L’identification par M. Chodkiewicz d’une doctrine de la sainteté dans l’œuvre d’Ibn Arabî s’appuie sur l’examen scrupuleux d’un corpus textuel dont les références majeures sont : Le Livre des chatons des sagesses (Fusûs al-hikam), Les Illuminations de La Mecque (Al-Futûhât al-Makkiya), L’Épître des Lumières (Risâlat al-Anwâr) et le Livre du Voyage nocturne (Kitâb al-Isrâ)
Conçue comme attribut humain, la sainteté est la « capacité qu’ont les saints d’accueillir, selon les circonstances, l’autorité et le pouvoir de tel Nom divin ou de tel autre et de réverbérer tantôt la Justice et tantôt la Miséricorde, tantôt la Majesté et tantôt la Beauté »
La sainteté est associée chez Ibn Arabî à la prophétie en son sens général, c’est-à-dire à la prophétie non restreinte à son expression historique ― l’islam considérant que la mission de Muhammad clôt le cycle des prophéties. Ignorant toute borne temporelle, la sphère de la sainteté possède dès lors une extension maximale, puisqu’elle englobe et dépasse celle de la prophétie qui demeure limitée historiquement.
Tout prophète, qu’il soit ou non messager, participe donc également de la sainteté. Mais d’autre part, c’est par la notion fondamentale d’héritage que les saints sont directement reliés aux prophètes, dans la mesure où chaque saint s’inscrit dans la filiation du prophète qui offre le type spirituel particulier où se singularise la réception de la sagesse divine.
« D’une part, la walâya [sainteté] englobe la nubuwwa [prophétie] et la risâla [prophétie légiférante] qui procèdent d’elle et auxquelles elle est donc supérieure en la personne de celui qui conjoint ces trois qualifications. D’autre part, nous avons vu apparaître l’idée d’“héritage” qui implique la dévolution aux awliyâ [saints] de quelque chose dont les prophètes détiennent originellement la propriété : la walâya est donc, d’une certaine façon, dépendante de la nubuwwa et représente, en somme, un mode de participation à cette dernière. »
Aussi, s’il est vrai que d’une part, la sainteté inclut et comprend d’abord la prophétie (dans la double entente que cette dernière revêt en islam), il faut aussi noter que par le lien qui le relie au prophète auquel il participe, le saint demeure redevable selon des degrés distincts, de la plénitude de la filiation dont il hérite. Une telle plénitude est elle-même déterminée par une autre relation d’inclusion : celle qui inscrit tout héritage prophétique à l’intérieur de l’héritage plus vaste qui est celui du Prophète Muhammad : car « tous les saints sont des “héritiers muhammadiens” » Cet héritage plus vaste ne peut être élucidé qu’à l’aune d’une explicitation de la notion de réalité muhammadienne
Héritage prophétique et réalité muhammadienne
Héritage prophétique et réalité muhammadienne
Ecrit le 21 mai15, 22:44-
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