Certains voient dans cette parabole la destinée finale des uns et des autres. D'autres pensent que Jésus s'est appuyé sur l'imagerie populaire de ce temps et qu'il n'y a aucun enseignement à en tirer sur la condition des morts. Qui a raison ? Ni les uns ni les autres !
Je vais vous résumer ici l'excellent commentaire de Godet sur ce récit.
A suivre...Versets 19 à 31. La parabole du mauvais riche. Deux scènes, qui correspondent, trop exactement l’une à l’autre pour que cette corrélation ne soit pas l’idée même de la parabole. L’une se passe sur la terre (v. 19 à 22), l’autre dans l’Hadès (v. 23 à 31).
Versets 19 à 22. La scène terrestre. Elle comprend quatre tableaux : la vie du riche, v. 19, et celle du pauvre, v. 20-21 ; la mort du premier, v. 22a, et celle du second, v. 22b.
Verset 19. Le tableau de la vie de ce riche est tracé en deux traits : la magnificence des vêtements et les banquets journaliers.
Verset 20. Le personnage de Lazare n’est décrit que dans la mesure où ce qui le concerne peut servir à faire ressortir le vice de la conduite du riche et la justice de son châtiment.
Dans aucun autre cas Jésus n’a donné un nom aux personnages qui figurent dans ses paraboles. La vraie explication de ce fait unique se trouve sans doute dans le sens de ce nom lui-même qui provient du nom hébreu Eléazar abrégé dans le Talmud en Léazar et qui signifie : Dieu est mon aide. Par ce nom Jésus fait de cet homme le représentant des Juifs indigents et pieux, de ces aniim de l’A. T., qui supportent leur état de misère dans le calme de la confiance en Dieu, leur unique soutien.
Verset 21. Deux traits, qui sont le pendant des deux indiqués au v. 19) : la nudité du pauvre opposée à la toilette recherchée du riche ; le manque de nourriture et les miettes désirées, aux festins de l’autre.
Verset 22. Les deux morts :
On envisage ordinairement le sein d’Abraham comme désignant cette partie de l’Hadès ou du Schéol où étaient recueillis les justes de l’ancienne alliance, tandis que le riche se trouverait dans l’autre partie du même séjour réservé à ceux qui avaient mérité le châtiment divin.
Jésus-Christ a suivi dans ses enseignements, non les opinions des rabbins, — qui d’ailleurs sont postérieures à lui, au moins quant à la date de leur rédaction, — mais ceux de l’Ecriture. Or, quand il est dit des patriarches qu’ils furent recueillis vers leurs pères, il est bien certain que ce fut, d’après toute l’intuition scripturaire, dans le Schéol. Si l’on en pouvait douter, le récit de l’apparition de Samuel qui monte de la terre (1Sam.28) ne permet pas d’objection sur ce point. Il est parfaitement clair que dans notre récit même le séjour d’Abraham et celui du riche appartiennent au même domaine, puisqu’ils ne sont séparés que par un gouffre profond. Jamais, d’ailleurs, le ciel n’eût pu être appelé par Jésus le sein d’Abraham. Car ce terme désigne un lieu où Abraham occupe la place centrale, ce qui ne s’applique pas au ciel. Enfin le paradis, dont parle Jésus au brigand, n’est pas le ciel. Car Jésus dit, même après sa résurrection : « Je ne suis pas encore monté vers mon Père » (Jean.20.17). Il doit donc être placé dans l’Hadès. Il en est évidemment autrement du paradis dans le sens où en parlent Paul 2Cor.12.4 et l’Apocalypse.2.7. A ce moment-là, la glorification de Jésus avait apporté à l’état des choses dans la vie supérieure des changements que nous ne saurions mesurer.
A suivre...si nul méfait proprement dit n’est reproché au riche, son crime n’en est pas moins clairement signalé dans le tableau même de ce pauvre couché à sa porte et mourant là, sans qu’aucun soulagement efficace ait été apporté à son état ? Voilà le corps du délit. Tout contraste social entre le plus et le moins, soit sous le rapport de la fortune, soit sous celui de la force, de l’instruction, de la piété même, n’est permis, voulu de Dieu, qu’en vue de sa neutralisation par l’activité libre de l’homme. C’est une tâche proposée d’en-haut, le moyen de former ces liens d’amour qui doivent devenir notre trésor au ciel (12.33-34). Négliger cette occasion providentiellement offerte, c’est se préparer à soi-même un contraste analogue dans l’autre vie, contraste qui ne pourra pas plus être adouci pour nous que nous n’avons nous mêmes adouci celui d’ici-bas.
Quant à Lazare, la vraie raison de l’accueil qu’il reçoit dans le séjour futur, ce n’est pas sa pauvreté ; c’est celle qu’a signalée son nom : Dieu est mon aide ; c’est son humble abandon à la volonté de l’Eternel.
Versets 23 à 31. La scène d’outre-tombe contrastant doublement avec la scène terrestre. — Nous n’essayons pas de discerner, dans ce tableau, ce qui doit être pris au sens figuré ou au sens propre. Les réalités du monde supersensible ne peuvent être exprimées que par des figures ; seulement, comme on l’a dit, ces figures figurent quelque chose. Les couleurs paraissent presque toutes empruntées à la palette des rabbins ; mais la pensée qui s’enveloppe de ces images pour se rendre sensible, est en tout cas, comme nous le verrons, la pensée originale et personnelle de Jésus. — Des deux entretiens dont se compose cette scène, le premier se rapporte au sort du riche (v. 23-26), le second à celui de ses frères (v. 27-31).