1. Révisions partielles : les papyrus juifs
Du fait de leur antiquité, on croyait les papyrus de la LXX plus authentiques que les témoins ultérieurs. Or, certains présentent, semble-t-il, des leçons secondaires, résultats d'une
hébraïsation du Vieux Grec. En fait, il convient d'être prudent : il est parfois difficile d'assigner à un papyrus une origine juive ou chrétienne. Il existe des
signes distinctifs (
traitement du tétragramme,
recours à des abréviations), mais ils ne sont pas infaillibles (C. H. Roberts, Manuscript, Society and Belief in Early Christian Egypt, Londres, 1979, p. 74-78). Par ailleurs, s'il présente un texte conforme à l'hébreu, un papyrus n'est pas pour autant « hébraïsé ». Il peut avoir seul conservé la leçon originale, perdue dans le reste de la tradition manuscrite. Selon P. W. Skehan, le P. 4QLXX Num (= R 803) a été révisé sur l'hébreu. En fait, il manifeste - J. W. Wevers l'a montré - des retouches littéraires et non hébraïsantes. D'après A. Vaccari, le P. Rylands gr. 458 du w siècle avant notre ère apporterait à la LXX des corrections qui concordent avec la recension lucianique. L'édition critique une fois établie, ce papyrus se révèle un témoin de la vieille LXX (J. W. Wevers, «The Use of the Versions for Text Criticism : the Septuagint », La Septuaginta, p. 20). Toutefois, une
révision hébraïsante peut être repérée dans les témoins suivants : 7Q 1 LXX Ex ( = R 805), le P.
Chester Beatty IX R 967) pour Ézéchiel, le P. Antinoopolis 8 pour les Proverbes R 928).
P. Katz et J. W. Wevers fournissent deux synthèses précieuses sur ces révisions et les travaux critiques qui leur sont consacrés. Ce dernier écrivait en 1968 à propos de 7Q1LXX Ex : « Le fragment est désespérément court ; pourtant, il augmente les preuves en faveur du fait suivant : déjà à une époque ancienne -
100 avant notre ère -,
le texte de la LXX a été retravaillé d'après le substrat hébreu » («Septuaginta Forschungen... », p. 47). Sans doute cette appréciation vaut-elle pour nombre d'autres papyrus. Ceux-ci manifestent deux types de corrections hébraïsantes. D'abord des interventions ponctuelles : pendant plus de trois siècles, le texte de la LXX a été copié par des scribes juifs ; le premier papyrus chrétien - le P. Yale 1 (= R 814) sur la Genèse -, date de la fin du 1er siècle de notre ère. Ces scribes étaient, en général, plus familiers de l'original hébreu que du texte grec qu'ils copiaient. Aussi leur arrivait-il de corriger inconsciemment le second d'après le premier. Ainsi s'explique le caractère irrégulier de ces corrections involontaires (J. W. Wevers, « Die Methode », Das Göttinger, p. 17). Mais il existe également dans les papyrus des modifications plus profondes ; elles répondent au souci de rendre le Vieux Grec plus conforme au texte hébreu proto-massorétique. L'entreprise du
groupe kaigé s'inscrit donc dans un faisceau d'initiatives
hébraïsantes. On se gardera de leur assigner un principe et une origine unifiés. Il s'agit plutôt de divers mouvements de réaction : « De telles modifications sporadiques correspondaient à la
tentative des Juifs, en lutte avec le christianisme naissant, de sauver la LXX pour leur propre compte vers 70 de notre ère. On dut bientôt recourir à des moyens plus radicaux : les révisions d'Aquila et de Symmaque» (P. Katz). L'auteur résume bien ici l'évolution des révisions juives mais les fait commencer à une date trop tardive : le phénomène semble antérieur et, à l'origine, extérieur à la polémique
antichrétienne.
En somme, la critique interne fait apparaître une activité de révision plus ancienne, diverse et complexe que la compilation origénienne ne le laisse supposer. La fixation d'un Canon juif à la fin du 1er siècle de notre ère relance et radicalise un mouvement presque aussi ancien que la transmission même du texte.
http://digilander.libero.it/domingo7/Septante.htm