J'adore.ChristianK a écrit :POint important. Non seulement l'argument d'autorité religieux est spécial et requiert des fondateurs spéciaux (pour cause l'autorité ultime est censée être divine donc infaillible, bien qu'elle passe par des canaux faillibles, disciples etc., et on a donc un argument d'autorité complexe, à plusieurs étages) ; mais encore tout argument d'autorité doit être conféré par un public, jamais par le locuteur. Un philosophe ne doit jamais dire ma parole a du poids et doit être étudiée car je suis un grand philosophe; seuls les lecteurs, la tradition, bref le consensus, compose l'argument d'autorité pour quelqu'un. Naturellement il y a des degrés. Une personne unique pourrait, ou très peu de personnes (un jury de thèse en maths, ou le jury qui a évalué le travail de Wiles quand il a démontré le théorème de Fermat), pourraient prouver scientifiquement qu'un tel est grand philosophe, avec des arguments, mais normalement c'est la tradition et le consensus.
Or le point piquant: le consensus EST AUSSI un argument d'autorité, ie. qui repose sur l'auteur: on juge que plusieurs esprits d'accord ont plus de chance d'ètre dans le vrai. Donc l'autorité d'un philosophe ou d'un prophète, ses probabilités de dire vrai, dépendent en partie d'un autre argument d'autorité, le consensus.
Plusieurs points ici, ton exposé est parfaitement clair, comme d'habitude.
Je ne suis pas tout à fait d'accord pour dire que ce que tu appelles consensus soit considérer comme argument d'autorité. Je ne trouve pas ce terme adéquate, trop proche de l'argument d'autorité sophistique qui est l'appel à une autorité comme argument. Untel dit que donc j'ai raison parce qu'il est figure d'autorité, pour schématiser.
Mais je suis d'accord avec le développement, si on fait abstraction de la terminologie que je juge propice à confusion.
En acceptant la terminologie, je suis d'accord avec toi pour constater que l'autorité à tendance à forger le consensus. L'exemple des matheux jugeant la démonstration de Wiles est un bon exemple. Une personne ou un collège de personnes deviennent une forme d'autorité.
Deuxième point, toujours pour prendre le cas du théorème de Fermat. La démonstration de Wiles repose elle-même sur d'autres démonstrations. En fait, Wiles à démontré une conjecture qui permettait d'en démontrer une autre qui, elle, démontrait l'exactitude de l'assertion de Fermat.
Ces démonstrations, comme postulats, sont elles-mêmes autorités. Car on les considère comme telles.
Cependant, il n'y a pas de point piquant ici. Pour une raison évidente. Cet enchaînement de postulats peut être réfuté et ce, à n'importe quel niveau. C'est un principe fondamental de la méthode scientifique.
Et personne n'a, pour le moment réussi à réfuter cet enchainement (pour Fermat) depuis les démonstrations du fils de Fermat pour le cas particulier du nombre 4 jusqu'aux conjectures les plus complexes d'aujourd'hui.
Cela ne veut pas dire que l'autorité scientifique qui influe sur le consensus ne peut pas être dogmatique voire réactionnaire, mais que la méthode permet cette réfutation. D'ailleurs, la science a avancé malgré de nombreux obstacles internes au monde scientifique.
A contrario, "l'appel à l'autorité" divine ne peut être contredite, c'est l'autorité absolue, infaillible. L'exception à toute objection ou réfutation. Et cette différence est fondamentale, car, cette autorité aboutit quasiment toujours à une logique circulaire.
Pour prendre l'exemple de Darwin, il a du affronter avec sa théorie, non seulement l'Eglise qui se sentait attaquée, mais également le consensus scientifique de l'époque. Et si sa théorie est considérée comme base principale à quasiment tous les domaines de recherches, c'est qu'elle n'a pas encore été réfutée dans ses principes fondamentaux. Elle a été "améliorée", corrigée sur certains points, mise à jour à l'aide de nouvelles données, mais le principe d'évolution n'a jamais été remis en cause.
Pour ces raisons, je pense qu'il faut mettre en perspective les deux méthodes, l'une qui est fondamentalement l'autorité (Dieu) et celle qui aboutit à l'autorité. Et que l'appel à cette autorité, ou plutôt la confiance qu'on lui accorde, pour éviter la confusion avec l'argument d'autorité, ne sont pas à mettre au même niveau. Tu as d'un côté une présupposition et de l'autre le résultat d'un processus.