Εὐκοπώτερόν ἐστιν κάμηλον διὰ τῆς τρυμαλιᾶς τῆς ῥαφίδος εἰσελθεῖν, ἢ πλούσιον εἰς τὴν βασιλείαν τοῦ θεοῦ εἰσελθεῖν.
L'apophtegme ne voulant pas dire grand chose, on sait par avance qu'un chameau ne passera pas à travers le chas d'une aiguille, les exégètes ont supposé que la version originale avait κάμιλος (kamilos), «la corde», au lieu de κάμηλος (kamelos), «le chameau». On a donc supposé que l'un des premier copiste avait écrit un hèta au lieu d'un iota. C'est intéressant, mais cela ne résout rien, si la corde est plus grosse que le chat de l'aiguille, on sait à nouveau par avance qu'elle ne passera pas à travers le chas de l'aiguille; on revient donc à la case départ.Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu.
Je vais partir du principe que Jésus parlait hébreu, il a donc dit:
Il est plus facile à un g-m-l de passer par le chas d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu.
Le traducteur aura supposé que la trilitère g-m-l (גמל) signifiait forcément «chameau». La trilitère g-m-l signifie aussi «faire du bien ou du mal», mais aussi «sevrer». Mais il s'agit de verbes dans les deux cas, et cela n'aide pas à la compréhension du sens.
Il doit donc exister une autre possibilité, c'est que la trilitère g-m-l est un hapax, dont le sens s'est perdu avec les siècles. Cette trilitère g-m-l est aussi le nom de la troisième lettre de l'alphabet hébreu gîmèl: ג.
Il existe plusieurs représentations du gimèl, dans le dessin suivant, nous allons montrer quelques représentations de cette lettre, des formes les plus anciennes à sa forme définitive encore en usage maintenant.
La première est en araméen impérial; la seconde est une forme intermédiaire entre l'araméen impérial et l'hébreu; la troisième et dernière est le gimèl dans sa forme hébraïque telle qu'elle sera en usage depuis –400 jusqu'à maintenant.
Gimèl signifie «chameau» et le nom de cette lettre lui fut donnée sur base de sa forme; en effet la forme évoque la tête, le long cou et les pattes avant de l'animal... Ce qui l'on peut comprendre en observant le gimel toujours en usage (la troisième lettre dans le tableau), mais c'est beaucoup moins clair avec les formes plus anciennes de cette lettre. La forme la plus ancienne qui ressemble à un «v» à l'envers ou à un lambda grec majuscule (Λ), notons d'ailleurs la similarité de la seconde lettre avec le lambda minuscule (λ), mais ce n'est pas le propos ici.
Nous avons dit que l'un des sens de la trilitère g-m-l était «faire le bien ou le mal»; or en regardant la première forme, on y voit bien la dualité, les deux pieds de la lettres allant chacun dans une direction opposée. Notons que nous avons une similitude avec les deux barres du «Y» pythagoricien qui exprime la nécessité de faire un choix entre la voie de gauche et la voie de droite, mais même s'il y a deux chemins il n'y a en qu'un qui fera de l'homme un homme divin, s'il consent à suivre les commandements de Pythagore. (Voir ci-dessous une gravure provenant du Champ Fleury de Geoffroy Tory (1529) qui est une représentation «moralisée» de la «lettre pythagorique».)
Venons-en à la résolution de l'énigme. La forme du gimel en araméen impérial (Λ) ressemble à un fil qui s'effiloche en une multitude de fils plus petits. Cette division d'un fil en une multitude de petits fils permet de comprendre le sens de la trilitère g-m-l qui signifie «faire le bien ou le mal», en plus un fil effiloché est difficile à faire rentrer par le chas d'une aiguille.
Le sens le plus probable de la phrase est alors:
Ce sens permet seul d'expliquer la phrase. Un fil effiloché peut, à force d'efforts, passer par le chas d'une aiguille, mais cela reste difficile, de même qu'on ne peut exclure qu'un riche puisse entrer dans le royaume de Dieu, même si c'est difficile. Alors qu'on sait parfaitement à la base que ni un chameau ni un câble ne passeront par le trou de l'aiguille.Il est plus facile de faire passer un fil effiloché par le chas d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu.