateur qui peut écholocaliser, il n’est pas particulièrement surprenant que les membranes tympaniques qui peuvent détecter les fréquences ultrasoniques soient survenues de façon indépendante de nombreuses fois dans des lignées distinctes d’insectes (ce qui donne un autre exemple étendu de l’évolution convergente). Les membranes tympaniques peuvent être plutôt simples : une petite membrane et quelques cellules associées du système nerveux, ce qui donne de la crédibilité à l’idée qu’elles aient évolué encore et encore.
Au-delà de la simple capacité à entendre l’approche d’une chauve-souris, les insectes possèdent une série d’adaptations couplées à la détection des fréquences ultrasoniques. Dans de nombreux cas, les patrons de vol erratique (comme les plongeons, les boucles, et même la chute libre) sont déclenchés par la détection de chauves-souris qui écholocalisent à proximité. Détecter les signaux plus faibles de chauves-souris plus distantes produit souvent un mécanisme de survie plus basique : s’éloigner de la source du son. Dans les deux cas, la sélection naturelle qui agit sur la variation à l’intérieur des populations des insectes est la source probable de ces adaptations ; alors que les chauves-souris ont commencé à utiliser l’écholocalisation pour chasser les insectes, les insectes qui possédaient la variation qui réduisait les chances de la réussite de la prédation se sont reproduits à plus grande vitesse, affinant ces réponses au cours du temps pour former ce que nous observons aujourd’hui.
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Prédateur et proie : le papillon de nuit Bertholdia trigonia combat l’écholocalisation de la chauve-souris en produisant un son ultrasonique. (Image source: bat / moth)
Le papillon de nuit contre la chauve-souris
Certains papillons de nuit ont développé un mécanisme innovant en défense contre les chauves-souris qui écholocalisent : ils utilisent leurs membranes tympaniques pour produire des sons ultrasoniques en réponse à la détection des cris ultrasoniques des chauves-souris. Chez certaines espèces de papillons de nuit, cette réponse acoustique prévient les chauves-souris qu’ils sont toxiques et inappropriés à la consommation. Puisque les chauves-souris peuvent apprendre à éviter de tels papillons de nuit, on comprend que les espèces toxiques de papillons de nuit signalent leur présence pour ne pas être pris pour des espèces comestibles. Puisque des couleurs vives et autres démonstrations visibles (comme on les trouve sur d’autres insectes toxiques) ne peuvent être utilisées pour avertir les prédateurs la nuit, des sons caractéristiques sont employés à la place. Pour accomplir cela, le papillon de nuit fait vibrer sa membrane tympanique pour produire des ondes ultrasoniques que la chauve-souris entendra (puisque les chauves-souris écoutent ces mêmes fréquences pour l’écholocalisation). Les chauves-souris finissent par associer cette signature acoustique du papillon de nuit à leur goût toxique et non comestible, et évitent par la suite les autres papillons de nuit qui produisent le même son. En moyenne, les papillons de nuit qui produisent ce son éviteront avec plus de probabilité la prédation des chauves-souris (bien que certains membres de l’espèce des papillons de nuit doivent payer le prix ultime pour l’éducation des chauves-souris naïves).
Le papillon de nuit Bertholdia trigonia utilise cette approche et l’élève à un autre niveau. Non seulement il émet un bruit ultrasonique en réponse à l’approche d’une chauve-souris, mais en plus il interfère directement avec la capacité de la chauve-souris à écholocaliser. Les papillons de nuit qui ne font qu’utiliser un son pour avertir de leur toxicité émettent des signaux dans un patron qui ne produit pas d’interférence avec l’écholocalisation de la chauve-souris, mais le Bertholdia émet des explosions ultrasoniques qui provoquent une saturation. Des travaux récents sur ces papillons de nuit et leurs prédateurs chauves-souris ont distingué l’effet d’avertissement et l’effet de saturation en utilisant des chauves-souris habituées aux papillons de nuit et les poursuivant activement comme proie. La capacité des chauves-souris concentrées sur la capture des papillons de nuit était entravée quand les papillons de nuit étaient capables d’explosions ultrasoniques. Souvent, les chauves-souris perdaient le papillon de nuit dans les dernières étapes de leur attaque et revenaient au « mode recherche » au lieu de capturer le papillon de nuit. Les papillons de nuit incapables d’utiliser des contre-mesures ultrasoniques (à cause d’une ablation chirurgicale de leurs membranes tympaniques) étaient par comparaison des proies faciles. Cet exemple d’interférence active avec un prédateur qui écholocalise est jusqu’ici le seul que l’on connaisse dans la nature et représente un exemple frappant d’un trait formé par la coévolution. Une hypothèse actuelle est que le signal « de saturation » était à l’origine un signal d’avertissement, puisqu’avertir et/ou saturer ne sont pas des effets mutuellement exclusifs pour la signature acoustique d’une espèce ancestrale de papillons de nuit, surtout si cette espèce n’était pas toxique à tous les prédateurs potentiels.
Devant cette innovation, la balle est maintenant dans le camp des chauves-souris, pour ainsi dire, et les chauves-souris qui possèdent la variation qui leur permet de capturer ces papillons de nuit plus efficacement pourront laisser plus de descendants que les individus qui ne l’ont pas.
Dans le prochain billet de cette série, nous explorerons un type de relation encore plus intime entre les espèces : celle qui existe entre les parasites et leurs hôtes.
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:33http://www.scienceetfoi.com/le-parasiti ... peciation/
Dans le dernier billet de cette série, nous avons introduit le concept de coévolution, qui consiste en l’interaction réciproque entre deux espèces qui peut avoir une influence évolutive majeure sur ces deux espèces. Dans certains cas, deux espèces peuvent s’influencer mutuellement voire entretenir une relation proche et à long terme. De telles relations sont des exemples de symbiose (littéralement, « vivre ensemble »). Comme on peut s’y attendre, des relations symbiotiques sont d’excellents lieux pour explorer la coévolution. De fait, la proximité d’une relation symbiotique peut conduire à ce que l’on appelle la co-spéciation : la spéciation simultanée de deux espèces en tandem en conséquence de leur association proche.
Parasitisme et co-spéciation
On trouve un type (plutôt désagréable) de relation symbiotique entre les parasites et leurs hôtes. Certains parasites sont obligatoires, au sens où ils se restreignent à une seule espèce hôte et dépendent d’elle pour leur survie et leur reproduction. Dans ce cas, l’espèce hôte constitue effectivement l’environnement de l’espèce des parasites. Etant donnée l’association étroite des deux espèces, il n’est pas surprenant que dans de nombreux cas on trouve des preuves de la co-spéciation des parasites avec l’espèce hôte. Lorsque l’espèce hôte passe par la spéciation (à commencer par une isolation reproductive entre deux populations, comme nous l’avons vu précédemment), un parasite obligatoire se divisera aussi en deux populations distinctes génétiquement isolées. Si au cours du temps l’espèce hôte se divise en deux espèces complètement séparées (rendant l’isolement génétique permanent), alors il est probable que les populations parasites divergeront aussi suffisamment pour être reconnues comme deux espèces différentes. Dans le cas de la co-spéciation, la phylogénie de l’espèce hôte et de l’espèce parasite correspondent, avec des temps de convergence identiques :
coév1
« Host species »: espèce hôte. » Parasite species »: espèce parasite
On peut trouver un exemple de co-spéciation hôte/parasite dans des études sur les poux des primates. Les poux sont des parasites obligatoires qui se nourrissent du sang de leurs hôtes, et de nombreuses espèces de primates ont une espèce unique de poux (humains inclus). Pour les humains, les chimpanzés et les gorilles, la phylogénie de leurs poux correspond à celle des leurs primates hôtes, et l’on trouve les parents les plus proches des poux sur les parents les plus proches des primates :
2
« Lice » = poux
Au-delà de la correspondance entre les patrons de spéciation, les dates de divergence des poux du corps de l’humain et du chimpanzé correspondent à celles de la spéciation entre l’humain et le chimpanzé. Les poux de corps de l’humain et du chimpanzé se sont séparés il y a environ 5,6 millions d’années, ce qui concorde avec l’âge estimé de la divergence entre l’humain et le chimpanzé (il y a 4.5-6.0 millions d’années), bien que cette estimation soit basée sur un échantillon très limité de séquences de gène de l’espèce de pou.
Au contraire, la séparation entre la population ancestrale commune des deux espèces Pendiculus et Pthirus (il y a environ 11.5 millions d’années) ne correspond pas aussi bien à l’événement de spéciation des primates (la divergence du lignage du gorille de celui qui a conduit à la population ancestrale commune des humains et des chimpanzés, il y a environ 6-8 millions d’années). Les données suggèrent ainsi un événement de co-spéciation simple pour le Pendiculus humanus et le Pendiculus schaeffi, mais une histoire plus complexe pour le Pthirus. Il est possible (le fait que cette date soit aussi basée sur des données limitées mis à part) que les temps de divergence du pou et du primate soient corrects, et que l’événement de spéciation du pou précède celui du primate. Cela peut arriver si le parasite maintient des populations séparées au sein de la population hôte pendant une longue période, d’autant plus s’il y a possibilité d’échange entre des hôtes à parenté proche. Chose intéressante, il y a des preuves d’un tel effet dans des populations d’aujourd’hui de Pendiculus humanus – certaines populations du parasite semblent avoir été séparées il y a plus longtemps que la date d’existence de notre espèce. Un ancien lignage du Pendiculus humanus découvert dans le Nouveau Monde seulement (Amérique du Nord et du Sud) a divergé du Pendiculus humanus de l’Ancien Monde il y a environ 1 million d’années et est arrivé avec les humains qui ont migré par le pont terrestre de la Béringie en venant d’Asie. Cette séparation ancienne entre les lignages du Pendiculus humanus précède l’arrivée de notre propre espèce dans les traces fossiles il y a environ 200 000 ans. Que nous portions un lignage si ancien d’un parasite obligatoire parce que certaines populations humaines l’ont attrapé par un lignage hominidé apparenté dans l’Ancien Monde, et ce avant la migration vers l’Amérique du Nord, est une première hypothèse : un exemple d’échange d’hôte. Cette hypothèse a reçu récemment le soutien de preuves génomiques indiquant une reproduction entre certaines populations humaines et d’autres groupes d’hominidés (les hommes de Néandertal et les hominidés de Denisova), ce qui donnerait le contact proche nécessaire pour un échange d’hôte, surtout si les lignages des Néandertaliens et/ou des hominidés de Denisova étaient auparavant en contact avec des groupes plus anciens comme ceux des Homo erectus. Il sera intéressant de voir si cette hypothèse continue à être soutenue alors qu’on rassemble et analyse plus de données génétiques des populations des poux du corps humain.
Mutualisme et co-spéciation
Au contraire du parasitisme, certaines relations symbiotiques mutuellement bénéfiques peuvent survenir entre les espèces. La relation frappante entre certaines plantes et leurs insectes pollinisateurs est un exemple de cet effet (que l’on nomme mutualisme). Certains insectes et plantes ont une relation réciproque obligatoire : l’insecte est le seul pollinisateur de la plante, et la plante et la seule source d’alimentation pour le développement des larves de l’insecte. Dans ce cas, la relation est bénéfique aux deux espèces : la plante a pour bénéfice un pollinisateur hautement efficace, et l’insecte une source d’alimentation ajustée à ses larves.
Les nombreuses espèces de figuiers sont un groupe de plantes qui utilisent l’insecte pollinisateur obligatoire. Presque chaque espèce de figuier (et il en existe des centaines de par le monde) abrite une espèce séparée de guêpes du figuier qui agit comme son pollinisateur obligatoire et en retour ne peut développer ses larves que sur ce figuier. Les guêpes du figuier doivent se développer à l’intérieur d’une figue en développement, et les figuiers ont besoin des guêpes du figuier pour être pollinisés. Sans grande surprise, cette relation mutuelle et symbiotique est aussi une recette pour la co-spéciation. Une analyse récente de plus de 200 paires de figuiers/guêpes (parmi les plus de 750 paires d’espèces connues dans le monde) soutient fortement l’hypothèse de la co-spéciation pour la vaste majorité, avec un échange d’hôte limité entre les groupes à parenté proche. Pour ces guêpes, la large diversification de leurs arbres hôtes a été une force majeure dans leur évolution.
Dans le prochain billet de cette série, nous explorerons un niveau encore plus profond de la symbiose : l’endosymbiose, lorsqu’une espèce vit au sein d’une autre, et nous examinerons les preuves que les mitochondries et chloroplastes modernes descendent de procaryotes libres.
Pour en savoir plus
Reed DL, et al., (2004). Genetic Analysis of Lice Supports Direct Contact between Modern and Archaic Humans. PLoS Biol 2(11): e340. http://www.plosbiology.org/article/info ... io.0020340
Reed DL, et al., (2007). Pair of lice lost or parasites regained: the evolutionary history of anthropoid primate lice.BMC Biology, 5:7. http://www.biomedcentral.com/1741-7007/5/7
Cruaud, A et al. (2012). An extreme case of plant-insect codiversification: figs and fig-pollinating wasps. Syst. Biol. 61: 1029-1047. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3478567/
Dans le dernier billet de cette série, nous avons introduit le concept de coévolution, qui consiste en l’interaction réciproque entre deux espèces qui peut avoir une influence évolutive majeure sur ces deux espèces. Dans certains cas, deux espèces peuvent s’influencer mutuellement voire entretenir une relation proche et à long terme. De telles relations sont des exemples de symbiose (littéralement, « vivre ensemble »). Comme on peut s’y attendre, des relations symbiotiques sont d’excellents lieux pour explorer la coévolution. De fait, la proximité d’une relation symbiotique peut conduire à ce que l’on appelle la co-spéciation : la spéciation simultanée de deux espèces en tandem en conséquence de leur association proche.
Parasitisme et co-spéciation
On trouve un type (plutôt désagréable) de relation symbiotique entre les parasites et leurs hôtes. Certains parasites sont obligatoires, au sens où ils se restreignent à une seule espèce hôte et dépendent d’elle pour leur survie et leur reproduction. Dans ce cas, l’espèce hôte constitue effectivement l’environnement de l’espèce des parasites. Etant donnée l’association étroite des deux espèces, il n’est pas surprenant que dans de nombreux cas on trouve des preuves de la co-spéciation des parasites avec l’espèce hôte. Lorsque l’espèce hôte passe par la spéciation (à commencer par une isolation reproductive entre deux populations, comme nous l’avons vu précédemment), un parasite obligatoire se divisera aussi en deux populations distinctes génétiquement isolées. Si au cours du temps l’espèce hôte se divise en deux espèces complètement séparées (rendant l’isolement génétique permanent), alors il est probable que les populations parasites divergeront aussi suffisamment pour être reconnues comme deux espèces différentes. Dans le cas de la co-spéciation, la phylogénie de l’espèce hôte et de l’espèce parasite correspondent, avec des temps de convergence identiques :
coév1
« Host species »: espèce hôte. » Parasite species »: espèce parasite
On peut trouver un exemple de co-spéciation hôte/parasite dans des études sur les poux des primates. Les poux sont des parasites obligatoires qui se nourrissent du sang de leurs hôtes, et de nombreuses espèces de primates ont une espèce unique de poux (humains inclus). Pour les humains, les chimpanzés et les gorilles, la phylogénie de leurs poux correspond à celle des leurs primates hôtes, et l’on trouve les parents les plus proches des poux sur les parents les plus proches des primates :
2
« Lice » = poux
Au-delà de la correspondance entre les patrons de spéciation, les dates de divergence des poux du corps de l’humain et du chimpanzé correspondent à celles de la spéciation entre l’humain et le chimpanzé. Les poux de corps de l’humain et du chimpanzé se sont séparés il y a environ 5,6 millions d’années, ce qui concorde avec l’âge estimé de la divergence entre l’humain et le chimpanzé (il y a 4.5-6.0 millions d’années), bien que cette estimation soit basée sur un échantillon très limité de séquences de gène de l’espèce de pou.
Au contraire, la séparation entre la population ancestrale commune des deux espèces Pendiculus et Pthirus (il y a environ 11.5 millions d’années) ne correspond pas aussi bien à l’événement de spéciation des primates (la divergence du lignage du gorille de celui qui a conduit à la population ancestrale commune des humains et des chimpanzés, il y a environ 6-8 millions d’années). Les données suggèrent ainsi un événement de co-spéciation simple pour le Pendiculus humanus et le Pendiculus schaeffi, mais une histoire plus complexe pour le Pthirus. Il est possible (le fait que cette date soit aussi basée sur des données limitées mis à part) que les temps de divergence du pou et du primate soient corrects, et que l’événement de spéciation du pou précède celui du primate. Cela peut arriver si le parasite maintient des populations séparées au sein de la population hôte pendant une longue période, d’autant plus s’il y a possibilité d’échange entre des hôtes à parenté proche. Chose intéressante, il y a des preuves d’un tel effet dans des populations d’aujourd’hui de Pendiculus humanus – certaines populations du parasite semblent avoir été séparées il y a plus longtemps que la date d’existence de notre espèce. Un ancien lignage du Pendiculus humanus découvert dans le Nouveau Monde seulement (Amérique du Nord et du Sud) a divergé du Pendiculus humanus de l’Ancien Monde il y a environ 1 million d’années et est arrivé avec les humains qui ont migré par le pont terrestre de la Béringie en venant d’Asie. Cette séparation ancienne entre les lignages du Pendiculus humanus précède l’arrivée de notre propre espèce dans les traces fossiles il y a environ 200 000 ans. Que nous portions un lignage si ancien d’un parasite obligatoire parce que certaines populations humaines l’ont attrapé par un lignage hominidé apparenté dans l’Ancien Monde, et ce avant la migration vers l’Amérique du Nord, est une première hypothèse : un exemple d’échange d’hôte. Cette hypothèse a reçu récemment le soutien de preuves génomiques indiquant une reproduction entre certaines populations humaines et d’autres groupes d’hominidés (les hommes de Néandertal et les hominidés de Denisova), ce qui donnerait le contact proche nécessaire pour un échange d’hôte, surtout si les lignages des Néandertaliens et/ou des hominidés de Denisova étaient auparavant en contact avec des groupes plus anciens comme ceux des Homo erectus. Il sera intéressant de voir si cette hypothèse continue à être soutenue alors qu’on rassemble et analyse plus de données génétiques des populations des poux du corps humain.
Mutualisme et co-spéciation
Au contraire du parasitisme, certaines relations symbiotiques mutuellement bénéfiques peuvent survenir entre les espèces. La relation frappante entre certaines plantes et leurs insectes pollinisateurs est un exemple de cet effet (que l’on nomme mutualisme). Certains insectes et plantes ont une relation réciproque obligatoire : l’insecte est le seul pollinisateur de la plante, et la plante et la seule source d’alimentation pour le développement des larves de l’insecte. Dans ce cas, la relation est bénéfique aux deux espèces : la plante a pour bénéfice un pollinisateur hautement efficace, et l’insecte une source d’alimentation ajustée à ses larves.
Les nombreuses espèces de figuiers sont un groupe de plantes qui utilisent l’insecte pollinisateur obligatoire. Presque chaque espèce de figuier (et il en existe des centaines de par le monde) abrite une espèce séparée de guêpes du figuier qui agit comme son pollinisateur obligatoire et en retour ne peut développer ses larves que sur ce figuier. Les guêpes du figuier doivent se développer à l’intérieur d’une figue en développement, et les figuiers ont besoin des guêpes du figuier pour être pollinisés. Sans grande surprise, cette relation mutuelle et symbiotique est aussi une recette pour la co-spéciation. Une analyse récente de plus de 200 paires de figuiers/guêpes (parmi les plus de 750 paires d’espèces connues dans le monde) soutient fortement l’hypothèse de la co-spéciation pour la vaste majorité, avec un échange d’hôte limité entre les groupes à parenté proche. Pour ces guêpes, la large diversification de leurs arbres hôtes a été une force majeure dans leur évolution.
Dans le prochain billet de cette série, nous explorerons un niveau encore plus profond de la symbiose : l’endosymbiose, lorsqu’une espèce vit au sein d’une autre, et nous examinerons les preuves que les mitochondries et chloroplastes modernes descendent de procaryotes libres.
Pour en savoir plus
Reed DL, et al., (2004). Genetic Analysis of Lice Supports Direct Contact between Modern and Archaic Humans. PLoS Biol 2(11): e340. http://www.plosbiology.org/article/info ... io.0020340
Reed DL, et al., (2007). Pair of lice lost or parasites regained: the evolutionary history of anthropoid primate lice.BMC Biology, 5:7. http://www.biomedcentral.com/1741-7007/5/7
Cruaud, A et al. (2012). An extreme case of plant-insect codiversification: figs and fig-pollinating wasps. Syst. Biol. 61: 1029-1047. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3478567/
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
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- Ptitech
- [Religion] agnostique
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:33http://www.scienceetfoi.com/comprendre-lendosymbiose/
Dans le dernier billet de cette série, nous avons introduit le concept de mutualisme, relation symbiotique entre deux espèces qui peut être mutuellement bénéfique. Dans le cas des figues et des guêpes, une espèce (le figuier) se fait logement pour l’autre (la guêpe de figuier) contre une portion de son cycle de vie. Malgré la proximité de ce type d’interaction mutualiste, les figues et les guêpes, bien sûr, se distinguent comme entités séparées. En effet, on trouve des preuves montrant que certaines espèces de guêpes ont changé d’arbre hôte dans le passé, ce qui démontre leur indépendance (partielle). Cependant, certaines relations mutualistes sont si anciennes et si entremêlées qu’on ne considère plus les deux entités comme séparées. On pense que les mitochondries et les chloroplastes – organites[1] responsables de la conversion de l’énergie chez les eucaryotes – sont un exemple de ce mutualisme ancien. De nombreuses lignes d’évidence soutiennent l’hypothèse selon laquelle ces organites sont les descendants de bactéries endosymbiotiques (littéralement, « vivre ensemble, au sein de »).
Les mitochondries et les chloroplastes : des endosymbiotes ?
Les mitochondries, s’il vous reste quelques souvenirs de vos cours de biologie, sont des organites délimités par des membranes responsables de la conversion de l’énergie chez les eucaryotes. Les eucaryotes sont des cellules qui ont un noyau, autre structure délimitée par une membrane qui abrite de l’ADN. Les eucaryotes sont l’un des trois « domaines » de la vie, les deux autres étant les lignages qui n’ont pas de noyau (ceux qu’on appelle les domaines procaryotes, les bactéries et les archées). Tous les animaux, plantes et champignons sont des eucaryotes, et tous les eucaryotes ont des mitochondries, exception faite de certains lignages qui les ont perdues.
D’autre part, les chloroplastes sont des organites qui peuvent opérer la photosynthèse (c’est-à-dire qu’ils utilisent la lumière pour la convertir en énergie). Alors que tous les eucaryotes ont des mitochondries, seuls quelques eucaryotes ont des chloroplastes (les algues vertes et les plantes).
Les mitochondries et les chloroplastes ont des caractéristiques qui ont longtemps posé problème aux biologistes. Les deux organites ont leur propre génome (un cercle fermé d’ADN), et une activité de traduction des protéines (ribosomes) qui est distincte de celle des ribosomes cellulaires codés par le noyau. Ils se divisent tous les deux par scissiparité binaire (en se divisant en deux), et ne participent pas à l’échange de vésicules cytoplasmiques avec d’autres organites. Un examen plus approfondi de ces caractéristiques et d’autres a montré que dans tous les cas, ces similitudes les rapprochaient plus des bactéries que des eucaryotes: les bactéries ont des génomes ADN circulaires ; les ribosomes des mitochondries et des chloroplastes ressemblent plus à des ribosomes bactériens ; et la scissiparité binaire est un mode de réplication bactérien. Peu à peu, l’hypothèse selon laquelle les mitochondries et les chloroplastes sont les vestiges endosymbiotiques d’une bactérie libre est devenue une théorie au sens scientifique du terme. Des séquençages récents ont montré la proximité de tous les lignages des mitochondries, bien plus proches entre eux que des bactéries libres (les lignages vivants les plus proches étant le groupe des alpha-proteobacteria Candidatus Pelagibacter ubique), et soutiennent ainsi l’hypothèse d’un événement endosymbiotique qui aurait conduit aux mitochondries il y a très longtemps dans l’histoire de l’évolution (il y a environ 1,45 milliards d’années ou plus, soit avant ou juste après l’origine des eucaryotes). De même, les génomes des chloroplastes sont bien plus proches entre eux lorsqu’on les compare à des cyanobactéries existantes, leurs parents vivants et libres les plus proches.
Une arrivée tardive
Jusqu’à récemment, on pensait que les chloroplastes étaient les descendants d’un seul événement endosymbiotique ayant eu lieu il y a bien longtemps (il y a environ 1 milliard d’années). Des travaux sur l’amibe[2] Paulinella chromatophora a cependant donné des preuves fortes en faveur d’un second événement endosymbiotique indépendant, conduisant à un organite photosynthétique. P. chromatophora porte ce nom à cause de ses deux « chromatophores » photosynthétiques, des structures endosymbiotiques et photosynthétiques qui ressemblent de façon encore plus frappante que les chloroplastes à une cyanobactérie libre photosynthétique. L’ADN des chromatophores de P. chromatophora ne se regroupe pas de près avec les chloroplastes, mais plutôt avec un autre lignage de cyanobactéries libres. Morphologiquement, les chromatophores des P. chromatophora retiennent un peu de la structure de la paroi de la cellule bactérienne de leurs ancêtres cyanobactériensque les chloroplastes ont perdue. De plus, le mécanisme de transfert des protéines codées par le génome hôte dans les chromatophores se distingue du mécanisme de le transport des protéines dans le chloroplaste.
D’un point de vue fonctionnel, l’amibe dépend des chromatophores pour la photosynthèse, et les chromatophores ne peuvent pas survivre en tant que cyanobactéries libres. Une analyse de séquence indique que plusieurs gènes chromatophores clés ont été transférés au génome hôte (nucléaire), phénomène observé égalementchez les mitochondries et les chloroplastes. Une analyse de séquence ADN a estimé la date de la divergence entre le chromatophore et la cyanobactérie (et ainsi l’événement d’endosymbiose) à 60 millions d’années, ce qui n’est rien par comparaison au milliard d’années depuis lesquelles les ancêtres des chloroplastes sont entrés dans leur cellule hôte. Ce second événement d’endosymbiose est ainsi un autre exemple d’évolution convergente, dans le sens qu’ il produit un organite obligatoire, endosymbiotique, et photosynthétique, mais divergent dans les détails : l’organisme ancestral libre était une cyanobactérie distincte, et les détails de l’intégration moléculaire de l’hôte ainsi que les endosymbiotes sont différents.
Une limace en photosynthèse
La capacité d’utiliser l’énergie solaire pour la convertir en énergie dans la cellule est de toute évidence un grand avantage pour les organismes photosynthétiques. Il est intéressant de voir que certains lignages animaux ont développé une relation quasi endosymbiotique qui leur permet de photosynthétiser en utilisant des chloroplastes capturés. Par exemple, plusieurs espèces de limaces de mer sont capables de retenir les chloroplastes à partir des algues qu’elles mangent, de les distribuer dans leurs propres tissus et ensuite de les utiliser pour la photosynthèse, ce qui les libère du besoin d’ingérer plus de nourriture pendant plusieurs mois.
La limace de mer Elysia chlorotica utilise les chloroplastes des algues dont elle se nourrit pour photosynthétiser à partir de ses propres tissus.
La limace de mer Elysia chlorotica utilise les chloroplastes des algues dont elle se nourrit pour photosynthétiser à partir de ses propres tissus.
Bien que cet événement ne soit pas vraiment endosymbiotique (les chloroplastes n’étaient pas libres au départ, meurent sans se reproduire, et doivent ainsi être remplacés), il est tentant de spéculer qu’un arrangement similaire entre l’eucaryote ancestral et sa proie cyanobactérienne a pu conduire à l’ancêtre originel des chloroplastes d’aujourd’hui. La formation de chromatophores dans les P. Chromatophora a peut-être commencé de façon similaire aussi, hypothèses qui peuvent guider la recherche dans ce domaine. Les événements endosymbiotiques qui ont conduit aux mitochondries et aux chloroplastes ont été des étapes majeures dans l’histoire de l’évolution. Dans le prochain billet de cette série, nous examinerons un autre événement majeur dans l’évolution : ce qu’on appelle l’explosion cambrienne.
Pour en savoir plus :
Martin, W. & Mentel, M. (2010) The Origin of Mitochondria. Nature Education 3(9): 58. http://www.nature.com/scitable/topicpag ... a-14232356
Thrush, J.C. et al., (2011). Phylogenomic evidence for a common ancestor of mitochondria and the SAR11 clade. Scientific Reports 1; 13doi:10.1038/srep00013. http://www.nature.com/srep/2011/110614/ ... 00013.html
Archibald, J.M. (2006). Endosymbiosis: Double-Take on Plastid Origins. Current Biology 16: R690 – R692. http://www.sciencedirect.com/science/ar ... 2206019804
Nakayama T. and Archibald, J.M. (2012). Evolving a photosynthetic organelle. BMC Biology, 10:35. http://www.biomedcentral.com/1741-7007/10/35
Dans le dernier billet de cette série, nous avons introduit le concept de mutualisme, relation symbiotique entre deux espèces qui peut être mutuellement bénéfique. Dans le cas des figues et des guêpes, une espèce (le figuier) se fait logement pour l’autre (la guêpe de figuier) contre une portion de son cycle de vie. Malgré la proximité de ce type d’interaction mutualiste, les figues et les guêpes, bien sûr, se distinguent comme entités séparées. En effet, on trouve des preuves montrant que certaines espèces de guêpes ont changé d’arbre hôte dans le passé, ce qui démontre leur indépendance (partielle). Cependant, certaines relations mutualistes sont si anciennes et si entremêlées qu’on ne considère plus les deux entités comme séparées. On pense que les mitochondries et les chloroplastes – organites[1] responsables de la conversion de l’énergie chez les eucaryotes – sont un exemple de ce mutualisme ancien. De nombreuses lignes d’évidence soutiennent l’hypothèse selon laquelle ces organites sont les descendants de bactéries endosymbiotiques (littéralement, « vivre ensemble, au sein de »).
Les mitochondries et les chloroplastes : des endosymbiotes ?
Les mitochondries, s’il vous reste quelques souvenirs de vos cours de biologie, sont des organites délimités par des membranes responsables de la conversion de l’énergie chez les eucaryotes. Les eucaryotes sont des cellules qui ont un noyau, autre structure délimitée par une membrane qui abrite de l’ADN. Les eucaryotes sont l’un des trois « domaines » de la vie, les deux autres étant les lignages qui n’ont pas de noyau (ceux qu’on appelle les domaines procaryotes, les bactéries et les archées). Tous les animaux, plantes et champignons sont des eucaryotes, et tous les eucaryotes ont des mitochondries, exception faite de certains lignages qui les ont perdues.
D’autre part, les chloroplastes sont des organites qui peuvent opérer la photosynthèse (c’est-à-dire qu’ils utilisent la lumière pour la convertir en énergie). Alors que tous les eucaryotes ont des mitochondries, seuls quelques eucaryotes ont des chloroplastes (les algues vertes et les plantes).
Les mitochondries et les chloroplastes ont des caractéristiques qui ont longtemps posé problème aux biologistes. Les deux organites ont leur propre génome (un cercle fermé d’ADN), et une activité de traduction des protéines (ribosomes) qui est distincte de celle des ribosomes cellulaires codés par le noyau. Ils se divisent tous les deux par scissiparité binaire (en se divisant en deux), et ne participent pas à l’échange de vésicules cytoplasmiques avec d’autres organites. Un examen plus approfondi de ces caractéristiques et d’autres a montré que dans tous les cas, ces similitudes les rapprochaient plus des bactéries que des eucaryotes: les bactéries ont des génomes ADN circulaires ; les ribosomes des mitochondries et des chloroplastes ressemblent plus à des ribosomes bactériens ; et la scissiparité binaire est un mode de réplication bactérien. Peu à peu, l’hypothèse selon laquelle les mitochondries et les chloroplastes sont les vestiges endosymbiotiques d’une bactérie libre est devenue une théorie au sens scientifique du terme. Des séquençages récents ont montré la proximité de tous les lignages des mitochondries, bien plus proches entre eux que des bactéries libres (les lignages vivants les plus proches étant le groupe des alpha-proteobacteria Candidatus Pelagibacter ubique), et soutiennent ainsi l’hypothèse d’un événement endosymbiotique qui aurait conduit aux mitochondries il y a très longtemps dans l’histoire de l’évolution (il y a environ 1,45 milliards d’années ou plus, soit avant ou juste après l’origine des eucaryotes). De même, les génomes des chloroplastes sont bien plus proches entre eux lorsqu’on les compare à des cyanobactéries existantes, leurs parents vivants et libres les plus proches.
Une arrivée tardive
Jusqu’à récemment, on pensait que les chloroplastes étaient les descendants d’un seul événement endosymbiotique ayant eu lieu il y a bien longtemps (il y a environ 1 milliard d’années). Des travaux sur l’amibe[2] Paulinella chromatophora a cependant donné des preuves fortes en faveur d’un second événement endosymbiotique indépendant, conduisant à un organite photosynthétique. P. chromatophora porte ce nom à cause de ses deux « chromatophores » photosynthétiques, des structures endosymbiotiques et photosynthétiques qui ressemblent de façon encore plus frappante que les chloroplastes à une cyanobactérie libre photosynthétique. L’ADN des chromatophores de P. chromatophora ne se regroupe pas de près avec les chloroplastes, mais plutôt avec un autre lignage de cyanobactéries libres. Morphologiquement, les chromatophores des P. chromatophora retiennent un peu de la structure de la paroi de la cellule bactérienne de leurs ancêtres cyanobactériensque les chloroplastes ont perdue. De plus, le mécanisme de transfert des protéines codées par le génome hôte dans les chromatophores se distingue du mécanisme de le transport des protéines dans le chloroplaste.
D’un point de vue fonctionnel, l’amibe dépend des chromatophores pour la photosynthèse, et les chromatophores ne peuvent pas survivre en tant que cyanobactéries libres. Une analyse de séquence indique que plusieurs gènes chromatophores clés ont été transférés au génome hôte (nucléaire), phénomène observé égalementchez les mitochondries et les chloroplastes. Une analyse de séquence ADN a estimé la date de la divergence entre le chromatophore et la cyanobactérie (et ainsi l’événement d’endosymbiose) à 60 millions d’années, ce qui n’est rien par comparaison au milliard d’années depuis lesquelles les ancêtres des chloroplastes sont entrés dans leur cellule hôte. Ce second événement d’endosymbiose est ainsi un autre exemple d’évolution convergente, dans le sens qu’ il produit un organite obligatoire, endosymbiotique, et photosynthétique, mais divergent dans les détails : l’organisme ancestral libre était une cyanobactérie distincte, et les détails de l’intégration moléculaire de l’hôte ainsi que les endosymbiotes sont différents.
Une limace en photosynthèse
La capacité d’utiliser l’énergie solaire pour la convertir en énergie dans la cellule est de toute évidence un grand avantage pour les organismes photosynthétiques. Il est intéressant de voir que certains lignages animaux ont développé une relation quasi endosymbiotique qui leur permet de photosynthétiser en utilisant des chloroplastes capturés. Par exemple, plusieurs espèces de limaces de mer sont capables de retenir les chloroplastes à partir des algues qu’elles mangent, de les distribuer dans leurs propres tissus et ensuite de les utiliser pour la photosynthèse, ce qui les libère du besoin d’ingérer plus de nourriture pendant plusieurs mois.
La limace de mer Elysia chlorotica utilise les chloroplastes des algues dont elle se nourrit pour photosynthétiser à partir de ses propres tissus.
La limace de mer Elysia chlorotica utilise les chloroplastes des algues dont elle se nourrit pour photosynthétiser à partir de ses propres tissus.
Bien que cet événement ne soit pas vraiment endosymbiotique (les chloroplastes n’étaient pas libres au départ, meurent sans se reproduire, et doivent ainsi être remplacés), il est tentant de spéculer qu’un arrangement similaire entre l’eucaryote ancestral et sa proie cyanobactérienne a pu conduire à l’ancêtre originel des chloroplastes d’aujourd’hui. La formation de chromatophores dans les P. Chromatophora a peut-être commencé de façon similaire aussi, hypothèses qui peuvent guider la recherche dans ce domaine. Les événements endosymbiotiques qui ont conduit aux mitochondries et aux chloroplastes ont été des étapes majeures dans l’histoire de l’évolution. Dans le prochain billet de cette série, nous examinerons un autre événement majeur dans l’évolution : ce qu’on appelle l’explosion cambrienne.
Pour en savoir plus :
Martin, W. & Mentel, M. (2010) The Origin of Mitochondria. Nature Education 3(9): 58. http://www.nature.com/scitable/topicpag ... a-14232356
Thrush, J.C. et al., (2011). Phylogenomic evidence for a common ancestor of mitochondria and the SAR11 clade. Scientific Reports 1; 13doi:10.1038/srep00013. http://www.nature.com/srep/2011/110614/ ... 00013.html
Archibald, J.M. (2006). Endosymbiosis: Double-Take on Plastid Origins. Current Biology 16: R690 – R692. http://www.sciencedirect.com/science/ar ... 2206019804
Nakayama T. and Archibald, J.M. (2012). Evolving a photosynthetic organelle. BMC Biology, 10:35. http://www.biomedcentral.com/1741-7007/10/35
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
La religion est la plus grande supercherie de l'histoire de l'humanité.
C’est en s’instruisant que l’on découvre son ignorance - René Descartes.
[EDIT : Le message grossier contenu de l'image est inconcevable]
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- inconnu
Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:45Tu pourrais mettre en page tes copiés-collés, en mettant en gras ou en grand ou en couleur, les passages les plus importants, car, personne ne va lire de tels placards sans une mise en page au préalable.
Si ça se trouve, tu ne les as même pas lus.
Si ça se trouve, tu ne les as même pas lus.
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 23 sept.14, 23:58Tu veux pas non plus que je te fasse un résumé ?? Ce ne sont pas des articles où tu peux te contenter de lire une phrase ou deux ... Il faut tout lire. L'idéal étant d'aller sur le site directement car il y a plein de schéma que je n'ai pas pu reproduire ici.
Il est intellectuellement plus simple de croire que de réfléchir. Mais il est intelligent de réfléchir à ce que l'on croit.
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 24 sept.14, 03:07 Je n'avais pas vu....
Déjà 7 pages!!!
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La réalité est toujours beaucoup plus riche et complexe que ce que l'on peut percevoir, se représenter, concevoir, croire ou comprendre.
Nous ne savons pas ce que nous ne savons pas.
Humilité !
Toute expérience vécue résulte de choix. Et tout choix produit sont lot d'expériences vécues.
Sagesse !
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Re: L'œuf ou la poule ??? "Bis"
Ecrit le 24 sept.14, 03:49Qui ne veut pas voir ne verra pas, qui ne veut pas entendre n'entendra pas... De même, qui ne veut pas comprendre, comment pourrait-il comprendre un jour?
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