Mystique athée

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L’athéisme peut être considéré comme une attitude ou une doctrine qui ne conçoit pas l’existence ou affirme l’inexistence de quelque dieu, divinité ou entité surnaturelle que ce soit. C'est une position philosophique qui peut être formulée ainsi : il n'existe rien dans l'Univers qui ressemble de près ou de loin à ce que les croyants appellent un « dieu », ou « Dieu ».
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anon

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Re: Mystique athée

Ecrit le 08 juin15, 12:30

Message par anon »

anon a écrit :je ne crois pas préjuger de ton système. Je lui pose une question qui ne me semble ni illégitime ni idiote : à quoi sert un bien théoriquement définissable objectivement si nous n'y aurons de toutes façon jamais accès ?
précisons pour lever d'éventuelles ambiguïtés : "si nous n'aurons de toutes façons jamais accès à cette définition théorique et théoriquement objective".
Sans accès à la définition objective théorique, celles que nous pouvons élaborer sont alors nécessairement subjectives, sans autre garantie que l'adhésion éventuelle du plus grand nombre, ce qui ne signifie rien en soi quant à leur degré d'objectivité.
Dieu, pas Dieu, au bout du compte cela revient au même. Dieu est et n'est pas.

anon

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Re: Mystique athée

Ecrit le 12 juin15, 10:57

Message par anon »

en bref, un bien purement théorique et purement théoriquement objectif, nous est aussi utile qu'un Dieu purement transcendant et seulement purement transcendant : les deux sont à jamais hors de notre monde, ils n'ont rien à nous dire.
En clair : ils peuvent bien exister si ça leur chante, grand bien leur fasse, mais qu'est-ce qu'on en a à cirer...?
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anon

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Re: Mystique athée

Ecrit le 14 juin15, 10:01

Message par anon »

en somme, beaucoup de détours pour remplacer Dieu par "le Bien, le Vrai, le Beau".
Le jeu en vaut-il la chandelle ?
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anon

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Re: Mystique athée

Ecrit le 30 juin15, 13:28

Message par anon »

une autre approche très intéressante : Quantum Question de Ken Wilber.

Ken est très peu connu en France, ses travaux sont pourtant remarquables de clarté et de profondeur en même temps.
Pour ceux qui voudraient approfondir, deux livres complémentaires l'un de l'autre : The Atman Project et Up From Eden.
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anon

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Re: Mystique athée

Ecrit le 04 juil.15, 05:08

Message par anon »

un extrait de Quantum Questions de Ken Wilber :

____________________________________________

Je voudrais, dans cette section, examiner de plus près les rapports entre science et religion, leurs nature, méthodes, et domaines. (...)

Il y a, en tout premier, la définition précise du mot "science". Bien sûr, nous sommes libres de définir la "science" comme nous voulons, du moment que nous restons cohérents, et, de fait, pour beaucoup, l'argument "science-et-religion" ne consiste en rien d'autre qu'un pré-positionnement de définitions choisies à l'avance pour produire précisément la conclusion voulue. Donc, par exemple, si vous définissez simplement la science comme "connaissance", alors la religion contemplative devient une forme de science — devient, en fait, la science la plus élevée (cette approche est souvent celle des maîtres orientaux actuels, qui parlent sans cesse de science du yoga, science de la méditation, science de l'intelligence créative, etc.). La physique devient alors une branche de cet Arbre de la Science global, et nous pouvons dégager et partir sur Le Médium, le Mystique, et le Physicien.

De l'autre côté, si vous définissez la science comme "connaissance sensorielle-empirique, validée instrumentalement", alors virtuellement toute forme de religion devient non scientifique. Vous avez alors deux voies possibles : 1) voir la religion comme une forme parfaitement valide de foi personnelle, de valeurs, et de croyances, non accessibles à l'examen scientifique — autrement dit, il y a deux domaines, différents mais aussi légitimes, entre lesquels il ne peut guère y avoir ni conflit ni compromis ni parallèles (cette vision a été initiée par Kant et Lotze, et a de nombreux adeptes à ce jour, dont certains des physiciens de ce livre, tels Planck, Einstein, et Eddington) ; 2) voir la religion comme non-scientifique dans le sens purement péjoratif, comme une relique superstitieuse de la pensée magique primitive (Comte), ou comme un mécanisme de défense pour exorciser culpabilité et anxiété (Freud), ou comme une idéologie opaque qui institutionalise l'aliénation (Marx), ou comme une projection avilissante des penchants intérieurs et humanistes des hommes et des femmes (Feuerbach), ou comme une affaire émotionnelle strictement privée, inoffensive en elle-même mais ne méritant pas le titre de "connaissance" (Quine, Ayer, et les positivistes).

Donc, toute cette confusion, comme vous voyez, dépend dans une large mesure de comment vous définissez la "science". Les conséquences sont si complexes et subtiles que si nous ne spécifions pas précisément ce que nous entendons par "science" (et ensuite par "religion"), alors des affirmations sur les rapports entre les deux en arrivent à être au mieux absurdes, au pire désastreuses. Personnellement, j'en suis au point que, si un écrivain populaire émet quelques assertions à l'emporte-pièce sur "nouvelle science et spiritualité", je n'ai aucune idée de ce dont il veut parler, et tout ce dont je suis certain c'est que lui non plus.

Puisque toute cette anthologie est, en fait, dédiée au thème de "science et religion", je ne vois pas que nous ayons d'autre choix que d'examiner très attentivement ce que nous entendons, ou pouvons entendre, par le mot "science" et le mot "religion". Ma tâche éditoriale quelque peu fastidieuse, alors, dans les quelques pages qui suivent, est de jouer le rôle de l'analyste linguistique, la plus triviale des activités philosophiques. Je vais essayer de rendre l'opération aussi indolore que possible.

Commençons par la "science". Comme j'ai dit, nous sommes libres de définir la "science" comme nous voulons, du moment que nous restons cohérents. Mais il me semble que nous devons au minimum distinguer entre la méthodologie de la science et le domaine de la science. La méthodologie de la science se réfère aux voies ou aux moyens que la science, quoi que ce soit que nous appelions ainsi, utilise pour reccueillir des faits, des données, ou des informations, et utilise pour confirmer ou infirmer des hypothèses vis-à-vis de ces données. La méthodologie, autrement dit, se réfère à la façon dont la "science" (toujours non définie) procède pour élaborer des connaissances.

Le domaine, de son côté, se réfère simplement aux types d'événements ou de phénomènes qui conviennent, ou peuvent convenir, comme objets d'investigation à la science, quoi que ce soit que nous signifions par ce mot. La "méthodologie" se réfère à l'épistémologie de la science, tandis que le "domaine" se réfère à son ontologie.

Permettez-moi de donner une grossière analogie. Disons que nous explorons les cavernes de Carlsbad dans la nuit noire. Nous prenons une lampe de poche avec nous — c'est notre moyen ou méthode pour acquérir de la connaissance (ou des "coups de projecteur") sur les diverses cavernes, et les cavernes sont les différents objets ou domaines que nous explorons et éclairons avec notre méthodologie, avec notre lampe de poche. Une caverne peut contenir un trésor enterré de pierres précieuses et d'or, une autre peut ne contenir que de la boue et des chauves-souris — ce qui compte est que la même lampe de poche peut découvrir des types d'objets très différents, et nous n'irons pas confondre ces objets simplement parce que c'est la même lampe de poche qui a été utilisée pour les trouver.

Au lieu de nous demander globalement "Qu'est-ce que la science ?", demandons-nous donc plutôt "Qu'est-ce qu'une méthode scientifique ?" et "Qu'est-ce qu'un domaine scientifique ?". Pour ce qui est de la méthodologie scientifique, les textes scientifiques semblent être généralement d'accord : une méthode d'acquisition de connaissances par laquelle des hypothèses sont testées (instrumentalement ou expérimentalement) en se référant à une expérience (des "données") qui est potentiellement publique, ou susceptible d'être répétée (pour confirmation ou infirmation) par des pairs. Ce qui est essentiel, c'est que la méthodologie scientifique exige des assertions ouvertes à une validation ou une réfutation par l'expérience.

Notez que cette définition — que nous acceptons pour le moment —, ne fait pas référence au domaine ou aux objets de la méthodologie scientifique, ce qui est correct. S'il y a un moyen de tester une assertion dans quelque domaine que ce soit par appel à une expérience ouverte, alors cette connaissance peut convenablement être appelée "scientifique".

Cette définition, ce qui est correct je crois, ne dit pas que seulement les objets des sens ou physiques sont ouverts à l'investigation scientifique — ce serait comme d'affirmer que notre lampe de poche ne peut être utilisée que dans une seule caverne. Il n'y a rien dans cette définition qui nous empêche d'appliquer légitimement le terme "scientifique" à certaines assertions spécifiques aux champs ou domaines de la biologie, de la psychologie, de l'histoire, de l'anthropologie, de la sociologie, et de la spiritualité. Effectivement, c'est précisément ce que les Allemands désignent par "geist-science", la science des phénomènes mentaux et spirituels, et que nous Américains désignons par "sciences humaines et sociales".

Ce qui compte c'est que du fait que cette définition concerne seulement la méthodologie, sans faire référence aux objets-domaines, la ligne de séparation entre "scientifique" et "non scientifique" n'est pas entre physique et métaphysique ; la ligne de séparation est entre déclarations testables et non-testables (ou simplement dogmatiques) expérimentalement, les premières étant soumises à confirmation/infirmation sur la base d'expériences ouvertes, les secondes étant basées sur une évidence pas moins substantielle que du genre "parce-que-je-vous-le-dis". Si la "science" était restreinte aux objets-domaines "physiques-sensoriels", alors les mathématiques, la logique, la psychologie, et la sociologie ne pourraient pas être appelées "scientifiques", puisque les caractéristiques centrales de ces domaines sont non-sensorielles, non-empiriques, non-physiques, et éventuellement méta-physiques.

Par exemple, il est possible de tester la véracité d'un théorème de mathématiques, mais ce test n'est pas basé sur une évidence sensorielle, mais sur une évidence mentale, à savoir l'expérience intérieure de l'exactitude mentale de l'enchaînement des propositions logiques, une exactitude intérieurement-expérimentale qui peut être contrôlée par les cerveaux d'autres mathématiciens de même niveau, une exactitude (et non une similitude) intérieurement-expérimentale qui n'a rien à voir avec une évidence physique-sensorielle. (La similitude, ou son défaut, peut aussi être testée en référence à l'évidence, soit mentale soit sensorielle, selon ce que le cas requiert). Ce qui importe c'est que "tester par l'évidence expérimentale" ne signifie pas seulement "tester par l'évidence physique-sensorielle" (un sujet que nous allons développer bientôt), et c'est exactement pourquoi les mathématiques, la logique, la psychologie, etc, sont appelées à juste titre des "sciences".

Vu que la "méthodologie scientifique" s'applique aux assertions expérimentalement testables, par opposition aux proclamations dogmatiques non-testables (qui peuvent être valides, mais que pour cette raison nous devrons qualifier d'un autre terme que "scientifique"), nous pouvons nous demander maintenant : "À quel(s) domaine(s), donc, la méthodologie scientifique est-elle applicable ?". Mais demandons-nous en premier : "Qu'y a-t-il comme domaines ?". C'est-à-dire, quels champs d'expérience, ou modalités d'être, ou aspects de la réalité existent, déjà, auxquels la "méthodologie scientifique" puisse ou ne puisse pas être applicable ? En d'autres mots, quelle ontologie accepterons-nous ? Combien de cavernes y a-t-il dans l'univers que nous pourrons explorer avec notre lampe de poche ?

Je ne vais pas développer une argumentation interminable sur ce point ; pour l'objectif de cette présentation, j'adopterai simplement l'ontologie de base de la "philosophie pérenne", spécialement telle que résumée par Lovejoy, Huston Smith, René Guénon, Marco Pallis, Frithjof Schuon, et autres, et telle que reçue (en tout ou partie) par des penseurs modernes commme Nicolai Hartmann, Samuel Alexander, Whitehead, Aurobindo, Maritain, Urban, etc. Je ne marchanderai pas non plus sur les termes ; Dieu, Divinité, Absolu, Ultime, Être, Esprit, vie, conscience, psyché, âme — ces termes peuvent signifier à peu près ce que vous voulez. Mon objectif réside dans une autre direction.

Voici donc notre ontologie de travail — la "Grande Chaîne de l'Être", comme on l'appelle :

Image

Dans la moitié haute du diagramme, j'ai mis un nom générique pour chaque domaine ; dans la moitié basse du diagramme, j'ai énuméré une discipline représentative qui prend globalement (mais pas forcément exclusivement) comme objet d'étude ce domaine particulier. Les numéros se réfèrent simplement aux niveaux, quant aux lettres je les expliquerai un peu après. Je signale aussi que certaines versions de la Grande Chaîne comprennent ailleurs de trois à vingt ou plus niveaux ; ce simple schéma à cinq niveaux sera suffisant pour notre propos.

La signification générale des termes "matière", "vie", et "pensée" est assez évidente, mais permettez-moi de dire un mot ou deux sur "âme" et "esprit". Le champ-de-l'âme, comme je l'appellerai, fait référence au champ des Formes Platoniques, des archétypes, des déités personnalisées (yidam, ishtadeva, modèles archangéliques, et ainsi de suite). Dans le champ-de-l'âme, il y a encore une sorte de subtile dualité sujet-objet ; l'âme appréhende l'Être, ou communie avec Dieu, mais il reste encore une frontière irréductible entre eux. Dans le champ de l'esprit (niveau 5), par contre, l'âme devient l'Être dans un état non-duel d'intuition radicale et d'identité suprême diversement connu comme gnose, nirvikalpa samadhi, satori, kensho, jnana, etc. Dans le domaine-de-l'âme, l'âme et Dieu communient ; dans le domaine-de-l'esprit, les deux, l'âme et Dieu, s'unissent dans la Divinité, ou l'esprit absolu, sans aucune frontière d'exclusion.

Mais déjà nous entrons dans de sérieuses difficultés sémantiques avec le mot "esprit", car on ne peut pas discuter du champ de l'esprit sans entrer dans un paradoxe. L'esprit lui-même n'est pas paradoxal ; il est, à strictement parler, au-delà de toute caractéristique et qualification de quelque ordre (y compris ceci). Parce que l'esprit est, pour ainsi dire, la limite ultime de la hiérarchie gigogne de l'Être, il inscrit nos formulations verbales dans des chemins apparemment contradictoires ou paradoxaux (comme Kant, Stace, Nagarjuna, et d'autres l'ont souligné). Ceci ne devient cependant problématique que si nous oublions d'intégrer les deux aspects du paradoxe dans nos formulations verbales.

Laissez-moi donner quelques exemples. Notez que chaque niveau dans la Grande Chaîne transcende mais inclut ses prédécesseurs. C'est-à-dire que chaque niveau plus élevé contient des fonctions, des capacités, ou des structures qu'on ne trouve pas dans un, ou qu'on ne peut expliquer seulement dans les termes d'un, niveau moins élevé. Le niveau plus élevé ne viole pas les principes du niveau moins élevé, mais il ne lui est pas exclusivement lié, ou explicable par lui. Le plus élevé transcende mais inclut le moins élevé, et pas vice-versa, exactement comme une sphère, à trois dimensions, inclut ou contient des cercles, à deux dimensions, mais pas vice-versa. Et c'est ce "pas-vice-versa" qui établit et constitue la hiérarchie gigogne. Donc, par exemple, la vie transcende mais inclut la matière, et pas vice-versa : les organismes biologiques contiennent des composants matériels, mais les objets matériels ne contiennent pas de composants biologiques (les rochers ne se reproduisent pas génétiquement, etc.). C'est aussi pourquoi, par exemple, dans l'étude de la biologie on utilise de la physique, mais que dans l'étude de la physique on n'utilise pas de biologie.

Donc, la vie transcende mais inclut la matière ; la pensée transcende mais inclut la vie ; l'âme transcende mais inclut la pensée ; et l'esprit transcende mais inclut l'âme. À ce point-là, cependant, asymptotique à l'infini, nous atteignons une limite paradoxale : l'esprit est ce qui transcende toute chose et inclut toute chose. Ou, en termes traditionnels, l'esprit est à la fois complètement transcendant au monde et complètement immanent dans le monde — et c'est là le plus fameux (et inévitable) paradoxe de l'esprit.

D'un côté, donc, l'esprit est le plus élevé des domaines possibles ; il est le sommet de tous les champs, l'Être au-delà de tous les êtres. C'est le domaine qui n'est la partie d'aucun autre domaine, et qui donc préserve sa nature radicalement transcendantale. De l'autre côté, puisque l'esprit imprègne tout et inclut tout, puisqu'il est l'ensemble de tous les ensembles possibles, la Condition de toutes les conditions et la Nature de toutes les natures, il n'est pas pensable comme un champ à part des autres champs, mais comme le Fondement de l'Être de tous les champs, le pur Ça dont toute manifestation n'est qu'un jeu ou une modification. Et donc l'esprit conserve (paradoxalement) sa nature radicalement immanente.

J'insiste sur ce point apparemment trivial pour une raison en fait très importante. Du fait que l'esprit peut légitimement être considéré comme à la fois parfaitement transcendant et parfaitement immanent, si nous ne sommes pas extrêmement attentifs à la signification que nous voulons exprimer, nous pouvons rapidement et facilement nous leurrer avec des assertions sur ce qu'est ou n'est pas le champ de l'esprit. Par exemple, si nous insistons sur la seule nature transcendantale de l'esprit, alors la religion (et l'esprit) sont évidemment "en-dehors de ce monde" et n'ont absolument rien de commun avec la science terrestre. Toute tentative d'identifier l'esprit au monde manifesté de la nature sera, dans cette vue tronquée, chargée de l'épithète infamante de "panthéisme plat", et les théologiens vous mettront tous à l'amende expliquant que "descendre Dieu dans le champ du fini" abolirait soit-disant toute valeur et détruirait en fait toute signification que nous puissions attacher aux mots "Dieu" ou "esprit".

De l'autre côté, si nous commettons l'erreur similaire mais inverse et insistons sur la seule nature immanente de l'esprit, alors non seulement la science et la religion deviennent compatibles, mais la science devient une partie de la religion, et "Plus nous connaissons les choses [science], plus nous connaissons Dieu [religion]" (Spinoza). Tout essai de placer Dieu ou l'Esprit dans une sorte de transcendantal "champ au-delà" sera accueilli par des accusations vociférantes de "dogmatisme" et "non-sens", et tout le monde se congratulera d'avoir résolu le Mystère transcendantal, alors que tout ce qu'ils auront fait sera de l'ignorer.

La plus grande part de cette confusion se dissipera si (1) nous connaissons la nécessaire paradoxalité des formulations verbales sur l'esprit, et (2) précisons simplement de quel aspect de l'esprit — transcendance ou immanence — nous parlons à un moment donné. Il ne s'agit pas là d'une nuance philosophique ; c'est un prérequis absolument crucial si on veut faire quelque assertion sensée sur les rôles et les rapports entre science et religion.

Pour ma part, donc, quand je veux me référer à l'esprit dans son aspect transcendantal — comme la dimension la plus élevée ou le sommet de l'être — j'utiliserai "esprit" ou "champ de l'esprit" avec un "e" minuscule, pour indiquer que le champ spirituel (niveau 5) est un champ qui, de certaines manières très significatives, est différent des, ou transcendant aux, champs de la matière, de la vie, de la pensée, et de l'âme. Je veux dire plus précisément ceci : nous avons dit que chaque niveau transcende mais inclut ses prédécesseurs. Si la matière (niveau 1) a les caractéristiques de A, alors la vie biologique (niveau 2) peut être représentée par A + B, où B signifie toutes ces capacités trouvées dans les organismes vivants mais pas dans la matière inanimée (telles que consommation de nourriture, métabolisme, sexe, fonctions motrices, et ainsi de suite). La pensée (niveau 3) est alors A + B + C, où C représente toutes ces capacités trouvées dans les systèmes psychologiques mais pas dans les systèmes biologiques ou matériels (telles que idées, concepts, valeurs, intuitions, et ainsi de suite). De même, le champ-de-l'âme est A + B + C + D, et le champ spirituel (avec un "s" minuscule) est A + B + C + D + E. Donc, quand nous parlons "d'explorer le champ spirituel", nous voulons dire précisément ces fonctions, capacités, et aspects (représentés par E) qu'on trouve dans le champ spirituel et nulle part ailleurs (tels que jnana, nirvikalpa samadhi, nirguna Brahman, et ainsi de suite).

S'il nous est permis de parler de la "science de l'esprit" (nous ne nous sommes pas encore occupé de ce problème), tout ce que nous voudrons dire est "l'investigation scientifique de ces manifestations qui constituent la classe E". En ce sens, une science spirituelle serait définitivement et significativement différente de, mais pas du tout antagoniste avec, la science physique (étude de la classe A), de la science biologique (étude de la classe B), de la science psychologique (étude de la classe C), et ainsi de suite. Il n'y aurait rien du tout à gagner à essayer de mélanger ou confondre ces sciences, ou à déclarer que toutes sont en fait une seule, ou à les mettre dans le même panier indistinctement — ce qui, à nouveau, serait comme de déclarer que l'or dans une caverne est la même chose que la boue dans une autre parce que la même lampe de poche a découvert les deux.

Maintenant, lorsque je veux me référer à l'aspect imprégnant tout, englobant tout, radicalement immanent de l'esprit, j'utiliserai "Esprit" avec un "E" majuscule, indiquant que l'Esprit n'est pas le plus haut niveau parmi les autres mais plutôt le fondement ou la réalité de tous les niveaux, et donc ne pouvant pas avoir de qualités ou attributs spécifiques en lui-même, autres que d'être "l'être" (tzu jan) ou le "soi" ou le "ça" (tathata) de tous les champs possibles et réels — en d'autres mots, l'Être non qualifiable de tous les êtres, et non l'être qualifiable des êtres particuliers, et certainement pas la classe E comme opposée aux classes A, B, C, ou D. (Dans le diagramme de la Grande Chaîne de l'Être, l'Esprit est représenté, non par le niveau 5, mais par le papier sur lequel le diagramme entier est dessiné).

Pour ce qui est de l'Esprit (pas de l'esprit), le point important est que l'Esprit n'est ni Un ni Plusieurs, ni infini ni fini, ni le tout ni une partie — car tout ceci est présumé être des qualifications, de l'Esprit, et donc s'applique à l'esprit, et non à l'Esprit. C'est exactement la doctrine Bouddhiste de sunyata ("inqualifiabilité"), la négation de toutes les négations. Et notez en particulier que l'Esprit n'est pas le Un, n'est pas le Tout, n'est pas l'Unité — neti, neti — car tout ceci sont des concepts duels, n'ayant de sens que par contraste avec leurs opposés.

Ceci dit, il y a une signification légitime à, par exemple, le "Tout" — à savoir, la Totalité de tout ce qui existe, des niveaux 1 à 5. Mais ce Tout ou cette Totalité, il faut le souligner, n'a précisément rien à voir avec l'Esprit, qui est radicalement, complètement, absolument, et uniformément immanent dans, et en tant que, chaque particule élémentaire partout dans ce qui existe. Donc, sept choses ne contiennent pas plus d'Esprit que trois choses, et le tout n'est pas plus Réel que la partie. Le "Tout" a une implication importante du côté transcendantal du paradoxe — par exemple un objet biologique possède plus de tout qu'un objet matériel, et donc est plus près du champ spirituel mais pas plus près de l'Esprit. Je mentionne ceci afin que nous ne tombions pas dans l'erreur positiviste d'égaler l'Esprit avec la Totalité ou le Tout, une erreur qui, me semble-t-il, est assez populaire de nos jours, et sous les auspices de laquelle de nombreux tours de passe-passe philosophiques outranciers ont été perpétrés.

Je pense que nous avons maintenant suffisamment d'outils pour revenir à notre question originelle et essayer d'y répondre.

Qu'entendons-nous par "religion" ?

Dans A Sociable God, j'ai présenté huit usages aussi légitimes les uns que les autres du terme "religion" ; pour notre propos plus simple, nous pouvons dire que le type de religion dont nous discutons dans ce livre est celui qui a — ou prétend avoir — un accès direct aux niveaux 4 et 5 (et spécialement le 5). La question devient alors, est-ce que ce type de religion (ou de spiritualité) mérite le statut de connaissance ? Peut-il prétendre à une connaissance valide ? Ou encore plus précisément, mérite-t-il le statut de connaissance scientifique ? Selon notre discussion précédente, nous savons que ce que signifie vraiment la question est : est-ce que les phénomènes religieux (phénomènes des niveaux 4 et 5) sont tels qu'ils puissent devenir un domaine approprié pour la méthodologie scientifique ?

Ma conclusion personnelle est que tous les domaines (niveaux 1-5) contiennent des particularités assurées ou des structures profondes qui sont ouvertes à l'investigation scientifique, parce que tous les domaines sont ouverts à une révélation expérientielle. Il y a une expérience religieuse tout aussi certainement qu'il y a une expérience psychologique et une expérience sensorielle. En ce sens, nous pouvons parler de la science de la religion aussi légitimement que nous parlons de la science de la psychologie, de la biologie, ou de la physique.

Ceci dit, par "expérience religieuse" j'entends l'appréhension directe, en conscience, de ces phénomènes que nous avons appelés de classe D et de classe E, soit les domaines de l'âme et de l'esprit. Les particularités centrales de ces domaines sont non seulement expérimentables, mais elles sont publiques, car la conscience peut être entraînée pour appréhender ces domaines (cet entraînement est appelé méditation ou contemplation), et une conscience entraînée est une conscience publique, partageable, ou intersubjective, ou sinon il ne pourrait déjà pas y avoir d'entraînement. Simplement, que l'expérience religieuse soit appréhendée d'une façon "intérieure", ne signifie pas qu'elle soit une connaissance purement privée, pas plus que le fait que les mathématiques et la logique sont vues intérieurement, par l'œil de la pensée, n'en fait des fantaisies purement privées sans portée publique. La connaissance mathématique est une connaissance publique pour tous les mathématiciens de même niveau d'entraînement ; exactement de la même manière, la connaissance contemplative est une connaissance publique pour tous les contemplatifs de même niveau d'entraînement. L'affirmation grotesque que toute expérience religieuse serait privée et non-communicable est stoppée net, pour donner un exemple, par la transmission de l'illumination Bouddhiste tout du long jusqu'aux maîtres Bouddhistes de nos jours.

Ceci ne signifie pas que tout ce qui se dit "connaissance religieuse" passe le test scientifique (expérimental et public). Les assertions dogmatiques, les préférences idiosyncratiques, les croyances personnelles et expressément privées, et les affirmations théologiques non-testables — tout ceci peut être ou non valide, mais ce n'est pas démontrable ni réfutable scientifiquement ; c'est-à-dire que ce sont des assertions de connaissance non-scientifiques et non testables. De l'autre côté, virtuellement tous les textes orientaux sur la méditation et le yoga, et virtuellement tous les textes occidentaux sur la contemplation et la prière intérieure, peuvent légitimement être appelés des traités scientifiques, concernant (principalement) les niveaux 4 et 5 ; ils contiennent des règles et des exercices, qui, si suivis correctement, révèlent des phénomènes (ou des données) des classes que nous avons appelées D et E, des phénomènes qui peuvent être aussi aisément validés (confirmés ou infirmés) par des pairs de même entraînement que les théorèmes géométriques peuvent être validés (confirmés ou infirmés) par d'autres mathématiciens de même entraînement.

Qu'en est-il du conflit ou de la bataille entre science et religion ?

Il y a une réelle, authentique, et importante bataille ici, je crois, mais elle est mal posée en tant que bataille entre science et religion.

Pour commencer, nous avons vu qu'il y a une différence entre "domaine" et "méthodologie", et donc nous avons affaire à deux échelles complètement différentes, pour ainsi dire. D'un côté, il y a les différences naturelles et importantes entre les domaines d'existence bas et hauts. De l'autre côté, il y a les différences naturelles et importantes entre assertions de connaissance authentiques ou vérifiables et dogmatiques ou non-vérifiables.

Par malheur, quand ces échelles sont confondues ou faites équivalentes, alors la science en vient à signifier "plus bas et authentique", et la religion "plus élevé et absurde". La bataille, ainsi posée, ne peut jamais être résolue, parce que les deux parties ont à moitié raison et à moitié tort. À proprement parler, il n'y a aucune bataille entre les dimensions les plus basses et les plus élevées de la réalité (puisque les dernières transcendent mais incluent les premières). Il y a, cependant, une vraie bataille entre assertions de connaissance authentiques contre absurdes, mais cette bataille n'est pas une bataille entre les domaines les plus bas et les plus élevés de l'existence. C'est une bataille qui réapparaît dans chaque champ de l'existence (niveaux 1-5) et concerne des assertions de connaissance qui sont ouvertes aux tests expérimentaux contre celles qui sont dogmatiques et non-vérifiables (ou non-réfutables).

Ainsi, si par "science" vous entendez l'étude des niveaux les plus bas, de base, naturels, de l'existence (concrètement 1/2/3), et si par "religion" vous entendez une approche des niveaux les plus élevés, les plus hauts, ou "surnaturels" (concrètement 4/5), alors la seule vraie bataille est entre science authentique et science bidon, et entre religion authentique et religion bidon ("authentique" signifiant "expérimentalement vérifiable/réfutable" ; "bidon" signifiant "dogmatique, non expérimentable, non vérifiable/réfutable"). Il y a une science bidon ou pseudo-science exactement comme il y a une religion bidon ou pseudo-religion, et la seule bataille qui vaille la peine est entre authentique et bidon, pas entre science et religion.

Par conséquent, et la science authentique et la religion authentique sont alliées contre les pseudo, non fondées expérimentalement, dogmatiques, assertions de connaissance (qui infectent tous les domaines), et c'est pourquoi, à ce point, nous pouvons nous référer à cette alliance méthodologique comme étant la science de la physique, la science de la biologie, la science de la psychologie, et la science de la religion (ou de la spiritualité). Ici "science" ne se réfère pas à un domaine particulier, élevé ou bas, mais à une méthodologie basée sur l'évidence expérimentale et non sur des assertions dogmatiques, une méthodologie que nous voulons appliquer à toutes les assertions de connaissance authentiques sur tous les niveaux ; c'est ce que nous entendons par sciences "hautes" ou "spirituelles" ou "geist". En aucun cas, cependant, il n'y a là de bataille authentique entre science et religion, seulement une bataille entre science et religion expérimentales contre science et religion dogmatiques.

Est-ce que les méthodes des sciences mentales ou spirituelles sont les mêmes que celles des sciences physiques ?

Oui et non. Oui, en ce que le critère méthodologique central — à savoir que toute assertion de connaissance sera au final jugée sur la base d'appel direct à l'expérience — est identique dans toutes les sciences authentiques, physique, biologique, psychologique, et spirituelle. Non, en ce que chaque domaine a des caractéristiques bien différentes, et donc l'application concrète de la méthodologie scientifique dans chaque domaine s'adapte à la forme, en quelque sorte, de ce domaine.

Par exemple, une des caractéristiques dominantes du champ physique est son extension dans l'espace-temps. La façon la plus adaptée de traiter avec une extension est de la mesurer ; donc, les mesures sont vraiment prédominantes dans les sciences physiques (cet aspect des sciences physiques fut découvert indépendamment par Kepler et Galilée, en 1605, aussi les considère-t-on à juste titre comme les pères de la science physique moderne). Quand nous en arrivons au niveau mental-psychologique, cependant, quantité et extension laissent largement la place à la qualité et à l'intentionnalité ; par conséquent, les mesures quantitatives, quoiqu'encore applicables dans certaines aires, ne sont plus si prédominantes. Une assertion de connaissance typique en sciences physiques est "Un proton a deux mille fois la masse d'un électron", sur quoi, pour tester l'assertion, nous entrons dans des procédures instrumentales compliquées. De l'autre côté, une assertion de connaissance typique dans le champ mental est "La signification de Hamlet est ceci et cela", que nous testerons alors dans le cercle herméneutique (ou le champ intersubjectif d'échanges de communication) de ceux qui ont lu et étudié Hamlet. De mauvaises interprétations peuvent être rejetées par le cercle herméneutique, assurant ainsi un statut quasi-objectif pour toutes les assertions authentiques. Mais là nous ne jugeons plus tellement d'une extension, mais plutôt d'intentions, aussi les mesures jouent un rôle mineur.

Similairement, une assertion de connaissance typique du champ spirituel est "Un chien a-t-il une nature-de-Bouddha ?" Il y a un test spécifique, répétable, vérifiable, expérimental, et une réponse, à cette question — une mauvaise réponse peut être presque absolument réfutée — mais il n'a virtuellement rien à voir avec les mesures physiques ni l'intentionnalité mentale.

Cette approche globale nous assure donc d'une unité-dans-la-diversité de la quête de la connaissance ; une unité dans les critères méthodologiques, ou une unité dans la connaissance elle-même, supportant une diversité dans ses objets, ou une diversité dans ses applications particulières. Exprimé quelque peu poétiquement : une unité dans la connaissance supportant une diversité phénoménologique. Je dis "poétiquement", parce que si nous poussons cette déclaration vraiment loin, elle va s'abîmer dans un paradoxe (simplement parce que ultimement elle assigne à l'Esprit la qualification "d'unité sous-jacente", ce qui viole sunyata). Mais ignorons temporairement ceci, afin de poser la question centrale de cette anthologie : en ce qui concerne les données ou les phénomènes réels de la physique et de la mystique, y a-t-il un parallèle important ? En d'autres mots,

Y a-t-il un parallèle significatif entre les phénomènes révélés par la physique et ceux révélés par la mystique ?

Ici nous ne discutons plus du sujet du critère central de toute science authentique, qu'elle soit physique ou psychologique ou mystique — nous avons déjà dit qu'elles partagent une forme centrale. Nous discutons des découvertes, des résultats, des données, des phénomènes, des sciences physique et mystique, et demandons si elles partagent des parallèles significatifs. Et là, que nous définissions la mystique comme connaissance de l'esprit ou comme connaissance de l'Esprit, la réponse est la même "Aucun (ou au mieux, quelques uns plutôt triviaux)". C'est exactement la même conclusion à laquelle nous avions abouti dans la première section de cet essai, la conclusion qui reflétait l'accord commun ou majoritaire des physiciens inclus dans ce livre, bien que nous y soyons arrivés par des moyens entièrement différents. Nous avions alors adopté une approche plutôt raide ou drastique, suivant le parcours de la plupart des physiciens eux-mêmes. À la lumière de notre discussion plus extensive dans cette section, nous pouvons arriver à la même conclusion par un chemin plus lent mais plus stable.

En premier, si par mysticisme nous entendons une connaissance directe et expérimentale du champ spirituel (niveau 5), alors bien sûr il y aura quelques sortes de parallèles entre les découvertes de la physique et celles de la mystique, simplement parce que nous pouvons nous attendre à quelques sortes de similitudes, mais bien maigres, entre les niveaux 1 et 5. Mais ces similitudes sont plutôt triviales, en comparaison des profondes différences entre ces dimensions de l'Être (comme je vais l'expliquer dans un moment), et, de plus, surévaluer ces parallèles provoque une totale confusion des deux domaines-objets en question.

Les parallèles eux-mêmes — pour en juger à partir d'exposés populaires — se réduisent usuellement à quelque sorte de déclaration sur "toutes choses sont reliées mutuellement d'une manière holistique". Mais si cette déclaration n'est pas strictement fausse, elle n'en est pas moins triviale. Personnellement, je crois qu'elle est fausse : toutes choses ne sont pas mutuellement ou symétriquement ou équivalemment reliées ; dans le champ de la manifestation, il y a, comme nous avons vu, des relations hiérarchiques et asymétriques au moins aussi importantes que les relations mutuelles ou équivalentes. Dans le champ du temps, par exemple, le passé a affecté le présent mais le présent n'a pas d'effet sur le passé (ex., ce que Christophe Colomb a fait a certainement un effet sur vous, mais ce que vous faites n'a pas d'effet sur Christophe Colomb ; il n'y a rien du tout de mutuel dans cette relation).

Mais même en supposant que cette déclaration serait vraie, ce qu'elle n'est pas, elle reste triviale, car elle ne nous dit rien que la physique ancienne ne pourrait nous dire. Selon la physique newtonienne, toutes choses dans l'univers sont reliées à toutes choses par une action-à-distance instantanée, un concept holistique s'il en fut jamais un. (Incidemment, il y a un excellent livre sur la nouvelle physique — The Cosmic Code de Heinz Pagel — qui est le seul livre que je peux recommander sans réserves sur ce sujet. En plus d'une superbe explication et discussion sur la nouvelle physique, il fait ressortir — ce qui est correct, je crois — que la physique newtonienne est en fait bien plus proche de bien des façons de la mystique orientale que la physique quantique). Je pourrais continuer de la même façon, examinant chacun des supposés parallèles entre les découvertes de la physique nouvelle et celles de la mystique, mais la conclusion serait la même : quand les parallèles allégués ne sont pas simplement le résultat de généralisations à outrance ou de confusions sémantiques brumeuses, ils sont soit franchement faux soit triviaux.

Et si, finalement, par la mystique nous entendons une connaissance directe de, et en tant que, Esprit (ou Fondement), il n'y a aucun parallèle entre la physique (ancienne ou nouvelle) et la mystique, pour la simple raison que l'Esprit ou Fondement n'a pas de qualités par lesquelles il puisse être comparé, contrasté, ou mis en parallèle. Pour comparer l'Esprit avec, disons, les découvertes de la physique, il doit être assigné à l'Esprit quelques sortes de qualifications ou de caractéristiques isolées, auquel cas il cesse absolument d'être l'Esprit.

Mais la physique et la mystique ne sont-elles pas simplement deux approches différentes de la même Réalité sous-jacente ?

Non, non, oui, et non. Si par "Réalité" vous entendez l'esprit (ou niveau 5), alors la physique et la mystique ne s'occupent pas du tout de la même réalité, mais de deux niveaux ou dimensions vraiment différents de la réalité, dont la confusion est complètement injustifiée.

Si par "Réalité" vous entendez l'Esprit comme Fondement, alors aucune comparaison valide ne peut être établie, et ne reste que la recommandation de Wittgenstein : "Sur ce dont on ne peut pas parler, on doit rester silencieux".

Si par "Réalité sous-jacente" vous entendez la Totalité de tout ce qui est, alors évidemment la physique et la mystique sont des parties ou aspects de cette Totalité ; tout ce que vous avez fait est d'inventer une tautologie triviale. Je suis plutôt perversement favorable à la valeur de choc que cette tautologie a sur les scientifiques orthodoxes, mais malheureusement (et pourtant correctement), quand ils l'examinent de plus près, ils trouvent seulement des assertions scientifiques bidons à l'appui d'assertions censément mystiques, ce qui, sur le long terme, n'aide ni la science authentique ni la mystique authentique.

Finalement, si par "une Réalité sous-jacente" vous entendez explicitement l'Esprit, alors vous attribuez la qualité particulière "d'unicité" à l'Esprit, ce qui est exactement, comme nous l'avons vu, la manière de ne pas penser à l'Esprit. Et pourtant c'est usuellement cette attribution qui est au cœur du considérable succès des livres populaires sur "physique/mystique". Lorsqu'on demanda à Charles II d'expliquer la popularité d'un prédicateur plutôt obscur, il répondit "Je suppose que son non-sens convient à leur non-sens".

Avant que nous quittions ce sujet, laissez-moi donner un exemple concret pour rendre mes quelque peu difficiles distinctions sémantiques aussi claires que possible. Nous avons vu que chaque niveau dans la Grande Chaîne transcende mais inclut ses prédécesseurs, en sorte que le niveau 1 pourrait être représenté par A, le niveau 2 par A plus B, le niveau 3 par A plus B plus C, et ainsi de suite. Il y a plus de parallèles significatifs entre les niveaux 1 et 2, ou 2 et 3, ou 3 et 4, qu'il n'y en a entre, disons, 1 et 4 ou 1 et 5 — simplement parce que les premiers cas sont "plus proches" en termes de similitudes structurelles, et en nombre, de caractéristiques partagées. Mais ce que je veux souligner : la physique a passé au peigne fin le champ matériel (niveau 1) et trouvé quatre — et seulement quatre — grandes "forces" : gravitationnelle, électromagnétique, interaction nucléaire forte, et interaction nucléaire faible. En atteignant le niveau 2, soit les systèmes biologiques, ces quatre forces y exercent encore leurs effets, mais nous avons ajouté les forces de la faim, du désir sexuel, de la soif, des capacités motrices, plus d'autres pulsions plutôt élémentaires appelées communément instincts. Quand nous nous déplaçons dans le psychologique (niveau 3), nous ajoutons les forces ou motivations de la jalousie, de l'envie, de l'orgueil, de la culpabilité, des remords, de la justice, de l'art, de la moralité — pour n'en nommer que quelques unes. Et dans les champs spirituels (niveaux 4 et 5), nous avons les forces supplémentaires de l'amour universel, de la compassion, de la grâce, des fins dernières, de l'intuition radicale, des dix paramitas — pour n'en nommer aussi que vraiment quelques unes.

Maintenant c'est un type légitime d'entreprise que d'essayer d'isoler certains points communs entre toutes ces forces, mais vous pouvez déjà voir combien nous devons être extrêmement précautionneux dans une telle entreprise. Après tout, il n'y a (pour autant que nous sachions) que quatre forces opérant au niveau 1 ; en atteignant le niveau 5, nous avons ajouté des centaines, peut-être des milliers, de nouvelles et différentes forces opérantes, et quels que soient les parallèles que nous trouverons entre les quatre forces physiques et les centaines ou milliers de forces plus élevées, ils seront évidemment d'une variété la plus pauvrement imaginable. Je suis absolument en faveur de cette entreprise ; c'est simplement que tout effort que j'ai vu en cette direction (y compris la General System Theory) se révèle soit faux (i.e., basé sur des erreurs de catégorisation) soit trivial (i.e., des abstractions complètement désincarnées), et personnellement, je soupçonne que la plupart des parallèles authentiques (on les appelle "lois d'analogie") seront, comme j'ai dit, plutôt maigres.

Et, pour résumer, c'est ainsi la raison pour laquelle virtuellement tous les physiciens de ce livre ont conclu que, quelle que soit la manière dont vous découpiez la tarte ontologique, les découvertes de la physique moderne et du mysticisme ont vraiment peu en commun, à part la tautologie triviale qu'elles sont toutes des aspects différents d'une même réalité.

Mais — et je voudrais terminer sur cette note — tous les physiciens de ce livre étaient complètement en faveur du dialogue interdisciplinaire. Après avoir intensivement étudié tous leurs travaux pour cette anthologie, je crois personnellement qu'ils ne seraient pas d'accord avec virtuellement tous les livres populaires sur "physique-et-mystique", mais ils applaudiraient de tout cœur et encourageraient ces efforts pour faire face, disons, aux fondamentales questions quantiques de l'existence. Les individus de ce livre étaient des physiciens, mais ils étaient aussi des philosophes et des mystiques, et ils ne peuvent pas nous aider, mais nous inspirer, sur comment les découvertes de la physique peuvent entrer dans une vue du monde plus large ou globale. J'estime que, en dépit du fait (ou mieux à cause du fait) que leurs conclusions communes étaient que les domaines de la physique et de la mystique ont peu ou rien en commun, pourtant, quatre-vingt-dix pour cent de ce livre contient des idées et opinions engendrées précisément par le dialogue entre ces deux limites extrêmes de la Grande Chaîne de l'Être. Tout ceci, c'est ce que je crois, est exactement comme il se doit. Leur but était de trouver que la physique est compatible avec une vue du monde plus large ou mystique — ni confirmation ni preuve, mais simplement non contradictoire.
Dieu, pas Dieu, au bout du compte cela revient au même. Dieu est et n'est pas.

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