Une poignée de gros cailloux a atterri sur la terrasse sans faire de mal à personne. Sauf, peut-être, à l’amour-propre de la propriétaire des lieux. Lalay a fait le tour des tables pour rassurer ses clients qui n’en avaient pas tellement besoin. Puis le musicien s’est remis à gratter les cordes de son oud, le chanteur a repris sa mélopée et la soirée a pu de nouveau s’étirer dans la fraîcheur d’Hargeisa, la capitale du Somaliland.
Dix minutes plus tôt, Lalay confiait que « la musique, on n’en joue pas tous les soirs ». Un moulinet de la main et le regard qui roule sur le quartier assoupi : « Les gens se plaindraient… »
Au Somaliland, petit pays autoproclamé indépendant du reste de la Somalie, bordé de la région du Puntland, de l’Ethiopie et de Djibouti, le conservatisme religieux rogne parfois les plaisirs du quotidien. Le Golfe est à moins de 200 km à vol d’oiseau, de l’autre côté de la mer. Une approche rigoriste de l’islam – salafisme ou wahhabisme, dit-on à voix basse en mélangeant les deux courants – étend son influence un peu plus chaque jour.
Voiles colorés contre niqab
« La majorité des gens ici sont salafistes maintenant, tranche sans nuance un chef d’entreprise qui, sur le sujet, préfère garder l’anonymat. Mais les salafistes ne sont ni au gouvernement, ni au top de l’économie. » Dans les locaux silencieux du Human Rights Center d’Hargeisa, Hana Abdisalaan tempère : « Dans le secteur privé, la plupart des businessmen sont des mollahs ou des cheikhs. Ils interpellent facilement les gens et peuvent influencer le gouvernement. » Le wahhabisme somalilandais s’évoque avec indifférence ou précaution. On fait avec. Dans la Corne de l’Afrique, les échanges avec le Golfe sont anciens, mais le soufisme somalilandais perd de plus en plus de terrain face un islam plus conservateur venu du Golfe.
Interdits par le régime du président Siad Barre, allié de l’Union soviétique dans les années 1970 puis des Etats-Unis dans les années 1980, les groupes religieux les plus conservateurs se sont battus aux côtés des rebelles. Après la destitution de Siad Barre et la proclamation d’indépendance du Somaliland en 1991, leur influence s’est amplifiée.
« Pendant des années, le pays a été dans le chaos, explique « RM », journaliste de formation qui souhaite aussi conserver l’anonymat. Les salafistes ont gagné du terrain dans les mosquées et les madrassas. » » Les écoles religieuses étant souvent mieux dotées que les établissements publics d’un Etat sans le sou, ceux qui en ont les moyens y envoient leurs enfants. Dans les années 2000, les combats en Somalie ont repoussé les milices islamistes vers le nord. Là, « elles ont trouvé une audience réceptive et mécontente de la relative stagnation du Somaliland, et surtout de l’incapacité du gouvernement à fournir les services de base : la santé et l’éducation », analyse un rapport de l’International Crisis Group.
Les tenants du wahhabisme sont plus organisés que leurs détracteurs et s’infiltrent dans les failles béantes d’un Etat liliputien, concentré sur ses devoirs régaliens. A la sortie de la capitale, en direction de la côte, la route longe une énorme école, symbole de ces relations particulières avec le Golfe. D’un côté les filles, de l’autre les garçons et la mosquée. Le complexe a été financé par le Koweit et construit selon des normes architecturales du petit Etat de la péninsule Arabique. « Des islamistes bien connectés avec des organisations caritatives ont offert une éducation financée et organisée ainsi que des services sociaux que les soufis, plus pauvres et repliés sur eux-mêmes, ne pouvaient fournir », affirme l’International Crisis Group. Parmi les plus actifs dans l’éducation et les affaires, on trouve Al-Islah, l’équivalent local des Frères musulmans, et Al-Itiscam, d’obédiance salafiste. Avec 75 % de la population au chômage, certains discours font mouche. Dans les rues de la capitale, les voiles colorés des femmes laissent de plus en plus place au niqab noir. Les hommes optent souvent pour le kamis. Plus inquiétant, admet-on dans les couloirs ministériels, beaucoup des chefs des milices islamistes chababs qui terrorisent le Sud somalien sont originaires du Somaliland.
Au Somaliland, un islam rigoriste gagne du terrain
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- Yoel
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Ecrit le 14 janv.16, 09:44L'Angleterre est un cloaque. L'Angleterre est le vivier fertile des fondamentalistes musulmans. Son raisonnement social est de permettre a toutes les religions de prêcher ouvertement. Mais cela est déraisonnable puisque aucune des autres religions ne prêchent la violence apocalyptique. Pourtant, l'Angleterre le permet...-Wole Soyinka
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