L'ascension du mont Ararat (1/6)
"Et le dix-septième jour du septième mois, l'arche s'arrêta sur la montagne d'Ararat."
Ararat, tel était le nom que, il y a 3, 000 ans, Moïse donnait dans la Genèse à la contrée où se trouve située la montagne sur le sommet de laquelle il,apprenait au peuple juif que l'arche s'était arrêtée le dix-septième jour du septième mois après le déluge. Ce nom était alors tout moderne; il signifiait la chute d'Araï (Araï-arat), roi arménien, tué, 1750 ans environ avant Jésus-Christ, dans une bataille sanglante, par les Babyloniens, sur une plaine de l'Arménie. Avant cet événement, avant Moïse, par conséquent, le pays s'appelait Amassis, du nom de son souverain, le sixième successeur de Japhet, et la montagne se nommait Massis. Aussi les Arméniens qui habitent ne la désignent jamais autrement. Sion leur parlait, d'Ararat, ils seraient aussi étonnés, ils paraîtraient aussi ignorants qu'un Européen qu'on interrogerait au sujet de Massis.
La montagne nommée Massis en Arménie et Ararat en Europe s'élève vers l'extrémité méridionale d'une plaine d'environ 35 milles de largeur et 70 milles de longueur,' arrosée par l'Araxe. Elle se compose, à proprement parler, de deux montagnes : le grand Ararat, au nord-ouest, et le petit Ararat, an sud-est, dont les sommets sont éloignés d'environ 7 milles en ligne droite et dont les bases viennent se confondre par des pentes insensibles dans une large vallée.
Le point culminant du grand Ararat (390 42' lat. nord et 610 55' long. est) a 17,210 pieds au-dessus du niveau de la mer, et 14,320 pieds au-dessus de la plaine de l'Araxe. On peut estimer à 14 milles la longueur de. son versant nord-est, à 20 milles celle de son versant nord-ouest. Il est couronné de neiges et de glaces éternelles. Ces glaces et ces neiges descendent à une distance de deux tiers de mille perpendiculairement, ou d'environ 3 milles obliquement, et se terminent par des dentelures irrégulières selon les accidents du terrain. Du côté du nord, à la hauteur de 14,000 pieds au-dessus du niveau de la mer jusqu'au sommet, elles forment çà et là une crête escarpée d'où s'élancent seulement un petit nombre de pics, et du côté du midi elles s'étendent par des pentes graduelles à un niveau un peu inférieur. '
Le petit Ararat (390 39' lat. nord et 620 2' long. est) a 13,000 pieds au-dessus du niveau de la mer, et 10, 140 pieds au-dessus de la plaine de l'Araxe. Malgré cette grande élévation, il est complètement débarrassé des neiges de l'hiver en septembre et en octobre, quelquefois même probablement en août et en juillet. Ses pentes sont beaucoup plus roides que celles du grand Ararat; sa forme presque parfaitement conique et les crevasses peu profondes qui rayonnent de son sommet à sa base, lui donnent un aspect tout . particulier et un caractère d'un vif intérêt.
Bien que ces deux montagnes paraissent complètement isolées, elles se relient cependant à d'autres chaînes. Au sud-ouest, leurs derniers escarpements viennent se perdre dans les collines de Bayazid et le Diadina, qui contiennent les sources de Euphrate, et les pentes nord-ouest du grand Ararat se rattachent à une chaîne hérissée de pics coniques singulièrement aigus et qui borde toute la rive droite de l'Araxe.
A en croire la tradition, les débris de l'arche se sont conservés jusqu'à ce jour sur le sommet du grand Ararat, et Dieu en a depuis le temps de Noé défendu l'approche à tous les mortels. Les chroniques arméniennes racontent à ce sujet une légende dont les arméniens ne doutent pas plus que de la tradition. Un jour un moine, nommé Jacques, qui fut depuis patriarche de Nisibis, et qu'on suppose avoir été contemporain et parent de saint Grégoire, résolut de se convaincre par ses propres yeux s'il était vrai que l'arche de Noé existât encore au sommet du grand Ararat. Il partit donc pour entreprendre l'ascension de cette montagne; mais dès qu'il commença à la gravir il tomba à terre épuisé de fatigue et s'endormit d'un sommeil profond. A peine réveillé, il reprit sa marche; nouvelle chute, nouvel assoupissement. En rouvrant les yeux, il s'aperçut, à son grand étonnement, que pendant son sommeil il avait été transporté à l'endroit d'où il était parti. Il renouvela une troisième fois sa tentative, les mêmes phénomènes se reproduisirent. Cependant Dieu eut pitié de lui. Tandis qu'il faisait son quatrième somme, un ange envoyé du ciel tout exprès vint lui tenir à peu près ce langage : " Tous tes efforts seront inutiles; le sommet de l'Ararat est inaccessible à l'homme; le Créateur le veut ainsi; n'essaie donc plus de lui désobéir. Pour récompenser ton zèle et pour satisfaire la curiosité de l'humanité, je t'apporte au nom du Tout-Puissant un fragment de l'arche de Noé que j'ai pris en passant sur la montagne. , En se réveillant, Jacques trouva à côté de lui un petit morceau de bois de couleur sombre, quadrangulaire, bien conservé et gravé sur une surface. Inutile d'ajouter qu'il renonça immédiatement à son entreprise, et qu'il revint le plus vite possible à son couvent avec la précieuse relique. Ce fragment de l'arche de Noé est aujourd'hui une des principales richesses du trésor sacré du monastère d'Etchmiadzine.
Cette tradition et cette légende sont pour les Arméniens des articles de foi. Ils y croient comme à l'existence de Dieu. Dans leur opinion, le sommet du grand Ararat est inaccessible aux mortels parce que les débris de l'arche de Noé s'y sont conservés miraculeusement jusqu'à ce jour. On les y transporterait de force, on leur prouverait le contraire, qu'ils n'ajouteraient pas foi au témoignage de leurs yeux. Aussi n'en ont-ils jamais tenté l'ascension, et, avant le dix-neuvième siècle, aucun des voyageurs européens qui ont visité l'Arménie, soit manque de temps, soit indifférence, soit crainte des difficultés, soit enfin conviction bien arrêtée qu'ils échoueraient comme saint Jacques, n'a essayé de gravir ce sommet consacré où nul pied humain ne s'est posé depuis le déluge. En effet, la promenade de Tournefort, la seule qui soit venue à notre connaissance, ne peut pas passer pour une tentative sérieuse. "Nous assurâmes nos guides, dit-il, que nous ne passerions pas au delà d'un tas de neige que nous leur montrâmes, et qui ne paraissait guère plus grand qu'un gâteau; mais, quand nous y fûmes arrivés, nous y en trouvâmes plus qu'il n'en fallait pour nous rafraîchir, car le tas avait plus de trente pieds de diamètre. Chacun en mangea tant et si peu qu'il voulut, et, d'un commun consentement, il fut résolu qu'on n'irait pas plus loin; nous descendîmes donc avec une vigueur admirable, ravis d'avoir accompli notre voeu et de n'avoir plus rien à faire que de nous retirer au monastère." Puis il ajoute : " Nous nous laissâmes glisser sur le dos pendant plus d'une heure sur ce tapis vert; nous avancions fort agréablement, et nous allions plus vite de cette façon-là que si nous allions sur nos jambes. On continua à glisser autant que le terrain le permit; et quand nous rencontrions des cailloux qui meurtrissaient nos épaules, nous glissions sur le ventre ou nous marchions à reculons à quatre pattes. Est-ce un voyageur sérieux le voyageur capable d'écrire de pareilles phrases? Était-il digne d'atteindre le sommet de l'Ararat celui qui dans sa relation déclarait hautement que "cette montagne était une des plus affreuses et plus désagréables choses qu'il y ait sur la surface de la terre?"
Le Grand-Ararat
- Nickie
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Ecrit le 02 avr.04, 20:02- Nickie
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Ecrit le 02 avr.04, 20:04
L'ascension du mont Ararat (2/6)
Un pacha de Bayazid, le père et le prédécesseur du pacha actuel, Mohamed-Bahaluhl, résolut un jour, il est vrai, de s'assurer si le sommet de l'Ararat était ou non accessible aux mortels, et non-seulement il essaya de résoudre par lui-même ce problème, mais il offrit une forte récompense à quiconque lui en apporterait la solution. Il ne dépassa pas les limites que ne peut franchir un bon cheval persan, et l'appât du gain ne tenta aucun de ses subordonnés. Les Persans aiment trop la chaleur, le repos et leur bien-être, pour s'élever jamais volontairement, par curiosité ou dans l'intérêt de la science, au-dessus de la ligne des neiges éternelles. L'essai malheureux du pacha de Bayazid, qui n'avait certes pas subi les influences des préjugés religieux des Arméniens, confirma l'opinion généralement répandue qu'il était impossible et défendu à l'homme de parvenir au sommet de l'Ararat.
Ainsi depuis la création du monde jusqu'à ces dernières années, aucun être humain n'avait visité ce point élevé du globe où, selon la tradition chrétienne, Par le patriarche de Noé s'est arrêtée après le déluge, et où ses débris auraient été miraculeusement conservés. Ce ne fut qu'en 1829 que le docteur Friedrich Parrot, professeur de physique à l'université de Dorpat, prouva au monde savant -ce que d'autres voyageurs, lui ont également démontré depuis -que l'ascension du mont Ararat était permise et possible", tout aussi bien que celle du Mont-Blanc. Les intéressants détails que l'on va lire sont extraits de sa relation publiée en allemand en 1834. (...) Le 30 mars 1829, tous ses préparatifs terminés, il partit de Dorpat, accompagné de MM. de Behaghel d'Adlerskron, de deux élèves de l'Université, MM. Julius Hehn et Karl Schiemann, et d'un jeune astronome d'un mérite éminent, M. Vassili, Fedorow, que le gouvernement Russe lui avait adjoint. Avant de se mettre en route, il avait soumis son projet à l'appréciation de I'empereur, qui s'était empressé de l'approuver en ces termes : " Ce projet a ma pleine et entière approbation. Qu'un feldjâger (courrier ou guide militaire), d'une fidélité éprouvée, accompagne l'expédition et reste au service des voyageurs jusqu'à leur retour."
Le 20 septembre seulement, l'expédition, partie le Il avril de Dorpat, arrivait au monastère d'Etchmiadzin, situé au milieu de la plaine de l'Araxe, à 35 milles de l'Ararat, à 3,035 pieds au-dessus du niveau de la mer Noire, et à quelques lieues d'Erivan. Elle y fut on ne peut mieux accueillie, et elle s'y reposa de ses fatigues passées en s'y préparant à ses fatigues futures. Le docteur Parrot donne peu de détails sur cette partie de son voyage(...). Ce fut le 22 septembre , à 10 heures du matin, que le docteur Parrot partit d'Etchmiadzin pour entreprendre l'ascension du grand Ararat. Outre les noms dont il a été parlé plus haut, il emmenait avec lui un jeune diacre nommé Khachatur Abovian, - Khachatur, le fils d'Abov, - qui parlait l'arménien, le russe, le tartare et le persan, et devait lui servir d'interprète. Au sortir du couvent, il se dirigea vers le sud, dans la direction de l'Araxe, sur une plaine en partie inculte, en partie cultivée, mais cou,verte d'herbes et de pâturages, où il bivouaqua pendant la nuit. Le lendemain, à onze heures du matin, il atteignit Arguri, village arménien de 1,000 habitants, situé au fond de la grande crevasse que l'Ararat, dans ses commotions volcaniques, a entrouverte en déchirant son sein. Ce fut là que, selon la tradition, Noé, descendu de l'Ararat avec ses fils, " bâtit un autel à l'Éternel, et prit de toute bête nette et de tout oiseau net et en offrit des holocaustes sur l'autel. Ce fut là aussi, dit-on, que, ~ laboureur de la terre, il commença à planter la vigne. " Le nom du village .prouve que cette seconde tradition est fort ancienne. Arghanel en arménien signifie planter; - argh veut donc dire il planta, - et urri signifie vigne. Il. Parrot ne s'arrêta à Arguri que le temps nécessaire pour s'y procurer des boeufs. Le soir du même jour, il arrivait avec tous ses bagages au monastère arménien de Saint Jacques, situé à un mille et demi environ au-dessus d'Arguri, sur le versant septentrional de l'Ararat, et où il s'était proposé d'établir son quartier général.
"Ce monastère, dit M. Dubois de Montpéreux, qui la visité postérieurement, n'est qu'une petite chapelle assise sur le bord d'une terrasse naturelle, à quelques centaines de pieds au-dessus du fond de la crevasse. L'église est entourée de quelques huttes où logent les moines qui la desservent, et quelques arbres ombragent ce groupe pittoresque d'édifices. Excepté ce peu de verdure et celle que produisent les jardins d'Arguri, il n'y a pas un seul arbre sur toute la montagne du grand Ararat. C'est à la lettre, si on excepte un antique saule rabougri, replié par la neige et par les glaces. On le voit isolé au-dessus du village. Les habitants assurent que c'est une planche de l'arche Noé qui a pris racine et qui a produit cet arbre, qu'ils vénèrent. lis ne souffrent pas qu'on lui fasse le moindre dommage, ni même qu'on emporte un de ses faibles rameaux. Le petit Ararat est aussi nu que le grand, à l'exception d'un petit bouquet, de huit minutes de tour, de bouleaux nains qui croissent au pied, vers le nord."
"La crevasse ou fente énorme au fond de laquelle coule le ruisseau d'Arguri, se partage au-dessus du monastère de Saint-Jacques, en deux branches : l'une se dirige vers le coeur de la montagne, tandis que l'autre la flanque à droite : c'est dans cet embranchent qu'on remarque encore quelques ruines d'habitations abandonnées."
"Tournefort a vu au fond de ces précipices des tigres qui habitaient ces solitudes et qu'on tuait pour les peux qu'on envoyait en Perse; aujourd'hui il n'y en a pas un sur l'Ararat. Les seuls animaux sauvages qui viennent brouter l'herbe maigre de ces déserts sont des chèvres ou des brebis."
Le lendemain de son arrivée au monastère de Saint Jacques, à sept heures du matin, M. Parrot se mit en route pour l'Ararat avec M. Schiedam. Ils étaient accompagnés d'un Cosaque et d'un paysan d'Arguri, un chasseur, nommé Isaac, - qui connaissait bien la montagne. Au bout de deux heures de montée, le Cosaque déclara qu'il se Sentait incapable d'aller plus loin; on le renvoya au monastère; mais le chasseur montra plus de bonne volonté et de courage.
Un pacha de Bayazid, le père et le prédécesseur du pacha actuel, Mohamed-Bahaluhl, résolut un jour, il est vrai, de s'assurer si le sommet de l'Ararat était ou non accessible aux mortels, et non-seulement il essaya de résoudre par lui-même ce problème, mais il offrit une forte récompense à quiconque lui en apporterait la solution. Il ne dépassa pas les limites que ne peut franchir un bon cheval persan, et l'appât du gain ne tenta aucun de ses subordonnés. Les Persans aiment trop la chaleur, le repos et leur bien-être, pour s'élever jamais volontairement, par curiosité ou dans l'intérêt de la science, au-dessus de la ligne des neiges éternelles. L'essai malheureux du pacha de Bayazid, qui n'avait certes pas subi les influences des préjugés religieux des Arméniens, confirma l'opinion généralement répandue qu'il était impossible et défendu à l'homme de parvenir au sommet de l'Ararat.
Ainsi depuis la création du monde jusqu'à ces dernières années, aucun être humain n'avait visité ce point élevé du globe où, selon la tradition chrétienne, Par le patriarche de Noé s'est arrêtée après le déluge, et où ses débris auraient été miraculeusement conservés. Ce ne fut qu'en 1829 que le docteur Friedrich Parrot, professeur de physique à l'université de Dorpat, prouva au monde savant -ce que d'autres voyageurs, lui ont également démontré depuis -que l'ascension du mont Ararat était permise et possible", tout aussi bien que celle du Mont-Blanc. Les intéressants détails que l'on va lire sont extraits de sa relation publiée en allemand en 1834. (...) Le 30 mars 1829, tous ses préparatifs terminés, il partit de Dorpat, accompagné de MM. de Behaghel d'Adlerskron, de deux élèves de l'Université, MM. Julius Hehn et Karl Schiemann, et d'un jeune astronome d'un mérite éminent, M. Vassili, Fedorow, que le gouvernement Russe lui avait adjoint. Avant de se mettre en route, il avait soumis son projet à l'appréciation de I'empereur, qui s'était empressé de l'approuver en ces termes : " Ce projet a ma pleine et entière approbation. Qu'un feldjâger (courrier ou guide militaire), d'une fidélité éprouvée, accompagne l'expédition et reste au service des voyageurs jusqu'à leur retour."
Le 20 septembre seulement, l'expédition, partie le Il avril de Dorpat, arrivait au monastère d'Etchmiadzin, situé au milieu de la plaine de l'Araxe, à 35 milles de l'Ararat, à 3,035 pieds au-dessus du niveau de la mer Noire, et à quelques lieues d'Erivan. Elle y fut on ne peut mieux accueillie, et elle s'y reposa de ses fatigues passées en s'y préparant à ses fatigues futures. Le docteur Parrot donne peu de détails sur cette partie de son voyage(...). Ce fut le 22 septembre , à 10 heures du matin, que le docteur Parrot partit d'Etchmiadzin pour entreprendre l'ascension du grand Ararat. Outre les noms dont il a été parlé plus haut, il emmenait avec lui un jeune diacre nommé Khachatur Abovian, - Khachatur, le fils d'Abov, - qui parlait l'arménien, le russe, le tartare et le persan, et devait lui servir d'interprète. Au sortir du couvent, il se dirigea vers le sud, dans la direction de l'Araxe, sur une plaine en partie inculte, en partie cultivée, mais cou,verte d'herbes et de pâturages, où il bivouaqua pendant la nuit. Le lendemain, à onze heures du matin, il atteignit Arguri, village arménien de 1,000 habitants, situé au fond de la grande crevasse que l'Ararat, dans ses commotions volcaniques, a entrouverte en déchirant son sein. Ce fut là que, selon la tradition, Noé, descendu de l'Ararat avec ses fils, " bâtit un autel à l'Éternel, et prit de toute bête nette et de tout oiseau net et en offrit des holocaustes sur l'autel. Ce fut là aussi, dit-on, que, ~ laboureur de la terre, il commença à planter la vigne. " Le nom du village .prouve que cette seconde tradition est fort ancienne. Arghanel en arménien signifie planter; - argh veut donc dire il planta, - et urri signifie vigne. Il. Parrot ne s'arrêta à Arguri que le temps nécessaire pour s'y procurer des boeufs. Le soir du même jour, il arrivait avec tous ses bagages au monastère arménien de Saint Jacques, situé à un mille et demi environ au-dessus d'Arguri, sur le versant septentrional de l'Ararat, et où il s'était proposé d'établir son quartier général.
"Ce monastère, dit M. Dubois de Montpéreux, qui la visité postérieurement, n'est qu'une petite chapelle assise sur le bord d'une terrasse naturelle, à quelques centaines de pieds au-dessus du fond de la crevasse. L'église est entourée de quelques huttes où logent les moines qui la desservent, et quelques arbres ombragent ce groupe pittoresque d'édifices. Excepté ce peu de verdure et celle que produisent les jardins d'Arguri, il n'y a pas un seul arbre sur toute la montagne du grand Ararat. C'est à la lettre, si on excepte un antique saule rabougri, replié par la neige et par les glaces. On le voit isolé au-dessus du village. Les habitants assurent que c'est une planche de l'arche Noé qui a pris racine et qui a produit cet arbre, qu'ils vénèrent. lis ne souffrent pas qu'on lui fasse le moindre dommage, ni même qu'on emporte un de ses faibles rameaux. Le petit Ararat est aussi nu que le grand, à l'exception d'un petit bouquet, de huit minutes de tour, de bouleaux nains qui croissent au pied, vers le nord."
"La crevasse ou fente énorme au fond de laquelle coule le ruisseau d'Arguri, se partage au-dessus du monastère de Saint-Jacques, en deux branches : l'une se dirige vers le coeur de la montagne, tandis que l'autre la flanque à droite : c'est dans cet embranchent qu'on remarque encore quelques ruines d'habitations abandonnées."
"Tournefort a vu au fond de ces précipices des tigres qui habitaient ces solitudes et qu'on tuait pour les peux qu'on envoyait en Perse; aujourd'hui il n'y en a pas un sur l'Ararat. Les seuls animaux sauvages qui viennent brouter l'herbe maigre de ces déserts sont des chèvres ou des brebis."
Le lendemain de son arrivée au monastère de Saint Jacques, à sept heures du matin, M. Parrot se mit en route pour l'Ararat avec M. Schiedam. Ils étaient accompagnés d'un Cosaque et d'un paysan d'Arguri, un chasseur, nommé Isaac, - qui connaissait bien la montagne. Au bout de deux heures de montée, le Cosaque déclara qu'il se Sentait incapable d'aller plus loin; on le renvoya au monastère; mais le chasseur montra plus de bonne volonté et de courage.
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Ecrit le 02 avr.04, 20:07
L'ascension du mont Ararat (3/6)
La journée fut rude. M. Parrot et M. Schiemann souffrirent cruellement de la chaleur. Vers six heures du soir, ils approchèrent de la région des neiges. Se sentant hors d'état de monter plus haut sans prendre un peu de repos, ils cherchèrent parmi les fragments de rochers dont ils étaient entourés le lieu le plus convenable pour y passer la nuit : ~ Nous avions atteint, dit-il, une hauteur de 12,360 pieds; nous n'eûmes pour lit que le roc dur, et. pour poêle que la tête glacée de la montagne. Dans les endroits abrités, il y avait encore de la neige fraîche. La température de l'air était à zéro. M. Schiemann et moi nous avions pris quelques précautions contre le froid; d'ailleurs la satisfaction que nous causait notre entreprise contribuait à nous réchauffer; mais Isaac -le chasseur d'Arguri qui n'avait emporté que ses vêtements d'été, grelottait à faire peine. Je l'enveloppai dans des feuilles de papier gris destinées à faire sécher des plantes, et il s'en trouva fort bien...
"Dès que l'aube parut, Dons continuâmes à gravir le versant oriental de la montagne, et nous atteignîmes bientôt une dernière rampe qui se continue sans interruption jusqu'au sommet. Cette rampe est formée de bancs ou arêtes de rochers aigus, séparés par d'énormes crevasses que remplissent en partie d'immenses glaciers. Nous traversâmes heureusement la première arête de rochers et le beau glacier qui s'étend de l'autre côté. Lorsque nous arrivâmes au haut de la seconde arête, Isaac perdit courage; ses membres, engourdis par le froid de la nuit, n'avaient pas repris leur chaleur naturelle, et les régions de plus en plus glacées vers lesquelles nous nous élevions ne semblaient pas lui promettre une température plus agréable; nous fûmes obligés de l'autoriser à redescendre. Seul, M. Schiemann, bien qu'il ne fût pas habitué aux courses des montagnes, resta résolument à mes côtés, partageant, avec la vigueur &un jeune homme et la fermeté d'un homme mûr, toutes mes fatigues et tous mes dangers, qui devenaient de minute en minute plus pénibles et plus effrayants. Nous traversâmes le second glacier et nous montâmes au haut de la troisième arête, sous les yeux de notre compagnon qui était resté en arrière; puis, nous élevant obliquement, -nous atteignîmes, à la hauteur de 13,354 pieds de l'autre côté des rochers, l'extrémité inférieure du glacier qui s'étend sans solution de continuité jusqu'au sommet.
Ce glacier, il s'agissait de le gravir. Bien que son inclinaison ne dépassât pas 30 degrés, nous ne pouvions pas songer à monter en droite ligne ; suivant en conséquence une direction oblique, et creusant avec nos bâtons des degrés dans la glace recouverte d'une touche de neige fraîche trop mince pour former un appui suffisant, nous gagnâmes une longue arête de rochers le long de laquelle, grâce à la neige nouvellement tombée -et- qui y était plus épaisse, nous montâmes jusqu'à son sommet, élevé de 15,400 pieds au-dessus du niveau de la mer, c'est-à-dire à peu près à la hauteur du Mont-Blanc. De là nous voyions s'élever devant nous le sommet de l'Ararat, qui semblait grandir à mesure que nous nous en approchions. Aucun obstacle insurmontable ne paraissait plus devoir nous arrêter; évidemment nous pouvions, si nous le voulions, franchir ce jour-là la distance qui nous séparait encore du but de nos efforts et de nos désirs; mais nous nous sentions fatigués, il était trois heures de l'après-midi; nous eussions employé le reste de la journée à gravir jusqu'au point culminant. Si nous continuions d'avancer, où passerions-nous la .nuit? trouverions-nous à une plus grande élévation un rocher pour nous abriter? En outre, nos provisions commençaient à s'épuiser. Après nous être consultés, nous prîmes le parti de redescendre. Nous nous trouvions d'ailleurs fort heureux d'avoir constaté par nos propres yeux que la montagne n'était pas inaccessible de ce côté, et, dès que nous eûmes fait nos observations barométriques, nous retournâmes sur nos pas.
La descente nous sembla plus difficile et plus dangereuse que la montée. D'abord le pied est généralement moins sûr lorsqu'on descend que lorsque monte. Ensuite, quelque prudence que l'on ait, on ne peut pas, en certains moments, modérer son pas, comme on le voudrait; on est entraîné, malgré soi, à l'accélérer, surtout quand on n'a point encore l'habitude de pareilles excursions. C'était, je le répète, la première fois que M. Schiemann s'aventurait à une si ,grande hauteur ; soit qu'il descendit trop vite, soit qu'il eût manqué d'attention, il tomba et glissa sur la surface du glacier, sans pouvoir se retenir. Heureusement il était, au moment de sa chute, à vingt pas derrière moi; j'eus le temps de planter mon bâton dans la glace, et, m'y cramponnant aussi fermement que possible de la main droite, je saisis mon malheureux compagnon de la main gauche quand il passa près de moi. Le choc que j'éprouvai fut si violent que, bien que j'y eusse résisté d'abord, les courroies qui attachaient à mes souliers des crampons pour la glace se rompirent comme si elles eussent été coupées par un rasoir; je tombai à mon tour, ne pouvant plus me soutenir sur les semelles glissantes avec le poids que je retenais.
M. Schiernann, que je lâchai, continua sa descente un moment interrompue, mais il ne tarda pas à s'arrêter contre deux grosses pierres; quant à moi, je roulai ainsi, à une distance d'un quart de mille environ, jusque dans, des débris de lave, près de l'extrémité inférieure du glacier...
,,Dans ma chute, le tube de mon baromètre se brisa en pièces; mon chronomètre s'ouvrit et fut taché de mon sang; tous les objets que j'avais emportés dans mes poches descendirent encore plus vite que moi lancés en l'air dans diverses directions. Heureusement je ne reçus aucune blessure grave. M. Schilemann, de son côté, n'avait que de légères contusions., Dès que nous nous fûmes remis de notre premier effroi, nous remerciâmes Dieu de nous avoir sauvé la vie;. puis, après avoir recherché et retrouvé tes objets les plus importants que nous avions perdus, nous nous remîmes cri marche. Nous traversâmes un petit glacier en y taillant des pas, et bientôt, du haut de l'arête de rochers qui le domine, nous entendîmes avec joie la voix d'Isaac, qui avait eu l'esprit de nous attendre en cet endroit; nous eûmes au moins la satisfaction de passer la nuit avec lui dans la région de la végétation, à coté d'un feu d'herbes sèches qu'il alluma pour se réchauffer. Le troisième jour, vers dix heures du matin, nous.rentrâmes à notre cher monastère, où nous mangeâmes d'excellentes pèches, et où nous fîmes un bon déjeuner; mais nous eûmes bien soin, tout le temps que nous passâmes avec les Arméniens, de ne rien dire de notre malheureuse chute, car ils n'eussent pas manqué de la considérer comme un juste châtiment de notre tentative insensé pour atteindre le sommet d'une montagne dont Dieu avait interdit l'approche à tous les mortels. "
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La journée fut rude. M. Parrot et M. Schiemann souffrirent cruellement de la chaleur. Vers six heures du soir, ils approchèrent de la région des neiges. Se sentant hors d'état de monter plus haut sans prendre un peu de repos, ils cherchèrent parmi les fragments de rochers dont ils étaient entourés le lieu le plus convenable pour y passer la nuit : ~ Nous avions atteint, dit-il, une hauteur de 12,360 pieds; nous n'eûmes pour lit que le roc dur, et. pour poêle que la tête glacée de la montagne. Dans les endroits abrités, il y avait encore de la neige fraîche. La température de l'air était à zéro. M. Schiemann et moi nous avions pris quelques précautions contre le froid; d'ailleurs la satisfaction que nous causait notre entreprise contribuait à nous réchauffer; mais Isaac -le chasseur d'Arguri qui n'avait emporté que ses vêtements d'été, grelottait à faire peine. Je l'enveloppai dans des feuilles de papier gris destinées à faire sécher des plantes, et il s'en trouva fort bien...
"Dès que l'aube parut, Dons continuâmes à gravir le versant oriental de la montagne, et nous atteignîmes bientôt une dernière rampe qui se continue sans interruption jusqu'au sommet. Cette rampe est formée de bancs ou arêtes de rochers aigus, séparés par d'énormes crevasses que remplissent en partie d'immenses glaciers. Nous traversâmes heureusement la première arête de rochers et le beau glacier qui s'étend de l'autre côté. Lorsque nous arrivâmes au haut de la seconde arête, Isaac perdit courage; ses membres, engourdis par le froid de la nuit, n'avaient pas repris leur chaleur naturelle, et les régions de plus en plus glacées vers lesquelles nous nous élevions ne semblaient pas lui promettre une température plus agréable; nous fûmes obligés de l'autoriser à redescendre. Seul, M. Schiemann, bien qu'il ne fût pas habitué aux courses des montagnes, resta résolument à mes côtés, partageant, avec la vigueur &un jeune homme et la fermeté d'un homme mûr, toutes mes fatigues et tous mes dangers, qui devenaient de minute en minute plus pénibles et plus effrayants. Nous traversâmes le second glacier et nous montâmes au haut de la troisième arête, sous les yeux de notre compagnon qui était resté en arrière; puis, nous élevant obliquement, -nous atteignîmes, à la hauteur de 13,354 pieds de l'autre côté des rochers, l'extrémité inférieure du glacier qui s'étend sans solution de continuité jusqu'au sommet.
Ce glacier, il s'agissait de le gravir. Bien que son inclinaison ne dépassât pas 30 degrés, nous ne pouvions pas songer à monter en droite ligne ; suivant en conséquence une direction oblique, et creusant avec nos bâtons des degrés dans la glace recouverte d'une touche de neige fraîche trop mince pour former un appui suffisant, nous gagnâmes une longue arête de rochers le long de laquelle, grâce à la neige nouvellement tombée -et- qui y était plus épaisse, nous montâmes jusqu'à son sommet, élevé de 15,400 pieds au-dessus du niveau de la mer, c'est-à-dire à peu près à la hauteur du Mont-Blanc. De là nous voyions s'élever devant nous le sommet de l'Ararat, qui semblait grandir à mesure que nous nous en approchions. Aucun obstacle insurmontable ne paraissait plus devoir nous arrêter; évidemment nous pouvions, si nous le voulions, franchir ce jour-là la distance qui nous séparait encore du but de nos efforts et de nos désirs; mais nous nous sentions fatigués, il était trois heures de l'après-midi; nous eussions employé le reste de la journée à gravir jusqu'au point culminant. Si nous continuions d'avancer, où passerions-nous la .nuit? trouverions-nous à une plus grande élévation un rocher pour nous abriter? En outre, nos provisions commençaient à s'épuiser. Après nous être consultés, nous prîmes le parti de redescendre. Nous nous trouvions d'ailleurs fort heureux d'avoir constaté par nos propres yeux que la montagne n'était pas inaccessible de ce côté, et, dès que nous eûmes fait nos observations barométriques, nous retournâmes sur nos pas.
La descente nous sembla plus difficile et plus dangereuse que la montée. D'abord le pied est généralement moins sûr lorsqu'on descend que lorsque monte. Ensuite, quelque prudence que l'on ait, on ne peut pas, en certains moments, modérer son pas, comme on le voudrait; on est entraîné, malgré soi, à l'accélérer, surtout quand on n'a point encore l'habitude de pareilles excursions. C'était, je le répète, la première fois que M. Schiemann s'aventurait à une si ,grande hauteur ; soit qu'il descendit trop vite, soit qu'il eût manqué d'attention, il tomba et glissa sur la surface du glacier, sans pouvoir se retenir. Heureusement il était, au moment de sa chute, à vingt pas derrière moi; j'eus le temps de planter mon bâton dans la glace, et, m'y cramponnant aussi fermement que possible de la main droite, je saisis mon malheureux compagnon de la main gauche quand il passa près de moi. Le choc que j'éprouvai fut si violent que, bien que j'y eusse résisté d'abord, les courroies qui attachaient à mes souliers des crampons pour la glace se rompirent comme si elles eussent été coupées par un rasoir; je tombai à mon tour, ne pouvant plus me soutenir sur les semelles glissantes avec le poids que je retenais.
M. Schiernann, que je lâchai, continua sa descente un moment interrompue, mais il ne tarda pas à s'arrêter contre deux grosses pierres; quant à moi, je roulai ainsi, à une distance d'un quart de mille environ, jusque dans, des débris de lave, près de l'extrémité inférieure du glacier...
,,Dans ma chute, le tube de mon baromètre se brisa en pièces; mon chronomètre s'ouvrit et fut taché de mon sang; tous les objets que j'avais emportés dans mes poches descendirent encore plus vite que moi lancés en l'air dans diverses directions. Heureusement je ne reçus aucune blessure grave. M. Schilemann, de son côté, n'avait que de légères contusions., Dès que nous nous fûmes remis de notre premier effroi, nous remerciâmes Dieu de nous avoir sauvé la vie;. puis, après avoir recherché et retrouvé tes objets les plus importants que nous avions perdus, nous nous remîmes cri marche. Nous traversâmes un petit glacier en y taillant des pas, et bientôt, du haut de l'arête de rochers qui le domine, nous entendîmes avec joie la voix d'Isaac, qui avait eu l'esprit de nous attendre en cet endroit; nous eûmes au moins la satisfaction de passer la nuit avec lui dans la région de la végétation, à coté d'un feu d'herbes sèches qu'il alluma pour se réchauffer. Le troisième jour, vers dix heures du matin, nous.rentrâmes à notre cher monastère, où nous mangeâmes d'excellentes pèches, et où nous fîmes un bon déjeuner; mais nous eûmes bien soin, tout le temps que nous passâmes avec les Arméniens, de ne rien dire de notre malheureuse chute, car ils n'eussent pas manqué de la considérer comme un juste châtiment de notre tentative insensé pour atteindre le sommet d'une montagne dont Dieu avait interdit l'approche à tous les mortels. "
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- Nickie
- Christianisme [Pentecôtiste]
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Ecrit le 02 avr.04, 20:09
L'ascension du mont Ararat (4/6)
Le lendemain de son retour au monastère de Saint Jacques, le docteur Parrot avait un léger accès de fièvre, qui céda heureusement à une diète sévère. Sans perdre une minute, il s'occupa des préparatifs de la seconde tentative qu'il se proposait de faire pour monter jusqu'au sommet de I'Ararat. Il répara son thermomètre, il engagea à son service des paysans et des bêtes de somme, il amassa des provisions, etc.. Enfin le 30 septembre, six jours seulement après cette descente qui avait failli lui coûter la vie, vers huit heure et demie du matin, il se remit en marche, emmenant avec lui M. Von Behaghel, M. Schiemann, le diacre Abovian, quatre paysans arméniens d'Arguri, trois soldats russes du 4ème régiment de chasseurs, et d'homme chargé de la conduite de quatre boeufs. Avant de partir, il avait fait bénir, et oindre d'huile sainte par l'archimandrite, une croix en sapin, de dix pieds .. de longueur, peinte en noir, qu'il avait apportée d'Etchmiadzin pour la planter au sommet de l'Ararat.
Cette seconde tentative ne devait pas réussir mieux que la première. La petite caravane parvint cependant sans avoir eu à surmonter de grandes difficultés, la ligne des neiges éternelles; mais, à partir de là dit M. Parrot, "après que nous eûmes monté environ deux cents pas, la roideur de la pente augmenta à tel point que nous fûmes obligés de tailler des pas dans la glace avec de petites haches. Celui qui montait le premier faisait seulement une marche suffisante pour lui permettre de s'élever plus haut; ceux qui le suivaient élargissaient cette marche chacun à son tour, de sorte qu'un bon chemin était préparé pour la descente car alors le pied a besoin d'un point d' appui plus étendu et plus sûr qu'à la montée. "
Cette nécessité absolue où ils se trouvaient de tailler se des pas dans la glace à mesure qu'ils montaient jointe aux difficultés extraordinaires que présentait le transport de la croix, ne permit pas au docteur Parrot et à ses compagnons de s'élever de plus de 600 pieds par heure dans la région des glaces éternelles, bien que dans la région des roches ils eussent dans le même espace de temps monté d'environ 1,000 pieds. Après avoir tourné une pente trop roide pour être gravie, ils durent s'arrêter quelques instants devant une crevasse de 5 pieds de largeur, et si longue qu'ils ne purent pas en distinguer à l'oeil nu les extrémités. Heureusement, ils finirent par y découvrir un pont de neige qu'ils traversèrent avec d'autant plus de peine, cependant, que le bord supérieur de cette crevasse était plu élevé que le bord inférieur. Dès qu'ils eurent tous franchi ce difficile et dangereux passage, ils gravirent me pente douce, et ils se trouvèrent sur une plaine de neige presque horizontale, d'ou s'élevait le sommet de l'Ararat ; mais ils crurent prudent de rebrousser chemin. D'après leurs calculs, il leur fallait encore trois heures de marche forcée pour atteindre le sommet, le jour était déjà avancé, et depuis quelques instants soufflait avec violence un vent humide qui leur faisait craindre un ouragan de neige. lis ne redescendirent pas cependant sans avoir planté sur ce plateau la croix qu'ils avaient apportée avec tant de peine. On tailla dans la glace un trou de 2 pieds de profondeur, et on y fixa cette croix avec des morceaux de glace et . de neige. L'endroit où on la planta était visible d'Erivan, sinon. du monastère d'Etchmiadzin ; comme elle était peinte en noir, elle se détachait sur le glacier éclatant de blancheur qui couronne le sommet de l'Ararat, et qui la dominait, de sorte qu'avec un bon télescope on, devait l'apercevoir de la plaine. Avant de la dresser on y avait attaché solidement, à l'aide de fortes vis, une plaque de plomb pesant 25 livres, et portant l'inscription suivante :
NICOLAO PAULI FILIO
TOTIUS RUTHENIAE AUTOCRATORE
JUBENTE
HOC ASYLUM SACROSANCTUM
ARMATA MANU VINDICAVIT
FIDEI CHRISTIANE
JOANNES FREDERICI FILIUS
PASKEWITSCH AB ERIVAN
ANNO DOMINI MDCCCXXVI.
Cette cérémonie achevée, le docteur Parrot suspendit son baromètre à la croix, afin de déterminer l'élévation où il se trouvait au-dessus du niveau de la mer, et s'il ne se trompa point, il avait atteint une hauteur de 16,028 pieds. Ils jetèrent tous ensuite un dernier regard vers le sommet, et ils redescendirent sans accident, avant la nuit, jusqu'à un plateau appelé Kip-Ghioll. Les chevaux, les boeufs et les conducteurs les y attendaient. Ils s'y réchauffèrent avec plaisir autour d'un bon feu ; car à peine étaient-ils sortis de la région des neiges éternelles qu'elle avait été recouverte derrière eux d'une couche épaisse de neige à moitié fondue; puis, après avoir pris leur repas du soir, ils cherchèrent des abris pour la nuit sous les blocs de rochers éparpillés sur, ce plateau de gazon, et le lendemain, 2 octobre, vers dix heures du matin, ils étaient de retour au monastère de Saint-Jacques.
Le docteur Parrot était moins découragé que jamais. Cette- seconde tentative lui avait prouvé, encore plus évidemment que la première, que le sommet de l'Ararat était accessible. Aussi, dès qu'il fat redescendu, il songea à remonter.
Le 8 octobre, il repartit à la tête de sa petite escorte. Un peu avant midi il atteignait le plateau de Kip-Ghioll; après y avoir déjeuné et s'y être reposé environ une heure et demie, il en repartit, en s'éloignant un peu de la direction qu'il avait suivie dans son ascension précédente. Bientôt les boeufs refusèrent de marcher; on les déchargea, et chaque homme ayant pris sur son dos sa part de provisions, de couvertures et de combustibles, on les renvoya avec leur conducteur. Vers cinq heures du soir on campait à 13,800 pieds au-dessus du niveau de la mer, 730 pieds plus haut que dans la seconde ascension. C'était une avance considérable pour la journée du lendemain. Un feu fut aussitôt allumé, dit le docteur Parrot, et on prépara quelque chose de chaud pour le dîner. Quant à moi, je me contentais d'une soupe à l'oignon, repas que je ne saurais trop recommander à tous les voyageurs qui gravissent de hautes montagnes, comme extrêmement réchauffant et réconfortant, et bien préférable à la viande, ou aux soupes faites avec de la viande. -Malheureusement Abovian ne put pas prendre sa part de cet excellent repas, car c'était un jour de fête et un jour de jeûne!... Les autres Arméniens jeûnèrent aussi strictement que lui, et se contentèrent d'un peu de pain et d'un peu d'eau de vie...
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Le lendemain de son retour au monastère de Saint Jacques, le docteur Parrot avait un léger accès de fièvre, qui céda heureusement à une diète sévère. Sans perdre une minute, il s'occupa des préparatifs de la seconde tentative qu'il se proposait de faire pour monter jusqu'au sommet de I'Ararat. Il répara son thermomètre, il engagea à son service des paysans et des bêtes de somme, il amassa des provisions, etc.. Enfin le 30 septembre, six jours seulement après cette descente qui avait failli lui coûter la vie, vers huit heure et demie du matin, il se remit en marche, emmenant avec lui M. Von Behaghel, M. Schiemann, le diacre Abovian, quatre paysans arméniens d'Arguri, trois soldats russes du 4ème régiment de chasseurs, et d'homme chargé de la conduite de quatre boeufs. Avant de partir, il avait fait bénir, et oindre d'huile sainte par l'archimandrite, une croix en sapin, de dix pieds .. de longueur, peinte en noir, qu'il avait apportée d'Etchmiadzin pour la planter au sommet de l'Ararat.
Cette seconde tentative ne devait pas réussir mieux que la première. La petite caravane parvint cependant sans avoir eu à surmonter de grandes difficultés, la ligne des neiges éternelles; mais, à partir de là dit M. Parrot, "après que nous eûmes monté environ deux cents pas, la roideur de la pente augmenta à tel point que nous fûmes obligés de tailler des pas dans la glace avec de petites haches. Celui qui montait le premier faisait seulement une marche suffisante pour lui permettre de s'élever plus haut; ceux qui le suivaient élargissaient cette marche chacun à son tour, de sorte qu'un bon chemin était préparé pour la descente car alors le pied a besoin d'un point d' appui plus étendu et plus sûr qu'à la montée. "
Cette nécessité absolue où ils se trouvaient de tailler se des pas dans la glace à mesure qu'ils montaient jointe aux difficultés extraordinaires que présentait le transport de la croix, ne permit pas au docteur Parrot et à ses compagnons de s'élever de plus de 600 pieds par heure dans la région des glaces éternelles, bien que dans la région des roches ils eussent dans le même espace de temps monté d'environ 1,000 pieds. Après avoir tourné une pente trop roide pour être gravie, ils durent s'arrêter quelques instants devant une crevasse de 5 pieds de largeur, et si longue qu'ils ne purent pas en distinguer à l'oeil nu les extrémités. Heureusement, ils finirent par y découvrir un pont de neige qu'ils traversèrent avec d'autant plus de peine, cependant, que le bord supérieur de cette crevasse était plu élevé que le bord inférieur. Dès qu'ils eurent tous franchi ce difficile et dangereux passage, ils gravirent me pente douce, et ils se trouvèrent sur une plaine de neige presque horizontale, d'ou s'élevait le sommet de l'Ararat ; mais ils crurent prudent de rebrousser chemin. D'après leurs calculs, il leur fallait encore trois heures de marche forcée pour atteindre le sommet, le jour était déjà avancé, et depuis quelques instants soufflait avec violence un vent humide qui leur faisait craindre un ouragan de neige. lis ne redescendirent pas cependant sans avoir planté sur ce plateau la croix qu'ils avaient apportée avec tant de peine. On tailla dans la glace un trou de 2 pieds de profondeur, et on y fixa cette croix avec des morceaux de glace et . de neige. L'endroit où on la planta était visible d'Erivan, sinon. du monastère d'Etchmiadzin ; comme elle était peinte en noir, elle se détachait sur le glacier éclatant de blancheur qui couronne le sommet de l'Ararat, et qui la dominait, de sorte qu'avec un bon télescope on, devait l'apercevoir de la plaine. Avant de la dresser on y avait attaché solidement, à l'aide de fortes vis, une plaque de plomb pesant 25 livres, et portant l'inscription suivante :
NICOLAO PAULI FILIO
TOTIUS RUTHENIAE AUTOCRATORE
JUBENTE
HOC ASYLUM SACROSANCTUM
ARMATA MANU VINDICAVIT
FIDEI CHRISTIANE
JOANNES FREDERICI FILIUS
PASKEWITSCH AB ERIVAN
ANNO DOMINI MDCCCXXVI.
Cette cérémonie achevée, le docteur Parrot suspendit son baromètre à la croix, afin de déterminer l'élévation où il se trouvait au-dessus du niveau de la mer, et s'il ne se trompa point, il avait atteint une hauteur de 16,028 pieds. Ils jetèrent tous ensuite un dernier regard vers le sommet, et ils redescendirent sans accident, avant la nuit, jusqu'à un plateau appelé Kip-Ghioll. Les chevaux, les boeufs et les conducteurs les y attendaient. Ils s'y réchauffèrent avec plaisir autour d'un bon feu ; car à peine étaient-ils sortis de la région des neiges éternelles qu'elle avait été recouverte derrière eux d'une couche épaisse de neige à moitié fondue; puis, après avoir pris leur repas du soir, ils cherchèrent des abris pour la nuit sous les blocs de rochers éparpillés sur, ce plateau de gazon, et le lendemain, 2 octobre, vers dix heures du matin, ils étaient de retour au monastère de Saint-Jacques.
Le docteur Parrot était moins découragé que jamais. Cette- seconde tentative lui avait prouvé, encore plus évidemment que la première, que le sommet de l'Ararat était accessible. Aussi, dès qu'il fat redescendu, il songea à remonter.
Le 8 octobre, il repartit à la tête de sa petite escorte. Un peu avant midi il atteignait le plateau de Kip-Ghioll; après y avoir déjeuné et s'y être reposé environ une heure et demie, il en repartit, en s'éloignant un peu de la direction qu'il avait suivie dans son ascension précédente. Bientôt les boeufs refusèrent de marcher; on les déchargea, et chaque homme ayant pris sur son dos sa part de provisions, de couvertures et de combustibles, on les renvoya avec leur conducteur. Vers cinq heures du soir on campait à 13,800 pieds au-dessus du niveau de la mer, 730 pieds plus haut que dans la seconde ascension. C'était une avance considérable pour la journée du lendemain. Un feu fut aussitôt allumé, dit le docteur Parrot, et on prépara quelque chose de chaud pour le dîner. Quant à moi, je me contentais d'une soupe à l'oignon, repas que je ne saurais trop recommander à tous les voyageurs qui gravissent de hautes montagnes, comme extrêmement réchauffant et réconfortant, et bien préférable à la viande, ou aux soupes faites avec de la viande. -Malheureusement Abovian ne put pas prendre sa part de cet excellent repas, car c'était un jour de fête et un jour de jeûne!... Les autres Arméniens jeûnèrent aussi strictement que lui, et se contentèrent d'un peu de pain et d'un peu d'eau de vie...
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Ecrit le 02 avr.04, 20:12
L'ascension du mont Ararat (5/6)
Je passai là une soirée délicieuse, regardant tour à tour mes compagnons au visage:enjoué le ciel pur et brillant, sur lequel se projetait avec une, grandeur merveilleuse le sommet de la montagne, et la: nuit noire qui s'étendait au loin dans les profondeurs des vallées que nous dominions. 1e.thermomètre de Fahrenheit marquait 40 degrés, température élevée pour une pareille hauteur; je me couchai sous un rocher de lave et je m'endormis d'un profond sommeil taudis que mes compagnons s'amusaient encore à causer autour du feu.
Dès que l'aube parut nous nous levâmes, et à six heures et demie nous nous remîmes en marche. Une demi-heure nous suffit pour gravir les derniers fragments de rochers qui nous séparaient encore de la région des neiges éternelles. Nous entrâmes dans cette région presque au même endroit où nous y avions pénétré dans notre précédente ascension, après nous être débarrassée de tous les objets qui ne pouvaient plus nous servir. Mais depuis que nous l'avions quittée elle avait subi un grand changement qui ne nous était nullement favorable : la neige fraîche était fondue. Dès que nous mîmes le pied sur le glacier, il fallut y tailler des pas. Nous ne nous laissâmes pas rebuter cependant, et nous travaillâmes tous avec tant d'ardeur, qu'à dix heures nous atteignîmes le plateau où nous n'étions arrivés l'ascension précédente qu'à midi, et sur lequel nous avions planté notre croix. Nous étions à un demi-mille environ de la croix; mais elle nous paraissait si petite, peut-être à cause de sa couleur noire, que je ne pus m'empêcher de douter qu'on pût la découvrir avec un télescope ordinaire de la plaine de l'Araxe.
Dans la direction du sommet, nous avions devant nous une pente moins haute, mais plus escarpée que celle que nous venions de monter, et entre Cette Pente et le sommet il nous semblait qu'il n'y avait plus, pour ainsi dire, q'une légère ondulation de la glace. Après un court repos, nous gravîmes cette pente, la plus roide de toutes, en y taillant des pas, puis une autre qui lui succéda; et alors, au lieu £apercevoir immédiatement en façade nous le terme de tous nos efforts, nous découvrîmes une chaîne de mamelons glacés qui, se développant inopinément sous nos yeux étonnés, nous dérobait entièrement la vue du sommet. Notre courage n'avait jamais chancelé tant que nous avions supposé que nous connaissions toutes les difficultés que nous devions surmonter, mais à ce moment il fat singulièrement abattu; et notre force, que nous avions épuisée en taillant des pas dans la glace, nous parut à peine suffisante pour nous permettre £atteindre notre but invisible. Cependant, en réfléchissant à ce que nous avions déjà fait et à ce qu'il nous restait à faire, en considérant la proximité de cette chaîne de mamelons, et en jetant un regard sur mes intrépides compagnons, je sentis mes craintes s'évanouir et je me dis à moi - même : Du courage, en avant! Nous gravîmes deux mamelons sans nous arrêter; alors le vent de la montagne vint nous frapper au visage; je m'élançais le premier autour d'un troisième mamelon, et je vis devant mes yeux ivres de joie se, dresser le cône le plus élevé de l'Ararat.
Je n'eus d'abord qu'une pensée, qu'une jouissance : un peu de repos. J'étendis mon manteau sur la glace et je m'assis dessus; je me trouvais alors sur une surface légèrement bombée, ayant presque la forme d'une croix, d'environ deux cents pas de circonférence, et dont les bords aboutissaient de tous côtés, mais surtout du côté du sud-est et du côté du nord-est, à des pentes escarpées. Ce plateau, formé d'une glace éternelle, et dans lequel on cherche en vain à découvrir un rocher ou une pierre, était la tête austère, la tête blanche du vieil Ararat. A l'est il s'étendait plus uniformément que dans les autres directions, et il se rattachait, par une légère dépression, couverte également dune glace qui ne fond jamais, à un second sommet un peu moins élevé et éloigné d'environ un quart de mille. Cette dépression a la forme dune selle de cheval. On peut la distinguer aisément à l'oeil nu, de la plaine de l'Araxe, mais on l'y voit en raccourci, et comme le sommet le plus bas s'y montre en avant du sommet le plus haut, si bien caché par derrière que de certains points on ne l'aperçoit même pas, il paraît être aussi élevé et parfois plus élevé. Les observations scientifiques faites par M. Fedorow dans une direction nord-ouest sur la plaine de l'Araxe, portent à 7 pieds la différence du niveau des deux sommets; maïs du point où j'étais placé, cette différence me sembla plus considérable.
La légère dépression qui sépare les deux sommets de l'Ararat présente une plaine neige faiblement inclinée vers le sud et sur laquelle il serait facile d'aller de l'un à l'autre. On peut supposer que c'est en cet endroit que se posa l'Arche de Noé car d'après les dimensions que lui attribue la Genèse, elle n'eut pas couverte la dixième partie de sa surface. (...)
Du point culminant de l'Ararat je découvrais un panorama immense, mais j'étais à une telle élévation et à de si grandes distances, que je ne pouvais distinguer nettement que les masses principales. La vallée de l'Araxe était couverte dans toute son étendue d'un nuage de vapeur grisâtre, au travers duquel Erivan et Sardarabad m'apparaissaient seulement comme des points noirs de la grandeur de ma main, Au midi, les
collines derrière lesquelles Bayazid est située étaient
plus distinctement visibles. Au nord-nord-ouest l'Alaghês dressait majestueusement sa tête colossale, couronne vraiment inaccessible de rochers dont tous les creux étaient remplis de larges flaques de neige. Tout près de l'Ararat, surtout au sud-est et à l'ouest, à une plus grande distance, s'étendait un nombre considérable de montagnes moins élevées, ayant pour la plupart des sommets coniques, creux au milieu, volcans éteints depuis longtemps. Vers l'est-sud-est je voyais au-dessous de moi le petit Ararat. Son sommet ne me paraissait plus se terminer en cône, comme lorsque je l'avais examiné de la plaine; il ressemblait à la section d'une pyramide quadrangulaire tronquée, ayant à ses angles et dans son milieu une certaine quantité d'éminences rocheuses de diverses hauteurs. Ce qui me surprit beaucoup, ce fut de découvrir une grande partie du lac Sévang, dont les eaux d'un bleu noir étincelaient distinctement au nord-est derrière les hautes montagnes qui le bordent au sud, et qui ont une telle élévation, que je n'aurais jamais cru qu'il fut possible de les dominer à ce point du sommet de l'Ararat.
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Je passai là une soirée délicieuse, regardant tour à tour mes compagnons au visage:enjoué le ciel pur et brillant, sur lequel se projetait avec une, grandeur merveilleuse le sommet de la montagne, et la: nuit noire qui s'étendait au loin dans les profondeurs des vallées que nous dominions. 1e.thermomètre de Fahrenheit marquait 40 degrés, température élevée pour une pareille hauteur; je me couchai sous un rocher de lave et je m'endormis d'un profond sommeil taudis que mes compagnons s'amusaient encore à causer autour du feu.
Dès que l'aube parut nous nous levâmes, et à six heures et demie nous nous remîmes en marche. Une demi-heure nous suffit pour gravir les derniers fragments de rochers qui nous séparaient encore de la région des neiges éternelles. Nous entrâmes dans cette région presque au même endroit où nous y avions pénétré dans notre précédente ascension, après nous être débarrassée de tous les objets qui ne pouvaient plus nous servir. Mais depuis que nous l'avions quittée elle avait subi un grand changement qui ne nous était nullement favorable : la neige fraîche était fondue. Dès que nous mîmes le pied sur le glacier, il fallut y tailler des pas. Nous ne nous laissâmes pas rebuter cependant, et nous travaillâmes tous avec tant d'ardeur, qu'à dix heures nous atteignîmes le plateau où nous n'étions arrivés l'ascension précédente qu'à midi, et sur lequel nous avions planté notre croix. Nous étions à un demi-mille environ de la croix; mais elle nous paraissait si petite, peut-être à cause de sa couleur noire, que je ne pus m'empêcher de douter qu'on pût la découvrir avec un télescope ordinaire de la plaine de l'Araxe.
Dans la direction du sommet, nous avions devant nous une pente moins haute, mais plus escarpée que celle que nous venions de monter, et entre Cette Pente et le sommet il nous semblait qu'il n'y avait plus, pour ainsi dire, q'une légère ondulation de la glace. Après un court repos, nous gravîmes cette pente, la plus roide de toutes, en y taillant des pas, puis une autre qui lui succéda; et alors, au lieu £apercevoir immédiatement en façade nous le terme de tous nos efforts, nous découvrîmes une chaîne de mamelons glacés qui, se développant inopinément sous nos yeux étonnés, nous dérobait entièrement la vue du sommet. Notre courage n'avait jamais chancelé tant que nous avions supposé que nous connaissions toutes les difficultés que nous devions surmonter, mais à ce moment il fat singulièrement abattu; et notre force, que nous avions épuisée en taillant des pas dans la glace, nous parut à peine suffisante pour nous permettre £atteindre notre but invisible. Cependant, en réfléchissant à ce que nous avions déjà fait et à ce qu'il nous restait à faire, en considérant la proximité de cette chaîne de mamelons, et en jetant un regard sur mes intrépides compagnons, je sentis mes craintes s'évanouir et je me dis à moi - même : Du courage, en avant! Nous gravîmes deux mamelons sans nous arrêter; alors le vent de la montagne vint nous frapper au visage; je m'élançais le premier autour d'un troisième mamelon, et je vis devant mes yeux ivres de joie se, dresser le cône le plus élevé de l'Ararat.
Je n'eus d'abord qu'une pensée, qu'une jouissance : un peu de repos. J'étendis mon manteau sur la glace et je m'assis dessus; je me trouvais alors sur une surface légèrement bombée, ayant presque la forme d'une croix, d'environ deux cents pas de circonférence, et dont les bords aboutissaient de tous côtés, mais surtout du côté du sud-est et du côté du nord-est, à des pentes escarpées. Ce plateau, formé d'une glace éternelle, et dans lequel on cherche en vain à découvrir un rocher ou une pierre, était la tête austère, la tête blanche du vieil Ararat. A l'est il s'étendait plus uniformément que dans les autres directions, et il se rattachait, par une légère dépression, couverte également dune glace qui ne fond jamais, à un second sommet un peu moins élevé et éloigné d'environ un quart de mille. Cette dépression a la forme dune selle de cheval. On peut la distinguer aisément à l'oeil nu, de la plaine de l'Araxe, mais on l'y voit en raccourci, et comme le sommet le plus bas s'y montre en avant du sommet le plus haut, si bien caché par derrière que de certains points on ne l'aperçoit même pas, il paraît être aussi élevé et parfois plus élevé. Les observations scientifiques faites par M. Fedorow dans une direction nord-ouest sur la plaine de l'Araxe, portent à 7 pieds la différence du niveau des deux sommets; maïs du point où j'étais placé, cette différence me sembla plus considérable.
La légère dépression qui sépare les deux sommets de l'Ararat présente une plaine neige faiblement inclinée vers le sud et sur laquelle il serait facile d'aller de l'un à l'autre. On peut supposer que c'est en cet endroit que se posa l'Arche de Noé car d'après les dimensions que lui attribue la Genèse, elle n'eut pas couverte la dixième partie de sa surface. (...)
Du point culminant de l'Ararat je découvrais un panorama immense, mais j'étais à une telle élévation et à de si grandes distances, que je ne pouvais distinguer nettement que les masses principales. La vallée de l'Araxe était couverte dans toute son étendue d'un nuage de vapeur grisâtre, au travers duquel Erivan et Sardarabad m'apparaissaient seulement comme des points noirs de la grandeur de ma main, Au midi, les
collines derrière lesquelles Bayazid est située étaient
plus distinctement visibles. Au nord-nord-ouest l'Alaghês dressait majestueusement sa tête colossale, couronne vraiment inaccessible de rochers dont tous les creux étaient remplis de larges flaques de neige. Tout près de l'Ararat, surtout au sud-est et à l'ouest, à une plus grande distance, s'étendait un nombre considérable de montagnes moins élevées, ayant pour la plupart des sommets coniques, creux au milieu, volcans éteints depuis longtemps. Vers l'est-sud-est je voyais au-dessous de moi le petit Ararat. Son sommet ne me paraissait plus se terminer en cône, comme lorsque je l'avais examiné de la plaine; il ressemblait à la section d'une pyramide quadrangulaire tronquée, ayant à ses angles et dans son milieu une certaine quantité d'éminences rocheuses de diverses hauteurs. Ce qui me surprit beaucoup, ce fut de découvrir une grande partie du lac Sévang, dont les eaux d'un bleu noir étincelaient distinctement au nord-est derrière les hautes montagnes qui le bordent au sud, et qui ont une telle élévation, que je n'aurais jamais cru qu'il fut possible de les dominer à ce point du sommet de l'Ararat.
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- Nickie
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Ecrit le 02 avr.04, 20:14
L'ascension du mont Ararat (6/6)
Après avoir raconté comment le diacre Abovian planta une seconde croix à 30 pieds au dessous du sommet de l'Ararat, le docteur Parot continue en ces termes : "je m'occupais d'observer le baromètre que j'avais disposé à cet effet au milieu du sommet. Le mercure ne s'y élevait pas à plu de 15 pouces 3/4 de ligne, mesure de Paris, à une température de 6 20/3 Farenheit au-dessous de zéro. Cette observation. comparée avec celle que M. Fedorow avait la bonté de faire en même temps au monastère de Saint-Jacques.,donne à l'Ararat une hauteur de 10, 876 pieds au dessus de ce monastère, soit, en y ajoutant l'élévation de Saint-Jacques, une hauteur verticale de 17,210 pieds au-dessus du niveau de la mer.
Après être restés sur le sommet environ trois quarts d'heure, nous commençâmes à songer au retour; pour nous y préparer, chacun de nous mangea un morceau de pain, et nous bûmes tous joyeusement à la mémoire du patriarche Noé un verre du vin que nous avions apporté. Nous descendîmes alors rapidement l'un après l'autre les pas que nous avions taillés pour monter; la descente était très-fatigante, et je souffrais en particulier cruellement des genoux; cependant nous nous hâtions le plus possible, car le soleil était très-bas, et avant que nous eussions atteint le plateau de neige où nous avions planté notre première croix, il disparaissait au-dessous de l'horizon. Nous jouîmes alors d'un magnifique spectacle. Tandis que les montagnes qui s'étendaient au-dessous de nous à l'ouest projetaient une ombre épaisse sur la plaine; taudis qu'une nuit noire se répandait graduellement dans toutes les vallées et montait de minute en minute, de seconde en seconde, sur les flancs de l'Ararat, les derniers rayons du soleil couchant illuminaient encore d'une lueur éclatante le sommet glacé d'où nous descendions, puis ils l'abandonnèrent aussi à la nuit qui nous enveloppa de toutes parts, et la descente eût été fort dangereuse pour nous, si la lune, se levant au même moment dans un point opposé du ciel, n'eût éclairé chacun de nos pas dune vive et charmante lumière.
A six heures et demie du soir environ, nous atteignîmes l'endroit où nous avions bivouaqué la veille; nous y fîmes, avec le reste de notre bois, un bon feu qui nous servit à préparer un petit souper; et la nuit aussi sereine et aussi chaude que la précédente, se passa agréablement. Le lendemain, à six heures du matin, nous recommençâmes à descendre; à huit heures et demie, nous retrouvions à Kip-Ghioll nos bêtes de charge qui nous y attendaient, et vers midi, le 10 octobre, nous rentrions au monastère de Saint Jacques, aussi joyeusement que le patriarche Noé était descendu 4 000 ans auparavant au même lieu avec ses fils et sa femme et avec les femmes de ses fils. Le lendemain, en remplissant nos devoirs religieux du dimanche, nous offrîmes au seigneur nos remerciements, peut être non loin du lieu ou Noé lui avait élevé un autel pour lui présenter l'hommage de ses offrandes.
NB : Ces descriptions n'existent plus vraiment aujourd'hui car d'importants tremblements de terre ont secoué la région entre le 20 et 26 juin 1840. Ces tremblements de terre ont abaissé le sommet, généré des crevasses et détruit le monastère Saint Jacques et le village d'Aguirri. La première secousse se fit sentir à 18h55 le 20 juin 1840
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Après avoir raconté comment le diacre Abovian planta une seconde croix à 30 pieds au dessous du sommet de l'Ararat, le docteur Parot continue en ces termes : "je m'occupais d'observer le baromètre que j'avais disposé à cet effet au milieu du sommet. Le mercure ne s'y élevait pas à plu de 15 pouces 3/4 de ligne, mesure de Paris, à une température de 6 20/3 Farenheit au-dessous de zéro. Cette observation. comparée avec celle que M. Fedorow avait la bonté de faire en même temps au monastère de Saint-Jacques.,donne à l'Ararat une hauteur de 10, 876 pieds au dessus de ce monastère, soit, en y ajoutant l'élévation de Saint-Jacques, une hauteur verticale de 17,210 pieds au-dessus du niveau de la mer.
Après être restés sur le sommet environ trois quarts d'heure, nous commençâmes à songer au retour; pour nous y préparer, chacun de nous mangea un morceau de pain, et nous bûmes tous joyeusement à la mémoire du patriarche Noé un verre du vin que nous avions apporté. Nous descendîmes alors rapidement l'un après l'autre les pas que nous avions taillés pour monter; la descente était très-fatigante, et je souffrais en particulier cruellement des genoux; cependant nous nous hâtions le plus possible, car le soleil était très-bas, et avant que nous eussions atteint le plateau de neige où nous avions planté notre première croix, il disparaissait au-dessous de l'horizon. Nous jouîmes alors d'un magnifique spectacle. Tandis que les montagnes qui s'étendaient au-dessous de nous à l'ouest projetaient une ombre épaisse sur la plaine; taudis qu'une nuit noire se répandait graduellement dans toutes les vallées et montait de minute en minute, de seconde en seconde, sur les flancs de l'Ararat, les derniers rayons du soleil couchant illuminaient encore d'une lueur éclatante le sommet glacé d'où nous descendions, puis ils l'abandonnèrent aussi à la nuit qui nous enveloppa de toutes parts, et la descente eût été fort dangereuse pour nous, si la lune, se levant au même moment dans un point opposé du ciel, n'eût éclairé chacun de nos pas dune vive et charmante lumière.
A six heures et demie du soir environ, nous atteignîmes l'endroit où nous avions bivouaqué la veille; nous y fîmes, avec le reste de notre bois, un bon feu qui nous servit à préparer un petit souper; et la nuit aussi sereine et aussi chaude que la précédente, se passa agréablement. Le lendemain, à six heures du matin, nous recommençâmes à descendre; à huit heures et demie, nous retrouvions à Kip-Ghioll nos bêtes de charge qui nous y attendaient, et vers midi, le 10 octobre, nous rentrions au monastère de Saint Jacques, aussi joyeusement que le patriarche Noé était descendu 4 000 ans auparavant au même lieu avec ses fils et sa femme et avec les femmes de ses fils. Le lendemain, en remplissant nos devoirs religieux du dimanche, nous offrîmes au seigneur nos remerciements, peut être non loin du lieu ou Noé lui avait élevé un autel pour lui présenter l'hommage de ses offrandes.
NB : Ces descriptions n'existent plus vraiment aujourd'hui car d'importants tremblements de terre ont secoué la région entre le 20 et 26 juin 1840. Ces tremblements de terre ont abaissé le sommet, généré des crevasses et détruit le monastère Saint Jacques et le village d'Aguirri. La première secousse se fit sentir à 18h55 le 20 juin 1840
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Re: Le Grand-Ararat
Ecrit le 18 sept.22, 05:00Merci beaucoup à Nickie pour ces pages rapportant l'Ascencion du Mont Ararat. Cependant, on aimerait bien avoir les références bibliographiques de ce texte.
Voici quelques patronymes et toponymes qui y sont cités et qui sont sur Wikipedia :
~ https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Friedrich_Parrot
~ https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Khatchatour_Abovian
~ https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Frédéri ... ontperreux
Lieux géographiques :
~ https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Université_de_Tartu
~ https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Mont_Ararat
~ https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Doğubayazıt
~ https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Araxe
~ https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Etchmiadzin
~ Sardarabad est aujourd'hui : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Sardarapat
Il y a des noms que je ne connais pas et il y aura à voir qui sont ces personnes. (?)
Trois Allemands car l'Université de Tartu//Dorpat était une Université germanophone : Behaghel d'Adlerskronn ~~ MM. Julius Hehn ~~ Karl Schiemann
~ un jeune astronome d'un mérite éminent, M. Vassili, Fedorow.
~ Jacques patriarche de Nisibis
Il y aura aussi des noms de lieux toponymes à identifier aussi :
~ rivière Arguri
~ monastère de Saint-Jacques
~ plateau de Kip-Ghioll
Merci encore. InfoHay1915
Voici quelques patronymes et toponymes qui y sont cités et qui sont sur Wikipedia :
~ https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Friedrich_Parrot
~ https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Khatchatour_Abovian
~ https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Frédéri ... ontperreux
Lieux géographiques :
~ https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Université_de_Tartu
~ https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Mont_Ararat
~ https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Doğubayazıt
~ https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Araxe
~ https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Etchmiadzin
~ Sardarabad est aujourd'hui : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Sardarapat
Il y a des noms que je ne connais pas et il y aura à voir qui sont ces personnes. (?)
Trois Allemands car l'Université de Tartu//Dorpat était une Université germanophone : Behaghel d'Adlerskronn ~~ MM. Julius Hehn ~~ Karl Schiemann
~ un jeune astronome d'un mérite éminent, M. Vassili, Fedorow.
~ Jacques patriarche de Nisibis
Il y aura aussi des noms de lieux toponymes à identifier aussi :
~ rivière Arguri
~ monastère de Saint-Jacques
~ plateau de Kip-Ghioll
Merci encore. InfoHay1915
C’est un crime que désapprouve l’humanité, l’islam et tous les musulmans ; mais ceux qui ignorent la vérité ne manqueront pas d’en jeter la responsabilité sur le fanatisme religieux. Témoignage oculaire 1915-1916 du génocide des arméniens par le chef bédouin syrien et avocat, Faïez El-Ghocein (Le Caire 1917)
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